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LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES François Lafarge et Michel Le Clainche E.N.A. | Revue française d'administration publique 2010/4 - n° 136 pages 751 à 754 ISSN 0152-7401 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2010-4-page-751.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Lafarge François et Le Clainche Michel, « La révision générale des politiques publiques », Revue française d'administration publique, 2010/4 n° 136, p. 751-754. DOI : 10.3917/rfap.136.0751 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour E.N.A.. © E.N.A.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 1 - Sorbonne - - 194.214.27.178 - 14/05/2013 20h44. © E.N.A. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 1 - Sorbonne - - 194.214.27.178 - 14/05/2013 20h44. © E.N.A.

La révision générale des politiques publiques

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LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES François Lafarge et Michel Le Clainche E.N.A. | Revue française d'administration publique 2010/4 - n° 136pages 751 à 754

ISSN 0152-7401

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2010-4-page-751.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Lafarge François et Le Clainche Michel, « La révision générale des politiques publiques »,

Revue française d'administration publique, 2010/4 n° 136, p. 751-754. DOI : 10.3917/rfap.136.0751

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INTRODUCTION

LA RÉVISION GÉNÉRALEDES POLITIQUES PUBLIQUES

François LAFARGE

Chercheur au Centre d’expertiseet de recherche administrative,

École nationale d’administration,maître de conférences associé

Université de Strasbourg

Michel LE CLAINCHE

Directeur régional des financespubliques de Haute-Normandie

La révision générale des politiques publiques (RGPP), dénomination entièrementnouvelle et peu explicite au premier abord, a entendu marquer une rupture avec la réformede l’État, qui, elle-même, s’était substituée au cours des années 1990 à la modernisation età la réforme administrative.

Alors qu’au départ, l’exercice était envisagé pour un ou deux ans, quatre vaguesrythmées par les travaux du conseil de modernisation des politiques publiques se sontsuccédées depuis 2007 et rien n’annonce un ralentissement ou une interruption duprocessus. Bien au contraire, la quatrième vague lancée en juin 2010 a été présentée commele début d’une deuxième phase de la RGPP, dont les objectifs seraient différents de ceux dela première phase.

Il n’est pas aisé de synthétiser la RGPP, de définir sa spécificité, de mesurer son degréd’originalité aussi bien par rapport aux mouvements antérieurs de réforme que par rapportaux modèles étrangers de programme review dont elle s’inspire en partie. C’est cette visiondistanciée, à la fois rétrospective et prospective, que propose ce numéro de la Revuefrançaise d’administration publique en rassemblant des contributions diverses et destémoignages relatifs aux méthodes, aux contenus et au bilan de la RGPP.

La « méthode RGPP » comporte une forte dose d’originalité mais n’est pas exemptede critiques.

La méthode caractérise la RGPP. En effet, comme l’indique François Lafarge, celle-ciest « plus une procédure de réforme qu’une réforme stricto sensu ». Elle présente plusieursaspects distinctifs. Parmi les plus notables, le niveau de la décision, les participants àl’élaboration du dispositif et la conduite du projet manifestent l’originalité de la RGPP.Comme pour le Renouveau du service public en 1989, l’engagement politique au plus hautniveau est assuré, ce qui est assez exceptionnel. Les jeux d’acteurs sont renouvelés. PhilippeBézes indique que « la réforme de l’État est désormais une politique contrôlée par Bercy ».Plus généralement, Luc Rouban décrit les « trois cercles d’innovateurs » de la RGPP et le

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double réseau « politique » et « financier » qui reflètent la diversité des objectifs de la RGPP.L’ensemble des contributions soulignent la part prise par les grands cabinets de consultantsdans l’élaboration de cette politique publique. Ces spécificités de la RGPP par rapport auxétapes antérieures de la réforme administrative portent en elles-mêmes d’importantes limites.

La méthode RGPP est critiquée comme étant centralisée, non transparente etinsuffisamment porteuse de sens. Le catalogue de mesures a été préparé au niveau national,les cibles et les délais ayant été imposés aux services concernés. Les consultants sontintervenus à ce stade pour préparer et accompagner les réformes alors que les gestionnairesde terrain ont dû les mettre en œuvre dans les conditions très contraintes et sans aucuneaide. Aucune publication préalable, aucun débat, aucun « Grenelle » n’ont été organisés surces thèmes. La rapidité a pu engendrer la superficialité et la tentation de l’effet d’annonce.Ainsi un organigramme unique ne suffit-il pas à réaliser la fusion des cultures. A cet égard,la création de la direction générale des finances publiques est exemplaire par rapport àd’autres fusions plus laborieuses et moins achevées. En outre, cette méthode rend difficilel’appropriation des mesures. Les syndicats ont été plutôt silencieux dans les premiers tempsde la RGPP mais ils déploient désormais un discours très critique dont le point de vueprésenté par Patrick Hallinger porte témoignage. Dans le même ordre d’idées, Sylvie Trosaappelle à un « management par le sens » dont l’outil principal serait un dispositifd’évaluation des politiques publiques, dispositif dont plusieurs auteurs soulignent que laRGPP devrait faire l’objet. Cette vision n’est pas celle d’un des acteurs principaux de laRGPP, François-Daniel Migeon qui, dans son témoignage, affirme que « la RGPP est plusque le nom de la réforme française de l’État, elle est une véritable méthode detransformation, un chemin à emprunter pour orienter les administrations publiques vers laperformance ». Mais cette recherche de la performance est-elle un objectif suffisant pourcaractériser le contenu de la RGPP ?

Le contenu de la RGPP n’est pas homogène et comporte des zones d’ombre.Les objectifs de la RGPP sont divers, évolutifs et pas toujours très bien explicités. On

peut les rattacher à deux grands axes : une politique assez traditionnelle de réforme del’administration complétée par une vision budgétaire plus nouvelle.

Dans la première phase, l’accent a été mis sur l’adaptation des structures. Cetteorientation ne manque pas de précédents ; la mission d’organisation des administrationscentrales (MODAC) puis la mission Belin-Gisserot en 1986 avait été aussi des démarchessystématiques d’allègement de l’organisation administrative. D’autres objectifs de réformede la gestion publique ont été mis en avant, mais en mode mineur. La gestion des ressourceshumaines fait l’objet de décisions importantes raccordées délibérément à la RGPP. JacquesChevallier évoque à ce sujet « un changement en profondeur de la conception traditionnellede la fonction publique ». Les relations avec les usagers sont assez peu présentes sinon sousl’aspect novateur de l’administration numérique. Bien que Sébastien Kott et FrançoisLafarge relèvent que la RGPP est peu cohérente avec la LOLF, la contribution de la réformeà la maîtrise des dépenses publiques constitue le deuxième axe fort de la RGPP. Présent dèsle début et dans les expériences étrangères analysées par Isabelle Fortier, Andrew Massey,Irvine Lapsley et Arthur Midwinter, cet objectif est devenu de plus en plus prégnant etexplique, par exemple, l’inclusion du programme de réduction des effectifs de la fonctionpublique dans la RGPP et les importantes décisions relatives à la mutualisation desfonctions supports des services de l’État. Signalons, à propos de l’expérience québécoiserapportée par Isabelle Fortier, que celle-ci a été une des sources d’inspiration de la RGPP.Cependant la RGPP génère des économies budgétaires relativement modérées par rapportà l’ampleur du nécessaire effort de réduction du déficit budgétaire.

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L’examen des politiques publiques, esquissé au début de la RGPP, et qui aurait pu êtrela principale source d’économies budgétaires, a été tardif et très limité même si la RGPPa produit des effets indirects sur le contenu de certaines actions de l’État, par exemple, laconduite de la politique étrangère analysée par Laurence Badel ou le contrôle de légalitédes actes administratifs des collectivités territoriales décrit par Jean-Michel Bricault. Larénovation du management public – même s’il est beaucoup question de performance – n’adonné lieu que de manière limitée à l’expérimentation d’outils novateurs alors que, parexemple, elle était au cœur du Renouveau du service public en 1989.

Après avoir visé la rationalisation de l’ensemble des services de l’État, la méthodeRGPP est désormais étendue aux opérateurs ainsi que l’expose Olivier Millard. Mais elleaura plus de difficultés à s’implanter dans les collectivités locales. La volonté dugouvernement d’associer les collectivités locales à la maîtrise des dépenses publiques vadans ce sens, mais Jean-Luc Pissaloux et Didier Supplisson montrent l’extrême prudencedes élus en ces domaines. La RGPP est donc un concept et une politique publique « attrapetout » dont l’unité n’est pas facile à saisir. Elle ne fait, en effet, pas l’objet d’un documentprogrammatique d’ensemble comme l’ont été les circulaires Rocard en 1989 et Juppé en1995. C’est avant tout un catalogue sans cesse renouvelé de mesures disparates, dont leschroniques d’actualité de cette Revue rendent compte régulièrement, et qui font l’objet detableaux de bord simplifiés à l’extrême, à savoir les Rapports d’étape publiés par leministère du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme del’État.

Quoi qu’il en soit, le suivi de la RGPP fait apparaître un bilan quantitatif sansprécédent qui suscite des appréciations divergentes.

Sur 374 mesures programmées 85 % sont officiellement notées comme avançantconformément aux objectifs fixés et 58 d’entre elles sont considérées comme finies. Enoutre, 150 mesures nouvelles ont été annoncées au dernier Conseil de modernisation despolitiques publiques en juin 2010. Les témoignages de praticiens de la réforme, tels queDaniel Canepa, Philippe Schnäbele et Olivier Millard font état des très nombreusesmesures de réorganisation tant au niveau central que dans l’administration territoriale etdans les établissements publics. Même si certains proclament, une fois de plus, la« révolution dans la réforme de l’État », ou le « changement des cultures » sans tout à faitconvaincre, le bilan en termes de changements est éloquent. Toutefois, des rapports officielscommencent à nuancer ce bilan élogieux. La Cour des Comptes minimise l’impactbudgétaire de la RGPP et des parlementaires en contestent les effets positifs 1. Lesfonctionnaires eux-mêmes sont réticents. Un sondage publié en décembre 2010, auprès de800 fonctionnaires faisait apparaître que seulement 33 % des personnes approuvent laréforme telle qu’elle est mise en œuvre et que 74 % des agents des services en cours deréorganisation s’estiment trop peu associés en amont 2.

Une question controversée est cependant celle de savoir si la RGPP est le pointd’aboutissement de la pénétration du New public management dans l’administrationfrançaise comme le soutient Françoise Dreyfus, rejoignant les constatations d’IsabelleFortier pour le Québec, d’Irvine Lapsley et Arthur Midwinter pour la Grande-Bretagne.

1. Rapport de la Cour des Comptes sur les effectifs de l’État (1980-2008) du 16 décembre 2009 ; rapportd’information de Michèle André sur la mise en œuvre de la RGPP dans les préfectures, Sénat, n° 35, 13 octobre2010 ; création d’une mission commune d’information sur les conséquences de la révision générale despolitiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux au Sénat le 26 janvier 2011,présidée par François Patriat.

2. Sondage réalisé par l’IFOP auprès de 800 agents de l’État et des collectivités territoriales pourAccenture et les Echos et publié par les Echos du 7 décembre 2010.

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Dans le domaine de la fonction publique, Jacques Chevallier soutient que « le modèleclassique tend bel et bien a faire la place à un modèle nouveau » sous une apparence decontinuité. Philippe Bezes et Patrick Le Lidec, analysant la réforme de l’administrationterritoriale de l’État, sont plus nuancés et évoquent l’hybridation entre les modèlestraditionnels et les modèles nouveaux d’administration territoriale. Une véritable évalua-tion de politique publique serait sans doute nécessaire.

Au delà, se pose la question de l’après RGPP. Les premiers commentaires officielsannonçaient un mouvement temporaire, un programme à réaliser avant 2012. MaisDaniel-François Migeon évoque « la pérennité de la RGPP comme levier du changementet de l’amélioration constante de la performance publique à moyen terme ». Cependant laRGPP ne saurait marquer la fin de la réforme administrative. Andrew Massey fait entendrela voie de nombreux spécialistes lorsqu’il critique les excès de la direction par objectifs etla recherche exclusive de la performance dans les services publics. Il n’est donc pasimpossible d’imaginer une autre « figure » de réformes, fruit d’un nouveau compromisentre acteurs tels que ceux décrits par Philippe Bezes, réforme qui serait plus transparenteet plus ouverte dans ses méthodes d’élaboration et plus qualitative et plus managériale dansson contenu. Comme l’indique Sylvie Trosa, cette méthode « rejetterait radicalement lesformes de gestion des services publics qui se font de façon descendante, imposée, rigide,sans débat et selon des critères exclusivement quantitatifs ». Cet « après RGPP » ne pourracependant faire abstraction, ni de la contrainte budgétaire, ni de certaines nouvellesméthodes de management public qui ont démontré leur efficacité.

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