6
8 © Masson, Paris, 2004 J. Réadapt. Méd., 2004, 24, n° 1-2, pp. 8-13 MÉMOIRE La pratique au quotidien de la médecine de rééducation à Madagascar S. RANDRIANARISONA Centre d’Appareillage de Madagascar, BP 279, 101 Antananarivo, Madagascar. Résumé. — Justifications : La médecine de rééducation est une discipline très peu connue du public à Madagascar, et encore très mal comprise du monde médical et paramédical. D’aucuns pensent qu’avec l’éradication tant espérée de la poliomyélite, les services de rééducation n’auront plus suffisamment à faire. Or, nous avons à nous occuper d’au moins quelques 640 000 personnes qui seraient en situation de handicap moteur en se basant sur les estimations de l’OMS. Opinions : À travers l’évaluation des activités des six dernières années (1997–2002) des deux plus anciens centres publics, le Centre d’Appareillage de Madagascar à Antananarivo et le Centre de Rééducation Motrice de Madagascar à Antsirabe, 15 nouveaux patients sont consultés par semaine. Au moins 2/3 des patients pris en charge ont moins de 18 ans. L’orthopédie et la neurologie constituent actuellement notre principal champ d’action. La prévention de l’infirmité motrice cérébrale, le dépistage précoce des déformations orthopédiques sont une priorité à considérer. Chez l’adulte, l’hémiplégie, les para et tétraplégies, devraient bénéficier d’une prise en charge plus complète. Il est impératif d’une part de renforcer le nombre des médecins de rééducation et celui des kinésithérapeutes afin d’optimiser le fonctionnement des services, et d’autre part de disposer d’orthophonistes et d’ergothérapeutes pour que la réédu- cation des fonctions supérieures et celle de l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne soient prises en compte. Conclusion : Un gros travail de sensibilisation est à mener pour arriver à conscientiser tout un chacun sur le problème du handicap et l’ampleur de la question. Mots-clés : Rééducation, Médecine physique, Handicap, Madagascar. Summary. — Routine rehabilitation practices in Madagascar Background: In Madagascar, the general public as well as the medical community, are not particularly familiar with physiotherapy and rehabilitation. For some, the long hoped for eradication of poliomyelitis also eliminated the need for physical medicine units. Based on the WHO estimations however, at least 640,000 persons in Madagascar have physical handicaps requiring rehabilitation care. Activities: An evaluation of the activities during the last six years (1997-2002) of the two oldest rehabilitation units in Madagascar, the Pros- thesis Center at Antananarivo and the Motor Rehabilitation Center at Antsirabe, 15 new patients consult per week. At least two-thirds of the patients attending these units are less than 18 years old. Orthopedic and neurological disorders predominate. Prevention of motor defi- ciency in cerebral palsy patients and early screening for orthopedic malformations are priorities. A complete service is provided for adult hemiplegia, paraplegia, and tetraplegia patients. The number of rehabilitation physicians and physiotherapy specialists must be increased to optimize care. There is also a need for speech therapists and work therapists to help improve patient independence for daily life activities. Conclusion: It is important to improve awareness of the need for rehabilitation care in Madagascar, taking into consideration individual needs and the dimension of the handicapped population. Key words: Rehabilitation, Physical medicine, Handicap, Madagascar. La médecine de rééducation est une discipline très peu connue du public à Madagascar, et encore très mal comprise du monde médical et paramédical. Et pourtant, des structures de rééducation fonctionnelle et d’appa- reillage existent. Aux deux premiers Centres nationaux implantés dans les années 50, le Centre de Rééducation Motrice de Mada- gascar (CRMM) à Antsirabe en 1955 et le Centre d’Appa- reillage de Madagascar (CAM) à Antananarivo en 1951, du temps où sévissait encore la poliomyélite antérieure aiguë, se sont rajoutés des services de rééducation fonctionnelle mis en place au sein des centres hospitaliers. C’est ainsi que vit le jour le Service de Rééducation Fonctionnelle au sein du CHU de l’Hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavolana (HJRA) à Antananarivo vers les années 80. Dans les années 90, chaque centre hospitalier pro- vincial se voit doté d’un Service d’Appareillage et de Rééducation (SAR) au nombre de 5 au total avec l’aide de Handicap International. L’effort consenti pour mul- tiplier et décentraliser les structures n’est malheureuse- ment pas allé de paire avec le développement des ressources humaines. Les médecins rééducateurs sont rarissimes ; le ratio pour 10 000 personnes en situation de handicap moteur est de 0,21 médecins ayant compé- tence en rééducation et réadaptation fonctionnelles [1]. La préparation de la spécialité ne peut encore se faire à Madagascar. La plupart de ces structures de soins sont ainsi dépourvues de médecins spécialistes en rééduca- tion et fonctionnent avec des médecins qui ont acquis la compétence « sur le tas », des médecins kinésithérapeu- tes ou des chirurgiens. Les kinésithérapeutes, encore en nombre insuffisant, constituent l’essentiel du personnel spécialisé. Tirés à part : S. RANDRIANARISONA, à l’adresse ci-dessus.

La pratique au quotidien de la médecine de rééducation à Madagascar

  • Upload
    s

  • View
    221

  • Download
    5

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La pratique au quotidien de la médecine de rééducation à Madagascar

8

© Masson, Paris, 2004

J. Réadapt. Méd.

, 2004,

24

, n° 1-2, pp. 8-13

MÉMOIRE

La pratique au quotidien de la médecine de rééducation à Madagascar

S. RANDRIANARISONA

Centre d’Appareillage de Madagascar, BP 279, 101 Antananarivo, Madagascar.

Résumé. —

Justifications : La médecine de rééducation est une discipline très peu connue du public à Madagascar, et encore trèsmal comprise du monde médical et paramédical. D’aucuns pensent qu’avec l’éradication tant espérée de la poliomyélite, les servicesde rééducation n’auront plus suffisamment à faire. Or, nous avons à nous occuper d’au moins quelques 640 000 personnes quiseraient en situation de handicap moteur en se basant sur les estimations de l’OMS.Opinions : À travers l’évaluation des activités des six dernières années (1997–2002) des deux plus anciens centres publics, le Centred’Appareillage de Madagascar à Antananarivo et le Centre de Rééducation Motrice de Madagascar à Antsirabe, 15 nouveaux patientssont consultés par semaine. Au moins 2/3 des patients pris en charge ont moins de 18 ans. L’orthopédie et la neurologie constituentactuellement notre principal champ d’action. La prévention de l’infirmité motrice cérébrale, le dépistage précoce des déformationsorthopédiques sont une priorité à considérer. Chez l’adulte, l’hémiplégie, les para et tétraplégies, devraient bénéficier d’une prise encharge plus complète. Il est impératif d’une part de renforcer le nombre des médecins de rééducation et celui des kinésithérapeutesafin d’optimiser le fonctionnement des services, et d’autre part de disposer d’orthophonistes et d’ergothérapeutes pour que la réédu-cation des fonctions supérieures et celle de l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne soient prises en compte.Conclusion :

Un gros travail de sensibilisation est à mener pour arriver à conscientiser tout un chacun sur le problème du handicapet l’ampleur de la question.

Mots-clés :

Rééducation, Médecine physique, Handicap, Madagascar.

Summary. — Routine rehabilitation practices in Madagascar

Background: In Madagascar, the general public as well as the medical community, are not particularly familiar with physiotherapy andrehabilitation. For some, the long hoped for eradication of poliomyelitis also eliminated the need for physical medicine units. Based onthe WHO estimations however, at least 640,000 persons in Madagascar have physical handicaps requiring rehabilitation care.Activities: An evaluation of the activities during the last six years (1997-2002) of the two oldest rehabilitation units in Madagascar, the Pros-thesis Center at Antananarivo and the Motor Rehabilitation Center at Antsirabe, 15 new patients consult per week. At least two-thirds of thepatients attending these units are less than 18 years old. Orthopedic and neurological disorders predominate. Prevention of motor defi-ciency in cerebral palsy patients and early screening for orthopedic malformations are priorities. A complete service is provided for adulthemiplegia, paraplegia, and tetraplegia patients. The number of rehabilitation physicians and physiotherapy specialists must be increasedto optimize care. There is also a need for speech therapists and work therapists to help improve patient independence for daily life activities.Conclusion: It is important to improve awareness of the need for rehabilitation care in Madagascar, taking into consideration individualneeds and the dimension of the handicapped population.

Key words:

Rehabilitation, Physical medicine, Handicap, Madagascar.

La médecine de rééducation est une discipline trèspeu connue du public à Madagascar, et encore très malcomprise du monde médical et paramédical. Et pourtant,des structures de rééducation fonctionnelle et d’appa-reillage existent.

Aux deux premiers Centres nationaux implantés dansles années 50, le Centre de Rééducation Motrice de Mada-gascar (CRMM) à Antsirabe en 1955 et le Centre d’Appa-reillage de Madagascar (CAM) à Antananarivo en 1951, dutemps où sévissait encore la poliomyélite antérieure aiguë,se sont rajoutés des services de rééducation fonctionnellemis en place au sein des centres hospitaliers. C’est ainsi quevit le jour le Service de Rééducation Fonctionnelle au seindu CHU de l’Hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavolana(HJRA) à Antananarivo vers les années 80.

Dans les années 90, chaque centre hospitalier pro-vincial se voit doté d’un Service d’Appareillage et deRééducation (SAR) au nombre de 5 au total avec l’aidede Handicap International. L’effort consenti pour mul-tiplier et décentraliser les structures n’est malheureuse-ment pas allé de paire avec le développement desressources humaines. Les médecins rééducateurs sontrarissimes ; le ratio pour 10 000 personnes en situationde handicap moteur est de 0,21 médecins ayant compé-tence en rééducation et réadaptation fonctionnelles [1].La préparation de la spécialité ne peut encore se faire àMadagascar. La plupart de ces structures de soins sontainsi dépourvues de médecins spécialistes en rééduca-tion et fonctionnent avec des médecins qui ont acquis lacompétence « sur le tas », des médecins kinésithérapeu-tes ou des chirurgiens. Les kinésithérapeutes, encore ennombre insuffisant, constituent l’essentiel du personnelspécialisé.

Tirés à part :

S. R

ANDRIANARISONA

, à l’adresse ci-dessus.

Page 2: La pratique au quotidien de la médecine de rééducation à Madagascar

9

EXPÉRIENCES

Il s’agit d’une évaluation à la fois prospective concer-nant le CRMM et rétrospective s’agissant du CAM, por-tant sur les activités de ces deux plus anciens Centrespublics, sur une période de 6 ans, de 1997 à 2002. Lesrapports d’activité de ces structures ainsi que « l’Analysede la Situation en Rééducation et Réadaptation Fonction-nelles » réalisée conjointement par le Ministère de laSanté et Handicap International en 1999 constituent nosprincipales sources de données.

Le CAM est implanté dans la capitale avec une popu-lation environnante de 1 200 000 habitants.

Le CRMM se situe dans la 2

e

ville de Madagascar, à160 km au Sud de la capitale, Antsirabe, comprenant quel-ques 680 000 habitants avec ses environs immédiats. Maisle CRMM constitue également le pôle principal de réfé-rence en matière de rééducation fonctionnelle de toute larégion du Sud, Sud-Est de l’Ile où sont présentes plusieurscongrégations religieuses œuvrant pour les personnes han-dicapées.

Les médecins du CRMM assurent des activités auniveau du Centre lui-même, mais vont également par équi-pes mobiles pratiquer des tournées de consultation dans lesrégions précitées trois à quatre fois par an.

ACTIVITÉS DE CONSULTATIONS

Toutes activités confondues, chaque médecin effectueen moyenne 8 à 10 consultations par jour

(tableau I)

. Cesdonnées nous fournissent une moyenne de 15 nouveauxpatients consultés par semaine.

LA KINÉSITHÉRAPIE

La kinésithérapie constitue l’essentiel de la prescrip-tion de ces médecins, faute de personnel qualifié en ortho-phonie, ergothérapie, psychologie et psychomotricité

(tableaux II et III

,

figures 1 et 2)

. La charge de travail deskinés du CRMM est nettement supérieure à celle du CAM.Un patient ne bénéficie en moyenne que de 2 séances dekiné/semaine.

Cinquante-huit pour cent des patients pris en chargeau CAM sont âgés de moins de 1 an

(tableau IV)

.Soixante-neuf pour cent des patients admis en hospitalisa-tion au CRMM ont moins de 18 ans

(tableau IV)

.

LA DEUXIÈME ACTIVITÉ PRINCIPALE DES MÉDECINS DE RÉÉDUCATION DE CES 2 CENTRES EST L’APPLICATION DU TRAITEMENT ORTHOPÉDIQUE PLÂTRÉ

Le CRMM est le seul service à pouvoir disposer d’uncadre pour la confection des plâtres EDF (Elongation-Dérotation-Flexion)

(tableau V)

.

LE CRMM EN OUTRE EST LA SEULE STRUCTURE DE RÉÉDUCATION COMPORTANT DES LITS D’HOSPITALISATION AVEC UNE CAPACITÉ DE 60 LITS

La durée moyenne de séjour (DMS) a tendance à seraccourcir avec une moyenne de 3 mois

(tableau VI)

.La particularité du CRMM tient au fait qu’il a intégré

en son sein la réalisation des principales interventions chi-rurgicales orthopédiques grâce à l’ouverture d’un blocopératoire courant 2000.

En moyenne, 87 % des patients admis en hospitalisa-tion sont opérés

(tableaux VII et VIII

,

figure 3)

.

LA DERNIÈRE ACTIVITÉ DES MÉDECINS DE RÉÉDUCATION EST LA PRESCRIPTION D’APPAREILLAGES : CHAUSSURES ORTHOPÉDIQUES, ORTHÈSES, PROTHÈSES, AIDES TECHNIQUES

Tableau IX

.

COMMENTAIRE

Nous constatons qu’au moins 2/3 des patients pris encharge dans ces Centres sont constitués d’une populationjeune, de moins de 18 ans. Plus de la moitié de ceux prisen charge au CAM sont des nourrissons.

La rééducation pédiatrique prédomine avec unenuance dans l’importance des activités. L’étude compara-tive des activités de ces deux Centres montre que le CAMa une activité prépondérante dans le traitement fonction-nel et le traitement orthopédique plâtré des pieds bots enparticulier. En outre, le CAM se distingue par une pro-duction d’appareillages nettement plus importante que leCRMM, avec une gamme très diversifiée. Ses ateliers,bien équipés, ont bénéficié d’une réhabilitation en 1995.

Le CRMM quant à lui, se démarque par des activitésmultisectorielles : chirurgie orthopédique, kinésithérapie,traitement orthopédique plâtré, appareillage, scolarisationjusqu’en classe de 3

e

. Il a longtemps fonctionné en régimed’internat. La formule de prise en charge a évolué depuisquelques années pour deux raisons principales :— La diminution du nombre des séquelles de polio (quinécessitaient des séjours plus longs, de l’ordre d’une annéeau moins) ;— L’instauration de la participation financière des usa-gers (actuellement momentanément interrompue).

La DMS a donc diminué. Le CRMM admet en hospi-talisation les déformations orthopédiques les plus gravesqui nécessitent souvent un ou plusieurs actes opératoires.Une kinésithérapie pré et post-opératoire intensive estalors nécessaire.

Le CRMM dispense au total plus de séances de réédu-cation que le CAM pour un éventail de pathologies nette-ment plus vaste, et ce, malgré un nombre plus restreint dekinésithérapeutes. Ce qui est désolant, c’est de constaterque le nombre de kinésithérapeutes qui devait aller en aug-mentant soit redescendu à des chiffres antérieurs à 1997,

Page 3: La pratique au quotidien de la médecine de rééducation à Madagascar

10

TABLEAU I. — Activités de consultations des médecins de rééducation.

AnnéeCAM CRMM

Nombre de médecins

Nombre total de consultations

Nouveaux patients

Nombre de médecins

Nombre total de consultations (tournées comprises)

Nouveaux patients

1997 4 2 709 737 5 1 428 565

1998 3 2 272 626 5 1 974 767

1999 3 2 687 742 5 2 034 701

2000 3 2 866 752 5 1 848 663

2001 2 1 505 667 4 1 980 732

2002 4 1 565 760 4 2 053 737

Total 13 604 4 284 11 317 4 165

TABLEAU II. — Principales affections rééduquées (%).

Structure Affections 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Moyenne

CAM

Pied Bot Varus Equin 65 % 59 % 65 % 56 % 56 % 42 % 57 %

Déformations rachitiques 16 16 10 3 4 8 10 %

Infirmité Motrice Cérébrale 0 0 2 8 3 8 4 %

Affections du rachis 1 1 7 3 6 7 4 %

Luxation congénitale de hanche 3 2 2 3 2 4 3 %

Séquelles de poliomyélite 1 4 4 1 0 0 2 %

Séquelles de traumatisme 0 0 0 2 0 0 0 %

Hémiplégie 0 0 0 0 2 2 1 %

Para et tétraplégie 0 0 0 0 0 0 0 %

Infections ostéo-articulaires 0 0 0 0 0 0 0 %

Total 86 % 82 % 90 % 76 % 73 % 71 % 81 %

CRMM

Pied Bot Varus Equin

Données non disponibles

12 % 11 % 19 % 14 %

Déformations rachitiques 10 7 2 6 %

Infirmité Motrice cérébrale 32 36 37 35 %

Affections du rachis 2 2 5 3 %

Luxation congénitale de hanche 1 2 1 1 %

Séquelles de poliomyélite 15 8 7 10 %

Séquelles de traumatisme 5 6 5 5 %

Hémiplégie 5 5 5 5 %

Para et tétraplégie 4 4 5 4 %

Infections ostéo-articulaires 2 7 3 4 %

Total 88 % 88 % 89 % 88 %

Page 4: La pratique au quotidien de la médecine de rééducation à Madagascar

11

TABLEAU III. — Activités de kinésithérapie.

Structure CAM CRMM

Année Nombre de séances de kiné/an

Nombre de kinés

Nb de patients rééduqués/an

Nombre de séances de kiné/an

Nombre de kinés

Nb de patients rééduqués/mois

1997 6 878 4 317 15 970 3Données non disponibles1998 3 809 3 242 21 032 3

1999 5 993 7 310 9 429 5

2000 9 126 5 1 502 12 649 4 128

2001 9 435 5 612 10 066 5 122

2002 4 530 4 330 5 272 3 87

TABLEAU IV. — Âge des patients pris en charge.

Structure CAM CRMM

Année Patients âgés de moins de 1 an Patients hospitalisés âgés de moins de 18 ans

Année n % n %

1997 210 66 74 75

1998 128 53 63 73

1999 204 66 40 57

2000 713 47 79 72

2001 335 55 100 68

2002 196 59 108 68

TABLEAU V. — Traitement orthopédique plâtré.

Actes Plâtres de correction des pieds bots et d’autres déformations Coquilles et attelles plâtrées Moulages Corsets plâtrés

Année Plâtres pour gypsotomie de correction des déformations des membres inférieurs Minerves plâtrées Plâtre EDF

1997 CAMCRMM

CAMCRMM

CAMCRMM

140 28 19

1998 476 138 59 32 18

1999 578 128 54 23 19

2000 549 142 29 44 13 17

2001 357 175 13 32 17

2002 569 161 10 43 25

TABLEAU VI. — Évolution de la DMS au CRMM.

Année 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Moyenne

DMS (jours) 161 163 151 84,98 38,71 24,11 103,8

TABLEAU VII. — Activités chirurgicales.

Année 2000 2001 2002

Nombre de patients opérés 109 146 160

Nombre total des admissions 120 180 180

Pourcentage de patients opérés 91 % 81 % 89 %

Page 5: La pratique au quotidien de la médecine de rééducation à Madagascar

12

compromettant ainsi des résultats pourtant très satisfaisantsen général.

En externat, les affections neurologiques sont pré-pondérantes avec en priorité, l’Infirmité Motrice Céré-brale (IMC), et chez l’adulte, l’hémiplégie et les para ettétraplégies, en particulier post-traumatiques. Malheu-reusement pour ces affections, seule la rééducation

motrice peut être considérée. La rééducation des fonc-tions supérieures, celle de l’autonomie dans les actes dela vie quotidienne… sont souvent laissées pour comptedu fait de l’inexistence d’orthophoniste et d’ergothéra-peute.

Bien que cette étude n’ait approché que les deux prin-cipaux Centres nationaux, elle donne une vision assez

TABLEAU VIII. — Principales affections opérées au CRMM.

Année Nb de patients opérésSéquelles de poliomyélite Pieds bots varus équins Déformations

rachitiques Séquelles traumatiques

n % n % n % n %

2000 109 38 35 % 23 21 % 22 20 % 6 6 %

2001 146 35 24 % 24 16 % 32 22 % 11 8 %

2002 160 26 15 % 40 25 % 19 12 % 24 15 %

Moyenne 25 % 21 % 18 % 10 %

TABLEAU IX. — Nombre d’appareillages neufs produits dans les 2 centres.

Structure CAM CRMM

Année Podo-orthèses Ortho-prothèses Podo-orthèses Ortho-prothèses

1997 105 343

1998 496 525 170 212

1999 544 569 134 170

2000 450 433 132 282

2001 426 227 137 199

2002 251 209 72 133

FIG. 1. — Principales affections rééduquées au CAM.

Pied Bot Varus Equin

Déformationsrachitiques

Infirmité MotriceCérébrale

Affections du rachis

Luxation congénitalede hanche

Séquelles de poliomyélite

Autres

FIG. 2. — Principales affections rééduquées au CRMM.

Pied bot varus équin

Déformations rachitiques

Infirmité Motrice Cérébrale

Séquelles de poliomyélite

Séquelles de traumatisme

Hémiplégie

Para et tétraplégie

Infections osteo-articulaires

Autres

FIG. 3. — Principales affections opérées au CRMM.

Séquelles de poliomyélite

Pied bot varus équin

Déformations rachitiquesSéquelles de traumatismeAutres

Page 6: La pratique au quotidien de la médecine de rééducation à Madagascar

13

générale de la pratique actuelle de la médecine de réédu-cation à Madagascar. « L’Analyse de la Situation » réaliséeen 1999 a révélé un domaine d’activités des SAR des pro-vinces qui ne s’éloigne pas de celui des principaux Centres,mais avec une intensité nettement moindre du fait del’insuffisance de médecins rééducateurs « prescripteurs ».

Le Service de Rééducation Fonctionnelle de l’HJRAdispose d’un plateau technique où seule la kinésithérapieest dispensée. Ce service ne dispose pas de lits de rééduca-tion. Les patients sont pour la plupart adressés par les diffé-rents services hospitaliers. Les affections rhumatologiques,traumatiques (essentiellement les suites de fractures), lesaccidents vasculaires cérébraux sont les pathologies lesplus habituellement rencontrées. Chez l’enfant, l’InfirmitéMotrice Cérébrale vient encore en tête [4].

OPINIONS

Selon l’estimation de l’OMS, le nombre total des per-sonnes handicapées en Afrique représente 8 % de la popu-lation

[1], soit pour Madagascar quelques 1 280 000 individusdont 50 %, soit 640 000 personnes seraient en situation deHandicap Moteur.

Et pourtant, quand l’éradication de la polio à Mada-gascar commence à se profiler au loin, et que nous soyonseffectivement en droit de l’espérer grâce aux efforts desProgrammes Elargis de Vaccination et des JournéesNationales de Vaccination tenues récemment, et qu’effec-tivement le nombre de séquelles de polio rencontréesdans les services diminue sensiblement, d’aucuns pen-saient que les services de rééducation n’auraient plus suf-fisamment à faire. Pour le public et même pour les plusavertis, le mot « handicap » a toujours été associé et selimite souvent à cette vision des déformations spectaculairesde l’individu porteur de séquelles de polio dans toute leursplendeur.

Un énorme travail de sensibilisation est nécessairepour faire comprendre que le Handicap est une « endémiesilencieuse »

[2]

et que les multiples visages des limitationsde capacités évoluent et se déclinent avec les « situationsde la vie » [3].

Nous avons déjà initié ce travail à travers les modulesd’enseignement dispensés auprès des deux Facultés deMédecine existant à Madagascar, celles d’Antananarivo etde Mahajanga, auprès de l’Institut National de SantéPublique et Communautaire et celui de Formation desParamédicaux, mais également à travers les activitéstenues au sein de la Coordination des Soins aux PersonnesHandicapées, au niveau du Ministère de la Santé.

Au vu de notre évaluation, notre champ d’action prio-ritaire concerne l’orthopédie infantile et les affectionsneurologiques.

Même si des formations continues sur la prise en chargedu pied bot varus équin congénital ont déjà largement cou-vert le personnel concerné, cette pathologie souffre encored’un retard au dépistage que nous proposons de développerselon une approche intégrée avec le dépistage d’autres affec-tions congénitales et des lésions cérébrales précoces.

En effet, une mention particulière doit être faite pourles Infirmités Motrices Cérébrales car nous nous trouvons

encore dans un contexte socio-économique et profession-nel où la prévention primaire de cette affection au niveaudes consultations prénatales et des maternités devrait avoirune large application si on veut en réduire la prévalence.

La lutte contre la malnutrition est un principe de basequi pourrait être complété par l’introduction de la supplé-mentation en Vitamine D dans le Paquet Minimum d’Acti-vités des Centres de Santé de Base afin de lutter contre lerachitisme carentiel commun.

Il n’en reste pas moins que la seule prévention pri-maire ou secondaire ne saurait résoudre tout le problèmedu Handicap et des Personnes en Situation de Handicap.C’est dans ce sens qu’un développement des ressourceshumaines dans le domaine de la Rééducation Fonction-nelle est impératif à Madagascar. Du fait de nos carences,tout l’aspect cognitif, relationnel, est occulté dans la priseen charge de nos hémiplégiques et de nos IMC qui vien-nent pourtant en premier parmi les affections prises encharge dans les services de rééducation.

L’intégration socio-familiale, scolaire et profession-nelle ne sont pas toujours appréhendées. La rareté desassistantes sociales, l’absence de systèmes d’aide juridi-quement reconnus, l’inexistence à ce jour d’arrêtésd’application de la Loi N

°

97-044 sur les personnes handi-capées sont autant d’obstacles pour la défense de « l’égali-sation des chances ».

Le mouvement associatif a été pour beaucoup dansla promulgation en 1997 de cette loi. Mais depuis, seulson décret d’application est sorti en 2001 (DécretN

°

2001-162). Le médecin de rééducation a ainsi unvaste champ d’actions qui ne demande qu’à être optimiséet qui peut être élargi. Malgré le manque de moyens,nous avons des résultats très encourageants sur le ver-sant médecine physique. Le versant réadaptation estnettement plus complexe.

La Réadaptation à Base Communautaire soutenuepar l’OMS constitue une approche qui n’est pas à négligerdans notre contexte. Après des essais non concluants versla fin des années 80, nous venons de nous pencher à nou-veau sur un plan d’action national en tenant compte deserreurs d’antan et des récentes recommandations. L’enga-gement de l’État et de la communauté sont des conditionsessentielles de réussite.

Mais que l’approche soit institutionnelle ou commu-nautaire, notre « combat » de tous les jours est d’arriver àconscientiser tout un chacun sur le problème du Handi-cap. Beaucoup reste encore à faire.

RÉFÉRENCES

[1] Ministère de la Santé. Politique Nationale de Prévention et Soins auxPersonnes Handicapées. Antananarivo : République de Madagascar,2002 : 3-5.

[2] H

AMONET

C. Les

personnes handicapées

. Collection « Que sais-je ? ».Paris : PUF, 1990, 1995, 2000.

[3] H

AMONET

C, M

AGALHAES

T.

Systèmes d’identification et de mesures duhandicap

(SIMH). Eska, Paris, 2000.

[4] Ministère de la Santé-Handicap International.

Analyse de la Situation enRééducation et Réadaptation Fonctionnelles

. Antananarivo, Madagascar,1999.