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Jean-Michel Chasseriaux « La politique énergétique française » In: Revue d'économie industrielle. Vol. 23. 1er trimestre 1983. pp. 268-276. Citer ce document / Cite this document : Chasseriaux Jean-Michel. « La politique énergétique française ». In: Revue d'économie industrielle. Vol. 23. 1er trimestre 1983. pp. 268-276. doi : 10.3406/rei.1983.1163 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rei_0154-3229_1983_num_23_1_1163

La Politique Énergétique Française

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Jean-Michel Chasseriaux

« La politique énergétique française »In: Revue d'économie industrielle. Vol. 23. 1er trimestre 1983. pp. 268-276.

Citer ce document / Cite this document :

Chasseriaux Jean-Michel. « La politique énergétique française ». In: Revue d'économie industrielle. Vol. 23. 1er trimestre 1983.pp. 268-276.

doi : 10.3406/rei.1983.1163

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rei_0154-3229_1983_num_23_1_1163

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La politique énergétique française

Jean-Michel CHASSERIAUX Chargé de mission au ministère de l'Energie

Le secteur énergétique présente au sein de l'industrie française des caractères très particuliers. C'est un secteur très capitalistique où la dépendance à l'égard des importations est considérable. C'est aussi un secteur où l'Etat a une longue tradition d'interventionnisme. Depuis la dernière guerre, la production et les approvisionnements sont assurés pour l'essentiel par de grandes entreprises publiques et les investissements et les prix sont décidés par l'Etat.

Ces spécificités permettent de comprendre pourquoi, et ceci bien avant le premier choc pétrolier, l'énergie a occupé et continue d'occuper une place importante au sein du débat politique. Elles permettent également de mieux apprécier les inflexions qu'a subies la politique énergétique depuis une dizaine d'années.

I. — LES SPÉCIFICITÉS DU SECTEUR ÉNERGÉTIQUE

1. La lourdeur des investissements :

La production d'énergie demande généralement des investissements importants et de longs délais de réalisation.

La construction d'une centrale nucléaire de 1 300 MW coûte 5 milliards de F. et s'étend sur 6 ans. Il faut une dizaine d'années et environ 20 milliards de F pour découvrir et mettre en exploitation un gisement de moyenne importance en mer du Nord. Aujourd'hui les investissements pour la production et la transformation de l'énergie représentent environ 60 milliards de F, soit autant que ceux du reste de l'industrie (hors BTP) qui a pourtant un chiffre d'affaires 4 fois supérieur et qui emploie 15 fois plus de personnel.

Les projets d'économie et de substitution d'énergie ont une taille unitaire plus faible et font appel à davantage de main d'oeuvre, mais leur multiplicité conduit au niveau national à des montants non négligeables (8,5 milliards de F en 1981).

2. La dépendance à l'égard des importations

La pauvreté de la France en ressources énergétiques s'est fait sentir dès le début de la révolution industrielle. Les réserves charbonnières françaises sont limitées. Elles ne représentent que le dizième de celle du Royaume-Uni par exemple. Elles sont en outre bien souvent d'une exploitation difficile. En matière d'hydrocarbures, la France ne dispose pratiquement d'aucune ressource propre à l'exception du gisement gazier de Lacq. Les découvertes réalisées dans les territoires d'outre-

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mer (Sahara et Gabon surtout) l'ont été trop tardivement pour avoir des conséquences durables.

Cette situation est devenue lourde de menaces pendant la longue période d'expansion des années 60. En 10 ans, le taux de dépendance énergétique de la France est passé de 25 à 75 %. Au début des années 70, le pétrole presque totalement importé représentait les 2/3 de la consommation française d'énergie.

L'économie française a donc été particulièrement sensible à la hausse brutale du prix du pétrole intervenue en 1973. Celle-ci a entraîné un prélèvement supplémentaire équivalent à peu près de 2,5 % du P. N.B. En 1980, après le second choc pétrolier, la facture énergétique extérieure a représenté environ 6 % du P. N.B. En 1982, elle s'est élevée « 180 milliards de F dont 147 pour les seules importations de pétrole.

L'augmentation de cette facture a donc imposé et continue d'imposer à l'économie française une forte contrainte extérieure qui pèse sur toute la politique économique.

3. Le rôle de l'Etat

L'énergie a fait depuis longtemps l'objet d'une intervention très active de l'Etat. Selon la législation minière française, édictée dès l'Ancien Régime, puis renforcée par le Premier Empire, l'Etat est propriétaire de toutes les richesses minérales du sous-sol alors qu'aux Etats-Unis, par exemple, celles-ci reviennent au propriétaire du sol. En 1928, alors que des craintes de pénurie se manifestaient et que l'opinion se souvenait encore de l'attitude des compagnies anglo-saxonnes à la fin de la première guerre mondiale, une loi a confié à l'Etat le monopole de l'importation et du raffinage du pétrole, monopole délégué sous contrôle à des compagnies privées. Les nationalisations des charbonnages, de l'électricité et du gaz intervenues en 1946, la constitution de grands monopoles nationaux : Charbonnages de France, Electricité de France, Gaz de France et l'attribution à l'Association Technique pour l'importation charbonnière (ATIC), étroitement contrôlée par l'Etat, du monopole de l'importation de charbon ont conféré à celui-ci un rôle dominant dans le secteur de l'énergie.

Dans le secteur pétrolier, l'Etat ne disposait que d'une minorité de blocage au sein de la Compagnie Française des Pétroles, issue des droits français aux pétroles d'Irak obtenus en 1924. Mais peu à peu, par fusion et absorption de diverses compagnies dont certaines avaient été particulièrement actives dans l'exploration des gisements de l'empire français, une seconde compagnie, la Société Nationale Elf Aquitaine, contrôlée à environ 70 °/o par des capitaux publics, a été constituée. Parallèlement, l'Institut Français du Pétrole, créé en 1946 et financé par une taxe parafiscale sur les carburants, parvenait à occuper une place de choix en matière de recherche. La France s'est ainsi dotée d'un appareil moderne à tous les stades de la chaîne pétrolière de l'exploration à la distribution et, malgré la perte du contrôle des pétroles du Sahara, elle a réussi à conserver des sources d'accès au brut importantes.

Dans le domaine nucléaire, le Commissariat à l'Energie Atomique, qui avait bénéficié de l'existence d'un programme militaire, a pu développer des techniques françaises dans la filière graphite-gaz et en matière d'enrichissement et de retraitement.

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Lorsque survint la crise de 1973, la France disposait donc d'instruments efficaces pour s'ajuster à la situation nouvelle. Depuis lors, elle s'est dotée de nouveaux moyens d'intervention tels que l'Agence pour les Economies d'Energie en 1974 et le Commissariat à l'Energie Solaire en 1978 qui devaient fusionner en 1982 pour donner naissance à l'Agence Française pour la Maîtrise de l'Energie.

IL — LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE FRANÇAISE DEPUIS 1973

La politique définie après le premier choc pétrolier a visé à réduire la dépendance du pays à l'égard des importations pétrolières et à assurer à l'économie une fourniture d'énergie dans des conditions de prix et de sécurité compatibles avec les impératifs d'une compétition internationale vigoureuse. Cette politique s'ordonne autour de trois axes principaux :

1. Economiser l'énergie et tout spécialement le pétrole, ce qui est pour la France d'autant plus difficile qu'elle est traditionnellement un pays sobre en énergie : l'intensité énergétique, c'est-à-dire la quantité d'énergie consommée par unité de PNB y est deux fois plus faible qu'aux Etats-Unis, par exemple. En 1974, une loi fut votée par le Parlement contenant de nombreuses mesures réglementaires destinées à agir sur les comportements : introduction de l'heure d'été, d'une température maximum dans les bâtiments publics, limitation de vitesse pour les automobiles et bien d'autres mesures de ce type. Parallèlement, était créée l'Agence pour les Economies d'Energie qui mettait en place un dispositif d'incitations dont l'élément principal était une prime de 300 F/TEP économisée. Entre 1974 et 1980, environ la moitié des aides est allée à l'industrie qui n'a réalisé cependant que le tiers des économies.

Grâce à ces mesures, l'élasticité énergie-PNB, c'est-à-dire le rapport du taux de croissance de la consommation d'énergie au taux de croissance du PNB a été ramenée de 0,96 sur la période 1960-1973 à 0,62 sur la période 1973-1980. Ce résultat est comparable à celui obtenu en moyenne par les pays de l'OCDE, soit 0,60. Quant à la part du pétrole, elle est passée de 66 °/o en 1973 à 53 °/o en 1980 en raison essentiellement de la progression du nucléaire (+ 5 °/o), du gaz ( + 4 °/o) et de l'hydraulique (+ 2,7 %) (voir tableau 1).

TABLEAU 1. — Bilans énergétiques primaires 1973 et 1981

1973 1981

Mtep °/o Mtep °7o

Charbon 30,5 Pétrole 117,2 Gaz naturel 15,0 Hydraulique 9,9 Nucléaire 3,1 Energies nouvelles 2,0 1,1 3,2 1,7

TOTAL 177,7 100 191,7 100

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17,3 66 8,4 5,6 1,7

34,4 101,7 23,4 16 12,9

18 53 12 2 6

,3 ,3 ,7

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2. Développer les énergies nationales. L'accent a été mis sur la production d'électricité d'origine nucléaire. Depuis 1973, les engagements annuels ont porté sur 5 000 MW environ. Au début de 1982, la puissance électronucléaire installée était de 21 600 MW et 29 800 MW étaient en construction. En 1981, l'énergie nucléaire a assuré 37 °7o de la production d'électricité.

Après l'abandon de la filière nationale graphite-gaz en 1969, le choix s'est porté sur les réacteurs de types PWR construits en France par Framatome sous licence Westinghouse. Les accords entre ces deux compagnies ont été renégociés en 1981 dans un sens plus égalitaire.

Dans le domaine du cycle du combustible, la COGEMA filiale du CE. A. contrôle environ 10 °/o des réserves mondiales d'uranium . La production nationale couvre environ la moitié des besoins. Une usine d'enrichissement, Eurodif d'une capacité de 11,2 millions d'UTS, a été construite en coopération avec divers pays européens et l'Iran. Les capacités de l'usine de retraitement de La Hague ont été progressivement augmentées et devraient atteindre 800 t/an en 1985.

Le charbon à réussi a maintenir sa part dans le bilan énergétique total (17 °/o) grâce pour l'essentiel à l'augmentation de la consommation des centrales électriques qui a doublé. Le rythme de réduction de la production nationale a été réduit en 1974 de 3 à 1 Mt/an. En 1980, celle-ci s'élevait encore à 23 Mt contre le double il y a 20 ans, et les importations atteignaient 30 Mt.

En matière d'hydrocarbures, la prospection du sol national a été développée. Il faut souligner également le lancement d'un plan carburol visant à introduire 10 % d'alcool dans les carburants automobiles d'ici 1990.

3. Diversifier les sources d'approvisionnement. L'objectif était de faire en sorte qu'aucun pays ne représente plus de 15 % de nos importations d'énergie. Pour des raisons diverses (bas coût du brut séoudien, crise iranienne,...) cet objectif n'a pu être atteint. Nos deux plus importants fournisseurs, l'Arabie Séoudite et l'Irak assuraient ensemble 36 % de nos approvisionnements pétroliers en 1973 et 57 % en 1980. Après le déclenchement de la guerre Irak-Iran, plus de la moitié de nos importations de pétrole provenait de l'Arabie Séoudite.

Globalement, pendant les années 70, la France est parvenue à amorcer la relève du pétrole, mais sa dépendance par rapport aux importations d'énergie ne s'est pas sensiblement réduite. En 1980, elles représentaient 71 °/o de la consommation d'énergie primaire contre 76 % en 1973. Ce n'est qu'à l'horizon 1990 qu'une amélioration de cette situation était escomptée.

En effet, en mars 1980, un conseil de planification avait fixé à 242 Mtep, l'objectif de consommation pour 1990 dans l'hypothèse d'une croissance économique de 3,5 °Io par an. La part du pétrole aurait été ramenée de 53 à 30 %, la consommation pétrolière tombant à 68 Mtep contre 117 en 1973. Parallèlement, la production d'énergie nucléaire aurait été multipliée par 7 pour atteindre 73 Mtep, soit plus que le pétrole (voir Tableau 2), le taux de dépendance aurait ainsi été ramené à 55 °7o.

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III. — LA NOUVELLE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE

La politique énergétique menée depuis 1973 avait fait l'objet de sérieuses critiques de la part de l'opposition de gauche.

La priorité accordée au programme nucléaire heurtait la sensibilité écologiste qui dénonçait les risques pour la démocratie d'une éventuelle « société du plutonium » et qui prônait en alternative le recours aux énergies douces plus décentralisées. D'autres se demandaient si les investissements consacrés aux moyens de production correspondaient bien à une allocation optimale des ressources et s'il n'existait pas des moyens plus efficaces, notamment grâce à une meilleure maîtrise des consommations de desserrer la contrainte extérieure et de créer des emplois.

A côté de cette tendance existait au contraire un courant nettement producti- viste très favorable au développement des sources d'énergie nationales qu'il s'agisse du charbon ou du nucléaire. L'aspiration à une croissance forte, jugée seule capable de réduire les inégalités, se conjugait avec une foi sans faille dans le progrès scientifique pour soutenir le développement des grands outils de production et des techniques nouvelles telles que la gazéification du charbon et les surrégénérateurs...

Dès son arrivée au pouvoir, en mai 1981, le nouveau gouvernement de gauche promettait un débat de politique énergétique au Parlement pour l'automne. Il décidait parallèlement de renoncer à la construction d'une centrale nucléaire sur le site de Plogoff qui avait été vivement contestée et de geler provisoirement les travaux sur 5 autres sites. La préparation du débat parlementaire donna lieu à la rédaction de deux rapports qui servirent de base à la nouvelle politique : le rapport Hugon sur les problèmes techniques et économiques et le rapport Bourjol sur les aspects institutionnels et juridiques.

1. Le rapport Bourjol contenait de nombreuses recommandations pour associer plus étroitement les citoyens à l'élaboration des choix énergétiques :

— les régions sont invitées à élaborer leurs propres plans énergétiques dont la réalisation devrait donner lieu à des contrats avec l'Etat ;

— elles devront se doter à cette fin d'agences régionales de l'énergie qui veilleront tout spécialement au développement des énergies locales et des économies d'énergie ;

— sur chaque site nucléaire sera créée une commission locale d'information et une commission nationale des présidents de ces commissions sera installée ;

— l'enquête d'utilité publique préalable à la réalisation des grands équipements énergétiques sera réformée pour permettre une meilleure prise en compte des positions des personnes concernées ;

— enfin, une délégation parlementaire permanente pour l'énergie est jugée utile et la mise en place auprès du Parlement d'un office d'évaluation des choix technologiques est encouragée.

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35-40 70-75 31-40 14-15 60-66 10-14

33 73 37 14 73 12

2. Le rapport Hugon témoigne d'une certaine continuité avec les options précédentes (recherche de la sécurité et de l'indépendance nationale, réduction de la part du pétrole...) mais il marque aussi une rupture très nette : à la politique ancienne qui privilégiait le développement des moyens de production doit se substituer une politique de maîtrise des consommations.

A l'horizon 1990, et dans le cadre d'une croissance du PNB de 5 % par an, la consommation énergétique visée est de 232 Mtep, contre 242 Mtep précédemment. Sa répartition est donnée par le tableau 2.

TABLEAU 2. — Evolution des bilans énergétiques à l'horizon 1990 (Mtep)

Energie primaire Bilan Hugon Bilan précédent

Charbon Pétrole Gaz Hydraulique Nucléaire Energies nouvelles

TOTAL 232 242

La réalisation de ces objectifs supposait tout d'abord un effort considérable d'économies d'énergie, l'élasticité énergie-PNB sur la période 1981-1990 devant être ramenée à 0,46. Pour y parvenir, les investissements consacrés aux économies d'énergie auraient dû quadrupler pour atteindre d'ici 1990 une quarantaine de milliards de F par an dont 30 pour les économies proprement dites et 10 pour les substitutions entre énergies, essentiellement en faveur du charbon et de l'électricité. Le rapport Hugon soulignait également la nécessité de mettre en œuvre une politique industrielle cohérente avec ce programme notamment en matière de régulation et de chaudières à charbon. Au total, la création de 300 000 emplois était attendue de cet effort.

Dans le domaine des filières de production, l'accent était mis sur le charbon. La prospection du sol national devait être développée, les investissements portés à 2 milliards de F. par an (hors centrales électriques). Une subvention de 2,5 c/thermie était proposée pour le charbon national. Sur le plan international, le rapport insistait sur la nécessité de définir une stratégie d'ensemble pour les opérateurs français. Le programme nucléaire supportait l'essentiel de la baisse de la consommation et se trouvait légèrement réduit. Quant aux énergies nouvelles, leur développement devait être accéléré et les crédits de R.D., qui leur sont consacrés, triplés d'ici 1985.

Les rapports Hugon et Bourgol servirent de base au plan d'indépendance énergétique qui fut adopté par le Parlement le 8 octobre 1981 et qui oriente depuis lors la nouvelle politique énergétique. Maîtrise des consommations, diversification des sources d'énergie primaire et démocratisation des procédures constituent ses trois priorités.

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a) la volonté de maîtriser les consommations d'énergie s'est traduite par la création en avril 1982 de l'Agence Française pour la Maîtrise de l'Energie qui regroupe les moyens de l'Agence pour les Economies d'Energie, du Commissariat à l'Energie Solaire, de la Mission chaleur et du Comité Géothermie. Dotée d'un budget de 1,4 milliards de F en 1982, dont un quart pour la recherche, elle a pour mission de promouvoir l'utilisation rationnelle de l'énergie et les énergies nouvelles. Son statut d'établissement public à caractère industriel et commercial lui confère des possibilités d'intervention beaucoup plus larges que les organismes qui l'ont précédé.

Par ailleurs, un certain nombre de mesures financières d'aide aux investissements ont été prises : désencadrement du crédit, bonification des taux d'intérêt, déductions fiscales, création d'un compte épargne-énergie, développement de sociétés de crédit-bail spécialisées : les Sofergies.

Enfin, une partie du Fonds spécial de Grands Travaux, fond conjoncturel destiné à relancer l'activité du BTP (soit 2 milliards de F répartis sur 1982 et 1983) a été affectée à des économies d'énergie dans les bâtiments publics et les logements sociaux et aux réseaux de chaleur. C ntrairement aux orientations précédentes la priorité semble désormais accordée au secteur résidentiel et tertiaire qui est d'ailleurs celui dont la consommation croit le plus rapidement.

Il est encore trop tôt pour dresser un bilan de ce foisonnement d'initiatives mais il semble dès à présent que, dans le secteur industriel, si les économies d'énergie se réalisent à peu près selon les objectifs visés, les substitutions au bénéfice de l'électricité et du charbon s'effectuent à un rythme beaucoup plus lent que celui qui était escompté.

b) la diversification des sources d'énergie primaire consiste à rééquilibrer le bilan énergétique en faveur des énergies nationales et à mieux répartir nos approvisionnements extérieurs entre nos fournisseurs étrangers. Des décisions importantes ont déjà été prises aussi bien en ce qui concerne le pétrole que le gaz, le charbon ou l'énergie nucléaire.

En matière de pétrole, les Pouvoirs publics se sont trouvés confrontés à la grave crise que connaît l'industrie du raffinage. En raison de la baisse de la consommation, les raffineries ne fonctionnent qu'à 70 °/o de leur capacité nominale. Elles doivent en outre être reconverties pour faire face à une offre qui s'oriente vers des pétroles de plus en plus lourds et à une demande au contraire où la part des produits légers s'accroît. Les pertes se sont gonflées rapidement. En 1981, elles ont atteint 5 milliards de F, alors que le total des dettes accumulées par l'ensemble de l'industrie s'élevait à 60 milliards de F. Pour 1982, Les pertes sont estimées à 13 milliards de F.

Pour remédier à cette situation, un plan d'ensemble a été défini. Les prix départ-raffinerie qui jusqu'à présent étaient déterminés de façon discrétionnaire par les Pouvoirs publics devraient désormais évoluer de façon automatique en fonction des prix internationaux tout en ecrêtant des fluctuations rapides de trop grande amplitude. La hausse du dollar et le blocage des prix ont retardé l'application de cette formule sans en remettre en cause le principe. L'industrie française du raffinage devrait ainsi pouvoir retrouver une situation financière plus saine afin de se moderniser. Un plan prévoyant la fermeture des unités les moins renta-

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bles et des investissements importants (3,5 milliards de F) a été d'ailleurs approuvé par les Pouvoirs publics.

Sur le plan extérieur, la tendance a également été à un plus grand libéralisme, Elf-Aquitaine a été autorisée à acheter une compagnie américaine Texas-Gulf alors que le gouvernement précédent s'était opposé à l'achat d'une autre société américaine Kerr McGee. En matière d'approvisionnements, les compagnies cherchent à se défaire des contrats d'Etat à Etat à long terme pour profiter de la baisse des prix spot et des rabais qui sont proposés ici ou là. La part de l'Arabie Séoudite dans les importations de pétrole est ainsi tombée à 37 % en 1982. Le contrat franco-séoudien, dit contrat Jobert, signé en 1974 et qui prévoyait l'achat par la France de 12 millions de t/an de pétrole séoudien a été renégocié au niveau de 3 millions de t/an.

La production de charbon national a fait l'objet d'un soutien très marqué. La préférence dont il bénéficie a été actualisée sur le PIB et portée pour 1982 à 2,8 c/thermie. La subvention aux Charbonnages de France approchera ainsi 6 milliards de F en 1982. Des investissements sélectifs seront effectués dans les puits les plus rentables. Pour mieux maîtriser les importations, la structure de l'ATIC va être rénovée et Charbonnages de France y aura un rôle plus déterminant que par le passé.

En ce qui concerne l'énergie nucléaire, les sites « gelés » ont été « dégelés » après consultation des collectivités locales concernées. Pour la période 1982-83, EDF a été autorisée à engager 6 tranches nucléaires (soit 7 400 MW) ainsi que deux tranches au charbon de 600 MW. Au-delà, les perspectives de croissance de la consommation d'électricité apparaissant moins favorables que lors de la rédaction du rapport Hugon, il faut sans doute s'attendre à une baisse sensible des investissements nucléaires.

Le gaz enfin occupe dans le bilan énergétique français une part croissante (3,4 % en 1960, 12,5 % en 1981 et environ 16 °/o en 1990) mais inférieure à la moyenne mondiale (19 °7o). Pour compenser le déclin prévisible des gisements de Lacq et de Groningue (70 °/o de la consommation en 1981 mais seulement 15 à 20 °/o en 1990) des contrats ont été conclus avec l'URSS, l'Algérie et la Norvège. D'autres seront recherchés avec le Canada, le Nigeria ou l'Argentine. Parallèlement, pour parer à d'éventuelles ruptures d'approvisionnement, les capacités de stockage sont en cours de doublement pour atteindre 10 millions de TEP. La consommation de gaz sera répartie par moitié entre le secteur résidentiel et tertiaire d'une part, et l'industrie d'autre part. La moitié des contrats industriels sera interruptible, ce qui donnera une souplesse supplémentaire.

c) La démocratisation des procédures et la régionalisation des choix constituent sans conteste l'aspect le plus novateur de la politique élaborée et mise en œuvre depuis mai 1981. C'est aussi sans doute celui qui soulève le plus de difficultés, car il ne peut être question d'imposer des structures de participation sans le soutien actif des intéressés.

Le gouvernement encourage la création d'agences régionales de l'énergie et appuie l'élaboration de plans énergétiques régionaux, départementaux, cantonaux ou communaux. Des commissions locales d'information ont été créées près des grands équipements énergétiques selon les recommandations du rapport

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Bourjol. Une commission scientifique a été chargée d'étudier les problèmes du retraitement des combustibles nucléaires irradiés. La création d'un office d'évaluation des choix technologiques va être discutée au Parlement.

La nouvelle politique énergétique témoigne ainsi d'une volonté très nette d'associer tous les citoyens à l'élaboration des choix énergétiques, volonté cohérente avec la priorité accordée à la maîtrise des consommations. Sa réussite dépend largement de l'adhésion qu'elle saura recueillir dans le pays.

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