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Université Robert Schuman Strasbourg III Année universitaire : 1999 - 2000 LA RéSILIATION DU BAIL COMMERCIAL EN CAS DE REDRESSEMENT JUDICIAIRE du Locataire Mémoire soutenu par Mlle Angélique HEMMER en vue de l’obtention du D.E.A. droit des affaires sous la direction de M. J.L. Vallens

LA RéSILIATION DU BAIL COMMERCIAL EN CAS … · plein droit, la résiliation du bail des immeubles affectés à l’ industrie, au commerce ou ... bail des immeubles affectés à

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Université Robert Schuman

Strasbourg III

Année universitaire : 1999 - 2000

LA RéSILIATION DU BAIL

COMMERCIAL EN CAS DE

REDRESSEMENT JUDICIAIRE du

Locataire

Mémoire soutenu par Mlle Angélique HEMMER en vue de

l’obtention du D.E.A. droit des affaires

sous la direction de M. J.L. Vallens

-1-

PLAN

PARTIE I : La résiliation du bail commercial par l’administrateur p. 17

CHAPITRE I : Le droit de résiliation de l’administrateur après une mise en demeure du

bailleur p. 22

CHAPITRE II : Les autres hypothèses de droit à résiliation de l’administrateur

p. 35

PARTIE II : La résiliation du bail commercial par le bailleur p. 48 CHAPITRE I : L’interdiction de principe : la résiliation pour des causes antérieures au

jugement d’ouverture

p. 52

CHAPITRE II : La résiliation pour des causes postérieures au jugement d’ouverture

p. 66

PARTIE III : Les conséquences liées à la résiliation du bail commercial p. 85

CHAPITRE I : Les privilèges accordés au bailleur par le droit des procédures

collectives :

-2-

une sécurité de paiement partielle p.

88

CHAPITRE II : Une meilleure garantie de paiement pour le bailleur : le recours à des

mécanismes de droit commun p. 99

Abréviations

AJPI

Ann. loyers

art.

Bull. civ.

C. civ.

C. com.

CA

Cass. civ.,

Cass. com.,

CGI

D.

D. 2000, chr.,

D. 2000, I.R.,

D. 2000, jur.,

D. 2000, som.,

D. aff.

Defrénois

Actualité juridique de la propriété

immobilière

Annales des loyers

Article

Bulletin des arrêts des chambres civiles de la

Cour de cassation

Code civil

Code de commerce

Arrêt de la Cour d’appel

Arrêt de la Cour de cassation ( 1°, 2°, 3°

chambre civile)

Arrêt de la Cour de cassation (chambre

commerciale et financière)

Code général des impôts

Décret

Recueil Dalloz, année, partie chronique

Recueil Dalloz, année, partie informations

rapides

Recueil Dalloz, année, partie jurisprudence

Recueil Dalloz, année, partie sommaire

Dalloz affaires

Répertoire du notariat Defrénois

-3-

Dr. et patrimoine

Dr. sociétés

Gaz. Pal. 2000, I, pan.,

Gaz. Pal. 2000, II, doct.,

Gaz. Pal. 2000, I, jur.,

Gaz. Pal. 2000, II, som.,

JCP éd. E 2000, II, n° 1518

JCP éd. E 2000, I, pan., p. 228

JCP éd. G 2000, I, n°

JCP éd. N 2000, prat., p. 108, n°

JCP éd. N 2000, II, p. 188

JO

L.

Loyers et copr.

NCPC

Petites affiches

Quot. jur.

RD imm.

Rev. Administrer

Rev. huissiers

Rev. loyers

Rev. proc. coll.

RJDA 2000, chronique, p. 18

Droit et patrimoine

Droit des sociétés

Gazette du Palais, année, semestre, partie

panorama

Gazette du palais, année, semestre, partie

doctrine

Gazette du Palais, année, semestre, partie

jurisprudence

Gazette du Palais, année, semestre, partie

sommaire

Semaine juridique, édition entreprise, année,

partie

Semaine juridique, édition entreprise, année,

semestre, partie panorama, page

Semaine juridique, édition générale, année,

semestre, page

Semaine juridique, édition notariale et

immobilière, année, partie pratique, page,

numéro

Semaine juridique, édition notariale et

immobilière, année, semestre, page

Journal officiel

Loi

Loyers et copropriété

Nouveau Code de procédure civile

Les Petites affiches

Le Quotidien Juridique

Revue de droit immobilier

Revue Administrer

Revue des huissiers

Revue des loyers

Revue des procédures collectives

Revue de jurisprudence de droit des affaires,

année, partie chronique, page

-4-

RJDA 2000, n° 318, n° 458

RTD com.

RTD civ.

T. com

Revue de jurisprudence de droit des affaires,

numéro périodique, numéro

Revue trimestrielle de droit commerciale

Revue trimestrielle de droit civil

Jugement du tribunal de commerce

INTRODUCTION

-5-

Le contrat de bail n’est pas un contrat comme les autres dans le cadre du droit des

procédures collectives. De sa pérennité vont dépendre les perspectives de redressement de

l’entreprise en difficulté. Aussi, au nom de la survie de l’exploitation, l’article 36 du décret du

30 septembre 1953 relatif aux baux commerciaux , dispose :

« la faillite et la liquidation judiciaire [redressement judiciaire] n’entraînent pas de

plein droit, la résiliation du bail des immeubles affectés à l’ industrie, au commerce ou

à l’artisanat du débiteur ... » .

Notons immédiatement que la résiliation anéantit uniquement le contrat à exécution

successive pour l’avenir, on ne saurait réclamer au preneur qu’il restitue la jouissance des

lieux loués ! Ce principe de non-résiliation a été repris et généralisé à l’ensemble des contrats

en cours par l’article 37 alinéa 5 de la loi du 25 janvier 1985.

La loi de 1985 est empreinte du souci de limiter autant que possible la résiliation des

contrats en cours . La raison en est simple : la volonté du bailleur de résilier le bail

commercial est antinomique avec la finalité première de la loi du 25 janvier 1985 à savoir la

sauvegarde de l’entreprise en difficulté. Effectivement, en cette période de crise qu’est le

redressement judiciaire, le contrat de bail - comme la plupart des contrats en cours - est « le

sang »1 de l’entreprise en difficulté, l’ultime richesse de l’exploitation en déclin. Le bailleur

animé par une volonté - légitime - de mettre fin au contrat de bail qui le lie avec le débiteur

failli apparaît comme un obstacle au redressement de l’entreprise voire comme le « paria »

de la procédure. Aussi, au nom de la survie de l’exploitation, le législateur a paralysé sa

faculté de résiliation du contrat de bail pour des causes antérieures au jugement d’ouverture et

l’a encadrée (strictement) pour l’avenir. La situation du bailleur est, ainsi, inconfortable en

période de redressement judiciaire mais il serait excessif de crier à l’injustice. En effet, la

1 Gastaud, synthèse in colloque C.R.A.J.E.F.E. 1996, Petites affiches 8 juil. 1996, p. 29

-6-

faculté de résilier du bailleur est une entrave au redressement de l’entreprise qu’il faut

neutraliser aux fins de sauver l’exploitation. Toutefois, en période de liquidation judiciaire, les

données du problème ne sont plus les mêmes, la sauvegarde d’entreprise n’est plus la priorité,

les créanciers reviennent au devant de la scène. Dès lors, la restriction à la faculté de résilier

du bailleur, qui pouvait se légitimer en cas de redressement, n’a plus lieu d’être. Aussi, le

bailleur recouvre-t-il une certaine liberté quant à la résiliation du contrat de bail pendant la

liquidation. Cependant, cette époque de la procédure collective ne sera pas envisagée dans

notre étude, qui se limite strictement à la phase de redressement judiciaire.

S’intéresser au sort du bail commercial en cas de redressement judiciaire du locataire

équivaut à s’intéresser à l’interférence entre le droit des procédures collectives et le droit

commun du bail. La loi du 25 janvier 1985 est à la confluence d’une multitude de droits : le

droit du travail, le droit des obligations, le droit des régimes matrimoniaux… Et c’est là, sans

doute, sa plus grande originalité. À chaque fois que le droit des procédures collectives

« télescope » les autres branches du droit, le constat est inéluctable : le régime traditionnel est

mis à mal. Le droit des baux commerciaux ne déroge pas à la règle : au contraire, la situation

est d’autant plus complexe, qu’elle nécessite la conciliation de trois régimes juridiques : le

droit commun du louage prévu par le Code civil2, le statut protecteur des baux commerciaux

résultant du décret du 30 septembre 1953 et enfin, l’article 38 de la loi de 1985 concernant le

régime spécifique du « bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise » .

L’application du décret du 30 septembre 1953 aux locataires soumis à une procédure

collective ne doit pas faire oublier que le statut des baux commerciaux a un champ

d’application propre, plus large que celui de la loi du 25 janvier 1985. En effet l’article 2

alinéa 1er de la loi du 25 janvier 1985 dispose que :

« Le redressement et la liquidation judiciaires sont applicables à tout commerçant, à

tout artisan, à tout agriculteur et à toute personne morale de droit privé » .

L’article premier du décret, quant à lui, subordonne, principalement, l’application du

statut à l’exploitation d’un fonds de commerce. En outre, ce fonds doit appartenir à un

commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou à un

chef d’entreprise immatriculé au répertoire des métiers. Cependant, pour diverses raisons, le

2 art. 1752 et s

-7-

législateur a entendu étendre le champ d’application du statut à certaines catégories de

locataire non commerçants ou à certains types d’activités non commerciales3. Ainsi, par

exemple, certains professionnels indépendants peuvent bénéficier de la protection du statut

des baux commerciaux.

Dans son ensemble, le décret du 30 septembre 1953 n’est déjà pas très favorable au

bailleur d’un immeuble abritant un fonds de commerce et restreint son droit à résiliation par

rapport au droit commun du louage. Le bailleur peut, certes, invoquer le manquement du

preneur à ses obligations : non-paiement des loyers, dégradation des lieux… aux fins de

rompre le bail sur le fondement de l’article 1184 du Code civil. Cependant, son droit de

résilier est limité par le droit au renouvellement du preneur. En effet, cette prérogative légale

du bailleur est la pierre angulaire du décret sur les baux commerciaux en ce sens qu’elle

confère au preneur, aux termes du contrat de bail, le droit de continuer à jouir des locaux

loués en obtenant la conclusion d’un nouveau contrat ; à défaut de renouvellement effectif, il

pourra recevoir une indemnité égale au préjudice que lui occasionne la disparition du contrat

de bail. Dès lors, la faculté de résilier du bailleur est strictement encadrée voire partiellement

paralysée. D’autant plus que le statut protecteur des baux commerciaux réglemente le jeu de

la clause résolutoire afin d’en neutraliser l’automaticité4, en précisant, dans son article 25

que :

«toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein-droit à défaut de

paiement du loyer aux échéances convenues ne produit effet qu’un mois après un

commandement de payer resté infructueux » .

En conséquence, la résiliation du bail commercial est limitée par rapport à celle du

louage civil. Cette restriction à la faculté de résiliation du bailleur est davantage accentuée

encore si une procédure collective est ouverte à l’égard du locataire. La raison en est simple :

le droit au bail est, dans bon nombre d’entreprises, l’un des éléments prépondérants du fonds

de commerce, qu’il est nécessaire de sauvegarder afin de préserver l’unité économique de

l’exploitation. À cette fin, le législateur de 1985 a restreint la faculté de résiliation du bailleur

en excluant, d’une part, toute possibilité de résilier le bail commercial du seul fait de

3 art. 2 D. 30 sept. 1953 4 Saint-Alary-Houin, La résiliation du bail commercial, Petites affiches 8 juil. 1996, p. 22

-8-

l’ouverture de la procédure collective5 et en limitant, d’autre part, les actions en résiliation

fondées sur le non-paiement d’une somme d’argent6. Ainsi, en cas d’ouverture d’une

procédure de redressement judiciaire à l’égard du preneur, la faculté pour le bailleur de

résilier le bail commercial est limitée par les deux réglementations spécifiques que sont : le

décret du 30 septembre 1953 sur les baux commerciaux et la législation sur les procédures

collectives.

Par contrat de bail, il faut entendre : « un contrat par lequel une personne (le bailleur)

remet un bien à la disposition d’une autre personne (le locataire ou preneur) et lui confère la

jouissance contre le paiement d’un certain prix (le loyer) et pendant un certain temps »7.

Cependant, la loi de 1985 ne régit pas l’ensemble des contrats de bail mais uniquement « le

bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise »8 ou bail commercial c’est-à-dire « le

bail à loyer des locaux auxquels les parties donnent une destination commerciale, industrielle

ou artisanale et qui est soumis à un statut dérogatoire au droit commun dit de la propriété

commerciale (décret du 30 septembre 1953) »9 . Dès lors, le bail d’habitation - qui a une

destination purement personnelle puisqu’il sert à l’habitation du débiteur et de ses proches -

doit être exclu du champ d’application de la loi sur les procédures collective ; pourtant, ce ne

fut pas toujours le cas car sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967, l’article 52 visé le bail des

immeubles « affectés à l’activité professionnelle du débiteur y compris les locaux qui

dépendent de ces immeubles servant à l’habitation du débiteur ou de sa famille » .

Par ailleurs, excepté le bail d’habitation, le bail commercial doit être distingué du

crédit-bail immobilier. Cependant, eu égard à la définition donnée par l’article 1er alinéa 2 de

la loi du 2 juillet 1966, l’assimilation est tentante ; cette disposition énonce que constituent

des opérations de crédit-bail immobilier celle par lesquelles :

« une entreprise donne en location des biens immobiliers à usage professionnel

achetés par elle ou construits pour son compte, lorsque ces opérations, quelle que soit

leur qualification, permettent aux locataires de devenir propriétaires de tout ou partie

des biens loués, au plus tard à l’expiration du bail, soit par cession en exécution d’une

promesse unilatérale de vente soit par acquisition directe ou indirecte des droits de

propriété du terrain sur lequel ont été édifiés le ou les immeubles loués soit par le 5 art. 37 al. 6 L. 25 janv. 1985 6 art. 38 et 47 L. 25 janv. 1985 7 Garbit, Baux commerciaux in Lamy droit commercial 2000, n° 778 8 art 38 al. 1er L. 25 janv. 1985 9 Cornu, Vocabulaire juridique, V° bail commercial, P.U.F, 8° éd., 2000 ,

-9-

transfert de plein-droit de la propriété des constructions édifiées sur un terrain appartenant

audit locataire » .

Conformément à cette définition, l’un des éléments constitutifs du crédit-bail

immobilier est le bail d’immeuble mais est-ce suffisant pour considérer l’application du décret

de 1953 et de la loi de 1985. La doctrine était divisée. Pour certains10, l’existence parmi les

opérations juridiques d’un contrat de louage, qui en constitue l’essentiel devait entraîner

l’application du décret ; pour d’autres11, en revanche, le crédit-bail immobilier est au premier

chef une technique de financement. La Cour de cassation a mis fin à toute controverse en

retenant que le crédit-bail immobilier est une opération qui a pour objet l’acquisition d’un

immeuble par celui qui effectue des versements échelonnés sur la durée du contrat12 et que à

ce titre, il devait être exclu du statut protecteur des baux commerciaux ainsi que de l’article 38

de la loi de 198513.

Enfin, le contrat de bail et le contrat de location gérance ne doivent pas être

confondus. Ce dernier est un contrat par lequel le propriétaire d’un fonds de commerce

concède l’exploitation de celui-ci à une autre personne moyennant un certain prix. Dès lors,

elle constitue un bail dont l’objet est un fonds de commerce et porte, donc, sur un bien

mobilier incorporel et non sur un immeuble14. Toutefois, le droit au bail des locaux

d’exploitation peut être l’un des éléments du fonds de commerce. Dans ce cas, le locataire-

gérant reçoit la jouissance de locaux et une partie de sa redevance correspond à cette dernière.

La frontière entre ces deux conventions est difficile à établir ; d’autant plus que, souvent, les

parties recourent à la location gérance afin d’éluder le statut protecteur des baux

commerciaux. Le critère essentiel du contrat de location gérance est l’existence d’un fonds de

commerce et notamment d’une clientèle. La jurisprudence de la Cour de cassation est

constante, sur ce point, à défaut de transmission de clientèle, le contrat est un contrat de bail et

non une location gérance15. En conséquence, la location gérance est exclue du décret du 30

septembre 1953 et de la loi de 1985 mais les juges du fond doivent rester vigilants compte

tenu du fait que les contrats de location gérance dissimulent, souvent, des contrats de bail. La

10 Viatte, Le crédit-bail immobilier et le décret du 30 septembre 1953, Rev. loyers 1974, p. 483 ; Solal, L’application du statut des baux commerciaux aux contrats de crédit-bail immobilier, AJPI 1978, p. 493 11 Calon, Crédit-bail immobilier et statut des baux commerciaux, JCP éd. G 1977, I, n° 2842 12 cass. 3° civ., 10 juin 1980, Bull. civ III, n° 113, p. 84 13 cass. com., 11 mars 1997, Dr; sociétés 1997, n° 82, obs. Chaput 14 Garbit, Droit commercial, op.cit, n° 782 15 cass. 3° civ., 17 juin 1975, Bull. civ III, n° 204, p. 157 ; cass. 3° civ., 18 mai 1978, Bull. civ III, n° 205, p. 159

-10-

qualification des conventions est essentiel car elle détermine le régime juridique applicable

au contrat. Une telle qualification ne saurait résulter de la simple appellation conférée par les

parties à la convention mais de la réunion de ses éléments constitutifs. À défaut, les juges du

fond pourront requalifier ladite convention.

Si le contrat est - à juste titre - qualifié de bail commercial, la faculté de résiliation du

bailleur sera limitée en cas de redressement judiciaire de son locataire. Pourtant, au fil des

législations, cette restriction s’est estompée et les droits du bailleur, dans le conflit d’intérêts

qui l’opposait au locataire, furent peu à peu restaurés.

Sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967, les droits du bailleur étaient malmenés. En

effet, le débiteur assisté du syndic ou le syndic seul avait la faculté de résilier

discrétionnairement le contrat de bail avec pour seule obligation préalable la notification de sa

demande au bailleur16. En contrepartie, le bailleur pouvait - contrairement à la législation

actuelle - introduire une demande en résiliation du contrat de bail pour des causes antérieures

au jugement d’ouverture de la procédure dans un délai de trois mois ; étaient visées à la fois

les actions en résiliation judiciaire et celles visant à faire constater le jeu de la clause

résolutoire pour inexécution d’une obligation du bail antérieurement à l’ouverture de la

procédure. Malgré cette faculté offerte au bailleur par le législateur de 1967, sa situation

restait des plus inconfortables.

Son sort n’est guère plus enviable sous l’empire de la loi de 1985. En effet, les droits

du bailleur sont doublement limités : il est non seulement soumis aux restrictions

traditionnelles comme tout créancier à savoir : la suspension des poursuites individuelles,

l’obligation de déclarer ses créances, la continuation des contrats en cours… mais également

au régime d’exception de l’article 38 au terme duquel il était prévu :

« le bailleur ne peut introduire ou poursuivre une action en résiliation du bail des

immeubles affectés à l’activité de l’entreprise pour défaut de paiement des loyers que

s’il s’agit des loyers échus depuis plus de trois mois après le jugement d’ouverture du

redressement judiciaire ».

16 art. 52 al. 2 et 3 L. 13 juil. 1967

-11-

Le fondement d’une telle disposition est clair. Au lendemain de l’ouverture du

redressement judiciaire, les capacités financières du débiteur sont des plus limitées. Or,

permettre au bailleur d’introduire une action en résiliation au moindre incident de paiement

postérieur à l’ouverture de la procédure conduirait à ruiner toute perspective de redressement

de l’exploitation ; d’où ce moratoire de trois mois qui à l’époque correspondait à la durée

(initiale) de la période d’observation. En conséquence, le droit à résiliation du bailleur est

neutralisé au nom de la sauvegarde de l’entreprise en difficulté, objet premier de la loi du 25

janvier 1985. En effet, restreindre la faculté de résilier du bailleur, c’est assurer la permanence

du contrat de bail et donc les chances de pérenniser l’entreprise

La loi de 1994, traditionnellement qualifiée de loi de restauration des droits des

créanciers, a amélioré le sort du bailleur sans que l’on puisse toutefois dire que sa situation

soit favorable. Cette amélioration vient surtout des modifications apportées à l’article 38 :

désormais, le critère conditionnant l’introduction de l’action en résiliation n’est plus la date

d’exigibilité des loyers mais l’occupation des lieux et le délai de répit de trois mois instauré

par la loi de 1985 est réduit, à présent, à deux mois. On ne peut que saluer le réalisme du

législateur : certes, il faut maximiser les chances de sauvegarder l’entreprise en difficulté mais

pas en sacrifiant, excessivement, les créanciers. La survie de l’exploitation ne doit pas, d’une

part, compromettre la situation du bailleur en obérant - trop lourdement - sa situation

financière et d’autre part, grever inutilement le passif privilégié de la période d’observation

alors que l’entreprise en difficulté était vouée à la liquidation dès les premières minutes de la

procédure collective. Par ailleurs, le nouvel article 37 - tel qu’il est issu de la réforme de 1994

- applicable à l’ensemble des contrats en cours17 a également contribué à l’amélioration du

sort du bail. Dorénavant, si l’administrateur renonce expressément à la continuation du bail en

cours ou laisse sans réponse la mise en demeure adressée par le bailleur, le contrat sera résilié

de plein droit alors que sous l’empire de la loi de 1985, le silence de l’administrateur

emportait seulement présomption irréfragable de renonciation au contrat, qui était insuffisante

pour emporter la résiliation de plein-droit18. Le nouvel article 37 a, ainsi, le mérite de clarifier

la situation antérieure. Cependant, l’innovation ne s’arrête pas là. Désormais, l’administrateur

est autorisé à poursuivre l’exécution des contrats en cours à condition de payer au comptant la

prestation promise sous peine de résiliation de la convention. Le texte va plus loin encore

puisqu’il prévoit que le mandataire qui poursuit un contrat en cours doit s’assurer qu’il

17 pour l’application de l’article 37 au contrat de bail : cf : II° partie, chapitre I, I. 18 cass. com., 11 déc. 1990, RTD com. 1991, p. 103, note Chaput

-12-

dispose des fonds nécessaires aux fins d’honorer les échéances. D’autre part,

l’administrateur se doit d’être plus prudent et diligent quant à la continuation des contrats à

exécution ou payement échelonnés dans le temps dans la mesure où il doit y mettre fin s’il lui

apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme

suivant. La rédaction du nouvel article 37 appelle immédiatement une constatation : le contrat

de bail est désormais précaire. Effectivement, l’administrateur après avoir opté pour la

poursuite du bail peut parfaitement, quelques jours plus tard - voire quelques heures plus tard

- y mettre un terme notamment en raison de difficultés de trésorerie. Dès lors, les choix de

l’administrateur seront dictés, principalement, par les capacités financières de l’entreprise en

difficulté et non plus par l’utilité du contrat pour la sauvegarde de ladite entreprise. Ainsi, la

valeur contractuelle du contrat reprend le pas sur sa valeur économique.

En effet, dans le cadre du droit des procédures collectives, tout contrat en cours et

notamment le contrat de bail revêt un caractère dual c’est-à-dire qu’il ne doit pas seulement

être considéré comme un lien juridique unissant deux personnes mais également comme une

valeur économique. Or, en général, l’utilité du contrat eu égard au redressement de

l’entreprise va, primer les conditions de l’engagement inhérentes à sa formation19. Ainsi, la

théorie générale des obligations20 permet si l’une des parties ne respecte pas ses obligations

contractuelles tantôt de résilier21 le contrat tantôt de se prévaloir de l’exception d’inexécution.

Pourtant, dans le cadre d’une procédure collective, ces deux sanctions contractuelles sont

paralysées. La première par l’article 47 qui dispose :

« le jugement d’ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous

les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant

[…]à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent »

et la seconde par l’article 37 alinéa 4 énonçant :

« le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le

débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture » .

19 Gastaud, synthèse in colloque C.R.A.J.E.F.E. 1996, op. cit. 20 notamment : art. 1184 C. civ. 21 s’il s’agit d’un contrat à exécution successive, cas qui nous intéresse plus particulièrement

-13-

De même, l’article 38 alinéa second prévoit que le défaut d’exploitation du fonds de

commerce durant la période observation n’entraîne pas la résiliation du contrat de bail alors

même que l’exploitation est une condition essentielle de la conclusion dudit contrat. La loi de

1985 met en valeur ce caractère ambivalent du contrat de bail : valeur contractuelle – valeur

économique. Cependant, en mettant à la charge l’administrateur à la fois l’obligation de payer

au comptant et l’obligation de prévisibilité raisonnable quant aux capacités de trésorerie

futures de l’entreprise, le législateur de 1994 a témoigné du fait que l’on ne pouvait jamais

totalement s’affranchir du rapport d’obligations.

Ainsi, du cumul des articles 37 et 38 de la loi de 1985, une constatation s’impose : la

liberté de résilier du bailleur est neutralisée pour des causes antérieures à l’ouverture du

redressement judiciaire mais réglementée pour l’avenir. C’est que sur ce point, sans doute,

que la disparité de régime entre le redressement à la liquidation judiciaires est la plus notable.

En effet, l’article 153-3 dans sa rédaction de 1994 dispose dans son quatrième alinéa que :

« le bailleur qui entend demander ou faire constater la résiliation pour des causes

antérieures au jugement de liquidation judiciaire doit, s’il ne l’a déjà fait, introduire

sa demande dans les trois mois du jugement » .

Le bailleur retrouve, ainsi, un droit que la loi de 1985 lui avait enlevé à savoir introduire ou

poursuivre une action en résiliation du bail commercial pour des causes antérieures à

l’ouverture de la liquidation judiciaire. Par causes antérieures, il faut évidemment entendre

l’inexécution par le preneur d’une obligation en nature : défaut d’entretien des lieux loués,

changement de destination… mais, doit-on considérer que le texte vise également le non-

paiement des loyers antérieurs ? L’article 47 sur la suspension des poursuites individuelles et

l’article 33 alinéa premier qui interdit de payer toute créance née antérieurement au jugement

d’ouverture semble se heurter à l’application de l’article 153 - 3 alinéa 4. Pourtant, cet article

doit s’appliquer au défaut de paiement des loyers car :

��en premier lieu, l’article 153-3 constitue une disposition spéciale régissant le « bail

des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise » et conformément à l’adage

specialia generalibus derogant, il doit primer les règles générales qui gouvernent la

liquidation judiciaire.

-14-

��en second lieu, l’article 153 -3 ne distingue pas entre les manquements du locataire

consistant en l’exécution d’une obligation en nature et les manquements d’ordre

pécuniaire ; dès lors, il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas22.

En conséquence, le bailleur pourra engager une action soit en résiliation judiciaire23

soit en constatation du jeu de la clause résolutoire24 pour défaut de payement des loyers

afférent à une période de jouissance antérieure à l’ouverture de la procédure collective. Il reste

à se demander dans quel délai le bailleur doit introduire son action. Le problème repose dans

la formule sibylline de l’article 153 - 3 alinéa 4 in fine qui dispose que :

« Les dispositions de l’article 38 sont applicables » .

Considérer que la première et la seconde phrase de l’article 153 - 3 alinéa 4 forment un tout

conduit à admettre que l’action en résiliation du bail commercial ne pourra être intentée

qu’après un délai d’attente de deux mois après le jugement d’ouverture. Mais, une telle

solution n’est pas satisfaisante pour autant qu’elle aboutit à appliquer une disposition relative

à la résiliation du contrat de bail pour des causes postérieures au jugement d’ouverture (article

38) à l’article 153-3 alinéa 4 qui a trait à la résiliation pour des causes antérieures. Dès lors, il

est préférable de considérer que la dernière phrase de l’article 153-3 est autonome par rapport

au reste de l’article. Le bailleur ne pourra, ainsi, introduire une action en résiliation pour

défaut de paiement des loyers correspondant à une période de jouissance postérieure à

l’ouverture de la procédure qu’après un moratoire de deux mois alors que l’action fondée sur

des causes antérieures devra être introduite dans les trois mois du jugement25.

En conséquence, l’article 153 - 3 en fragilisant la pérennité du contrat de bail renforce

les droits du bailleur. Il deviendra, alors, un interlocuteur à part entière de l’administrateur et

pourra ainsi le contraindre à payer les échéances de retard s’il souhaite poursuivre le contrat

de bail ou encore mettre en cause son droit d’option. Ce renforcement de la position du

bailleur est légitime dans la phase de liquidation dans la mesure où la continuation du contrat

de bail n’est plus la priorité absolue ; en revanche, accorder un tel droit au bailleur pendant la

22 Pédamon, Les incidences de la loi du 10 juin 1994 sur le bail à usage commercial, Gaz. Pal. 1995, I, doct., p. 10 23 sur le fondement de l’art. 1184 C. civ. 24 sous réserve du respect de l’ art. 25 D. 30 sept. 1953 25 Gaudin, Le sort du bail commercial en cas de redressement ou liquidation judiciaires du preneur, D. aff. 1996, n° 34, p. 1083

-15-

période de redressement de l’entreprise en difficulté constituerait une entrave à la sauvegarde

de l’entreprise. Ainsi, au nom de la poursuite de l’activité, le droit de résiliation du bailleur

doit nécessairement être limité - voire neutralisé quelquefois - pendant le redressement

judiciaire.

Suite au redressement judiciaire de son preneur, deux préoccupations animent le

bailleur à savoir conserver une certaine liberté de résilier le bail d’une part, et récupérer les

biens loués ainsi que préserver de bonnes chances de pouvoir recouvrer ses créances, d’autre

part. Or, de telles préoccupations ne seront pas pleinement satisfaites dans le cadre du

redressement judiciaire du locataire car s’il est vrai que la réforme de 1994 a amélioré le sort

du bailleur, il n’en reste pas moins qu’il serait excessif d’affirmer que sa position est devenue

confortable.

La loi du 1994 en réformant l’article 37 de la loi de 1985 relatif à l’option de

l’administrateur sur la continuation ou la résiliation des contrats en cours a fragilisé la

pérennité desdits contrats et par là même amélioré la situation des créanciers. En effet,

dorénavant, après une décision de principe de continuation du contrat de bail, l’administrateur

pourra être amené à réexaminer l’opportunité de son choix eu égard aux moyens financiers

dont dispose l’entreprise en difficulté pour financer « le terme suivant » . Les nouvelles

diligences mises à la charge du mandataire sont autant de limites à la poursuite du bail

commercial. Dès lors, le bailleur pourra obtenir plus aisément la libération des locaux loués.

Cependant, son sort sera largement tributaire du comportement de l’administrateur : soit qu’il

demeure silencieux consécutivement à la mise en demeure du bailleur, soit qu’il renonce

expressément à la poursuite du contrat de bail, soit qu’après avoir opté initialement pour la

continuation, il n’honore plus les échéances contractuelles ou s’estime dans l’incapacité

d’honorer les loyers à venir ( première partie ).

Quant au régime spécial du bail d’immeuble26, il limite la liberté de résilier du bailleur

aux fins d’assurer la permanence du contrat de bail et de favoriser le redressement de

l’exploitation. Ainsi, le constat quant à la faculté de résilier du bailleur ne peut être que

pessimiste. Cependant, sa situation n’est pas identique s’il se prévaut du non-paiement des

créances antérieures au jugement d’ouverture ou de celles qui sont postérieures audit

jugement. Dans le premier cas, sa liberté de résilier le contrat de bail est notablement

26 art. 38 L. 25 janv. 1985

-16-

restreinte voire neutralisée alors que dans le second, le bailleur retrouve son droit à

résiliation mais avec des restrictions par rapport au droit commun ( deuxième partie ).

Enfin, les paiements consécutifs à cette résiliation seront également restreints afin de

ne pas de grever trop lourdement le passif du débiteur. La loi de 1985 octroie, principalement,

deux garanties de paiement au bailleur d’immeuble aux fins de recouvrir les sommes qui lui

sont dues, il s’agit du privilège du bailleur et du privilège de l’article 40. Or, compte tenu de

l’efficacité relative de ces garanties le bailleur aura tout intérêt - lorsqu’il le peut - à recourir

à des techniques du droit des obligations telles la compensation ou le cautionnement afin

d’accroître ses chances d’obtenir le règlement de ses créances ( troisième partie ).

-17-

PARTIE I :

LA RESILIATION DU BAIL

COMMERCIAL PAR L’ADMINISTRATEUR

La nécessité de maintenir la plupart des contrats en cours lors de l’ouverture d’une

procédure collective apparaît comme une évidence. Il serait, en effet, illusoire d’envisager un

quelconque redressement de l’entreprise en difficulté si brusquement ses principaux

cocontractants lui faisaient défaut. À ce titre, la poursuite de certains contrats semble

-18-

indispensable voire vitale à la survie de l’entreprise. Il en va ainsi notamment de bon nombre

de contrats de fournitures et surtout du bail des locaux professionnels. Aussi, le législateur de

1985 a conféré à l’administrateur le droit de décider de la continuation ou de la non

continuation des contrats en cours sans que les cocontractants ne puissent refuser en opposant

le non-paiement des créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective.

La loi du 25 janvier 1985 a, cependant, passé sous silence trois points qui méritent

attention. D’une part, contrairement à ce qui est prévu en matière de liquidation judiciaire27,

aucune disposition de la loi de 1985 n’envisage la possibilité pour l’administrateur de résilier

le bail commercial dès l’ouverture de la procédure collective. Ce silence des textes peut, sans

doute, s’expliquer par le fait que le contrat de bail est tellement important pour la survie de

l’entreprise qu’il est difficilement concevable d’envisager toute perspective de redressement

sans le maintien dudit contrat. Ainsi, eu égard à la finalité assignée au redressement judiciaire,

l’administrateur ne saurait se prononcer en faveur de la résiliation dès le jugement d’ouverture

de la procédure collective. Toutefois, dans l’hypothèse - marginale - où l’administrateur serait

contraint de résilier le bail dès l’ouverture de la procédure, on voit mal quelle disposition

légale pourrait l’en empêcher. Certes, la loi de 1985 n’autorise pas expressément une telle

résiliation mais, force est de constater qu’elle ne l’interdit pas non plus. Une telle résiliation

serait en parfaite adéquation avec la finalité assignée à la loi sur les procédures collectives. En

effet, si la poursuite du bail en cours apparaissait nuisible financièrement au redressement de

l’entreprise, l’administrateur serait légitimement en droit d’y mettre fin dès le jugement

d’ouverture. Par ailleurs, dans le cas où le mandataire est mis en demeure d’opter pour la

continuation ou la résiliation du bail commercial par le bailleur, il peut parfaitement opter

initialement pour la poursuite du contrat et quelques jours plus tard voire le lendemain se

rétracter et opter pour la résiliation de ce dernier. Si une telle faculté de résiliation est ouverte

à l’administrateur consécutivement à sa mise en demeure, il serait difficilement concevable

d’envisager qu’il soit privé de la possibilité de mettre un terme au contrat de bail dès

l’ouverture de la procédure. Pourtant, une partie de la doctrine28 s’élève contre cette

interprétation et soutient que le législateur n’ayant pas prévu expressément la faculté pour

l’administrateur de résilier le bail dès le début de la procédure, seul le bailleur peut y mettre

fin après une mise en demeure adressée à celui-ci. Les arguments de ces auteurs ont le mérite

27 art. 153.3 al.4 L. 25 janv. 1985 28 Derrida, Godé et Sortais, Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, 3° éd., n° 404 ; Grundeler, La résiliation du bail commercial en cas de redressement ou liquidation judiciaire des entreprises, Rev. Administer 1998 n°296, p. 13

-19-

de respecter scrupuleusement la lettre de l’article 37 mais semblent faire abstraction de

l’esprit de la loi du 1985. Quoi qu’il en soit ces débats auraient pu être évité si le législateur

avait clairement prévu - comme c’est le cas dans l’article 153.3 de la loi du 25 janvier 1985

pour la liquidation judiciaire - que le bail sera résilié sur la simple demande de

l’administrateur s’il est dans l’incapacité d’assurer le paiement des loyers.

D’autre part, l’article 38 de la loi de 1985 - spécifique au bail commercial - ne donne

aucune précision sur le droit éventuel de l’administrateur d’opter pour la continuation ou la

non-continuation du bail. Pourtant, au-delà des débats doctrinaux relatifs à l’autonomie du

champ d’application de l’article 38 par rapport à l’article 3729, il paraît quasi-inconcevable de

ne pas appliquer cette règle en matière de bail. D’ailleurs, si les querelles doctrinales se sont

multipliées quant à la combinaison de ces deux articles, force est de constater que l’alinéa

premier de l’article 37 n’a jamais réellement prêté à discussion30 et les auteurs semblent être

unanimement convaincus que le sort du bail au même titre que celui des autres contrats est

tributaire du choix de l’administrateur. Ainsi, l’administrateur - ou le débiteur (entrepreneur

ou dirigeant) autorisé par le juge-commissaire dans le cadre d’une procédure simplifiée31 -

peut exiger la continuation ou la résiliation du bail en dépit des stipulations contractuelles

contraires.

Enfin, une autre question se pose : quel est le sort du contrat de bail si le bailleur

n’adresse pas de mise en demeure et si l’administrateur ne prend pas position sur la

convention ? Une fois encore la loi de 1985 est muette sur la question. Dans ce cas, ni le

bailleur ni l’administrateur ne prend expressément position pour la continuation ou la

résiliation du contrat. Il ne saurait être résilié faute d’acte positif de la part de l’un ou l’autre

cocontractant. La convention doit continuer à lier les parties jusqu’à la décision de

l’administrateur car aucune disposition légale n’en permet la résiliation. Le bail sera, par voie

de conséquence, tacitement continué jusqu’à ce que le bailleur adresse - éventuellement - une

mise en demeure à l’administrateur. Mais, une telle hypothèse est rare : le bailleur n’entend

pas, en général, rester trop longtemps dans l’expectative quant au sort du bail commercial et

dès lors, il mettra l’administrateur en demeure d’opter. Pour cette raison, nous nous

attacherons principalement à la résiliation du bail commercial suite à la mise en demeure de

l’administrateur. Soulignons, toutefois, dès à présent que le créancier sera quelquefois hésitant 29 Cf : II° partie, chap.II, I. 30contra : Auque, Le bail commercial n’est pas un contrat comme les autres, Rev. proc. coll. 1997, p. 133 31 art.141 al.2 L. 25 janv. 1985

-20-

à adresser une mise en demeure car les créances nées pendant la période d’observation et

relatives à des contrats en cours au jour du jugement d’ouverture, pour lesquels

l’administrateur n’a pas encore exercé son option bénéficient de l’article 4032. Or, le

créancier pourra légitimement préférer bénéficier du privilège l’article 40 plutôt que de voir

le contrat de bail résilié de plein-droit. Il sera alors du devoir de l’administrateur de prendre

parti pour la rupture afin de ne pas grever trop lourdement le passif de la période

d’observation.

Cette faculté offerte à l’administrateur par l’article 37 alinéa premier n’a pas été

remise en cause - du moins dans son principe - par la réforme de 1994. Cette loi a, toutefois,

précisé les modalités de la prise de décision de l’administrateur et les obligations de ce

dernier. En premier lieu, le défaut de réponse de l’administrateur dans le délai d’un mois qui

lui est imparti suite la mise en demeure du cocontractant n’emporte plus comme

précédemment présomption irréfragable de renonciation au contrat mais résiliation de plein

droit dudit contrat33. En second lieu, l’administrateur doit s’assurer lorsqu’il demande

l’exécution d’un contrat qu’il disposera des fonds nécessaires pour honorer ses engagements

et il est tenu de mettre fin aux contrats à exécution ou paiement échelonnés dans le temps

« s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du

terme suivant ». Les dispositions nouvelles mettent, ainsi, à la charge de l’administrateur une

obligation impérative de prudence qui conduira à la mise en jeu de sa responsabilité

personnelle toutes les fois où il poursuivra l’occupation des locaux sans disposer des fonds

nécessaires ou sans solliciter de délais. Cette obligation nouvelle à laquelle l’administrateur

est astreint génère une multiplication des actions en responsabilité à son encontre. Aussi, par

crainte de voir leur responsabilité engagée, les administrateurs vont - souvent - être enclins à

se prononcer en faveur de la résiliation du bail et occulter la nécessité de poursuivre ce contrat

eu égard au redressement de l’entreprise en difficulté. Les administrateurs ne vont -ils pas

alors perdre de vue l’objectif premier de la loi de 1985 : la sauvegarde de l’entreprise ?

Dès lors, l’option de l’administrateur apparaît au cœur d’un dispositif complexe, qui

s’articule dans une perspective d’ensemble. Le contrat de bail pourra être résilié peu après

l’ouverture de la procédure collective consécutivement à une mise en demeure du bailleur

( chapitre I ) ou il pourra être résilié après une décision de continuation de principe si les

32 cass. com. 16 oct 1990, JCP éd. E 1992, II, n° 300 note Le Corre 33 art. 37 al. 3 L. 25 janv. 1985

-21-

moyens financiers disponibles pour honorer le terme suivant viennent remettre en cause

l’opportunité de la décision initiale ( chapitre II ).

CHAPITRE I :

Le droit à résiliation de l’administrateur

après une mise en demeure du bailleur

-22-

La plupart des contrats en cours au jour de l’ouverture de la procédure collective sont

nécessaires voire indispensables à la poursuite de l’activité de l’entreprise. Quant au maintien

du contrat de bail, il apparaît comme une pièce maîtresse du redressement de l’entreprise. Dès

lors, il est difficilement concevable d’envisager la résiliation dudit contrat à l’initiative de

l’administrateur consécutivement à la mise en demeure du bailleur. Cette option en faveur de

la résiliation semble, somme toute, théorique. Quoiqu’il en soit avant même d’examiner le

choix opéré par l’administrateur après sa mise en demeure ( II ), il convient d’examiner les

conditions préalables à l’exercice du droit d’option ( I ).

I. Les conditions préalables à l’exercice du droit d’option

Le bail commercial se poursuit de plein droit jusqu’à la décision de l’administrateur -

ou du débiteur sous l’autorisation du juge-commissaire en régime simplifié qui peut imposer

la continuation du contrat - d’ y renoncer expressément ou encore de laisser sans réponse la

mise en demeure adressée par le bailleur. Mais, avant même de permettre à l’administrateur

d’exercer son droit d’option, il conviendra d’examiner ce que le législateur entend par le

terme de contrats en cours et plus précisément de bail en cours ( §1 ), de voir que

l’administrateur ou le débiteur doit disposer des éléments nécessaires afin de prendre parti

( §2 ) et enfin, dans la mesure où l’on se place dans l’hypothèse où l’administrateur doit opter

suite à une mise en demeure du bailleur il faudra s’attacher à la forme et au délai de la mise en

demeure ( §3 ).

§ 1 : La notion de « bail en cours » au jour de l’ouverture de la procédure collective La notion de contrat en cours est une notion-clé en matière de procédure collective34 et

notamment dans le cadre de l’article 37 alinéa 1er de la loi de 1985 puisqu’elle permet de

déterminer le domaine d’application de cette disposition. Il est indéniable que cette option

offerte à l’administrateur est une dérogation légale au droit commun des contrats. D’une part,

34 Derrida, La notion de contrat en cours à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, RJDA 1993, chronique, p. 399

-23-

l’administrateur peut mettre unilatéralement et discrétionnairement un terme à un contrat

régulièrement conclu. D’autre part, le cocontractant ne saurait invoquer le non-paiement des

créances antérieures au jugement d’ouverture pour refuser l’exécution d’un contrat : la voie de

l’exception d’inexécution lui étant fermée, il ne lui restera plus qu’à déclarer sa créance

antérieure et à honorer ses engagements. Eu égard au caractère dérogatoire de l’article 37

alinéa 1er par rapport au droit civil des obligations, il serait légitime de penser que la

jurisprudence ait retenu une conception restrictive de cette disposition. Or, il n’en est rien, les

contrats ont une valeur économique telle, qu’ils apparaissent comme la clé de voûte du

redressement de l’entreprise. En particulier, le bail des locaux où s’exerce l’activité

professionnelle du débiteur est capital pour la poursuite de l’exploitation. Aussi, les tribunaux

ont tenté d’en assurer le maintien aussi souvent que possible et ils ont à cette fin adopter la

conception la plus large possible de la notion de « bail en cours » , et ce alors même que

l’article 38 ne donne pas expressément à l’administrateur le pouvoir d’opter pour la

continuation ou la non-continuation du bail.

La date d’effet de la clause résolutoire35 pour défaut de paiement des loyers est sans

nul doute la meilleure preuve de l’acceptation large de la notion de contrat en cours en

matière de bail réglementé retenue par les juges. L’hypothèse envisagée est simple : le

bailleur a fait délivrer un commandement de payer à son locataire et le délai offert à ce dernier

est expiré sans que qu’il ne se soit acquitté de sa dette. En principe, à l’expiration de ce délai,

la clause résolutoire est acquise et le bail résilié36. Dès lors, il est légitime de penser que

l’ouverture d’une procédure collective n’aura aucune incidence sur ladite résiliation et ce,

même si le bailleur n’aurait pas fait constater celle-ci afin d’obtenir l’expulsion du preneur.

Or, il n’en est rien puisque la chambre commerciale de la Cour de cassation37 a décidé qu’une

décision du tribunal relative à la constatation de la résiliation du bail n’était pas passée en

force de chose jugée « de sorte que l’action tendant à la constatation de la résiliation du bail

ne pouvait plus être poursuivie ». Cette jurisprudence de la Haute juridiction est constante

depuis lors38. En conséquence, si la clause résolutoire du bail a donné lieu à une décision

passée en force de chose jugée avant l’ouverture de la procédure collective, la résiliation est

acquise mais tant qu’une telle décision n’a pas été rendue, la clause n’a pas joué ses effets et

le bail est toujours en cours. Néanmoins, il faut préciser que si le locataire après avoir reçu un 35cf : article 25 du décret du 30 septembre 1953 36 cass. 3° civ., 13 fevr. 1985, Bull. Civ III, n°33, p. 24 37 cass. com., 12 juin 1990, D. 1990, jur., p. 450 note Derrida 38 cass. com., 12 fevr. 1991, Loyers et cop. 1991, n° 262; cass. com., 14 mai 1991, D.1991, I.R., p.165 ; cass. com., 16 mars 1993, D. 1993, I.R., p.96

-24-

commandement relatif à la clause résolutoire, a sollicité et obtenu des délais de paiement en

justice mais ne les a pas respectés antérieurement à l’ouverture de la procédure collective, la

résiliation sera acquise et il n’y aura plus de contrat en cours que le bailleur sera tenu

d’exécuter. Dès lors, pour déterminer si le bail est « en cours », il est indispensable de

rechercher si, à la date du jugement d’ouverture, une décision ayant force de chose jugée39 a

été ou non rendue à l’égard du débiteur.

L’exigence d’une décision passée en force de chose jugée avant le jour du jugement de

redressement judiciaire peut, à première vue, être perçue comme une volonté des tribunaux de

retenir la conception la plus large possible de la notion de « bail en cours » afin de favoriser

le redressement judiciaire de l’entreprise en difficulté, mais finalement, ces derniers ne se

contentent ils pas purement et simplement d’appliquer les règles du droit commun des

contrats pour définir si au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective le bail est

un contrat en cours.

Outre, la notion de bail en cours qui conditionne le droit d’option de l’administrateur,

ce dernier doit également avoir la vision la plus exacte possible de la situation du débiteur

préalablement à sa décision de continuer ou résilier le bail.

§2 : Une connaissance précise de la situation du débiteur

Il relève de l’évidence de préciser que l’administrateur est tenu de s’enquérir

précisément et exactement de la situation du débiteur avant même de prendre parti pour la

continuation ou la non-continuation du contrat de bail. Cette exigence se justifie non

seulement eu égard aux incidences que le maintien ou la résiliation du contrat aura sur la

survie de l’entreprise mais également compte tenu du caractère dérogatoire au droit commun

des obligations que revêt ce droit d’option reconnu à l’administrateur. Pourtant, cette tâche est

moins aisée qu’elle n’y paraît. En effet, à ce stade de la procédure, les informations sont

parcellaires et imprécises, ce qui justifie, sans doute, le fait qu’en général l’administrateur ne

prendra pas expressément position avant d’être mis en demeure d’opter par le bailleur.

39 art. 500 NCPC : « à force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution. Le jugement susceptible d’un tel recours acquiert la même force à l’expiration du délai de recours si ce dernier n’a pas été exercé dans le délai ». Le pourvoi en cassation n’est pas suspensif.

-25-

L’administrateur doit concilier d’une part, l’utilité du contrat pour le redressement de

l’entreprise et d’autre part, les capacités de trésorerie de cette dernière. Pour mener à bien une

telle conciliation, l’administrateur doit disposer d’un inventaire complet des actifs de

l’entreprise et éventuellement de la liste des contrats en cours pour déterminer lesquels il

serait opportun de poursuivre. Quant au bail, l’administrateur choisira dans la majorité des

cas, de le poursuivre à condition bien évidemment de disposer des moyens de financement

pour honorer les échéances. Ainsi, comme le souligne un auteur40, si l’administrateur

« dispose d’un pouvoir qualifié de discrétionnaire il ne doit l’exercer qu’à bon escient » .

Enfin, comme nous envisageons l’hypothèse où l’administrateur exercera son droit

d’option consécutivement à une mise en demeure du bailleur, il convient d’analyser la forme

et les délais de cette dernière.

§ 3 : La forme et les délais de la mise en demeure

Suite à sa déclaration de créances, le bailleur doit se préoccuper de savoir si le bail

sera ou non poursuivi. Or, en général, l’administrateur ou le débiteur est encore dans

l’incapacité de se prononcer en faveur d’un plan de continuation, un plan de cession ou une

liquidation judiciaire. Il ne prendra pas parti immédiatement pour la poursuite ou la résiliation

du bail. Le bailleur pourra alors le contraindre d’opter en lui adressant une mise en demeure :

la loi est restée obscure voire silencieuse sur la forme ( A ) et les délais de cette dernière ( B ).

A. La forme

La loi de 1985 pas plus que la loi de 1994 ne précise la forme ou le contenu de la mise

en demeure notifiée par le bailleur à l’administrateur. Le nouvel article 37 reste muet sur la

question. Pourtant, cette forme revêt une certaine importance notamment au niveau probatoire

puisqu’elle fait courir le délai d’un mois imparti à l’administrateur pour opter. Aussi, cette

mise en demeure sera - dans la majeure partie des cas - notifiée soit par lettre recommandée

avec accusé de réception soit par exploit d’huissier. La jurisprudence41 a précisé qu’elle doit

être dépourvue de toute ambiguïté. En effet, si le législateur n’a imposé aucune formule

sacramentelle, il n’en reste pas moins que la mise en demeure doit contenir une interrogation

40 Haehl, L’option de l’administrateur, Petites affiches 8 juil. 1996, p. 4 41 CA Paris, 26 févr. 1993, Loyers et copr. 1993, n° 268, note Brault

-26-

claire de l’administrateur sur sa volonté de poursuivre ou non le bail, d’une part, et sur

l’identification du bail dont il est question42, d’autre part. Les juridictions du fond sont

compétentes pour apprécier la validité de ladite mise en demeure. Il faut préciser que dans le

cadre de la procédure simplifiée c’est-à-dire sans administrateur, la sommation de poursuivre

ou non le bail sera adressée au chef d’entreprise ou au dirigeant de la société.

B. Les délais

L’article 37 dispose :

« ... le contrat est résilié de plein droit après une mise en demeure adressée à

l’administrateur restée plus d’un mois sans réponse … ».

Le délai est, donc, légalement prévu : il est d’un mois. Par contre, le texte ne mentionne pas

explicitement le point de départ de ce délai : commence-t-il à courir à compter de la

notification elle-même ou de sa réception par l’administrateur (procédure générale) ou le

débiteur (procédure simplifiée) ? La formulation de l’article 37 laisse à penser que le délai

court à compter de la réception de la mise en demeure par son destinataire. Ce délai peut être

réduit ou prorogé par le juge commissaire saisi par l’administrateur sans pouvoir excéder deux

mois. L’administrateur peut, donc, obtenir jusqu’à trois mois de réflexion pour prendre parti,

ce qui lui permettra de disposer d’éléments chiffrées précis nécessaires pour envisager les

perspectives d’avenir de l’entreprise. Le juge-commissaire est tenu de statuer dans le mois

consécutif à la notification du bailleur et la décision de prorogation relève de sa seule

appréciation43. Ce délai ainsi que sa prorogation éventuelle par le juge-commissaire n’ont pas

été modifiés par la loi du 10 juin 1994.

Une fois ces conditions préalables remplies, le choix offert à l’administrateur est

simple : ou bien il exigera la continuation du bail ou bien il se prononcera en faveur de la

résiliation.

II. Les termes de l’option de l’administrateur

42cass.com., 2 févr. 1993, JCP éd. G 1994, II, n° 22212, note Lévy 43 cass. com., 8 déc. 1987, D. 1988, jur., p.52 obs. Derrida

-27-

La prise de position de l’administrateur peut résulter d’une décision unilatérale

formelle de l’administrateur portée à la connaissance du cocontractant : hypothèse plutôt rare

en pratique dans la mesure où il préférera pour des raisons évidentes laisser se poursuivre les

contrats en cours jusqu’à la mise en demeure du bailleur. Face à ce risque d’inertie de

l’administrateur, le législateur a mis à la disposition du bailleur le moyen de forcer sa

décision. Ainsi, selon l’article 37 :

« le contrat est résolu de plein droit après une mise en demeure adressée à

l’administrateur restée plus d’un mois sans réponse » .

Le silence conservé par l’administrateur plus d’un mois après la notification de ladite mise en

demeure vaudra décision implicite de résiliation. À ce propos, il faut souligner que le

législateur a expressément prévu que le bail est résilié de plein droit si aucune réponse n’a été

faite par l’administrateur plus d’un mois après la mise en demeure formulée par le bailleur

( §1 ) mais, paradoxalement, la loi reste muette quant à l’éventualité d’une décision expresse

de mettre un terme au bail : comment alors interpréter ce silence des textes ( §2 )?

§1 : Le silence de l’administrateur suite à la mise en demeure du bailleur

Dès 1985, le législateur a prévu que le silence de l’administrateur fait présumer sa

renonciation à la poursuite du contrat de bail et plus généralement à tous les contrats.

Toutefois, en 1994, le défaut de réponse de l’administrateur dans le délai d’un mois n’emporte

plus comme auparavant présomption irréfragable de renonciation au contrat ( A ) mais

résiliation de plein-droit dudit contrat ( B ).

A. Le régime antérieur : un alourdissement des modalités d’exercice du droit d’option

Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, l’administrateur était présumé avoir

renoncé à la continuation du bail faute d’avoir pris position dans le délai d’un mois qui lui

était imparti. La doctrine s’était interrogée alors sur la nature de cette présomption dont le

-28-

caractère irréfragable a fini par être retenu par la Cour de cassation44. La chambre

commerciale, dans son arrêt du 11 décembre 1990, ne s’est pas contentée de préciser la nature

de la présomption, elle a précisé que son caractère irréfragable ne suffisait pas à emporter la

résiliation de plein-droit du contrat. Dès lors, le bailleur se voyait contraint de saisir le juge

aux fins de faire constater la résiliation du contrat de bail.

Une telle démarche présentée l’insigne inconvénient de rendre plus contraignantes les

modalités d’exercice du droit d’option, le bailleur se voyait adjoindre deux obligations

successives : d’une part, mettre en demeure l’administrateur d’opter et d’autre part, saisir la

juridiction compétente à défaut de réponse de sa part. Philippe.H.Brault45, notamment, a

souligné les difficultés liées à une telle jurisprudence en particulier au regard des loyers

exigibles pendant la période postérieure à l’expiration du délai d’un mois jusqu’à la restitution

effective des locaux. En effet, la Cour de cassation a jugé que si le mandataire optait

expressément pour la renonciation à la continuation du bail conformément à l’article 37, il

commettait dans l’hypothèse où il ne restituait pas les locaux une faute quasi-délictuelle

susceptible d’entraîner le paiement d’une indemnité d’occupation recouvrée selon l’article

4046. Une telle indemnité présupposerait évidemment que la faute commise par

l’administrateur présente un lien de causalité avec le préjudice subi par le bailleur. Or, dans le

cas de renonciation implicite à la continuation du bail (silence de l’administrateur pendant

plus d’un mois), la présomption de renonciation - même irréfragable - n’emporte pas la

résiliation de plein-droit dudit contrat mais autorise uniquement le bailleur à s’en prévaloir

pour faire constater la résiliation. Dès lors, on pourrait en déduire que l’administrateur qui ne

restitue pas les locaux à l’expiration du délai d’un mois ne commet aucune faute dans la

mesure où il n’y est pas tenu faute de notification de la résiliation. Ainsi, à la date d’expiration

du délai d’un mois, l’administrateur est non seulement dégagé de son obligation de payer les

loyers mais, en plus, il n’aura pas à s’acquitter d’une quelconque indemnité d’occupation

faute de notification. Or, comment concevoir que malgré la rétention des locaux ni un loyer ni

une indemnité d’occupation ne soit dû .

Face à de telles incertitudes, la Cour de cassation est venue clarifier la situation en

précisant que « faute pour l’administrateur du redressement judiciaire de la société (…)

d’avoir pris parti dans le délai légal, tel que prolongé par le juge-commissaire, il était 44 cass. com ., 11 déc. 1990, Loyers et copr. 1991, n° 75, obs. Brault 45 cass.com., 4 févr. 1992, D.1992, somm., p. 2 ; AJPI 1992, p. 446, note Gallet 46 cass.com., 31 mars 1992, D. 1992, I.R., p. 180

-29-

présumé avoir renoncé à la continuation du bail et la société était sans droit ni titre de se

maintenir dans les lieux»47 . Cette intervention de la Haute juridiction n’était qu’un premier

pas puisque le législateur de 1994, soucieux de la protection du bailleur, a clarifié davantage

encore la jurisprudence antérieure.

Par ailleurs, dans une décision rendue le 13 octobre 1998 sur le fondement de l’ancien

article 37 de la loi de 1985, La Cour de cassation a décidé que dans l’hypothèse où

l’administrateur renonce à la poursuite du bail commercial , le bailleur - à l’origine de la

demande de résiliation - doit notifier sa demande aux créanciers inscrits sur le fonds48 à peine

d’inopposabilité de la résiliation aux créanciers49. Une telle démarche a pour finalité

d’informer les créanciers inscrits du risque de disparition de l’élément le plus important du

fonds : le droit au bail. Ainsi informés, les créanciers disposent d’un mois pour intervenir

avant même que le jugement soit rendu ; ils pourront éventuellement exécuter le contrat à la

place du débiteur afin d’éviter une résiliation qui conduirait à une dépréciation de la valeur du

fonds. C’est pour cette raison que F. Pérochon et R. Bonhomme50 ont critiqué cet arrêt,

estimant que dans le cadre de la résiliation de l’article 37, une telle hypothèse n’est pas

envisageable puisque « la résiliation du bail a été décidée dans l’intérêt du débiteur en

redressement ». Cette critique sera, sans doute, prise en compte suite à la réforme de 1994 qui

a mis en place le principe de la résiliation de plein-droit en cas de défaut de réponse de

l’administrateur suite à sa mise en demeure.

B. Le régime issu de la loi de 1994 : un souci de clarification de la part du législateur

1. Le sort du contrat de bail : la résiliation de plein-droit

Sous l’empire de la loi de 1985 (non modifiée), une partie de la doctrine avait appelé

de ses vœux une réforme afin que la simple décision de l’administrateur de ne pas poursuivre

47 cass.com., 31 mai 1994, Loyers et copr., 1995, n° 217, note Brault 48 conformément à l’article 14 de la loi du 17 mars 1909 49 cass.com., 13 oct. 1998, D. aff. 1998. p. 1846. obs. A.-L. M. -D 50 Entreprises en difficulté – Instruments de crédit et de paiement, 4° éd., n° 204

-30-

un contrat suffise à entraîner sa rupture. Un auteur51 avait souligné que « la nécessité pour le

cocontractant de faire résoudre en justice son contrat, lorsque l’administrateur renonce à sa

continuation constituait un mode de rupture inutilement lourd » et préconisait, au terme

d’une analyse particulièrement développée que « les contrats en cours se trouvent résiliés de

plein droit lorsque l’administrateur n’use pas de la faculté de les poursuivre » . En 1994, le

législateur, dans l’article 37 alinéa 1 de la loi de 1985 consacre la jurisprudence antérieure52

relative aux conséquences à tirer du silence de l’administrateur consécutivement à une mise

en demeure restée infructueuse et résoud, ainsi, de manière pertinente le sort du contrat de bail

en s’inspirant des propositions de la doctrine. Désormais, le silence conservé par

l’administrateur plus d’un mois après la mise en demeure du bailleur produit des effets plus

énergiques53 qu’en 1985 : il n’emporte plus simplement une présomption irréfragable de

renonciation au contrat mais sa résiliation de plein-droit. En précisant que le contrat est

« résilié de plein droit », le nouvel article 37 alinéa 1 présente l’insigne avantage de mettre un

terme à certaines controverses nées sous l’empire de l’ancienne législation. Dorénavant, la

jurisprudence selon laquelle la résiliation du bail ne pourra prendre effet qu’au jour de sa

constatation par la juridiction compétente devra être abandonnée. Pour autant, il serait

illusoire de considérer que ce nouvel article résoud toutes les difficultés, non seulement ce

n’est pas le cas, mais, en plus, il appelle des remarques propres à sa nouvelle rédaction et

notamment à la compétence du juge-commissaire pour constater cette résiliation de plein-

droit.

2. La constatation de la résiliation de plein droit par le juge-commissaire

Avant la réforme de 1994, le bail n’étant pas résilié de plein droit, le bailleur était tenu

de saisir le juge des référés afin qu’il constate la résiliation. À l’heure actuelle, la résiliation

51 Bussy-Dunaud, Les modalités de la rupture d’un contrat en cours lorsque l’administrateur renonce à sa continuation ( article 37 de la loi du 25 janvier 1985), D. 1992, chr ., p. 23 52 cass. com., 11 déc. 1990, op. cit. 53 Pédamon, Les incidences de la loi du 10 juin 1994 sur le bail à usage commercial, op. cit.

-31-

de plein droit sera constatée par le juge-commissaire conformément à l’article 61.1 du

décret du 27 décembre 1985 complété par le décret du 21 octobre 199454.

Ce nouvel article soulève quelques difficultés :

��d’une part, l’article 37, dans sa version nouvelle, prévoit la résiliation de plein-droit

des contrats en cours afin d’alléger la procédure antérieure. Or, une telle résiliation

est-elle compatible avec la saisine du juge-commissaire pour constater cette dernière ?

L’administrateur peut-il, après une mise en demeure restée plus d’un mois sans

réponse, faire produire à la résiliation tous ses effets (restitution des locaux…) ou doit-

il attendre l’intervention du juge-commissaire ? Au regard de la rédaction de l’article

61.1 du décret du 27 décembre 1985, la saisine du juge-commissaire semble s’

imposer . Ainsi , le texte énonce : « le juge-commissaire constate » et non pas « peut

constater ». Par résiliation de plein-droit, on entend, en principe, une rupture du

contrat sans procédure judiciaire et sans clause conventionnelle et, par voie de

conséquence, indépendamment du principe nul ne peut se faire justice à soi-même. Si

l’on retient une conception stricte de la notion de « plein- droit », on ne saurait

considérer que la résiliation instaurée par l’article 37 joue de plein-droit. Toutefois,

une certaine souplesse s’impose. En effet, le recours au juge-commissaire s’explique

aisément et ne contrevient pas au principe même de la résiliation de plein-droit : il

s’agit pour le juge-commissaire de dater cette résiliation et de lui donner une « valeur

juridictionnelle » afin d’éviter par la suite des difficultés liées aux obligations

pécuniaires de chaque partie et aux conséquences qui sont attachées. Aussi, le juge-

commissaire dispose avant tout d’un pouvoir de constatation plutôt qu’ un pouvoir

d’appréciation : sa compétence est liée . Ceci est encore plus vrai dans l’hypothèse où

l’administrateur manifeste son refus de poursuivre le contrat en cours dans le délai qui

lui est imparti, le juge ne pourra que constater la résiliation dudit contrat à cette date.

��d’autre part, ce texte pose un autre problème lié au retard de l’administrateur dans la

restitution effective des locaux consécutivement à la résiliation de plein-droit. Quelle

juridiction le bailleur devra-t-il saisir pour solliciter l’expulsion du locataire? Sous

l’empire de l’ancien texte, la compétence du juge des référés avait été retenue. 54 « le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein-droit des contrats dans les cas prévus aux premier et troisième alinéa de l’article 37 et à l’article 38 de la loi du 25 janvier 1985, ainsi que la date de cette résiliation »

-32-

Désormais, depuis la loi du 10 juin 1994, il appartient au juge commissaire de

constater la résiliation de plein-droit et de fixer la date de cette dernière avec les

conséquences qui en découlent. Mais, ce texte ne lui attribue nullement compétence

pour ordonner l’expulsion des occupants. Dès lors, le bailleur n’a d’autre alternative

que de saisir le juge des référés.

Sous l’empire de la loi de 1985, le silence de l’administrateur suite à sa mise en

demeure avait donné naissance à de nombreuses controverses que la loi de 1994 a eu le mérite

de réduire à néant en prévoyant la résiliation de plein-droit. Pour autant, cette réforme ne fut

pas le remède miracle à toutes les difficultés. En effet, force est de constater que le nouvel

article 37 de la loi de 1985 et l’article 61.1 du décret d’application ont également été à

l’origine d’un certain nombre d’incertitudes.

§2 : La décision expresse de mettre fin au bail : une lacune rédactionnelle de la loi de 1985

Aussi surprenant que cela puisse paraître, ni les textes antérieurs ni le nouvel article 37

de la loi de 1985 n’ont envisagé les conséquences liées au refus de poursuivre le bail

régulièrement notifié par l’administrateur dans le délai d’un mois. Cette « lacune »55 ou

« coquille rédactionnelle »56 est une évidence, qui peut être palliée par le bon sens. Comment

pourrait-on objectivement envisager que le contrat de bail se poursuive malgré le refus

valablement notifié de l’administrateur alors même qu’il est résilié de plein-droit par le

silence de ce dernier plus d’un mois après sa mise en demeure. Pour certains auteurs57, cette

oubli législatif ne mérite pas de longs débats : ils se contentent d’assimiler le silence de

l’administrateur suite à sa mise en demeure et sa décision expresse de mettre fin au bail.

D’autres, au contraire, passe totalement sous silence cette distinction. Quelle que soit la

position adoptée, elle appelle la même constatation : l’assimilation de ces deux hypothèses

est indiscutable. Pour définitivement s’en convaincre, un auteur58 a eu recours à l’analyse

téléologique et à rechercher la volonté du législateur lorsqu’il a édicté l’article 37. Sa

conclusion est inéluctable : « il ne fait aucun doute que celui-ci (le législateur) a voulu mettre

55 Brault, La résiliation du bail dans le cadre du redressement ou de la liquidation judiciaire ( loi du 25 janvier 1985 modifiée par la loi du 10 juin 1994), Gaz. Pal. 1995, I, doct., p. 243 56 Monéger, Baux commerciaux et réforme du droit des entreprises en difficulté, JCP éd N 1995, prat., p. 663, n° 3339, n° 26 57 Lemistre et Mercier, Le nouveau régime de la continuation des contrats en cours, Petites affiches 14 sept. 1994, p. 55 58 Monéger, op . cit.

-33-

fin à une incertitude sur le sort du contrat dans le cas où l’administrateur reste muet. Le

silence produit des effets résolutoires automatiques, a fortiori doit-il en être de même lorsque

l’administrateur exprime clairement sa volonté d’y mettre fin ». Enfin, on peut faire sienne la

remarque de M. Boccara59 qui indique que la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 31

mai 1994 qu’en raison de « la renonciation (de l’administrateur), la société preneuse était

sans droit ni titre à se maintenir dans les lieux par elle-même ou des occupants de son chef,

ce dont il résultait que la cession litigieuse n’avait pu conférer à ses occupants un droit au

bail que la société avait perdu » . Étant donné que suite à la renonciation de l’administrateur,

la société locatrice était sans droit ni titre, on peut logiquement en déduire que celle-ci a

entraîné la résiliation du bail commercial. Ainsi, la preuve est encore une fois apportée que la

renonciation expresse à la continuation du contrat de bail vaut résiliation de ladite convention.

Encore faut-il s’interroger sur la nature de cette résiliation : est-elle de plein droit

comme dans l’hypothèse visée à l’article 37 ? La doctrine n’est pas unanime. Pour certains

auteurs60, le refus explicite de l’administrateur de poursuivre le contrat n’entraîne pas ipso

facto sa résiliation, il faudrait à cette fin saisir le juge de droit commun et non le juge-

commissaire. D’autres61, au contraire, soutiennent que le contrat est inéluctablement résilié de

plein-droit suite à la décision de l’administrateur d’y mettre fin et la constatation par le juge

commissaire s’impose. Cette position semblait être de loin la plus opportune. En effet, si le

contrat de bail est résilié de plein droit suite aux silence de l’administrateur plus d’un mois

après sa mise en demeure par le bailleur, a fortiori la manifestation expresse de volonté de

mettre un terme au contrat de bail devrait produire les mêmes effets. Il serait difficile - voire

quasi-impossible - d’expliquer que dans cette dernière hypothèse les modalités de résiliation

auxquelles l’administrateur serait astreint soient plus lourdes dans un cas que dans l’autre. De

plus, admettre cette solution conduirait – du moins pour le cas où d’administrateur opte

expressément pour la non-continuation - à revenir au système antérieur à la réforme de 1994.

Quoi qu’il en soit, au-delà des débats doctrinaux, cette lacune rédactionnelle n’a pas

eu une incidence considérable en pratique : le contentieux en la matière est peu développé.

Finalement que l’option soit exprimée de façon implicite ou résulte d’une volonté expresse de

l’administrateur, elle n’en reste pas moins le témoignage du refus de l’administrateur de

poursuivre le bail. 59 Procédures collectives et contrats en cours : La loi de réforme du 10 juin 1994, JCP éd. E 1994, II, n° 385 60 notamment : Haehl, L’option de l’administrateur, op.cit. 61 notamment : Lemistre et Mercier, Le nouveau régime de la continuation des contrats, op. cit. n° 10

-34-

L’option de l’administrateur en faveur de la non-continuation d’un contrat en cours et

notamment la conséquence majeure qui en découle à savoir la résiliation de plein-droit est

sans nul doute une des innovations les plus notables de la réforme de 1994. Elle vient mettre

un terme à toute une série d’incertitudes qui s’était développée autour de l’article 37 de la loi

de 1985. Or, cette résiliation de plein-droit n’a pas eu que des vertus salutaires. Il ne faut pas

oublier que tout contrat, au-delà des liens contractuels qui l’engendre, est une valeur

d’exploitation pour l’entreprise. Mettre un terme à un contrat, c’est diminuer la valeur

économique de l’entreprise. Le contrat de bail en est l’illustration parfaite : opter pour la non-

continuation de ce contrat appauvrirait considérablement la valeur d’exploitation de

l’entreprise et annihilerait toute chance de redressement. En raison de la nécessité d’une telle

convention, l’administrateur essayera aussi souvent que possible de la maintenir. Toutefois,

cette volonté de l’administrateur d’assurer la pérennité du contrat en cours est loin d’être

suffisante, encore faut-il qu’il en ait les moyens.

CHAPITRE II :

-35-

Les autres hypothèses de droit a résiliation

de l’administrateur

L’administrateur peut opter pour la continuation du contrat de bail. Dans ce cas,

l’objectif poursuivi par le législateur transparaît aisément : respecter et ménager les divers

intérêts en présence. Certains contrats doivent nécessairement être poursuivis afin d’assurer le

redressement de l’entreprise mais leur continuation ne doit ni grever davantage le passif du

débiteur ni permettre la survie artificielle de l’activité en plaçant le bailleur dans une situation

délicate et en diminuant le gage des autres créanciers. C’est pour cette raison, que la loi de

1994 a astreint l’administrateur à une obligation de prudence lorsqu’il a opté initialement en

faveur de la poursuite d’un contrat en cours. Aussi, le contrat de bail est plus que jamais

précaire et ce, non seulement parce que l’administrateur qui a décidé de la poursuite du bail

doit y mettre fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour honorer le

terme suivant ( I ) mais également car l’article 37 alinéa 3 de la loi de 1985 prévoit une

résiliation de plein-droit du contrat continué à défaut de paiement au comptant aux dates

convenues ( II ).

I. La résiliation « prévisionnelle »

On sait que toutes les nouvelles dispositions de l’article 37 n’ont pas été accueillies à

bras ouverts par tous les administrateurs. La loi du 10 juin 1994 a mis à la charge de ceux-ci

une véritable obligation de prudence et de diligence, qui réduit notablement leur marge de

manœuvre en les obligeant à anticiper sur les défaillances effectives du débiteur ( §1 ). De

telles contraintes mises à la charge de l’administrateur durant la période d’observation risque

de le rendre plus hésitant à poursuivre certains contrats en cours de peur de voir sa

responsabilité professionnelle engagée s’il ne renonce pas à temps à poursuivre ce contrat

( §2).

§ 1 : Le droit de repentir de l’administrateur

La gestion prévisionnelle de trésorerie de l’administrateur se doit d’être minutieuse

afin de lui permettre de s’assurer au moment où il demande l’exécution d’un contrat que les

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fonds disponibles sont suffisants pour honorer les échéances ( A ). Dans l’hypothèse où la

surface financière du débiteur est insuffisante pour honorer les termes de la convention, le

mandataire se doit « d’y mettre fin » . Les incertitudes qui entourent cette formule appelle des

précisions ( B ).

A. L’obligation de prévisibilité raisonnable

L’article 37 alinéa 2 dispose :

« au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure, au

moment où il demande l’exécution, qu’il dispose des fonds nécessaires à cet effet... S’il

s’agit d’un contrat à exécution ou payement échelonnés dans le temps,

l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne dispose pas des fonds nécessaires

pour remplir les obligations du terme suivant » .

L’innovation instituée par la réforme ne passe pas inaperçue. Désormais, l’administrateur ne

pourra se contenter d’exécuter ses obligations contractuelles notamment payer les loyers et les

charges conformément à l’article 37 alinéa premier mais il devra vérifier qu’il dispose d’une

trésorerie suffisante pour payer à l’échéance le loyer, mise à part l’hypothèse marginale ou le

bailleur consent des délais de paiement. Le contrat de bail - comme tous les contrats à

exécution successive - devient précaire car sa poursuite peut être remise en cause à chaque

terme en raison de ce droit de repentir octroyé à l’administrateur. Aussi, pour souligner

l’incertitude qui entoure la permanence du contrat, un auteur62 a, justement, préféré parler de

« continuations successives suspendues à la faculté pour le débiteur de payer le loyer »

plutôt que de continuation proprement dite.

On a souvent affirmé - à raison - que le droit des procédures collectives privilégie le

contrat en tant que valeur d’exploitation plus que les liens contractuels proprement dits.

Dorénavant, dans le cadre du contrat continué, l’utilité dudit contrat pour l’entreprise en

difficulté que ce soit pour poursuivre l’activité ou pour mettre en place un plan de

redressement n’est plus la priorité absolue. L’administrateur devra essentiellement s’attacher à

la nécessité de fournir la contrepartie financière au cocontractant du débiteur failli. Le

62R. Martin, Le sort du bail dans les procédures collectives, Ann. Loyers 1996, p. 1276, n° 26

-37-

versement de la contre-prestation promise devient une véritable obligation de moyens63 de

prévisibilité raisonnable à la charge de celui-ci. Ainsi, l’administrateur se déterminera sur le

sort du contrat de bail « au vu des documents prévisionnels dont il dispose » . Une telle

expression appelle des éclaircissements. S’agit-il des documents comptables trouvés par

l’administrateur lors de sa prise de fonctions ou de documents qu’il se doit de faire établir ? Il

va de soi que les organes de la procédure ne pourront se contenter des éléments prévisionnels

fournis par le débiteur sans scrupuleusement les vérifier soit personnellement soit en ayant

recours à un expert. Or, un tel contrôle peut nuire au bon déroulement de la procédure car sa

mise en œuvre nécessitera un lapse de temps plus ou moins long qui retardera le moment où

l’administrateur optera pour la continuation ou la résiliation du contrat continué. Il se doit,

pourtant, d’opter dans les plus brefs délais et avant même que le financement des contrats à

exécution ou payement échelonnés dans le temps ne soit compromis. Aussi, dans la majeure

partie des cas, l’administrateur prendra parti en s’appuyant sur les documents qu’il a établi ou

fait établir lors de sa prise de fonction pour gérer au mieux l’entreprise en difficulté64. En ce

qui concerne plus particulièrement les baux commerciaux en cours, l’administrateur pourra

apprécier l’opportunité de poursuivre le contrat en prenant connaissance notamment des

sommes produites au passif par le bailleur et le montant des loyers et des charges rappelé

éventuellement par le bailleur dans la mise en demeure.

En conséquence, une telle obligation de prudence impose à l’administrateur

d’anticiper sur d’éventuels impayés. Dans de telles circonstances, ne va-t-il pas être enclin à

limiter autant que possible les contrats poursuivis au détriment de la survie de l’entreprise.

L’administrateur se doit désormais d’être plus sélectif dans le choix des contrats qu’il entend

poursuivre. En restreignant de la sorte la marge de manœuvre de l’administrateur, le

législateur a voulu éviter les défaillances d’entreprises en cascade et assurer une position plus

confortable aux créanciers en leur offrant des garanties d’exécution du contrat continué.

B.Les modalités d’exercice du droit de résiliation prévisionnelle

63 Déclaration Dailly, Déb. Sénat, séance du 7 avril 1994, JO, p. 833 64 Monéger, op. cit., n° 34

-38-

Si l’on peut, à présent, comprendre les motivations qui ont conduit le législateur a

octroyer un tel droit à résiliation prévisionnelle à l’administrateur, force est de constater que

les modalités d’exercice effectives de ce droit ne sont pas mentionnées à l’article 37 alinéa 2.

En effet, cette disposition se contente de préciser :

« l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds

nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant ».

Mais, que doit-on entendre précisément par le terme « y mettre fin ». Si l’on s’en tient à la

lettre du texte, il s’agit d’un pouvoir unilatéral de résiliation conféré à l’administrateur,

soumis à aucun formalisme particulier. Doit-il être assimilée à une résiliation ? Le troisième

alinéa de l’article 37 est clair sur ce point , il prévoit une résiliation de plein droit « à défaut

de paiement dans les conditions définies à l’alinéa précédent ». Or, l’alinéa second vise deux

hypothèses :

��soit les contrats portant sur une somme d’argent, lorsque le paiement n’a pu être

effectué au comptant et que le débiteur n’a pas consenti des délais

��soit dans les contrats à exécution ou payement échelonnés dans le temps, lorsque

l’administrateur se rend compte qu’il ne pourra pas honorer les échéances du terme

suivant.

La résiliation prévisionnelle étant visée à l’alinéa second de l’article 37, le terme de mettre fin

devrait perdre toute ambiguïté et être assimilé au verbe résilier.

Toutefois, certains auteurs65 objectent - à juste titre - à cette thèse de ne pas respecter

scrupuleusement l’article 37 alinéa 3 qui dispose : « à défaut de paiement dans les conditions

définies à l’alinéa précédent ». Or, dans l’hypothèse de la résiliation prévisionnelle,

l’administrateur à honorer toutes les échéances contractuelles mais a préféré mettre un terme

au contrat avant toute défaillance financière éventuelle du locataire : il n’y a eu, en principe,

aucun incident de paiement. Dès lors, on ne peut pas parler de résiliation de plein-droit mais

65 Brault, La résiliation du bail dans le cadre du redressement et de la liquidation judiciaires, op. cit. ; Haehl, op. cit., n° 40 ; Pédamon, Les incidences de la loi du 10 juin 1994 sur le bail à usage commercial, op. cit., n° 6

-39-

plutôt de « résiliation par la volonté unilatérale de l’administrateur »66 . Cette résiliation

nécessite aucun formalisme particulier : ni mise en demeure ni préavis ni notification aux

créanciers inscrits67. Une question reste, néanmoins, en suspend : le juge-commissaire doit–il

être saisi pour constater et dater la résiliation conformément à l’article 61.1 du décret du 27

décembre 1985 ? Le texte réglementaire est clair : le juge-commissaire subordonne son

intervention aux « cas prévus au premier et troisième alinéas de l’article 37 » hors la

résiliation prévisionnelle à l’initiative de l’administrateur est prévu par article 37 alinéa 2 et

par conséquent exempt de tout recours au juge-commissaire. Enfin, si cette résiliation

prévisionnelle ne requière aucun formalisme particulier, il n’en reste pas moins que

l’administrateur aura tout intérêt à prévenir le bailleur d’une telle résiliation par lettre

recommandée avec accusé de réception : une telle démarche aurait l’insigne mérite de fixer la

date de rupture du contrat de bail.

En conclusion, on ne peut que déplorer que l’article 37 alinéa 3 n’envisage la

résiliation de plein droit qu’ « à défaut de paiement » et non pas « en cas d’inexécution des

obligations visées à l’alinéa précédent » ce qui aurait, sans doute, permis d’appliquer sans

équivoque l’alinéa 3 de l’ article 37 aux deux cas de résiliation prévus à l’alinéa second. Sans

aller jusqu’à requérir une réforme législative, l’intervention de la Cour de cassation serait la

bienvenue pour préciser la nature et les modalités d’exercice de cette résiliation

prévisionnelle.

La loi du 10 juin 1994 a conféré à l’administrateur une maîtrise quasi-totale des

contrats en cours et plus particulièrement du bail commercial. Désormais, il pourra

parfaitement décider de la résiliation d’une convention alors même que quelques temps plus

tôt il en avait exigé sa continuation. Une telle faculté de résiliation est exorbitante de droit

commun et s’inscrit en rupture avec le régime antérieur. Sous l’empire de l’ancienne

législation, la décision de continuation de l’administrateur était irrévocable et seul le créancier

pouvait en demander la résiliation68 en cas d’inexécution par le débiteur de ses obligations. Ce

pouvoir nouveau confié à l’administrateur trouve ses limites dans l’obligation qui lui est faite

à l’alinéa second de l’article 37 d’anticiper sur la défaillance effective du preneur au vu « des

documents prévisionnels » dont il dispose. Une telle obligation suppose une gestion

66 Pédamon, op. cit. 67 Boccara, Procédures collectives et contrats en cours : la loi de réforme du 10 juin 1994, op. cit. 68 conformément à l’article 1184 du Code civil

-40-

minutieuse de trésorerie sous peine de prendre le risque d’une action en responsabilité toutes

les fois où il n’aura pas dénoncé à temps un contrat qu’il ne pouvait financièrement maintenir.

§ 2 : Les incidences de la réforme de l’article 37 : la multiplication des actions en responsabilité à l’encontre de l’administrateur

Il est délicat de définir une ligne directrice pour affirmer avec certitude que la réforme

de l’article 37 est ou non bénéfique aux administrateurs. Tantôt favorable : ils ont un droit de

vie ou de mort sur les contrats en cours , tantôt défavorable : un excès d’optimisme de leur

part sur les possibilités de trésorerie de l’entreprise en difficulté d’honorer les échéances

contractuelles peut conduire à une mise en cause systématique de leur responsabilité. Comme

le souligne pertinemment un auteur69 : « l’administrateur à tous les droits sauf ceux de la

désinvolture et de l’irresponsabilité ».

Cette obligation de prudence et de diligence mise à la charge de l’administrateur a pu

amener certains à parler « d’un nouveau régime de responsabilité »70.Nouveau, certes, dans

le sens où aucune obligation de ce type - susceptible d’engager la responsabilité du

mandataire - n’était expressément mentionnée dans l’ancien article 37 mais l’innovation

s’arrête là. Cette obligation, n’est, finalement, qu’un rappel du devoir de vigilance pesant sur

tout professionnel et la contrepartie normale des larges prérogatives reconnues à

l’administrateur.

Aussi, conformément à l’article 1382 du code civil, l’administrateur engage sa

responsabilité chaque fois qu’il aura commis une faute génératrice d’un dommage. Il faut

bien avouer que pendant la période d’observation, sa responsabilité risque d’être fréquemment

engagée compte tenu du nombre de fautes qu’il est susceptible de commettre. Le nouveau

régime de l’article 37 relatif à la réitération de l’option et l’obligation prudentielle qui

l’accompagne ne font d’ailleurs qu’augmenter ces sources de responsabilité. Aussi, l’

administrateur pourra voir sa responsabilité engagée lorsqu’il a poursuivi un contrat qui

n’était pas indispensable à la survie de l’entreprise sans disposer des fonds pour le payer. À

l’inverse, il sera également considéré comme fautif s’il n’a pas sollicité la poursuite d’un

69 Boccara, Procédures collectives et contrats en cours : la réforme du 10 juin 1994, op. cit. 70 Boccara, Procédures collectives et contrats en cours : la réforme du 10 juin 1994, op. cit.

-41-

contrat primordial eu égard au redressement de l’entreprise71. La chambre commerciale de

la Cour de cassation72 a précisé que le juge devait se placer au jour de la naissance de la

créance et non en tenant compte d’éléments survenus ultérieurement pour apprécier la faute.

Ainsi présenté, le choix de l’administrateur - notamment lors de la réitération de son

option - apparaît comme un véritable « casse-tête » . Il va donc être enclin à sélectionner

minutieusement les contrats qu’il entend poursuivre. Le risque est alors grand que par crainte

de voir sa responsabilité engagée, il se montre trop prudent et résilie des contrats nécessaires

au maintien de l’activité.

Le contrat de bail est sans doute, le meilleur exemple pour illustrer ce « tiraillement »

du mandataire de justice. Le choix est cornélien : soit résilier le contrat de bail et

compromettre quasi-inéluctablement toute perspective de redressement soit poursuivre le

contrat au risque d’alourdir le passif de la période observation, d’une part, et d’engager sa

responsabilité professionnelle envers le bailleur pour manquement à son obligation de

prudence et de diligence, d’autre part.

Les créanciers, conscients du choix délicat auquel l’administrateur est soumis seront

prompts à multiplier les actions en responsabilité pour manquement à son obligation

impérative. Si les fautes susceptibles d’être commises par le mandataire se sont accrues avec

la réforme de 1994, force est de constater que toutes les actions en responsabilité ne seront pas

couronnées de succès. Pour démontrer qu’il n’est pas fautif, il appartiendra à l’administrateur

de prouver qu’au vu des documents prévisionnels dont il disposait au jour où il a réitéré son

option, il lui était impossible de prévoir la défaillance financière du débiteur. Il va de soi, que

l’administrateur ne saurait se voir imputer tout incident de paiement, il n’est pas dans sa

mission de prévoir l’imprévisible. Par contre, l’administrateur ne saurait s’exonérer de sa

responsabilité en obtenant une décision du juge - commissaire sur l’option73 car dans une telle

hypothèse, le juge-commissaire serait amené à statuer hors de ses fonctions.

La finalité première du nouvel article 37 alinéa second est seulement d’éviter que le

mandataire n’exerce son option à la légère, sans tenir compte des possibilités de trésorerie de

l’entreprise débitrice. En édictant un tel régime de responsabilité, le législateur a également 71 cass. com., 9 juin 1998, Quot. Jur. 16 juil. 1998, p.45 ; D. 1998, som., p. 329, obs. Honorat 72 cass. com., 17 fevr. 1998, RJDA 1998, n° 884, p. 642 73 sauf cas prévu à l’article 40 al. 3 – 3°

-42-

voulu mettre fin à des situations difficilement acceptables qui s’étaient développées sous

l’empire de l’ancien texte et notamment des défauts de règlement, des restitutions tardives de

locaux… De tels comportements étaient évidemment inexcusables de la part de ce « chef

d’entreprise intérimaire »74 tenu au respect des obligations légales et conventionnelles

auxquelles chaque chef d’entreprise est astreint. Un telle attitude de l’administrateur ne saurait

quoi qu’il arrive être légitimée mais elle peut s’expliquer. Sous l’empire de la loi 1985 (dans

sa version initiale), les indemnités nées de la résiliation étaient couvertes par article 40 ;

aussi, par crainte de grever davantage le passif de la période observation, l’administrateur

tardait à restituer les locaux. Depuis la réforme de 1994, le problème ne se pose plus : si le

bail est poursuivi puis résilié les dommages-intérêts doivent être déclarés au passif. Par souci

d’alléger le passif de l’article 40 et d’inciter l’administrateur à résilier au plus tôt un contrat

qu’il n’est plus en mesure de poursuivre, le législateur a fait prévaloir l’origine de la créance

sur son fait générateur conformément aux vœux du groupe de travail du ministère de la

justice75.

La multiplication des actions en responsabilité à l’encontre de l’administrateur appelle

une interrogation : le mandataire n’est-il pas finalement astreint à une obligation de résultat ?

Une telle sévérité peut s’expliquer par le fait que l’entreprise débitrice est déjà dans une

situation financière délicate et il ne saurait être question que l’administrateur l’obère

davantage en agissant à la légère.

II. La résiliation de plein-droit pour défaut de paiement comptant

Lorsque l’administrateur prend parti pour la poursuite des contrats en cours, il se doit

d’en payer le prix « au comptant » , sauf si l’administrateur obtient de la part du cocontractant

du débiteur des délais de paiement, induisant de la sorte l’application de l’article 40-3 de la loi

de1985. Bien qu’une telle obligation semble viser principalement les contrats à exécution

instantanée, il n’en reste pas moins que les fournisseurs ne sont pas les seuls à mériter une

telle garantie de paiement ; aussi doit-on estimer que la formule s’étend également à tous les

contrats à paiement ou exécution échelonnés dans le temps et par voie de conséquence au bail

commercial. Une telle obligation n’est pas une innovation de la loi de 1994 mais un rappel de

l’ancien alinéa premier devenu la troisième phrase du deuxième alinéa actuel ( § 1 ). Par 74 Guyon, Droit des affaires, t. 2,– Entreprises en difficulté- Redressement judiciaire- Faillite, 7°éd., 1999 75Vallens, A propos de la réforme de la loi sur les entreprises en difficulté : le rapport du groupe de travail du ministère de la justice, Petites affiches 18 févr. 1994, p. 11 , n° 48

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contre, la sanction consécutive au non-respect de l’obligation de payer comptant à savoir la

résiliation de plein-droit est une nouveauté issue de la réforme ( § 2 ).

§ 1 : Les incertitudes juridiques liées à la formule « payer au comptant »

Toute la difficulté de l’article 37 alinéa 2 est de définir la formule « au comptant ».

Est-elle synonyme d’ « à l’échéance » ? Les positions doctrinales diffèrent. Pour certains76,

une telle expression signifierait que l’administrateur est tenu, dans le cadre du bail

commercial de respecter les échéances contractuelles initialement prévues ou dans

l’hypothèse d’un contrat de fourniture de marchandises de payer à la réception de la facture.

En somme, l’article 37 alinéa 2 n’instaurerait aucun régime particulier quant aux modalités de

paiement : les règles seraient similaires que le débiteur soit in bonis ou en redressement

judiciaire. Le seul changement résiderait dans le fait que le défaut de paiement à la date

prévue entraînerait la résiliation de plein-droit du contrat.

Pour d’autres, au contraire, le paiement comptant est « un paiement immédiat,

antérieur à l’échéance contractuelle »77 . Une telle analyse appelle une triple remarque :

��obliger le locataire ou tout autre débiteur à payer avant l’échéance prévue au contrat

contrevient à la finalité première de la loi de 1985 : sauvegarder l’entreprise en

difficulté. Dans le cadre du bail commercial, le preneur devrait payer son loyer « le

premier jour de la période de jouissance correspondante »78. Ainsi, si un loyer est

payable le premier de chaque mois, le locataire sera tenu de payer, par exemple, le 1er

janvier le loyer pour l’occupation des locaux allant du premier au 31 janvier. Force est

alors de constater qu’une telle situation - même si, en général, les contrats de bail

prévoient que les loyers sont payables d’avance - privilégie les créanciers puisque si le

débiteur est in bonis le risque d’impayé est plus grand que s’il est en redressement

judiciaire : la situation est somme toute paradoxale.

��par ailleurs, une telle interprétation serait en contradiction avec l’article 56 de la loi de

1985 qui prévoit : « le jugement d’ouverture du redressement judiciaire ne rend pas 76 Lemistre et Mercier, Le nouveau régime de la continuation des contrats ( article 37 de la loi du 25 janvier 1985), op.cit. ; Monéger, Baux commerciaux et réforme du droit des entreprises en difficulté, op.cit. ; Pédamon, op. cit., n°6 77 Pérochon et Bonhomme, op.cit., n° 198 78 Pérochon et Bonhomme, op . cit.

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exigible les créances non échues à la date de son prononcé ». Aussi, admettre que la

formule payer au comptant signifie « avant l’échéance contractuelle » constitue non

seulement une déchéance du terme, mais également, une atteinte à la règle en vertu de

laquelle dans le cadre d’un contrat continué, chaque partie est tenue d’exécuter les

obligations mises à sa charge par le contrat. En effet, lorsque la convention est

poursuivie, les relations entre les parties restent régies par les dispositions prévues lors

de la conclusion du contrat sans modification particulière. En privant le débiteur du

bénéfice du terme, la loi des parties n’est plus respectée.

��enfin, payer avant l’échéance contractuelle peut être source de difficultés sérieuses en

pratique. Comme le souligne justement MM. Lemistre et Mercier79 le payement à

l’échéance contractuelle et le seul « compatible avec le fonctionnement normal d’une

entreprise » . De plus, une telle interprétation de l’article 37 priverait le débiteur de

toute possibilité d’opposer l’exception d’inexécution en cas de non-respect de ses

engagements par son cocontractant.

Tous ces arguments sont autant de raisons de rejeter la définition : payer au comptant =

payer immédiatement, avant l’échéance contractuelle. Pourtant, aussi paradoxal et incohérent

que cela puisse paraître, cette définition doit être retenue pour un motif simple et

indiscutable : elle est la seule conforme à la lettre de l’article 37 alinéa second. Cette

disposition prend tout son sens dans le cadre des contrats à terme. Pour ceux-ci, le payement

devra nécessairement se faire avant l’échéance contractuelle au risque de faire perdre tout

utilité à ces dispositions. Effectivement, cette règle est la conséquence directe de l’inefficacité

de l’article 40 qui relègue les fournisseurs au cinquième rang . La finalité de ce texte est, par

conséquent, de prémunir efficacement les créanciers contre le risque d’ impayé car même en

leur qualité de créanciers privilégiés, les fournisseurs engagés vis-à-vis du débiteur

postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective n’étaient pas

suffisamment garantis par l’article 40 dans l’hypothèse où le chef d’entreprise ne respectait

pas les termes du contrat. Or, si l’on admet que payer au comptant équivaut à payer à

l’échéance contractuelle, le sort des créanciers n’est pas forcément meilleur car le risque

d’impayé est toujours imminent faute de moyens financiers du débiteur pour honorer ses

engagements à la date convenue. Par contre, en obligeant un paiement avant le terme stipulé à

79 Le nouveau régime de la continuation des contrats ( article 37 de la loi du 25 janvier 1985), op.cit. n° 14

-45-

l’origine, une telle éventualité est annihilée et le passif de la période d’observation n’est pas

grevé inutilement.

En conséquence, l’article 37 alinéa 2 entraîne, d’une part, la déchéance du terme, ce qui

signifie pour le locataire d’un immeuble affecté à l’activité de l’entreprise, l’obligation de

payer les loyers le premier jour de la période où il commence à jouir des locaux et, d’autre

part, la poursuite du contrat conformément à des modalités qui ne sont pas celles qui avaient

été initialement prévues.

Une telle interprétation nous conduit à constater que l’article 37 alinéa 2 améliore

davantage la situation des créanciers que celle de l’entreprise en difficulté. Le payement

antérieur à l’échéance contractuelle s’inscrit, certes, en marge des modalités de paiement

traditionnel mais sauf à retenir une maladresse rédactionnelle du législateur de 1994, cette

analyse est la seule compatible avec les dispositions légales.

Ainsi, le paiement comptant devient la règle. À défaut de se conformer à une telle

obligation, l’administrateur prend le risque de voir le contrat résilié. Encore faut-il préciser les

modalités d’exercice d’une telle résiliation.

§ 2 : Les modalités d’exercice de la résiliation Si l’administrateur ne dispose pas de fonds disponibles suffisants pour payer au comptant

et si le cocontractant ne lui accorde pas de délais de paiement, la sanction est lourde et

immédiate : le contrat est résilié de plein droit conformément au troisième alinéa de l’article

37. Une telle résiliation peut être lourde de conséquences puisque le texte poursuit :

« le parquet, l’administrateur, le représentant des créanciers ou un contrôleur peut

saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d’observation ».

L’alinéa 3 de l’article 37 fait à nouveau référence à la résiliation de plein droit comme

c’était déjà le cas pour l’alinéa premier visant l’interrogation de l’administrateur par le

créancier sur la continuation ou la non continuation des contrats en cours. Une fois encore, la

formule « résilier de plein droit » ne dispense pas l’administrateur de la saisine du juge-

commissaire aux fins de constater et dater ladite résiliation. Quant au bailleur, il ne peut,

-46-

contrairement au droit commun, prendre l’initiative de l’action résolutoire mais pourra

donner son accord à la poursuite des relations contractuelles à condition que l’administrateur

le lui demande. Notons, que dans la majeure partie des cas, le mandataire de justice sollicitera

l’aval du cocontractant pour poursuivre le contrat. Dans une telle hypothèse, le créancier sera

partagé entre la continuation de la convention et ses risques d’impayés éventuels ou la

résiliation accompagnée d’indemnités qui ne bénéficieront pas d’un paiement privilégié et

devront être déclarées au passif. Ce choix laissé à la discrétion du cocontractant du débiteur

peut être vital à la survie de l’entreprise. Le bailleur, notamment, devient « le maître du jeu »

car il est conscient de la nécessité pour l’administrateur d’assurer la pérennité du contrat de

bail eu égard au redressement de l’entreprise. La sauvegarde de l’entreprise va, alors, être

largement tributaire de la décision du bailleur d’accorder ou non des délais de règlement ; le

rôle de négociateur de l’administrateur va, ainsi, s’en trouver renforcé.

Cette résiliation de plein-droit peut avoir une conséquence irrémédiable : la saisine du

tribunal « aux fins de mettre fin à la période d’observation ». La lettre du texte est clair : il

s’agit d’une simple faculté offerte au juge, il faut dès lors espérer que la jurisprudence

applique cette nouvelle disposition avec souplesse. Il ne faut pas oublier que l’objectif

premier de la loi de 1985 est la sauvegarde de l’entreprise en difficulté ; cet objectif a, certes,

été tempéré par la loi de 1994 qui est empreinte de la volonté de limiter le passif de la période

d’observation, mais quoi qu’il en soit, il serait, somme toute, regrettable voire inconcevable

de prononcer la liquidation judiciaire au moindre incident de paiement du débiteur.

Le constat est indiscutable : le nouveau régime des contrats en cours fragilise la

permanence du bail à usage commercial ; fragilisation qui conforte la situation du bailleur qui

peut se défaire plus facilement des liens contractuels et obtenir plus aisément la libération de

ses locaux .

En conclusion, l’administrateur a entre ses mains le sort du contrat de bail et plus

généralement de tous les contrats en cours. De son comportement et de ses décisions va

dépendre la continuation ou la résiliation des conventions. Traditionnellement, on parle de

« l’option » de l’administrateur mais ne serait-il pas plus juste de parler « des options »80 .

En effet, le pouvoir décisionnel du mandataire de justice ne saurait se limiter à son droit

80 Haehl, L’option de l’administrateur, op.cit. n° 10

-47-

d’option initial ; il est tenu dans le cadre des contrats continués de réitérer son option à

chaque échéance contractuelle compte tenu des possibilités de trésorerie du débiteur.

Et, c’est là sans doute, l’innovation la plus notable de la réforme de 1994 : la précarité du

contrat continué, qui peut être résilié à tout moment. Ce pouvoir unilatéral est exorbitant

conféré à l’administrateur - d’autant plus qu’il n’est pas partie au contrat - trouve ses limites

dans les obligations auxquelles il est astreint, qui ont pour finalité de protéger les droits du

cocontractant et par voie de conséquence du bailleur. L’obligation de prudence et de diligence

mise à la charge de l’administrateur témoigne d’un certain réalisme de la part du législateur :

il faut éviter les dérives liées au maintien abusif d’une exploitation déficitaire : la sauvegarde

de l’entreprise ne doit pas se faire au détriment des créanciers. Reste à voir si le régime

spécial du bail d’immeuble affecté à l’activité de l’entreprise fait preuve des même faveurs

vis-à-vis du bailleur.

-48-

PARTIE II :

LA RESILIATION DU BAIL COMMERCIAL

PAR

LE BAILLEUR

Hormis l’hypothèse du redressement judiciaire du locataire, le bailleur d’un immeuble

abritant un fonds de commerce dispose schématiquement de trois moyens - à l’efficacité

limitée - pour mettre un terme au contrat de bail :

-49-

��Le bailleur peut rompre le bail pour un manquement suffisamment grave du locataire à

ses obligations contractuelles ou légales conformément à l’article 1184 du Code civil.

Les motifs susceptibles d’être invoqués sont multiples : le défaut de paiement des

loyers, la modification de la destination des lieux loués, la réalisation de travaux sans

autorisation, la dégradation des lieux…

��L’article 5 du décret du 30 septembre 1953 prévoit81, par ailleurs, un congé avec refus

de renouvellement, qui peut être défini comme un acte juridique par lequel l’une des

parties met fin au contrat. Si ce congé s’accompagne de l’offre de payer une indemnité

d’éviction, le bailleur ne sera pas tenu de préciser les raisons de ce refus de

renouvellement82. Dans le cas contraire, les griefs du bailleur à l’encontre du preneur

doivent être mentionnés dans le congé ; l’omission ou l’insuffisance de motifs est une

cause de nullité.

��Enfin, le bailleur peut intenter une action visant à la constatation du bénéfice de la

clause résolutoire après une mise en demeure notifiée conformément à l’article 25 du

décret du 30 septembre 1953. La clause résolutoire est « la stipulation par laquelle le

bailleur et le preneur conviennent à l’avance que l’inexécution d’une des obligations

du contrat emportera sa résiliation »83 . Une telle clause est, en principe, licite lorsque

le débiteur est in bonis. Dans la majeure partie des cas, elle est mise en œuvre dans

l’hypothèse du défaut de paiement des loyers et des charges. L’article 25 du décret du

30 septembre 1953 réglemente strictement, cependant, le jeu de la clause résolutoire

en disposant que :

81 « par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis aux dispositions du présent décret ne cessent que par l’effet d’un congé donné suivant les usages locaux et au moins six mois à l’avance » 82 cass. 3 ° civ., 5 janv. 1993, Gaz. Pal. 1993, II, jur., p. 310, note Barbier 83 Garbit, Baux commerciaux in Lamy droit commercial, n° 1118

-50-

« toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit à défaut de

paiement du loyer aux échéances convenues ne produit effet qu’un mois après un

commandement de payer resté infructueux » .

Cette condition de forme est un obstacle à l’automaticité de ladite clause.

Comme nous pouvons le constater, le décret sur les baux commerciaux restreint le droit de

résilier par rapport au droit commun du louage84. Si le locataire est mis en redressement

judiciaire, la situation du bailleur sera encore moins confortable. En effet, l’ouverture de la

procédure collective va influer, d’une part, sur son droit d’introduire un action en résiliation

judiciaire et d’autre part, sur le jeu de la clause résolutoire. La question qui vient

immédiatement à l’esprit est celle de savoir si le bailleur peut mettre fin au bail si son preneur

est mis en redressement judiciaire. La loi du 25 janvier 1985 pas plus que les législations

antérieures n’envisage la résiliation de plein droit du bail commercial en cas d’ouverture

d’une procédure de redressement judiciaire. Une telle disposition réduirait considérablement

voire irrémédiablement toute chance de redressement de l’entreprise. L’article 36 du décret de

1953 quant à lui, prohibe les clauses de résiliation de plein-droit stipulées dans les contrats de

bail et dispose :

« la faillite et la liquidation judiciaire n entraîne pas de plein droit, la résiliation du bail

des immeubles affectés à l’industrie, au commerce ou à l’artisanat du débiteur (…). Toute

stipulation contraire est réputée non écrite » .

Quant à la loi du 25 janvier 1985 dans son article 37 alinéa 5 , elle précise :

« nonobstant toute disposition légale ou toute clause contraire, aucune indivisibilité,

résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une

procédure de redressement judiciaire » .

En conséquence, conformément à l’objectif premier de la loi de 1985 à savoir la sauvegarde

de l’entreprise en difficulté, le redressement judiciaire - pas plus que la liquidation judiciaire -

n’est une cause de résiliation de plein droit du bail commercial et ce, en dépit du caractère

84 prévu par les articles 1752 et s du C. civ.

-51-

intuitu personnae du contrat de bail et de l’importance attachée par le cocontractant à

l’insolvabilité du débiteur.

Par ailleurs, le bailleur ne peut rompre le contrat de bail pour non-paiement des loyers

antérieurs à l’ouverture de la procédure collective. Effectivement, l’article 47 de la loi de

1985 précise que le jugement d’ouverture de la procédure collective interdit toute action en

vue d’obtenir « la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent » .

Aussi, le bailleur ne pourra intenter une action en résiliation du bail commercial fondée sur le

défaut de paiement des loyers antérieurs au jugement : il aura pour seule alternative de

déclarer sa créance au passif de la procédure conformément aux dispositions de l’article 50 de

la loi de 1985.

Comme nous l’avons vu, le bail commercial est une pièce maîtresse du redressement de

l’entreprise en difficulté. Dès lors, afin d’assurer la pérennité de l’exploitation, le droit à

résiliation du bailleur sera nécessairement limité par rapport au droit commun. Cependant, la

marge de manœuvre laissée au bailleur pour résilier le contrat varie selon l’origine de la

créance. Ainsi, la faculté de résilier le bail pour des causes antérieures au jugement

d’ouverture est considérablement limitée voire paralysée ( chapitre I ) ; en revanche, le

bailleur dispose d’une certaine liberté pour résilier le contrat de bail pour défaut de paiement

des créances nées après l’ouverture de la procédure collective ( chapitre II ).

-52-

CHAPITRE I :

L’interdiction de principe : la résiliation

pour des causes antérieures au jugement

d’ouverture

L’article 38 de la loi de 1985 spécialement consacré au bail commercial dispose dans

son alinéa premier tel que modifié par la réforme de 1994 qu’ :

« à compter du jugement d’ouverture, le bailleur peut demander la résiliation

judiciaire ou la résiliation de plein droit du bail des immeubles affectés à l’activité de

l’entreprise pour défaut de paiement des loyers et des charges afférent à une

occupation postérieure audit jugement » .

Cet article met en exergue que seul le non-paiement des loyers et des charges postérieurs au

jugement d’ouverture peut donner lieu à une action en résiliation du bail commercial. Par

conséquent, on peut en déduire, a contrario, que la résiliation pour défaut de paiement des

sommes dues pour une occupation antérieure à l’ouverture du redressement judiciaire est

impossible. Une telle disposition viendrait alors renforcer l’article 47 de la loi de 1985 sur la

suspension des poursuites individuelles. Cette interdiction de principe vise tout à la fois la

résiliation judiciaire du bail qui ne génère aucun problème spécifique, et la résiliation du

contrat par le jeu d’une clause résolutoire non acquise avant le jugement ( I ). Une telle

prohibition perdure lorsqu’un plan de redressement est arrêté ( II ). Par contre, la rédaction de

l’article 38 ne semble pas faire obstacle à la résiliation du bail pour des causes antérieures à

l’ouverture de la procédure autres que le non-paiement des loyers et des charges ( III ).

I.L’illustration de cette interdiction de principe : le jeu de la clause résolutoire

L’article 47 de la loi de 1985 est clair : il suspend les poursuites engagées sur le

fondement d’une créance antérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective et

visant à la résolution du contrat pour défaut de paiement. Dans l’hypothèse où une clause

-53-

résolutoire85 est stipulée dans le contrat de bail, la situation se complique : il devient

nécessaire de déterminer l’ « état d’avancement »86 du mécanisme de la clause résolutoire à

la date d’ouverture du redressement judiciaire afin de définir si l’article 47 a ou non vocation

à s’appliquer. Une telle démarche se justifie par l’interférence entre l’article 47 de la loi de

1985 et l’article 25 du décret du 30 septembre 1953 qui dispose :

« toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein-droit à défaut de

paiement du loyer aux échéances convenues ne produira effet qu’un mois après un

commandement de payer demeuré infructueux … ».

Toute la difficulté liée à la combinaison de ces deux articles repose sur la

détermination du moment à compter duquel la résiliation est acquise. Après une période

d’incertitudes où les positions doctrinales avaient été partagées ( §1 ), la chambre

commerciale de la Cour de cassation a mis fin à toute controverse en précisant que la mise en

œuvre de la clause résolutoire suppose une décision ayant autorité de chose jugée ( §2 ).

§ 1 : Les controverses doctrinales sur l’acquisition de la clause résolutoire

Traditionnellement, le contrat de bail contient une clause résolutoire relative à

l’inexécution par le locataire de l’une de ses obligations contractuelles et notamment le défaut

de paiement des loyers et des charges. Une telle clause est devenue de style. Si la clause

résolutoire pour non-paiement des loyers et des charges se trouve acquise avant le jugement

d’ouverture, le bailleur pourra obtenir l’expulsion du preneur en dépit des dispositions de

l’article 47 de la loi de 1985. Mais avant toute chose, il conviendra de déterminer à quel

moment la clause résolutoire est acquise : suffit-il que le délai prévu au commandement soit

expiré ou faut-il attendre qu’une décision de justice constate cette résiliation ? Deux thèses

peuvent être soutenues. La première fondée sur l’idée que la clause résolutoire est acquise dès

lors que le commandement de payer délivré par le bailleur est resté infructueux pendant un

mois conformément à l’article 25 alinéa 1er du décret de 1953. Une telle interprétation avait,

par ailleurs, séduit certaines juridictions du fond87. La seconde thèse serait fondée sur l’alinéa

second de l’article 25 qui dispose que :

85 cf introduction de cette partie pour la définition de la clause résolutoire 86 Gaudin, Le sort du bail commercial en cas de redressement ou liquidation judiciaires du preneur, op. cit. 87 notamment : CA Aix-en-Provence, 22 déc. 1987, D. 1989, p. 45, note Putman

-54-

« les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à

l’article 1244 du Code civil, peuvent en accordant des délais suspendre la résiliation

et les effets des clauses de résiliation « pour défaut de payement du loyer au terme

convenu », lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de

justice ayant acquis l’autorité de force jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le

locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».

Aussi, tant que le locataire est en mesure d’invoquer et d’obtenir des délais d’exécution la

clause peut être suspendue à tout moment. Dès lors, si à l’ouverture de la procédure

collective, la résiliation n’a pas fait l’objet d’une décision ayant l’autorité de chose jugée, la

clause résolutoire n’a pas pu jouer et le bail commercial demeure un contrat en cours soumis

à l’article 37 et 38 de la loi de 1985.

Face à de tels divergences de juridictions et controverses doctrinales, la Cour de

cassation se devait d’intervenir pour clarifier la situation.

§ 2 : La condition jurisprudentielle d’acquisition de la clause résolutoire : une décision ayant autorité de chose jugée

La Haute juridiction est finalement intervenue pour déterminer les conditions

auxquelles l’acquisition de la clause résolutoire est subordonnée ( A ). La position qu’elle a

adopté appelle, cependant, des remarques dans la mesure où d’une part, elle ne respecte pas le

mécanisme avant tout contractuel de ladite clause ( B ) et d’autre part, elle n’a pas toujours su

tirer les conséquences liées au fait que l’ordonnance de référé constatant la résiliation n’était

pas revêtue de l’autorité de chose jugée ( C ).

A. La mise en œuvre de la clause résolutoire

La chambre commerciale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la question

dans une espèce où le preneur avait été placé en redressement judiciaire postérieurement au

jugement constatant la résiliation du bail et ordonnant son expulsion. La décision a été frappée

d’appel. La Haute juridiction en a conclu que dans la mesure où la décision relative à la

constatation de la résiliation du bail n’était pas passée en force de chose jugée avant le

-55-

jugement d’ouverture, l’action tendant à la constatation de la résiliation devait être

suspendue88.

Il résulte de cette jurisprudence ainsi que de la combinaison des articles 38 alinéa 1er,

47 alinéa 1er de la loi de 1985 et de l’article 25 du décret du 30 septembre 1953, que le

bailleur ne pourra plus, à compter du redressement judiciaire, agir en résiliation dans les

hypothèses suivantes :

��lorsque le commandement a été notifié antérieurement au jugement d’ouverture mais

que le délai d’un mois n’est pas expiré à cette date

��de même, si le délai d’un mois est expiré avant l’ouverture de la procédure collective

mais que tantôt le bailleur n’a pas introduit d’action en justice pour constater le jeu de

la clause résolutoire tantôt a introduit une action mais aucune décision ayant autorité

de chose jugée n’a été rendue

��enfin, si le locataire, suite à la réception du commandement a sollicité la suspension

des effets de la clause résolutoire et obtenu des délais de paiement qu’il a respecté.

Par conséquent, le bailleur pourra poursuivre l’expulsion du preneur uniquement dans les

cas suivants :

��le bénéfice de la clause résolutoire a été constaté par une décision passée en force de

chose jugée

��le locataire, suite à la réception du commandement a sollicité des délais qui lui ont été

refusés par une décision passée en force de chose jugée antérieurement l’ouverture du

redressement judiciaire

��le locataire a obtenu des délais de paiement mais ne les a pas respectés dans la période

antérieure à l’ouverture du redressement judiciaire. Dans une telle hypothèse, la clause

résolutoire a joué dès la première défaillance du débiteur.

88 cass. com., 12 juin 1990, op. cit.

-56-

Désormais, l’expulsion du locataire ne pourra avoir lieu que si le bailleur avait

antérieurement au jugement d’ouverture un droit acquis à la résiliation c’est-à-dire qu’une

décision de justice passée en force de chose jugée constatant la résiliation ait été rendue avant

le début de la procédure. Une telle solution a pour effet de retarder le moment de la résiliation

effective. L’expulsion, quant à elle, est avant tout une mesure sur la personne et non sur les

biens qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 47 et peut, donc, être

valablement poursuivie postérieurement à l’ouverture de la procédure. La Cour de cassation a,

en effet, décidé que la clause résolutoire prévue dans le contrat de bail ayant produit ses effets

avant l’ouverture de la procédure collective, l’expulsion ne constitue pas une voie d’exécution

au sens de l’article 4789.

B.Le mécanisme contractuel de la clause résolutoire mis à mal par le droit des procédures collectives

Une telle solution est critiquable. En effet, en matière de clause résolutoire, la résiliation

devrait intervenir par l'effet d'un mécanisme purement contractuel : le contrat de bail étant

résilié de plein droit à l'expiration du délai prévu par le décret du 30 septembre 1953. Le juge

peut simplement constater le jeu de la clause résolutoire et ne dispose d’aucun pouvoir

d'appréciation : sa décision est purement déclarative et ne saurait, en principe, remettre en

cause des situations contractuelles appelées à jouer de plein-droit.

On pourrait, donc, estimer que même si le bailleur n'a pas encore saisi le juge pour

constater cette résiliation aux fins d'expulser le locataire, le jugement d'ouverture du

redressement judiciaire sera sans incidence sur ladite résiliation. À ce titre, la loi du 13 juillet

1967 n'était pas restée hermétique à ce type d'argumentation puisqu'elle permettait au bailleur

d'agir dans les trois mois de jugement pour faire constater la résiliation. La loi du 25 janvier

1985, quant à elle, ne contient aucune indication de ce style et reste relativement muette sur la

question. L'article 47 de la loi est souvent invoqué pour justifier la suspension du jeu de la

clause résolutoire mais force est de constater que cette disposition interdit uniquement les

actions en résolution pour défaut de paiement mais nullement celles visant à faire constater

une résiliation conventionnelle intervenue avant l'ouverture de la procédure.

89 cass. 3° civ., 24 févr. 1990, RTD com. 1990, p. 478, obs. Chaput ; Rev. huissiers 1990, p. 1058, note Martin

-57-

Pour autant, si l’automaticité de la clause résolutoire serait davantage en adéquation avec

les principes juridiques, il n'en reste pas moins que la Cour de cassation - comme nous l'avons

vu - impose une solution différente pour les baux soumis au décret du 30 septembre 1953.

Ainsi, le constat pour le bailleur ne peut être que pessimiste : sa liberté de résilier est des plus

limitée. En effet, il sera désormais long et difficile pour lui d'obtenir un véritable droit acquis

à la résiliation car il est relativement rare qu'une décision de justice constatant la résiliation du

bail commercial exempt de tout recours suspensif soit rendue avant le jugement d'ouverture

de la procédure collective. Comme le souligne F.Pérochon et R. Bonhomme : « le cas risque

d'être exceptionnel car le débiteur menacé de résiliation a tout intérêt à déposer son bilan

pour bénéficier du jeu des articles 37 et suivants... »90.

C.La limite de cette jurisprudence : l’absence d’autorité de la chose jugée de l’ordonnance de référé ?

En général, le bailleur qui souhaite agir en constatation du jeu de la clause résolutoire est

tenu de saisir le Président du tribunal de grande instance en sa qualité de juge des référés un

mois après avoir notifié au locataire un commandement de payer, resté infructueux.

Comme nous l’avons vu, si l’ordonnance de référé est passée en force de chose jugée

avant l’ouverture du redressement judiciaire, le droit à résiliation du bailleur est acquis et il

pourra, en principe, poursuivre l’expulsion du preneur par la suite. Il conviendrait peut-être

d’être moins catégorique et de se rappeler qu’une telle ordonnance n’a pas l’autorité de la

chose jugée au principal91. Dès lors, si le locataire venait à saisir les juges du fond, elle

pourrait être remise en cause. Certaines juridictions inférieures, ont pourtant contesté cette

absence d’autorité de chose jugée en soutenant que dans le cadre d’une ordonnance de référé

constatant la résiliation d’un bail commercial en vertu d’une clause résolutoire, le juge

constate simplement par une décision déclarative le jeu de ladite clause de telle sorte que

l’ordonnance ne saurait être remise en cause. Toutefois, la Cour de cassation n’hésite pas à

censurer de telles décisions92. Une telle jurisprudence de la Haute juridiction appelle une

interrogation : les juges du fond seront-ils enclins à remettre en cause l’ordonnance de référé

ayant constaté le jeu de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers ? Une des

rares hypothèses envisageable serait celle où le bailleur a mis en œuvre des manœuvres 90 Entreprises en difficulté –Instruments de crédit et de paiement, op. cit., § 204 91 art. 488 NCPC 92 cass. 3° civ., 12 oct. 1994, RD imm. 1995, p.172, note Collart-Dutilleul et Derrupé

-58-

frauduleuses pour obtenir la résiliation du bail : il en serait ainsi, par exemple, s’il a signifié

le commandement au preneur pendant les congés annuels de l’entreprise.

Même si l’hypothèse est marginale, on peut tout de même se demander quels seraient les

moyens envisageables pour éviter un risque éventuel de remise en cause de l’ordonnance. La

solution serait de faire constater la résiliation par une décision des juges du fond mais elle

présenterait l’inconvénient majeur d’engager le bailleur dans une procédure relativement

longue et n’aboutirait pas forcément à un jugement assorti de l’exécution provisoire93. Dès

lors, la solution envisagée par R . Martin fondée sur le jeu entre les concepts d’ autorité de

chose jugée et de force de chose jugée apparaît comme la plus satisfaisante : « Il suffit que les

juges du fond, pour se mettre à l’abri d’une cassation, s’abstiennent d’accorder à la décision

de référé l’autorité de la chose jugée et qu’il se limite à indiquer que l’effet de la clause a été

constatée dans une décision qui même provisoire est passé en force de chose jugée »94.

En conclusion, il est dans l’intérêt du bailleur de mettre en jeu la clause résolutoire le plus

rapidement possible sous peine d’être privé de ses effets si son preneur venait à être placé en

redressement judiciaire avant qu’il ne dispose d’un droit acquis à la résiliation. L’obligation

- contraignante - faite au bailleur de disposer d’une décision constatant la résiliation passée en

force de chose jugée apporte la preuve que la loi du 25 janvier 1985 pose une interdiction

générale de résilier le bail commercial pour défaut de paiement d’une somme d’argent

antérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire.

De telles restrictions à la liberté de résiliation du bailleur ne sont pas propres à la période

d’observation mais perdure en cas d’arrêt d’un plan de redressement qu’il soit de continuation

ou de cession.

93 Grundeler, La résiliation du bail commercial en cas de redressement ou liquidation judiciaires du locataire, op.cit. 94 R. Martin, Le sort du bail dans les procédures collectives, Ann. Loyers 1996, p. 1272, n° 17

-59-

II. La résiliation pour des causes antérieures au jugement d’ouverture également

neutralisée dans le cadre d’un plan de redressement

L’alinéa second de l’article premier de la loi du 25 janvier 1985 dispose :

« le redressement judiciaire est assuré selon un plan arrêté par décision de justice à

l’issue d’une période d’observation. Ce plan prévoit soit la continuation de

l’entreprise, soit sa cession ».

Ainsi, le plan apparaît comme un moyen mis au service de l’entreprise afin d’en assurer le

redressement. Envisagé en tant que tel, il apparaît difficile de concevoir que le bailleur

retrouve son droit à résiliation pour des causes antérieures au jugement d’ouverture de la

procédure collective que ce soit dans le cadre d’un plan de continuation ( §1 ) ou d’un plan de

cession ( §2 ).

§1. Le droit à résiliation du bailleur dans le cadre d’un plan de continuation

Au terme de l’article 69 alinéa 1 de la loi de 1985 :

« le tribunal décide… la continuation de l’entreprise lorsqu’il existe des possibilités

sérieuses de redressement et de règlement du passif » .

À compter du jugement qui arrête le plan de continuation, la période d’observation prend fin

et le débiteur recouvre, en principe, la plénitude de ses prérogatives95. La question est alors de

savoir si le bailleur retrouve également la pleine jouissance de ses droits lui permettant, ainsi,

d’exercer une action en résiliation du bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou

des charges antérieures à l’ouverture de redressement judiciaire ou de mettre en jeu la clause

résolutoire, neutralisée pendant la période d’observation. Même si le législateur n’a pas

expressément exclu une telle hypothèse, la réponse se doit d’être négative conformément,

d’une part, à l’esprit de la loi du 25 janvier 1985 et , d’autre part, à la nature juridique du plan.

Effectivement, le bailleur et tous les cocontractants du débiteur ont définitivement déclaré

leurs créances à la procédure conformément à l’article 50 ; aussi, seront-ils payés

95 sous réserve du respect des art. 65 à 80 L. 25 janv. 1985

-60-

conformément aux modalités d’exécution du plan et il ne saurait être question pour eux

d’invoquer le non-paiement des créances antérieures. Comme le souligne MM. Jeantin et Le

Cannu : « la procédure collective a, sur ce point, apuré le passif »96. En somme, lorsqu’un

plan de continuation est arrêté, les contrats en cours sont poursuivis de plein-droit et le

bailleur ne pourra ni intenter une action en résiliation judiciaire pour non-respect par le

preneur de ses engagements antérieurs ni se prévaloir des mêmes causes pour faire jouer la

clause résolutoire. Les titulaires de créances antérieures auront, alors, pour seule alternative de

se soumettre au régime uniforme de paiement - prévu par les articles 74 et suivants de la loi

de 1985 - en espérant un jour être payés. Dans l’hypothèse où le plan de continuation serait

résolu pour non-respect par le débiteur de ses engagements, la même solution devrait être

reconduite dans la mesure où consécutivement à la résolution du plan, une nouvelle procédure

collective serait ouverte et que le bailleur ne pourrait se prévaloir du défaut de paiement des

loyers ou des charges antérieures à ladite procédure97. Notons que le bailleur recouvre son

droit à résiliation du contrat de bail, si le preneur ne respecte pas ses obligations contractuelles

dans le cadre du plan. En effet, consécutivement au jugement arrêtant le plan, le locataire est,

à nouveau, considéré in bonis. Aussi, tout défaut de paiement du créancier à l’échéance

convenue ouvre la possibilité au bailleur d’exercer les actions du droit commun que se soit en

paiement ou en résiliation.

En conséquence, une fois de plus, les principes de la loi de 1985 sont respectés : le

bailleur est privé de son droit à résiliation pour des causes antérieures au jugement

d’ouverture, il devra se contenter de n’être qu’un « créancier des dividendes inscrits au

plan »98.

§ 2. Le droit à résiliation du bailleur dans le cadre d’un plan de cession

Une seconde voie peut être empruntée pour mener à bien le redressement de l’entreprise :

la cession de l’entreprise. Ses finalités sont similaires à celle du plan de continuation à savoir

redresser l’entreprise et payer les créanciers.

96 Droit commercial, Instruments de paiement et de crédit – Entreprises en difficulté, 5° éd., n° 714 97 CA Paris, 23 mars 1988, JCP éd. E 1988, II, n° 15335, obs. Cabrillac 98 Saint-Alary-Houin, La résiliation du bail commercial, op.cit., n° 21

-61-

La cession est une solution externe : il s’agit de transmettre l’entreprise ou certaines

branches d’activité à un tiers qui d’une part, en paie le prix et d’autre part, s’engage à

redresser l’exploitation déficitaire. Conformément à l’article 86 alinéa 1 de la loi de 1985 :

« le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fournitures de

biens ou services nécessaires au maintien de l’activité » .

Cette atteinte à la liberté contractuelle99 se justifie eu égard au caractère essentiel de certains

contrats pour assurer le redressement de l’entreprise : le contrat de bail fait évidemment parti

de ceux-là et sera, en principe, cédé avec les actifs. On peut, alors, se poser la même question

que dans l’hypothèse du plan de continuation : le bailleur retrouve-t-il son droit de résilier le

bail commercial pour non-paiement des loyers et des charges antérieures à l’ouverture de la

procédure ?

La réponse semble plus évidente encore que dans l’hypothèse précédente et repose dans

la définition même de la cession. Le cessionnaire n’a aucune obligation vis-à-vis des

créanciers du cédant et il n’est en aucune façon tenu de ses dettes100 : le cessionnaire n’est pas

l’ayant cause à titre universel du cédant. Dès lors, il est inconcevable que le bailleur puisse

opposer au preneur le défaut de paiement des loyers antérieurs au jugement d’ouverture pour

obtenir la résiliation du bail commercial. Admettre une telle éventualité serait irréaliste et

découragerait, par avance, tout repreneur potentiel.

Par ailleurs, le contrat de bail contient, fréquemment, des dispositions qui réduisent les

possibilités de transmission de la convention tantôt en prévoyant l’autorisation du bailleur

avant toute cession éventuelle tantôt en stipulant une clause de préemption. Or, de telles

clauses sont privées d’effet et dès lors, ne sauraient être opposées par le bailleur à

l’administrateur pour obtenir la résiliation du bail. Le jugement qui emporte la cession doit

s’exécuter en dépit des clauses contraires. Ce qui explique que la loi de 1985 prévoit

expressément dans son article 38.1 tel qu’il est issu de la loi de 1994 qu’ :

99 dans la mesure où le cocontractant se voit imposer un nouveau partenaire 100 sauf, dans certaines hypothèses, pour les biens grevés d’une sûreté

-62-

« en cas de cession du bail, toute clause imposant au cédant des dispositions

solidaires avec le cessionnaire est inopposable à l’administrateur ».

Ainsi, l’article 38.1 prévu initialement pour la clause de solidarité semble avoir été

généralisé aux autres clauses de même nature, privant de la sorte le bailleur de toute action en

résiliation du contrat de bail sur le fondement du non-respect desdites clauses101.

Aussi, comme dans le cas d’un plan de continuation, dans l’hypothèse d’un plan de

cession, le bailleur ne peut se prévaloir du non-respect des engagements antérieurs pour

obtenir la résiliation du contrat de bail. Cependant, en cas de manquement de son nouveau

partenaire à ses obligations, le bailleur retrouve la pleine jouissance de ses droits.

Enfin, une dernière question pourrait être posée : le bailleur doit-il ou plus justement peut-

il demander la résiliation du contrat de bail non cédé ( hypothèse somme toute théorique ) ?

La loi de 1985 ne semble pas s’être intéressée directement à la question. À première vue, il

serait tentant de rapprocher cette hypothèse de celle de l’article 37 prévoyant la résiliation de

plein-droit des contrats en cours en cas de renonciation à leur poursuite par l’administrateur.

Mais, une telle approche est pertinemment rejetée par M-H. Monsérié102 qui souligne que les

deux situations ne peuvent être assimilées dans la mesure ou dans le cadre de l’article 37

l’intervention du juge-commissaire pour constater la résiliation est nécessaire pour

« juridiciser » la rupture alors que pour le contrat non cédé, le tribunal a déjà statué sur

l’absence de cession et une autre intervention judiciaire serait superflue. Dès lors, l’auteur

propose de retenir la caducité du contrat « qui ne résulte pas de la perte d’un des éléments de

validité du contrat après sa conclusion mais de la perte de l’utilité du contrat appréciée par

rapport à l’objectif de redressement de l’entreprise ».

Le principe selon lequel le créancier ne peut agir en résolution pour manquement du

débiteur à ses obligations pécuniaires antérieures à l’ouverture du redressement judiciaire est

strictement respecté tant durant la période d’observation que durant le plan de redressement.

La raison est évidente : les chances de survie de l’entreprise en difficulté deviendraient

purement hypothétiques voire illusoires si tous les créanciers pouvaient actionner le débiteur

en paiement pour des causes antérieures à la procédure. Pourtant, force est de constater que 101 V. jurisprudence citée par Soinne in Rev. proc. coll.1995, p. 171 102 Les contrats dans le redressement et la liquidation judiciaire des entreprises, préface C. Saint-Alary-Houin, Bibl. de droit de l’entreprise, Litec, 1994, n° 415 et ss.

-63-

l’article 47 de la loi ne paralyse pas la faculté de résilier le bail pour des raisons autres que le

non-paiement d’une somme d’argent.

III. Une exception marginale à cette interdiction : la résiliation du contrat de bail pour des causes autres que le non-paiement des loyers et des charges

La loi du 25 janvier 1985 paralyse le droit du bailleur de résilier le contrat de bail pour

non-paiement des loyers et des charges nées antérieurement au jugement d’ouverture du

redressement judiciaire. Pourtant, il existe une hypothèse où le bailleur retrouve la pleine

jouissance de son droit, il s’agit de la résiliation pour des causes autres que le non-paiement

des loyers. En effet, l’article 47 de la loi de 1985 relatif à l’arrêt des poursuites individuelles

suspend ou interdit uniquement les actions en justice tendant :

��« à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent »

��« à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ».

Ne sont visées dans ces dispositions que les défaillances à caractère pécuniaire et ce, pour

une raison évidente, elles seules peuvent faire l’objet d’une déclaration de créance au passif

de la procédure conformément à l’article 50. Aussi, s’il s’agit non pas du défaut de paiement

des loyers ou des charges, mais de le l’inexécution d’une obligation de faire telle que : le

défaut d’entretien des lieux loués, l’inexécution de l’obligation d’assurance ou encore si le

bailleur souhaite récupérer les locaux loués pour les reconstruire, les surélever ou les

restaurer… le bailleur sera en droit de réclamer la résiliation du bail.

Une question peut se poser : l’action en résiliation pourrait-elle être fondée sur le défaut

d’exploitation des lieux loués? L’article 38 dans son dernier alinéa dispose :

« le défaut d’exploitation pendant la période d’observation d’un ou plusieurs

immeubles loués par l’entreprise n’entraîne pas sa résiliation de plein droit ».

Le texte répond à la question en visant uniquement le défaut d’exploitation pendant la période

d’observation et non avant l’ouverture de la procédure collective. Cependant, il faut rester

prudent car dans l’hypothèse où le défaut d’exploitation a commencé avant le jugement

-64-

d’ouverture mais s’est poursuivi ultérieurement, l’article 38 sera appelé à jouer et le bailleur

ne pourra poursuivre son action en résiliation du bail commercial.

L’action en justice ne requiert aucun formalisme particulier, il suffit au bailleur de mettre

en cause, dans la procédure en cours, l’administrateur et le représentant des créanciers. La loi

du 13 juin 1967 avait limité dans le temps le droit d’agir du bailleur, mais une telle disposition

ne fut pas reprise par la loi de 1985 du moins pour le redressement judiciaire car dans le cadre

de la liquidation judiciaire, cette même action en résiliation est enfermée dans un délai de

trois mois à compter du jugement d’ouverture103 afin d’éviter, dans la perspective d’une

cession éventuelle qu’un contrat en cours ne soit résilié trop tardivement.

Pour être complet, il faut préciser que certains auteurs se refusent à reconnaître au bailleur

un tel droit à résiliation pour des causes autres que le non-paiement des loyers antérieurs au

jugement d’ouverture. Se fondant sur l’article 37 alinéa 5 de la loi de 1985 qui dispose : « le

cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur

d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture », ces auteurs en déduisent que le bailleur

ne pourrait ni poursuivre ni introduire une demande en résiliation judiciaire pour une cause

antérieure à l’ouverture de la procédure et ce quelle que soit la nature du manquement dont il

est question.

Or, une telle opinion est contestable eu égard à la dernière phrase de l’article 37 alinéa 5

qui précise : « le défaut d’exécution de ses engagements n’ouvre droit au profit des créanciers

qu’à déclaration au passif ». L’article 37 ne vise, ainsi, que les défauts d’exécution qui

peuvent donner lieu à une déclaration au passif conformément à l’article 50 de la loi de 1985

c’est-à-dire des défaillances exclusivement pécuniaires. Dès lors, les causes de résiliation

autre que le non-paiement des loyers et charges sont exclues du champ d’application de

l’article 37 alinéa 5.

Si la résiliation pour des causes autres que le non-paiement des loyers peut être judiciaire,

il ne faut pas oublier qu’elle peut également résulter de la mise en jeu d’une clause

résolutoire. Dans ce cas, les règles applicables à la clause résolutoire visant le non-paiement

des loyers et des charges ne seront pas intégralement transposables. Effectivement, même si le

bail n’est pas résilié au jour du jugement d’ouverture, le bailleur pourra introduire ou

103 art. 153-3 al. 4

-65-

poursuivre une action en justice tendant à la constatation de la résiliation conventionnelle

pour toute défaillance antérieure au jugement d’ouverture autre que le défaut de paiement

d’une somme d’argent.

Toutefois, il existe une constante entre la clause résolutoire pour non-paiement des loyers

et des charges et celle relative aux causes autres que le non-paiement d’une somme d’argent :

la résiliation est définitivement acquise que suite à une décision ayant autorité de chose jugée

constant le jeu de ladite clause. Dès lors, elle pourra être remise en cause par le preneur

jusqu’à cette date.

En conséquence, la rupture du contrat de bail pour des causes autres que le non-paiement

des loyers et des charges est l’une des rares hypothèses où le bailleur va pouvoir utiliser avec

une certaine liberté son droit de résilier. Dans les autres cas c’est-à-dire lorsque les

défaillances du débiteur antérieures au redressement judiciaire ont un caractère pécuniaire, le

droit de résilier du bailleur est paralysé. Ce « gel » du droit à résiliation est une fois encore,

justifié par l’esprit de la loi de 1985. Cependant, la situation du bailleur devient plus

confortable lorsqu’il évoque une inexécution par le preneur des obligations liées à une

occupation postérieure à l’ouverture de redressement judiciaire.

-66-

CHAPITRE II : LA RESILIATION POUR DES CAUSES POSTERIEURES AU

JUGEMENT D’OUVERTURE

Comme il l’a été mainte fois rappelé, la loi du 25 janvier 1985 a pour finalité première de

sauvegarder l’entreprise en difficulté. Un tel objet a nécessairement conduit le législateur à

restreindre les droits du créancier et particulièrement du bailleur compte tenu de l’importance

du contrat de bail pour le redressement de l’exploitation. Ainsi, le bailleur voit ses droits

doublement limités : non seulement il subit les restrictions similaires à tous les créanciers :

suspension des poursuites individuelles, déclaration de créance…mais en plus, il est soumis

au régime d’exception de l’article 38.

La loi du 10 juin 1994, qualifiée communément de « loi de restauration des droits des

créanciers », a rendu la situation du débiteur plus confortable en lui permettant d’exiger le

paiement au comptant des loyers du contrat continué, d’une part, et en l’autorisant à introduire

un action en résiliation du bail en cas de non-paiement des loyers postérieurs au jugement

d’ouverture de la procédure collective, deux mois après ledit jugement, d’autre part.

En effet, l’article 38 - qui instaure le régime spécial du bail des immeubles affectés à

l’activité de l’entreprise - dans son alinéa 1er dispose :

« à compter du jugement d’ouverture, le bailleur peut demander la résiliation judiciaire

ou la résiliation de plein droit du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise

pour défaut de paiement des loyers et des charges afférent à une occupation postérieure

audit jugement . Cette action ne peut être introduite moins de deux mois après le jugement

d’ouverture » .

-67-

Alors que l’article 37 alinéa 5 restreint le droit à résiliation du bailleur pour des causes

antérieures à l’ouverture de la procédure, l’article 38 restaure son droit, pour l’avenir.

Dorénavant, le bailleur pourra résilier le contrat de bail pour des causes postérieures au

jugement d’ouverture c’est-à-dire non seulement pour les manquements du preneur à ses

obligations postérieures au jugement d’ouverture mais également pour les manquements qui

ont débutés avant celui-ci et se sont poursuivis par la suite104. Cependant, ce droit à résiliation

offert au bailleur est doublement limité. D’une part, l’article 38 alinéa 2 prévoit purement et

simplement une exception à la faculté pour le bailleur de résilier le bail pour des causes

postérieures en disposant :

« nonobstant toute clause contraire, le défaut d’exploitation pendant la période

d’observation dans un ou plusieurs immeubles loués par l’ entreprise n’entraîne pas

résiliation du bail ».

D’autre part, l’article 38 prévoit un tempérament à cette faculté de résiliation puisque le

bailleur ne pourra agir en résiliation pour défaut de paiement des loyers et des charges qu’à

l’expiration d’un délai de deux mois après l’ouverture de la procédure collective.

Outre ces conditions de mise en œuvre ( II ), l’article 38 de la loi de 1985 pose une autre

difficulté, qui a généré de nombreuses controverses doctrinales à savoir la compatibilité entre

le régime général des contrats en cours (article 37) et le régime spécial du bail commercial

(article 38) ( I ).

I.Les articles 37 et 38 de la loi de 1985 : cumul ou autonomie ?

Le moins que l’on puisse dire c’est que le problème lié à la conciliation des articles 37 et

38 de la loi de 1985 a fait couler beaucoup d’encre et la loi du 10 juin 1994 n’a pas mis un

terme à un problème qui reste entier : le régime spécial du bail d’ immeuble affecté à l’activité

de l’entreprise doit-il se cumuler ou se démarquer du régime général des contrats en cours ?

Les débats doctrinaux se sont cristallisés, en fait, autour de l’alinéa 3 de l’article 37 ; il est

vrai que les deux premiers alinéas ne prêtent guère à de longues discussions. Le mécanisme

général de l’option de l’article 37 alinéa premier avec ou sans mise en demeure adressée par

le bailleur à l’administrateur s’applique à tous les contrats en cours au jour de l’ouverture du 104 Garbit, Baux commerciaux, op.cit., n° 1160

-68-

redressement judiciaire et par voie de conséquence, au contrat de bail. Il ne saurait être

question de ne pas soumettre le bail commercial à l’option de l’administrateur ; d’autant plus

que ledit contrat a un rôle capital à jouer dans le redressement de l’entreprise en difficulté.

Dès lors, admettre que l’article 37 alinéa premier s’applique au contrat de bail emporte

une conséquence inéluctable : l’article 37 alinéa 2 qui précise les modalités d’application de

l’alinéa premier à savoir le paiement comptant et l’obligation de prévisibilité raisonnable régit

également la question. Si la doctrine semble être unanime sur l’application des deux premiers

alinéas105, les divergences se sont multipliées sur la question de la sanction consécutive au

non-respect par le mandataire de justice de ses obligations. L’article 37 alinéa 3 dispose , en

effet , qu’ « à défaut de paiement dans les conditions définies à l’alinéa précédent et d’accord

du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles, le contrat est résilié de plein

droit » conformément aux modalités prévues par l’article 61.1 du décret du 27 décembre

1985 qui attribue compétence au juge commissaire pour constater et dater cette résiliation « à

la demande de tout intéressé » . La question posée par cet alinéa est simple - la réponse l’est

moins - : le bailleur peut-il se prévaloir de ce mode de résiliation ou son droit de résilier est-il

cantonné au régime spécifique institué par l’article 38 ? Les deux thèses ont été soutenues.

La doctrine dominante106 soutient que l’article 38 et l’article 37 doivent s’appliquer

cumulativement. À l’appui d’un tel raisonnement, les auteurs invoquent l’article 37 in fine qui

dispose : « les dispositions du présent article ne concerne pas le contrat de travail » . Ce texte

n’exclut donc pas expressément le contrat de bail ; or, si le législateur a pris le soin de

mentionner que le contrat de travail n’était pas régi par l’article 37, pourquoi n’en aurait-il pas

fait de même pour le bail commercial. De plus, lorsque l’article 37 se réfère au

« cocontractant du débiteur », il ne différencie pas les cocontractants « ordinaires » du

bailleur107 ; dès lors, comme le souligne l’adage il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne

distingue pas.

105 contra : Auque, Le bail commercial n’est pas un contrat comme les autres ( Articles 37 et 38 de la loi du 25 janvier 1985), op. cit. 106 Boccara, Procédures collectives et contrats en cours : la loi de réforme du 10 juin 1994, op.cit. ; Monéger, Baux commerciaux et réforme du droit des entreprises en difficulté, op.cit. ; Grundeler, La résiliation du bail commercial en cas de redressement ou de liquidation du locataire, op.cit. ; Gallet, Bail commercial et redressement ou liquidation judiciaire du preneur : la nouvelle donne après les lois des 10 juin et 8 août 1994, op .cit. 107 Grundeler, La résiliation du bail commercial en cas de redressement ou de liquidation du locataire, op.cit.

-69-

Un tel raisonnement ne fait pas l’unanimité. En effet, une opinion divergente108 -

minoritaire mais avec des arguments de poids - prône l’autonomie du régime spécial du bail

commercial sur le régime général des contrats en cours. Pour ces auteurs, admettre le cumul

des articles 37 et 38 conduirait à réduire considérablement le champ d’application de l’article

38, pour en faire « un régime purement résiduel » 109. Effectivement, l’article 38 deviendrait

inapplicable chaque fois que l’échéance du loyer interviendrait moins de deux mois après le

jugement c’est-à-dire durant la période pendant laquelle le bailleur est privé du droit à

résiliation qui lui est offert par l’article 38. Ainsi, la thèse du cumul permettrait au bailleur de

saisir le juge-commissaire110 pendant les deux premiers mois après l’ouverture de la

procédure collective pour faire constater la résiliation de plein droit du contrat de bail alors

même que la suspension du droit à résiliation du bailleur pendant cette période est l’une des

spécificités récurrentes du régime spécial du contrat de bail. De plus, l’article 61.1 du décret

du 27 décembre 1985 précise qu’il appartient au juge-commissaire de constater « à la

demande de tout intéressé » ; or, cette formule ne concernerait pas le bailleur, qui ne pourrait

se prévaloir du régime simplifié de résiliation. Ainsi, le bailleur serait soumis exclusivement

au régime de l’article 38 de la loi de 1985 conformément à l’adage specialia generalibus

derogant et l’article 61.1 du décret - simple texte de procédure - ne saurait « commander le

champ d’application d’une loi »111. Enfin, la décision rendue par le Tribunal de commerce de

Paris112 renforce cette thèse de l’autonomie de l’article 38 en mettant en exergue que le

contrat de bail ne peut pas être assimilé à un contrat en cours « ordinaire » . Ce jugement

déboute des bailleurs de leur recours contre une ordonnance du juge-commissaire qui avait

rejetée leur demande en résiliation du bail commercial sur le fondement de l’article 37 alinéa

3. Les motifs des juges sont des plus explicites et témoignent d’un souci quasi-pédagogique:

« la création d’un cas nouveau de résiliation de plein droit au bénéfice du bailleur conduirait

à écarter l’application à un cas de résiliation pour faute de l’article 25 du décret de 1953 sur

les baux commerciaux qui relève de l’ordre public de protection… Si tel avait été l’intention

du législateur, il l’aurait clairement manifesté dans une disposition nette ou, à tout le moins,

cette intention aurait était affirmée à l’occasion des débats et travaux préparatoires… Il est

108 Pédamon, Les incidences de la loi du 10 juin 1994 sur le bail à usage commercial, op.cit. ; Vallens, Bail commercial et redressement judiciaire : la résiliation du bail commercial après la loi du 10 juin 1994, JCP éd. E 1996, I, n°536 ; Auque, Le contrat de bail n’est pas un contrat comme les autres, op.cit. 109 Auque, Le contrat de bail n’est pas un contrat comme les autres, op.cit. 110 article 61.1 D. 27 décembre 1985 111 Garbit, Baux commerciaux, op. cit.,n° 1172 112 T. com. Paris, 18 juin 1996, Juris - Data n° 043303

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fondé de considérer que le législateur n’a pas voulu bouleverser l’état du droit antérieur en

créant un cas nouveau de résiliation » .

En conséquence, même si le contrat de bail n’est pas expressément exclu du bénéfice de

l’article 37 comme c’est le cas du contrat de travail, il n’en restait pas moins que l’article 38

est un texte dérogatoire. Aussi, les dispositions spéciales de ce texte doivent l’emporter sur le

régime général des contrats en cours conformément au principe d’interprétation specialia

generalibus derogant. À défaut, l’article 38 perdrait toute utilité et pourrait purement et

simplement être supprimé ; or, ce n’est pas prendre beaucoup de risques que d’affirmer que

tel n’était pas le souhait du législateur lorsqu’il a institué ce régime.

II.Les spécificités du régime spécial du bail commercial ( l’article 38 de la loi du 25 janvier 1985)

Si la loi du 25 janvier 1985 paralyse le droit à résiliation du bailleur pour des causes

antérieures au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, elle réglemente, en revanche,

l’avenir. Ainsi, en cas de non-paiement des loyers et des charges postérieures à l’ouverture de

la procédure, il pourra intenter une action en résiliation du bail commercial pour manquement

du preneur à ses obligations. Cette faculté de résiliation du bailleur est régie par l’article 38 de

la loi de 1985 qui dispose :

« à compter du jugement d’ouverture, le bailleur peut demander la résiliation judiciaire

ou la résiliation de plein-droit du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise

pour défaut de payement des loyers et des charges afférent à une occupation postérieure

audit jugement. Cette action ne peut être introduite moins de deux mois après le jugement

d’ouverture. Nonobstant toute clause contraire, le défaut d’exploitation pendant la

période d’observation d’un ou plusieurs immeubles loués par l’entreprise n’ entraîne pas

résiliation » .

Force est de constater que si cet article restaure le droit pour le bailleur d’introduire une

action en justice aux fins de résilier le bail commercial, ce droit est à la fois limité et tempéré.

Cependant, l’insigne avantage de ce nouvel article 38 de la loi de 1985 tel que modifié par la

loi du 10 juin 1994 est de mettre un terme à toute une série de controverses doctrinales qui

s’étaient développées sous l’empire de l’ancienne législation. Aussi, avant même de nous

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attacher aux conditions de mise en œuvre de ce nouvel article 38 ( §2 ), il conviendra de voir

dans quelle mesure ce nouvel article est venu clarifier la situation antérieure ( § 1 ).

§ 1 :Le régime antérieur à la loi du 10 juin 1994: une jurisprudence contestée et contestable

Avant la loi du 10 juin 1994, le régime spécial du bail commercial prévu par l’article 38

était formulé de la manière suivante :

« le bailleur ne peut introduire ou poursuivre une action en résiliation du bail des

immeubles affectés à l’activité de l’entreprise pour défaut de paiement des loyers que s’il

s’agit des loyers échus depuis plus de trois mois après le jugement d’ouverture du

redressement judiciaire ».

Ce texte avait posé une double difficulté : d’une part, quant au sens de la formule « introduire

ou poursuivre » ( A ) et d’autre part, quant critère préalable auquel l’action en résiliation du

bail est suspendu : devait-on prendre en compte la jouissance effective des locaux ou la date

d’exigibilité des loyers ( B ).

A.La résiliation pour défaut de paiement des loyers et des charges antérieures au jugement d’ouverture : mythe ou réalité ?

L’article 38 prévoyait un « délai de grâce » de trois mois pendant lequel le bail se

poursuivait sans que le bailleur puisse opposer au locataire un manquement à ses obligations.

Au terme de cette période, le bailleur retrouvait la plénitude de ses prérogatives et pouvait

agir en résiliation. Sur ce point précis, la doctrine s’était divisée. Cette action pouvait-elle

exclusivement être fondée sur le défaut de paiement des loyers échus postérieurement à

l’ouverture de la procédure collective ou conformément au terme « poursuivre » mentionné à

l’ancien article 38, le défaut de paiement des loyers et des charges antérieures au jugement

d’ouverture du redressement judiciaire pouvait être une cause de résiliation ? Cette question a

généré une multiplication des controverses doctrinales, somme toute justifiées par la rédaction

de l’article 38 alinéa premier.

-72-

D’un côté, M. Boccara113, au terme d’une analyse particulièrement développée, soutenait

que l’article 38 était parfaitement clair et autorisait le bailleur - une fois le délai de trois mois

écoulé - non seulement à introduire mais également à poursuivre une action en résiliation. Or,

au titre des actions susceptibles d’être poursuivies, seules peuvent être concernées « les

actions qui étaient pendantes à la date du jugement d’ouverture » c’est-à-dire qui avaient

pour fondement des causes de résiliation antérieures à l’ouverture de la procédure collective.

En effet, d’une part, ces loyers antérieurs à l’ouverture de la procédure collective étaient

échus depuis plus de trois mois et d’autre part, l’article 47 de la loi de 1985 ne saurait être

applicable au régime spécialement réglementé par l’article 38, conformément à l’opinion de

l’auteur. Ainsi, cet article 38 alinéa premier instaurerait un régime dérogatoire de résiliation

par rapport à l’article 37 de la loi de 1985.

Une opinion divergente114 soutenait, au contraire, que seul le défaut de paiement des

loyers postérieurs au jugement d’ouverture pouvait justifier cette action en résiliation. Il ne

saurait être question d’admettre que l’article 38 déroge à l’article 47 dans la mesure ou rien de

tel n’est expressément envisagé par cette première disposition. De plus, admettre la résiliation

du bail commercial pour des causes antérieures au jugement d’ouverture contreviendrait à la

finalité de la loi puisque dès l’expiration du délai de trois mois, le bailleur pourrait introduire

une action en résiliation du contrat continué et ruiner, ainsi, toutes chances pour

l’administrateur de sauver l’entreprise. Cependant, ces auteurs admettaient que le terme

« poursuivre » était maladroit. Aussi, par souci de cohérence, appelaient-ils de leurs vœux

qu’il soit supprimé de l’article 38 alinéa 1er.

Face à de telles incertitudes et compte tenu de leurs incidences pratiques, l’intervention de

la Cour de cassation était attendue. Ainsi, la chambre commerciale est-elle venue préciser le

sens et la portée de l’article 38 alinéa premier et clarifier la situation antérieure en décidant

que : « le bailleur peut, à l’expiration du délai de trois mois suivant le jugement qui a ouvert

le redressement judiciaire, agir en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers qui

sont échus postérieurement à l’ouverture de la procédure collective »115. Cette jurisprudence

a été confirmée par la Haute juridiction de manière explicite : « les dispositions de l’article 38

alinéa 1er de la loi du 25 janvier 1985, qui ne permettent au bailleur d’exercer l’action en

113 Baux commerciaux et redressement judiciaire : le refus de l’article 38, JCP éd. G 1991, II, n°3518 114 Bihr, Redressement judiciaire et résiliation du bail commercial pour défaut de paiement du loyer ( controverse à propos de l’article 38 de la loi du 25 janvier 1985), Defrénois 1989, art. 34387 115 cass.com., 17 oct. 1989, Defrénois 1990, art. 34801, note Bihr

-73-

résiliation du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise pour défaut de paiement

des loyers que s’il s’agit des loyers échus depuis plus de trois mois après le jugement

d’ouverture s’appliquent aux seuls loyers échus postérieurement à l’ouverture de la

procédure collective, à l’exclusion des loyers antérieurs à cette ouverture, le non-paiement de

ceux-ci n’ouvrant droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif »116 .

Une telle solution n’était, certes, pas en stricte conformité avec la lettre de l’article 38

alinéa premier mais elle avait le mérite d’être cohérente. En effet, il était inconcevable que le

législateur de 1985 ait voulu à ce point privilégier le bailleur en lui permettant d’introduire

une action en résiliation pour des causes antérieures à l’ouverture du redressement judiciaire

et ce alors même que les autres créanciers ne pourraient se prévaloir d’une telle action et

devraient se contenter d’une déclaration au passif pour les sommes qui leurs sont déjà dues.

Toutefois, une réforme législative apparaissait nécessaire soit pour infirmer la position de

la Cour de cassation soit pour la confirmer en supprimant définitivement le mot

« poursuivre » afin de lever toute ambiguïté sur l’article 38 alinéa premier. Le législateur de

1994 en réformant cette disposition a dissipé les zones d’ombre sur la question.

B.La condition préalable à l’exercice de l’action L’introduction de l’action en résiliation du bailleur nécessitait, au préalable, que les loyers

« soient échus depuis plus de trois mois » après l’ouverture de la procédure. Malgré

l’apparente clarté du texte, la doctrine s’était interrogée sur le sens à donner à cette formule :

devait-on prendre en compte la période de jouissance effective des locaux ou plutôt la date

d’exigibilité des loyers ? Les solutions retenues sont différentes si l’on se place dans l’une ou

l’autre de ces hypothèses. Si par exemple, les loyers trimestriels sont payables le 1er janvier

pour la période de janvier-mars et que la procédure est ouverte le 3 janvier, les loyers courus à

partir du 3 janvier doivent être payés et peuvent fonder une action en résiliation si on se place

dans l’hypothèse où l’on retient la jouissance effective des locaux. Par contre, dans le second

cas de figure, seuls les loyers échus après le 3 janvier pouvaient fonder une action en

résiliation : dans un tel cas, le bailleur pouvait attendre jusqu’à six mois pour introduire

l’action.

116 cass.com., 3 nov. 1992, JCP éd. G 1993, II, n° 22117, note Boccara

-74-

Certains auteurs117 soutenaient que la distinction entre loyers stipulés ou non d’avance

n’influait pas sur le champ d’application de l’article 38 puisque le terme échu semble se

référer à la date d’exigibilité des loyers . Dès lors, il suffit « qu’aucun règlement ne soit établi

pendant le délai imparti » pour que le bailleur puisse introduire son action en résiliation à

l’expiration dudit délai. La Cour de cassation , quant à elle, avait exigé que les loyers soient

échus depuis trois mois au moins118 Il aura fallu attendre un arrêt du 14 juin 1994 pour voir la

Cour de cassation adopter une position en conformité avec l’esprit de l’article 38 : « dès lors

que le défaut de paiement du loyer payable d’avance, échu avant le jugement, couvrait pour

partie une période de jouissance postérieure à ce jugement, l’action du bailleur en résiliation

exercée au moins trois mois après celui-ci était recevable »119.

Une telle jurisprudence fut consacrée par l’article 38 de la loi du 10 juin 1994, qu’il

convient d’analyser plus précisément à présent.

§ 2 : Le nouvel article 38 : un renforcement des droits du bailleur

La loi du 10 juin 1994 n’a modifié ni le champ d’application du texte ni son fondement.

L’objectif poursuivi par le législateur est le même qu’en 1985 : il a voulu éviter que le bailleur

ne poursuive immédiatement le preneur en paiement des loyers arriérés alors même que ce

dernier est dans une situation financière délicate. En effet, au lendemain de l’ouverture du

redressement judiciaire, la surface financière du débiteur est des plus limitée. Or, admettre

l’exercice d’une action en résiliation du bail commercial dès l’ouverture de la procédure

compromettrait lourdement toute perspective de redressement du locataire d’où cette période

de répit. La réforme de 1994 a consolidé le droit à résiliation du bailleur en réduisant le délai

d’attente avant l’introduction de l’action à deux mois, d’une part, et en prenant en compte

uniquement la période de jouissance locative et non plus les échéances des loyers comme

critère préalable à l’exercice de l’action en résiliation, d’autre part. Cependant, ce droit de

résilier du bailleur connaît un tempérament lorsqu’il se prévaut du non-paiement des loyers ou

des charges ( A ) et une exception dans l’hypothèse du défaut d’exploitation de l’immeuble

loué pendant la période d’observation ( B ).

117 notamment Soinne, Traité de procédures collectives, n° 1368 118 cass.com., 2 nov. 1993, JCP éd. E 1994, pan.13, p. 5 119 cass.com., 14 juin 1994, D. 1995, jur., p. 105, note Derrida

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A.Le tempérament à la liberté de résilier du bailleur

L’action en résiliation du bail des immeubles « affectés à l’activité de l’entreprise »

prévue par l’article 38 vise uniquement le « défaut de paiement des loyers et des charges

afférent à une occupation postérieure audit jugement ». Dès lors, il conviendra de s’attacher

au sens que revêt les termes « affectés à l’activité de l’entreprise » et « afférent » afin de

déterminer le champ d’application de l’article 38 alinéa 1er ( 1 ). Puis, la signification de ce

texte devra être précisé au regard des conditions d’exercice de l’action en résiliation qu’il

instaure ( 2 ).

1.Le champ d’application de l’article 38 alinéa 1er

Rares sont les mots qui ont dû créer une telle polémique en droit des procédures

collectives : l’orthographe du mot « afférent » a fait naître des controverses doctrinales dont le

législateur n’aurait pu soupçonner l’existence lors de l’élaboration de la loi du 10 juin 1994

( b ). La formule « affectés à l’activité de l’entreprise », quant à elle, mérite également des

éclaircissements, bien qu’elle ait généré moins de difficulté d’interprétation que la précédente

( a ).

a. Les baux visés

L’article 38 évoque tantôt le bail des immeubles « affectés à l’activité de l’entreprise »

(alinéa 1) tantôt « un ou plusieurs immeubles loués par l’entreprise » (alinéa 2). Ces deux

formules doivent recevoir une interprétation similaire. Sous l’empire de la loi de 1967,

l’article 52 concernait le bail des immeubles « affectés à l’activité professionnelle du débiteur

y compris des locaux qui dépendent de ces immeubles servant à l’habitation du débiteur ou de

sa famille ». Désormais, de tels locaux ne relèvent plus de l’article 38. Cependant, pour être

précis, il faut noter que si un seul contrat de bail a été établi à la fois pour la partie de

l’immeuble à usage commercial et pour celle à usage personnel, il n’est pas question

d’appliquer deux régimes différents, tous ces lieux seront soumis aux mêmes règles120. En

conséquence, par « immeubles affectés à l’activité de l’entreprise » , l’article 38 entend le bail

de l’immeuble où s’exerce l’activité du commerçant, de l’artisan, de l’agriculteur, d’une

personne exerçant une profession libérale ou encore de toute personne morale en difficulté.

120 Soinne, op.cit., n°1367

-76-

Par contre, la chambre commerciale de la Cour de cassation exclue du bénéfice de

l’article 38 le crédit-bail en décidant qu’il ne pouvait être assimilé à un contrat de bail et que,

dès lors, l’article 25 du décret du 30 septembre 1953 relatif aux baux commerciaux et l’article

38 de la loi du 25 janvier 1985 ne lui étaient pas applicables121.

Enfin, cette disposition n’est pas applicable au refus de renouvellement du bail puisque le

texte vise expressément le cas de résiliation.

b. Un mot bien singulier : l’adjectif « afférent » contenu dans l’article 38 de la loi du 25 janvier

1985

L’adjectif « afférent » figurant dans l’article 38 de la loi du 25 janvier 1985 a été

orthographié au singulier dans la version de la loi parue au journal officiel. Pourtant, dans de

nombreuses chroniques, certains auteurs - corrigeant ce qu’ils considéraient comme une

erreur rédactionnelle du législateur - emploient le terme au pluriel. Une telle rectification n’est

pas anodine. En effet , si l’ adjectif « afférent » est au singulier, il vise le défaut de paiement

qui est afférent tandis que si l’adjectif est au pluriel, il concerne les loyers et les charges qui

sont afférents.

Si l’on s’en tient à la lettre du texte en retenant que c’est le défaut de paiement qui est

afférent à l’occupation postérieure, l’action en résiliation du bailleur ne pourra avoir pour

fondement que le non-paiement des loyers et des charges exigibles après le jugement. Par

contre, si l’on admet la version plurielle du terme « afférent » , la résiliation du bail

commercial devient possible dès lors que le défaut de paiement des loyers et des charges a

trait à une occupation postérieure des locaux. La doctrine dominante se rallie à une telle

conception même si elle n’est pas en adéquation avec une lecture littérale de l’article 38 où l’

adjectif « afférent » est au singulier. Ainsi, M. Pédamon122 affirme : « par faveur pour les

intérêts du bailleur, il (le nouvel article 38 alinéa premier) l’autorise à demander la

résiliation judiciaire ou la résiliation de plein droit du bail… pour défaut de paiement des

loyers et des charges afférents à deux mois d’occupation postérieure au jugement de

redressement judiciaire. Désormais, seule la période de jouissance locative est prise en

considération. Dès lors qu’elle a duré deux mois, qu’elle se situe après l’ouverture de la

121 cass. com., 11 mars 1997 : Dr. sociétés 1997, n° 82, obs. Chaput 122Les incidences de la loi du 10 juin 1994 sur le bail à usage commercial, op.cit.

-77-

procédure et que les loyers correspondants n’ont pas été acquittés, quelle que soit la date à

laquelle ils sont devenus exigibles, le bailleur est en droit d’agir ». Une telle opinion pourrait

se justifier par l’adage « l’erreur est humaine » et dès lors, le législateur n’est jamais à l’abri

d’une faute d’orthographe. D’autant plus que lors des travaux préparatoires, le terme

« afférent » fut utilisé au pluriel à de nombreuses reprises123. Tous les auteurs n’ont pas été

pleinement satisfaits par cette thèse et une partie - minoritaire - d’entre eux124 a objecté qu’

admettre la version plurielle de l’adjectif contreviendrait à certaines dispositions de la loi du

25 janvier 1985 notamment à l’article 33 relatif à l’interdiction de payer toute créance née

antérieurement au jugement d’ouverture et à l’article 47 sur la suspension des poursuites

individuelles. Aussi, dans le cas de loyers payables d’avance, la créance de loyers est née

antérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire et ne peut, dès lors,

donner naissance à une action en justice. Une telle analyse appelle une objection dans la

mesure où l’on peut soutenir qu’une créance de loyer est postérieure à l’ouverture de la

procédure collective à partir du moment où elle concerne une occupation postérieure au

jugement. Ainsi, même si le fait générateur de la créance à savoir la jouissance des locaux est

postérieure à son exigibilité, celui-ci doit être considéré comme la date de naissance de la

créance : « le payement n’est qu’une modalité d’exécution de l’obligation. Celle-ci née de la

jouissance »125. Par conséquent, le bailleur peut intenter une action en résiliation pour les

loyers impayés afférents à cette période de deux mois même si les loyers sont payables

d’avance. Bien qu’une telle analyse ne soit pas strictement compatible avec le terme

« afférent » orthographié au singulier, il n’en reste pas moins qu’elle est en conformité avec la

jurisprudence antérieure126 et avec les dispositions de la loi du 25 janvier 1985127. Enfin,

soulignons pour être complet, que l’article 38 ne vise que le non-paiement des loyers et des

charges ; aussi, le bailleur ne sera pas tenu au respect du délai de deux mois pour agir en

résiliation dans l’hypothèse où le preneur se serait rendu responsable d’un manquement autre

à ses obligations : défaut d’entretien des lieux loués… En effet, hormis le cas du non-

paiement des loyers et des charges, le bailleur conserve tous ses moyens d’action à la fois

contractuels et légaux pour sanctionner le comportement fautif du locataire postérieurement

au jugement d’ouverture.

123 Déb. Ass. Nat., 1° séance, 24 nov. 1993, JO, p.6260 124 Raffin et Roziau, Parfois le pluriel…est bien singulier. Observations afférentes…à l’adjectif afférent contenu dans le texte de l’article 38 de la loi du 10 juin 1994, JCP éd.E 1996,I, n° 518 125 Saint-Alary-Houin, La résiliation du bail commercial, op.cit., n° 18 126 cass.com., 14 juin 1994, op.cit. 127 Vallens, Bail commercial et redressement judiciaire : la résiliation du bail commercial après la loi du 10 juin 1994, op.cit.

-78-

2.Les conditions de mise en œuvre de l’article 38

L’article 38 alinéa premier tel qu’il résulte de la réforme de 1994 précise qu’ :

« à compter du jugement d’ouverture, le bailleur peut demander la résiliation judiciaire

ou la résiliation de plein droit du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise

pour défaut de payement des loyers et des charges afférent à une occupation postérieure

audit jugement. Une telle action ne peut être introduite moins de deux mois après le

jugement d’ouverture » .

Ainsi, la résiliation fondée sur l’article 38 de la loi de 1985 peut être judiciaire conformément

à l’article 1184 du Code civil ou de plein droit c’est-à-dire consécutive à la mise en jeu de la

clause résolutoire prévue au contrat, seule cette forme de résiliation pose véritablement

problème ( b ). Cependant, dans un cas comme dans l’autre, l’introduction de l’action est,

d’une part, conditionnée par le défaut de paiement correspondant à l’occupation des lieux

loués postérieurement au jugement d’ouverture ( a ) et d’autre part, subordonnée au délai

d’attente de deux mois ( c ).

a. La nouvelle condition préalable à l’introduction de l’action en résiliation : l’occupation des

lieux loués

La nouvelle rédaction de l’article 38 vient mettre un terme aux hésitations antérieures

puisque désormais le bailleur pourra agir en résiliation du bail commercial pour le non-

paiement des créances nées après le jugement d’ouverture même si la créance correspondant à

une occupation postérieure est échue antérieurement audit jugement. Dès lors, il convient de

distinguer si le loyer est ou non payable d’avance.

��S’il est payable à terme échu et trimestriellement, supposons que le jugement

d’ouverture intervient le 1er avril, pour la période février-avril, les loyers de février-

mars devront faire l’objet une déclaration de créance tandis que le mois d’avril

bénéficiera du privilège de l’article 40. Le loyer du mois d’avril pourra faire l’objet

d’une procédure en résiliation dès le 1er juin c’est-à-dire après l’écoulement du délai

d’attente de deux mois.

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��Dans la même hypothèse, si les loyers sont payables d’avance, une fois encore, seul

le mois d’avril sera réglé au titre de l’article 40. Le bailleur pourra agir en résiliation

pour défaut de paiement du loyer du mois de mars dès le 1er juin.

Ces deux exemples témoignent du fait que le régime institué par l’article 38 est identique

que le loyer soit à terme échu ou à échoir.

b..La résiliation de plein-droit du bail commercial est-elle autonome par rapport au décret du 30

septembre 1953?

Outre la résiliation judiciaire, le bailleur peut invoquer la clause résolutoire stipulée dans

le contrat de bail pour fonder son action en résiliation. Cette faculté offerte au bailleur a fait

couler beaucoup d’encre : cette résiliation conventionnelle est-elle appelée à jouer

automatiquement ou doit-elle respecter les modalités fixées par le décret du 30 septembre

1953 ? En d’autres termes, l’article 38 de la loi du 25 janvier 1985 est-il ou non autonome par

rapport à l’article 25 du décret de 1953 ?

Pour appuyer la thèse de l’autonomie, il serait possible d’avancer l’article 61.1 du décret

du 27 décembre 1985 tel qu’il résulte du décret du 21 octobre 1994 qui précise:

« le juge-commissaire constate à la demande de tout intéressé la résiliation de plein-droit

des contrats dans le cas prévus au premier et troisième alinéas de l’article 37 et à

l’article 38 » .

Or, précédemment, le bailleur devait saisir le juge des référés, un mois après la délivrance

d’un commandement de payer - resté infructueux - au bailleur afin qu’il constate le jeu de la

clause résolutoire. Ce même magistrat était également en mesure d’accorder des délais de

grâce conformément à l’article 1244.1 du Code civil. Le décret de 1994, en attribuant au juge-

commissaire le pouvoir de constater la résiliation de plein droit du contrat de bail remettrait-il

en cause cette situation en évinçant le statut protecteur des baux commerciaux128. Si tel était le

cas, il faudrait en déduire que l’article 38 est une dérogation légale à l’article 25 du décret du

128 Pédamon, Les incidences de la loi du 10 juin 1994 sur le bail à usage commercial, op.cit.

-80-

30 septembre 1953 qui exonérerait le bailleur des formalités prévues pour la mise en jeu de

la clause résolutoire129.

Cependant, la solution inverse doit être retenue. Tout d’abord, il serait contraire à l’esprit

de la loi de 1985 de concevoir que le législateur ait voulu priver l’entreprise en difficulté du

bénéfice du statut protecteur des baux commerciaux à un moment où il a un rôle majeur à

jouer dans le redressement de l’exploitation. À ce titre, d’ailleurs, les travaux préparatoires de

la loi de 1994 étaient clairs : la résiliation du bail des immeubles affectés à l’activité de

l’entreprise doit intervenir « sans préjudice de l’application de l’article 25 du décret sur les

baux commerciaux ou de l’article 1244 du Code civil qui permet en tout état de cause

d’accorder des délais »130 . De plus, comme le souligne C. Saint-Alary-Houin131, la règle en

matière de contrat continué est l’exécution dudit contrat dans les conditions initialement

prévues par les parties. Aussi, si l’une des parties manque à ses obligations, le droit commun

reprend son empire c’est-à-dire que le décret du 30 septembre 1953 a vocation à s’appliquer.

Par conséquent, afin que la clause résolutoire soit définitivement acquise, le bailleur devra

notifier au preneur un commandement de payer, attendre, d’une part, l’écoulement du délai

d’un mois rendant ledit commandement infructueux et, d’autre part, l’écoulement des délais

de grâce éventuellement accordés par le juge des référés. Quant à l’article 61.1 du décret du

27 décembre 1985 qui attribue compétence au juge-commissaire pour constater la résiliation

de plein-droit du contrat de bail, il sera appelé à jouer qu’à partir du moment où les modalités

prévues à l’article 25 du décret de 1953 seront respectées. En conclusion, le juge-commissaire

interviendra à la demande du bailleur lorsque :

��le locataire, après avoir reçu un commandement de payer visant la clause résolutoire, a

sollicité des délais de paiement qu’il n’a pas obtenu

��le locataire, après avoir reçu un commandement de payer visant la clause résolutoire, a

sollicité la suspension de la clause et obtenu des délais de paiement qu’il n’a pas

respecté

129 Brault, La résiliation du bail dans le cadre du redressement ou de la liquidation judiciaire, op.cit. 130 Intervention de Ph. Houillon, Déb. Ass . nat., 1°séance, 24 nov. 1993, J.O., p.6260 131 La résiliation du bail commercial, op.cit., n° 20

-81-

Toutefois, que ce soit dans le cadre de la résiliation conventionnelle ou de la résiliation

judiciaire, le bailleur ne sera autorisé à agir qu’une fois le délai de deux mois prévu à l’article

38 écoulé.

c. Un moratoire de deux mois pour le locataire en redressement judiciaire

Par faveur pour le bailleur, la loi du 10 juin 1994 a réduit le délai d’attente pour introduire

l’action en résiliation du bail commercial à deux mois au lieu de trois prévu initialement.

Passé ce délai, le bailleur pourra introduire l’action à condition que le défaut de paiement des

loyers échus depuis plus de deux mois après le jugement d’ouverture de la procédure

collective soit établi car il s’agit d’une condition de fond de la résiliation et non pas d’une

condition de recevabilité de l’action132.

Ce délai de deux mois - qui a pour point de départ le jugement d’ouverture du

redressement judiciaire - ne vise que la date d’introduction de l’action en résiliation du contrat

de bail. Par action en résiliation, il faut entendre en outre, « la signification d’une assignation

aux fins de résiliation judiciaire ou de constatation du jeu de la clause résolutoire »133 . Par

contre, la notification d’une mise en demeure avec jeu éventuel de la clause résolutoire

pendant cette période ne semble pas prohibée. En effet, l’article 38 interdisant toute

« action » en résiliation ne vise pas la signification par laquelle le bailleur demande au

locataire d’exécuter ses obligations. Ainsi, le délai d’un mois prévu par l’article 25 du décret

du 30 septembre 1953 commencera à courir pendant le délai d’attente de deux mois,

permettant éventuellement au bailleur d’introduire son action en constatation du jeu de la

clause résolutoire dès l’expiration dudit délai. Par ailleurs, on peut se demander si le

commandement visant la clause résolutoire signifiée avant le jugement d’ouverture produira

ses effets pour les loyers postérieurs. La réponse n’est pas clairement établie. Dès lors, il sera

plus prudent pour le bailleur de renouveler son commandement postérieurement au jugement

d’ouverture pour être certain qu’il sera valablement opposable aux organes de la procédure134.

D’autant plus que durant le délai d’attente de deux mois, le bailleur ne pourra introduire

aucune action en résiliation : il aura, donc, tout intérêt à renouveler son commandement

durant ce lapse de temps pour être certain de pouvoir agir en constatation du jeu de la clause

résolutoire après ce moratoire de deux mois. 132 cass.com., 2 nov. 1993, op. cit. 133 Boccara, Procédures collectives et contrats en cours : la loi de réforme du 10 juin 1994, op.cit. 134 Soinne, op.cit. n° 1368

-82-

Finalement, le répit accordé à l’entreprise en difficulté est de courte durée puisque passé

le délai de grâce de deux mois, le bailleur va retrouver la plénitude de ses droits. Or, si les

loyers sont payables d’avance - comme c’est le cas habituellement - et que le preneur n’a pas

honoré les échéances contractuelles antérieurement à l’ouverture de la procédure collective

pour une période de jouissance postérieure, le contrat de bail aura de grandes chances d’être

résolu.

Si le droit de résilier du bailleur pour défaut de paiement des loyers et des charges est

suspendu pendant deux mois uniquement, son droit de mettre un terme au contrat de bail pour

défaut d’exploitation des locaux est, quant à lui, paralysé pendant toute la période

d’observation, dérogeant de la sorte à la liberté de résilier du propriétaire des locaux affectés à

l’activité professionnelle.

B.La dérogation à la liberté de résilier du bailleur : le défaut d’exploitation des lieux loués L’article 38 dans son alinéa second interdit au bailleur, pendant toute la période

d’observation, de se prévaloir du défaut d’exploitation pour intenter une action en résiliation

du bail. Toute clause contraire - fréquemment stipulée dans un contrat de bail - sera privée

d’effet.

Le fondement d’une telle disposition relève de l’évidence. Durant la période

d’observation, la situation de l’entreprise débitrice est des plus précaire et il ne saurait être

question pour le bailleur de se prévaloir de la moindre interruption d’activité pour poursuivre

une action en résiliation du contrat de bail compromettant de la sorte toute perspective de

redressement.

L’article 38 alinéa second est une véritable entrave à la liberté de résilier du bailleur

puisqu’en droit commun, le défaut d’exploitation est considéré comme un motif grave et

légitime de résiliation ; l’obligation d’exploiter étant inhérent à la nature même du bail

commercial.

Ce droit de résilier est paralysé pendant toute la « période d’observation » c’est-à-dire

durant vingt mois maximum en régime général et huit en régime simplifié. on peut

s’interroger sur le point de savoir si le terme « période d’observation » doit être entendu au

-83-

sens strict excluant de la sorte la liquidation judiciaire. À l’appui de l’application de l’article

38 à la liquidation judiciaire, on peut soutenir que l’article 38 alinéa 1 est applicable durant

cette phase de la procédure, or, l’alinéa premier et second étant indissociables l’un de l’autre,

l’action en résiliation pour défaut d’exploitation ne saurait être poursuivie pendant la

liquidation judiciaire. De plus, c’est notamment en période de liquidation judiciaire que

l’article 38 alinéa second prend tout son sens car comme l’indique B. Soinne : « c’est

précisément lorsqu’il y a conversion en liquidation judiciaire qu’il est important de laisser au

liquidateur un certain délai sans exploitation pour lui permettre de procéder à la résiliation

du bail ». Enfin, l’article 153-3 alinéa 4 de la loi de 1985 est clair : « les dispositions de

l’article 38 sont applicables, que l’activité soit ou non poursuivie ». Comme il n’y a pas lieu

de distinguer où la loi ne distingue pas, l’alinéa second comme l’alinéa premier sera

applicable à la liquidation judiciaire.

Par conséquent, la faculté pour le bailleur de résilier le contrat de bail pour défaut

d’exploitation des locaux est suspendu pendant la période d’observation et la liquidation

judiciaire mais bien évidemment, toutes les autres fautes du locataire (excepté également le

non-paiement des loyers et des charges) peuvent fonder une action en résiliation.

En conclusion, la finalité de l’article 38 est d’assurer la pérennité du bail commercial

pendant les deux mois suivant le jugement d’ouverture du redressement judiciaire aux fins,

d’une part, de préserver l’actif de l’entreprise et d’autre part, de maintenir l’activité durant

cette période ; ainsi, le redressement de l’entreprise en difficulté ne pourra en être que facilité.

Pourtant, en 1994, le législateur semble revoir ses positions : sacrifier les créanciers sur l’autel

de la faillite n’est pas la meilleure solution. Elle peut nuire tant au créancier qui voit ses

impayés croître et sa situation financière se dégrader tant au débiteur dont l’entreprise est

- souvent - artificiellement maintenue en vie. Aussi, par souci de rééquilibrer les relations

contractuelles, le législateur a quelque peu restauré le droit de résilier du bailleur en réduisant

le délai d’attente pour introduire l’action en résiliation à deux mois au lieu de trois et en

prenant en compte la jouissance effective des locaux loués indépendamment de la date

d’exigibilité des loyers comme critère préalable à l’exercice de l’action. Mais, pour

véritablement parler de rééquilibrage dans les relations contractuelles, faudrait-il encore que

la loi ait accordé au bailleur des garanties de paiement suffisantes pour lui permettre de

recouvrer ses créances. Or, rien n’est moins sûr compte tenu du fait que le locataire est en

-84-

redressement judiciaire et que les garanties du bailleur risquent, par voie de conséquence,

d’être limitées par rapport au droit commun.

-85-

PARTIE III :

Les CONSEQUENCES LIEES A LA

RESILIATION DU BAIL COMMERCIAL

-86-

Une fois la résiliation du bail commercial acquise, les préoccupations qui animent le

bailleur sont double : d’une part, obtenir le paiement des loyers échus ou à échoir

postérieurement au jugement d’ouverture (art 40) et préserver au mieux ses droits sur les

loyers échus antérieurement au jugement d’ouverture et demeurés impayés (art 50) et d’autre

part, récupérer les lieux loués. En effet, la résiliation peut être définie comme la résolution

d’un contrat successif qui exclue la rétroactivité c’est-à-dire que la convention est résolue

pour l’avenir.

Ainsi, conformément au prétentions du bailleur et à la définition de la résiliation, le

locataire des locaux affectés à l’activité de l’entreprise se devra de quitter de son propre chef

le local loué et de le restituer dans l’état où il l’a trouvé135. À défaut de restitution des locaux,

il pourra être frappé d’expulsion en sa qualité d’occupant sans titre. Quant à l’administrateur,

il se doit de veiller à la restitution des lieux loués sous peine d’engager sa responsabilité136.

Il se posera alors la délicate question de la procédure à suivre pour contraindre le preneur

à libérer les locaux. Comme nous l’avons vu précédemment, le juge-commissaire est avant

tout le juge de la procédure collective et sa mission, conformément à l’article 61.1 du décret

du 27 décembre 1985 est principalement de constater et de dater la résiliation du contrat de

bail, les termes de cette disposition ne semblent pas lui permettre d’aller plus loin en

ordonnant l’expulsion du locataire. D’ailleurs, il est difficilement concevable d’envisager que

le juge-commissaire, qui est, en principe, un juge consulaire, puisse rendre une décision

relative au droit de propriété137. Aussi, le bailleur n’aura d’autre alternative que de se tourner

vers une juridiction de droit commun et plus précisément vers le juge des référés civils aux

fins de se faire délivrer un titre exécutoire d’expulsion. Cet « éparpillement » des

compétences est regrettable mais il ne saurait être question de confier à un juge spécialisé le

soin d’ordonner l’expulsion du locataire.

Par ailleurs, le bailleur est souvent créancier de diverses sommes telles que des arriérés de

loyers ou de charges, une indemnité d’occupation, des dommages-intérêts... qu’il sera

soucieux de recouvrer. Précisons immédiatement que si au jour de l’ouverture de la procédure

collective, des loyers ou des charges sont demeurés impayés par le preneur, le bailleur se doit 135 art. 1730 C.civ. 136 jurisprudence citée par Soinne in Rev. proc. coll. 1994, p. 76 137 R. Martin, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives, op.cit., n° 22

-87-

de déclarer sa créance au représentant des créanciers dans le délai de deux mois consécutif à

la publication au BODACC du jugement d’ouverture conformément à l’article 50 de la loi de

1985 sous peine de la voir éteinte tant à l’égard du débiteur principal que de la caution138. Le

créancier qui a omis de déclarer sa créance peut solliciter un relevé de forclusion de la part du

juge-commissaire dans le délai d’un an à partir du jour du prononcé du jugement d’ouverture.

Le bailleur doit être vigilant car les tribunaux sont réticents à excuser une telle défaillance. En

principe, la déclaration de créance émane du créancier c’est-à-dire du bailleur. Par contre, si le

bailleur est une personne morale, seul le représentant légal de la société peut déclarer la

créance à moins qu’il ne délègue cette faculté à un de ses préposés ou mandataires

- l’administrateur des biens en général - : ce dernier devra justifier d’un pouvoir écrit. La loi

n’exige aucune forme sacramentelle mais précise le contenu de la déclaration139 . Cette

déclaration de créance de loyer ne présente aucune originalité par rapport à celle relative aux

autres créances.

La question qui se pose alors est de savoir si le bailleur va bénéficier d’une sécurité de

paiement pour les sommes qui lui sont dues . Il est certain que le bailleur est titulaire d’un

certain nombre de privilèges : que se soit le privilège du bailleur ou celui de l’article 40 mais

leur efficacité reste somme toute partielle ( chapitre I ). Dès lors, la sécurité de paiement du

bailleur sera parfois mieux assurée s’il a recours à des procédés relevant du droit commun tels

la compensation ou le cautionnement ( chapitre II ).

138 art 53 L. 25 janv. 1985 139 art. 51 L. 25 janv. 1985

-88-

CHAPITRE I :

LES PRIVILEGES ACCORDES AU BAILLEUR PAR

LE DROIT DES PROCEDURES COLLECTIVES : UNE

SECURITE DE PAIEMENT PARTIELLE

Le bailleur d’immeuble jouit d’un double privilège. D’une part, il bénéficie du privilège

du bailleur prévu par l’art 2102-1 du Code civil qui est « un privilège spécial sur le prix de

tout ce qui garnit la maison louée pour l’exécution du bail, en première ligne les loyers et les

charges »140 . Or, une telle garantie est limitée par l’article 39 de la loi du 25 janvier 1985

( I ). D’autre part, le bailleur - comme tout créancier - peut invoquer l’article 40 pour les

créances nées postérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire mais là

encore les limites de cette disposition vont rapidement transparaître notamment depuis la loi

du 10 juin 1994 qui a restreint le nombre des créances garanties ( II ).

I.Le privilège du bailleur : une sûreté restreinte par rapport au droit commun

Outre, l’article 38 relatif au droit de résiliation du bailleur et l’article 38.1 qui a trait à la

cession de bail, la loi du 25 janvier consacre un autre article spécifique au bail commercial : il

s’agit de l’article 39 -non modifié par la loi du 10 juin 1994 - qui traite du privilège du

bailleur, en le restreignant par rapport au droit commun. En effet, alors même que l’article

2102-1 du Code civil confère au bailleur un privilège sur « tout ce qui garnit les lieux loués »

aux fins de garantir soit le paiement de tous les loyers échus ou à échoir si le contrat de bail

est authentique ou sous seing privé avec une date certaine soit à défaut d’une telle forme, le

règlement des loyers pour « une année à partir de l’expiration de l’année courante » , l’article

39, quant à lui, vient restreindre à la fois l’étendue de créances garanties ( 1 ) et, dans

certaines hypothèses l’assiette de cette sûreté lorsque le preneur est en redressement

140 R. Martin, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives, op.cit., n° 39

-89-

judiciaire. Par ailleurs, cette restriction aux droits du bailleur tient également au rang que ce

privilège confère au bailleur dans la classification de l’article 40 ( 2 ).

§ 1 : L’étendue des créances garanties

Déjà sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967, le privilège du bailleur était notablement

restreint par rapport au droit commun. La législation antérieure opérait une distinction entre

d’une part, les loyers échus antérieurement au jugement d’ouverture du redressement

judiciaire et d’autre part, les loyers de l’année courante et à échoir. Pour les premiers, le

privilège du bailleur était limité aux deux dernières années de location échue141. Par contre,

pour le second une différenciation était nécessaire :

��si le bail était résilié, le privilège garantissait l’année courante pour tout ce qui

concernait l’exécution du bail. Ainsi été compris les loyers mais également, par

exemple, les éventuels dommages-intérêts alloués par les tribunaux ou le coût des

travaux incombant au locataire. Par contre, pour les loyers à échoir, le privilège

n’avait plus vocation à jouer puisque par définition le bail étant résilié, le bailleur

avait récupéré les lieux loués.

��si le bail n’était pas résilié, le bailleur ne pouvait exiger le paiement d’avance des

loyers à échoir conformément à l’article 2012 du Code civil. En effet, sous

l’empire de la loi du 13 juillet 1967, la poursuite du bail commercial était

subordonnée au paiement des loyers échus ou éventuellement à des garanties

suffisantes pour assurer leur règlement ultérieur142. Les loyers postérieurs

devenaient de la sorte des dettes de la masse garantie par un nouveau privilège143.

La loi du 25 janvier 1985 a globalement maintenu le régime institué en 1967.

Effectivement, en ce qui concerne les créances échues avant l’ouverture de la procédure et qui

ont fait l’objet d’une déclaration, le privilège du bailleur est également limité aux deux

dernières années précédant le jugement d’ouverture du redressement judiciaire144. S’agissant,

par ailleurs, des loyers de l’année courante et des loyers à échoir, le législateur de 1985 a

141 art 53 L. 13 juil. 1967 142 art. 52 al. 5 L. 13 juil. 1967 143 Garbit, Baux commerciaux, op.cit., n° 964 144 art. 39 al.1 L. 25 janv. 1985

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maintenu la distinction entre l’hypothèse où le bail était résilié et celle où il ne l’était pas à

une exception près. À présent, si le bail est poursuivi, le bailleur ne pourra exiger le payement

des loyers à échoir même si tous les loyers échus n’ont pas été acquittés. En effet, l’article 39

alinéa 3 dispose :

« si le bail n’est pas résilié, le bailleur ne peut exiger le paiement des loyers à échoir

lorsque les sûretés qui lui ont été données lors du contrat sont maintenues ou lorsque

celles qui ont été fournies depuis le jugement d’ouverture sont jugées suffisantes ».

Cette disposition n’a pas repris la formule de l’article 53 alinéa 2 de la loi de 1967 précisant :

« ... le bailleur, une fois payé tous les loyers échus ... ». Par ailleurs, cet article appelle une

autre remarque : si l’on retient une lecture a contrario, on pourra en déduire qu’à partir du

moment où les sûretés dont bénéficient le bailleur deviennent insuffisantes, il devrait pouvoir

exiger le paiement des loyers à échoir. Une telle faculté serait en contradiction avec l’article

56 sur l’absence de déchéance du terme mais en conformité avec l’article 37 alinéa 2 sur

l’exigence d’un paiement comptant145. Pour tous les autres loyers non garantis par le

privilège, le bailleur pourra produire ses créances à la procédure en qualité de créancier

chirographaire.

Nous pouvons constater que l’étendue des créances garanties est limitée en cas de

redressement judiciaire du preneur. La situation du locataire est d’autant moins enviable

qu’outre une restriction des créances garanties, le bailleur peut également voir l’assiette de

son privilège réduite si l’ administrateur décide, conformément à l’article 39 alinéa 4 de

vendre avec autorisation du juge-commissaire :

« les meubles garnissant les lieux loués soumis à un dépérissement prochain, à

dépréciation imminente ou dispendieux à conserver, ou dans la réalisation ne met pas en

cause, soit l’existence du fonds, soit le maintien de garanties suffisantes pour le

bailleur ».

Reste à voir si le privilège du bailleur a bénéficié du « printemps des sûretés réelles »146 et

bénéficie d’un rang honorable dans la classification de l’article 40.

145 cf : I ° partie, chapitre II, II 146 Cabrillac et Pétel, Le printemps des sûretés réelles, Petites affiches 14 sept. 1994, p. 59

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§ 2 : Le rang (médiocre) du privilège du bailleur dans la classification de l’article 40

Le privilège du bailleur est un privilège spécial sur les meubles garnissant les lieux loués

qui repose, comme il est traditionnellement affirmé sur l’idée de gage tacite147.

L’article 40 dans son alinéa 2 dispose qu’en cas de liquidation judiciaire, les créances nées

régulièrement après le jugement d’ouverture sont payées :

« par priorité à toutes les autres créances à l’exception ( … ) des frais de justice, de

celles qui sont garanties par des sûretés immobilières ou mobilières spéciales assorties

d’un droit de rétention ou constituées en application de la loi du 18 janvier 1951 relative

au nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement ».

Le problème est alors de savoir si le privilège du bailleur est ou non assorti d’un droit de

rétention148. Une chose est sûre : les meubles meublant les lieux loués sont destinés à garantir

le paiement des loyers dans le cadre du privilège du bailleur. En effet, l’article 1752 qui met à

la charge du preneur une obligation de garnissement des lieux loués sous peine d’expulsion

doit principalement se comprendre dans la perspective dudit privilège. De là à en déduire que

le bailleur dispose d’un droit en rétention, le pas est peut être grand149. En effet, le droit de

rétention est « le droit de « retenir » une chose qui aurait dû être restituée »150. À ce titre, il

se distingue d’une simple hypothèque dans la mesure où il prive le débiteur de l’utilité de la

chose. Dès lors, le droit de rétention permet aux créanciers du débiteur de faire pression sur

lui afin qu’il les rembourse. Or, le privilège du bailleur ne confère nullement au bailleur une

telle garantie puisqu’il se limite à un privilège « sur le prix de tout ce qui garnit les locaux

loués »151. Le bailleur ne détient pas matériellement les meubles garnissant les lieux loués et

son privilège ne saurait, donc, être assimilé à un droit de rétention.

Ainsi, le privilège du bailleur aura un rang tout à fait médiocre dans la classification de

l’article 40 puisque le bailleur ne pourra être payé qu’après les créances salariales super

privilégiées, les frais de justice, les créances antérieures bénéficiant du reclassement et les

147 Rippert et Roblot, Traité de droit commercial, t.2, 15 ° éd., par Germain et Delebecque, n° 3266 148Cornu, Vocabulaire juridique, V° rétention : « droit reconnu à un créancier de retenir entre ses mains l’objet qu’il doit restituer à son débiteur, tant que celui-ci ne l’a pas lui-même payé » 149 contra Cabrillac et Pétel, op.cit., n° 9 150 Simler et Delebecque, Droit civil, Les sûretés, la publicité foncière, Précis Dalloz, 3° éd., 2000 151 art. 2102-1 C. civ.

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créanciers de l’article 40. Dès lors, ses chances de recouvrer ses créances antérieures, sur le

fondement de ce privilège, sont minimes.

Enfin, on peut noter que si un plan de cession est arrêté, la situation du bailleur n’est guère

plus favorable. En effet, l’article 93 alinéa 3 de la loi de 1985 qui prévoit :

« la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le

remboursement d’un crédit consenti à l’entreprise pour lui permettre le financement d’un

bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire »

est inapplicable au privilège du bailleur qui n’est pas destiné à garantir un crédit consenti à

l’entreprise. Ainsi, conformément à l’article 93 alinéa 1 : « ... une quote-part du prix est

affectée par le tribunal à chacun de ces biens pour la répartition du prix et l’exercice du droit

de préférence » ; le bailleur ne pourra, donc, recouvrer ses créances que conformément au

rang qu’il occupe dans le classement de l’article 40 c’est-à-dire que seront payés avant lui les

salariés super privilégiées, les créanciers de l’article 40, les privilèges fiscaux à l’exception

des six mois de loyers qui passe avant le privilège des contributions indirectes152.

En conséquence, ce privilège mobilier spécial offre au bailleur une garantie de paiement

restreinte. Garantie de paiement qui semble mieux assurée pour les créances postérieures au

jugement d’ouverture du redressement judiciaire par l’article 40.

II. Le privilège de l’article 40

Les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire

doivent, en principe, être payées au comptant conformément àl’article 37 alinéa 2 et l’article

40 alinéa 1. Toutefois, cette règle du paiement comptant n’est qu’un idéal et le législateur de

1985 en était bien conscient puisque dès la seconde phrase de l’article 40 alinéa 1, il est

précisé :

«...lorsqu’elles [ les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture ] ne sont pas

payées à l’échéance en cas de continuation, elles sont payées par priorité à toutes les autres

créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés... ». 152 art. 1927 CGI

-93-

Cet article ne soulève aucune difficulté particulière quant à sa mise en œuvre : le bailleur

sera dans une position identique à n’importe quel autre créancier qui souhaite exercer le

privilège de l’article 40 ( B ). Par contre, tout le problème sera de répertorier les créances du

bailleur susceptibles de bénéficier de l’article 40 en sachant que la loi du 10 juin 1994 à

reclassé au plus justement déclassé certaines créances ( A ).

§ 1 : Les créances garanties par l’article 40

L’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 institue un privilège général sur les immeubles et

les meubles du débiteur qui a - en théorie - pour finalité d’assurer un paiement prioritaire aux

créances postérieures au jugement d’ouverture. Face à la multitude de créances générées par

la période d’observation, le législateur se devait d’établir une certaine hiérarchie prévue par

l’article 40 alinéa 2. Dans la classification de l’article 40, les créances du bailleur seront

placées au cinquième rang hormis l’hypothèse où dans le cadre du bail continué, il a consenti

des délais de paiement : dans ce cas, ses créances figureront au troisième rang. Encore faut-il

d’abord déterminer les créances qui relèveront de l’article 40.

Une certitude : les loyers ou charges échus postérieurement à l’ouverture de la procédure

collective bénéficieront du privilège de l’article 40. Par contre, la jurisprudence se montre

hésitante quant aux loyers payables d’avance lorsqu’une partie de ceux-ci correspond à une

période de jouissance des locaux loués postérieure au jugement d’ouverture. En raisonnant par

analogie avec le nouvel article 38 alinéa 1, il paraît plus opportun de considérer que ces

créances de loyers relèvent de l’article 40. En effet, selon l’article 38 tel qu’issu de la réforme

de 1994, le bailleur pourra introduire une action en résiliation du bail commercial pour défaut

de paiement des créances nées postérieurement au jugement d’ouverture même si la créance

correspondant à une occupation postérieure est échue antérieurement audit jugement. Ainsi, le

législateur a fait prévaloir le fait générateur du loyer sur sa date d’exigibilité. Si le législateur

prend en compte la jouissance des locaux indépendamment de la date d’échéance des loyers

pour déterminer à partir de quel moment le bailleur pourra agir en résiliation du contrat de

bail, comment envisager qu’il est par ailleurs exclu ces mêmes loyers du bénéfice de l’article

40. Il serait paradoxal de considérer que pour déterminer si une créance est ou non postérieure

au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, la loi de 1985 retienne alternativement

deux critères tantôt la date d’exigibilité du loyer (article 40) tantôt son fait générateur (article

38). Aussi, par souci d’uniformisation, il faut admettre que si une fraction des loyers payables

-94-

d’avance est afférente à une occupation postérieure à l’ouverture de la procédure, elle doit

relever du privilège de l’article 40 : seule la période de jouissance doit être prise en compte.

Par ailleurs, la résiliation du contrat de bail peut, théoriquement, permettre au bailleur

d’obtenir des dommages-intérêts pour le préjudice qu’il a subi. Effectivement, le contrat est

résilié sans préavis. Avant la loi du 10 juin 1994, il fallait dissocier deux cas de figure : d’une

part, celui où l’administrateur décidait de ne pas poursuivre le bail et d’autre part, celui où le

bail était résilié postérieurement à sa continuation. Dans le premier cas, les indemnités nées de

la résiliation devaient être déclarées au passif alors que dans le second cas, le bailleur pouvait

se prévaloir de l’article 40.

Dorénavant, si l’administrateur n’use pas de sa faculté de poursuivre le contrat de bail, les

dommages-intérêts devront comme précédemment être soumis à l’article 50153. De même, si

un contrat régulièrement poursuivi est résilié par la suite, les indemnités et pénalités seront

exclues de l’article 40154. Cette dernière hypothèse ne fait, pourtant, pas l’unanimité en

doctrine. À nouveau, le cœur du débat repose sur un mot qui est le mot « disposition » .

Effectivement, la dernière phrase de l’alinéa 3–3 de l’article 40 précise :

« en cas de résiliation d’un contrat régulièrement poursuivi, les indemnités et pénalités

sont exclues du bénéfice de la présente disposition » .

Une telle rédaction permet deux interprétations. Si l’on considère que le terme « présente

disposition » ne vise que l’article 40 alinéa 3 – 3, il faudrait en déduire que ces créances sont

exclues du troisième rang de l’article 40 pour être à reléguées au cinquième155. Par contre, si

l’on admet que la « présente disposition » vise l’article 40 dans son intégralité, le bailleur sera

tenu de déclarer ses indemnités et pénalités au passif156. Une telle opinion est davantage en

conformité avec les travaux préparatoires qui témoignent d’une volonté de ne « pas grever

d’une manière inéquitable les créances de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 »157 .

153 art. 37 al. 5 L. 25 janv. 1985 154 art. 40 al. 3 – 3 L. 25 janv. 1985 155 Derrida et Sortais, La réforme du droit des entreprises en difficulté [ premier aperçu], D. 1994, chr., p. 269, n° 40 156 Campana et Legeais, Le nouvel article 40 de la loi du 25 janvier 1985, Petites affiches 14 septembre 1994, p. 50 157 JO. Ass. Nat., 24 nov. 1993, p. 6257

-95-

Outre les travaux préparatoires, l’article 66 alinéa 2 du décret du 27 décembre 1985 vient

appuyer la thèse de l’exclusion totale des dommages-intérêts de l’article 40 en énonçant que

ces derniers doivent être déclarés à la procédure. Ainsi, le législateur considère-t-il ces

indemnités et pénalités comme des créances antérieures à la procédure.

De même, les loyers courus entre le jugement d’ouverture et la résiliation du bail par

l’administrateur relèvent de l’article 40158. Aussi, le bailleur peut-il être tenté de retarder la

notification de la mise en demeure afin de bénéficier aussi longtemps que possible du

privilège. Si l’administrateur attend - comme c’est souvent le cas - d’être mis en demeure

pour opter, le passif de la période d’observation risque d’être lourdement grevé. Cette

situation est critiquée159 car elle n’est pas conforme à l’article 40 alinéa 1 qui exige des

« créances nées régulièrement » . Or , le bailleur ne contrevient à aucune disposition de la loi

de 1985 en retardant l’envoi de la notification. D’autant plus, que ce « retard » peut avoir des

causes multiples qui ne sauraient justifier la non-régularité systématique de la créance.

En conséquence, les dommages-intérêts résultant de la résiliation du bail commercial ne

bénéficient jamais du privilège de l’article 40 même si la rupture du contrat est postérieure au

jugement d’ouverture. Ces créances ne sont pas la contre-partie d’une prestation fournie au

débiteur dans le cadre de l’exécution du contrat de bail donc elles doivent être exclues de

l’article 40160. Face à cette volonté du législateur d’alléger le passif de la période

d’observation, le bailleur aura pour seul - et maigre - consolation de voir ses indemnités de

résiliation bénéficier du privilège prévu par l’article 39 alinéa second.

Le bailleur peut également être créancier d’une indemnité d’occupation due par le preneur

pour la jouissance des lieux loués entre la résiliation du contrat de bail et la restitution

effective des lieux loués. Pour la Cour de cassation161, une telle créance bénéficie de l’article

40. En effet, cette indemnité a pour fait générateur une occupation des locaux postérieure à la

résiliation du bail donc a fortiori postérieure à l’ouverture de la procédure collective ; dès lors,

le privilège de l’article 40 doit jouer .

158 cass.com., 2 févr. 1993, Rev. proc. coll. 1993, p. 405, obs. Saint-Alary-Houin 159 Soinne, op. cit., n° 1364-1 160 Pérochon et Bonhomme, op. cit., n° 212 161 cass. com., 25 janv. 1994, D. 1994, p. 539, obs. Gallet

-96-

Même si la loi de 1994 a restreint des créances du bailleur susceptibles d’être payées en

application de l’article 40, il n’en reste pas moins que mise à part les indemnités de résiliation,

le bailleur a des chances de recouvrer les sommes qui lui sont dues. D’autant plus, que

l’article 40 ne génère aucune difficulté particulière quant à sa mise en œuvre .

§ 2 : Les modalités de mise en œuvre de l’article 40

Dans l’absolu, l’article 40 confère une garantie des plus sécurisantes aux créanciers en

prévoyant que les créances postérieures nées régulièrement sont payées à l’échéance. Ainsi, à

l’échéance, le bailleur peut exiger le paiement des loyers qui lui sont dus par le preneur.

L’administrateur se doit d’honorer de tels engagements puisqu’en principe, s’il a opté pour la

continuation du contrat, c’est qu’il dispose des fonds nécessaires pour respecter les échéances

contractuelles. Pourtant, la théorie ne coïncide pas toujours avec la pratique et le mandataire

aura parfois des difficultés à payer les créances au terme convenu. Dans ce cas, le bailleur

pourra exercer des poursuites individuelles aux fins de recouvrer sa créance162. Aussi, devra-t-

il se faire délivrer un titre exécutoire par une juridiction de droit commun163 condamnant le

locataire au paiement des sommes dues. Ce titre lui permettra alors de diligenter des

procédures civiles d’exécution. Il serait logique qu’il procède, en premier lieu, à une saisie-

vente des meubles garnissant les lieux loués sur lesquels il bénéficie d’un privilège spécial164

mais rien ne l’y oblige, il pourra tout à fait préférer mener à bien une saisie-attribution, par

exemple. Ces voies d’exécution doivent être exercées le plus rapidement possible par le

bailleur car entre les créanciers postérieurs règnent le prix de la course, alors même que la

procédure est dite collective : le premier à agir sera le premier payé en dépit des créances

bénéficiant d’un classement préférable dans l’article 40165.

Cependant, il peut arriver que la période d’observation soit trop brève pour diligenter ces

procédures civiles d’exécution ou encore que le créancier néglige d’agir ; dans de telles

hypothèses, il va se créer un passif de l’article 40166. Ainsi, - comme nous l’avons déjà

souligné - les créances postérieures vont être payées par priorité aux créances antérieures. Par

162 cass.com., 20 juin 1989, JCP éd. E 1997, II, n° 15658, obs. Cabrillac et Pétel ; Rev. proc. coll. 1990, p. 237, obs. Saint-Alary-Houin 163 une ordonnance de référé en principe 164 art. 39 L. 25 janv. 1985 165cass. com. 11 févr. 1997, Rev. proc. coll. 1997, p.312, obs. Conet et p. 457, obs. Saint-Alary-Houin ; JCP éd. E 1997, I, n° 1, obs. Cabrillac ; RTD com. 1998, p. 210, obs. Martin Serf 166 R. Martin, op.cit., n° 29

-97-

contre, cette priorité est variable selon le rang occupé par la créance dans le classement de

l’article 40 alinéa 3 : certains privilégiés seront alors forcément plus privilégiés que

d’autres167. L’article 40 dans son intégralité instaure un classement général entre les créances

antérieures et postérieures alors que l’article 40 alinéa 3 prévoit une classification spécifique

aux créances postérieures.

Dans la première classification, le rang occupé par les créances du bailleur dépendra de

savoir si le locataire est en redressement ou liquidation judiciaire :

��« en cas de cession totale ou lorsqu’elles [ les créances postérieures ] ne sont pas

payées à l’échéance en cas de continuation », les créances de l’article 40 seront

payées après les créances salariales super privilégiées168.

��en cas de liquidation judiciaire, les créances du bailleur seront prioritaires sur les

créances antérieures à l’exception une fois encore des créances salariales super

privilégiées mais également « des frais de justice, de celles qui sont garanties par

des sûretés immobilières ou mobilières spéciales assorties d’un droit de rétention

ou constituées en applications de la loi du 18 janvier 1951 relative au

nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement ».

En conséquence, l’article 40 alinéa 1 confère au bailleur une garantie du paiement tout à

fait satisfaisante pour ses créances postérieures. Par contre, si une liquidation judiciaire

survient ultérieurement, il n’en va pas de même puisque le bailleur sera primé par bon nombre

de titulaires de sûretés réelles. Or, en principe, la plupart des biens du locataire risque d’être

grevés de sûreté réduisant considérablement les chances de paiement du bailleur. Sans

compter que les créances du bailleur n’occuperont, en général, que le cinquième rang169 dans

le classement spécifique de l’article 40 alinéa 3. Dès lors, le bailleur ne doit pas se faire trop

d’illusions sur cette priorité de paiement que lui accorde l’article 40 hormis l’hypothèse où un

plan de redressement est arrêté. Pour préserver au mieux ses intérêts, il lui appartiendra de

diligenter des procédures civiles d’exécution au moindre incident de paiement puisque

l’article 40 ne saurait le rassurer totalement sur le sort de ces créances postérieures. Le

167 Pérochon et Bonhomme, op. cit., n° 218 168 à cette exception, il faut également ajouter celles posées par les articles 33 alinéa 3 et 34 de la loi du 25 janvier 1985 169 le troisième au mieux si des délais de paiement ont été consentis

-98-

législateur en édictant l’article 40 poursuivait un objectif louable : trouver un équilibre entre

les créances postérieures nées de la poursuite des contrats en cours et les créances antérieurs

assorties de sûretés réelles : les deux étant nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise.

Le résultat n’est pourtant pas toujours satisfaisant ; à tel point, qu’il devient parfois excessif

de parler de privilège en se référant à l’article 40170.

Les perspectives de paiement offertes au bailleur que ce soit par le privilège de l’article 39

ou celui de l’article 40, étant relatives, le bailleur aura une dernière alternative : se tourner

vers des procédés de paiement relevant du droit commun tels la compensation ou encore le

cautionnement.

170 Pérochon et Bonhomme, op.cit., n° 225

-99-

CHAPITRE II :

UNE MEILLEURE GARANTIE DE PAIEMENT POUR

LE BAILLEUR : LE RECOURS A DES

MECANISMES DE DROIT COMMUN

Le bailleur, désireux de recouvrer ses créances, aura dans la plupart des cas recours au

moyen le plus classique à savoir intenter une action en paiement : mode normal d’extinction

d’une obligation. Cependant, le créancier peut trouver satisfaction par des moyens indirects.

Un de ceux-ci est la compensation qui peut être définie comme un mécanisme d’extinction

simultanée de deux obligations, de même nature, existant entre deux personnes simultanément

créancière et débitrice l’une de l’autre. Outre l’extinction des obligations réciproques, la

compensation a une véritable fonction de garantie permettant à chaque partie d’opposer à

l’autre l’exception de compensation afin de s’exonérer de son paiement ( I ) . Exception faite

de la compensation qui a une fonction de garantie, le bailleur peut recourir à une véritable

sûreté fréquemment invoquée dans le cadre d’une procédure collective : le cautionnement.

Pour cela, il lui suffira de conclure un contrat de cautionnement lors de la signature du bail ou

ultérieurement aux fins de se prémunir contre les éventuels impayés de son débiteur. La

caution va s’engager à exécuter elle-même le contrat de bail dans le cas où le locataire ne

remplirait pas ses engagements. Le cautionnement est un contrat accessoire qui va s’adjoindre

au contrat principal. Dès lors, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à

l’égard du preneur va forcément influer sur les obligations de la caution. Il est délicat de

déterminer si la loi de 1985 est ou non favorable à la caution. En effet, les dispositions de la

loi relative au cautionnement témoignent tantôt d’un souci de protection de la caution tantôt

d’une volonté de prémunir les créanciers contre l’insolvabilité du débiteur. Du sort réservé à

la caution dépendra l’efficacité du cautionnement et corrélativement les perspectives de

paiements du bailleur ( II ).

-100-

I. L’exception de compensation

On apparente souvent l’exception de compensation à l’exception d’inexécution ou encore

à un droit de rétention. Traditionnellement, on distingue trois types de compensation : la

compensation légale, la compensation judiciaire et la compensation conventionnelle sachant

que les deux dernières ont vocation à s’appliquer lorsque les conditions de la compensation

légale ne sont pas remplies et que le juge saisi par une demande reconventionnelle

(compensation judiciaire) ou les parties d’un commun accord (compensation conventionnelle)

décident de la compensation.

Toutefois, ces modes de compensation ont une portée limité en droit des procédures

collectives puisque l’article 1298 du Code civil prévoit que la compensation n’a pas lieu au

préjudice des droits acquis par les tiers. Or, en cas de procédure collective, le paiement est

interdit pour les créances antérieures à l’ouverture de la procédure. Ainsi, le non-paiement des

créances antérieures constitue un obstacle au jeu de la compensation ( § 1 ). En revanche, il se

peut que les dettes réciproques des deux parties se trouvent liées par un lien étroit : un lien de

connexité, qui va influer sur le mécanisme de la compensation, on parlera alors de

compensation de dettes connexes ou plus précisément de « super-compensation » . Ce

qualificatif se justifie par le fait que cette compensation permet tantôt d’invoquer la

compensation si tous les conditions légales ne sont pas remplies tantôt de permettre le jeu de

ce mécanisme même si un paiement est interdit, c’est le cas notamment en cas de procédure

collective. Dès lors, cette compensation privilégiée permettra l’extinction d’une créance

antérieure car elle a lien avec une créance postérieure, dérogeant ainsi au principe de non-

paiement des créances antérieures à la procédure ( § 2 ).

§ 1 : L’efficacité limitée de la compensation légale, judiciaire et conventionnelle en droit des procédures collectives

L’exception de compensation légale ne joue pas automatiquement, elle présuppose que

certaines conditions soient remplies au préalable : ainsi, les créances doivent-elles être

réciproques, fongibles, liquides et exigibles. Néanmoins, en cas de procédure collective, de

telles conditions ne sauraient suffire pour que la compensation joue de plein droit.

Conformément à l’esprit du droit de la faillite, un autre critère doit impérativement être pris

-101-

en compte : la date de naissance des obligations en cause. En effet, l’article 33 de la loi de

1985 est clair :

« le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, l’interdiction de payer toute

créance née antérieurement au jugement d’ouverture ».

Or, la compensation est traditionnellement assimilée à un mode de paiement171 sans

circulation d’argent. Aussi, si les conditions légales172 sont remplies avant le jugement

d’ouverture, il ne se pose aucun problème : les dettes réciproques vont s’éteindre à hauteur de

la plus faible173 pendant la période suspecte notamment174. En matière de contrat de bail,

l’exemple le plus significatif est celui de la compensation entre les loyers impayés et le dépôt

de garantie175. Le bailleur pourra, ainsi, obtenir le paiement des loyers échus antérieurement à

la procédure afférents à une occupation antérieure en les compensant avec le dépôt de

garantie. Cependant, il doit être prudent car si le contrat de bail ne contient pas de clause

stipulant que le dépôt de garantie lui sera acquis en cas de résiliation du contrat, il se doit de

préciser lors de sa déclaration de créance qu’il souhaite faire jouer la compensation afin de

conserver le dépôt176.

Si l’article 33 de la loi de 1985 ne fait pas obstacle à la compensation des créances nées

avant l’ouverture de la procédure collective, il n’en va pas de même pour celles qui sont nées

a posteriori.

Effectivement, le principe du non-paiement des créances antérieures annihile l’efficacité

d’un paiement par compensation après le jugement d’ouverture. Cette prohibition du jeu de la

compensation légale après l’ouverture de la procédure se justifie aisément eu égard aux

grands principes directeurs du droit des procédures collectives. Admettre un tel procédé

contreviendrait non seulement au principe de non-paiement des créances antérieures mais

également à l’égalité des créanciers devant la procédure collective ou encore à la suspension

171 même s’il n’y a pas exécution active des obligations par chaque partie 172 art.1291 C. civ. 173 hormis l’hypothèse de la fraude 174 cass.com., 17 mai 1994, Bull.civ 1994 IV, n° 178, p. 112 175Le dépôt de garantie est une somme d’argent versée par le locataire au bailleur lors de la conclusion du bail et restituée à son terme après l’apurement des comptes. Ce dépôt est une garantie pour le bailleur de la bonne exécution du bail et notamment du paiement de tout ce qui pourra lui être dû lorsque le preneur quittera les lieux 176Gallet, Baux commerciaux et redressement judiciaire : la compensation entre loyers arriérés et dépôt de garantie, Rev. loyers 1999, p. 138

-102-

des poursuites individuelles relatives au défaut de paiement des créances nées avant le

jugement d’ouverture.

Quant à la compensation judiciaire, elle échappe aux règles classiques de compétence

puisque l’article 70 du Nouveau Code de procédure civile dispose que :

« les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se

rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant [… ] toutefois, la demande en

compensation est recevable même en l’absence d’un tel lien… » .

La compensation judiciaire ne saurait évidemment être assimilée à la compensation légale :

cette dernière s’opérant de droit lorsque les conditions prévues par la loi sont remplies. Or, la

compensation judiciaire qui requiert une demande reconventionnelle présuppose que les

conditions de la compensation légale ne soient pas remplies177 et que les juges du fond vont

utiliser leur pouvoir souverain pour accorder ou non le bénéfice de la compensation. La

compensation judiciaire va, alors, pallier au défaut d’une condition légale. Cependant, il faut

éviter les assimilations trop faciles, la compensation judiciaire est différente de la

compensation des créances connexes en ce sens qu’elle est laissée à la discrétion des juges du

fond178 et ne nécessite pas la connexité des créances réciproques. En cas de redressement

judiciaire du preneur, les tribunaux sont réticents à admettre la compensation qu’elle soit

judiciaire ou conventionnelle179 postérieurement à l’ouverture de la procédure compte tenu du

fait que le risque de fraude et d’atteinte aux règles du droit des procédures collectives est

imminent.

La solution est toute autre lorsque les créances sont connexes : dans ce cas, le législateur a

largement admis l’opposition de la compensation à la procédure collective.

177 en général, la créance n’est pas encore liquide et/ou exigible ; la certitude étant un préalable indispensable à toute compensation 178 alors que la compensation des créances connexes est de droit si les conditions sont réunies 179 lorsque deux personnes sont réciproquement créancière et débitrice l’une de l’autre, elles peuvent librement se libérer de leurs obligations conformément au principe de la liberté des conventions. En principe, aucune disposition d’ordre public n’y fait obstacle sauf en cas de procédure collective où l’égalité des créanciers demeure la règle

-103-

§ 2 : La « super-compensation » des créances connexes : une garantie de paiement quasi-

absolue

La connexité entre les créances réciproques permet d’admettre la compensation alors

même que toutes les conditions de la compensation légale ne sont pas remplies notamment les

conditions d’exigibilité et de liquidité ; ainsi, parle-t-on de la connexité comme d’une

condition « joker » . Par contre, il est impératif que la créance soit certaine.

La compensation des créances connexes est assimilable à un mode de paiement et en cette

qualité, elle tombe sous le coup de l’interdiction de l’article 33. Cependant, elle a également

une fonction de garantie puisqu’elle permet à chaque créancier de résister à la demande en

paiement effectif de son partenaire en opposant l’exception de compensation des dettes

connexes. En 1985, la doctrine était hésitante quant à savoir si une créance antérieure pouvait

se compenser avec une créance postérieure. La Cour de cassation, dans un arrêt célèbre180 a

mis fin à toute incertitude en ajoutant une dérogation jurisprudentielle aux dérogations

existantes au principe de l’interdiction de paiement des créances antérieures : la compensation

des dettes connexes. Une telle dérogation est devenue légale en 1994 lorsque le législateur a

modifié l’article 33 de la loi de 1985 qui dispose désormais : « l’interdiction de paiement des

créances antérieures ne fait pas obstacle au paiement par compensation des créances

connexes » . Ainsi, le législateur a admis la compensation, qu’il subordonne à la condition de

connexité à laquelle la jurisprudence ajoute celle de la déclaration par le bailleur de sa créance

antérieure181 afin qu’elle soit soumise à la procédure de vérification et éventuellement

acceptée par le juge-commissaire conformément à l’article 50. Une telle disposition répond à

la fois à un souci d’équité et à la volonté de restaurer un certain équilibre entre le débiteur et

ses créanciers. En effet, comment pourrait-on obliger le cocontractant à s’acquitter de ce qu’il

doit au débiteur sans pouvoir exiger de ce dernier l’exécution de ses obligations alors même

que les créances sont interdépendantes puisqu’elles sont issues d’un même contrat, d’un

même ensemble contractuel ou se rattachent à une même convention-cadre.

Si l’on reprend l’exemple du dépôt de garantie, le bailleur pourra invoquer, lorsque la

résiliation du bail est postérieure à l’ouverture du redressement judiciaire du preneur, la

180 cass. com. 19 mars 1991, JCP éd. E 1991, I, n° 23, obs. Cabrillac et Pétel ; RJ com. 1992, p. 24, note Pédamon ; D. 1992, som., p. 257, obs. Derrida 181cass.com., 15 oct. 1991, Bull. civ. IV, n° 290, p. 201

-104-

compensation entre les loyers correspondants à cette période postérieure et le dépôt de

garantie.

Dès lors, la connexité va jouer un rôle de quasi-sûreté : celle-ci est tout à fait particulière

puisqu’elle permettra au bailleur de primer absolument tous les créanciers. Ainsi, le créancier

pourra-t-il d’une part, s’affranchir de l’ordre préférentiel de paiement établi par l’article 40 et

d’autre part, s’affranchir des délais fixés par le plan de continuation puisque la Cour de

cassation a admis la compensation entre la dette d’un créancier et une créance connexe

déclarée alors même qu’elle était soumise aux délais d’un plan de continuation182.

En conséquence, la compensation des dettes connexes est assimilable à un « super-

privilège » qui permettra au bailleur, à toute époque de la procédure ultérieure au jugement

d’ouverture, d’éviter le concours avec les autres créanciers. Pour reprendre une dernière fois

l’exemple de la compensation entre le dépôt de garantie et les loyers arriérés183, elle pourra

être invoquée à tout moment après le jugement d’ouverture excepté l’hypothèse - marginale -

dans laquelle le dépôt de garantie est cédé en même temps que le fonds de commerce et une

clause stipule la subrogation du cessionnaire dans la créance du cédant sur le bailleur184. Ainsi

présentée la « super-compensation » est de loin la garantie de paiement la plus fiable dont le

bailleur pourrait se prévaloir. J. Mestre résumait à ce titre parfaitement la situation en

affirmant : « le plus sûr moyen d’être payé, lorsqu’on est créancier d’un insolvable, reste bien

d’être également son débiteur »185.

Outre la compensation, le bailleur pourrait recourir à un autre procédé de droit commun

- à l’efficacité certes plus limitée - pour recouvrir ses créances : le cautionnement.

II. L’efficacité mitigé du cautionnement en cas de redressement judiciaire du locataire

L’économie même du cautionnement est de placer le créancier à l’abri des difficultés

économiques de son débiteur et de l’insolvabilité qu’elle pourrait entraîner. Dans cet esprit, il 182cass.com., 24 oct. 1995, Gaz. Pal. 1996,pan., p.121 183 mais le bailleur pourra également opposer, par exemple, la compensation entre des loyers et des charges impayés et des créances de réparation dont il sera débiteur 184 Gallet, Baux commerciaux et redressement judiciaire : la compensation entre loyers arriérés et dépôt de garantie, op.cit. 185 RTD civ. 1988, p. 138

-105-

serait logique d’admettre que cette garantie va jouer un rôle capital en droit des procédures

collectives en prémunissant le créancier contre la défaillance du débiteur failli. La loi de 1985

comportait peu de dispositions relatives au cautionnement et celles existantes étaient peu

protectrices des intérêts de la caution. Ainsi, le législateur de 1994 a fait beaucoup d’efforts

pour préciser le sort réservé à la caution tout au long de la procédure collective. Cependant,

force est de constater que les performances du législateur sont inégales tantôt protégée tantôt

accablée, la caution est dans une situation complexe qui s’explique notamment par le fait

qu’elle est à la confluence de deux législations : le droit des procédures collectives et le droit

du cautionnement. Si le bailleur a pris le soin de réclamer la conclusion d’un cautionnement

aux fins de se prémunir contre d’éventuels impayés, l’efficacité de sa garantie sera variable et

lui aussi sera soit protégé ( § 1 ) soit accablé ( § 2 ).

§ 1 : Une garantie tantôt efficace contre la défaillance du débiteur failli

La spécificité du cautionnement réside dans la dépendance étroite entre l’obligation

principale et l’obligation garantie qui s’explique par le fait que s’il y a bien deux engagements

distincts, il n’en reste pas moins qu’il n’y a qu’une seule et unique dette. Dès lors, tous ce qui

affecte la dette principale aura des incidences sur l’obligation de la caution. Mais ce n’est pas

toujours le cas puisque, la loi du 25 janvier 1985 prévoit des hypothèses où la caution sera

tenue plus lourdement que le débiteur lui-même.

Ainsi, sous l’empire de la loi de 1985 (non modifiée par la loi de 1994), l’article 47 sur la

suspension des poursuites individuelles était inapplicable à la caution. De la sorte, les

créanciers pouvaient poursuivre la caution postérieurement à l’ouverture du redressement

judiciaire sous réserve que la créance ait été exigible ; l’exception de l’article 47 était

purement personnelle au débiteur. Par souci de protéger les cautions, le législateur de 1994 est

revenu partiellement sur ses positions puisque désormais le jugement d’ouverture suspend

toute action contre les cautions personnes physiques jusqu’au jugement arrêtant le plan de

redressement ou prononçant la liquidation, peu importe que le débiteur soit une personne

morale ou une personne physique. Le législateur est allé plus loin encore puisqu’il a

également prévu qu’à l’issue de la période d’observation, le tribunal peut encore accorder des

délais de paiement dans la limite de deux ans. Une telle disposition avait été prise par faveur

pour les dirigeants qui se portent cautions de leurs entreprises afin de les inciter à déposer

rapidement le bilan en cas de difficultés. Le législateur a pensé que ces derniers seraient plus

-106-

enclins à déclarer la cessation des paiements en sachant qu’ils ne seraient pas poursuivis

immédiatement sur leur patrimoine personnel. A contrario, l’article 55 alinéa second autorise

la poursuite des cautions personnes morales par les créanciers durant toute la période d’

observation.

Cette nouvelle disposition fut mal ressentie par les créanciers qui n’obtiendront pas de la

caution personne physique le paiement escompté pendant toute la durée de la période

d’observation. Aussi, par souci d’équité, le législateur a tout de même donné quelques gages

aux créanciers. D’une part, l’article 55 alinéa 3 leur permet de prendre des mesures

conservatoires mais qui ne sauraient tant que les poursuites sont suspendues être converties en

mesures d’exécution. Et, d’autre part, eu égard à leurs sacrifices, les créanciers bénéficieront

d’une autre compensation : le cours des intérêts n’est plus arrêté à l’égard des cautions186. Il

s’en suit que les cautions - simples ou solidaires - à condition que le cautionnement fut

souscrit à compter du 11 juin 1994 seront tenues de payer une dette à laquelle le débiteur n’est

pas obligé. Force est alors de constater que la caution sera tenue plus lourdement que le

débiteur principal.

Par conséquent, même si le législateur de 1994 est apparu soucieux de protéger les intérêts

de la caution, il n’en reste pas moins que dans certaines hypothèses, le cautionnement pourra

prémunir efficacement le créancier contre la défaillance du débiteur. Aussi, si les sommes

dues par le preneur au bailleur sont garanties par un cautionnement, ce dernier pourra

actionner la caution :

��dès l’ouverture de la procédure collective aux fins de recouvrer les sommes qui lui

sont dues à condition que la caution soit une personne morale

��aux fins de recouvrer les sommes correspondant aux intérêts légaux et

conventionnels ainsi qu’aux intérêts de retard et majorations 187 dues au-delà de la

date du jugement prononçant le redressement judiciaire.

186 art. 55 al. 1 L. 25 janv. 1985 187 « à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus » (art. 55 al. 1 L. 25 janv. 1985)

-107-

��aux fins de recouvrer les sommes qui lui sont dues même si des délais et remises

ont été octroyés par le créancier au débiteur dans le cadre d’un plan de

continuation ; ces derniers étant exclus du bénéfice de l’article 1287 du Code

civil188.

��aux fins de récupérer les créances impayées, même si la liquidation est clôturée

pour insuffisance d’actifs car la dette n’est pas, pour autant, éteinte189.

Il n’apparaît pas choquant190 que la caution soit tenue plus lourdement que le débiteur

car, d’une part, il est dans l’essence même du cautionnement de garantir le créancier contre

les défaillances et donc a fortiori contre l’insolvabilité du débiteur et d’autre part, la caution

n’est pas totalement démunie car elle dispose de recours tant à l’égard du débiteur (qui

risquent d’être infructueux compte tenu de sa situation financière)191 que du créancier lui-

même192. De plus, la situation de la caution est loin d’être dramatique car la loi de 1985 lui est

globalement favorable.

§ 2 : Une sûreté tantôt mise à mal par le droit des procédures collectives

Considérée dans sa globalité, tant la loi de 1985 que la jurisprudence de la Cour de

cassation témoignent d’une volonté de protéger la caution, qui transparaît dans les « moyens

de défense » offerts à la caution afin de mettre en échec le recours éventuel du créancier.

Tout d’abord, l’article 56 de la loi de 1985 qui dispose : « le jugement d’ouverture

d’une procédure de redressement judiciaire ne rend pas exigible les créances non échues à la

date de son prononcé » a été déclaré, par la chambre commerciale, applicable à la caution193.

Aussi, si la caution ne peut se retrancher derrière l’article 47 sur la suspension des poursuites

individuelles pour paralyser l’action des créanciers, elle pourra, en revanche, se prévaloir de

la non déchéance du terme.

188cass.com. 17 déc. 1992 (Gattegno c/. Banque Worms), Dr. et patrimoine 1993, n°5 p. 29, obs. Pétel 189 cass. com., 8 juin 1993, JCP éd. E 1993, I, n° 8, obs. Pétel et n° 6, obs. Simler ; RTD com. 1993, p. 583, obs. Mestre 190 même si cela contrevient à certaines dispositions du Code civil : notamment aux articles 2012, 2013 et 2036 191 art. 2028 et 2032 C.civ. 192 actions en responsabilité notamment 193 cass. com., 14 nov. 1989, RTD com.1990, p.494, obs. Martin-Serf

-108-

Ensuite, l’article 2036 du code civil prévoit que :

« la caution peut opposer toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur

principal et qui sont inhérentes à la dette ».

Or, la Cour de cassation a précisé que l’extinction de la créance suite à sa non déclaration par

le créancier est une exception inhérente à la dette et dès lors, la caution peut valablement

l’opposer au créancier194.

Enfin, l’ article 2037 permet à la caution d’être libéré de ses engagements à la triple

condition que :

��un droit susceptible de profiter à la caution par subrogation ait été perdu

��la perte du droit soit imputable au créancier

��la faute du créancier ait causé un préjudice à la caution.

Cette disposition pourra être invoquée par la caution toutes les fois où le bailleur a tardé à

faire jouer la clause résolutoire de sorte que, par l’effet du redressement judiciaire du

locataire, la caution ne peut plus être subrogée dans l’action résolutoire195.

Ces moyens de défense mis à la disposition de la caution afin de se décharger de ses

obligations attestent du fait que le législateur n’a pas souhaité voir la caution tenue plus

lourdement que le débiteur lui-même. Ces faveurs pour la caution ne signifient pas, pour

autant, que la conclusion d’un contrat de cautionnement n’aura aucun intérêt pour le bailleur.

Cependant, le bailleur aura vraisemblablement tout intérêt à obtenir soit un cautionnement

émanant d’une personne morale (établissement bancaire) soit une garantie à première

demande196.

Compte tenu de l’efficacité relative des privilèges octroyés par la loi de 1985 que se soit le

privilège du bailleur ou celui de l’article 40 ; le bailleur aura tout intérêt à recourir à des

procédés de droit commun afin de maximiser ses chances de recouvrer ses créances. À ce

titre, la compensation des créances connexes semble être la « reine » des garanties de 194 cass. com. 17 juil. 1990, D. 1991, somm., p. 12, obs. Derrida ; D. 1990, p. 4, note Honorat 195 cass. 1 °civ., 17 févr. 1993, Bull. civ I, n° 75, p. 49 196 Lévy, Le redressement et la liquidation judiciaires du preneur, AJPI 1994, p. 736

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paiement dont le bailleur pourra se prévaloir, mais encore faudra-t-il qu’il soit lui-même

débiteur du locataire-débiteur. En conséquence, aussi paradoxal que cela puisse paraître, les

chances de payement du créancier seront proportionnelles aux sommes qu’il doit à son propre

débiteur.

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CONCLUSION

En conclusion, il faut remarquer qu’au-delà des imperfections rédactionnelles des textes,

le dispositif relatif aux bail commercial mis en place par la loi du 25 janvier 1985 à l’insigne

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mérite de respecter l’esprit de cette loi à savoir : poursuivre l’exploitation de l’entreprise

dans la perspective de son redressement. À cette fin, la poursuite de certains contrats en cours

apparaît comme une nécessité. En effet, en cette période de crise qu’est le redressement

judiciaire, la principale - voire l’unique - richesse de l’entreprise sont les contrats qui la lient à

ses fournisseurs, ses distributeurs, son bailleur… ; le contrat de bail fait, d’ailleurs, partie de

ceux dont l’entreprise ne saurait se passer. Alors pour en assurer la pérennité, il faut limiter

autant que possible le droit à résiliation du bailleur. Pour atteindre un tel objectif, le jugement

d’ouverture du redressement judiciaire purge les manquements fautifs du preneur antérieurs à

l’ouverture de la procédure. De la sorte, le contrat de bail poursuivi postérieurement au

jugement d’ouverture n’est ni fondamentalement identique ni fondamentalement différent de

celui qui unissait le locataire et le bailleur avant ledit jugement. Effectivement, il continue à

lier les mêmes parties mais prive le bailleur de certains de ses droits tels : l’exception

d’inexécution, la résiliation du bail pour défaut d’exploitation… Ainsi, le lien contractuel va-

t-il devoir plier devant la valeur économique du contrat de bail au nom de la sauvegarde de

l’entreprise en difficulté. Le droit des procédures collectives consacrent alors « une théorie

renouvelée du droit des contrats »197 .

197 Gastaud, synthèse de la journée d’études organisée par le C.R.A.J.E.F.E., op. cit.

-112-

bIBLIOGRAPHIE

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-117-

Cass. com., 11 déc. 1990, Loyers et copr. 1991, n° 75, obs. Brault ; RTD com. 1991, p. 103, note Chaput Cass. com., 12 févr. 1991, Bull. civ. IV, n° 65, p. 45. Cass. com., 14 mai 1991, D. 1991, I.R., p. 165. Cass. com. 4 févr. 1992, AJPI 1992, p 446 note Gallet. Cass. com., 31 mars 1992, D. 1992, I.R., p. 180. Cass. com. 2 févr. 1993, JCP éd. G 1994, II, n° 22212, note Lévy. CA Paris, 26 févr. 1993, Loyers et copr. 1993, n°268, note Brault. Cass. com., 16 mars 1993, D. 1993, I.R., p. 96. Cass. com., 31 mai 1994, Loyers et copr. 1995, n° 217, note Brault. Cass. com., 17 févr. 1998, RJDA 1998, n° 884, p. 642. Cass. com., 9 juin 1998, Quot. Jur. 16 juil. 1998, p. 45 ; D. 1998, som., p. 329, obs. A. Honorat. Cass. com., 13 oct. 1998, D. aff. 1998, p. 1846, obs. A.-L. M.-D.

�� La résiliation du bail commercial par le bailleur Cass. 3° civ., 17 juin 1975, Bull. civ III, n° 204, p. 157. Cass. 3° civ., 18 mai 1978, Bull. civ III, n° 205, p. 159 Cass. 3° civ., 10 juin 1980, Bull. civ III, n° 113, p. 84.

-118-

Cass. 3° civ., 19 mars 1986, Bull. civ. III, n° 32, p. 25. CA Aix-en-Provence, 22 déc. 1987, D. 1989, p. 45, note Putman. CA Paris, 23 mars 1988, JCP éd. E 1988, II, n° 15335, obs. Cabrillac. Cass. com., 17 oct. 1989, Defrénois 1990, art. 34801, note Bihr. Cass. 3° civ., 21 févr. 1990, RTD com. 1990, p. 478, obs. Chaput ; Rev. huissiers 1990, p. 1058, note Martin. Cass. com., 3 nov. 1992, JCP éd. G 1993, II, n° 22117, note Boccara. Cass. 3° civ., 5 janv. 1993, Gaz. Pal. 1993, II, jur., p. 310, note Barbier. Cass. com., 2 nov. 1993, JCP éd. E 1994, pan. 13, p. 5. Cass. com. 14 juin 1994, D. 1995, jur., p. 105, note Derrida. Cass. 3° civ., 12 oct. 1994, RD imm. 1995, p. 172, note F. Collart-Tilleul et Derrupé. T. com. Paris, 18 juin 1996, Juris-Data n° 043303. Cass. com., 11 mars 1997, Dr. sociétés 1997, n° 82, obs. Chaput.

�� Les conséquences liées à la résiliation du bail commercial Cass. com., 20 juin 1989, JCP éd. E 1997, II, n° 15658, obs. Cabrillac et Pétel . Cass. com. 14 nov. 1989, RTD com. 1990, p. 494, obs. Martin-Serf. Cass. com., 17 juil. 1990, D. 1991, somm., p. 12, obs. Derrida ; D. 1990, p. 494, obs. Honorat.

-119-

Cass. com., 19 mars 1991, JCP éd. E 1991, I, n° 23, obs. Cabrillac et Pétel ; RJ com 1992, p. 24, note

Pédamon ; D. 1992, som., p.257, obs. Derrida. Cass.com., 15 oct. 1991, Bull. civ. IV, n° 290, p. 201. Cass. com., 17 déc. 1992, Dr. et patrimoine 1993, n° 5, p. 29, obs. Pétel. Cass. com., 2 févr. 1993, Rev. proc. coll. 1993, p. 405, obs. Saint-Alary-Houin. Cass. 1° civ., 17 févr. 1993, Bull. civ. I, n° 75, p. 49. Cass. com., 8 juin 1993, JCP éd. E 1993, I, n° 8, obs. Pétel et n° 6, obs. Simler ; RTD com. 1993, p. 583, obs. Mestre. Cass. com., 25 janv. 1994, D. 1994, p. 539, obs. Gallet. Cass. com., 17 mai 1994, Bull. civ. IV, n° 178, p. 212. Cass. com., 24 oct. 1995, Gaz. Pal. 1996, pan., p. 121. Cass. com., 11 févr. 1997, Rev. proc. Coll. 1997, p. 312, obs. Conet et p. 457, obs. Saint-Alary-Houin ; JCP éd. E 1997, I, n° 1, obs. Cabrillac ; RTD com. 1998, p. 210, obs. Martin-Serf.

Table DES MATIères

-120-

Annonce du plan p.1

Abréviations p.2

Introduction p.4

PARTIE I : LA RESILIATION DU BAIL COMMERCIAL PAR L’ADMINISTRATEUR

p.17

CHAPITRE I : Le droit de résilier de l’administrateur après une mise en demeure du bailleur

p.22

I. Les conditions préalables à l’exercice de l’option

p.22

§ 1 : La notion de « bail en cours » au jour de l’ouverture de la procédure collective

p.23

§ 2 : Une connaissance précise de la situation du débiteur

p.24

§ 3 : La forme et les délais de la mise en demeure

p.25

A. La forme p.25

B. Les délais p.26

II. Les termes de l’option p.27

§ 1 : Le silence de l’administrateur suite à la mise en demeure du bailleur

p.27

-121-

A. Le régime antérieur : un alourdissement des modalités d’exercice du droit d’option

p.28

B.Le régime issu de la loi du 10 juin 1994 : un souci de clarification de la part du

législateur p.30

1. Le sort du contrat de bail : la résiliation de plein-droit p.30

2. La constatation de la résiliation de plein-droit par le juge-commissaire

p.31

§ 2 : La décision expresse de mettre fin au bail : une lacune rédactionnelle de la loi de 1985

p.32

CHAPITRE II : Les autres hypothèses de droit à résiliation de l’administrateur

p.35

I. La résiliation « prévisionnelle » p.35

§ 1 : Le droit de repentir de l’administrateur

p.36

A. L’obligation de prévisibilité raisonnable

p.36

B. Les modalités d’exercice du droit de résiliation prévisionnelle

p.38

§ 2 : Les incidences de la réforme de l’article 37 : la multiplication des actions en

responsabilité à l’encontre de l’administrateur p.40

-122-

II. La résiliation de plein-droit pour défaut de paiement comptant

p.42

§ 1 : Les incertitudes juridiques liées à la formule « payer au comptant »

p.43

§ 2 : Les modalités d’exercice de la résiliation p.45

PARTIE II : LA RESILIATION DU BAIL COMMERCIAL PAR LE BAILLEUR

p.48

CHAPITRE I : L’interdiction de principe : la résiliation pour des causes antérieures au

jugement d’ouverture

p.52

I. L’illustration de cette interdiction de principe : le jeu de la clause résolutoire

p.52

§ 1 : Les controverses doctrinales sur l’acquisition de la clause résolutoire

p.53

§ 2 : La condition jurisprudentielle d’acquisition de la clause résolutoire : une décision ayant

autorité de chose jugée p.54

A. La mise en œuvre de la clause résolutoire

p.54

B. Le mécanisme contractuel de la clause résolutoire mis à mal par le droit des

procédures collectives

p.56

C. La limite de cette jurisprudence : l’absence d’autorité de la chose jugée de

l’ordonnance de référé ? p.57

-123-

II. La résiliation pour des causes antérieures au jugement d’ouverture également neutralisée

dans le cadre d’un plan de redressement p.59

§ 1 : Le droit à résiliation du bailleur dans le cadre d’un plan de continuation

p.59

§ 2 : Le droit à résiliation du bailleur dans le cadre d’un plan de cession

p.60

III.Une exception marginale à cette interdiction : la résiliation du contrat de bail pour des

causes autres que le non paiement des loyers et des charges

p.63

CHAPITRE II : La résiliation pour des causes postérieures au jugement d’ouverture

p.66

I. Les articles 37 et 38 de la loi du 25 janvier 1985 : cumul ou autonomie ?

p.67

II. Les spécificités du régime spécial du bail commercial ( l’article 38 de la loi du 25 janvier

1985) p.70

§ 1 : Le régime antérieur à la loi du 10 juin 1994 : une jurisprudence contestée et contestable

p.71

A. La résiliation pour défaut de paiement des loyers et des charges antérieures au

jugement d’ouverture : mythe ou réalité ?

p.71

B. La condition préalable à l’exercice de l’action

p.73

§ 2 : Le nouvel article 38 : un renforcement des droits du bailleur

p.74

-124-

A. Le tempérament à la liberté de résilier du bailleur p.75

1.Le champ d’application de l’article 38 alinéa 1er p.75

a. Les baux visés p.75

b. Un mot bien singulier : l’adjectif « afférent » contenu dans l’article 38

de la loi du 25 janvier 1985 p.76

2. Les conditions de mise en œuvre de l’article 38 p.78

a. La nouvelle condition préalable à l’introduction de l’action en

résiliation : l’occupation des lieux loués p.78

b. La résiliation de plein-droit du bail commercial est-elle autonome par

rapport au décret du 30 septembre 1953 ? p.79

c. Un moratoire de deux mois pour le locataire en redressement

judiciaire p.81

B.La dérogation à la liberté de résilier du bailleur : le défaut d’exploitation des lieux

loués p.82

PARTIE III : LES CONSEQUENCES LIEES A LA RESILIATION DU BAIL

COMMERCIAL p.85

CHAPITRE I : Les privilèges accordés au bailleur par le droit des procédures collectives :

une sécurité de paiement partielle p.88

I.Le privilège du bailleur : une sûreté restreinte par rapport au droit commun

p.88

§ 1 : L’étendue des créances garanties p.89

-125-

§ 2 : Le rang ( médiocre ) du privilège du bailleur dans la classification de l’article 40

p.91

II. Le privilège de l’article 40

p.92

§ 1 : Les créances garanties par l’article 40

p.93

§ 2 : Les modalités de mise en œuvre de l’article 40

p.96

CHAPITRE II : Une meilleure garantie de paiement pour le bailleur : le recours à des

mécanismes de droit commun p.99

I.L’exception de compensation p.100

§ 1 : L’efficacité limitée de la compensation légale, judiciaire et conventionnelle en droit

des procédures collectives p.100

§ 2 : La « super-compensation » des créances connexes : une garantie de paiement quasi-

absolue p.103

II. L’efficacité mitigée du cautionnement en cas de redressement judiciaire du locataire

p.104

§ 1 : Une garantie tantôt efficace contre la défaillance du débiteur failli

p.105

§ 2 : Une sûreté tantôt mise à mal par le droit des procédures collectives

p.107

Conclusion p.110

-126-

Bibliographie p.112

Table des matières p.120