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SummedEt6 1990 FORUM Article original Original Article Les services de soins intensifs (SSI) maintiennent en vie, mais, dans certains cas, ilsprolongent I'agonie; cela occasionne des douleursphysiques, des soufsIcznces morales et despertesJinanci2resconsidtrables. Le traitementdespatients revient au moins troisfois plus chers au SSI que dans les autres services hospitaliers; le SSI reprtsente en coriskquence l'un des plus importants centres de coats de I'hbpital. Les pressions tconomiques nous obligent d porter plus d'attention au choix des patients que I'on admet au SSI et d la durke de leur skjour. Le personnel soignant des SSI doit soupeser les fondements e'thiques de sa conduite et de ses actes. Cette dkmarche I'am&nera probablement d retenir le droit du patient d I'autodttermination et les devoirs d'assistance et de non- nuisance du mkdecin comme grands axes de la morale en me'decine. Dans les cas particuliers, on peut examiner les inttr2ts et les droits du patient au moyen d'un mod2le circulaire. On base alors les dkcisions sur lesfaits mkdicaux et le pronostic, sur le droit du patient d I'autodktermination, sur le bien du patient et sur les facteurs externes. Le personnel soignant devrait 2tre tenu de prendre en compte tous ces aspects de la situation. Dam ce contexte, la prkvention OM la re'solutiondes dilemmes morauxpeut avoir lieu dans un cadre cliniqueplutbt que dans un cadre juridique. La place des consid6rations konomiques et 6thiques dans les services de soins intensifs Par Thomas W. Noseworthy et Phil Jacobs es services de soins intensifs (SSI) ont radicalement changC depuis leur crhtion dans les annCes 1950. Cette Cvolution galopante a donnC lieu i d'innombrables pratiques cliniques dont on n'a pas eu le temps L d'Ctudier vCritablement les implications Cthiques. Comme on pouvait s' y attendre, le progrbs technique et la concentration de personnel dans les SSI nous ont donnC la capacit6 de prolonger la vie; dans certains cas, ce- pendant, ce type de soins prolonge l'agonie. Cette observation a pour corollaireque nous avons acquis la capaci- t6 de perp6tuer l'existence physiologiquebien au deli du point oii certains patients cessent de pouvoir en apprkier la qualit& que des patients dont le cas est dCsesp6rC soient admis dans les SSI pour des p6riodes de trois ou quatrejours, I1 est difficiled'ignorer le cri d'alarme de Kraus, selon qui, partout au Canada, il arrive de plus en plus souvent

La place des considérations économiques et éthiques dans les services de soins intensifs

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Page 1: La place des considérations économiques et éthiques dans les services de soins intensifs

SummedEt6 1990 FORUM

Article original Original Article

Les services de soins intensifs (SSI) maintiennent en vie, mais, dans certains cas, ils prolongent I'agonie; cela occasionne des douleurs physiques, des soufsIcznces morales et des pertesJinanci2res considtrables. Le traitement des patients revient au moins trois fois plus chers au SSI que dans les autres services hospitaliers; le SSI reprtsente en coriskquence l'un des plus importants centres de coats de I'hbpital. Les pressions tconomiques nous obligent d porter plus d'attention au choix des patients que I'on admet au SSI et d la durke de leur skjour. Le personnel soignant des SSI doit soupeser les fondements e'thiques de sa conduite et de ses actes. Cette dkmarche I'am&nera probablement d retenir le droit du patient d I'autodttermination et les devoirs d'assistance et de non- nuisance du mkdecin comme grands axes de la morale en me'decine. Dans les cas particuliers, on peut examiner les inttr2ts et les droits du patient au moyen d'un mod2le circulaire. On base alors les dkcisions sur les faits mkdicaux et le pronostic, sur le droit du patient d I'autodktermination, sur le bien du patient et sur les facteurs externes. Le personnel soignant devrait 2tre tenu de prendre en compte tous ces aspects de la situation. Dam ce contexte, la prkvention OM la re'solution des dilemmes moraux peut avoir lieu dans un cadre clinique plutbt que dans un cadre juridique.

La place des consid6rations konomiques et 6thiques dans les services de soins intensifs

Par Thomas W. Noseworthy et Phil Jacobs

es services de soins intensifs (SSI) ont radicalement changC depuis leur crhtion dans les annCes 1950. Cette Cvolution galopante a donnC lieu i d'innombrables pratiques cliniques dont on n'a pas eu le temps L d'Ctudier vCritablement les implications Cthiques. Comme on pouvait s' y attendre, le progrbs technique

et la concentration de personnel dans les SSI nous ont donnC la capacit6 de prolonger la vie; dans certains cas, ce- pendant, ce type de soins prolonge l'agonie. Cette observation a pour corollaire que nous avons acquis la capaci- t6 de perp6tuer l'existence physiologique bien au deli du point oii certains patients cessent de pouvoir en apprkier la qualit&

que des patients dont le cas est dCsesp6rC soient admis dans les SSI pour des p6riodes de trois ou quatre jours, I1 est difficile d'ignorer le cri d'alarme de Kraus, selon qui, partout au Canada, il arrive de plus en plus souvent

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FORUM Summer/Et.ii 1990

comme prelude B la mort ou droit de passage B acquitter avant leur demier soupir. Des rituels aussi complexes ue ceux-lh ne servent aucun objectif m a c a l ou social valable. 1-3

Les considbrations bconomiques Quoiqu’il puisse sembler superflu ou dt5placC d’inggrer des

facteurs Cconomiques dans les delibtrations touchant 1’Cthique biom6dicale. nous estimons que l’information concemant les contraintes de fonctionnement des SSI doit freiner la tendance B soumettre les patients en phase terminale B des soins exage- r6s. Les soins intensifs coQtent extremement cher et accaparent des ressources qui pourraient Ctre utilisks B d’autres fins. Par con&quent, la prestation des soins intensifs doit Ctre envisagee dans l’optique de la justice distributive, d’oh dkoule une juste &partition des avantages et des fardeaux sociaux.

Quand il prend une dkision m6dicale au SSI, le m6decin ra- tionne explicitement ou implicitement des ressources limit& et determine du m6me coup des avantages et des cobts. Les avantages se d6fmissent comme la contribution que les res- sources mobilisks apportent B la vie et la sand du patient; ils representent aussi la valeur en dollars du resultat obtenu. Le coQt des ressources est calculC en fonction des autres usages auxquels on aurait pu les affecter; c’est ce qu’on appelle leur coQt d’option. Les m6decins et les administrateurs qui dkident de l’affectation des ressources manquent souvent d’information sur ces coats et ces avantages. En fait, on a mCme avanc6, avec de solides arguments, que les mkdecins ne devraient pas tenir compte du cofit des soins quand ils prennent des dkisions clini- ques individuelles, c’est-&-dire au niveau micro-konomique.

Malgre l’investissement tnorme que reprksentent les soins in- tensifs, on connait et on comprend encore trbs ma1 les coots ma- cro-kconomiques du traitement d’une grande variCtk de blessures et de maladies en SSI. D’ap&s une estimation qui re- vient trbs souvent, le traitement des adultes et des nouveaux- nCs en SSI repr6senterait jusqu’h 1 % du produit national brut aux Etats-Unis! (Les donnCes sur lesquelles se base cette esti- mation etant mal document&, elle pourrait Ctre refutable.) 11 n’existe pas encore de statistiques nationales complbtes sur l’u- tilisation et les cotits aux Etats-Unis et au Canada. ~ e s gtnerali- sations b a s h sur les statistiques de quelques h6pitaux isol6s ne sont pas plus acceptables en konomie de la sand que dans les autres disciplines m6dicales.

au Canada’“; ces statistiques globales kvblent quelques faits importants. Depuis 1969, les services de soins intensifs ont connu une croissance notable dans les h6pitaux gCn6raux du Canada. Le nombre de jours passes aux soins intensifs a aug- meng au rythme d’environ 5 % par an par rapport au nombre total de jours d’hospitalisation. Dbs 1986, le nombre de jours en SSI Ctait pass6 de 1 B 3 % de l’ensemble des

On commence B avoir des donnbes nationales sur l’utilisation

hospitalisations. Si l’on consi&re que les soins intensifs coQ- tent au moins trois fois plus cher que la moyenne des soins hos- pitaliers, la part des frais d‘hospitalisation attribuable aux SSI est pass6 de 5 B 13 % entre 1969 et 1986. Notre analyse montre cependant que cette augmentation est nettement inf6rieure B celle que l’on a connue aux Etats-Unis. Au Canada, le coQt des soins intensifs ne reprbsente que de 0,2 B 0’3 % du PNB. I1 est possible que cet kart marque entre les statistiques des deux pays tienne B la fois & la difference rbelle des coQts et aux er- reurs inevitables dans ce genre d’6valuations?’6

I1 est clair que des coots aussi 6levCs meritent notre attention, surtout quand on sait que le rapport entre les coQts et les avan- tages des SSI a suscit6 une large controverse, malheureusement bask sur des donnees nettement insuffisantes.

I1 n’existe que tr6s peu d’etudes sur la rentabilitk, c’est-B- dire sur le rapport coot-avantages, des SS17*’; les travaux dispo- nibles portent pour la plupart sur les SSI neonataux.

Quels que soient les chiffres avancbs, diverses etudes rev&- lent que nous consacrons peutQtre une quantit6 disproportion- ntk de nos ressources B des patients que l’on considbre comme des cas desesperbs ou en phase terminale? Par conAquent, nous devrions repartir plus judicieusement les ressources coQ- teuses des SSI; on ne peut pas soutenir qu’une intervention op- timale est synonyme d’une intervention illimitk.”

tif moyen du s6jour en SSI B tous les citoyens amtricains qui sont morts et qui ont consomme un taw d’utilisation similaire de soins intensifs, on aurait une depense Quivalente B 70 % du budget national de la sank

On pourrait tliminer une bonne partie du conflit implicite en- tre l’tthique et l’affectation des ressources si l’on comprenait plus clairement les rapports entre les sympt6mes et le pronostic et si 1’0n utilisait une grille pragmatique pour intkgrer les prin- cipes de 1’Cthique aux decisions cliniques.

Selon les calculs de Cullin’ ’, si l’on appliquait le coQt estima-

Fondements bthiques MCme s’ils manquent de pouvoir et d’outils pour rkpartir les

ressources des SSI, les pr6pos6s aux soins intensifs doivent sa- voir sur quels principes ils peuvent s’appuyer pour ksoudre les dilemmes Bthiques auxquels ils sont confront&. Certains inter- venants ont sugg6rt5 d‘invcquer les cons6quences de nos ac- tions, c’est-B-dire le principe de l’c<utilit6>>. Pour Cvaluer le c<bien>> et le <<mal>> d’un geste donne, on examine ses cons6- quences pour les personnes concemks ainsi que les prefe- rences de ces demibres de manibre B en determiner l’utilid optimale nette. Quoique seduisant, le modble utilitariste a un grave inconvenient; il nous oblige en effet B resoudre un triple dilemme : quelle preference ou consQuence aura priorit6 sur les autres ? Sur quels critkres fonder ce choix ? Et comment mesurer les gains et les pertes des interessb ?

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Pour trouver la conduite la plus morale, on peut aussi faire appel B la thhrie des vertus. La morale d’Aristote met beau- coup d’accent sur des vertus comme la compassion, le courage, 1’honnCtetC et l’indgrid. Dans cette optique, il serait vertueux de chercher un juste milieu entre la parcimonie et la prodigali- tC. De telles considCrations ont un certain poids, mais elles ne sont pas particulikrement pratiques. En AmCrique du Nord, on fonde tr&s souvent la rCsolution

des problbmes moraux sur l’existence de droits. Brody et En- glehardt2 ont soutenu que sept droits fondamentaux s’appli- quent dans le domaine de la santC. Parmi les droits nCgatifs, on muve les h i t s de ne pas ttre tuC (la vie), de ne pas se voir in- fliger de blessure ou de douleur (la non-nuisance), de ne pas Ctre tromp6 (la vCritC) et de ne pas voir divulguer ses confi- dences (la vie privk). Les droits positifs comprennent l’aide en cas de besoin @’assistance), le pouvoir sur sa propre vie (l’auto- nomie) et le droit d‘Ctre trait6 comme une fii et non comme un moyen. Comme les conflits entre ces divers droits peuvent crkr des dilemmes moraux, on en vient B se demander quels droits et quels principes doivent prCvaloir et si certains d’entre eux ont une primautC absolue.

... avons-nous jamais le droit de soulager de ce fardeau les personnes dont le cas est d6sesp6r6 en choisissant de les priver d’un traitement de survie, et donc en choisissant la mort ? Est- il souhaitable de le faire ? E n avons-nous le devoir ? En f in de compte, n’est-ce pas ce que nous faisons d&i ?

Dans leur travail quotidien, les mCdecins sont guidCs par les devoirs d‘assistance (faire du bien au patient) et de non- nui- sance (Cviter de lui faire du mal). 11s doivent satisfaire les deux principes. Dans la poursuite d’une thkrapie optimale, est-ce que le devoir d’assistance nous oblige h allouer des interventions dont le seul but est de prkserver la vie ? Le m6decin doit cher- cher soulager la douleur et la souffrance, tout en Cvitant de nuire au patient, mais avons-nous jamais le droit de soulager de ce fardeau les personnes dont le cas est dCsesp6rC en choisis- sant de les priver d’un traitement de survie, et donc en choisissant la mort ? Est-il souhaitable de le faire ? En avons-

nous le devoir ? En fin de compte, n’est-ce pas ce que nous fai- sons dCjh ?

La culture et le systkme juridique nord-amCricains accordent beaucoup d’importance au respect de l’autonomie du patient. L’autodktermination est un droit que nous chCrissons et dont nous attendons le respect. Dans la mesure oh l’application du droit B 1’autodCtermination et celle des devoirs d’assistance et de non-nuisance dCbouche sur une mCme conduite, la dkision mCdicale est moralement justifiCe. I1 se produit cependant un dilemme quand le respect de l’autonomie et le dCsir d’assis- tance commandent des conduites opposCes.

Les principes d’autonomie et d’assistance entrent en conflit pour de nombreuses raisons, notamment l’effet de la maladie sur 1’Cquilibre physique et mental du patient et la perk d’auto- nomie qui en rCsulte. En outre, les patients sont souvent d h - vantages du fait qu’ils ne sont pas des consommateurs avertis du produit mCdical. Traditionnellement, B cause de la reparti- tion inCgale de l’information mUicale, beaucoup de patients abandonnaient au m6decin l’interpdtation des devoirs d‘assis- tance et de non-nuisance. Cette demission a favoris6 l’appari- tion d‘un paternalisme qui autorise le m6decin B prendre des dkisions pour le bien prCsumC du patient sans vraiment obte- nir son consentement. MCme si ce paternalisme est gCnCralisC, mtme s’il est pragmatique et mCme s’il semble parfois essen- tiel, il est moralement injustifiable et il amkne le maecin B ca- cher ou B dCformer de l’information. On ne peut en aucun cas justifier le paternalisme en invoquant la nkessitd de prodger les patients et leur famille contre les dures rhlit6s de la mort et de l’agonie.

Le modkle circulaire Pour choisir la thCrapie qui convient le mieux et prendre les

dkisions les plus klairks dans un SSI, il semble raisonnable d’affirmer que l’on ne peut se fier exclusivement ni au droit B l’autonomie, ni au paternalisme justifit5 par le principe d‘assis- tance. Si l’on remetla dkision uniquement au patient ou au mCdecin, on renonce B la communication qui est la pierre angu- laire de la dkision clinique. Le rapport patient-mCdecin dC- pend de la participation de deux personnes, dont les visions respectives s’intkgrent B un seul modkle thh r iq~e . ’~

de ~urvie,’~,’~ certains ont proposC l’application d’un modble hikrarchique bas6 sur quaue critkres @rCsentCs par ordre de priorit6) : les faits mCdicaux, les dCsirs du patient, le bien du pa- tient et les facteurs externes.

Meme si les facteurs individuels ont une importance fonda- mentale dans un tel contexte, il est concevable que le mCdecin dkide d‘interrompre le traitement de survie en se basant uni- quement sur les fait mMcaux. Cette pratique risque de propager le paternalisme, surtout si l’on ne tient pas compte

En ce qui concerne les dCcisions qui touchent les traitements

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des facteurs qui jouent aux autres niveaux du modble. En outre, dans 1’Ctat actuel des connaissances, notre capacitk h pdvoir l’avenir des grands malades et des grands blesses reste &s limi- t&.

Pour supplkr h cette lacune, nous proposons un modble cir- culaire qui tient compte des quatres mCmes Cltments, mais sans leur donner un ordre de prCf6rence. La supCrioritC de cette approche rCside dans sa globalit6 et son universalitC.

Les midecins, par exemple, mettraient probablement l’accent sur les faits mkdicaux; les patients, sur leur autonomie; les familles, sur 1~ bien du patient; et les kconomistes, sur les facteurs externes.

Des personnes dont les antkaents ne sont pas les mCmes, par exemple les professionnels de la santC, les administrateurs, les patients, les familles et le grand public, considkreront sans aucun doute le paradigme dans une perspective differente, mais ils seront obligb de tenir compte des quatre Cltments m&me s’ils leur accordent un poids diffbrent. Les m6decins. par exem- ple, mettraient probablement l’accent sur les faits m6dicaux; les patients, sur leur autonomie; les familles, sur le bien du pa- tient; et les konomistes, sur les facteurs externes. Le modble hiCrarchique est attirant par sa simplicik, mais il est limik par son manque de souplesse et d’ouverture. I1 est en effet capital de prendre en compte les quatre ClCments, quel que soit l’ordre dans. lequel on les place.

Les faits medicaux La dhmlogie mMicale accorde une place pdpondkrante

aux devoirs d’assistance et de non-nuisance. On demande aux mCdecins d’examiner les faits mtdicaux h la lumibre de ces de- voirs. Toutefois, il n’existe aucune obligation morale d’entre- prendre ou de prolonger un traitement qui ne contribue pas de faqon significative h prolonger la vie du patient ou h soulager ses souffrances. Plusieurs facteurs semblent avoir crCC chez les patients des exigences que les maecins considbent comme Ctant irrbalistes. A la pression de medias fascinCs par la techno- logie mMicale et les dCcouvertes pharmaceutiques se sont ajou- tCs les appels lancCs par la profession mCdicale en faveur de la promotion de la sank et de la prevention de la maladie. Cet intCrk pour la santC a accru les aspirations du public, mais

aussi le potentiel de conflit entre les mtdecins et des patients qui revendiquent parfois le h i t illusoire h une santC parfaite.

La dkision d’entreprendre ou non une rCanimation cardio- pulmonaire (RCP) en cas d’arrCt cardiaque illustre de manibre frappante la confusion qui rbgne quant h la responsabilite du mCdecin d’amorcer ou non une intervention. En dkpit du fait que jusqu’h 20 % des patients ayant subi une RCP quittent l’hbpital, plusieurs Ctudes ont dCmontr6 le sombre pronostic de survie apr& un met cardiaque.16 Dans certains sous-groupes identifiables de patients, notamment ceux qui souffrent de pneumonie aigd, de problbmes circulatoires, d’insuffisance d- nale, de crise cardiaque ou de cancer, les taux de survie ne dC- passent pas 5 % ou moins, ce qui correspond h l’incidence connue des Ctats vCgCtatifs chroniques dus h une lCsion cCd- brale ischCmique. La RCP a ses avantages et ses indications; elle a aussi ses risques, ses coiits et ses contre- indications. Par condquent, il est mCdicalement et moralement justifiable de ne pas la pratiquer dans certains cas bien dCfinis, ce qui ne libbre pas le m6decin de l’obligation d’en informer le patient et sa famille. Les Ctudes indiquent cependant qu’il s’en acquitte rarement.

Selon une Ctude men& en 1984 sur 154 personnes sauv&s grke h la RCP, 19 % seulement avaient eu l’occasion de discu- ter au prhlable ce qu’ils pensaient de la rhnimation avec leur mCdecin. Les familles avaient CtC consulkes dans 33 % des cas.

Les patients qui sont en pleine possession de leurs faculds devraient participer activement aux discussions concernant la RCP; ils exerceraient ainsi leur droit h l’autonomie. On est ce- pendant confront6 B un dilemme moral quand la RCP est exi- g& par la famille d’un patient comateux ou inconscient, alors que le mCdecin juge que cette intervention serait inutile.

L’Cglise catholique a tent6 de cerner avec un peu plus de pd- cision les soins dont l’administration n’est pas moralement obli- gatoire.” Elle considbre tels les actes qui sont m6dicalement impraticables ou inutiles, ceux qui imposent au patient un far- deau disproportionnC par rapport aux avantages qu’ils lui ap- portent et enfin ceux qui ne contribuent ni h prolonger sa vie, ni h soulager ses souffrances.

Pour fonder la dkision de refuser un traitement de survie, il est essentiel de dCfinir dans quelles circonstances une interven- tion est inutile. I1 est cependant impossible d’y parvenir sans prendre en considkration 1’Cvolution clinique et l’issue possible de 1’Ctat du patient. Malheureusement, nous possCdons fort peu d’indicateurs applicables h une variCt6 de dkisions cliniques dClicates. Si c’Ctait le cas, beaucoup de questions perdraient sans doute de leur importance. I1 est difficile de justifier l’acharnement thCrapeutique au nom de quelques cas de survie observes chez des patients ayant des affections similaires. Les statistiques isolCes ne doivent pas prendre le pas sur celles

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provenant d’khantillons significatifs et comparables. Les dki- sions ponctuelles basCes sur des probabilitks g6n6rales ne sont valables que si les probabilites en question sont des certitudes. Nous sommes donc contraints d’tvaluer chaque cas au merite pour nous assurer qu’il ne prdsente pas de particularit6s pou- vant influer sur I’Cvolution du patient ou excluant des prMc- tions fiables.

En supposant qu’il soit possible de faire de telles prCvisions, quelles sont les chances de survie minimales qui justifient l’a- charnement thCrapeutique dans un SSI ? Si l’on considbre uni- quement les facteurs mCdicaux, il est peu probable qu’un mCdecin refusera le traitement, 8 moins que celui-ci soit asso- ciC 8 un forttaux de mortalitk, 8 une survie de courte dur& ou 8 une infirmit6 grave.

I1 est toujours risquC de baser uniquement le refus de traiter sur statistiques des donnCes, quelle que soit leur prCcision. Par dCfinition, les donnCes sur lesquelles on base le pronostic sont statiques, alors que les SSI rhlisent des progrbs incessants sur le plan clinique. Ce qui pouvait constituer un indicateur valable au moment oii on l’a formulC ne l’est peut-Ctre plus au moment oii on l’applique. I1 en ressort que l’on devrait inclure dans toutes les etudes cliniques alkatoires et dans toutes les Cvalua- tions de nouvelle technologie des questions concernant leur in- cidence sur les pronostics futurs.

L’autonomie du patient Le mCdecin doit aussi appliquer le principe d’assistance et

respecter le droit essentiel du patient 8 I’autodCtermination. Dans le cas de patients qui demeurent capables en dCpit d’une affection grave, 1’Cthique traditionnelle et la loi stipulent claire- ment que le droit 8 l’autonomie est fondamental, sans toutefois Cue inaliCnable.” Pour pouvoir exercer son droit 8 l’autodkter- mination, le patient doit Ctre pleinement informe. On doit ren- seigner convenablement les patients lucides pour leur donner la possibilitd de faire des choix avisCs. Cela suppose qu’on leur communique les solutions possibles, qu’ils sont en mesure de raisonner et de poser des choix judicieux et que leur dkision est libre et volontaire. Nous croyons qu’il y a rarement consen- tement &lair6 dans les SSI. Le consentement CclairC soulbve plusieurs problbmes dans

les SSI, en particulier quand le patient exige une intervention qui prCsente peu ou pas d’avantage dCmontr6 et quand il refuse des soins potentiellement utiles. Dans les deux cas, il y a un conflit entre le patient et le m&ecin.

Le mCdecin n’est pas tenu de dispenser des soins inutiles, mCme quand le patient ou sa famille l’exige. En cas de dCsac- cord, le mMecin devrait consulter ses colEgues ou leur confier le patient, si leur opinion concorde avec les dCsirs de ce demier. Bien entendu, il n’existe pas de dCfiiition universelle de ce qui est utile et de ce qui ne l’est pas, ni de consensus au

sujet des questions que soulbve le refus d’un traitement de sur- vie?’ Quoi qu’il en soit, l’existence d‘un conflit n’autorise ja- mais l’abandon du patient.

Quand un patient refuse des soins que l’on juge bCnnCfiques, le mCdecin doit prendre garde de ne pas lui imposer ses propres normes et ses propres valeurs. Si le patient est pleinement infor- mC et sain d’esprit, il conserve son droit de refuser le traite- ment, mCme si l’exercice de ce droit le conduit 8 la mort. 11 peut Ctre delicat de dkfinir ce qu’on entend par cqleinement in- form& et par ccsain d’esprib; par consQuent, le princips n’est pas absolu et son application risque de susciter des contro- verses et des dilemmes moraux.

l’application de ces principes. Nous prksentons maintenant deux exemples qui illustrent

Premier cas Une femme de 68 ans, dont la santC Ctait bonne et qui Ctait

considCrCe comme saine d’esprit par son entourage, a manifes- tC toute sa vie une peur de l’anesthbie et de la chirurgie. Elle Ctait marquee par le souvenir du masque d’Cther dont on lui avait recouvert la figure lors de l’ablation de ses amygdales, quand elle Ctait toute petite.

Cette dame s’est prCsent& 8 la salle d’urgence apr5s avoir souffert de douleurs abdominales pendant 24 heures. On a dia- gnostiquC immkdiatement un abdomen aigu, 6tat qui demande habituellement une chirurgie d’urgence. Le chirurgien de gar& lui a expose la situation, mais, 8 sa grandk surprise, la patiente a refus6 l’intervention et dklarC qu’elle prCfCrait m o d . Le mtdecin l’a pressCe de se faire op6rer pour enrayer la firitonite causCe selon lui par un ulcbre perfod; il a lui expliquC que la chirurgie ttait le seul moyen de la sauver dans les circons- tances.

Pour analyser ce cas, on doit tenir compte du droit l’autod6- termination de la patiente et du devoir d’assistance du m&ecin. Ce demier croit que la chirurgie est necessaire au bien de la pa- tiente. Le problbme se resume donc 8 la question suivante : la patiente est-elle suffisamment informCe pour prendre une dCci- sion lucide dans les circonstances, c’est-8-dire celle que pren- drait une personne raisonnable dans les mCmes conditions ? Comprend-elle les consCquences de son refus ou est-elle pertur- b& par une peur irrationnelle due 8 un traumatisme d’enfance ?

Si l’on peut dCmontrer que la patiente est saine d’esprit, si le personnel soignant ainsi que la famille croient qu’elle est en paix avec elle-mCme, si elle ne veut pas l’intervention et si elle comprend que ce refus risque de causer sa mort, son droit 8 l’autonomie prCvaut sur le devoir d’assistance du mMecin. Dans un tel cas, le seul argument justifiant la chirurgie est paternaliste, 8 moins que la patiente ne soit considCde comme inapte ou confuse.

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On court cependant un risque en accordant la primaud abso- lue B l’autonomie du patient. Les limites de cette approche de- viennent flagrantes quand un patient exige une intervention nuisible ou inutile. I1 est illogique et inacceptable de nuire h quelqu’un sous pr6texte de respecter son droit l’autonomie?l En condquence, c’est le devoir d’assistance du m6decin qui pr6vaut alors.

Deuxi&me cas Un 6tudiant en droit de 19 ans a subi une lesion irr6versible

de la moelle Cpinihre (C1 et C2) lors d’un accident d’automo- bile, lesion causant une quadripltgie accompagn6e d’apnh. Le patient 6tait &s pieux et sa famille aussi. I1 a demand6 pendant plusieurs semaines conskutives h Ctre debranch6 du respira- teur, tout en sachant trks bien que ce geste le condamnait B une mort rapide. Sa famille et son confesseur comprenaient son choix et l’appuyaient en depit de leur r6ticence. De multiples Cvaluations de 1’6quilibre mental du patient ont confirm6 sa dktermination. Le m6decin n’aimait pas l’id6e d’interrompre le traitement et de lui permettre de mourir, mais il reconnaissait aussi que le statut quo violait le droit B l’autod6termination d’un patient apte. Suite B une analyse dktaillh du comid de bio-Cthique, le m6decin a dkbranche le respirateur et le patient est mort entour6 de sa famille.

thique ont 6t15 respect&; d‘autres soutiendront que la conduite du m6decin Quivaut h une complicit6 de suicide. On peut ar- guer que le respect de l’autonomie du patient, quand celui-ci est pleinement informt, justifie la &cision du m6decin. Cet ar- gument n’est cependant valide que si l’on a satisfait h certaines conditions : on a attendu le temps nkessaire pour clarifier les fait m6dicaux et le pronostic; on n’a pas pris de dkision impul- sive au nom du droit h l’autonomie; et enfin, on a d6montr6 l’absence de pathologie dkpressive et de confusion chez le ma- lade. Le patient Ctait en paix avec lui-mCme et comprenait pleine-

ment les condquences de ses decisions ainsi que les solutions qui s’offraient h lui. Sa famille appuyait son dksir, qui avait 6t6 discut6 avec des thhlogiens et des psychiatres. Si le m6decin avait dkid6 de maintenir le patient en vie contre sa volond, qui en aurait profit6 ?

Ces deux cas font ressortir la valeur, mais aussi les limites, de principes comme le devoir d’assistance et le droit B l’autono- mie dans les dkisions mkdicales.

Certains lecteurs penseront peut-Ctre que les principes de 1’6-

Le bien du patient Le patient apte est la personne la mieux plach pour juger de

ce qui est bon pour lui. La situation se complique quand un patient du SSI n’est pas en mesure de participer h la prise de d6- cision. Plus les chances de gu6rison diminuent et moins le

patient est capable de discuter, de communiquer ou d’analyser la situation, plus le paternalisme m6dical semble justifi6. Cette position est dkfendable, mais le mCdecin doit tenter de d6cou- vrir oh se trouve le bien du patient. Dans la cause Karen Ann Quinland, le tribunal a jug6 que <<la dkision doit reposer avant tout sur la raisonnable possibilit6 d’un retour h la vie consciente plut6t que de la pe Ctuation artificielle de l’exis- tence biologique vCg6tative.n 3

MCme une declaration aussi succincte est sujette B des inter- pretations. Il est souvent difficile d’6valuer le bien du patient h cause d’un manque d’information au sujet de ses normes et de ses valeurs. MCme si de plus en plus de patients r6digent un tes- tament biologique et d6signent des exkuteurs h cette fin, la ma- jorit6 des patients admis au SSI n’ont pas laiss6 d’instructions qui nous aideraient h d6finir la nature et l’ampleur des soins m6dicaux qu’ils souhaitent. Cela nous amhne au r61e des substi- tuts qui entrent en jeu quand il est impossible de communiquer direc temen t avec 1 ’ int6ress6.

Les proches parents sont les personnes les plus susceptibles de poss6der une information cr6dible au sujet des normes et des attitudes du patient. 11s peuvent nous aider B cerner ses p&- f6rences. Les jugements indirects qu’ils posent revCtent une ex- &me importance, mais il est essentiel de distinguer entre leur connaissance des desirs du patient et leurs propres besoins, a- sirs et sentiments. On doit prendre en compte les d6sirs de la fa- mille, mais ses membres ne peuvent consentir h la place d’un patient adulte tant qu’il n’en ont pas officiellement la tutelle.

Nous avons trait6 dcemment un homme de 74 ans, fire de trois enfants, qui ne s’est pas remis d’une op6ration de la fosse cCr6brale post6rieure pratiquh pour exciser un glioblastome. Aprks deux mois de traitement de survie, le patient demeurait dans un Ctat vCg6tatif persistant et les sficialistes n’envisa- geaient aucune am6lioration. Sa femme exigeait la poursuite du traitement, malgd qu’on l’ait avish que le cas de son mari Ctait desespkre. Le patient avait dit h son fils qu’il ne d6sirait pas Ctre maintenu en vie artificiellement s’il ne retrouvait pas l’usage de ses fonctions c6r6bmles. On a dkidC d‘interrompre le protocole de survie malgr6 les protestations de la femme, h qui on avait communiqu6 la volontk du mari.

Quelques jours aprhs la mort du patient, sa veuve est venue nous remercier d’avoir mis un terme h cette situation insuppor- table.

Dans le cas o i ~ le patient n’a pas laiss6 d’instructions et dans celui o i ~ l’on ne connait pas son opinion, il faut soupeser avec soin toute dkision qui suscite l’opposition d’un proche parent. Le m6decin doit tenter d’6valuer les sources de cette opposi- tion et dkterminer si les &sirs de la famille constituent un far- deau injuste pour le patient. En outre, en cas de conflit avec un membre de la famille ou un tiers, il est toujours sage de parta- ger la responsabilitk de la &flexion et de l’action avec des

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SummedEtd 1990 FORUM

personnes qui sont moins directement concernks. I1 est parfois plus facile de dCcouvrir le noeud du problhme avec l’aide d‘un animateur de pastorale, d’un autre professionnel de la santC ou d’un collhgue. A dCfaut d’un secours de cet ordre, le comid de biodthique peut examiner les cas difficiles dans une perspec- tive plus gknkrale et donner des conseils utiles aux familles et aux mkdecins. Ces comitks doivent avoir un r6le strictement consultatif et ne pas se mQler de pratiquer la madecine. On peut donc dire qu’une concordance de vues entre le comid d’ethi- que et le m&ecin ne confire pas une immunitk juridique B toute kpreuve, mais elle constitue une dCfense raisonnable.

Les facteurs externes On comprend mal les cotits des soins intensifs. Les cotits di-

rects et indirects des soins administds aux patients sont habi- tuellement inconnus et l’on Cvalue rarement le cotit d’option d’un traitement ou d’un service donnC. En ce qui conceme les avantages, mCme s’il existe une documentation abondante sur I’kvolution des malades admis en SSI, il est difficile d’appli- quer des statistiques gCnkrales aux cas particuliers.

durk du suivi varient d’une Ctude B l’autre; ce sont autant de facteurs qui influent sur I’issue apparente de la maladie et, par consCquent, sur la rentabilit6 apparente du SSI. La mortalitk, quoique facile B mesurer, n’est peut-Qtre pas le meilleur critkre pour juger la rentabilitk des soins intensifs. Et pourtant, on com- mence B peine B valider et B Ctudier convenablement les Cvalua- tions b&s sur la morbidit6 et la qualit6 de vie.

Au point oh nous en sommes, on ne sait pas s’il est possible ou souhaitable de contr6ler le coOt ClevC des soins intensifs. Un premier pas consisterait peut-Qtre B 6liminer les admissions qui ne sont pas nkessaires, dans la mesure oh il est possible de les cerner, et d’augmenter l’efficacitd des soins en diminuant leur intensitk par patient et la durk des sCjours. I1 serait imprudent de mettre en oeuvre un programme de contr6le des coQts dans un SSI avant d’kvaluer avec prkision son incidence sur la qua- lit.6, le niveau et le rCsultat des soins. I1 est impossible d’envisa- ger une rkpartition judicieuse des ressources au niveau micro-konomique comme au niveau macro-Cconomique tant que l’on n’aura pas analyst5 plus B fond le rapport cotit-avan- tage et le rendement des SSI.

Les mkdecins peuvent s’adapter B des conditions de travail resrrictives sans s’karter du cadre habitue1 d’une saine d6onto- logie, et ils le font d’ailleurs chaque fois que les SSI et les SSC sont ~ l e i n s ? ~ ~ ~ Cette rationalisation de la production mCdi- cale, pourvu qu’elle ne dkpasse pas certaines limites, est rCalisa- ble sans que l’on sacrifie pour autant la qualid des soins.

Aucun pays n’a les ressources nkcessaires pour dispenser tous les soins qui sont techniquement possibles ou souhaita- bles. La rkpartition intelligente des ressources peut Qtre

La composition des khantillons, la gravitC des maladies et la

conforme aux principes de la justice distributive. Les dkisions devraient viser B concilier le bien du patient avec les moyens de la sociktC. Malheureusement, les maecins ne disposent pas de l’information voulue au sujet des moyens de la sociktk. Dans une optique macro-kconomique, en I’absence de res- sources suffisantes pour satisfaire les besoins de tout le monde, la justice distributive exige que l’on s’occupe d’abord des plus dCfavorisCs. A l’khelle microCconomique, dans la perspective du modhle circulaire propost plus haut, la rkpartition des res- sources au sein des SSI ne doit pas suivre la maxime du ~pre - mier arrivC, premier semi>>. En se basant sur leurs devoirs d’assistance et de non-nuisance, les mCdecins doivent pludt in- dividualiser les traitements et tenter d‘allouer les ressources, si elles sont limitks, 2I tous ceux qui y ont droit et B qui elles ont le plus de chances de profiter.

Conclusion Le fait de participer B la dkision d’interrompre un traitement

de survie dispense dans un SSI reprbsente l’une des plus lourdes responsabilitks du mCdecin moderne. La seule situation relativement facile du point de vue moral se prksente proba- blement quand un patient dont la luciditk est indiscutable est d’accord avec un mdecin qui a applique les principes de I’assistance et de la non-nuisance, et qu’aucune partie intkres- sCe ne conteste leur dCcision commune. En dehors de ce sc6na- rio, les responsables doivent juger chaque cas 21 son mkrite.

Nous recommandons l’adoption du modhle circulaire qui fait intervenir le pronostic, la volontC connue ou suppode du pa- tient, son bien et les questions importantes qui opposent les par- ties intkressks. On doit examiner ces facteurs B la lumihre des coats et des avantages des soins intensifs pour le patient concer- nC. Selon ses antkdents et ses inclinations, chacun accordera un poids diffkrent aux divers facteurs. Nhmoins, on doit tous les prendre en compte. Dans ce contexte, il est possible de r6- soudre les dilemmes moraux au chevet du patient plut6t que dans les cous de justice. En outre, cette approche permet une rationalisation des services qui reste compatible avec les prin- cipes d’assistance et de non-nuisance et qui respecte l’autono- mie du patient.

I1 est chimkrique de croire que tous les patients ont le dCsir ou le droit de mourir au SSI; il n’existe aucune raison morale ou juridique pkremptoire qui interdise une rkpartition intelli- gente des ressources dont disposent les SSI.

En tenant compte des considkrations Cthiques et kconomi- ques, on peut continuer B dispenser les soins intensifs aux pa- tients qui peuvent rkllement en tirer profit, quel que soit le coiit; on devrait Cpargner l’humiliation qu’ils reprksentent h ceux qui ne le peuvent pas.

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FORUM SummedEt6 1990

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l’aide qu’elles ont apportks lors de la raaction du manuscrit, ainsi que les docteurs A. Fitzgerald,-A. Shustack, R. Johnson, B. Schmidt, A. Gilbert et J. Dossetor pour la Constance avec la- quelle ils nous ont aid& a clarifier nos positions.

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Thomas W . Noseworthy, MD, MSc, MPH, FRCPC, FACP, FCCP, FCCM, est professeur agrkgt! et directeur ak la Division of Critical Care Medicine d l’universitt! ak I’Alberta et vice-prksident chargt des services dd icaux au Royal Alexandra Hospital. Phil Jacobs, PhD, est professeur au Health Services Department, Administration and Community Medicine, d l’universitk de I’ Alberta (Edmonton).