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La Géographie active by Pierre George; Raymond Guglielmo; Bernard Kayser; Yves Lacoste Review by: Raymond Ledrut Cahiers Internationaux de Sociologie, NOUVELLE SÉRIE, Vol. 41 (Juillet-décembre 1966), pp. 174-177 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40689379 . Accessed: 12/06/2014 15:50 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers Internationaux de Sociologie. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.208 on Thu, 12 Jun 2014 15:50:17 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

La Géographie activeby Pierre George; Raymond Guglielmo; Bernard Kayser; Yves Lacoste

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La Géographie active by Pierre George; Raymond Guglielmo; Bernard Kayser; Yves LacosteReview by: Raymond LedrutCahiers Internationaux de Sociologie, NOUVELLE SÉRIE, Vol. 41 (Juillet-décembre 1966), pp.174-177Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40689379 .

Accessed: 12/06/2014 15:50

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Pierre George, Raymond Guglielmo, Bernard Kayser, Yves Lacoste, La Géographie active. Presses Universitaires de France, 1964, 394 p. Dans un monde en croissance rapide où la société ne peut se contenter du

< laissez faire », cet ouvrage vient à son heure. Il constitue une affirmation énergique du rôle de la géographie dans les tentatives de contrôle plus rationnel de l'existence sociale, qui se traduisent par les plans et les programmes, par les diverses formes d'aménagement et d'organisation active propres aux sociétés contemporaines.

Au seuil de l'ouvrage, Pierre George exprime avec netteté une intention qui est peut-être la principale de ce livre : « la géographie est une science humaine ». Tous les géographes ne souscriront sans doute pas à cette formule sans ambiguïté et trouveront que l'existence d'une géographie humaine ne suffit pas à constituer la géographie en une discipline « anthropocentrique » qui s'attache essentiellement à l'homme. Le sociologue quant à lui se réjouira que la géographie prenne pour objet spécifique les rapports entre « les collec- tivités humaines » et le milieu, parce qu'elle est une « science de l'espace en fonction de ce qu'il offre ou apporte aux hommes » (p. 11).

La géographie devient alors la science des « situations », chaque situation étant « fondamentalement caractérisée par la totalité des données et facteurs spécifiques d'une portion d'espace qui est, sauf dans les cas limites de marges inoccupées par l'homme, un espace aménagé, un héritage, c'est-à-dire un espace naturel humanisé » (p. 17). Elle est active et non contemplative parce qu'elle analyse une situation dans le seul but de la dépasser, c'est- à dire de créer. Son objet est « de percevoir les tendances et les perspectives d'évolution à court terme, de mesurer en intensité et en projection spatiale les rapports entre les tendances de développement et leurs antagonistes, de définir et d'évaluer les freins et les obstacles » (p. 25).

Cette géographie active a devant elle, avec ce programme, un bel avenir de combats, de drames et de péripéties diverses. Pour faire quelque chose il faudra qu'elle se fasse elle-même avec plus de fermeté encore que par le passé. Elle sort de sa préhistoire et les grandes œuvres qui l'ont annoncée n'allaient pas jusqu'où elle veut arriver. Il est probable qu'elle se déterminera en s'ajus- tant non seulement à ses fins propres mais aussi à celles des autres « sciences humaines ». Elle peut d'ailleurs de cette façon aider les autres sciences à se définir. Avec cet ouvrage et l'école dont il est la déclaration de guerre et que Pierre George mène résolument à la bataille, la géographie pénètre sur le terrain où le dialogue est possible. On entre dans le < conflit- coopération » indispensable au progrès des sciences humaines.

Prétendant être la « seule géographie », elle ne manquera pas de trouver une géographie peu disposée à cesser d'être « descriptive et enumerativo ». En se voulant science « synthétique » et pratique, elle relaie l'impérialisme sociologique et ne sera pas mieux accueillie par les économistes ou les démo- graphes. Que diront Ie3 sociologues en voyant que la géographie active doit déterminer des « systématiques » par « la méthode comparative », mais aussi que la sociologie a pour objet « le comportement d'un groupe placé dans un contexte concret mais non spatialisé, et se borne à l'étude exhaustive de petits nombres ou d'échantillons prélevés par sondage » (p. 16) ? On leur enlève la tâche que Comte et Durkheim leur avaient donnée, et on les réduit à la fonction auxiliaire et subalterne des « faiseurs d'enquêtes ».

Il serait absurde que les sciences sociales dites « abstraites » s'effarouchent de voir la géographie prétendre à son tour à la synthèse et à l'abstraction. La typologie et la systématisation géographiques sont indispensables au développement des sciences humaines. La synthèse et l'abstraction ont un contenu d'autant plus positif et réaliste que la science se veut agissante, pratique. Alors l'effort de prévision rend impossible tout formalisme et oriente vers des schemes qui méritent bien le nom de scientifiques. Vouloir maintenir

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la géographie au niveau descriptif serait vouloir lui interdire de se faire science. Pourquoi ne lui arriverait-il pas ce qui est advenu à l'histoire naturelle ? En quoi les autres disciplines ont-elles eu à se plaindre ? L'essentiel n'est pas de maintenir des territoires réservés et protégés mais de travailler à une œuvre commune. Il reste à savoir quelle synthèse, quelle systématique, quelle expli- cation, quelle pratique poursuit la géographie active.

Les chapitres destinés à illustrer la déclaration des droits de la géographie active, faite dans le chapitre I, montrent bien tout ce que pourra faire cette géographie, tout ce qu'on doit en attendre, tout ce qu'elle peut apporter sans leur nuire aux autres disciplines. Sans doute il ne s'agit pas encore de recherches approfondies et souvent on trouve, plus que des programmes d'études, un rappel des études déjà effectuées. Cependant l'objet se définit, les possibilités d'action apparaissent et nombre de faits et d'idées surgissent également page après page. De toute évidence, les points forts de la géographie active sont : la ville, la région, le sous-développement, la répartition des activités. Elle y rencontre vigoureusement et fructueusement deux autres disciplines : l'éco- nomie et la sociologie, attirées elles aussi par ces objets, problématiques au sens théorique comme au sens pratique. Là il y a des aspirations et des obstacles, là l'humanité se pose les problèmes qu'elle peut résoudre ! Ces problèmes qui se nomment aujourd'hui : urbanisme, aménagement, développement, ajus- tement, organisation...

Ce que nous apporte a la critique géographique du développement urbain », faite par Pierre George, c'est bien une perspective dynamique et dialectique sur la ville, qui touche directement les problèmes présents de l'urbanisme et de la planification urbaine. Elle montre « l'inadaptation des villes existantes aux activités actuelles », elle met en rapport les besoins avec les obstacles, elle souligne les décalages et les distorsions de l'évolution. Une des plus importantes contradictions consiste bien en ceci : « Tout s'est passé comme si on persistait à faire une agglomération à l'échelle du piéton alors que le principal problème à résoudre est précisément celui de l'adaptation des villes à la circulation moderne ! » (p. 285). D'autres choix sont bien marqués ; au sujet de la cité résidentielle par exemple, dont l'auteur souligne les trois possibilités de déve- loppement : « partie intégrante de la ville, élément organisé ou milieu auto- nome » (p. 290). Dans tout ce que propose P. George, il y a des objectifs pluri- disciplinaires. L'orientation dynamique et dialectique doit être celle de toutes les sciences sociales, mais une seule ne peut prétendre saisir systématiquement la vie urbaine et insérer chaque cas dans cette systématique. D'une part, la critique de Pierre George peut être prise en compte par toutes les sciences humaines et rapproche sur le terrain le géographe du sociologue, et, d'autre part, l'œuvre elle-même ne peut être que commune. C'est que, dans ce chapitre, la perspective géographique se détermine avec une extrême précision par l'attachement à la localisation. Dans le zoning propre à l'aménagement, c'est le « choix des emplacements » fondé sur « la qualification minutieuse de l'espace à urbaniser » (p. 299), qui est le domaine privilégié d'intervention du géographe. Cette synthèse géographique « prospective et active » se lie immédiatement et directement à la synthèse sociologique qui s'attache, elle, aux a unités collec- tives », à l'organisation sociale et au système des besoins, des comportements et des représentations.

Des conclusions du même ordre se dégagent irrésistiblement des analyses de Lacoste sur les perspectives de la géographie active en pays sous-développés, de Kayser et George sur la géographie de la région, et de Guglielmo sur la géographie de l'industrie et de la consommation. Lacoste, dont on connaît les remarquables études sur les pays sous-développés, fait la synthèse des freins et des obstacles, examine la désarticulation économique et les processus de blocage d'une façon qui n'est pas spécifiquement géographique et appartient à la t science sociale » tout court. Il détermine les situations de sous-dévelop-

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pement (p. 82 à 103) à partir de diagrammes de corrélation, selon une méthode que ne désavoueraient ni l'économiste ni le sociologue et qui constitue un apport à la « science sociale du développement » en dehors de toute spécification disci- plinaire. En revanche l'étude des types de régions en pays sous-développé est bien géographique. De même, tout ce qui concerne le rôle de la « micro-analyse » ainsi que la localisation des unités de base dans l'organisation du développement.

Le propos de Kayser se rattache à une longue tradition géographique : celle des études régionales, mais, de façon originale et heureuse, libère la géographie d'une perspective étroitement monographique et statique. Pour l'auteur en effet, la région « est le résultat d'une association de facteurs actifs et passifs d'intensités variables, dont la dynamique propre est à l'origine des équilibres internes et de la projection spatiale » (p. 307). L'analyse de cet « espace polarisé » qu'est la région devrait se dérouler selon un programme ambitieux mais légitime, à cinq rubriques principales : « la population... ; les ressources et leur utilisation ; la consommation ; les relations extérieures ; la structure géographique ». Kayser définit ici ce qui devrait être et ce que sera peut-être demain la mission des « observatoires régionaux », capables d'accumuler des données régionales et d'indiquer la conjoncture. Quant aux méthodes, Kayser donne équitablement leur place et leur part aux quatre grandes disciplines : géographie, démographie, sociologie, économie, dans un tableau fort par- lant (p. 336). Il n'en considère pas moins que le géographe « rompu à l'examen des phénomènes de convergence... possède cette « vocation de synthèse » qui devrait en faire l'animateur et le responsable des études régionales » (p. 341) et qu'il doit jouer un rôle de premier plan dans l'intervention au niveau régional, dans la « politique » régionale. Nous ne discuterons pas cette préséance que bien des économistes, des psychologues sociaux, des démographes et... des sociologues contesteront I Tout dépend de ce qu'on entend par politique et de quelle synthèse prospective, c'est-à-dire politique, il s'agit I

On nous reprochera peut-être de chicaner inutilement ; pourtant tout le problème est là ! Il n'y a pas de synthèse concrète et pratique qui ne soit orientée, et ceci tout particulièrement dans le cas de la géographie active. Que le géographe soit un expert eminent, capable plus qu'un autre de saisir un ensemble humain spatialement individualisé, nul n'en saurait douter. Que cela soit fort utile pour agir sur les hommes en ajustant les diverses données géogra- phiques, en modelant l'espace, comment le nier ! Il reste à savoir s'il n'y a pas d'autres synthèses et d'autres pratiques. Une synthèse orientée tout autrement est celle qui s'attache aux unités collectives, aux groupes, et qui ne les voit pas seulement comme des objets, mais comme des sujets,

II y a une équivoque de la planification et des rapports des sciences sociales avec la planification. Le livre passionnant que nous offrent Pierre George et 3es amis ne lève pas cette équivoque. Revendiquer l'existence et l'autonomie d'une géographie active c'est reconnaître la possibilité de l'action sociale, c'est-à-dire de l'action que les sociétés peuvent avoir consciemment sur elles- mêmes. Les auteurs de la géographie active sont dans ce livre un peu trop discrets sur les rapports de leur discipline à l'action sociale. Les références aux divers modes de cette action sont assez brèves, et les relations avec la plani- fication assez peu déterminées.

La géographie active doit, et peut, contribuer à rationaliser l'existence sociale. Mais de quelle rationalité s'agit-il ? Celle des moindres coûts ? Celle des besoins ? Elle doit aider au développement, mais à quel développement ? Les problèmes de l'action sociale ne sont pas des problèmes où l'on puisse dissocier fins et moyens. Il n'y a pas d'un côté des choix politiques, et de l'autre des conditions techniques. La synthèse géographique se veut-elle technique ? Dans ce cas elle invite à une synthèse plus large. L'action sociale est en effet celle par laquelle une société en situation se modifie consciemment. Elle inclut donc technique et politique et fait appel à une science qui est

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conscience. La géographie active, comme toutes les autres disciplines sociales, est guettée par le technicisme et la technocratie. Le goût de l'efficacité risque de la mettre à la merci d'agents sociaux embarrassés qui cherchent bien souvent des recettes, quand ce n'est pas une caution.

Une synthèse, une systématique, une typologie proprement géographiques appellent des synthèses, des systématiques et des typologies d'une autre nature, qui ne soient pas déterminées par rapport à des « situations » concrètes mais soient élaborées selon d'autres règles. La géographie active exige le déve- loppement des autres sciences sociales et les oblige à s'assurer de leurs fonde- ments. Ce n'est pas là le moindre mérite de l'ouvrage de l'équipe animée par Pierre George. Ce livre, qu'il faut prendre comme un manifeste, ouvre des voies nouvelles aux sciences sociales en les contraignant à définir leurs rapports à l'action sociale, et par là les liens réels qui doivent les unir les unes aux autres.

C. N. R. S. R. Ledrut.

Robert Mandrou, De la culture populaire aux XVIIe et XVIIIe siècles. La Bibliothèque bleue de Troues, Paris, Stock, 1964, 222 p. Cette recherche sur la culture populaire sous l'Ancien Régime illustre la

fécondité du dialogue que Georges Gurvitch souhaitait voir s'instituer entre l'histoire et la sociologie. Le domaine que l'on se propose d'étudier, la mentalité des milieux populaires aux xvne et xvme siècles, est d'un accès difficile ; la littérature de colportage, qui constituerait la meilleure information d'ensemble, ne nous est parvenue que fragmentairement, et la plupart de ces recueils à bon marché, destinés à être lus à la veillée, ont été égarés. C'est donc un sondage qui nous est proposé, portant sur 450 titres de livrets imprimés à Troyes à partir du xvne siècle et l'inventaire systématique de leur contenu.

L'examen de ces thèmes, féeries, fragments épiques, almanachs, vies de saints, évocations de crimes, récits historiques, suggère incessamment au lecteur une comparaison entre cette culture populaire et la culture de masse actuelle. Dans une période où les conflits sociaux deviennent de plus en plus apparents, on ne trouve rien, dans cette vaste littérature, qui évoque les tensions sociales de l'époque : sans doute la misère est-elle évoquée, la vie de cour condamnée, mais ce n'est qu'incidemment ; Tordre social n'est ni justifié, ni glorifié, mais il reste indiscuté et tacitement accepté. Cette littérature ne vise pas non plus à l'amélioration du travail quotidien ; la part de la technologie, de la connaissance des métiers et du monde, est infime comparée à l'importance des contes ou des récits religieux. Littérature d'évasion, la littérature de colportage distrait de l'âpreté du réel et superpose à l'expérience quotidienne toutes les formes du surnaturel. A part quelques nuances non négligeables, elle constitue, à sa mesure, une école de conformisme : parmi les titres inven- toriés, plus du quart sont consacrés à des ouvrages de piété, cantiques, caté- chismes ou vies de saints. Encore ne trouve- t-on pas dans ces ouvrages pieux d'indications sur les grands débats théologiques qui ont bouleversé l'Église ni même de discussions sur la Réforme ; la piété qui est proposée est faite d'obéis- sance, et la croyance est surtout soutenue par le témoignage miraculaire. On serait tenté de croire qu'une telle morale était imposée et qu'une censure interdisait toute audace. Mais rien n'autorise cette conclusion : ces publi- cations échappaient à une censure directe et, si une certaine prudence lenitive des éditeurs intervenait, on doit plus justement penser que les goûts du public orientaient les ventes et par là le choix des éditeurs.

Dès lors peut-on se demander si la littérature de colportage exprime toute l'étendue de la sensibilité populaire ou seulement un aspect partiel ? Car les événements révolutionnaires montreront des possibilités de violence et de contestation qui ne sont pas annoncées au niveau de cette littérature. Mais

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