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La titularité des droits de propriété intellectuelle par l'entreprise àl'épreuve des procédures collectives

Alexandre Menais, LovellsAdministrateur de Juriscom.net et chargé d'enseignement à la faculté de droit de

Poitiers.

Les contrats qui portent sur l'exploitation des droits de propriété intellectuelle se caractérisent parleur intuitu personae. A titre d'exemple, pour le droit d'auteur, la personnalité du co-contractant del'auteur qu'il soit éditeur ou producteur est déterminant du consentement de l'auteur, qui va confier àce dernier la gestion de ses intérêts patrimoniaux.

Ainsi, on peut s'apercevoir tout de suite que deux acceptions antinomiques se confronteront dès lorsque le droit d'auteur sera pris dans la "tourmente des procédures collectives"1. En effet, le droit desprocédures collectives s'efforcera d'assurer la continuité de l'activité de l'entreprise et ce par tousmoyens, alors que le droit de la propriété intellectuelle, fort du caractère intuitu personae de sescontrats, limitera la possibilité de cession desdits contrats et par là même des droits qui y sontattachés.

Ceci étant dit, si le débat jurisprudentiel2 a tourné rapidement à la faveur de la poursuite descontrats en cours, malgré le caractère intuitu personae de ces contrats, des exceptions qui sontprévues au code de la propriété intellectuelle demeurent. Plus encore, elles pourraient selon nousse développer notamment dans le cadre de créations nouvelles, on pense notamment aux oeuvresmultimédias.

Dans le même sens, les titulaires de droit de propriété intellectuelle, face aux dispositions de l'articleL.621-28 du Code de commerce, prévoyant la continuité des contrats en cours, parviennent malgrétout à défendre et faire prévaloir certaines dispositions protectrices de leurs droits. Il n'est pas rarede voir l'administrateur ou le liquidateur, ou encore le bénéficiaire de la cession de l'activité, êtrepoursuivi en contrefaçon par l'auteur3. En effet, les nouveaux titulaires des droits omettent souventde respecter les engagements contractuels auxquels ils sont tenus par la poursuite des contrats.

Enfin, le débat sur la possibilité de résilier ou non des contrats conclus intuitu personae noussemble retrouver toute sa force dans la mesure où dans le cadre des procédures collectivescertaines entreprises commencent à véritablement prendre en compte, le sort des droits depropriété intellectuelle et ce bien en amont de l'ouverture de la procédure.

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette tendance, parmi lesquelles figure la place omniprésentede l'informatique dans l'appareil de production de l'entreprise mais encore l'utilisation désormais parles entreprises de techniques de valorisation de leurs droits de propriété intellectuelle comme actifdu bilan.

Ce long chemin vers la reconnaissance de l'importance des droits de propriété intellectuelle passeindéniablement par une éducation des entreprises afin d'identifier les droits dont elles sont titulaires 1 Expression reprise à Monsieur le Professeur F. Pollaud-Dulian dans son article inspirateur,"Les droitsintellectuelles dans la tourmente des procédures collectives", in Mélanges Françon, p. 365 et s.2 Cour de Cass., 8 Dec 1987, D.1988 II 52, Obs Derrida.3 Article L.132-15 et L.132-30 al.2 du CPI.

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et de constituer la preuve de cette titularité. Cette démarche d'identification des titulaires des droitssera un atout pour l'entreprise une fois la spirale de la procédure collective enclenchée, enprotégeant ainsi ses acquis. Mais la prise en compte de la particularité des droits de propriétéintellectuelle constitue aussi un bénéfice pour l'entreprise partenaire ou l'entreprise qui succèdedans les droits du titulaire en "faillite", puisque même si les droits intellectuels pris isolémentbénéficient de dispositions particulières ils ne sortent pas intacts des procédures collectives.

I La titularité par l'entreprise de droits et contrats portant sur les droits de propriétéintellectuelle 4

La sanction d'un acte de contrefaçon ou la revendication d'un droit de propriété intellectuelle estnormalement réservée à l'auteur ou au titulaire des droits. Il est donc non seulement déterminant dedémontrer l'existence des droits mais plus encore la titularité de droits sur l'œuvre, la création ou lesigne protégeable.

A/ La titularité des droits et contrats portant sur les œuvres de l'esprit

Le droit d'auteur (article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle, ci-après "CPI") naît sur la têtede l'auteur, qu'il soit salarié ou non même si ce principe admet, comme nous le constaterons, desexceptions. Pour autant, tout salarié n'a pas toujours la qualité d'auteur.5

D'une part, la contribution du salarié doit porter sur un élément de forme de l'œuvre, ainsi parexemple pour un site Internet, la création du salarié pourra correspondre à une image, un son, unélément logiciel ou une base de donnée. D'autre part, la contribution du salarié devra être originale.On retiendra l'originalité lorsque que l'empreinte de la personnalité de l'auteur figure dans l'œuvre.

Dans la mesure où la contribution du salarié est susceptible d'être protégée par un droit d'auteur,l'employeur doit obtenir de sa part une cession expresse des droits d'exploitation sur son œuvre.Néanmoins ladite cession ne doit pas priver l'auteur salarié des dispositions protectrices sur le droitd'auteur, même si l'employeur peut se fonder sur des exceptions prévues par le CPI qui luiconfèrent une titularité automatique des droits.

1) En effet, pour l'oeuvre collective6, elle est "sauf preuve contraire, la propriété de la personnephysique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie du droitd'auteur".

De sorte que, les droits d'auteur sur l'œuvre collective appartiennent ab initio à l'employeur. Lesauteurs conservent un droit d'exploitation sur leur propre contribution, sous réserve de ne pasconcurrencer l'ensemble. Ainsi, pour la création d'un site Internet, chaque auteur salarié conserveraun droit d'exploitation séparé sur sa propre contribution dans la mesure où cette exploitation ne faitpas concurrence à l'exploitation du site Web de l'employeur.

Cependant la forme d'exploitation de l'œuvre collective en vue de laquelle l'auteur a été engagé etrémunéré encadre l'autorisation de ladite œuvre et ne permet pas de réutiliser son travail pour uneforme d'exploitation distincte ou imprévue.

2) D'autre part, ce sont les logiciels qui connaissent depuis la loi du 10 mai 1994 un régimeparticulier lorsqu'ils sont créés par un salarié.

L'article L.113-9 du CPI précise que sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droitspatrimoniaux (a) sur les logiciels et leur documentation (b) créés par un ou plusieurs employés (c)

4 Pour une étude complète, voir Carine Bernault et Antoine Soreau, Contrefaçon de logiciel, ed. dePâques, p25 et s.5 Pour une étude complète, voir Stéphane Vital Durand et Valérie Chazaud "Quels droits sur les

contributions intellectuelles des salariés", JCP Ed, p308.6 L.113-5 du CPI.

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dans l'exercice de leurs fonctions ou d'après les instructions de l'employeur sont dévolus àl'employeur qui est seul habilité à les exercer.

L'employé conserve certes son droit moral mais il est très amoindri par l'article L.121-7 du CPI quidispose que "sauf stipulation contraire plus favorable à l'auteur d'un logiciel, celui-ci ne peuts'opposer à la modification du logiciel par le cessionnaire des droits mentionnés au 2°de l'articleL.122-6, lorsqu'elle n'est préjudiciable ni à son honneur ni à sa réputation; exercer son droit derepentir ou de retrait." Le droit moral du salarié dans ce contexte se réduit donc au droit au nom, etce par interprétation a contrario de l'article L.121-7 du CPI7.

3) Autre exception, "ambiguë et génératrice de contentieux aux solutions incertaines"8, les œuvresjournalistiques combinent une protection qui relève des dispositions du CPI et du Code du travail.

Ainsi, le CPI consacre le principe d'une cession automatique des droits patrimoniaux à l'articleL.121-8 al.2 qui dispose que l'auteur, lorsqu'il est lié à l'entreprise d'information par un contrat decommande ou de travail conserve normalement le droit de faire reproduire ou d'exploiter l'œuvre,sous la seule réserve que cette reproduction ou cette exploitation ne concurrence pas le journal oule recueil périodique dans lequel elle a été publiée. A contrario, le journaliste ne peut invoquer saqualité d'auteur pour s'opposer à la publication dans le journal auquel il est lié, le contrat de travailopère dans cette limite une cession de plein droit.

Dans le même sens, l'article L.761-9 al.2 du Code du travail va subordonner à une conventionexpresse le droit pour l'employeur de faire paraître les œuvres créées par les journalistes "dans plusd'un journal ou périodique", la cession est par conséquent automatique pour la première publication.

4) L'œuvre audiovisuelle est considérée de lege comme une œuvre de collaboration par l'articleL.113-7 du CPI. Par conséquent, les droits appartiennent conjointement aux auteurs du scénario, del'adaptation, du texte et des compositions musicales, ainsi qu'au réalisateur, alors même qu'ilsseraient salariés. Cependant, il existe une présomption de cession des droits d'exploitation auproducteur de l'œuvre audiovisuelle en vertu de l'article L.132-24 CPI.

5) Dans le cas particulier des œuvres publicitaires, l'article L.132-31 du CPI n'envisage pasvéritablement d'exception à la règle de la titularité initiale, mais il pose une présomption de cessiondes droits du créateur au producteur. Cependant la transmission est subordonnée aux conditionscontraignantes de l'article L.131-3 du CPI.

6) Enfin, les bases de données constituent elles aussi des actifs de l'entreprise et représentent descréations dont les salaries sont des contributeurs. L'article L.341-1 du CPI prévoit la dévolution desdroits d'exploitation de la base de donnée au producteur de la base.

Le producteur est considéré être la personne, physique ou morale, qui va prendre l'initiative et lerisque des investissements nécessaires. Il y a attribution ab initio des droits sur la base auproducteur et ce quand bien même la base est intégralement créée par un salarié.

Si la titularité des droits s'acquiert sur les œuvres de l'esprit, elle peut aussi porter sur des œuvresindustrielles, parmi lesquelles figure le brevet.

B/ Les œuvres industrielles

1) Le brevet

Le droit au brevet appartient à l'inventeur ou à son ayant cause. "Si plusieurs personnes ont réalisél'invention indépendamment l'une de l'autre, le droit au titre (…) appartient à celle qui justifie de ladate de dépôt la plus ancienne."9 C'est donc au premier déposant qu'appartient le droit au brevet. 7 Douai, 1er juillet 1996, PIBD 1997, III, p. 129.8 Pour reprendre une expression du langage juridique commun.9 Article L.611-6 du CPI.

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Le CPI apporte une nuance en permettant à l'inventeur d'agir en revendication aux fins d'empêcherun déposant de mauvaise foi d'usurper le droit à l'invention. Cette action en revendication prévue àl'article L.611-8 du CPI permet, une fois le brevet délivré ou avant sa délivrance, de revendiquer lapropriété de la demande indûment déposée.

Dans le cas où l'invention est le fait d'un salarié, l'article L.611-7 du CPI (salarié du secteur privé) etR. 611-1 et s. du CPI (salarié du secteur public) ont établi une classification, qui permet de désignerle titulaire de l'invention, à défaut de stipulation plus favorable au salarié.

En outre, l'article L.611-7 du CPI distingue les inventions de mission et les inventions hors mission.

Les inventions de mission sont attribuables ab initio à l'employeur. Ce sont les inventions faites parle salarié dans l'exécution, soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive, soitd'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées. La mission peut être générale ouspéciale, prévue ou non par le contrat de travail, ou résulter des fonctions effectives du salarié, oului être confiée ponctuellement.

Les inventions hors mission se décomposent elles-mêmes en deux sous catégories selon qu'ellessont attribuables ou non à l'employeur.

Dans le premier cas, à savoir les inventions hors mission attribuables à l'entreprise, l'invention doitavoir été faite par un salarié soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par laconnaissance ou l'utilisation des techniques ou des moyens spécifiques à l'entreprise, ou dedonnées procurées par elle. Il en résulte que l'employeur dispose de la faculté de se faire attribuerla propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention deson salarié, moyennant le paiement d'un juste prix.

Dans le second cas, les inventions hors mission non attribuables à l'entreprise, le sont toutes lesautres inventions, c'est à dire celles qui n'ont aucun rapport avec l'entreprise, que ce soit dans leurélaboration ou leur domaine d'application.

2) L'acquisition des droits sur la marque

En vertu de l'article L.712-1 du CPI, le déposant bénéficie du droit sur la marque. Ce qui sous-entend qu'un signe utilisé par une entreprise dans le cadre de son activité commerciale, sans avoirété enregistré à titre de marque, ne peut pas être protégé par l'action en contrefaçon, actionspécifique aux droits de propriété intellectuelle. Toutefois, la protection d'un tel signe peut êtreenvisagée sur la base des règles classiques de responsabilité civile (action en concurrence déloyaleou parasitisme économique).

En outre, le CPI prévoit à son article L.714-4 le cas particulier de la marque dotée d'une notoriété.Le titulaire d'une marque de fabrique notoire en France est protégé même en l'absence de toutenregistrement, par exception au principe d'enregistrement, à condition que cette marque répondeaux conditions posées à l'article 6 bis de la Convention de Paris (confusion, reproduction d'unemarque notoire). Le titulaire d'une marque notoire bénéficiera d'un délai de cinq ans pour annulerl'enregistrement de la marque effectué par un tiers sans avoir à se fonder sur son propreenregistrement. Dans le cas d'un dépôt frauduleux de la marque par un tiers, le titulaire de lamarque notoire peut agir à tout moment.

Pour autant, la protection de la marque notoire en dehors de tout enregistrement ne fait paséchapper cette marque au principe de spécialité. Son titulaire ne peut la protéger que contre desmarques postérieures enregistrées pour des produits ou services similaires à ceux pour lesquels lamarque notoire est utilisée.

Enfin, dans une telle hypothèse, la marque est protégée également contre toute imitation etreproduction non autorisée sur la base de l'article L.713-5 alinéa 2 du CPI.

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Tout comme en droit des brevets, il est possible d'agir en revendication afin de se voir transférer ledépôt effectué en fraude par un tiers (article L.712-6 du CPI).

Par ailleurs, le droit sur la marque peut être acquis par contrat. Il peut s'agir de cessions demarques, ou de concessions de marques, sur tout ou partie du dépôt et à durée déterminée ou non.

En principe, la licence a un caractère intuitu personae. Le licencié doit donc exploiter la marque lui-même et ne peut, sans l'accord du donneur de licence donner de sous-licence ou transférer salicence par cession, donation ou apport en société.

3) Le nom commercial

Si le fonds de commerce d'une entreprise a obligatoirement un nom commercial, la marque est, elle,facultative10.

Selon l'article L.711-4 du CPI, pour pouvoir être opposé à une marque déposée postérieurement, lenom commercial doit avoir un rayonnement national (il doit avoir été utilisé et être connu surl'ensemble du territoire national) et un risque de confusion avec la marque doit exister. Pourtant,l'acquisition du droit sur le nom commercial n'est régie par aucun texte du CPI11.

C'est pourquoi, à l'issue d'un usage12 personnel, effectif et sérieux, mais aussi public, une entreprisepourra acquérir un droit sur le nom commercial qui devra être distinctif au regard de l'activitéexercée.

A l'inverse, l'acquisition du droit sur la dénomination sociale commence par son insertion dans lesstatuts sociaux et devient opposable par son inscription au Registre du Commerce et des Sociétés.Comme elle est un attribut de la personne morale, la dénomination sociale s'éteint avec ladisparition de la personne morale. Contrairement au nom commercial, elle ne fait pas partie dufonds de commerce.

Pour être protégée en tant que droit de propriété incorporelle, la jurisprudence, en l'absence detexte, exige que la dénomination sociale soit distinctive, licite et disponible. Pour être distinctive, elledoit être suffisamment arbitraire, en ce sens que les termes choisis pour la dénomination sociale nedoivent pas être descriptifs, usuels ou nécessaires par rapport à l'activité de la société.

4) L'enseigne

L'enseigne13, tout comme le nom commercial, sert à identifier une entreprise et à la différencier deses concurrents. L'enseigne se distingue notamment du nom commercial en ce qu'elle désignel'activité prise dans sa localisation.

La propriété sur le nom de l'enseigne s'acquiert par son premier usage public. Ainsi, si le nom cessed'être utilisé de manière non équivoque, le nom sur l'enseigne tombe dans le domaine public.

Comme l'enseigne fait partie du fonds de commerce, elle doit être inscrite au Registre duCommerce et des Sociétés (Décret du 30 mai 1984, articles 8 et 15). Cette inscription n'est pasconstitutive de droits. Comme dans le cas de la protection des autres signes distinctifs (marques,

10 Frédéric Pollaud-Dulian "Droit de la propriété industrielle", éd. Montchrestien, p. 468.11 L'article 8 de la Convention de Paris interdit de soumettre la protection d'un nom commercial à une

formalité de dépôt ou enregistrement.12 Le décret du 30 mai 1984 (Décret N° 84-406 relatif au Registre du commerce et des sociétés) oblige lasociété de déclarer son nom commercial dans sa demande d'immatriculation au Registre du Commerceet des Sociétés. Cependant, la jurisprudence et la doctrine ne considèrent pas cette obligation comme undépôt constitutif de droits sur le nom commercial.13 L.714-4 c) et L.713-6 a) du CPI et "toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble etrelative à une activité qui s'y exerce", article 3 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité et auxenseignes.

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nom commercial, etc), il faut que l'enseigne soit licite, disponible et distinctive afin de pouvoirbénéficier d'une protection.

L'enseigne peut être l'objet de la concession d'une licence selon laquelle le titulaire initial accorde auconcessionnaire le droit d'utiliser l'enseigne en contrepartie d'une contribution financière.

Le locataire d'un fonds de commerce a automatiquement le droit d'utiliser l'enseigne dans la mesureoù elle est l'accessoire du fonds de commerce sauf clause contraire et peut donc être cédéeindépendamment.

5) Le savoir-faire

Le savoir-faire peut comprendre des connaissances pures ou un ensemble d'éléments techniquesou commerciaux (choix de matières premières, de meilleures conditions de fabrication, modalités degestion). Ces connaissances doivent dépasser les connaissances courantes à la portée de l'hommedu métier. Le savoir-faire doit être secret (non immédiatement accessible au public) et il doit êtretransmissible (détachable de la personnalité de l'inventeur).

Le règlement communautaire n° 240/96 du 21 janvier 199614 définit le savoir-faire comme "unensemble d'informations techniques qui sont secrètes, substantielles et identifiées" (article 10).

Les droits sur le savoir-faire naissent par la détention de la connaissance, fruit des expériencesprofessionnelles. Or, dans la mesure où ces connaissances ne sont pas considérées comme desbiens incorporels, à la différence du brevet, on ne peut pas parler de propriété du savoir-faire.

C'est pourquoi les contrats portant sur un savoir-faire ne peuvent pas transmettre de droits depropriété. On ne peut pas parler de contrats de cession ou de vente comme dans le cadre dubrevet.

Toutefois, le savoir-faire a une valeur particulière pour celui qui n'a pas accès à ces connaissances.C'est pourquoi le détenteur peut communiquer lesdites connaissances à une personne intéresséeen contrepartie d'une rémunération à condition que cette dernière garde le secret.

Les règlements communautaires appellent ces contrats "licences" mais la doctrine les qualifiemajoritairement comme contrats d'entreprise15.

Dans la pratique, il existe des communications pures de savoir-faire et des accords mixtes delicence de brevet et de savoir-faire. Aucun formalisme n'est exigé pour les contrats concernant lesavoir-faire, ni inscription au registre officiel. Font exception les contrats passés avec des personnesétrangères dans le cadre des dispositions spéciales de l'article R.624-1 et suivants du CPI relativesaux transferts internationaux de technologies. Ces transferts doivent être inscrits auprès de l'INPI.

Selon certains auteurs16, ce sont des contrats à exécution instantanée même si la rémunération estéchelonnée dans le temps, puisque l'obligation principale de communiquer les connaissances estexécutée en une seule fois.

6) Le nom de domaine

Le système de nommage organise les "domaines" de manière hiérarchique, par niveau. Ainsi, parexemple, les Top Level Domain sont ceux qui désignent la nature de l'activité (Generic Top LevelDomain), ".com" pour les sociétés mais aussi selon le pays d'enregistrement ".fr" pour la France.

14 Règlement (CE) N° 240/96 de la Commission du 31 janvier 1996.15 Frédéric Pollaud-Dulian "Droit de la Propriété Industrielle", précité. Une majorité de La doctrineconsidère que l'on devrait appliquer à ces contrats les articles 1779 et 1787 du Code civil.16 Frédéric Pollaud-Dulian "Droit de la Propriété Industrielle", précité.

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L'enregistrement d'un nom de domaine en .fr s'effectue auprès de l'AFNIC (Association Françaisepour le Nommage Internet en Coopération) qui est l'organisme chargé par l'ICANN (InternetCorporation for Assigned Names and Numbers) de l'attribution des noms de domaine en .fr.L'AFNIC a établi une Charte de Nommage de la zone .fr, dans laquelle sont précisées les conditionsd'obtention d'un nom de domaine en .fr. Ainsi, en application de l'article 11 de la deuxième partie dela Charte portant sur les "Principes directeurs du nommage" dans sa dernière version modifiée le1er juillet 2003, une entreprise souhaitant enregistrer un nom de domaine en .fr doit être soit titulaired'une marque17 correspondant à ce nom de domaine, soit justifier d'un extrait K bis sur lequel figurela dénomination de l'entreprise correspondant au nom de domaine qu'elle souhaite enregistrer.L'enregistrement doit nécessairement être effectué par l'intermédiaire d'un prestataire accrédité parl'AFNIC18. L'enregistrement d'un nom de domaine en .fr confère à son titulaire un droit d'utilisationdudit nom de domaine pendant un délai d'un an (article 20 de la première partie de la Charte portantsur les Dispositions Générales) qui pourra indéfiniment être renouvelé pour des périodessuccessives d'un an.

En application des règles de l'ICANN, les noms de domaine en .com sont attribués sur la base du"premier arrivé, premier servi". Ainsi, tout nom de domaine, dès lors qu'il est disponible, peut êtreenregistré pour une durée qui peut aller jusqu'à 10 ans et qui varie en fonction du "registrar" du nomde domaine.

Une fois déterminée la titularité des droits, il convient de voir le sort de ces derniers dans lesprocédures collectives.

II Le sort des droits et contrats lors de procédures collectives

Que deviennent les droits de propriété intellectuelle détenus par l'entreprise (soit qu'ils lui ont étécédés, soit qu'elle les détiennent ab initio), lorsque celle-ci fait l'objet d'une procédure collective.

Les règles qui portent sur les procédures collectives ont été conçues pour servir l'objectif desauvegarde de l'entreprise et se caractérisent par des dispositions édictant des interdictions decertains actes ou imposant la réalisation d'autres.

L'objectif poursuivi sera de donner au débiteur la possibilité de présenter une solution pérennisantl'entreprise, le plan de continuation, mais aussi la possibilité d'organiser la cession de l'entreprise cequi suppose l'éviction du débiteur.

Dans un premier temps, il s'agira de voir quel est le sort de ces contrats pendant la périoded'observation, où les contrats en cours peuvent être continués. (A)

Dans un deuxième temps, nous verrons les hypothèses et les modalités de cession des droits etcontrats portant sur la propriété intellectuelle, tout en retenant certains privilèges et mécanismes derevendication liés auxdits droits lors des phases de redressement et de liquidation.

A/ La continuation des contrats en cours pendant la période d'observation

Pendant la période d'observation, le principe est que l'activité de l'entreprise doit être continuée.C'est ce qui résulte des articles L.621-26 et L621-27 du Code de commerce.

17 Il peut s'agir d'une marque française, d'une marque communautaire ou d'une marque internationale

avec comme pays désigné la France.18 En application de l'article 1er de la troisième partie de la Charte de Nommage de la zone .fr portant sur

les actes d'administration sur les noms de domaine, la création d'un nom de domaine est réalisée "parl'intermédiaire d'un Prestataire Internet". Le "Prestataire Internet" étant un prestataire technique ayantconclu une convention avec l'AFNIC, en charge de traiter les demandes des clients (Préambule de laCharte de Nommage de la zone .fr).

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C'est l'administrateur judiciaire qui détient seul le pouvoir d'exiger l'exécution des contrats en cours,en vertu de l'article L.621-28 du Code de commerce.

En outre, à compter du jugement d'ouverture, les fournisseurs et prestataires ne peuvent pluspoursuivre en recouvrement leur débiteur pour des sommes dues antérieurement à cette date. Ilfaut donc déclarer sa créance au passif de la procédure entre les mains du représentant descréanciers dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture (lapublication au BODACC étant la seule publication officielle). Passé ce délai, la créance s'éteindra,sauf à demander au juge-commissaire, sous un an à compter du jugement d'ouverture, un relevé deforclusion en prouvant que la défaillance n'est pas due à leur propre fait (article L.621-64 du Codede commerce).

La notion de contrat en cours, non définie par la loi mais précisé par la jurisprudence, correspond,quelque soit sa nature, au contrat conclu avant le jugement d'ouverture, toujours en cours à la dated'ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Les Tribunaux19 tendent à considérer que lecontrat n'est plus en cours lorsque les obligations essentielles ont été exécutées avant l'ouverturede la procédure. La doctrine va plus loin en admettant qu'un contrat est en cours si les obligationsessentielles à la charge du cocontractant du débiteur n'ont pas encore été exécutées20.

Dans ces conditions, un contrat ayant transféré le droit portant sur un brevet ou une marque nepourrait pas être considéré comme un contrat en cours. Si le contrat de licence de logiciel (absencefaite des interrogations sur sa qualification juridique) est analysé comme un contrat de vente, ou sil'on peut considérer que ce contrat se réalise instantanément au jour de la signature du contrat,alors il ne pourra plus être considéré comme étant en cours. En effet, on ne peut revenir sur letransfert de propriété qui s'effectue instantanément lors de la vente. Mais si la licence organise unemaintenance corrective ou évolutive, la qualification de licence s'imposera et le contrat seraconsidéré comme en cours pour les besoins de l'article L.621-28 du Code de commerce. Dans lemême sens, si le licencié continue de verser au fournisseur une redevance au titre de la licence ouencore si le transfert du droit d'usage est subordonné au complet paiement du prix, le contrat seramanifestement en cours.

En outre, la solution sera différente selon que la faillite touche le licencié ou le donneur de licence etce surtout pour la partie co-contractante.

Si l'éditeur de logiciel se retrouve en redressement judiciaire, dans l'hypothèse où les contrats quine sont plus en cours s'analysent comme une vente, le "licencié" n'est en principe plus tenu derespecter les obligations nées du contrat, à l'exception des limites qui ont été fixées pour l'utilisationdu logiciel (environnement, droit de reproduction, etc). Dans l'hypothèse où les contrats qui ne sontplus en cours s'analysent comme un contrat de louage, le licencié continuera à utiliser le logiciel.

Si la licence n'est plus en cours, mais que le contrat est maintenu par l'administrateur, le donneur delicence exécutera ses obligations sous peine de résiliation du contrat par le licencié.

Si l'administrateur judiciaire venait à décider de ne plus poursuivre le contrat, la licence sera résiliéede plein droit, le licencié reste tenu de déclarer son préjudice résultant de la non continuation. Surun plan opérationnel, il doit pouvoir maintenir lui aussi la pérennité de son système d'information oude son application.

Une hypothèse fréquente est celle de l'utilisateur d'un logiciel qui, confronté à une anomaliebloquante, ne peut se retourner contre l'éditeur, ce dernier étant en liquidation judiciaire. Il est doncutile que le contrat de licence stipule que le licencié pourra avoir accès aux codes-source déposéspar l'éditeur auprès d'un séquestre. En l'absence d'une telle stipulation, l'utilisateur est légalementautorisé à reproduire et modifier le logiciel, notamment aux fins d'interopérabilité (article L.122-6-1du CPI). 19 Cass. Com 9 avril 1991, Bull.civ. 1991 IV n° 127.20 Pascale Gelly, La continuation des contrats en cours portant sur les logiciels, DIT 1996/2, p. 83 et s.

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Ainsi, le seul pouvoir d'un maître d'ouvrage confronté au dépôt de bilan de son prestataireinformatique est de mettre en demeure l'administrateur d'avoir à se prononcer sur la poursuite ou lacessation du contrat. En cas de silence de l'administrateur pendant un délai d'un mois, le contrat encours d'exécution est résilié de plein droit (article L.621-28 du Code de commerce) sauf prolongationaccordée par le juge pour prendre position sur ledit contrat. De même, si l'administrateur renonceexpressément ou ne répond pas à la demande du fournisseur d'un logiciel sur la poursuite ducontrat, le contrat de licence d'utilisation est automatiquement résilié. En cas de poursuite del'utilisation du logiciel par le licencié, ce dernier pourrait être poursuivi pour contrefaçon.

Un arrêt de la Cour de cassation évoqué ci-dessus a établi que l'administrateur judiciaire avait lafaculté d'exiger l'exécution des contrats en cours sans qu'il puisse être fait une distinction selon queles contrats ont été ou non conclus en considération de la personne.

Si l'administrateur peut exiger la continuation des contrats "intuitu personae" en cours, il doitnéanmoins respecter le contrat et les conditions d'exécution qui ont été fixés par les parties (articleL.132-15 al 2 et L.132-30 al 2 du CPI).

De sorte que, comme le rappelle la jurisprudence21 "l'administration ne devra ni poursuivre, nientreprendre des actes de contrefaçon dans la mesure où le titulaire du droit bénéficierait du droitde résilier le contrat".

Ces solutions trouvent-elles à s'appliquer aux contrats au terme duquel l'auteur des logicielsconfiera à un tiers (éditeur ou distributeur) un droit exclusif ou non exclusif de commercialiser lelogiciel qu'il a pu développer?

Si dans le cadre du contrat de distribution de logiciels, les règles définies à l'article L.621-28s'appliqueront, celles-ci ne sauraient prospérer face au contrat d'édition.

L'article L.132-15 du CPI pose le principe de la continuation du contrat d'édition dès lors que ledébiteur continue à exercer ses activités. En d'autres termes, le sort du contrat d'édition sera liécomme nous le verrons ci-après au sort de l'entreprise d'édition et non à celui de l'entreprise endifficulté.

Enfin, s'agissant des contrats de crédit bail portant sur des équipements informatiques, on doits'interroger sur le sort des logiciels inclus. Si les solutions rappelées ci-dessus en matière de logicield'application attaché à l'équipement devraient s'appliquer, la réponse est plus complexe pour leslogiciels d'exploitation.

L'option d'achat a été levée antérieurement à l'ouverture de la procédure, la redevance payée par lecrédit-preneur (licencié) a manifestement rempli ce dernier de tous ses droits. En d'autres termes, lecontrat de licence de logiciel ne peut être considéré comme en cours.

Mais cette règle peut-elle s'appliquer sans distinction au logiciel d'application et au logicield'exploitation? Pour le premier, on considère généralement qu'il est distinct du matériel et parconséquent l'administrateur pourrait procéder à la résiliation du contrat en le distinguant del'opération de Crédit bail. Le crédit preneur est souvent tenu par un contrat de licence séparé avecle fabricant ou avec un éditeur différent.

Par contre, s'agissant du logiciel d'exploitation, peut-on considérer qu'il y a accord distinct et doncpossibilité pour l'administrateur judiciaire de scinder au titre de l'article L.621-28 Al 6 le contrat dulogiciel d'exploitation de l'équipement sous crédit bail? Alors que la scission irait indéniablement àl'encontre de l'objet même de l'opération, elle nous semble néanmoins techniquement possible auregard des procédures collectives et pourrait remettre en cause le modèle économique de certainséquipementiers.

21 TGI de Paris 24/02/1988 RIDA Juill. 1988-p-130.

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B/ La cession des contrats avec la cession de l'entreprise

Le sort des éléments de propriété intellectuelle dans les contrats lors d'une procédure collective suitla tendance générale visant à l'effacement des droits spéciaux. Cependant, un régime particulier estprévu pour certains contrats portant sur les droits de propriété intellectuelle.

La cession de ces contrats peut intervenir à l'occasion d'un plan de cession, d'un plan decontinuation ou bien d'un redressement et d'une liquidation22. Le plan de cession23 peut être adoptépar le tribunal à tout moment à compter de la procédure de redressement judiciaire.

Le plan de cession vise à redresser l'entreprise. C'est pourquoi, il est soumis à des règles quidérogent au droit commun de la cession des contrats. Toute clause d'incessibilité du contrat estinopposable à la procédure collective dans le cas d'un plan de cession de l'entreprise à un tiersrepreneur. Le Code de commerce prévoit en effet un système de cession forcée des contratslorsqu'ils sont nécessaires au maintien de l'activité (L.621-88 du Code de commerce). Or, lescontrats visés à l'article L.621-28 ont une acception très large. C'est pourquoi un grand nombre decontrats portant sur des droits de propriété intellectuelle seront concernés.

A titre d'exemple, très souvent, le cessionnaire de l'entreprise a acquis du matériel informatiquesans que lui-même, l'un des organes de la procédure ou le tribunal ordonnant la cession, n'aitenvisagé la transmission des contrats de licence des logiciels présents sur les disques durs ouencore l'hypothèse des logiciels d'application, voire d'exploitation figurant sur des matériels tels quedes copieurs ou imprimantes. Dans de tels cas, le repreneur qui n'est titulaire d'aucun droitd'utilisation sur les logiciels, devra soit les effacer de ses matériels, soit régulariser sa situationauprès des ayants-droits. A défaut, il commettrait une contrefaçon.

Dans le même ordre d'idée, en cas de cession des droits au maître de l'ouvrage, il est important deprévoir et de formaliser dans le contrat que la cession des droits, sur des développementsinformatiques par exemple, se réalisera au fur et à mesure de leur réalisation. Ainsi, en cas deprocédure collective ouverte contre le prestataire informatique, le client, par le biais d'une telleclause, n'aura aucune difficulté à revendiquer la titularité des droits sur l'œuvre en cours dedéveloppement. L'enjeu d'une telle clause est de taille puisqu'elle détermine la possibilité pour leclient de confier à un tiers l'achèvement de l'œuvre multimédia ou logicielle, sans risquer le délit decontrefaçon. 

Par ailleurs dans le cadre d'un plan de continuation, la personnalité morale de l'entreprise débitricesubsiste, mais elle peut voir certaines de ses activités ou branches d'activité cédées, en vertu del'article L.621-70 al.2 du Code de commerce. C'est pourquoi, le tribunal possède des pouvoirsrelativement étendus pour procéder au remodelage de l'entreprise s'il estime qu'une modification estessentielle pour permettre la continuation de l'activité dans la structure juridique antérieure. Lesdémantèlements possibles de la personnalité morale notamment avec l'exemple du fonds decommerce demandent néanmoins la mise en place de dispositions particulières lorsqu'ils sontassortis de cession de droits de propriété intellectuelle. Parfois même, la cession des droits depropriété intellectuelle pourrait s'avérer impossible comme pour le cas particulier du contrat defranchise eu égard à son caractère l'intuitu personnae, mais aussi en raison de certains privilègesdont bénéficient les auteurs.

1) Le brevet

Le brevet24 peut être cédé de façon isolée totalement ou partiellement ou avec le fonds decommerce.25 Sauf clause contraire, la cession du fonds de commerce emporte la cession du brevet.

22 Article L.621-83 et suivants du Code de commerce23 Article L.621-83 et suivants du Code de commerce.24 La licence de brevet qui implique un fort intuitus personae exclut selon la doctrine la possibilité pour lelicencié de céder sa licence, de concéder une sous-licence, ou d'en faire un apport en société sansl'accord du donneur de licence, on a pu rappeler la portée de cette règle qui sauf exception ne semblepas résister aux procédures collectives.

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Cependant, si le contrat de cession détaille les éléments du fonds qui sont transférés mais nementionne pas le brevet, ceci pourrait révéler l'intention des parties d'exclure le brevet de la cessiondu fonds de commerce. Il reste que la doctrine ne semble pas unanime sur ce point26.

Le contrat de cession s'analysant comme une vente, il faut lui appliquer le régime des articles 1582et s. du Code civil relatifs aux conditions de validité de la vente en sus des conditions propres à lacession de brevet.

En ce qui concerne les conditions de forme, ces règles imposent de rédiger un écrit à peine denullité relative, et d'inscrire la cession au Registre National des Brevets afin d'être opposable auxtiers.

Le nouveau titulaire des droits devra faire en sorte d'avoir néanmoins localisé avant la cessionl'inventeur sous peine de ne pouvoir par exemple étendre son brevet aux Etats-Unis où le dépôt dubrevet doit être effectué par l'inventeur.

2) La marque

De la même façon, la marque peut être cédée soit de façon autonome, soit avec le fonds decommerce dont elle constitue l'un des éléments (Article L.714-1 du CPI).

Lorsque le fonds est cédé sans autre précision dans le contrat de cession, c'est en générall'ensemble des éléments constituant le fonds que l'acheteur acquiert.

En revanche, si le contrat décrit les éléments du fonds sans mentionner la marque, le juge enconclura que les droits attachés à la marque n'ont pas fait l'objet de la cession.

La cession peut prendre la forme d'un apport en société soit de la marque prise isolément soit prisecomme élément de fonds de commerce. Il s'agit alors d'un apport en propriété (article 1843-3 duCode civil), à distinguer de l'apport en jouissance qui s'apparente davantage à une licence.

3) Le nom commercial

Elément constitutif du fonds du commerce, le nom commercial est, en principe, transmis avec lefonds. A défaut de stipulation contraire, le nom commercial est transféré de plein droit avec le fondsde commerce. Par conséquent, le cessionnaire devient titulaire de plein droit du nom commercial,même si ce dernier est constitué par un nom patronymique. Pour être opposable aux tiers, cettecession doit être inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés (articles 11 et 12 du décret 30mai 1984).

La cession séparée du nom commercial est envisageable en cas de cessation de l'activité du fondsde commerce ou lorsque le fonds de commerce est cédé élément par élément27.

La publicité au Registre du Commerce et des Sociétés de la transmission du nom est nécessairepour que le nouveau titulaire du nom commercial puisse opposer ses droits aux tiers.

Il est possible de concéder le droit d'utiliser le nom commercial, le concédant sauvegardant sonfonds et l'exploitant sous un nouveau nom.

4) La dénomination sociale

La dénomination sociale est liée à la personnalité morale. Elle ne fait donc pas partie du fonds decommerce et ne peut pas être cédée indépendamment. Elle ne se perd pas non plus par le non-usage.

25 Article L.613-8 du CPI.26 (voir Roblot, Traité de droit commercial par Germain, 15 éd. t.1, 1993).27 Frédéric Pollaud-Dulian "Droit de la propriété industrielle", précité.

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Peut-elle être cédée à titre individuel, séparément de la société à laquelle elle est attribuée? Onpeut en douter car la dénomination est un attribut de la société et elle disparaît en cas de liquidationde la personne morale. Par contre, cela n'écarte pas la possibilité que la société cède ou concède àun tiers le droit d'utiliser sa dénomination en tant que marque ou un autre signe distinctif.

Enfin, alors que la plupart des droits intellectuels évoqués face à la cession dans le cadre deprocédures collectives évoluent dans un cadre réglementé, le nom de domaine doit faire face à denombreuses règles adhoc.

5) Le nom de domaine

La Charte précitée prévoit limitativement les cas dans lesquels le nom de domaine peut êtretransmis28 à un tiers sans passer par la procédure de suppression puis de re-création. Hormis cescas de transmissions prévus par la Charte, la "cession" d'un nom de domaine à un tiers doitnécessairement faire l'objet d'une procédure de suppression puis de re-création effectuée auprès del'AFNIC qui gère tous les actes d'administration et de gestion des noms de domaine en .fr. Parconséquent, le titulaire d'un nom de domaine ne peut le céder librement à un tiers.

Le contrat conclu entre le titulaire d'un nom de domaine en .fr et le prestataire AFNIC (pour lesnoms de domaine en .fr) et le registrar (pour les noms de domaine en .com) peut être analysécomme un contrat de mandat à exécution instantanée. Le nom de domaine étant enregistré au nomdu client et le prestataire agissant comme simple mandataire, aucune modification, cession ousuppression sur le nom de domaine en question ne peut être effectuée sans l'autorisation du titulairedu nom de domaine et ce qu'il s'agisse d'un nom de domaine en .fr ou d'un .com. Par conséquent,le prestataire AFNIC ou le registrar ne pourra pas supprimer le nom de domaine en cas de mise enredressement judiciaire du titulaire du nom de domaine en question. D'un point de vue pratique, laquestion ne se posera que rarement puisque le prestataire ou le registrar n'acceptera d'enregistrerle nom de domaine au nom de son client qu'une fois le paiement des frais d'enregistrements du nomde domaine.

Si pendant la période d'observation, le droit d'utilisation accordé par l'AFNIC au titulaire du nom dedomaine est maintenu et n'est pas affecté par la mise en redressement judiciaire du titulaire du nomde domaine, l'AFNIC pourrait-elle refuser d'accepter le cessionnaire comme nouveau titulaire dunom de domaine en cas de cession des actifs à une entreprise tierce ?

L'article 41 de la troisième partie de la Charte de Nommage de la zone .fr qui porte sur les actesd'administration précise que "dans l'hypothèse ou l'Organisme demandeur (i.e. le titulaire du nom dedomaine) serait affecté d'une procédure collective, l'AFNIC procède à la transmission du nom dedomaine telle qu'ordonnée par les autorités judiciaires compétentes". La cession du nom dedomaine à une entreprise tierce est opposable à l'AFNIC qui procèdera donc au transfert du nom dedomaine tel qu'ordonné par le tribunal.

Contrairement aux noms de domaine en .fr, le titulaire d'un nom de domaine en .com peut le céderlibrement à un tiers selon une procédure administrative de transfert qui varie en fonction du registrardu nom de domaine concerné.

La cession d'un nom de domaine en .com aux termes d'une procédure collective sera opposableaux registrars des noms de domaine dans la mesure où le titulaire du nom de domaine refuse de

28 En application de l'article 24 et suivant de la troisième partie de la Charte de Nommage de la zone .fr

portant sur les Actes d'administration sur les noms de domaine, la transmission du nom de domainepeut être effectuée dans les cas suivants: fusion au sens de l'article L.236-1 et L.236-3 du Code ducommerce, scission au sens de L.236-1 et L.236-3 du Code de commerce, apport partiel d'actif ausens de l'article L.236-22 du Code de commerce, cession de fonds de commerce au sens des articlesL.141-1 et suivants du Code de commerce, apports en société au sens des articles 1832 et 1843-1 duCode civil, dissimulation amiable, relation entre société mère et filiales au sens de l'article L.233-1 duCode de commerce, cession de marque, procédure collectives, décisions judiciaires.

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céder ce dernier alors qu'ils sont librement cessibles. Aussi, le refus, improbable, demanderaitl'exécution du jugement auprès du registrar.

6) Contrat de franchise: contrat cessible?

Le contrat de franchise est un contrat à exécution successive dans lequel le franchiseur autorise etimpose à ses franchisés, contre une rémunération, d'exploiter une enseigne, une marque defabrique et/ou de service, un savoir-faire et d'autres droits de propriété intellectuelle. Le franchiseura l'obligation d'apporter une assistance commerciale ou technique continue et permanente. Lacessibilité des contrats de franchise dans le cadre des procédures collectives n'est pasvéritablement tranchée en jurisprudence29 30.

Certains tribunaux ont pu considérer qu'en acquérant le réseau de franchise, l'élément essentiel dufonds de commerce du débiteur, le cessionnaire reprend l'ensemble des droits de propriétéintellectuelle et des méthodes commerciales qu'il doit intégrer dans sa propre entreprise et estconduit à des adaptations, des modifications et des restructurations. Cependant, la cession d'unebranche d'activité représentée par un réseau ne peut pas être imposée aux franchisés qui sontlibres de ne pas poursuivre leur collaboration avec le nouveau franchiseur.

D'autres magistrats ont ainsi pu soutenir que le contrat de franchise est "incessible par nature sauf àméconnaître son objet"31. En effet, l'objet de ce contrat tient à la mise à disposition du franchisé d'unsavoir-faire original, substantiel et secret du franchiseur qui est, par hypothèse seul en mesure de letransmettre. Le franchiseur, de son côté, a autorisé l'exploitation de son savoir-faire, secret etsubstantiel, en prenant en considération l'identité et la personnalité de ses franchisés.

Le franchiseur, en cas de redressement de l'un des franchisés se voit alors imposer une entreprisequi n'a peut-être pas les aptitudes requises pour exploiter un savoir-faire ou ne répond pas auxexigences concernant la réputation et la qualité des produits et services du réseau, élémentsessentiels valorisant les droits de propriété intellectuelle possédés par l'entreprise.

Un auteur32 rappelle que l'on ne peut écarter de façon absolue l'application de l'article L.621-88 duCode de commerce mais qu'il serait préférable d'effectuer un examen attentif lors du choix ducessionnaire afin d'apprécier si le nouveau franchisé offre les mêmes garanties notamment en cequi concerne la mise en œuvre du savoir-faire ou si le nouveau franchiseur détient et peuttransmettre le même savoir-faire aux anciens franchisés.

Il en serait de même lors du redressement du franchiseur et ce nonobstant la présence d'une clause"intuitu personae" dans le contrat en faveur des franchisés. Dans la mesure où les franchisés sevoient imposer un autre franchiseur, il faudra déterminer si ce nouveau franchiseur serait en mesurede fournir de manière adéquate une assistance technique et commerciale selon les conditions ducontrat de franchise.

7) Les droits d'auteurs

Les cessions, en ce qu'elles portent sur des droits d'auteur, sont plus complexes et se voientappliquer deux types de règles traitant du fond comme de la forme. D'une part, les règles prévuespar le législateur concernent la cession dans le cadre de procédures collectives, règles d'ordrepublic. D'autre part, les articles L.131-1 à L.131-8 du CPI régissent l'exploitation des droits d'auteur.

On a pu voir que si le législateur précise que le plan doit être arrêté par le tribunal (article L621-87du Code de commerce), rien n'est dit sur la forme que doit revêtir le contrat de cession lui-même. Il

29 Cour d'appel de Versailles du 23 juin 1988, Gaz. Pal. 1989, 1, som. et Cour d'appel de Versailles du 13mai 1993, non publiée.30 Cour d'appel de Paris 3ème ch., 15 décembre 1992, Dalloz 1993 IR 45.31 Cour d'Appel d'Orléans, 14 septembre 2000, non publiée.32 Yves Marot, Franchise et procédure collective, précité.

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faut donc en conclure que le droit commun s'applique, et le cas échéant, les conditions particulièresédictées pour la cession de biens particuliers.

Ceci vaut également dans le cas d'une liquidation judiciaire où les cessions sont ordonnées par lejuge commissaire (articles L.622-17 et L.622-18 du Code de commerce).

Par conséquent, il est de principe que l'article L.131-3 du CPI s'applique aux cessions de droitsportant sur des créations originales protégées par le CPI et cette règle ne fait pas exception en casde procédures collectives.

S'agissant des conditions de fond, dérogeant au droit commun de la cession des contrats, commenous avons pu le voir, le législateur a créé un mécanisme de cession forcé des contrats dans lecadre des procédures collectives.

Cas particulier du contrat d'édition et de production

Le redressement judiciaire n'entraîne pas la résiliation du contrat d'édition (article L.132-15 du CPI).L'article L.620-2 du Code de commerce précise que si l'activité est poursuivie en application desarticles L.621-22 et s. du Code de commerce, toutes les obligations de l'éditeur à l'égard de l'auteurdoivent être respectées. L'alinéa 3 ajoute que dans l'hypothèse de la cession d'entreprise visée parles articles L.621-83 et s. du Code de commerce, l'acquéreur est tenu des obligations du cédant. Il ya donc bien alors une cession véritable du contrat d'édition.

Si l'activité de l'entreprise a cessé depuis plus de trois mois ou si la liquidation judiciaire estprononcée, l'auteur peut aux termes de l'alinéa 4 du même article demander la résiliation du contrat,qui n'est donc pas de plein droit mais au choix de l'auteur.

La cession par le liquidateur des droits d'édition des ouvrages de l'auteur est sans incidence surl'exercice de la faculté de l'auteur dès lors que l'auteur n'a pas été avisé de cette cession, même sice transfert a été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire33.

Enfin, en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur ne peut procéder à la vente des exemplairesfabriqués et à leur réalisation dans les conditions prévues aux articles L.622-17 et L.622-19 du Codede commerce que 15 jours après en avoir averti l'auteur, par lettre recommandée avec demanded'accusé de réception.

L'auteur possède sur tout ou partie des exemplaires un droit de préemption. A défaut d'accord, leprix de rachat est fixé à dire d'expert.

Ainsi, la finalité de l'article L.132-15 du CPI et le dispositif mis en oeuvre par le Code de commercesont radicalement opposés. Pour le CPI, l'objectif est moins la sauvegarde de l'entreprise que lapréservation de l'oeuvre en cours d'élaboration. Il semble toutefois que la contradiction soit plusapparente que réelle dans la mesure où la valeur d'une entreprise repose sur la juxtaposition descontrats d'édition, en partie indépendants les uns des autres. Préserver le contrat des effetsdestructeurs d'une procédure collective, c'est donc aussi préserver le patrimoine de l'entreprise. Enoutre rappelons que le cessionnaire est tenu des mêmes obligations que le cédant à l'égard de sesauteurs. Les contrats d'édition font partie des quelques exceptions au principe suivant lequel lescréances et dettes n'entrent pas dans le périmètre du fonds de commerce (article L.132-16 du CPI).

On peut se demander si dans le cadre d'une cession opérée sur le fondement de L.621-88 du Codede commerce, le changement de cocontractants s'imposerait aux auteurs malgré le caractèrepersonnel des relations entre un auteur et un éditeur. On a pu voir en ce qui concerne la franchiseque la question se pose aussi (notamment) en matière de contrats de distribution, lorsquel'entreprise d'un concessionnaire (ou d'un concédant) d'un franchisé (ou d'un franchiseur) vient àêtre cédée.

33 TGI Paris, 5 janvier 1996: RIDA, oct. 1996, p304.

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L'article L.132-16 al. 2 du CPI envisage l'hypothèse d'une cession du fonds de commerce, lorsqueque l'entreprise est in bonis. Le texte permet à l'auteur, si l'aliénation du fonds est de nature à"compromettre gravement ses intérêts matériels ou moraux", de bénéficier d'une action enréparation, voire d'un droit de résiliation du contrat. Si cette solution parait incontournable pourl'auteur, on peut penser qu'elle serait de nature à rendre sans intérêt ou presque la cession de fondsou d'entreprises d'éditions. Enfin, dans l'hypothèse où l'entreprise est liquidée, l'auteur pourrademander la résiliation du contrat. L'article L.132-15 du CPI s'agissant des exemplaires déjàfabriqués, prévoit pour l'auteur un droit de préemption sur tout ou partie de ceux-ci.

Cette dernière disposition n'est pas sans rappeler le régime de protection mis en place au bénéficedes épargnants (L. n° 83-1 du 3 janv. 1983, art. 30) en cas de faillite de l'établissement teneur descomptes d'instruments financiers.

Il a été rappelé à plusieurs reprises34 que ce texte ouvre aux clients de cet intermédiaire une actionen virement, qui leur permet ainsi d'échapper aux rigueurs de la loi du concours, plus exactementqui met en place une procédure simplifiée de revendication-attribution. Ceci étant, il faut quel'intermédiaire défaillant n'ait pas aliéné les titres, à savoir que ce dernier doit disposer d'uneencaisse suffisante chez le dépositaire central (auquel cas les propriétaires deviennent de simplescréanciers).

En droit d'auteur, l'article L.132-16 du CPI semble rendre impossible ce dernier cas de figure,puisqu'il impose une autorisation préalable de l'auteur avant toute cession que ce soit à titre gratuitou à titre onéreux. Pour autant cela supprime-t-il tout risque d'atteinte aux droits des auteurs? Onpeut en douter.

Plus précisément pour les contrats de production audiovisuelle, l'obligation pesant sur le producteurd'exploiter subsiste en cas de redressement judiciaire aux termes de l'article L.132-30 al. 1er du CPIqui dispose que le redressement judiciaire n'entraîne pas la résiliation du contrat de productionaudiovisuelle.

L'article L.621-64 du Code de commerce transpose en grande partie les principes qui viennentd'être décrits à propos du contrat d'édition (article L.132-30 du CPI).

L'alinéa 2 du même article précise que lorsque la réalisation ou l'exploitation de l'œuvre estcontinuée, en application des articles L.621-22 et suivants du Code de commerce, l'administrateurest tenu de respecter toutes les obligations du producteur notamment à l'égard des co-auteurs.

L'auteur et les co-auteurs peuvent demander la résiliation lorsque l'activité de l'entreprise a cessédepuis trois mois ou lorsque la liquidation est prononcée. Mais l'auteur qui a obtenu gain de causene retrouvera que l'exercice des droits qu'il a personnellement cédés au producteur mis enliquidation, pour le reste il est soumis à la discipline de l'œuvre de collaboration.

En cas de cession de toute ou partie de l'entreprise du producteur ou de liquidation judiciaire, unrégime spécifique est applicable en vertu de L.132-30 alinéa 3 du CPI. Chaque œuvreaudiovisuelle pouvant faire l'objet d'une cession ou d'une vente aux enchères doit donner lieu àl'établissement d'un lot distinct et chaque auteur et coproducteur doit être avisé. La différenceessentielle par rapport aux règles applicables au contrat d'édition repose sur le fait que la cessionou la licitation porte sur l'œuvre elle-même en tant que création intellectuelle, donnant ainsi prise audroit d'auteur et non pas seulement sur des exemplaires.

En d'autres termes, il s'agit d'éviter que la défaillance de l'entreprise du producteur ne compromettela réalisation et l'exploitation de l'œuvre audiovisuelle. Autrement dit, c'est une cession forcée quiest mise en oeuvre, ce qui parait conforme à l'absence d'intuitu personae.

34 voir notamment discussion in liste droit-net du 21 septembre 2000.

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La jurisprudence a confirmé que les coproducteurs d'une oeuvre audiovisuelle bénéficient du droitde préemption visé à l'art. 132-30, al. 4 du CPI, au même titre que les auteurs, seuls expressémentmentionnés par le texte.35 36

Enfin, à propos du privilège de l'art. L 131-8 du CPI, 37la Cour de cassation indique que ce privilègebénéficie non seulement aux auteurs eux-mêmes, mais aussi à leurs ayants-cause, parmi lesquelsla SACEM. 38

Autre privilège, cette fois-ci lié à l'action en revendication, si le fournisseur informatique d'uneentreprise mise en redressement judiciaire prouve son droit de propriété sur le matériel livré (leloueur ou encore le crédit-bailleur), il pourra, aux termes de l'article L.621-115 du Code decommerce, exercer une action en revendication notamment sur le matériel et sur le prix de reventeéventuel dans un délai de trois mois à compter de la publication du jugement d'ouverture ou àcompter de la date de résiliation ou de terme du contrat (par exemple, un contrat de location ou dedépôt). Il est à noter qu'en cas de contrats publiés (tout particulièrement les contrats de crédit-bail),les propriétaires des biens sont dispensés d'avoir à revendiquer pour obtenir la restitution de leursbiens. Cependant, en matière de vente à crédit, même si in fine le prix n'est pas intégralement payé,la propriété des biens est automatiquement transférée à l'acquéreur, dès accord sur le prix et sur lachose vendue. Dès lors, le fournisseur ne pourra que déclarer sa créance à la procédure.Cependant, le contrat peut déroger à ce transfert automatique de propriété dès la signature ducontrat en y insérant une clause de réserve de propriété.

35 Cass. 1ère civ. le 16 juil. 1997 (JCP éd. E 1999, p. 317, obs. D. Bougerol).36 Dans le même sens, voir Cass. 1ère civ. 24 mars 1993, JCP éd. E 1993, I, 300, n° 20, obs. P.

Delebecque :à propos du privilège général (mobilier et immobilier).

37 Pour une étude complète voir ss note 1).38 Cass. 1ère civ. 28 mai 1991, Bull. civ I, n° 171.