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LA PERSONNALITÉ SUPERFICIELLE La personnalité superficielle se compose de toute la sphère psycho-physique. C'est cette personnalité dont parle la psychologie, un produit de l'hérédité et de l'environnement. Tu es jeune ou âgé, laid ou beau, intelligent ou moins doué. Tu as un certain tempérament et un certain caractère: tu es agréable ou désagréable, paisible ou colérique, doux ou agressif... Mais tout ceci n'est qu'une collection de clichés créés par toi-même ou ton entourage. Ceux qui décrivent ta personnalité à l'aide de tels clichés te considèrent comme un numéro dans une collectivité. Ils te comparent à d'autres. Tu as un quotient intellectuel déterminé parce que tu as pu résoudre certains problèmes et que tu as échoué devant d'autres. C'est pourquoi tu es plus ou moins intelligent que la plupart de tes camarades. Cette personnalité se trouve décrite sur une fiche qu'on peut extraire par un ordinateur. Presque tout ce que l'homme fait a pour but d'alimenter cette personnalité superficielle. Il essaie d'améliorer son apparence tant physique que psychique. Il fait briller la paroi externe. A peine a-t-il le temps de penser à la vie à l'intérieur de la maison, à la vie profonde. Toute son énergie est occupée à brosser et repeindre la façade. L'existence est répétition sans fin. Peut-on appeler cela vivre? Il n'existe pas d'autre chemin vers la vie que d'en finir avec cette identité trompeuse. Tu n'es pas identique à ces clichés. Ces clichés constituent certes des qualités qui disent quelque chose de toi. Ton corps et ta psychologie sont des réalités. Mais ils ne sont pas la réalité essentielle, de même que la façade n'est pas l'essentiel d'une maison. Dès que tu commences à comprendre qu'au fond tu n'as pas la personnalité que les autres t'attribuent, tu n'as plus besoin d'en prendre la défense. Elle est dépourvue d'intérêt. Tu n'as plus besoin de jouer de doubles rôles. Si quelqu'un t'attaque, ses coups ne rencontrent que le vide. Tu n'es pas là où il frappe. Il attaque l'homme extérieur, mais tu es homme intérieur (2 Co 4, 16). N'est-ce pas aussi œ que Jésus veut dire quand il déclare: « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l'âme 1/ (Mt 10, 28) ? L'étonnant c'est que moins tu te soucies de ta « personnalité », mieux elle se porte. Moins tu penses expressément à toutes tes qualités, plus elles jaillissent spontanément des profondeurs. Elles sont alors plus naturelles, plus pures, plus vraies. Et encore: moins tu t'identifies toi-même avec ta « personnalité D, moins tu identifieras les autres avec leur «personnalité D, œ qui entraînera automatiquement une diminution notable des conflits. Nous nous plaignons parfois d'être exploités par les autres. Mais nous ne remarquons pas que le vrai tyran qui nous exploite demeure en nous-même. Il faut donc découvrir la véritable cause de la crise, à savoir le fait que nous nous identifions avec notre moi superficiel. Nous croyons n'être que cette paroi externe et c'est pourquoi nous investissons toute notre énergie pour la bâtir et la protéger. Mais au lieu d'améliorer notre extérieur nous le dégradons, puisque nous l'obligeons à jouer un rôle au lieu d'être l'expression d'une réalité profonde. L'extérieur n'a droit à l'existence qu'à cause de l'intérieur. Une grande quantité d'énergie se trouve libérée à l'instant même où nous saisissons cela. Mais bien que ce soit une libération de comprendre qu'on n'est pas celui que l'on croyait être, quelque chose nous empêche d'accepter cette vérité sur nous-même. Nous ressentons notre vieille personnalité comme un appui: même pénible et tyrannique, elle a quelque chose de familier. On sait où on en est, il n'y a pas de surprises. On repose sur une base solide où on se sent en sécurité. Beaucoup de personnes préfèrent leur maladie et une souffrance douloureuse à une liberté qui exigerait d'eux de se donner à quelque chose de nouveau. Plutôt quelque chose d'ancien qui nous est familier que l'inconnu que l'on ressent comme un danger, une menace. Du point de vue physique, on remarque que celui qui s'identifie avec sa personnalité superficielle vit en général avec un corps tendu, comprimé et lourd. Plus on a de choses à défendre plus le corps manifeste de tensions. Toute tension est comme un bien propre, une «étiquette » à laquelle on s'attache et qu'on veut protéger. Un très grand soulagement se produit, même dans le corps, quand enfin on s'établit en son milieu. Ou plutôt quand on s'y trouve établi. En effet, il n'est pas en notre pouvoir de nous y établir définitivement. Cela nous advient comme une grâce d'en haut. Mais on peut s'y préparer par des tentatives répétées pour percer à jour l'erreur fondamentale qui consiste à se prendre pour une petite personnalité alors qu'on est un être divin. On peut donc affirmer qu'à l'origine de toutes les méprises il y a chez l'homme une illusion fondamentale: il ne sait pas ce qu'il est ou qui il est. .Celui qui est conscient de ce qu'il est rayonne d amour. «Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là produira du fruit en abondance car, en dehors de moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5). Nous devons savoir que nous sommes dans le Christ, qu'il est la vie de notre' vie. De la compréhension pleine et entière de cette vérité jaillit l'action juste. «Quiconque demeure en lui ne pèche plus » (1 Jn 3, 6). Wilfrid Stinissen « Méditation chrétienne profonde ». Cerf p 30

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LA PERSONNALITÉ SUPERFICIELLE

La personnalité superficielle se compose de toute la sphère psycho-physique. C'est cette personnalité dont parle la psychologie, un produit de l'hérédité et de l'environnement. Tu es jeune ou âgé, laid ou beau, intelligent ou moins doué. Tu as un certain tempérament et un certain caractère: tu es agréable ou désagréable, paisible ou colérique, doux ou agressif... Mais tout ceci n'est qu'une collection de clichés créés par toi-même ou ton entourage. Ceux qui décrivent ta personnalité à l'aide de tels clichés te considèrent comme un numéro dans une collectivité. Ils te comparent à d'autres. Tu as un quotient intellectuel déterminé parce que tu as pu résoudre certains problèmes et que tu as échoué devant d'autres. C'est pourquoi tu es plus ou moins intelligent que la plupart de tes camarades. Cette personnalité se trouve décrite sur une fiche qu'on peut extraire par un ordinateur. Presque tout ce que l'homme fait a pour but d'alimenter cette personnalité superficielle. Il essaie d'améliorer son apparence tant physique que psychique. Il fait briller la paroi externe. A peine a-t-il le temps de penser à la vie à l'intérieur de la maison, à la vie profonde. Toute son énergie est occupée à brosser et repeindre la façade. L'existence est répétition sans fin. Peut-on appeler cela vivre? Il n'existe pas d'autre chemin vers la vie que d'en finir avec cette identité trompeuse. Tu n'es pas identique à ces clichés.

Ces clichés constituent certes des qualités qui disent quelque chose de toi. Ton corps et ta psychologie sont des réalités. Mais ils ne sont pas la réalité essentielle, de même que la façade n'est pas l'essentiel d'une maison. Dès que tu commences à comprendre qu'au fond tu n'as pas la personnalité que les autres t'attribuent, tu n'as plus besoin d'en prendre la défense. Elle est dépourvue d'intérêt. Tu n'as plus besoin de jouer de doubles rôles. Si quelqu'un t'attaque, ses coups ne rencontrent que le vide. Tu n'es pas là où il frappe. Il attaque l'homme extérieur, mais tu es homme intérieur (2 Co 4, 16). N'est-ce pas aussi œ que Jésus veut dire quand il déclare: « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l'âme 1/ (Mt 10, 28) ? L'étonnant c'est que moins tu te soucies de ta « personnalité », mieux elle se porte. Moins tu penses expressément à toutes tes qualités, plus elles jaillissent spontanément des profondeurs. Elles sont alors plus naturelles, plus pures, plus vraies. Et encore: moins tu t'identifies toi-même avec ta « personnalité D, moins tu identifieras les autres avec leur «personnalité D, œ qui entraînera automatiquement une diminution notable des conflits. Nous nous plaignons parfois d'être exploités par les autres. Mais nous ne remarquons pas que le vrai tyran qui nous exploite demeure en nous-même. Il faut donc découvrir la véritable cause de la crise, à savoir le fait que nous nous identifions avec notre moi superficiel. Nous croyons n'être que cette paroi externe et c'est pourquoi nous investissons toute notre énergie pour la bâtir et la protéger. Mais au lieu d'améliorer notre extérieur nous le dégradons, puisque nous l'obligeons à jouer un rôle au lieu d'être l'expression d'une réalité profonde. L'extérieur n'a droit à l'existence qu'à cause de l'intérieur. Une grande quantité d'énergie se trouve libérée à l'instant même où nous saisissons cela.

Mais bien que ce soit une libération de comprendre qu'on n'est pas celui que l'on croyait être, quelque chose nous empêche d'accepter cette vérité sur nous-même. Nous ressentons notre vieille personnalité comme un appui: même pénible et tyrannique, elle a quelque chose de familier. On sait où on en est, il n'y a pas de surprises. On repose sur une base solide où on se sent en sécurité. Beaucoup de personnes préfèrent leur maladie et une souffrance douloureuse à une liberté qui exigerait d'eux de se donner à quelque chose de nouveau. Plutôt quelque chose d'ancien qui nous est familier que l'inconnu que l'on ressent comme un danger, une menace.

Du point de vue physique, on remarque que celui qui s'identifie avec sa personnalité superficielle vit en général avec un corps tendu, comprimé et lourd. Plus on a de choses à défendre plus le corps manifeste de tensions. Toute tension est comme un bien propre, une «étiquette » à laquelle on s'attache et qu'on veut protéger. Un très grand soulagement se produit, même dans le corps, quand enfin on s'établit en son milieu. Ou plutôt quand on s'y trouve établi. En effet, il n'est pas en notre pouvoir de nous y établir définitivement. Cela nous advient comme une grâce d'en haut. Mais on peut s'y préparer par des tentatives répétées pour percer à jour l'erreur fondamentale qui consiste à se prendre pour une petite personnalité alors qu'on est un être divin. On peut donc affirmer qu'à l'origine de toutes les méprises il y a chez l'homme une illusion fondamentale: il ne sait pas ce qu'il est ou qui il est. .Celui qui est conscient de ce qu'il est rayonne d amour. «Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là produira du fruit en abondance car, en dehors de moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5). Nous devons savoir que nous sommes dans le Christ, qu'il est la vie de notre' vie. De la compréhension pleine et entière de cette vérité jaillit l'action juste. «Quiconque demeure en lui ne pèche plus » (1 Jn 3, 6).

Wilfrid Stinissen « Méditation chrétienne profonde ». Cerf p 30

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LA PERSONNALITÉ PROFONDE Si je pose à quelqu’un la question : « Qui es-tu ? Il peut me dire son nom, ou et quand il est né, quels diplômes il a. Ces réponses ne touchent pas à son être essentiel. Je peux approfondir et demander. Quel est ton caractère?

La personne ne pourra probablement pas répondre. En effet, la plupart des gens ne connaissent pas leur caractère. Mais ceux qui fréquentent la personne en question en donneront aisément une description. S'il lui arrive d'entendre ou de lire cette description, elle sera presque certainement déçue, car ce que les autres considèrent comme son caractère ne correspond pas à sa personnalité la plus profonde. Ils la disent colérique, mais ils ne savent rien de ses luttes avec elle-même pendant des dizaines d'années et de son désir de devenir douce. Les autres n'ont même pas pressenti ce combat intérieur et leur description ne peut qu'être injuste. En effet, le désir d'un homme se tient beaucoup plus près de son être authentique que ne le font ses actes concrets. Il faut donc aller encore plus profond, jusqu'à l'inconscient. L'aide d'un psychologue ou d'un psychiatre sera peut-être requise. Grâce à elle, on parviendra peu à peu - ce qui coûte temps et argent - à une compréhension plus profonde de la structure de la personnalité, de ses éléments sains ou maladifs, de ses aspects positifs ou négatifs et on saisira mieux comment tout cela est apparu et s'est développé au long des années. Cette connaissance même n'épuise pas l'être profond. Qu'une personne ait reçu trop peu d'amour durant son enfance et qu'il s'en soit suivi certains complexes, lui rend certes la vie difficile et conduit peut-être à une inadaptation sociale, mais n'atteint en rien le cœur profond de cette personne. Elle perçoit ses complexes comme une puissance étrangère qui agit en elle sans qu'elle s'y identifie. Elle sait : en profondeur, je suis autre. Et si nous pénétrons encore plus profondément, jusqu'à un niveau que la psychologie des profondeurs ne peut atteindre, et que nous posons la même question: « Qui es-tu ? », la réponse sera : Je suis « de » Dieu, je suis « vers » Dieu. Ma personnalité authentique repose en Dieu. Le noyau le plus profond de ma personne est en contact avec Dieu, est né de Dieu, est caché en Dieu. « Dieu m'est plus intérieur que ma propre intériorité ».

La personnalité profonde constitue ce que le mystique flamand Ruysbroeck (1294-1381) appelle « essence ou «fond » par opposition à la personnalité superficielle qui, dans la mesure où elle vit séparée du « fond », ne vise qu'à saisir, à s'emparer et à tout posséder. C'est pourquoi c'est aussi cette personnalité superficielle qui plonge l'homme dans la solitude. Si je fais de l'autre une part de moi-même, si je « l'absorbe », je reste seul : j'en suis devenu plus «gros », mais sans qu'il y ait vraie communion. « Nous, nous aimons, parce que lui, le premier, nous a aimé » (1 Jn 4, 19). Dans notre relation à Dieu les deux aspects l'amour coïncident, l'ouverture et le don de soi. Notre amour de Dieu consiste à être un espace ouvert où Dieu a la possibilité d'être lui-même, c'est-à-dire amour qui se donne. Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus a amirablement perçu cela : dans son acte d'offrande à l'amour miséricordieux elle s'offre elle-même comme un vase vide pour donner à Dieu l'occasion de se déverser elle. La seule chose que nous pouvons offrir à Dieu c'est notre ouverture. ………

« Nous avons malheureusement cantonné la sainteté dans la sphère morale. Le mot « sainteté » est réservé aux hommes qui se signalent par leur vertu héroïque. Il semble présomptueux de prétendre à la sainteté. Mais la sainteté est d’abord une réalité ontologique, c'est-à-dire liée à l’être lui-même. C’est parce que nous ne nous considérons pas comme des saints que nous ne pouvons pas agir non plus comme des saints. « Vous êtes… vivez donc.. » (Eph 5,8) La sainteté devrait être notre point de départ et non notre but. Si nous nous avancions dans la vie avec cette conviction intime : « Je suis né de dieu », nous nous comporterions d’une autre façon. Nous porterions aussi sur els autres un autre regard : nous y reconnaîtrions en effet a vie divine. Et même les choses nous apparaîtraient de façon nouvelle, car elles aussi témoignent de cette vie nouvelle. Le monde deviendrait un temple et la vie une liturgie. ….. Il faut distinguer orgueil et fierté. L’orgueilleux croit qu’il est et qu’il peut quelque chose par lui-même, l se prend pour origine et fin de tout. La fierté par contre est un sentiment de soi tout à fait justifié : on sait qu’on a reçu quelque chose de précieux, on le reconnaît et on en remercie. Le plus bel exemple de cette fierté légitime est Marie : elle reconnaît qu’il lui est arrivé de grandes choses mais c’est « le Puissant qui les a faites », et « saint est son nom » (Luc 1,49) Nous devons perpétuellement revenir à cette perspective infinie. Ce que tu es ne peut être exprimé en disant que tu portes tel ou tel nom. C’est le nom nouveau qui se trouve écrit sur la pierre blanche (Ap 2,17) qui exprime ton être authentique et ce nom est toujours une variante du nom de Jésus…. Une source murmure en profondeur, qu ne tarît jamais. Quand à, Lourdes, La vierge Marie appelle Bernadette à creuser avec ses mains dans le sable pour que la source cachée puisse jaillir, ce n’est pas si étrange que cela semble ) première vue. C’est une espèce d’archétype. La source avait toujours été là, mais on ne le savait pas (Gen28,16). Il suffit de creuser la terre de notre être pour que la source puisse venir au jour et couler librement.

Wilfrid Stinissen « Méditation chrétienne profonde ». Cerf p 36-38