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LA REFORME DU DROIT DES CONTRATS
ET
DU REGIME GENERAL DE LA PREUVE DES OBLIGATIONS La réforme dite du droit des contrats attendue depuis plusieurs mois est devenue effective depuis la publication au J.O. le 11 février 2016 de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Cette réforme de longue date en préparation a été initiée par la Chancellerie depuis 2005 et plus particulièrement par les travaux des professeurs CATALA et TERRIER. Le processus s’est toutefois accéléré en 2015, puisqu’après le vote d’une loi d’habilitation par le Parlement le 16 février 2015 la Chancellerie a procédé à une concertation auprès des professionnels du droit qui s’est terminée au 30 avril 2015. Il est certain qu’une pression des milieux d’affaires est intervenue pour l’accélération de la réforme, invoquant la nécessité de modernisation urgente du droit en matière d’échanges économiques nationaux et internationaux. Ceci explique pour partie le choix de réformer par voie d’ordonnance et non par le débat parlementaire une partie importante du Code Civil qui intéresse pourtant la vie quotidienne du Français. Ainsi, les objectifs avancés par Chancellerie étaient : - de rendre le droit des obligations plus lisible et plus accessible en modernisant le Code Civil, - de renforcer la protection de la partie faible - de rendre le droit Français plus accessible dans un souci de gain et de compétitivité.
D’une manière générale, les auteurs s’accordent sur le fait qu’il s’agit d’une réforme d’une grande envergure et qu’elle modifie de façon substantielle l’esprit de notre droit des contrats en introduisant un interventionnisme judiciaire sans précédent.
Notre droit se rapproche ainsi plus de la Common Law que ne semble vouloir le retenir Monsieur le Vice-Président de la Conférence des Bâtonniers, Roland GRAS rare commentateur à considérer que cette réforme ne serait qu’un «simple toilettage d’une section du Code Civil ». Ce n’est effectivement pas l’appréciation qui s’est dégagée lors de la journée CAMBACERES organisée par la Faculté de Droit et de Sciences Politiques de MONTPELLIER, le 3 juillet 2015.
Les professeurs LECUYER de l’Université PARIS II, Louis Frédéric PIGNARRE, Daniel MAINGUY, Nicolas FERRIER, Pierre MOUSSERON de l’Université de MONTPELLIER ou Yves PICOT de l’Université de PERPIGNAN ont tous pour leur part souligné l’existence d’une réforme profonde de notre droit des obligations.
Nous rappellerons que jusqu’à présent le Livre III du Code Civil Napoléonien «Des différentes manières dont on acquiert la propriété » était divisé en 10 titres dont un titre IV intitulé : «Des contrats ou des obligations conventionnelles en général » et un titre IV : «Des engagements qui se forment sans convention ».
Le livre III du Code comportera dorénavant outre des dispositions générales, aux articles 711 à 771 du Code Civil, 5 titres seulement :
- le titre 1er : «Des successions » - le titre 2 : «Des libéralités » - le titre 3 : «Des sources d’obligations » - le titre 4 : «Du régime général des obligations »
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- le titre 4 bis : «De la preuve des obligations ».
Ce sont donc les titres III, IV et IV bis qui vont retenir notre attention.
I - LE NOUVEAU TITRE III : DES SOURCES D’OBLIGATIONS
Les trois premiers articles de ce titre III, les articles 1100, 1100-1 et 1100-2 apportent respectivement les définitions de l’obligation, de l’acte juridique et du fait juridique.
Le titre comprend 3 sous-titres :
- le premier sous-titre consacré au contrat, des articles 1101 à 1239
- le sous-titre 2 est consacré à la responsabilité extracontractuelle (de l’article 1240 à 1245-17 Excit 1382 pour parler de la responsabilité délictuelle, dorénavant c’est l’article 1240 qui établit : «tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »
- le sous-titre 3 est consacré aux autres sources d’obligation, gestion d’affaire, paiement de l’indu et enrichissement injustifié. Il est à noter qu’on ne parlera plus d’enrichissement sans cause.
A/ LE CONTRAT :
1) DISPOSITIONS LIMINAIRES :
- De l’article 1101 à 1110 le Code Civil offre dorénavant une définition du contrat en général et les définitions de contrats particuliers.
On peut ainsi noter que le contrat n’est plus «La Convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à donner à faire ou à ne pas faire quelque chose » mais «un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ».
La définition parait plus concise et certainement plus claire.
Par ailleurs, si dans le projet initial d’ordonnance présenté aux acteurs du monde juridique, il avait été prévu une disparition complète des dispositions de l’article 1134, elles sont finalement maintenues dans un article 1103 : «Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
L’exécution de bonne foi des contrats fait dorénavant l’objet d’un article complet en l’occurrence l’article 1144 ainsi rédigé : «Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public ». La notion apparait dès la formation du contrat.
Il doit aussi être noté que les réformateurs ont manifestement entendu les critiques qui avaient été présentées, sur le libellé initialement proposé.
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En effet, les réformateurs avaient initialement imaginé la possibilité de porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux si cette atteinte s’avérait «indispensable à la protection d’intérêts légitimes et proportionnée au but recherché ». Ceci n’a pas été retenu et l’article 1102 ne fixe qu’une seule limite à la liberté contractuelle, celle qui intéresse l’ordre public.
- Les articles 1106 à 1111-1 apportent des définitions clarifiantes sur les différents types de contrat
Article 1106 : contrat synallagmatique ou unilatéral
Article 1107 : contrat à titre onéreux ou à titre gratuit
Article 1108 : contrat commutatif ou aléatoire
Article 1109 : contrat consensuel, solennel, réel
Article 1110 : contrat de gré à gré au contrat d’adhésion
Article 1111 : contrat cadre
Article 1111-1 : contrat à exécution instantanée ou à exécution successive
Pour l’ensemble des commentateurs, il s’agit d’une amélioration, car à l’heure actuelle, il est
nécessaire d’aller rechercher de façon désordonnée dans le Code Civil, ces définitions.
Ainsi, la définition du contrat aléatoire se trouve actuellement à l’article 1964 du Code (soit près
de 800 articles après ceux relatifs au contrat).
2) LE FORMATION DU CONTRAT :
Les articles 1112 à 1127-6 sont consacrés à la formation du contrat.
Plus précisément, les articles 1112 à 1112-2 encadrent les négociations contractuelles et les
articles 1113 à 1122 définissent l’offre et l’acceptation.
Les articles 1123 et 1124 sont consacrés à la promesse unilatérale et les articles 1125 à 1127-6 aux
contrats conclus de façon électronique.
a) LES NEGOCIATIONS CONTRACTUELLES :
Il résulte du nouvel article 1112, une possibilité de responsabilité extracontractuelle en cas faute
dans les négociations et plus précisément au terme de l’article 1112-1 est introduite une
possibilité de responsabilité pour celui qui n’informe pas dans des conditions telles qu’il aura dû
le faire pour obtenir un consentement valable de son contradicteur.
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Cette absence d’information préalable est de nature à pouvoir constituer un véritable vice du
consentement.
Le défaut d’information en période précontractuelle peut donc entrainer l’annulation du
contrat.
Le Juge va donc pouvoir s’immiscer de façon plus franche dans ce que furent les pourparlers
des parties au contrat.
b) L’OFFRE ET L’ACCEPTATION :
Une amélioration certaine est perceptible liée à la volonté de clarifier les notions d’offre et
d’acceptation et de mettre fin au débat doctrinal et jurisprudentiel notamment sur la caducité
ou la révocation de l’offre.
Ainsi au terme de l’article 1114, est apportée une définition de l’offre différenciée de la simple
invitation à entrer en négociation.
Par contre, il a déjà été débattu par les auteurs du caractère imprécis de l’article 1117.
Selon ce dernier : « L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou à défaut à
l’issue d’un délai raisonnable. Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son
auteur ».
Cette notion nouvelle de délai raisonnable va certainement être source de débat et un certain
nombre d’auteurs ont rappelé que cela n’était pas sans rappeler les incertitudes qui ont entouré
la notion de «bref délai » en matière de vices cachés.
L’autre article qui marque un bouleversement de notre droit positif est l’article 1120 relatif au
silence :
Ainsi, il est dorénavant spécifié que «Le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu’il n’en
résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances
particulières ».
Pour la première fois donc le silence pourra en droit français valoir acceptation en raison de
«circonstances particulières ».
Une large marge d’appréciation est donc laissée au Juge sur la notion de circonstances
particulières.
Certains commentateurs y voient certes la possibilité pour le Juge de défendre la partie la plus
faible au contrat, mais d’autres mettent en exergue leurs craintes quant à une notion qui devra
être jurisprudentiellement définie.
Le professeur MOUSSERON y voit quant à lui une vivacité accrue de la coutume source de droit
et notamment en Droit des affaires.
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c) LE PACTE DE PREFERENCE ET LA PROMESSE UNILATERALE :
Pacte de préférence et promesse unilatérale sont dorénavant définis de façon précise par le
Code, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
Ainsi, l’article 1123 précise que «le Pacte de préférence est le contrat par lequel une partie
s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle
déciderait de contracter ».
L’article 1124 quant à lui stipule : «La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le
promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat
dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le
consentement du bénéficiaire ».
d) DISPOSITIONS PROPRES AU CONTRAT CONCLU PAR VOIE ELECTRONIQUE :
Il s’agit bien évidemment là des dispositions nouvelles nécessaires et clarifiantes, à maintes
égards sur la conclusion de contrat par voie électronique.
L’idée majeure est qu’on peut dorénavant transmettre des informations et conclure des
contrats par voie électronique pour autant que le destinataire ait accepté l’usage de ce moyen
de communication : article 1126 du Code Civil.
Ainsi, il est prévu à l’article 1127 que «Les informations destinées à un professionnel peuvent lui
être adressées par courrier électronique dès lors qu’il a communiqué son adresse
électronique ».
Autrement dit, le fait de communiquer sur un papier à entête une adresse électronique
implique que les échanges qui vont avoir lieu par voie électronique auront un caractère
incontestable.
Les articles suivants procèdent de détails précis sur la validité de l’offre par voie électronique et
sur le déroulement de la conclusion du contrat.
3) LA VALIDITE DU CONTRAT :
Jusqu’à aujourd’hui 4 éléments étaient nécessaires pour qu’un contrat soit valide.
- Un consentement des parties
- Une capacité à contracter
- Un objet
- Une cause
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Objet et cause disparaissent du Code Civil et sont remplacés par la notion de «contenu licite et
certain ».
Trois éléments sont donc dorénavant prévus pour la validité d’un contrat :
- Le consentement des parties
- Leur capacité à contracter
- Un contenu licite et certain.
a) Le consentement :
Le Code définit de façon plus précise l’erreur, le dol et procède même à une définition de la
violence.
Selon l’article 1140 : «Il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte
qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celle de ses proches à un mal
considérable ».
Il est aussi précisé à l’article 1141 que «La menace d’une voie de fait n’est pas constitutive d’une
violence, sauf si elle est exercée pour obtenir «un avantage manifestement excessif ».
L’abus de faiblesse est érigé en violence au sens de vice du consentement par l’article 1143 qui
stipule : «qu’il y a également violence lorsqu’une partie abusant de l’état de dépendance dans
lequel se trouve son co-contractant obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en
l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».
L’idée des réformateurs est de refuser qu’une partie puisse exploiter excessivement le besoin
dans lequel autrui se trouve de contracter.
Si cette idée a suscité une certaine adhésion, il a aussi été mis en évidence l’imprévisibilité du
seuil dont le franchissement caractériserait l’excès.
Là aussi, le Juge appréciera en usant de ce concept de plus en plus présent en droit privé, qu’est
celui de proportionnalité.
b) Capacité de contracter :
S’agissant de l’incapacité de contracter, il est bien sur rappelé l’incapacité des mineurs non
émancipés et des majeurs protégés, sous réserve «des actes courants conclus à des conditions
normales ».
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Toutefois, manifestement pour répondre à des hésitations jurisprudentielles en matière
«d’actes courants accomplis par le mineur », il est dorénavant précisé à l’article 1149 que tous
les actes courants accomplis par un mineur peuvent être annulés pour simple lésion et même si
le mineur avait fait état d’une majorité auprès de son contractant.
Toutefois dans l’exercice d’une profession, le mineur n’accomplit que des actes valables.
S’agissant des actes accomplis par un majeur incapable, le co-contractant a la faculté de
s’opposer à la nullité en établissant que l’acte était utile à la personne protégée (article 1151 du
Nouveau Code).
La réforme porte également sur le mandat.
Dorénavant le Code Civil parle principalement de «représentation ».
Cette représentation légale, judiciaire ou conventionnelle est encadrée par les articles 1153 à
1161 du Code Civil.
Il est important de noter l’apport de l’article 1157 du Code Civil : lorsque le représentant
détourne ses pouvoirs au détriment du représenté, ce dernier peut invoquer la nullité de l’acte
accompli si le tiers avait connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer.
c) Disparition de la cause et de l’objet :
La notion de «contenu licite et certain » a donc remplacé la cause et l’objet.
Les réformateurs ont souligné qu’il fallait abandonner la notion de cause, en raison de l’usage
imprévisible qui pouvait en être fait.
Cela parait paradoxal dans le cadre d’une réforme où les possibilités de porter atteinte à la
force obligatoire du contrat par le Juge, se manifeste à de nombreuses reprises et ainsi que
nous aurons encore l’occasion de le mettre en évidence, avec la révision du contrat.
Même si certains voient dans la suppression de la cause, un emblème de la réforme (R. GRAS
Vice-Président de la Conférence des Bâtonniers), il apparait plus raisonnable de considérer que
le mot a changé mais que la notion de contenu licite et certain devrait rejoindre celle de cause,
voire celle d’objet.
d) Le régime de la nullité :
Une innovation particulière est à souligner à ce stade de la présentation de la réforme.
Elle est prévue par l’article 1183 du Code Civil.
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Selon cet article, une partie peut demander à celle qui pourrait se prévaloir d’une nullité de
confirmer le contrat ou bien d’agir en nullité dans un délai de 6 mois à peine de forclusion, en
procédant par voie de sommation.
Il est important de noter que cet article 1183 est d’application immédiate aux contrats signés
depuis le 11 février 2016.
4) L’INTERPRETATION DU CONTRAT :
Il s’agit certainement là de la partie la plus innovante de la réforme.
Selon l’article 1188 du Code Civil, le contrat s’interprète d’après la commune intention des
parties plutôt que d’après le sens littéral des termes.
Il est prévu que lorsque cette intention «ne peut être décelée » le contrat s’interprète selon le
sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.
Il appartient donc au Juge d’interpréter le contrat comme devrait le faire un «bonus pater
familias ».
Mais, c’est certainement dans les effets du contrat que le Juge va être amené à jouer un rôle
qu’il n’avait jamais eu à jouer dans notre droit napoléonien.
Ainsi, selon l’article 1195 : «Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion
du contrat, rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté
d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son co-
contractant.
Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du
contrat, à la date et aux conditions qu’elle détermine, ou demander d’un commun accord au
Juge de procéder à son adaptation.
A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le Juge peut à la demande d’une partie, réviser le
contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ».
Il s’agit assurément là de l’article qui fait dire aux commentateurs que la Jurisprudence du canal
de CRAPONNE était définitivement rentrée dans l’histoire de notre Droit.
Mais, cet article a fait aussi écrire à nombre d’auteurs que nous avons ainsi fait un grand pas
vers le Droit Anglo-Saxon.
Le Juge n’est plus là simplement pour interpréter le contrat, il est aussi présent pour adapter le
contrat à des circonstances nouvelles, et ce à la demande d’une seule des parties.
Il parait donc curieux que les réformateurs excipent de la nécessité d’une meilleure sécurité des
relations juridiques, tout en introduisant un tel dispositif.
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Lors des débats de la journée CAMBACERES à l’Université de MONTPELLIER, il a été souligné
l’importance que revêtiront les préambules des contrats à l’avenir, et notamment pour les
avocats rédacteurs de contrats.
Un maximum d’éléments devront être apportés au Juge sur les circonstances qui ont prévalu
aux engagements réciproques dans les préambules des contrats.
Il est donc prévisible que ces préambules font dorénavant représenter une partie importante
du contrat lui-même.
5) LA RESOLUTION DU CONTRAT :
En ce qui concerne la résolution des contrats, une innovation figure à l’article 1226 : un créancier
peut résoudre un contrat par voie de notification.
Autrement dit, après une mise en demeure au débiteur, le créancier est en droit de résoudre le
contrat de sa seule initiative.
Il n’a plus l’obligation de saisir le Juge et peut se contenter de notifier au débiteur la résolution
du contrat et les raisons qui la motivent.
Il appartient au débiteur qui n’estimerait pas justifiée la résolution, de saisir le Juge pour
procéder à une remise en question du prononcé de la résolution.
Le Code reprend la Jurisprudence dite MANOUKIAN selon laquelle «Les dommages intérêts en
cas de rupture fautive ne peuvent avoir pour objet de compenser les pertes, de bénéfices
attendus du contrat non conclu ».
Certains de souligner que les compagnies d’assurance approuvent la consécration de cette
Jurisprudence.
L’innovation apparait d’importance, même si selon l’article 1227 en toute hypothèse la
résolution peut être demandée en justice.
B/ AUTRES SOURCES D’OBLIGATIONS :
Il s’agit des articles consacrés aux quasi contrats : gestion d’affaire, paiement de l’indu et
enrichissement injustifié.
La principale innovation est une définition légale de ce qu’on appelait jusqu’alors
l’enrichissement sans cause qui devient l’enrichissement injustifié, et qui était de création
purement prétorienne.
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L’article 1303 ainsi libellé : «En dehors des cas de gestion d’affaire et de paiement de l’indu, celui
qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve
appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de
l’appauvrissement ».
L’article 1303-1 précise que «l’enrichissement est injustifié lorsqu’il ne procède ni de
l’accomplissement d’une obligation par l’appauvri, ni de son intention libérale » et l’article 1303-
3 rappelle bien qu’il n’y a pas lieu à indemnisation lorsque l’action est ouverte à l’appauvri ou
qu’elle se heurte à un obstacle de droit telle que la prescription.
II LE NOUVEAU TITRE IV : DU REGIME GENERAL DES OBLIGATIONS
Le titre IV de notre Code actuel est le suivant : «Des engagements qui se forment sans
convention » il est remplacé par «Du régime général des obligations ».
Dans l’ensemble, les réformateurs ont conservé le plan retenu par le Code Civil actuel.
A/ DIFFERENTES FORMES D’OBLIGATIONS :
1) L’OBLIGATION CONDITIONNELLE :
Les caractéristiques de cette obligation sont présentées aux articles 1304 à 1304-7 du Code Civil.
L’obligation conditionnelle était subdivisée jusqu’alors en 4 types d’obligation : occasionnelle,
potestative, résolutoire et suspensive.
On assiste à une simplification du vocabulaire mais aussi à une contraction des textes.
L’obligation conditionnelle était régie par près de 11 articles pour aujourd’hui ne l’être plus que
par 7 articles.
Un exemple de simplification de vocabulaire, la disparition du terme «obligation potestative ».
La condition potestative se retrouve comme telle dans l’énoncé de l’article 1304-2 qui reprend
les principes dégagés par les articles 1170 et 1174 : «Est nulle l’obligation contractée sous une
condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être
invoquée lorsque l’obligation a été exécutée en toute connaissance de cause ».
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2) A TERME :
Ce sont les articles 1305 à 1305-5.
A nouveau transparait un effort de définition que l’on ne retrouvait pas dans le Code Civil.
3) PLURAL :
L’obligation peut avoir une pluralité d’objets ou de sujets.
a) PLURALITE D’OBJETS :
- Obligation cumulative : il ne s’agit pas à proprement parler d’une innovation mais plutôt d’une autonomisation d’un type d’obligation.
En effet, jusqu’alors aucune différenciation n’était faite entre obligation alternative et
cumulative, la seconde apparaissant comme une variante de la première pour être prévue
jusqu’alors par le seul article 1196 du Code Civil insérée dans la section 2 «des obligations
alternatives ».
Désormais, elle est distinguée de l’obligation alternative de façon claire et précise.
- OBLIGATIONS ALTERNATIVES :
Peu de modifications sont à relever, si ce n’est la possibilité de choix laissée au créancier
lorsque le débiteur n’a pas fait en temps voulu ou dans un délai raisonnable son choix entre les
prestations après mise en demeure du débiteur, d’exercer ce choix ou de résoudre le contrat
(article 1307-1 alinéa 2).
- OBLIGATIONS FACULTATIVES :
Article 1308.
b) PLURALITE DE SUJETS :
Il s’agit de la reprise du plan retenu par le Code Civil et le législateur s’est attaché à un travail de
redéfinition de notions en visant un vocabulaire vulgarisé.
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On retrouve l’obligation solidaire entre créanciers ou entre débiteurs, et l’obligation à
prestations indivisibles.
Par contre, les dispositions portant sur la clause pénale ont disparu.
(Articles 1309 à 1319).
B/ L’EXTINCTION DES OBLIGATIONS
1) Les dispositions générales concernant le paiement sont prévues aux articles 1342 à 1346-5
La grande innovation porte sur la portabilité et non plus la quérabilité du paiement de sommes d’argent
(Cf. article 1343-4)
Il est en outre intégré dans ce chapitre les dispositions afférentes à l’imputation des paiements
qui jusqu’alors faisait l’objet d’un chapitre distinct.
Pour le reste peu de variantes sont à relever.
Le dispositif relatif au paiement de sommes d’argent, voit quand même une contribution
notable en matière de délais de paiement.
L’article 1244-1 disparait au profit d’un article 1343-5 qui est beaucoup plus exhaustif et qui en
fait codifie la Jurisprudence dégagée sous l’article 1244-1.
Si le Juge a toujours la faculté d’accorder un délai de paiement de 2 ans, il a la possibilité de
subordonner cette mesure à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à
garantir le paiement de la dette.
Il est aussi clairement spécifié que cet article n’est pas applicable aux dettes d’aliments.
2) Il existe dorénavant une distinction entre la mise en demeure du débiteur et celle du créancier.
Si la première ne réclame pas de s’y attarder, la seconde mérite quelques mots.
Il s’agit de l’hypothèse où «Le créancier refuse à l’échéance et sans motif légitime, de recevoir le
paiement qui lui est dû ou l’empêche par son fait, le débiteur pourra alors le mettre en
demeure, de l’accepter ou d’en permettre l’exécution. La mise en demeure du créancier arrête
le cours de l’intérêt dû par le débiteur et met les risques de la chose à la charge du créancier
(Article 1345 à 1345-3 du Code Civil).
- En ce qui concerne les actions ouvertes aux créanciers, on observe une définition de l’action oblique prévue par l’ancien article 1166 et dorénavant fixée dans l’article 1341-1 à savoir : «Lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur à l’exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne ».
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Pour le surplus, en matière de novation, délégation, restitution, il n’existe pas de réelle
modification.
Toutefois, on assiste à un remaniement principalement dans l’ordonnancement des textes,
c’est ainsi que la cession de créance qui figurait jusqu’alors au chapitre «Vente » est transféré
dans la section «Modification du rapport d’obligations ».
III - LE NOUVEAU TITRE IV BIS : DE LA PREUVE DES OBLIGATIONS
Le principal apport de la réforme est une modernisation des modes de preuve.
Le titre IV débute par le rappel de dispositions générales et bien entendu le principe général
selon lequel l’administration judiciaire de la preuve et les contestations qui s’y rapportent sont
régis par le Code de Procédure Civile (article 1357).
Il est précisé ensuite, l’admissibilité des modes de preuve et ensuite les différents modes de
preuve parmi lesquels l’acte d’avocat qui fait son apparition dans le Code Civil.
Certaines innovations développées par la Jurisprudence sont consacrées.
Ainsi, la définition du commencement de preuve par écrit qui doit être corroborée par un
faisceau d’indices pour valoir preuve.
Il doit être souligné que peuvent être considérées par le Juge comme étant un commencement
de preuve par écrit, les déclarations faites par une partie, lors de sa comparution personnelle,
Malgré la volonté de modernisation, aveu judiciaire, serment décisoire …. n’ont pas disparus
(Cf. article 1361).
L’article 1365 du Code Civil définit ce qu’est un écrit alors que l’article 1366 précise dans quelles
conditions l’écrit électronique peut avoir la même force probante que l’écrit sur support papier.
Ainsi, l’écrit électronique a cette même force probante sous réserve que puisse être dûment
identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de
nature à en garantir l’intégrité.
Mais, la principale innovation en la matière est certainement la reconnaissance dans le Code
Civil de l’acte d’avocat.
L’article 1374 est ainsi libellé : «L’acte sous signature privée contresigné par les avocats de
chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties fait foi de l’écriture et de la signature
des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayant causes. La procédure de faux
prévue par le Code de Procédure Civile lui est applicable, cet acte est dispensé de toutes
mentions manuscrites exigée par la loi ».
Le Conseil National des Barreaux qui travaillait depuis plusieurs années sur ce projet de
réforme, s’est félicité de la prise en charge en compte de ses observations.
Il devrait informer les avocats de ces nouvelles dispositions par la diffusion prochaine de fiches
pratiques et la mise en place de formations dédiées.
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Enfin, nous pouvons noter une innovation importante en matière de copie d’actes.
Il est dorénavant précisé qu’une copie peut constituer un mode de preuve dès lors qu’il s’agit
d’une copie «fiable et durable ».
Autrement dit, ce dispositif écarte l’ancien dispositif de l’article 1334 du Code Civil, selon lequel
«Les copies lorsque le titre original subsiste ne font foi que de ce qui est contenu, au titre dont
la représentation peut toujours être exigée ».
N’ont ici été présentés que les principaux points de réforme de l’ordonnance du 10 février 2016.
Nous devons préciser que cette réforme sera en application au 1er octobre 2016.
Les contrats conclues avant cette date demeureront soumis à la loi ancienne.
Toutefois, trois dispositions sont d’application immédiate dès ce 11 février 2016.
1) Il s’agit des dispositions des alinéas 3 et 4 du nouvel article 1123 du Code Civil relatives au pacte de préférence.
2) Les dispositions de l’article 1158 relatives aux procurations données pour signature de contrat,
3) et enfin les dispositions dont nous avons précédemment parlé du nouvel Article 1183 qui prévoit la possibilité d’expurger des vices pouvant atteindre un contrat.
La partie qui s’aperçoit d’une nullité possible et qui demeure attachée à cet engagement
contractuel peut sommer son co-contractant de se positionner sur la nullité et à défaut pour
celui-ci de saisir dans un délai de 6 mois le Tribunal, la nullité est réputée être couverte.
En conclusion, nous pouvons retenir que l’ensemble des commentateurs s’accordent à
considérer que sur nombre de points, l’ordonnance est venue apporter clarification (ex :
définition des contrats) et codification de la Jurisprudence (ex : offre et acceptation).
La principale innovation est l’apparition d’un véritable droit d’ingérence du Juge dans la
formation du contrat et dans son exécution : sur ce point les critiques sont plus nombreuses,
car l’esprit de notre Droit fondé sur l’autonomie de la volonté est délaissé.
Nul doute que ce que les professionnels du droit vont devoir «digérer » rapidement, est la
nouvelle numérotation du Code Civil.
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Ceci est d’autant plus vrai que certains articles parmi les plus utilisés comme l’article 1134 ou
1382 porteront dorénavant une autre numérotation.
Enfin, il n’est pas sans intérêt de souligner que l’ordonnance sur le point d’être publiée, la
Chancellerie annonçait déjà une autre réforme importante dès ce 5 février 2016, à savoir celle de
la responsabilité civile et des 5 articles du Code Napoléonien qui la concerne.
Mais, ceci est déjà une autre histoire…
Christine MERE