5
Le bûcher de Jacques de Molay était à peine refroidi que s’engageait une vive polémique sur les Templiers. La légende commençait. Elle trouva un écho tout particulier en Allemagne et en Angleterre avec les Francs-Maçons. LA FRANC-MACONNERIE ET LES TEMPLIERS Vers le milieu du XVII e siècle, se créèrent en Ecosse et au sud de l’Angleterre des associations entre des ouvriers du bâtiment ( des maçons) et des non-artisans. De ces groupes constitués naquirent les premières loges de Franc-Maçonneries. Il est intéressant de noter que, parmi les membres de ces premières loges, se trouvait Elia Ashmole, savant connu pour l’intérêt qu’il portait à l’histoire des templiers. Un attachement compréhensible pour cet érudit, historien de l’ordre de la Jarretière. Ce fut aussi l’un des premiers « non artisan » à devenir membre d’une loge maçonnique dés 1646. Car il y avait en Ashmole un mélange d’intérêt pour les sujets scientifiques, il était membre de la Royal Society de Londres, et goût pour les questions hermétiques et ésotériques comme les prétendus secrets des Roses Croix, proches des alchimistes, succédant en cela à Isaac Newton lui même, qui partageait de tel intérêts. S’il y a un lien connu entre les loges maçonniques de « non-artisanats » en Angleterre et les ordres de chevalerie (existant ou ayant existé),il n’y a pas non plus de référence aux ordres de chevalerie dans la constitution des premières loges Britanniques. On trouvait une prédominance des aristocrates dans les premières loges maçonniques à la fois en Angleterre et en France. Même s’ils appartenaient à un ordre de chevalerie, ils étaient acceptés comme simples membres, sans titre particulier, dans les rites maçonniques.

LA FRANC-MACONNERIE ET LES TEMPLIERS · Des prétendus secrets mystiques auraient été recueillis, prétendait-on ,par les hamoines de l’église du Saint-Sépulcre-de-Jérusalem,

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: LA FRANC-MACONNERIE ET LES TEMPLIERS · Des prétendus secrets mystiques auraient été recueillis, prétendait-on ,par les hamoines de l’église du Saint-Sépulcre-de-Jérusalem,

Le bûcher de Jacques de Molay était à peine refroidi que s’engageait une vive polémique sur les Templiers. La légende commençait. Elle trouva un écho tout particulier en Allemagne et en Angleterre avec les Francs-Maçons. LA FRANC-MACONNERIE ET LES TEMPLIERS Vers le milieu du XVII e siècle, se créèrent en Ecosse et au sud de l’Angleterre des associations entre des ouvriers du bâtiment ( des maçons) et des non-artisans. De ces groupes constitués naquirent les premières loges de Franc-Maçonneries. Il est intéressant de noter que, parmi les membres de ces premières loges, se trouvait Elia Ashmole, savant connu pour l’intérêt qu’il portait à l’histoire des templiers. Un attachement compréhensible pour cet érudit, historien de l’ordre de la Jarretière. Ce fut aussi l’un des premiers « non artisan » à devenir membre d’une loge maçonnique dés 1646. Car il y avait en Ashmole un mélange d’intérêt pour les sujets scientifiques, il était membre de la Royal Society de Londres, et goût pour les questions hermétiques et ésotériques comme les prétendus secrets des Roses Croix, proches des alchimistes, succédant en cela à Isaac Newton lui même, qui partageait de tel intérêts. S’il y a un lien connu entre les loges maçonniques de « non-artisanats » en Angleterre et les ordres de chevalerie (existant ou ayant existé),il n’y a pas non plus de référence aux ordres de chevalerie dans la constitution des premières loges Britanniques. On trouvait une prédominance des aristocrates dans les premières loges maçonniques à la fois en Angleterre et en France. Même s’ils appartenaient à un ordre de chevalerie, ils étaient acceptés comme simples membres, sans titre particulier, dans les rites maçonniques.

Page 2: LA FRANC-MACONNERIE ET LES TEMPLIERS · Des prétendus secrets mystiques auraient été recueillis, prétendait-on ,par les hamoines de l’église du Saint-Sépulcre-de-Jérusalem,

Les premières mentions de maçons désireux que leurs loges soient reconnues comme issues de la chevalerie datent de 1730 et viennent de France. Mais le premier document qui relie la franc-maçonnerie aux idées de chevalerie est un écrit, habituellement qualifié de « discourt », mais qui aurait pu être plus opportunément appelé pamphlet, prononcé par le chevalier Ramsay. Ecossais d’origine modeste, Ramsay était devenu secrétaire et exécuteur testamentaire du grand écrivain et homme politique Français François Fénelon, en 1736. Il avait été fait chevalier de l’Ordre de Saint Lazare et avait participé brièvement à la mouvance Franc-maçonne. Il n’en était plus membre à l’époque où son « discours » fut publié. Pour lui la franc-maçonnerie ne descendait pas d’humble artisans, mais avait pour origine des chevaliers croisés « princes religieux et guerriers qui souhaitaient éclairer, édifier et reconstruire les temples vivants du très haut ». Ramsay ne faisait aucune allusion à un ordre religieux et militaire spécifique, et certainement pas aux templiers, mais son pamphlet et la réponse à une demande. D’ailleurs, les relations de Ramsay étaient fort distinguées. Les loges Maçonniques liés à la chevalerie furent probablement crées en France, mais c’est an Allemagne qu’elles de développèrent avec le plus d’exubérance, là où furent conçus les mythes les plus extravagants. Le plus important de ceux-ci fut le templarisme, basé sur l’idée que l’ordre médiéval du temple avait été détenteur d’une « illumination « spirituelle secrète éventuellement issue ( selon un version )de la secte juive des esséniens. Des prétendus secrets mystiques auraient été recueillis, prétendait-on ,par les hamoines de l’église du Saint-Sépulcre-de-Jérusalem, et de là seraient passés aux Grands Maîtres du Temple. Jacques de Molay, exécuté pour hérésie en 1314,était supposé avoir transmis à son neveu, le comte de Beaujeu, la veille de son exécution, les secrets de l’ordre du Temple, avec la couronne du royaume de Jérusalem et le candélabre à sept branches, volés jadis par l’empereur Titus au Temple de Jérusalem ainsi que les quatre évangélistes dorés de l’église du Saint-Sépulcre. Une autre version du mythe suppose que les secrets de l’ordre du Temple, après la mort de Jacques de Molay, furent transportés par des Templiers exilés en Ecosse. C’est sur cette base d’histoires aussi invraisemblable, qu’un grand nombre de loges maçonniques furent cependant établie. L’émergence de loges maçonniques du Temple eut lieu en même temps que celle des hauts grades dans la franc-maçonnerie. La majorité des loges suivait le « rite écossais » bien que cette appellation n’ait aucun rapport avec le lieu géographique, pas plus qu’elle n’avait de relation avec l’exil écossais des Templiers proscrits avec le trésor et la doctrine secrète. Les nouvelles tendances de la franc-maçonnerie représentées par le templarisme témoignaient d’une soif insatiable pour le genre d’illumination théosophique mais aussi de cet attrait pour les sociétés secrètes qui conféraient à leurs membres une sorte de noblesse. Certes, de nombreux membres des loges franc-maçonnes européennes étaient aristocrates, mais certains d’entre eux aspiraient à des titres plus distinctifs. En même temps d’autres, sans titre, souhaitaient passionnément acquérir une sorte de noblesse au sein des loges, même s’il ne pouvait s’en flatter ailleurs.

Page 3: LA FRANC-MACONNERIE ET LES TEMPLIERS · Des prétendus secrets mystiques auraient été recueillis, prétendait-on ,par les hamoines de l’église du Saint-Sépulcre-de-Jérusalem,

Enfin , il y avait surtout une compétition entre les dynasties européennes régnantes pour exercer une influence ou même contrôler les loges franc – maçonnes considérées comme levier social et un lieu de propagande dynastique. Les loges du temple jouaient leur rôle, comme la plupart des loges écossaises, bien que de toute évidence, la relation historique de la monarchie française avec la suppression des Templiers fit que les loges templières offraient peu d’intérêt politique en France. Il serait aussi irréaliste de ne pas prendre en considération l’aspect financier qui entrait dans la création des nouveaux systèmes de franc-maçonnerie liés à la chevalerie. Les droits pour l’attribution des grades, les banquets et les admissions aux nouvelles loges du Temple représentaient de substantiels revenus pour ceux qui patronnaient une loge. Certains dirigeants du templarisme allemand ,comme Karl Gotthelf von Hund, étaient des aristocrates idéalistes n’ hésitant pas à investir toute leur fortune dans une organisation de franc – maçonnerie qui les fascinait. Von Hund avait créé l’ordre de la « Stricte Observance », organisation supposée être dirigés par des « supérieurs inconnus » ne pouvant être révélés. Dans les années 1760, elle ne fut pas loin de dominer la franc –maçonnerie allemande. D’autre dignitaires Templiers étaient des aventuriers sans scrupule produisant des documents « secret », prétendument médiévaux, vendant rangs et degrés aux dépens de noble allemand crédules. Mais ils cédaient aussi un statut aux gens du commun. Pourtant ,il y avait également dans le templarisme des personnes qui se situaient entre ces deux extrêmes du vulgaire charlatanisme et du noble patronage : l’un d’eux fut un pasteur protestant de talent, John August Starck, qui aspirait à une plus grande ritualisation et cherchait le secret de l’illumination avec le même enthousiasme possessionnel dont Von Hund avait fait preuve quelques années plus tôt. Starck, lui aussi, créa un nouveau templarisme plus clérical et moins noble, les « Clercs du Temple », d’une culture plus large et plus intellectuelle que celle de Von Hund. Cependant, il y avait dans les rites élaborés par Starck certains éléments insistant sur l’aspect ésotérique du mythe du Temple (par exemple, l’adoration par les Templiers maçonniques de l’idole « Bahomet » copiée sur l’image du Bahomet mentionné dans le procès des Templiers médiévaux anticipant l’occultisme) qui devaient dominer le néotemplarisme dans la seconde moitié du XIXe siècle. Pour en finir, la dernière manifestation du templarisme allemand intervient en 1782,lors de la conférence de l’ordre de la Stricte Observance à Willemstad, près de Hanau ( Hesse). L’ordre était à ce moment –là passé sous le contrôle de deux aristocrates, Ferdinant de Brunswick et Carl de Hesse, bien loin du fanatisme du fondateur de l’ordre, Hund. L’objet de la conférence avait pour but d’éclaircir la nature du templarisme moderneet, en particulier, de décider si l’ordre de la Stricte Observance était le légitime successeur de l’ordre médiéval du Temple. Enfin ,il s’agissait de déterminer si des idées telles que la direction par des « supérieurs inconnus » avaient une réelle signification symbolique. La conférence était largement européenne et fut suivie, outre les trente-cinq délégations de diverses provinces allemande, par des délégations venant d’Italie, de Russie, du Danemark, de Hollande,. Elle était tenue par des Catholiques, des protestants et, à un moindre degré, des participants orthodoxes. Ses membres représentaient de nombreuses tendances maçonniques, y compris les « Illuminés bavarois » qui devaient, peu après, conquérir une brève prééminence politique dans la mythologie de la théorie de la conspiration.

Page 4: LA FRANC-MACONNERIE ET LES TEMPLIERS · Des prétendus secrets mystiques auraient été recueillis, prétendait-on ,par les hamoines de l’église du Saint-Sépulcre-de-Jérusalem,

La conférence de willelmsbad conduisait à la dissolution de l’ordre de la Stricte Observance. Les mystères successivement dévoilés de l’Ordre n’avaient apporté que des rituels ennuyeux. Les alchimistes n’avaient fait aucune découverte, les biens des Templiers ne seraient jamais retrouvés. Personne ne s’attendait plus à voir identifier les « supérieurs inconnus ». A la fin de la réunion, on décida qu’il n’avait pas été prouvé que l’ordre de la Stricte Observance était la légitime successeur de l’ordre médiéval du Temple. Mais cette conférence mit aussi fin à la période du templarisme maçonnique dans lequel on avait imaginé que la noblesse pourrait cohabiter avec des éléments bourgeois au sein de la franc-maçonnerie. La période révolutionnaire devait rendre la survivance impossible du templarisme en Europe continentale, du moins dans la forme qu’elle avait adoptée jusqu’à là. L’avenir de ce genre d’idéologie appartenait à un conservatisme radical comme le mo,tra le jeune Joseph de Maistre . Dans un questionnaire fourni par Carl Hess avant la conférence de Wilhelmsbad, il déclara que la disparition ne devait pas être regrettée : « Le fanatisme les a créés, la cupidité les a perdus, c’est tout ce que l’on peut en dire.

Page 5: LA FRANC-MACONNERIE ET LES TEMPLIERS · Des prétendus secrets mystiques auraient été recueillis, prétendait-on ,par les hamoines de l’église du Saint-Sépulcre-de-Jérusalem,