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MISE AU POINT / UPDATE DOSSIER La prise en charge des risques familiaux sans mutation The Management of Non-Mutated Family Risks E. Mouret-Fourme · C. Noguès Reçu le 8 juillet 2014 ; accepté le 8 septembre 2014 © Lavoisier SAS 2014 Résumé La prise en charge des femmes dans les formes fami- liales de cancer du sein sans mutation identifiée est une situa- tion fréquente, complexe et qui pose notamment le problème de lajustement du niveau de dépistage dans la famille eu égard au risque résiduel lié aux antécédents familiaux. Des recommandations récentes de la Haute Autorité de santé (HAS) permettent davancer dans la prise en charge de ces familles en structurant, au moins en partie, la démarche déva- luation de risque, afin de conduire à lhomogénéisation de lajustement du niveau de surveillance dans ces familles. Àlissue de ce processus effectué en consultation doncogé- nétique, deux intensités de dépistage sont définies : risque élevé ou très élevé de cancer du sein ; les modalités de sur- veillance mammaire tiennent compte de ce niveau de risque et du degré de parenté par rapport au cas de cancer du sein dans la famille. Mots clés Cancer du sein · Histoire familiale · Évaluation de risque · Dépistage · Recommandations Abstract The treatment of women for hereditary forms of breast cancer with no identified mutation is a common and complex situation and one that poses problems, particularly when it comes to adapting the level of screening within the family with regard to the residual risk associated with family history. Recent Haute Autorité de santé (French Health Authority) guidelines will enable progress to be made in the treatment of these families, by at least partly structuring the risk assessment process, in order to homogenise the adaptation of the level of monitoring in these families. From this process, carried out in collaboration with oncogenetic specialists, two levels of screening are defined: high risk or very high risk of breast cancer; breast monitoring methods take into account this level of risk and the degree of kinship in relation to the cases of breast cancer in the family. Keywords Family history · Breast cancer · Uninformative results · Cancer risks · Screening · Health care recommendations Introduction Dans un contexte familial de cancer du sein et/ou de lovaire, les recommandations de prise en charge sont bien codifiées pour les femmes porteuses dune mutation constitutionnelle des gènes BRCA1 et BRCA2 (ou en cas didentification de prédispositions héréditaires beaucoup plus rares, TP53, STK11, PTEN, CDH1) [1]. En revanche, lorsque aucune prédisposition génétique nest mise en évidence dans des familles évocatrices, léva- luation du risque de cancer, et consécutivement ladaptation du niveau de surveillance pour les apparentées, est complexe et non consensuelle à lheure actuelle. Or, la majorité des histoires familiales évocatrices dune prédisposition hérédi- taire au cancer du sein (environ 85 %) restent à lheure actuelle sans explication. Pour certaines de ces familles, lagrégation familiale est possiblement fortuite, en revanche, pour dautres, lexistence dautres facteurs génétiques est fortement suspectée, quil sagisse de gènes rares mais à forte pénétrance ou de facteurs de susceptibilité fréquents à pénétrance modérée. En tout état de cause, ces facteurs génétiques autres ne sont pas connus à lheure actuelle. Aussi, labsence didentification de mutation sur les gènes BRCA1/BRCA2 (et sur des gènes de prédisposition plus rares TP53, CDH1, etc.) est considérée comme un résultat non informatif, car le risque résiduel de cancer reste possible- ment élevé dans ces familles et quil convient de proposer une surveillance adaptée à ce risque. Cette estimation revient aux équipes doncogénétique qui peuvent sappuyer sur des calculs de risque selon différents modèles qui ont chacun leurs propres hypothèses et leurs limites. Cette situation conduit à une variabilité des propositions de dépistage en fonction du lieu de consultation, des équipes, aboutissant à des différences de modalités entre familles et parfois même E. Mouret-Fourme (*) · C. Noguès Oncogénétique clinique, institut Curie, site Saint-Cloud, 35, rue Dailly, F-92210 Saint-Cloud, France e-mail : [email protected] Oncologie (2014) 16:425-429 DOI 10.1007/s10269-014-2449-4

La prise en charge des risques familiaux sans mutation; The management of non-mutated family risks;

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MISE AU POINT / UPDATE DOSSIER

La prise en charge des risques familiaux sans mutation

The Management of Non-Mutated Family Risks

E. Mouret-Fourme · C. Noguès

Reçu le 8 juillet 2014 ; accepté le 8 septembre 2014© Lavoisier SAS 2014

Résumé La prise en charge des femmes dans les formes fami-liales de cancer du sein sans mutation identifiée est une situa-tion fréquente, complexe et qui pose notamment le problèmede l’ajustement du niveau de dépistage dans la famille euégard au risque résiduel lié aux antécédents familiaux. Desrecommandations récentes de la Haute Autorité de santé(HAS) permettent d’avancer dans la prise en charge de cesfamilles en structurant, au moins en partie, la démarche d’éva-luation de risque, afin de conduire à l’homogénéisation del’ajustement du niveau de surveillance dans ces familles.À l’issue de ce processus effectué en consultation d’oncogé-nétique, deux intensités de dépistage sont définies : risqueélevé ou très élevé de cancer du sein ; les modalités de sur-veillance mammaire tiennent compte de ce niveau de risque etdu degré de parenté par rapport au cas de cancer du sein dansla famille.

Mots clés Cancer du sein · Histoire familiale · Évaluationde risque · Dépistage · Recommandations

Abstract The treatment of women for hereditary forms ofbreast cancer with no identified mutation is a common andcomplex situation and one that poses problems, particularlywhen it comes to adapting the level of screening within thefamily with regard to the residual risk associated with familyhistory. Recent Haute Autorité de santé (French HealthAuthority) guidelines will enable progress to be made inthe treatment of these families, by at least partly structuringthe risk assessment process, in order to homogenise theadaptation of the level of monitoring in these families. Fromthis process, carried out in collaboration with oncogeneticspecialists, two levels of screening are defined: high risk orvery high risk of breast cancer; breast monitoring methodstake into account this level of risk and the degree of kinshipin relation to the cases of breast cancer in the family.

Keywords Family history · Breast cancer · Uninformativeresults · Cancer risks · Screening · Health carerecommendations

Introduction

Dans un contexte familial de cancer du sein et/ou de l’ovaire,les recommandations de prise en charge sont bien codifiéespour les femmes porteuses d’une mutation constitutionnelledes gènes BRCA1 et BRCA2 (ou en cas d’identification deprédispositions héréditaires beaucoup plus rares, TP53,STK11, PTEN, CDH1) [1].

En revanche, lorsque aucune prédisposition génétiquen’est mise en évidence dans des familles évocatrices, l’éva-luation du risque de cancer, et consécutivement l’adaptationdu niveau de surveillance pour les apparentées, est complexeet non consensuelle à l’heure actuelle. Or, la majorité deshistoires familiales évocatrices d’une prédisposition hérédi-taire au cancer du sein (environ 85 %) restent à l’heureactuelle sans explication. Pour certaines de ces familles,l’agrégation familiale est possiblement fortuite, en revanche,pour d’autres, l’existence d’autres facteurs génétiques estfortement suspectée, qu’il s’agisse de gènes rares mais àforte pénétrance ou de facteurs de susceptibilité fréquentsà pénétrance modérée. En tout état de cause, ces facteursgénétiques autres ne sont pas connus à l’heure actuelle.Aussi, l’absence d’identification de mutation sur les gènesBRCA1/BRCA2 (et sur des gènes de prédisposition plus raresTP53, CDH1, etc.) est considérée comme un résultat noninformatif, car le risque résiduel de cancer reste possible-ment élevé dans ces familles et qu’il convient de proposerune surveillance adaptée à ce risque. Cette estimation revientaux équipes d’oncogénétique qui peuvent s’appuyer sur descalculs de risque selon différents modèles qui ont chacunleurs propres hypothèses et leurs limites. Cette situationconduit à une variabilité des propositions de dépistage enfonction du lieu de consultation, des équipes, aboutissant àdes différences de modalités entre familles et parfois même

E. Mouret-Fourme (*) · C. NoguèsOncogénétique clinique, institut Curie, site Saint-Cloud,35, rue Dailly, F-92210 Saint-Cloud, Francee-mail : [email protected]

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entre les membres d’une même famille pris en charge dansdes consultations différentes.

Il existe donc un challenge pour les équipes de pouvoirmettre en place une surveillance adaptée au risque résiduel(personnel et/ou familial) dont la balance bénéfice/risquesoit en faveur de chacune des apparentées de ces familles.

À ce titre, des recommandations récentes de la HauteAutorité de santé (HAS) publiées en mai 2014 [2] précisentles facteurs de risque qu’il convient de prendre en comptepour mettre en place un dépistage spécifique du cancer dusein, incluant les antécédents familiaux. Ces recommanda-tions vont permettre sinon de résoudre, au moins de structu-rer la démarche en cas d’histoire familiale de cancer du seinet/ou de l’ovaire, afin de proposer des modalités de dépistagemammaire spécifiques et homogènes.

Évaluation du risque de cancer du seinen fonction de l’histoire familiale —Données de la littérature

De nombreuses études d’association ont mis en lumièrel’augmentation du risque de cancer du sein en fonction desantécédents familiaux. Il a été montré qu’une femme appa-rentée à un cas de cancer du sein ou de l’ovaire avait unsurrisque de cancer du sein dont l’ampleur est fonction del’âge au diagnostic des apparentées atteintes [3], des liens deparenté et du nombre de cas dans la famille. Deux méta-analyses ont confirmé cette augmentation de risque signifi-cative. Pharoah et al. [4] ont rassemblé l’ensemble des don-nées dans une méta-analyse publiée en 1997. Cinquante-deux études cas-témoins et 22 études de cohortes ont étéidentifiées, l’estimation du risque de cancer du sein lors del’analyse combinée des données varie en fonction du nombred’apparentées atteintes, du degré de parenté et de l’âge desurvenue des cancers. Le risque de cancer du sein pour unefemme ayant un antécédent, quel que soit le degré deparenté, est globalement de 1,9 (IC à 95 % [1,7–2]), si l’an-técédent est au premier degré ce risque augmente à 2,1(IC 95 % [2–2,2]). En revanche, le risque diminue à 1,5 sil’apparentée est au second degré (IC 95 % [1,4–1,6]). Lerisque relatif est plus élevé, estimé à 3,3 (IC 95 % [2,8–3,9]), si le cancer du sein est survenu avant 50 ans chezune apparentée au premier degré et atteint 3,6 (IC 95 %[2,5–5]) s’il existe deux cancers du sein au premier degré(sœur/mère) par rapport à une femme sans antécédent fami-lial de cancer du sein. La méta-analyse du CollaborativeGroup on Hormonal Factors in Breast Cancer (CGoHFib)publiée dans le Lancet en 2001 [5] a compilé 52 études épi-démiologiques et rapporte le risque de cancer du sein asso-cié chez les apparentées au premier degré en fonction dunombre d’apparentées atteintes, ils sont respectivement de1,80 [IC 95 % = 1,69–1,91], 2,93 [IC 95 % = 2,36–3,64]

et 3,90 [IC 95 % = 2,03–7,49], lorsque la femme a une, deuxou trois apparentées atteintes au premier degré.

En 2009, Metcalfe et al. ont réalisé [6] une étude prospec-tive à partir de familles sans mutation identifiée. La défini-tion de l’agrégation familiale était soit deux cancers du seinavant 50 ans, soit trois cancers du sein quel que soit l’âge audiagnostic. La cohorte de femmes à risque était composée del’ensemble des 1 492 femmes issues de 365 familles indem-nes âgées de plus de 18 ans liées au premier degré à un cas.Avec un recul moyen de 6,1 ans, 65 femmes ont déve-loppé un cancer du sein pour 15,2 cancers attendus, soit unSIR (standardized incidence ratio) de 4,3 (IC 95 % [3,1–5] ;p < 0,0001). Ce risque a été trouvé beaucoup plus élevé pourles femmes de moins de 40 ans (SIR = 14,9). En termes derisque absolu, le risque le plus élevé a été trouvé pour lesfemmes de 50 à 70 ans, risque annuel absolu de 1 %, etmoindre pour les femmes de 30 à 50 ans, risque annuelde 0,4 %.

Enfin, une étude norvégienne prospective récente (TheInherited Cancer Research Group at The Norwegian RadiumHospital) [7] a permis d’observer 3 161 femmes indemnesissues de familles sans mutation génétique identifiée pendantune durée médiane de 7,9 ans. Durant cette période d’obser-vation, 64 cancers du sein ont été rapportés pour 34 attendus,se traduisant par un risque deux fois plus élevé qu’unefemme de la population générale de développer un cancerdu sein à n’importe quel âge.

Si les études les plus récentes confortent l’augmentationdu risque dans les familles à cas multiples sans mutation desgènes BRCA1 et BRCA2, de l’ordre de 2 à 4 fois plus élevéqu’en population générale, c’est le nombre d’apparentéesatteintes qui concrétise le surrisque.

Évaluation du risque de cancer du seinen fonction des antécédents familiaux —Recommandations de la Haute Autoritéde santé

La HAS vient de publier des recommandations de dépistagedu cancer du sein chez les femmes à haut risque, y comprisen raison de leur histoire familiale. La prise en compte del’histoire familiale de cancer repose sur le score familiald’Eisinger (Tableau 1) [8], les recommandations consistentà proposer un dépistage spécifique en deux classes de risqueà toute femme dont le score est supérieur ou égal à 3 et pourqui l’analyse génétique n’a pas mis en évidence de mutationsBRCA1/BRCA2 dans la famille ou n’a pas été réalisée enraison d’un refus ou autre.

Ces recommandations ont l’avantage de préciser uneconduite générale facilement applicable par le corps médicalsusceptible d’être confronté à des questionnements sur lasurveillance la plus adaptée pour les femmes appartenant à

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des familles particulières, en revanche, elles laissent à l’ap-préciation des consultations d’oncogénétique le niveau d’in-tensité du dépistage (en deux niveaux) et la gestion des situa-tions particulières.

La première étape des recommandations consiste à calcu-ler le score d’Eisinger, qui est un score familial d’indicationde consultation d’oncogénétique au vu des antécédents fami-liaux de cancer du sein et/ou de l’ovaire et qui permet éga-lement de graduer le risque de cancer du sein en l’absence demutation. La HAS a retenu un seuil de 3 qui permet de pro-poser aux femmes, dont le score est inférieur à ce seuil, undépistage identique à celui de la population générale dans lecadre du Programme national de dépistage organisé et pourcelles dont le score est supérieur ou égal à 3, une orientationvers une consultation d’oncogénétique. Il conviendra derecalculer un nouveau score si l’histoire familiale se modifieau cours du temps.

À l’issue de la consultation d’oncogénétique, si l’analysedes gènes n’est pas retenue ou qu’aucune mutation n’estmise en évidence sur les gènes BRCA1 et BRCA2, l’oncogé-néticien doit déterminer le niveau de risque personnel etfamilial de cancer du sein éventuellement aider d’outil d’es-timation de risque, non standardisé pour le moment et nonconsensuel (cf. plus loin), permettant de distinguer deuxintensités de dépistage mammaire : risque très élevé etrisque élevé.

Les recommandations de la HAS permettent aussi decibler les apparentées concernées par un dépistage spécifiqueen fonction du degré de parenté par rapport au cas de cancer

du sein. Les femmes apparentées au premier degré à unefemme atteinte de cancer du sein ou au second degré en pas-sant par un homme et qui sont considérées à risque très élevéde cancer du sein doivent bénéficier des modalités de dépis-tage identiques à celles de femmes porteuses d’une mutationBRCA1 ou BRCA2, comprenant une surveillance cliniquemammaire tous les six mois à partir de l’âge de 20 ans asso-ciée à une surveillance par imagerie mammaire annuelle àpartir de 30 ans consistant en la réalisation d’une IRM mam-maire et d’une mammographie (± une échographie mam-maire). Pour les femmes à risque élevé, toujours apparentéesau premier degré à une femme atteinte de cancer du sein ouau second degré en passant par un homme, le dépistagemammaire spécifique comprendra une mammographieannuelle (± échographie mammaire) à démarrer cinq ansavant l’âge au diagnostic du plus jeune cas (et au plus tôt à40 ans) jusqu’à 50 ans, puis les mammographies s’espace-ront tous les deux ans dans le cadre du Programme nationalde dépistage organisé du cancer du sein.

Pour les histoires personnelles et/ou familiales particu-lières, une discussion au cas par cas doit être envisagée enparticulier pour un âge de début plus précoce (avant 40 ans)et/ou des modalités de dépistage différentes.

Outils d’estimation du risque résiduelpersonnel et familial

Il existe plusieurs modèles de calcul de risque tumoral(BOADICEA, CLAUS, GAIL, BRCAPRO, IBIS) qui esti-ment le risque de cancer du sein en modélisant l’existenced’un facteur génétique familial et/ou la prise en compte defacteurs de risque individuels [9]. Chaque modèle a donc laparticularité d’intégrer certains facteurs de risque et a étédéveloppé à partir d’hypothèses et de paramètres qui lui sontpropres. Pour la plupart de ces modèles, nous ne disposonspas de validation et leur valeur prédictive a été peu étudiée.D’ailleurs, la HAS souligne qu’il revient à l’oncogénéticiende distinguer les femmes issues de familles à risque élevé,des familles à risque très élevé, après analyse de l’arbregénéalogique et de l’âge de la patiente, en s’aidant éventuel-lement par un calcul de risque individuel selon un outil laisséau choix, compte tenu du fait qu’il n’existe pas à ce jour deméthode standard recommandée ni de seuil consensuelle-ment admis. Elle recommande que l’utilisation de ces outilsde calculs de risque (BOADICEA ou autre) soit réservéeexclusivement à l’usage des consultations d’oncogénétiquecompte tenu des limites sus-mentionnées et de l’interpréta-tion délicate.

Plusieurs organismes d’évaluation en santé étrangers etsociétés savantes françaises et étrangères [10–12] ont déjàretenu les seuils de 20 ou 30 % (risque de cancer du seincumulé au cours de la vie) pour identifier les femmes à très

Tableau 1 Score d’Eisinger : Critère d’indication de consulta-

tion d’oncogénétique, selon la localisation cancéreuse et l’âge

au diagnostic des individus dans une même branche parentale.

Antécédents familiaux Cotation

Mutation BRCA1 ou BRCA2 identifiée

dans la famille

5

Cancer du sein chez une femme avant 30 ans 4

Cancer du sein chez une femme entre 30 et 39 ans 3

Cancer du sein chez une femme entre 40 et 49 ans 2

Cancer du sein chez une femme entre 50 et 70 ans 1

Cancer du sein chez un homme 4

Cancer de l’ovaire 3

Méthode de calcul et interprétation en fonction du score total :.

– additionnez les cas de la même branche parentale (maternelle

ou paternelle) ;

– score de 5 et plus : excellente indication de consultation

d’oncogénétique ;

– score compris entre 3 et 4 : indication possible d’une consulta-

tion d’oncogénétique ;

– score de 2 et moins : utilité médicale faible.

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haut risque, relevant d’un dépistage renforcé par IRM mam-maire annuelle ; si le seuil a été précisé, l’outil de calcul derisque a toujours été laissé à l’appréciation du professionnel.

La difficulté du choix de l’outil d’estimation de risquereste entière, et non résolue par les recommandations de laHAS. Aussi, un groupe d’experts émanant du groupe géné-tique et cancer (Unicancer) va être chargé de déterminerles critères les plus pertinents à utiliser afin d’harmoniser etde standardiser les modalités qui permettront de définir lesdeux classes à risque de cancer du sein.

Stratégies de prise en charge du risquemammaire

La surveillance mammaire des femmes à risque familial trèsélevé sans mutation identifiée repose sur l’ajout à la mam-mographie (± échographie mammaire) d’une IRM mam-maire annuelle à partir de l’âge de 30 ans. Il a été démontrédans plusieurs études que l’IRM mammaire [13–15] dans cecontexte a des performances diagnostiques supérieures à lamammographie (± échographie mammaire). L’IRM mam-maire étant plus sensible, mais moins spécifique que la mam-mographie, elle engendre cependant un nombre accru d’exa-mens complémentaires. L’efficacité de l’IRM mammaireassociée à la mammographie en termes de réduction de lamortalité spécifique par cancer du sein a en revanche étépeu ou pas démontrée en raison de la variabilité des designsdes études (définition variable de la notion d’histoire fami-liale, manque de puissance, pas possibilité de groupe témoinet modalités de surveillance variables).

En revanche, la question de la chirurgie préventive mam-maire est plus complexe pour les femmes sans mutation desgènes BRCA1 et BRCA2, même s’il est admis que cette chi-rurgie puisse être réalisée chez les femmes à haut risque decancer du sein en raison d’antécédents familiaux, qui le sou-haiteraient. La réalisation de cette chirurgie préventive pou-vant s’envisager comme une option en alternative au dépis-tage renforcé lorsque le risque absolu de cancer du sein estsupérieur à 25 %, seuil proposé par plusieurs pays européens[16,17], les recommandations de Saint-Paul-de-Venceen 2011 ont proposé un seuil à 30 % [10]. À nouveau, lechoix de l’outil pour le calcul de risque est laissé au choixdu professionnel.

L’efficacité de la chirurgie préventive mammaire en ter-mes de réduction d’incidence du cancer du sein a été enrevanche bien démontrée comme pour les femmes porteusesd’une mutation des gènes BRCA1 et BRCA2 [18,19]. En pra-tique, à l’heure actuelle, il s’agit d’une discussion au cas parcas, la décision revenant à la femme à haut risque familialselon son souhait après consultation du chirurgien plasticien,de l’équipe de psycho-oncologie et validation en réunion deconcertation pluridisciplinaire.

Stratégies de prise en charge du risque ovarien

En ce qui concerne le risque de cancer de l’ovaire dans leshistoires familiales de cancer du sein, les données récentes dela littérature s’orientent plutôt vers une absence d’augmenta-tion de risque de cancer ovarien parmi les femmes de famillessans mutation identifiée des gènes BRCA1 et BRCA2 [20,21].Ingham et al. ont conduit une étude prospective pour évaluerle risque de cancer de l’ovaire invasif parmi 8 005 femmesprovenant de 895 familles issues de « The Breast CancerFamily History Clinic, Manchester » pour lesquelles aucunemutation des gènes BRCA1 et BRCA2 n’a été mise en évi-dence. Cette étude constitue la plus importante étude prospec-tive menée à ce jour qui ne met pas en évidence d’augmen-tation de risque de cancer de l’ovaire invasif parmi lesapparentées ayant une histoire familiale de cancer du seinnon expliquée génétiquement par une mutation des gènesBRCA1 ou BRCA2.

À ce jour, l’ensemble des données de la littérature neconduit pas à recommander de dépistage particulier ou dechirurgie préventive (annexectomie bilatérale préventive)pour les femmes à haut risque familial de cancer du sein sansmutation identifiée sur les gènes BRCA1 et BRCA2.

Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liensd’intérêts.

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