La religion dans les affaires : la RSE (responsabilité sociale de l'entreprise)

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    www.fondapol.org

    Aurlien ACQUIERJean-Pascal GOND

    Jacques IGALENS

    La rELiGionDanS LESaFFairES :

    La rSE

    *

    Mai 2011

    *

    La

    responsabilits

    ociale

    de

    lentreprise

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    La reLigiondans Les aaires :

    La responsabiLit sociaLe

    de LentrepriseLes sources religieusesde la responsabili sociale de lenreprise

    Aurlien ACQUIER,Jean-Pascal GOND

    e Jacques IGALENS

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    La Fondaion pour linnovaion poliique

    es un hink ank libral, progressise e europen.

    Prsiden : Nicolas Bazire

    Vice-prsiden : Charles Beigbeder

    Direceur gnral : Dominique Reyni

    La Fondapol publie la prsene noe dans le cadre de ses ravaux surles valeurs.

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    Lobjet de cette note est danalyser de manire approondie lune des

    dimensions les plus importantes de la notion de responsabilit sociale

    de lentreprise (RSE) telle quelle sest dveloppe aux tats-Unis,

    savoir la dimension religieuse. Cette dimension a t largement ignore

    par la littrature consacre la RSE. Ce texte doit mettre en vidence

    limportance des religions protestante et catholique dans le processus

    de construction thorique de cette notion et montrer la aon dont lesprincipes religieux clairent les logiques qui sous-tendent la diusion

    contemporaine de la responsabilit sociale de lentreprise en Europe

    comme aux tats-Unis.

    Intimement lie la manire dont le protestantisme et le catholicisme

    ont assimil lessor du capitalisme, la thorisation de la RSE dcoule, du

    ct protestant, de lide selon laquelle un contrat implicite lie lentre-

    prise et la socit, et du ct catholique, de la doctrine sociale de lglise.

    Or, bien comparer ces deux sources doctrinales de la RSE, il sembleparadoxal que la notion se soit historiquement dveloppe aux tats-

    Unis et non en Europe, o elle aurait pu constituer un prolongement de

    la doctrine sociale de lglise catholique. Cest notamment cette appa-

    rente contradiction que cette note se propose de traiter.

    En eet, si le dveloppement et la diusion de la RSE au sein de

    lentreprise peut laisser penser que le champ religieux a ncessairement

    subi une attnuation, voire une lacisation dans le cas de lEurope, ilconvient de nuancer ce propos. En eet, laspect religieux conserve en

    ralit toute sa modernit lorsquil rejoint la question du besoin thique

    de spiritualit dans le cadre de la gestion. Cest cette qute nouvelle de

    spiritualit managriale qui semble rpondre une demande de rg-

    nration l o lidologie actionnariale avait pu aaiblir le sens du

    travail. Se pose alors la double question du remplacement des enjeux

    moraux par des enjeux managriaux et de llaboration dune notion

    consensuelle et applicable.Cest donc le rle socital de lentreprise qui est questionn ici. Comment

    concilier perormance sociale et perormance nancire ? Comment aire

    dialoguer thique et capitalisme ? Enn, comment aire correspondre ce

    nouveau code une pratique viable ?

    rsUM

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    La notion de responsabilit sociale de lentreprise suscite un intrt

    grandissant dans le monde acadmique et managrial 1. Ce phnomne,

    parois assimil une mode managriale importe des tats-Unis,

    apparat surprenant lorsquil est analys dun point de vue socioculturel.

    La responsabilit sociale de lentreprise et les concepts qui ont t dve-

    lopps dans son sillage, tels que la sensibilit socitale (Corporate Social

    Responsiveness) ou la perormance socitale (Gond et Igalens, 2008), sont

    en eet ortement marqus par les spcicits socioculturelles du pays qui

    les a vus natre et que lon peut caractriser, la suite de Pasquero (1995,

    2005) par des dimensions telles que lindividualisme, le pluralisme dmo-

    cratique, le moralisme et lutilitarisme. Si certains auteurs ont propos deslments danalyse utiles pour caractriser lopposition entre les approches

    nord-amricaine et europenne de la responsabilit sociale de lentreprise,

    1. C. Aggeri e al., 2005 ; Allouche, 2005 ; Capron e Quairel-Lanoizele, 2004 ; Djean e Gond, 2004 ; EC, 2001 ;Igalens 2004 ; Habisch e al., 2005.

    La reLigion dans Les aaires :

    LA RESPONSABILIt SOCIALEDE LENtREPRISE

    Les sources religieusesde la responsabili sociale de lenreprise

    J-pl g,Doceur en sciences de gesion, proesseur de managemen HEC Monral

    aul au,

    Doceur en sciences de gesion, proesseur de managemen sragique l'ESCP Europe

    Ju il,Proesseur des universis, direceur de la Recherche l'ESC toulouse

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    par exemple en distinguant dune part une gestion explicite des dimen-

    sions sociales par les entreprises outre-Atlantique et dautre part une tra-

    dition de prise en charge institutionnelle implicite de la gestion des

    problmes sociaux (Matten et Moon, 2008), laspect religieux, comme

    acteur de diusion de la RSE, se doit dtre galement explor. Aux tats-

    Unis, la religion protestante a jou un rle central dans la ormation et

    la diusion de la notion de responsabilit sociale de lentreprise (Bowen,

    1953, Heald, 1970). Plusieurs auteurs prsentent la religion comme un

    lment ondateur et une des spcicits essentielles des champs Business

    and Society et Business Ethics (Pasquero, 1995 ; Epstein, 1998, 2002 ;

    Pasquero, 2004, 2005).

    Partant de ce constat, la question que nous analysons dans cet articleest la suivante : quel est le statut de la religion dans la conceptualisation

    de la notion de responsabilit sociale de lentreprise et dans la diu-

    sion contemporaine de ce concept et llaboration des pratiques dites

    socialement responsables par les entreprises ? Pour y rpondre, nous

    proposons une analyse en deux temps. Tout dabord, le rle des religions

    protestante et catholique comme sources dinspiration des premires

    conceptualisations de la notion de responsabilit sociale de lentreprise

    sera mis en vidence. La pluralit des sources religieuses aonnant ce

    concept encore prgnantes aujourdhui mme si elles ne sont pas tou-

    jours explicites a des implications thoriques ortes qui seront discu-

    tes (1). Ensuite, nous tudierons de manire plus approondie la aon

    dont la religion sous-tend et structure la diusion des pratiques et des

    dveloppements thoriques contemporains. La religion semble jouer un

    rle ambigu en Europe comme aux tats-Unis : tantt invoque pour

    renorcer la thorisation de la responsabilit sociale de lentreprise,tantt vite pour mieux diuser les pratiques de responsabilit sociale,

    la religion peut tre mobilise pour remettre radicalement en question

    la notion de responsabilit sociale, ou au contraire la recadrer dans un

    sens plus normati (2).

    Les ondeMents reLigieUx dU concept de responsabiLit

    sociaLe de Lentreprise et ses consqUences thoriqUes

    Un retour aux sources historiques de la responsabilit sociale de lentre-

    prise implique ncessairement un dtour par le ait religieux tant donn

    limportance de celui-ci dans le contexte de cration de ce concept. Si les

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    racines protestantes sont explicites dans les ondements thoriques de la

    responsabilit sociale de lentreprise (1.1), la religion catholique semble,

    quant elle, avoir aussi jou un rle important mais de manire plus

    implicite 2. En eet, cette dernire apparat comme source dinspiration

    indirecte des premiers penseurs de la responsabilit sociale de lentre-

    prise et le paternalisme industriel quelle a inspir est parois considr

    comme une prguration des pratiques contemporaines en matire de

    responsabilit sociale (1.2). Ce double ondement religieux suscite une

    rfexion sur le caractre syncrtique et/ou cumnique de la notion de

    responsabilit sociale de lentreprise et sur la coexistence de ondements

    religieux contrasts au sein du concept (1.3).

    La religion protestante : une source explicite du concept de responsabilitsociale de lentreprise

    Un retour historique sur les origines amricaines du concept de respon-

    sabilit sociale montre que la religion protestante exerce une infuence

    tout ait signicative sur cette notion. En soi, cette empreinte nest pas

    surprenante ; elle tend accrditer la thse de Max Weber (Weber, 1967

    [1905]) selon laquelle la religion protestante (en particulier lasctismecalviniste en Angleterre) a jou un rle structurant dans le dveloppe-

    ment du capitalisme.

    Comme le montre Heald (1970), la responsabilit sociale apparat

    dans les discours des dirigeants partir de la n du XIXe sicle et au

    dbut du XXe sicle aux tats-Unis. Cette responsabilit sincarne tout

    dabord dans le dveloppement dactivits philanthropiques. Ds 1889,

    Carnegie, immigrant cossais qui devient travers sa ortune lun des

    symboles du rve amricain, publie un document qui deviendra unerrence en matire daltruisme. Dans son vangile des riches (The

    gospel o wealth), il dveloppe une srie de rfexions relatives aux res-

    ponsabilits des riches hommes daaires de lpoque, considrant quil

    est de leur devoir de mener une vie non ostentatoire et que les surplus de

    richesse dont ils bncient doivent tre grs et redistribus en vue de

    lintrt public (Heald, 1970, pp. 17-18). Au cours de la premire moiti

    du XXe

    sicle, se diuse la nouvelle gure du dirigeant non propritaire.Ce aisant, cette responsabilit morale est progressivement dtache de

    2. Nous avons choisi de ne pas raier la quesion de linuence daures religions que les religions caholique eproesane sur le concep de responsabili sociale de l'enreprise. En ee, il exise dj des ravaux udianlinuence de la religion juive sur lhique des aaires. On rouve aussi de nombreux lmens danalyse delinuence du bouddhisme sur la aon de manager (voir par exemple, Minus 1993).

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    lindividu (le propritaire ortun) pour tre applique lentreprise elle-

    mme et ses processus (Heald, 1970). La responsabilit sociale est ainsi

    progressivement conceptualise comme un lment central de la relation

    entre lentreprise et la socit.

    cette mme priode, les premiers discours et thorisations de la

    responsabilit sociale sont marqus par les concepts protestants de trus-

    teeship et de stewardship. Ces derniers vhiculent lide dun contrat

    implicite, caractrisant la relation entre lentrepreneur ou lentreprise et

    la socit. Ils reposent sur la conviction que la proprit na rien dun

    droit absolu et inconditionnel et quelle ne peut tre justie que dans

    la mesure o ladministration prive des biens permet daccrotre le

    bien-tre de la communaut. Tout propritaire a donc pour devoir desatisaire les besoins de la socit dans son ensemble, cest--dire quil

    doit rpondre de ses actes devant Dieu et les hommes. Pour que la com-

    munaut ne rvoque pas ce contrat par lequel elle accorde une marge de

    libert et un pouvoir unique aux dirigeants et entreprises de lpoque,

    ils doivent honorer ce contrat implicite en travaillant lamlioration

    du bien-tre social (Bowen, 1953 ; Heald, 1961, 1970). Ces dbats sont

    certes controverss, mais ils sont mens par des grands dirigeants, tels

    que Chester Barnard, Henry Ford, Alred Sloan ou encore les dirigeantsde la General Electric Company.

    Dans les sphres acadmiques, les premiers eorts de thorisation de

    la responsabilit sociale sont dvelopps par des conomistes (c. Clark,

    1916, 1939 ; Bowen, 1953) selon une perspective similaire de contrle

    social de la proprit prive, aisant elle aussi rrence aux principes

    protestants de stewardship et trusteeship. Louvrage sminal et structu-

    rant de Bowen claire bien le rle jou par la religion protestante dans laconstruction conceptuelle de la responsabilit sociale (Acquier et Gond,

    2007 ; Pasquero, 2005). Le texte, intitul Social Responsibilities o the

    Businessman, est le produit dune commande manant dune institution

    religieuse, le Conseil Fdral des glises du Christ en Amrique (Federal

    Council o the Churches o Christ in America) 3. Ce titre nest que lun

    des ouvrages dune srie de six travaux ddis ltude plus globale de

    lthique chrtienne et la vie conomique. Cette tude de trois ans, qui

    reoit le soutien nancier de la ondation Rockeeller, est initie par leDpartement de lglise et de la Vie conomique (Department o the

    3. En 1951, le Conseil Fdral usionne avec daures agences inerconessionnelles pour ormer le ConseilNaional des glises du Chris aux as-Unis dAmrique, compos de 29 corps dglise proesans e orho-doxes au sein des as-Unis.

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    Church and Economic Lie), lun des comits dtude du Conseil Fdral

    des glises du Christ en Amrique. Ce chantier consiste donner aux

    protestants un corps de doctrine sociale quivalent celui que lglise

    catholique dveloppe dans lEncyclique Rerum Novarum du pape Lon

    XIII en 1891 (Pasquero, 2005).

    La religion catholique : un ondement implicite de la responsabilit socialede lentreprise ?

    Les sources catholiques de la responsabilit sociale de lentreprise sont

    plus anciennes que les sources protestantes, elles datent de la n du XIXe

    sicle et tout particulirement de ce quil est convenu dappeler la doctrine

    sociale de lglise. Pour comprendre ces sources, il aut rappeler que ladeuxime moiti du XIXe sicle est marque par un capitalisme trs dur :

    vivre pour louvrier cest ne pas mourir (Gupin, 1885). Les ides

    socialistes se radicalisent avec lapparition de la doctrine marxiste. Il

    sagit dailleurs moins dun marxisme prtention scientique (celui du

    matrialisme historique dvelopp dans le Capital) que dun marxisme

    dius dont les bases sont la lutte des classes, le caractre inluctable de

    la chute du capitalisme (du ait de ses contradictions) et enn la dicta-ture du proltariat. Cest le marxisme expos dans le Manieste du Parti

    Communiste (Marx, 1847). La doctrine sociale de lglise, qui date de la

    parution en 1891 de lencyclique Rerum Novarum du pape Lon XIII,

    est en grande partie une rponse au Manieste de 1847. Nous avons

    privilgi les premires encycliques, la lettre encyclique du 15 Mai 1891,

    Rerum Novarum (1.2.1), celle publie pour le quarantime anniversaire

    du Rerum Novarum, le 15 Mai 1931, Quadragesimo Anno (1.2.2), et

    ait le choix de prsenter succinctement la dernire rdige en 1991 parJean-Paul II, Centesimus Annus (1.2.3).

    L m u Rerum Novarum

    La dignit de lhomme et la noblesse du travail constituent le premier

    ondement du Rerum Novarum : Quant aux riches et aux patrons ils

    doivent ne point traiter louvrier en esclave, respecter en lui la dignit de

    lhomme, releve encore par celle du chrtien Ce qui est honteux et

    inhumain cest duser des hommes comme de vils instruments de lucre etde ne les estimer quen proportion de la vigueur de leurs bras (Rerum

    Novarum, n. 16).

    La notion de juste salaire apparat comme le ncessaire corollaire de

    cette dignit : Parmi les devoirs principaux du patron, il aut mettre au

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    premier rang celui de donner chacun le salaire qui convient il est une

    loi de justice naturelle savoir que le salaire ne doit pas tre insusant

    aire subsister louvrier sobre et honnte (Rerum Novarum, n. 34).

    videmment, lallusion la sobrit de louvrier ait sourire et renvoie

    invitablement aux romans de Zola. Mais daut de xer le principedun salaire minimum, lglise sattache la mthode de la ngociation :

    Que le patron et louvrier assent donc tant et de telles conventions

    quil leur plaira, quils tombent daccord notamment sur le chire du

    salaire (Rerum Novarum, n. 34).

    Mais pour ngocier encore aut-il que le syndicat soit reconnu et pour

    cela que ltat ne asse pas obstacle au droit dassociation : De ce que

    les socits prives nont dexistence quau sein de la socit civile il nesuit pas ne parler quen gnral et ne considrer que leur nature,

    quil soit au pouvoir de ltat de leur dnier lexistence, le droit lexis-

    tence leur a t octroy par la nature elle-mme, et la socit civile a t

    institue pour protger le droit naturel, non pour lanantir (Rerum

    Novarum, n.38).

    Enn, le grand principe de la responsabilit sociale de lentreprise

    de lglise catholique concerne la solidarit agissante. L o Marx ne

    voit que la lutte des classes, Lon XIII propose une vritable amiti. Lerreur capitale dans la question prsente cest de croire que les deux

    classes sont ennemies-nes. Cest l une aberration telle quil aut placer

    la vrit dans une doctrine compltement oppose. Les classes ont

    un imprieux besoin lune de lautre : il ne peut y avoir de capital sans

    travail, ni de travail sans capital Lglise propose un corps de pr-

    ceptes plus complet, parce quelle ambitionne de resserrer lunion des

    deux classes jusqu les unir lune lautre par les liens dune vritableamiti (Rerum Novarum, n.15, n. 16, n. 18).

    En conclusion, on trouve dans le Rerum Novarum plusieurs onde-

    ments intressants pouvant expliquer notamment la vision sociale de

    grands capitaines dindustrie de religion catholique :

    - lide contraire au libralisme sauvage selon laquelle ltat doit

    jouer pleinement son rle notamment lgard des plus aibles

    Que ltat se asse donc la Providence des travailleurs (Rerum

    Novarum, n. 29) ;- la valeur du travail et en particulier de lutilisation du corps, nous

    dirions le travail manuel ;

    - la conance dans les corps intermdiaires, entre ltat et lindividu,

    dont les associations ouvrires constituent une orme exemplaire ;

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    - la voie contractuelle permettant de trouver des arrangements sur

    tous les sujets et notamment celui de la dtermination du salaire ;

    - la notion de juste salaire , certes un peu caricaturale ses dbuts ;

    - lamlioration ncessaire des conditions de travail.

    L m u Quadragesimo Anno

    Dans le Quadragesimo Anno, le contexte historique et conomique a

    volu ; lconomie dentreprise gagne toute la plante mais le processus

    dextension se double aussi dun processus de concentration entranant

    la constitution de trs puissants groupes dintrts.

    La puissance et la aiblesse du capitalisme sont plus que jamais per-

    ceptibles avec la succession des crises et des priodes de croissance. Du

    point de vue idologique, si le marxisme semble avoir donn naissance

    au communisme travers la Rvolution bolchvique, un autre socia-

    lisme apparat en Europe, plus rormiste que rvolutionnaire et chose

    importante pour lglise plus souple lgard du droit de proprit. Le

    propos nest donc plus de contrer une idologie prcise, le marxisme,

    mais plutt dapproondir par des dveloppements doctrinaux la posi-

    tion de lglise ace aux exigences de la modernit.

    La premire proccupation de Pie XI consiste rinsrer lordreconomique dans lordre moral jetant ainsi les bases de la morale des

    aaires : Sil est vrai que la science conomique et la discipline des

    murs relvent de principes propres, il y aurait nanmoins erreur

    armer que lordre conomique et lordre moral sont si loigns lun

    de lautre, que le premier ne dpend daucune manire du second

    (Quadragesimo Anno, n. 100).

    Or, parmi les ondements de lordre moral se trouvent la justice sociale

    et la charit. Concernant le premier point : la justice sociale doit pn-

    trer les institutions et doit se maniester par la cration dun ordre juri-

    dique et social qui inorme en quelque sorte toute la vie conomique

    (Quadragesimo Anno, n. 149). Concernant le second : Les dirigeants

    trop longtemps indirents au sort de leurs rres moins ortuns leur

    donneront des preuves dune charit eective (Quadragesimo Anno,

    n. 202).

    Pie XI va plus loin que Lon XIII concernant le salaire : Tout dabordon doit payer louvrier un salaire qui permette de pourvoir sa sub-

    sistance et celle des siens (Quadragesimo Anno, n. 131) et plus loin

    Il importe que les travailleurs puissent, une ois couvertes les dpenses

    indispensables, mettre en rserve une partie de leur salaire an de se

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    constituer une modeste ortune (Quadragesimo Anno, n.135). La prise

    en compte des besoins de la amille et des possibilits dpargne sac-

    compagne galement dune participation des ouvriers et des employs

    la proprit de lentreprise, sa gestion, aux prots quelle apporte

    (Quadragesimo Anno, n.126).

    Lintressement et la participation se trouvent en germe dans cette

    proposition.

    L m u Centesimus Annus

    Jean-Paul II aborde pour la premire ois dans une encyclique sociale

    la question de lcologie : lhomme consomme de manire excessive

    et dsordonne les ressources de la terre et sa vie mme (Centesimus

    Annus, n. 37) et il dveloppe lide que la terre ayant t donne par

    Dieu, lhomme doit en aire usage dans le respect de lintention primi-

    tive, bonne, dans laquelle elle a t donne ; de mme il limite lexer-

    cice du droit naturel de proprit en reconnaissant lexistence d une

    autre orme de proprit, la proprit de la connaissance, de la technique

    et du savoir (Centesimus Annus, n. 32) ainsi que celle de biens collec-

    tis que ltat doit dendre (Centesimus Annus, n.40). Lexistence de

    lentreprise est justie dans la mesure o elle constitue un groupe par-ticulier au service de la socit toute entire (Centesimus Annus, 34).

    Enn, lencyclique de 1991 ait une large place la ncessaire valorisa-

    tion des ressources humaines soit pour un accs quitable au march

    international dans le cas du Tiers-Monde, soit pour linsertion sociale

    dans le cas du Quart-Monde (Centesimus Annus, 33).

    Partie de la question ouvrire , la doctrine sociale de lglise

    sest donc progressivement largie. lorigine centre sur les relations

    patron/ouvriers, elle a par la suite reconnu les droits et les devoirs de

    lentreprise. Elle a puissamment reli la conduite des aaires la morale,

    quil sagisse des relations interpersonnelles, inter-tatiques ou encore

    des relations avec la Nature, don de Dieu. Cette doctrine nest pas tou-

    jours exempte dambiguts, ainsi Jean-Paul II crit que lglise na pas

    de modle proposer, si ce nest une orientation intellectuelle . Mais

    en ralit, la place reconnue au march, la proprit prive et au prot

    ( indicateur de bon onctionnement ), rapproche lidal catholique ducapitalisme libral plus que de lidologie ultra-librale. Les excs du

    libralisme sont toujours dnoncs et de nombreuses voies sont traces

    pour viter ces carts ou en corriger les eets. Cest dans ces proposi-

    tions damendement que rsident les ondements catholiques de la res-

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    ponsabilit sociale de lentreprise : respect de la dignit humaine, juste

    rmunration et partage des ruits du travail, respect de la Nature, pos-

    sibilit de russir sa vie par son travail, dveloppement conomique et

    quit dans les rapports marchands. Le parallle, souvent opr dans ces

    encycliques, entre lentreprise et la amille a galement nourri le courant

    du paternalisme chrtien (Ballet et de Bry, 2001).

    La responsabilit sociale de lentreprise au croisement des doctrinesreligieuses catholiques et protestantes : perspectives comparatives etenjeux thoriques

    Chacune des deux doctrines a largement contribu aonner le concept

    de responsabilit sociale de lentreprise tel quil sest dvelopp thori-

    quement et historiquement. Les principes de la religion protestante ont

    directement inspir Bowen (1953) dans son travail danalyse de la res-

    ponsabilit sociale de lentreprise et son ouvrage met explicitement en

    vidence une orte anit entre lthique protestante et la conception

    de la RSE par les hommes daaires de son temps (Acquier et Gond,

    2007). La religion catholique a jou un rle indirect dans la ormalisa-

    tion de cette doctrine amricaine : Bowen (1953) sappuie en eet r-quemment, dans les derniers chapitres de son livre, sur les propositions

    ormules dans les encycliques pour proposer des moyens de prenniser

    les dmarches de la responsabilit sociale. La thorie de lglise a aussi

    inspir de nombreuses pratiques, aonnant un modle de gestion pater-

    naliste, que lon peut considrer rtrospectivement comme socialement

    responsable . Ainsi, pour Ballet et de Bry, (2001) lide de lentreprise

    citoyenne et la notion de RSE sinscrivent trs directement dans la conti-

    nuit du paternalisme industriel. Dans les deux cas de gure, une anit

    entre la doctrine religieuse et les pratiques de la responsabilit sociale se

    dessine, et peut-tre mme plus ortement dans le cas du catholicisme, si

    lon se ocalise sur les dimensions pratiques.

    On peut ainsi considrer comme paradoxal que le concept de res-

    ponsabilit sociale de lentreprise se soit historiquement dvelopp

    aux tats-Unis sous linfuence de lglise protestante et pas en Europe

    comme prolongement de la doctrine sociale de lglise catholique. Troisraisons peuvent tre invoques.

    La premire tient au ait que la religion occupe traditionnellement

    une place bien plus importante aux tats-Unis quen France, o en 1905

    est promulgue la loi de sparation de lglise et de ltat , loi qui ne

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    concerne certes pas lentreprise mais tmoigne cependant dune parti-

    cularit, la lacit, qui nest pas un encouragement utiliser la doctrine

    religieuse dans les domaines proanes

    La deuxime renvoie aux clbres analyses de Max Weber (1967

    [1905]). Selon lui, lthique protestante serait plus mme que la catho-

    lique de servir non pas de ondement mais plutt de moteur au dveloppe-

    ment du capitalisme. L o le catholique obtient la rmission de ses autes,

    le protestant sengage samliorer et alors que la conession est dordre

    prive, lengagement protestant se manieste souvent publiquement.

    La troisime relve de labsence de prise en compte dans la doc-

    trine sociale de lglise des parties prenantes 4. La prcocit mme

    du Rerum Novarum, 1891, explique que la vision dune entreprise aucentre dun rseau de parties prenantes ait t absente car ne correspon-

    dant pas la ralit du sicle. Par la suite, il est rappant de remarquer

    combien les encycliques sinscrivent dans un mme cadre de rrence.

    Ainsi, Jean-Paul II modernisant la doctrine de lglise, seorce en per-

    manence de situer son propos dans la continuit de Lon XIII. Cette

    caractristique qui tient au genre de lencyclique nest pas de nature

    aciliter le renouvellement de la pense.

    Mais ce double ondement religieux de la responsabilit sociale de len-

    treprise invite aussi analyser de manire plus approondie les modalits

    de coexistence des deux infuences religieuses et le rle spcique de cha-

    cune dentre elles dans le processus dacceptation sociale de cette notion.

    En eet, il est possible de se demander comment les deux sources dinspi-

    ration cohabitent de manire pacique dans les crits et les interprtations

    qui dcoulent de cette notion orant une perspective cumnique de la

    responsabilit sociale de lentreprise et dans quelle mesure un schisme ne menace pas son intgrit. Dun point de vue analytique, des recherches

    ondes sur les textes produits par les dirigeants et les entreprises pourront

    tre engages dans une vise thologique et philosophique pour clarier

    le statut des deux religions dans le dveloppement et lappropriation du

    concept par les discours managriaux.

    La question du rle relati des deux religions dans la ormation du ter-

    reau idologique sur lequel sest orme lide de la RSE est susceptible

    dtre analyse empiriquement en Europe, o lon a assist rcemment

    sa diusion et sa rappropriation dans des pays de traditions religieuses

    trs direntes. L'impulsion est donne par la publication du Livre Vert

    4. tou aceur inerne ou exerne une enreprise e concern par son bon oncionnemen.

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    de la Commission Europnne (EC, 2001). Plusieurs lments demandent

    tre claris : est-ce que les entreprises situes dans des pays de tradi-

    tion religieuse protestante ont adopt plus rapidement les pratiques de

    responsabilit sociale de lentreprise que les entreprises localises dans

    des pays de tradition catholique ? Existe-t-il des dirences dans les

    conceptions de la RSE telles quelles sont exprimes par les dirigeants

    politiques et les gouvernements des pays aux diverses traditions reli-

    gieuses ? Dans quelle mesure les valeurs des dirigeants et leur obdience

    religieuse protestante et/ou catholique infuence leur vision et leur pra-

    tique de la responsabilit sociale de lentreprise dans leurs aaires ?

    Ces direntes interrogations pourront tre examines en sappuyant

    dune part sur les travaux anthropologiques qui ont mis en videncelimportance des structures amiliales et des croyances religieuses dans

    la construction politique de lEurope, dans la perspective ouverte par

    Emmanuel Todd (1996), et dautre part sur les textes dnissant thori-

    quement et empiriquement les dirences culturelles et nationales dans

    les politiques de responsabilit sociale de lentreprise (Aguilera et al.,

    2007 ; Chapple et al., 2008 ; Maignan & Ralston, 2002). La carte euro-

    penne des organismes amiliaux et religieux pourra tre utilise an de

    ormuler des hypothses plus prcises quant la propension des entre-

    prises adopter des pratiques de responsabilit sociale une chelle

    rgionale et pour tudier le degr de rceptivit des communauts locales

    ces politiques. Mais le dveloppement de telles recherches implique une

    analyse exploratoire pralable du statut de la religion dans les pratiques

    et les discours contemporains sur la responsabilit sociale de lentreprise.

    LaMbigUte des diMensions reLigieUsesdans Les approches conteMporaines de La responsabiLit

    sociaLe de Lentreprise : entre enthoUsiasMe,viteMent stratgiqUe et instrUMentation critiqUe

    Un examen superciel de la responsabilit sociale de lentreprise dans ses

    aspects acadmiques comme managriaux pourrait laisser penser queles dimensions religieuses ont dsormais disparu du champ de discus-

    sion. La religion aurait jou un rle dans la ormation dune notion qui

    se serait progressivement autonomise pour devenir un concept scien-

    tique mesurable parmi dautres, au sein dun discours plus tech-

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    nique qui ne laisserait que peu de place au soufe religieux des premiers

    temps. Une analyse plus approondie amne touteois relativiser un tel

    constat. La part religieuse de la RSE semble toujours importante, mme

    si la relation est ambigu et suscite des dbats contradictoires plus

    dun titre. Ainsi, certains auteurs amricains ont rcemment propos derorienter/reonder la thorisation de la responsabilit sociale de lentre-

    prise dans le sens religieux (2.1). Par contraste, lvitement du religieux

    et lamoralisation des discours sur la responsabilit sociale semblent tre

    une condition de leur diusion dans les milieux daaires, au moins

    en Europe (2.2). Partant de ces contradictions et ambiguts, on peut

    se demander dans quelle mesure la religion, comme mtaphore, claire

    les dynamiques luvre dans le champ de la responsabilit sociale delentreprise. Nous nous interrogerons donc nalement sur le statut du

    ait religieux dans ltude de la RSE (2.3).

    Le retour du religieux dans la thorisation de la RSE

    Loin de disparatre de la scne acadmique, la dimension religieuse reste

    structurante dans un certain nombre danalyses thoriques de la RSE. Si

    les approches plus normatives de la responsabilit sociale de lentreprisesinscrivant dans le courant de lthique des aaires (Business Ethics)

    ont pu un moment paratre en retrait, elles se rarment depuis ces

    dernires annes, (2.1.1) et saccompagnent dun regain dintrt pour la

    notion de spiritualit en gestion (2.1.2)

    L l, um l rse ?

    Si elle a t centrale durant un demi-sicle (1900-1950), la place de la

    religion dans la problmatisation de la responsabilit sociale a ensuiteortement vari. Si cette place nest pas aujourdhui centrale au sein des

    thorisations de la RSE, la dimension thique reste nanmoins prsente

    comme le pivot de toute approche en termes de responsabilit sociale

    (Donaldson, 1999 ; Donaldson et Dunee, 1994 ; Donaldson et Preston,

    1995 ; Frederick, 1986, 1998). Ce changement de statut du ait religieux

    dans la responsabilit sociale de lentreprise peut tre analys au travers

    de la srie de contributions de Frederick (Frederick, 1978, 1986, 1998)

    qui identie quatre grands moments dans la problmatisation de la RSE,schmatiss dans le tableau 1.

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    Au cours de la premire priode, de la n des annes 1950 la n

    des annes 1960, les principaux travaux sont guids par l'ide selon

    laquelle l'interace entre l'entreprise et la socit a besoin d'ajuste-

    ment - d'o leur emphase sur la responsabilit et le besoin de rendre

    des comptes (Frederick, 1986). Touteois, au cours de cette phase de

    prise de conscience, lessentiel de ces tudes baigne dans un brouillard

    normati , manquant de socle thorique solide et uni susceptibledappuyer les prescriptions de leurs auteurs 5. Dans le contexte social

    beaucoup plus turbulent de la n des annes 1960 et des annes 1970,

    5. On peu dailleurs se demander dans quelle mesure ce brouillard normai nes pas lune des cons-quences du syncrisme religieux opr par la responsabili sociale de lenreprise.

    tlu 1 : Lvoluion concepuelle de la responsabili sociale de lenrepriseselon Frederick

    su : tableau consrui daprs Frederick (1978, 1986 e 1998)

    nm u p d l mm u-j

    csr 1 1950-1960 i u l ml uull

    c sl l uj ;rly M ul l l

    l m m .

    csr 2 1970-1980 l u l um l uc sl -- llr lu m ;

    c , j lly um m, l lm ul u l u

    .csr 3 1980-2000 r l m m u c sl lly ;ru dl u l u lu ymu

    (l ju-, mm,umm, ).

    csr 4 au-l s l m l cm / s / annes 2000 l ml ;rl d l l l

    l l /

    u m ul u lum (ll l l m ; l lml l l l l) ;

    l l (u mm u )l m ml u ly l e s.

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    un ensemble de travaux se dveloppe (Ackerman, 1973 ; Ackerman

    et Bauer, 1976) en prenant le contre-pied de ces approches. Ces crits

    sont non pas centrs sur la recherche de rgles normatives auxquelles

    devraient se plier les entreprises, mais sur les processus internes per-

    mettant aux dirigeants de rpondre pragmatiquement et ecacementaux sollicitations concrtes de la socit. vacuant toute considration

    thorique, cette phase CSR 2 ou Corporate Social Responsiveness

    tend, selon Frederick (1986), lgitimer, par ce dni de toute dimen-

    sion thique, les dmarches mises en uvre par les entreprises an de

    manipuler leur environnement ou de mettre en chec les orces sociales

    qui auraient pu permettre des changements de comportement de la part

    des organisations. Frederick (1986) propose donc de reonder les ana-lyses sur un socle normati plus solide (notamment ond sur la phi-

    losophie chrtienne et judo-chrtienne), dveloppant une nouvelle re

    de Corporate Social Rectitude ou CSR 3. Cest dans ce cadre que lon

    peut relire les approches de Freeman, Dunee, Donaldson ou Preston qui

    visent onder la thorie des parties prenantes (Donaldson et Dunee,

    1994 ; Donaldson et Preston, 1995 ; Freeman, 1994).

    Enn, dans sa dernire approche la conscience CSR 4 o lacro-

    nyme CSR renvoie dsormais aux termes de Cosmos, Science et Religion,Frederick (1998) propose dapproondir cette dmarche de ondation

    spirituelle et thique en soulignant limportance de la recherche de sens

    inhrente toute vie humaine. Il propose ainsi de aire de la religion lun

    des trois piliers de la recherche dans le champ Social Issues in Management

    (p. 51), de dpasser le cercle de lentreprise pour mieux tenir compte du

    onctionnement global de lhumanit en tant quensemble dtres vivants

    soumis des processus gntiques, astrophysiques et biochimiques. Cetlargissement considrable de la perspective danalyse implique de aire

    du Cosmos lunivers de rrence en incluant lconomie et les entre-

    prises au mme titre que la biosphre, de tenir compte des avances des

    Sciences entendues comme sciences sociales, mais aussi et surtout

    biologiques et naturelles pour clairer et comprendre les processus glo-

    baux qui aonnent lhumanit (pp. 45-49). Pour justier ce point de

    vue qui peut paratre assez sotrique, Frederick (1998) met en avant

    le ait que de nombreux grands problmes thiques contemporainsauxquels sont conrontes les entreprises sont directement lis aux avan-

    ces des sciences naturelles et aux problmes thiques quelles soulvent

    (ex. modications gntiques et usage des Organismes Gntiquement

    Modis dans lindustrie agro-alimentaire, utilisation et manipulation

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    mnes qui agissent la place et en qualit de religion (Hervieu-Lger,

    1993, p. 42). Cette explication mrite dtre analyse de manire plus

    approondie, spcialement dans le contexte acadmique et proessionnel

    amricain.

    On a assist ces dernires annes la cration dune division consa-

    cre au Management, la Spiritualit et la Religion au sein de la

    prestigieuse Academy o Managementamricaine (dont la mission est

    prsente dans lencadr 1). Les travaux publis par les membres de cette

    subdivision, qui ne dispose aujourdhui que dun statut probatoire et pro-

    visoire de groupe dintrt mais compte dj plus de 500 membres6, constituent une source de donnes intressante pour comprendre les

    liens quentretient la perspective religieuse avec la responsabilit socialede lentreprise.

    e 1 : La mission de la division Managemen, Spiriuali e Religion

    Specic Domain : the study o the relationship and relevance o

    spirituality and religion in management and organizations. Major

    topics include : theoretical advances or empirical evidence about

    the eectiveness o spiritual or religious principles and practices inmanagement, rom approaches represented in the literature inclu-

    ding religious ethics, spirituality and work, and spiritual leadership,

    as well as applications o particular religions, and secular spirituali-

    ties to work, management/leadership, organization, and the business

    system ; and evaluation studies o the eectiveness o management

    approaches that nurture the human spirit in private, non-public or

    public institutions.su : sie de lAcademy o Managemen

    Ces volutions, et de manire plus gnrale, la diusion et lexten-

    sion contemporaine de la notion de RSE, nous semblent resituer dans

    un contexte plus gnral dune crise des systmes de lgitimit (Lauer,

    1993), ou de chute des grandes valeurs idologiques religieuses et macro-

    sociales qui ont structur lhistoire du XXe

    sicle (Lipovestky, 1983;Fukuyama, 1992; Furet, 1995). On peut ainsi se demander dans quelle

    6. Ce chire la posiionne loin derrire les domaines les mieux ablis du managemen (la division consacreau comporemen organisaionnel compore prs de 5000 membres) mais devan cerains plus anciens elsque la gesion opraionnelle. Le groupe compe aujourdhui un nombre de membres comparable celui de ladivision consacre la gesion publique e de celle consacre lanalyse criique du managemen.

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    mesure la crise contemporaine des valeurs ne constitue pas une ressource

    pour la diusion et ladoption des pratiques de la responsabilit sociale

    de lentreprise, rinsufant ainsi un soufe spirituel et idologique, l o

    la logique actionnariale aaiblit le sens du travail. Cheit, en 1975,

    ait dj remarquer que la maximisation de la valeur actionnariale ne

    constitue pas une valeur propre motiver les nouvelles gnrations pour

    devenir manager et voit dans la RSE et le champ Business and Society

    un moyen de reconstruire la mission sociale des organisations et dy

    rinvestir du sens.

    Cette hypothse selon laquelle les mouvements sociaux portant la

    responsabilit sociale de lentreprise capitalisent en partie sur la crise

    des idologies contemporaines en rinvestissant un sens ort et uneorme de spiritualit semble surtout valide dans le contexte socioculturel

    amricain. Les traductions europennes oprationnelles de la notion

    de RSE semblent plutt lies quant elles une orme dvitement du

    religieux.

    Lvitement du religieux comme stratgie de lgitimation et de diusion dela responsabilit sociale de lentreprise en Europe

    Lengouement religieux contemporain autour de la notion de respon-

    sabilit sociale de lentreprise caractrise en eet essentiellement la tra-

    dition de recherche amricaine, lorsque cette notion est apprhende

    dans la perspective plus philosophique et normative, caractristique des

    approches Business Ethics. Alors que les pays europens de tradition

    chrtienne, tels que la France, auraient pu orir un terrain rcepti une

    approche empreinte de valeurs catholiques, le processus de diusion du

    concept semble tre paradoxalement pass par une amoralisation de la

    notion, esquissant les traits dune conception laque de la RSE.

    La pratique de linvestissement socialement responsable, que lon

    peut considrer comme lexpression de la recherche dune responsabi-

    lit sociale par les actionnaires sur les marchs nanciers (Hutton et al.,

    1998), illustre lamoralisation sous-jacente la diusion concrte de

    la responsabilit sociale de lentreprise en Europe. Une srie de recherches

    empiriques menes en France sur la diusion de la pratique de linvestis-sement socialement responsable (ISR) tend en eet montrer que, pour

    tre adopt en France, il doit tre adapt (Akrich et al., 1988)

    dune manire qui la considrablement loign de ses ondements reli-

    gieux (Djean et al., 2004 ; Giamporcaro, 2004 ; Gond et Leca, 2004).

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    Un phnomne similaire est observ dans le cas de limportation de lin-

    vestissement socialement responsable en Hollande (Louche, 2004). Aux

    tats-Unis, linstitutionnalisation et la construction historique du champ

    de lISR rpondent une logique avant tout militante et sinscrivent dans

    un ensemble de mouvements religieux et sociaux cherchant promou-voir certaines valeurs (Giamporcaro, 2004). Dabord mobilise par les

    Quakers et les congrgations religieuses pour pouvoir investir dans des

    entreprises agissant en conormit avec leur systme de valeurs, les pre-

    mires pratiques dinvestissement socialement responsable consistent

    exclure des porteeuilles dinvestissement les entreprises impliques dans

    des activits juges immorales (ex. jeux, alcool, tabac, pornographie)

    (voir Frone et al., 2001 ; Giamporcaro, 2004). Lusage de tels critresdexclusion est aujourdhui encore trs largement dominant dans le

    monde anglo-saxon de lISR (SIF, 2007).

    Cet tat de ait contraste avec la situation de pays tels que la France ou

    les Pays-Bas. Si, dans les deux cas, les premires expriences dinvestis-

    sement socialement responsable sont le ait de congrgations religieuses

    et restent ortement empreintes de normativit (Giamporcaro, 2004 ;

    Louche, 2004), le dcollage du march de lISR dans ces deux pays a

    t ortement infuenc par la prsence dagences de notation socialeet environnementale (Arese et Triodos) qui ont prsent la responsa-

    bilit sociale dans une perspective dnue denjeux religieux (Gond et

    al., 2005 ; Igalens, 2005). Ce processus sest appuy sur les proprits

    dobjectivation inhrentes la quantication (Djean et al., 2004) et ces

    agences ont propos des critres dvaluation de la responsabilit sociale

    de lentreprise plus managriaux que moraux. Les pratiques dinvestis-

    sement socialement responsable dominantes en France sont aujourdhuitrs majoritairement ondes sur des critres positis dvaluation

    des entreprises qui ne laissent que peu de place au jugement moral au

    moins dans le discours de leurs promoteurs (Djean et al., 2004 ; Gond,

    2006 ; Gond & Leca, 2004).

    De tels phnomnes ne sont pas seulement observs dans le cas de lin-

    vestissement socialement responsable, ils ont aussi t mis en vidence

    pour dautres dimensions de la RSE, pour dautres acteurs et dautres

    chelles socio-organisationnelles. Ainsi, Crane (2000) dcrit la dynamiquedamoralisation des discours sous-jacente ladoption de pratiques de

    management environnemental (greening). Au travers de lanalyse de trois

    cas de mise en uvre de programmes visant co-responsabiliser des

    organisations varies (entreprise classique, entreprise ayant une mission

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    sociale et de collaboration entre organisations non-gouvernementales et

    entreprises), il ait trs clairement ressortir que ladoption concrte dac-

    tions environnementales rsulte de la capacit des acteurs vendre ces

    pratiques dautres acteurs. Or, il apparat dans les trois contextes que

    les dimensions morales qui pourraient tre utilises pour justier la prise

    en compte dune de ces pratiques, sont le plus souvent tues ou eaces

    au prot dune rationalisation managriale de lintrt conomique et pra-

    tique dadopter de tels programmes (Crane, 2000).

    Ces traductions managriales europennes dune RSE dnue de

    morale sont mettre en regard avec lmergence du terme de dvelop-

    pement durable dans les discours contemporains. En Europe, la di-

    rence des tats-Unis, la notion de responsabilit sociale de lentreprise estlargement assimile celle de dveloppement durable. On peut analyser

    ce rapprochement conceptuel comme une rponse une dicult rcur-

    rente : celle de dgager un ondement normati consensuel, susceptible

    de ournir une doctrine solide et stable sur laquelle appuyer laction des

    entreprises. Suivant la dnition de Bruntland (1987), le principe driv

    de la notion de dveloppement durable est quil est ncessaire de mettre

    en uvre des pratiques qui ne ponctionnent pas les ressources des gn-

    rations venir et leur capacit rpondre leurs besoins. Cette rgleapparat susamment consensuelle pour tre assez largement accepte 7.

    Dautre part, son dtachement apparent de toute orme dthique reli-

    gieuse permet de requalier la notion de responsabilit sociale de len-

    treprise, en lui donnant une porte plus universelle (Aggeri et al., 2005).

    travers lide de dveloppement durable, on assiste ainsi une laci-

    sation de la RSE qui a avoris sa diusion dans la sphre managriale

    europenne. Du point de vue thorique, ce mouvement de lacisation ades consquences importantes : une telle volution amne dtacher la

    responsabilit sociale de lentreprise de certaines de ses racines sociocul-

    turelles les plus proondes. On sort ainsi dun contrle du social sur len-

    treprise (particulirement marqu travers la notion de stewardship

    dcrite prcdemment), o lentreprise est subordonne la socit. La

    perspective est alors moins confictuelle : lentreprise devient lune des

    parties prenantes lexploration de solutions de dveloppement plus

    durable, en rconciliant les dimensions environnementales, sociales etconomiques de son activit (Elkington, 1998).

    7. Dans les ais, on peu cependan noer que les praiques qui se revendiquen du dveloppemen durable dans lenreprise peuven scarer de lide dqui inergnraionnelle lorigine du concep (c. Aggeri,Peze e al., 2005).

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    Ces trois exemples, bass sur les pratiques et les discours manag-

    riaux relatis la RSE, peuvent laisser penser que sa diusion procde,

    sur le terrain, dune logique de neutralisation de ses dimensions morales

    et/ou religieuses.

    La responsabilit sociale de lentreprise comme religion ? La mtaphorereligieuse comme instrument critique et comme grille danalyse

    Il semble ainsi que le statut de la religion constitue une ligne de dmar-

    cation entre deux mondes de la responsabilit sociale de lentreprise.

    Le premier regroupe des auteurs largement marqus par les approches

    dthique en entreprise, plaant la religion au cur du travail de concep-

    tualisation de la RSE. Le second regroupe des acteurs (proessionnels,acadmiques et civils) qui se servent de la religion comme repoussoir et

    tendent rednir la responsabilit sociale dans une optique amoralise.

    De ces deux visions, cest la seconde, avec sa promesse de rationalit

    et dintgration la logique de lentreprise et des marchs (comme en

    tmoigne la notion de Tripple Bottom Line) qui semble actuellement

    simposer (Norman et MacDonald, 2004).

    Ds lors, quelle place laisser la morale dans lanalyse ? Certainesapproches proposent den carter dnitivement toute considration

    religieuse et normative. Pourtant, orce est de constater que ltude de

    la responsabilit sociale de lentreprise comme croisade porte par des

    entrepreneurs claire sous un nouveau jour les dynamiques du concept

    et des pratiques associes cette notion.

    U u : l l l l, u l u mll

    ?La critique adresse par Michael Porter aux champs acadmiques

    et proessionnels de la RSE apparat particulirement utile pour saisir

    la aon dont la mtaphore religieuse reste utilise comme mode de stig-

    matisation du discours et des thories de la responsabilit sociale de

    lentreprise.

    Ma principale critique est que le champ de la responsabilit sociale

    de lentreprise est devenu une religion avec ses prtres, et pour laquelleil ny aurait plus besoin ni de aits ni de thories. Trop de proesseurs et

    de managers se satisont de largument selon lequel on sent que cest

    bien . Trop dactions philanthropiques sont diriges par les croyances

    personnelles des dirigeants. Et presque toute la philanthropie dentre-

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    prise est ocalise sur le renorcement de la marque et la construction

    dune rputation de bon citoyen. Il sagit de se aire des amis. [] Je

    suis en dsaccord complet avec cette approche. [] Je voudrais que les

    entreprises ragissent des pressions au lieu de dvelopper des stratgies

    afrmatives (Porter, 2003) 8.

    Porter oppose ensuite sa propre vision de la philanthropie stratgique

    une conception de la RSE considre comme relevant de lordre de

    lmotionnel, de la croyance et de lamateurisme, l o son approche

    dploie rationalit, analyse et proessionnalisme (Porter, 2003). Il sagit

    de aire le Business Case de la responsabilit sociale de lentreprise,

    c'est--dire de montrer, au travers dune tude cot-bnce , le bien-ond dun investissement dans des politiques de responsabilit sociale

    dmonstration sans laquelle les enjeux vritables du management restent

    hors de porte des intresss.

    Ces arguments rejoignent ceux qui ont dj t employs pour carac-

    triser les pratiques de gestion environnementale dans les annes 1990 et

    2000. Ainsi, Newton et Hart (1997) et plus rcemment Crane et Starkey

    (2003) ont mis en vidence le soubassement idologique vanglisa-teur qui structure les discours relatis au verdissement des entreprises.

    nouveau, il sagit, en mettant en valeur les connotations religieuses

    des termes employs, de mieux en souligner le caractre incongru, voir

    kitsch (Newton et Hart, 1997). Rolwey et Berman (2000) ont mis en

    avant de leur ct les dimensions idologiques associes la qute dune

    relation positive entre perormances socitales et nancires, vritable

    Saint Graal de la recherche en Business and Society, propre (r)conci-

    lier la tension permanente entre les objectis conomiques et socitaux(Rowley et Berman, 2000).

    Ce mode danalyse de la responsabilit sociale de lentreprise peut

    tre considr plus srieusement comme une mtaphore orant de vri-

    tables voies de recherche et des modes danalyse empiriques originaux

    de la diusion contemporaine des discours et pratiques de la RSE.

    U m : l rse mm l uu

    u ml ?

    Si lamoralisation des discours de la responsabilit sociale de lentre-

    prise apparat comme est un phnomne rel et signicati, il semble

    8. Il sagi de nore propre raducion de la ciaion de Michael Porer.

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    que la dimension morale reste tout de mme un lment important pour

    comprendre ses dynamiques. On peut en eet entendre la RSE comme

    un espace dans lequel interviennent dirents entrepreneurs de morale

    (Becker, 1985) visant crer de nouvelles normes et transormer les

    pratiques dentreprise. Becker montre que llaboration de normes nestpas le rsultat dun processus naturel mais le produit de laction den-

    trepreneurs de morale, qui doivent [persuader] la population [] que

    quelque chose doit tre ait ce sujet. Pour quune norme soit cre,

    il aut que quelquun appelle lattention du public sur les aits, donne

    limpulsion indispensable pour mettre les choses en train, et dirige les

    nergies ainsi mobilises dans la direction adquate (Becker, 1985, p.

    186). Ces acteurs sont mus par leur intrt personnel mais aussi et avanttout par des motis humanitaires (Becker, 1985, p. 172). Il dcrit leur

    action comme une orme de croisade morale ou humanitaire .

    Un tel cadre peut tre mobilis pour analyser de nombreuses dyna-

    miques luvre dans le champ de la responsabilit sociale de lentre-

    prise. Ainsi, Glazer et Glazer (1998) ont soulign le rle de tels croiss

    dans lmergence et la prise en compte des enjeux environnementaux

    dans les agendas politiques. Dans des contextes nationaux o ces ques-

    tions ne sont pas connues du public ou ignores par les dirigeants (carantinomiques aux choix et orientations politiques), ces acteurs, souvent

    locaux, ont jou un rle majeur dans la prise de conscience collective des

    crises environnementales et llaboration de nouvelles normes (Glazer et

    Glazer, 1998). De mme, on peut rapprocher la notion dentrepreneurs

    de morale la question de la mobilisation des parties prenantes. Selon

    le cadre propos par Rowley et Moldoveanu (2003), il est dicile de

    rendre compte de la mobilisation des parties prenantes pour infchirdes pratiques dentreprises par une approche uniquement centre sur les

    intrts individuels. Ils valuent laction de ces groupes travers de nou-

    velles variables, par exemple lexistence dune identit commune iden-

    tit qui peut tre celle dun groupe dentrepreneurs de morale, structure

    par un ensemble de valeurs dendre (Rowley et Moldoveanu, 2003).

    Enn, il est intressant danalyser laction de certains individus, les

    entrepreneurs institutionnels assurant la promotion des marchs du

    dveloppement durable (DiMaggio, 1988 ; Waddock, 2008). Ces acteurslaborent simultanment des discours managriaux, une inrastructure

    de marchs dans le champ du dveloppement durable et organisent le

    dploiement de nouvelles pratiques dans les entreprises (pour une ana-

    lyse dtaille de ces processus : Acquier et Aggeri, 2007 ; Acquier et

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    Gond, 2006 ; Aggeri et al., 2005 ; Djean et al., 2004 ; Waddock, 2008).

    Quelle est la logique daction de ces entrepreneurs qui sont aujourdhui

    les porteurs dune vision de la responsabilit sociale apparemment plus

    rationnelle et mieux adapte aux modes daction du management ? Parmi

    ces architectes, John Elkington (quali de gourou du management),ondateur du cabinet de conseil anglais SustainAbility, a jou un rle

    particulirement important. Dans son best seller Cannibals With Forks

    (Elkington, 1998), il expose son ambition de civiliser le capitalisme, les

    entreprises et les marchs dont les modes de onctionnement actuels sont

    jugs autodestructeurs. Derrire un langage oprationnel qui entre en

    rsonance avec les logiques et les enjeux des entreprises, derrire des ins-

    trumentations aisment transposables sur le terrain, laction dElkingtonest aussi normative, et largement conorme la logique dvanglisation

    sous-jacente laction de lentrepreneur de morale dcrit par Becker.

    Il semble ainsi que lamoralisation, dimension caractristique des dis-

    cours managriaux sur la RSE, masque une normativit intgre dans

    des outils et des pratiques managriaux qui visent modier les rgles

    du jeu conomique 9. La thorie se mle ainsi aux rgles du jeu cono-

    mique.

    discUssion et iMpLications

    Le mot religion vient du latin religare , relier, mais paradoxale-

    ment les spcialistes du ait religieux ont bien mis en vidence le ait que

    la religion est la ois ce qui relie et ce qui spare (Van der Leeuw, 1970 ;

    Eliade, 1988, 1989). Ce qui relie une communaut sur des bases reli-gieuses, cest videmment la croyance en un certain nombre de valeurs

    et le partage de rituels. Ce qui spare, par exemple le sacr et le pro-

    ane, cest une certaine conception du temps et de lespace. Sous cette

    double acception, on peut considrer la RSE comme une religion (3.1).

    Dautres lments constitutis de la religion sont, en revanche, sans qui-

    valents dans la responsabilit sociale de lentreprise, les thophanies par

    exemple. Mais sous rserve daccepter la dimension symbolique de aitsreligieux, de nombreuses pistes de recherche demeurent explorer (3.2.).

    9. Cee dimension normaive des ouils e disposiis managriaux peu re bien comprise ravers le cadredanalyse propos par Hachuel e Weil (1992), proposan que ou disposii managrial puisse re appr-hend ravers son subsra echnique, sa vision simplife des relaions au sein de lorganisaion e sa philo-sophie gesionnaire.

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    Vers une approche de la responsabilit sociale de lentreprise commereligion ?

    On peut envisager, comme nous lavons ait, lhistoire gntique de la

    RSE en mettant en vidence ses racines religieuses. Lhistorien des reli-gions montre ainsi comment le judasme a engendr le christianisme qui

    a engendr le mormonisme, etc On peut galement adopter le point

    de vue de la responsabilit sociale de lentreprise en tant que nouvelle

    religion et essayer de montrer en quoi son onctionnement ressemble

    celui dune religion : nous avons ainsi relev lexpression de Porter

    concernant les prtres de la responsabilit sociale de lentreprise .

    Mais plus ondamentalement, une religion agrge, cre une communaut

    de valeurs et de pratiques. Une religion dnissant ce qui est sacr tablitune rontire nette avec ce qui ne lest pas, le proane. La responsabilit

    sociale de lentreprise cre une communaut de valeurs et de pratiques,

    elle engendre des rites.

    Les textes ondateurs de la RSE se rclament tous de valeurs univer-

    selles, quil sagisse de la Dclaration des Droits de lHomme de 1948, de

    la Dclaration de Rio de 1992, des principes et droits ondamentaux de

    lOrganisation Internationale du Travail (OIT), de la Charte des droitsondamentaux de lUnion Europenne adopte Nice en 2000 (Igalens

    et Joras, 2002). Pour ne citer quun exemple, lorsque le Secrtaire

    Gnral des Nations Unis lance Davos en 1999 le pacte mondial des

    entreprises il dclare :

    I propose that you, the business leaders gathered in Davos, and we,

    the United Nations, initiate a global compact o shared values and prin-

    ciples, which will give a human ace to the global market. (Ko Annan)

    Sadressant aux dirigeants dentreprises multinationales, cet appel auxvaleurs nest pas sans consquences symboliques et pratiques. Au-del

    des principes decacit et decience propres au onctionnement des

    marchs, au-del des rgles de lgalit et de lgitimit dont lOrganisation

    des Nations-Unies (ONU) est orcment garante, il sagit de se rrer

    un ordre suprieur. Luniversalit des dix principes du pacte mondial

    produit un eet que lon peut qualier, selon le nologisme de Morin,

    de reliance . Le but est de rassembler les grandes entreprises, de leur

    donner un cadre moral et, en ce sens, on peut comparer les eets de la

    responsabilit sociale de lentreprise ceux dune nouvelle religion. Cette

    ressemblance concerne galement la sparation entre ce qui est sacr et ce

    qui est proane. La dnition des primtres constitue un des ondements

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    de la responsabilit sociale et il nest pas anodin de remarquer lattention

    porte ce sujet dans la GRI (Global Reporting Initiative). La RSE ore

    lavantage de dpasser les limites de ce qui est visible (les produits, les

    units de production, les marques commerciales) et de prendre sens

    un niveau corporate . Que ce soit dans le temps, dans lespace ouparmi les hommes, la responsabilit sociale de lentreprise introduit une

    rontire nette et souvent originale entre ce qui est dans son champ et

    ce qui ne lest pas. Concernant les activits, lentreprise doit nettement

    dlimiter celles auxquelles elle applique les principes de la responsabilit

    sociale. Cette segmentation est souvent plus symbolique que dle la

    ralit 10. Concernant les hommes, elle doit galement sintresser ceux

    qui ne sont pas juridiquement de sa comptence, en distinguant lessalaris de ses ournisseurs, par exemple. Ce travail de ractionnement en

    vue dappliquer certains principes universels renvoie une composante

    essentielle de toute religion, la sparation du sacr et du proane. Les

    quelques 300 entreprises ranaises qui adhrent au pacte mondial le

    ont pour bncier de limage positive de lONU, mais au del de lad-

    hsion, il y a parois une conversion la responsabilit sociale de len-

    treprise de la part de nombreux dirigeants qui placent volontairement

    leur entreprise dans une communaut mondiale reposant sur des valeurs.Sil reste incantatoire, le discours en appelant aux valeurs ne sut pas

    onder le rapprochement entre la RSE et la religion. Il sincarne aussi

    dans des pratiques, qualies de bonnes pratiques . Dans la mesure

    o certaines dentre elles deviennent rptitives et largement partages,

    on peut mme les qualier de rituelles. Le choix puis le partenariat

    dune ou plusieurs organisations non-gouvernementales, caution de la

    valeur de certains engagements, la runion et la mesure de satisactionde panels de parties prenantes, la reddition de comptes dans des rap-

    ports de plus en plus norms, lvaluation revendique par des agences

    de notation extra-nancire, la participation des clubs ou des rassem-

    blements dentreprises engages dans la mme direction ou lorientation

    de la communication sur des axes de dveloppement durable constituent

    autant dexemples de pratiques rgulires et hautement codies dont il

    serait souvent dicile de justier rationnellement le contenu.

    Les rites de la responsabilit sociale ont de nombreuses vertus dontla premire est de rassembler des entreprises qui, sans eux, resteraient

    10. Ainsi, on conseillera dajouer des acivis en amon ou en aval pour pouvoir prsener une flire complemme si ces acivis son juridiquemen hors champ de la responsabili de lenreprise. Paralllemen, on neprsenera pas des acivis marginales qui son, elles, sous la responsabili de lenreprise.

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    loignes et pourraient tre perues comme agressives. Se runir pour

    dendre lenvironnement, prserver la biodiversit, les droits de lenant

    ou pour lutter contre la corruption permet lensemble des participants

    de bncier dun eet de communaut. La religion est souvent perue

    comme un signe dappartenance et un marqueur de personnalit : diredune personne quelle appartient tel culte, cest la classer dans un

    groupe, dire quelle pratique telle religion, cest aussi lui prter certaines

    caractristiques supposes partages par tous les pratiquants. La res-

    ponsabilit sociale de lentreprise devient pour ceux qui ladoptent la

    ois un signe dappartenance (renorc par la multiplication des clubs

    et groupements en tout genre qui ressemblent des chapelles) et laisse

    penser que lentreprise adopte un comportement responsable dans uncertain nombre de domaines, notamment en prenant des engagements

    volontaires et en rendant des comptes.

    Des pistes de recherche explorer

    De nombreuses pistes restent explorer pour analyser la religion de

    la responsabilit sociale de lentreprise. Nous navons pas pu voquer

    certaines religions qui ont galement contribu ses ondements.Une autre piste concerne le dcryptage des discours et notamment les

    ormes rhtoriques utilises dans les rapports de dveloppement durable,

    les chartes dentreprises et lensemble des rcits dans lesquels lentreprise

    voque ses engagements en matire de responsabilit sociale. Le discours

    religieux nest pas construit comme un discours ordinaire, il convien-

    drait de sinterroger sur lnonciation et sur les identits dauteur, de

    narrateur et de personnage dans des rcits souvent trs ambigus. Qui

    parle, au nom de qui et propos de qui ?La perspective eschatologique 11 dans la RSE serait galement intres-

    sante dans la mesure o lpuisement des ressources naturelles, la pollu-

    tion et, de aon gnrale, les risques lis la dgradation de lenvironne-

    ment, aonnent un horizon qui nest pas sans rappeler la n des temps

    des religions. Chaque catastrophe cologique nouvelle nourrit cette ide.

    Dun point de vue sociologique, lanalyse du clerg de la responsa-

    bilit sociale de lentreprise reste galement produire et lheureuse

    expression de Porter devrait tre suivie de typologies plus nes, permet-

    tant de distinguer les vques, les cardinaux mais aussi les missionnaires

    et les gourous de la RSE

    11. L'eschaologie es le discours philosophique ou hologique sur la fn du emps.

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    Dun point de vue de psychologie sociale, lacte de conversion

    la responsabilit sociale na t quabord, mais dj des tmoignages

    abondent de dirigeants qui dcrivent sous ce terme leur engagement (un

    exemple est ourni dans le lm The Corporation ).

    Sur le terrain philosophique, Hans Jonas voit le principe de respon-sabilit comme un ondement essentiel quant la part morale de la

    responsabilit sociale de lentreprise. Mais dautres approches semblent

    ncessaires, notamment sur le renouvellement de la pense au sujet des

    droits de proprit, des biens communs de lhumanit, etc

    Enn, la question de la nature de la transcendance luvre dans

    la RSE ne peut tre entirement lude. Mme si notre contribution est

    essentiellement historique et mtaphorique ( la responsabilit socialede lentreprise comme religion ), orce est de constater que certains

    mouvements cologistes extrmistes contemporains ont ranchi le pas et

    que pour eux Gaa , la Terre, est une divinit, retrouvant en cela des

    croyances et des pratiques connues de religions anciennes.

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    La fnance islamiqueLila Guermas-Sayegh mai 2011, 36 pages

    O en est la droite ? LAllemagnePatrick Moreau, avril 2011, 56 pages

    O en est la droite ? La Slovaquietienne Boisserie, avril 2011, 40 pages

    Qui dtient la dette publique ?Guillaume Leroy, avril 2011, 36 pages

    Le principe de prcaution dans le mondeNicolas de Sadeleer, mars 2011, 36 pages

    Comprendre le Tea PartyHenri Hude, mars 2011, 40 pages

    O en est la droite ? Les Pays-BasNiek Pas, mars 2011, 36 pages

    Productivit agricole et qualit des eauxGrard Morice, mars 2011, 44 pages

    LEau : du volume la valeurJean-Louis Chaussade, mars 2011, 32 pages

    Eau : comment traiter les micropolluants ?Philippe Hartemann, mars 2011, 38 pages

    Eau : dfs mondiaux, perspectives ranaisesGrard Payen, mars 2011, 62 pages

    LIrrigation pour une agriculture durableJean-Paul Renoux, mars 2011, 42 pages

    Gestion de leau : vers de nouveaux modlesAntoine Frrot, mars 2011, 32 pages

    O en est la droite ? LAutrichePatrick Moreau, vrier 2011, 42 pages

    Le participation au service de lemploi et du pouvoir dachatJacques Perche et Antoine Pertinax, vrier 2011, 32 pages

    Le tandem ranco-allemand ace la crise de leuroWolgang Glomb, vrier 2011, 38 pages

    2011, la jeunesse du mondeDominique Reyni (dir.), janvier 2011, 88 pages

    Administration 2.0Thierry Weibel, janvier 2011, 48 pages

    nos dernires pUbLications

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    O en est la droite ? La BulgarieAntony Todorov, dcembre 2010, 32 pages

    Le retour du tirage au sort en politiqueGil Delannoi, dcembre 2010, 38 pages

    La comptence morale du peupleRaymond Boudon, novembre 2010, 30 pages

    Pour une nouvelle politique agricole communeBernard Bachelier, novembre 2010, 30 pages

    Scurit alimentaire : un enjeu globalBernard Bachelier, novembre 2010, 30 pages

    Les vertus caches du low cost arienEmmanuel Combe, novembre 2010, 40 pages

    Dense : surmonter limpasse budgtaireGuillaume Lagane, octobre 2010, 34 pages

    O en est la droite ? LEspagneJoan Marcet, octobre 2010, 34 pages

    Les vertus de la concurrenceDavid Sraer, septembre 2010, 44 pages

    Internet, politique et coproduction citoyenneRobin Berjon, septembre 2010, 32 pages

    O en est la droite ? La PologneDominika Tomaszewska-Mortimer, aot 2010, 42 pages

    O en est la droite ? La Sude et le DanemarkJacob Christensen, juillet 2010, 44 pages

    Quel policier dans notre socit ?Mathieu Zagrodzki, juillet 2010, 28 pages

    O en est la droite ? LItalieSoa Ventura, juillet 2010, 36 pages

    Crise bancaire, dette publique : une vue allemandeWolgang Glomb, juillet 2010, 28 pages

    Dette publique, inquitude publiqueJrme Fourquet, juin 2010, 32 pages

    Une rgulation bancaire pour une croissance durableNathalie Janson, juin 2010, 36 pages

    Quatre propositions pour rnover notre modle agricolePascal Perri, mai 2010, 32 pages

    Rgionales 2010 : que sont les lecteurs devenus ?Pascal Perrineau, mai 2010, 56 pages

    LOpinion europenne en 2010Dominique Reyni (dir.), ditions Lignes de repres, mai 2010, 245 pages

    Pays-Bas : la tentation populisteChristophe de Voogd, mai 2010, 43 pages

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    Quatre ides pour renorcer le pouvoir dachatPascal Perri, avril 2010, 30 pages

    O en est la droite ? La Grande-BretagneDavid Hanley, avril 2010, 34 pages

    Renorcer le rle conomique des rgionsNicolas Bouzou, mars 2010, 30 pages

    Rduire la dette grce la ConstitutionJacques Delpla, vrier 2010, 54 pages

    Stratgie pour une rduction de la dette publique ranaiseNicolas Bouzou, vrier 2010, 30 pages

    O va lglise catholique ? dune querelle du libralisme lautreEmile Perreau-Saussine, Octobre 2009, 26 pages

    lections europennes 2009 : analyse des rsultats en Europe et en FranceCorinne Deloy, Dominique Reyni et Pascal Perrineau, septembre 2009,32 pages

    Retour sur lalliance sovito-nazie, 70 ans aprsStphane Courtois, juillet 2009, 16 pages

    Ltat administrati et le libralisme. Une histoire ranaiseLucien Jaume, juin 2009, 12 pages

    La politique europenne de dveloppement :une rponse la crise de la mondialisation ?

    Jean-Michel Debrat, juin 2009, 12 pages

    La protestation contre la rorme du statut des enseignants-chercheurs :dense du statut, illustration du statu quo.

    Suivi dune discussion entre lauteur et Bruno BensassonDavid Bonneau, mai 2009, 20 pages

    La Lutte contre les discriminations lies lge en matire demploilise Muir (dir.), mai 2009, 64 pages

    Quatre propositions pour que lEurope ne tombe pas dans le protectionnismeNicolas Bouzou, mars 2009, 12 pages

    Aprs le 29 janvier : la onction publique contre la socit civile ?Une question de justice sociale et un problme dmocratiqueDominique Reyni, mars 2009, 22 pages

    LOpinion europenne en 2009Dominique Reyni (dir.), ditions Lignes de repres, mars 2009, 237 pages

    Travailler le dimanche : quen pensent ceux qui travaillent le dimanche ?Sondage, analyse, lments pour le dbat(coll.), janvier 2009, 18 pages

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    Pour renorcer son indpendance et conduire sa mission dutilitpublique, la Fondation pour linnovation politique, institution de la

    socit civile, a besoin du soutien des entreprises et des particuliers. Ilssont invits participer chaque anne la convention gnrale qui dnitses orientations. La Fondapol les convie rgulirement rencontrer sesquipes et ses conseillers, discuter en avant premire de ses travaux, participer ses maniestations.

    Reconnue dutilit publique par dcret en date du 14 avril 2004, la Fondapol

    peut recevoir des dons et des legs des particuliers et des entreprises.

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    Avantage scal : votre entreprise bncie dune rduction dimpt de60 % imputer directement sur lIS (ou le cas chant sur lIR), dansla limite de 5 du chire daaires HT (report possible durant 5 ans).

    Dans le cas dun don de 20 000 , vous pourrez dduire 12 000 dimpt,votre contribution aura rellement cot 8 000 votre entreprise.

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    Avantages scaux : au titre de lIR, vous bnciez dune rductiondimpt de 66 % de vos versements, dans la limite de 20 % du revenuimposable (report possible durant 5 ans) ; au titre de lISF, vousbnciez dune rduction dimpt, dans la limite de 50 000 , de 75 %de vos dons verss.

    Dans le cas dun don de 1 000 , vous pourrez dduire 660 de votreIR ou 750 de votre ISF. Pour un don de 5 000 , vous pourrez dduire3 300 de votre IR ou 3 750 de votre ISF.

    c : a lm +33 (0)1 47 53 67 09 .fm@l.

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    Un think tank libral, progressiste et europen

    L Fondation pour linnovati