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EHESS La République ne reconnaît... aucun culte Author(s): Rita Hermon-Belot and Sébastien Fath Source: Archives de sciences sociales des religions, 50e Année, No. 129, La République ne reconnaît aucun culte (Jan. - Mar., 2005), pp. 7-13 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30128886 . Accessed: 14/06/2014 17:50 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.77.62 on Sat, 14 Jun 2014 17:50:51 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

La République ne reconnaît aucun culte || La République ne reconnaît... aucun culte

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La République ne reconnaît... aucun culteAuthor(s): Rita Hermon-Belot and Sébastien FathSource: Archives de sciences sociales des religions, 50e Année, No. 129, La République nereconnaît aucun culte (Jan. - Mar., 2005), pp. 7-13Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30128886 .

Accessed: 14/06/2014 17:50

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Rita Hermon-Belot Sebastien Fath

< La R~publique ne reconnait.., aucun culte ,,

Un siacle apris la Separation des fglises et de l'tat de 1905, le caractbre irreversible en parait acquis. 1905 demeure cependant en France une r~f~rence fondatrice, constamment invoqu&e dts que le d6bat social fait ressurgir la ques- tion des rapports entre ltat et religion. Comme tous les tournants, la Separation avait en son temps suscite des polemiques enflamm6es, des interpr6tations diver- gentes. Mime centenaire, elle continue & soulever des passions. Le d6bat se d6ploie habituellement sur deux registres: tant6t on revisite l'ev~nement lui- mime, pour mieux comprendre comment et pourquoi la Separation s'est effec- tube dans les conditions qu'on lui connait. Dans cette perspective, essentiellement historique, c'est dans le r~examen minutieux du processus de 1905 qu'on trou- vera les clefs d'une plus juste appriciation des enjeux du temps 2. Tant6t on bitit une , image mentale , de la S6paration proche d'un type ideal w~b~rien, dont on se sert ensuite comme outil d'analyse dans les controverses contemporaines. Aussi f&ondes soient-elles au plan heuristique, ces deux approches n'6puisent pas les pistes de r~flexion possibles. L'ambition de ce num~ro est d'explorer quelques autres voies. Dans ce but, on s'est tenu a 6gale distance de la focalisation privilegi6e sur 1905 que de l'analyse purement contemporaine des enjeux laiques, en cherchant g privilkgier une perspective dynamique centr&e sur la probl6ma- tique de la , reconnaissance >.

L'id6e qui a pr6sid6 & la conception et B la r~alisation de ce dossier consiste a revisiter la question de la reconnaissance en l'articulant a celle de la , connais- sance , des religions. L'angle peut paraitre provocateur: la loi n'a-t-elle pas rigl6 la question en affirmant que la < R~publique ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte , ? Le principe de , non-reconnaissance , peut &tre

1. Loi du 9 d&cembre 1905 concernant la separation des Eglises et de l'ltat. Article 2: , La Ripublique ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En consequence, t partir du e1" janvier qui suivra la promulgation de la prisente loi, seront supprimies des budgets de l'ttat, des d~partements et des communes, toutes d~penses relatives g l'exercice des cultes.

Pourront toutefois &tre inscrites auxdits budgets les depenses relatives a des services d'aum6- nerie et destinies A assurer le libre exercice des cultes dans les &tablissements publics tels que lycies, colliges, &oles, hospices, asiles et prisons.

Les &tablissements publics du culte sont supprimbs, sous reserve des dispositions inonc&es a l'article 3. >>

2. Etude consid rablement renouvele, dans une perspective pluraliste exemplaire, par le colloque < Vers la libert6 religieuse : la s6paration des lglises et de l'Etat ,, organist par l'Institut Jean-Baptiste Say de l'Universit6 Paris XII-Val-de-Marne, les 4 et 5 f6vrier 2005, et dont les actes sont A paraitre A l'automne 2005.

ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS 129 (janvier-mars 2005), p. 7-13

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8 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

consid~r6 comme l'axe central, la poutre maitresse de l'6difice que constitue la laicit6 frangaise. Mais, entre la logique intentionnelle des acteurs du jeu lai'que et la logique objective des rapports sociaux, bien des &carts se sont creus6s. L'Ptat ne peut ignorer les religions. Il ne le veut d'ailleurs pas. L'article 1er de la loi de Separation affirme d'abord que , la R~publique assure la libert6 de conscience , et qu'< elle garantit le libre exercice des cultes ,. La laicit~ a certes fait son entr6e dans le texte constitutionnel sous les espices de cette s&che formule de l'article I du Titre premier de la constitution de 1946: , La France est une Republique indivisible, lai'que, democratique et sociale ,. Mais elle 6tait dis 1958 prolongie par un deuxiame article pr&cisant que la R6publique , assure l'6galit6 devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ,, et qu', elle respecte toutes les croyances. 3

Le respect de tels principes exige bien un regard de l'tat sur les religions impliquant pour le moins une forme de connaissance. Mais dans quelle mesure, au terme d'un si&cle au cours duquel la soci6te frangaise a connu des mutations si profondes dans son rapport au politique et au lien social, la < reconnaissance ,

interdite par l'article 2 de la loi de 1905 ne ressurgirait-elle pas par la bande ?

Cong~dide comme obsolte, la , reconnaissance , des cultes - ou des religions - referait son apparition4, en un mouvement que nombre de facteurs pourraient aujourd'hui expliquer. Les articles qui suivent en 6voquent plusieurs : extinction du combat des deux France >, d~regulation du religieux, multiplication des acteurs en concurrence, affirmation de l'islam comme seconde religion frangaise, renforcement des d6finitions identitaires depuis la Seconde Guerre mondiale, recul de l'itat-instituteur. Les mutations des rapports entre ]tat et religion depuis 1905 ne sont certes pas avares en indicateurs. Tous convergent pour appeler, a minima, A revisiter la question de la reconnaissance , en un moment oii la notion mime voit par ailleurs une extension sans pr&~cdent de son champ semantique.

Ce mouvement vient s'articuler A une seconde tendance de fond : la difficult6 croissante A , connaitre > les religions en France. Jusqu'en 1905, le < jeu concor- dataire , mettait tris officiellement en oeuvre une , connaissance , rapproch&e

3. Entre temps d'ailleurs, la France avait adh&r6 en 1948 A la D&claration internationale des droits de l'homme, article XVIII: < Toute personne adroit a la liberte de pensie de conscience et de religion; ce droit implique la libert~ de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privY, par l'enseignement, les pratiques, le culte ou l'accomplisse- ment des rites >. Puis A la Convention europtenne des droits de l'homme, art. IX: < Toute personne adroit A la liberti de pens&e, de conscience et de religion; ce droit implique la libert6 de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberti de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privY, par le culte, I'enseignement et I'accomplissement des rites. >

4. Sans oublier qu'elle est toujours rest&e d'actualite dans les d~partements d'Alsace et de Moselle, oii le < systime concordataire > est encore valide. La Guyane, soumise A un regime sp&cial, n'a pas non plus connu de separation.

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, LA REPUBLIQUE NE RECONNAiT... AUCUN CULTE > - 9

des cultes. Les archives du ministare des cultes livrent des informations de

premiere main, a la fois abondantes et tr~s fines, et qui s'interessent de tout aussi pres aux cultes 6tiquetes , non reconnus >. La logique de la Separation a compliqu6 cette collecte d'informations alors que deux facteurs se conjuguaient pour eroder consid~rablement la possibilit6 mime d'une telle connaissance. La s6cularisation de plus en plus profonde de la societ6 frangaise tout au long du xxe siecle a contribue a lgitimer dans le champ politique l'id6e d'une obsoles- cence ineluctable des religions en tant qu'acteurs majeurs de la soci&t~. Et le mouvement combine d'une d6r6gulation et d'une recomposition du religieux, caracteris6 par une multiplication de micro-acteurs, a brouillh les reperes, jadis si bien balis6s, des grands cultes en dialogue avec l'Etat, catholicisme, protestan- tisme ou judai'sme.

Rep~rer cette difficult6 & , connaitre , aujourd'hui les multiples acteurs reli- gieux qui composent la mosaique frangaise de 2005 n'est guere anodin. Car elle influe directement sur l'enjeu ouvert par les nouvelles demandes de reconnais- sance. Comment &valuer ces demandes si l'Etat ne connait pas, ou ne connait plus, les interlocuteurs religieux qui s'affirment ? Une part du malaise qui affecte aujourd'hui le debat portant sur d'eventuelles mises a jour des rigles du jeu laique nait d'une inconfortable dichotomie: d'un c6tC, de nouvelles demandes de reconnaissance aux contours tris vari6s, exprimbes par une multiplicite crois- sante d'acteurs religieux. De l'autre, un d6ficit croissant de , connaissance , des religions (ou groupes pr6tendant a une definition religieuse) de la part des pou- voirs publics, g~n~rant confusions, d&cisions au jug6 ou postures d6fensives.

D'un article A l'autre de ce volume, le lecteur verra revenir a plusieurs reprises certains points particuliers, il en retirera peut-6tre l'impression de quelques che- vauchements. Ceux-ci nous ont paru tout aussi in&vitables que n&cessaires, tant il fallait donner ici leur part a des logiques et des preoccupations d'ordre divers venant s'entrecroiser au coeur des mimes rdalitds sociales. Le dossier propose dans ce numero anniversaire n'entend pas davantage livrer une grille unique d'interpr6tation des evolutions de la laicit6, ni des enjeux souleves aujourd'hui par l'articulation entre connaissance et reconnaissance des religions. Au fil des articles propos6s, on discernera non seulement des probl6matiques et des hypo- theses diff6rentes, mais des lectures, des appr6ciations, et mime des sensibilit&s, largement contrast6es. Tel est le but recherch6: apporter par le travail des sciences sociales un bilan de l'evolution des relations entre l'Etat et le religieux, mais 6galement des outils de r~flexion, sans imposer une lecture fermbe. Chemin faisant, les &tudes rassembl~es ici apportent aussi une contribution a l'6tude glo- bale de la fortune du concept de reconnaissance. On d&couvre combien la , non reconnaissance > de 1905 est une declaration d'intention datbe, a quel point elle vise un horizon a la fois tris familier aux esprits du temps et tris sp6cifique. Ce qui doit aussi &clairer la r~alit& de ce que nous percevons, ou croyons percevoir, lorsque nous en d~nonqons rituellement la persistance aujourd'hui en depit d'un bon siacle d'exercice de la loi.

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Pour alimenter cette reflexion, on a recherch6 des approches varibes et repr6- sentatives des principaux terrains d'enquite, sans pr6tendre pour autant A une quelconque exhaustivit6. En se croisant ici, le droit, la sociologie, I'histoire et la politologie participent du mime souci de large intelligence du fait lai'que, dont aucune discipline ne saurait A elle seule, se pr6tendre l'interprite.

Le dossier est subdivisi en trois grands volets. La premiere partie, , La dyna- mique structurelle de la separation ,, revisite la separation frangaise A la fois dans sa construction historique et ses contenus juridiques. Loin du simple rappel

p~dagogique, cette rubrique d~construit l'image lisse du , moment 1905 , en montrant en amont, au travers de la contribution de Rita Hermon-Belot, que le fameux < systime des cultes reconnus >, instaure A partir du concordat de 1801, s'avyre en realite le fruit d'un cheminement progressif et mime passablement laborieux. La g6ndalogie de la , reconnaissance , s'inscrit dans un rapport de force voilk qui fait invariablement primer en dernier ressort I'interit de l'Ptat. Plus en aval, les contributions d'Alain Boyer et de Patrice Rolland revisitent sous l'angle du droit et de la jurisprudence l'ambivalence du mantra lai'que de la

R~publique ne reconnaissant aucun culte. Alain Boyer identifie les differents registres sous lesquels l'1tat est amene de fait A connaitre les religions, alors que Patrice Rolland ouvre la question, essentielle ici, de la falon dont l'ttat d~termine ce qui est ou n'est pas un culte a ses yeux. Car, entre le principe et la realit6, s'engouffrent A la fois la gamme des lectures r6sultant d'une foisonnante exegise des textes legislatifs et les dilemmes pos6s par les nouvelles configurations d'un paysage religieux en pleine mutation, configurations marquees par le recul des anciens < cultes reconnus > et les demandes de nouvelles offres religieuses (islam, mais aussi bouddhisme, Thmoins de Jehovah et toute la gamme des , Nouveaux Mouvements religieux >).

La seconde partie nous emmane vers des enjeux encore plus contemporains. A l'enseigne de , la presence sociale du fait religieux >, elle envisage la question de la reconnaissance des religions du point de vue de l'ftat. Jean-Paul Willaime trace les cadres du debat en soulignant qu'en d6pit d'une rhetorique de separation et de neutralit6, la < mission des cultes dans l'espace social > n'est pas en pratique ignorde d'un 1tat qui la reconnait de fait de diverses manibres et la subventionne mime parfois. Mais cette reconnaissance pragmatique n'est pas non plus d~pour- vue d'ambigu'it6s, de contradictions, et d'inegalit~s de traitement, d'autant plus qu'elle doit composer avec une tradition laique frangaise peu ? l'aise avec l'id~e d'une reconnaissance sociale des religions par le politique. En nous entrainant sur le terrain de l'interreligieux, Anne-Sophie Lamine nous pr~sente ce qui semble constituer le paradigme mime de la , bonne religion >, mediatiquement reconnue et suscitant non seulement le meilleur accueil, mais mime les sollicitations de

l'Itat et particulibrement celles des collectivites locales. La question de l'islam est plus complexe, comme le souligne Malika Zeghal dans sa contribution consa- crie au Conseil Frangais du Culte Musulman (CFCM). L'image ambivalente de

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l'islam, mais aussi le poids demographique qui le rend incontournable dans le paysage religieux frangais de 2005, produisent un telescopage incertain entre les demandes des acteurs et celles de l'ttat.

En s'int~ressant I des , demandes de reconnaissance renouvelkes >, la troi- sibme et dernibre partie examine enfin le sujet sous l'angle des requ&tes des acteurs religieux eux-mimes. De nombreux terrains auraient pu &tre abord6s ici: on pense en particulier au bouddhisme, qui a connu depuis les annies 1980 une progression d'autant plus spectaculaire qu'elle a 6t6 soulign~e (et salude) par les grands m6dias s. Au mime titre que celui de l'islam trait& en seconde partie, le vaste champ des , Nouveaux Mouvements Religieux > et de ceux qui sont d6signis comme , sectes , est 6galement repr6sentatif de ces demandes in6dites de recon- naissance. Si l'on a choisi de revisiter plutft le champ des anciens , cultes recon- nus >, ce n'est pas par pass6isme ou frilosit6, mais pour montrer au contraire g quel point les anciennes religions dites , concordataires , sont travaill~es de l'intdrieur par des recompositions qui questionnent le modus vivendi lai'que. Philippe Portier nous montre comment l'institution catholique concilie un pro- cessus ininterrompu d'adaptation avec la constance de ses positions de fond, alors que S6bastien Fath et R6gine Azria, 6tudiant respectivement le protestan- tisme et le judai'sme, font ressortir A la fois des convergences et des besoins et aspirations sp&cifiques.

Le dossier ouvre ainsi sur deux constatations imm6diates. La reconnaissance des religions dans la cite n'est plus aujourd'hui un sujet tabou : du point de vue de l'Etat ou des acteurs religieux, et pour ou contre, le d~bat est en tout cas ouvert sur la place publique, mais ceci dans un flou qui doit autant A la distance du temps (2005 n'est pas 1905) qu'd l'ambiguit6 des termes employ&s. Car de quelle reconnaissance est-il question ? Et a qui s'adresse-t-elle ? , Cultes >, , reli- gions > ou < fait religieux > ?

La seconde invite forte qui 6mane de cet ensemble d'6tudes porte sur la consi- d&ration des scenarios de reconnaissance dans leur diversit6 :

- Tant6t voulue par l'Etat ou par les acteurs religieux, la reconnaissance peut revitir des aspects politiques, au point d'apporter mime sa part A une extension des dispositifs au travers desquels prend corps la citoyennete > 6. L'em- preinte jacobine joue ici dans le sens d'une demande d'institutionnalisation cen- tralisbe. Pour les cultes anciennement reconnus, des institutions existent de fait, encore que se pose le probltme de leur representativit6 dans les cas oiu rien dans

5. De mime que nous n'avons pas ouvert ici le dossier, immense et fondamental, de la gestion du religieux dans la sphere coloniale, qui sera abord&e de fagon systrmatique par un prochain numiro thematique des ASSR.

6. Jean-Louis GENARD, , Reconnaissance et citoyennet6. Vers une psychologisation de l'in- tervention &tatique >, in Jean-Marc LAROUCHE, dir., Reconnaissance et citoyennetd. Au carre- four de l'dthique et du politique, Sainte-Foy, Presses de l'Universite du Quebec, 2003, p. 15-16.

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la pratique religieuse n'exige la centralisation, comme s'accordent g le rappeler

R~gine Azria pour le judaisme et Sebastien Fath pour le protestantisme. La ques- tion est encore plus problematique pour les cultes qui n'ont pas eu ce pass6 de cultes reconnus, notamment pour l'islam 6tudi6 ici par Malika Zeghal.

- Mais cette dimension politique et institutionnelle est loin d'6puiser le champ: la reconnaissance m6diatique constitue un autre enjeu, des plus pr&- gnants dans la mesure oi~ les m6dias agissent directement sur I'opinion publique, avec toutes les cons6quences locales engendries par la construction d'une image de l'adepte d'une religion, quelle que soit celle-ci. Le vocabulaire m6diatique A la fois traduit, fige et fagonne les rapports de force, et renforce l'inertie des

representations. Quand on parle regulikrement de << l'glise > (comme si l'Eglise catholique etait la seule en France), une reconnaissance implicite est g l'oeuvre. A l'inverse, on peut se demander si la d6signation de , communaut6 > ne sert pas surtout A pointer la situation de fait minoritaire, mime dans le cas de minorit6s d6mographiquement tris consequentes. Viendrait-il A l'esprit de quiconque de parler de < communaute catholique > en France ?

- La reconnaissance se decline aussi dans le registre des revendications identi- taires, de plus en plus haut portees depuis les annies 1960. Tandis que le para- digme lai'que supposait initialement que l'on se dtpouille de ses particularites pour investir l'espace public, serait-ce aujourd'hui d'abord au titre d'une identit6 religieuse qu'on veut exister dans la Cite ? Aliment6e par les demandes de recon- naissance, la pente de la << R~publique des identites > d6crite par M. Gauchet7, aboutirait A la remise en question particulibrement radicale d'une tradition alors d6signee comme < jacobine >, en mime temps qu'elle participe au processus de mondialisation, avec ses deux volets conjoints, euph6misation des ensembles nationaux traditionnels et revalorisation des communautbs locales, assurant I'as- somption de ce que l'on a nomm6 le < glocal >.

- La reconnaissance enfin ne doit pas d~rober g nos yeux ce qui est simple demande de connaissance. Les acteurs religieux n'entendent pas toujours n6go- cier des droits ou un statut, mais parfois seulement 8tre mieux connus. Ce qui nous ramine A la question des moyens de connaissance des religions, au sens premier, d'abord cognitif, du terme. Cette seule demande de connaissance n'ext&- nue cependant pas l'enjeu de la reconnaissance. C'est en effet parce que la non- reconnaissance prime en principe que toute mention de la religion des citoyens et des personnes qui vivent sur le sol frangais est interdite dans les grandes etudes statistiques, A commencer par le recensement. Mais, inversement, une reconnais- sance plus souple ne peut-elle pas permettre une meilleure connaissance des reli- gions, notamment des nouveaux acteurs, a commencer par l'islam ?

7. Marcel GAUCHET, La religion dans la dimocratie. Parcours de la laicitM, Paris, Gallimard, 1998 (cf. Arch. 116, p. 41-52).

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On n'a pas voulu apporter de conclusion a ce dossier, pour laisser ouvertes les questions posbes. En revanche, les analyses regroup6es ici se sont attach6es B identifier dans leur diversite les registres au sein desquels les relations entre l'Itat et les religions mettent en jeu la catigorie de la reconnaissance. Si elles permettent, ce faisant, d'expliquer pourquoi la proclamation laique suivant laquelle l'1tat , ne reconnait aucun culte , peut encore soulever aujourd'hui les passions, ce num~ro sp6cial aura atteint son but. Reste encore l'enjeu, et il est essentiel, que constitue l'inscription internationale de ces d6bats. Une ind6niable singularit6 frangaise demeure certes dans la manibre dont la laicit6 fonde le lien social, mais de nombreuses voix s'accordent aujourd'hui i souligner que les Frangais ne sont plus les seuls d6tenteurs de l'id6e lai'que. Le d6bat national sur la reconnaissance s'inscrit dis lors non seulement dans un contexte europeen, mais mime dans un champ d~ploy6 g une tout autre 6chelle: c'est dire que l'ensemble d'6tudes et analyses pr6sent6 ici ne saurait constituer une fin en soi, mais seulement un tremplin.

Rita HERMON-BELOT Centre d'ftudes Interdisciplinaires des Faits Religieux

S~bastien FATH Groupe de Sociologie des Religions et de la La'cite

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