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La VAE et les professions de santé

Descriptif : La Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) pour ces professions très réglementées n’est pas sans poser d’importants problèmes. La lecture des derniers rapports commandés par le gouvernement permet d’avoir une orientation des réflexions de ce dernier sur le sujet. Mais elle n’apporte pas toutes les réponses aux questions que la m ise en place de la VAE ne manque pas de soulever.

Charlaine Durand, le 27 octobre 2004, cadre de santé IFSI Compiègne

Etat des lieux pour les professions de santé

Les professions de santé sont très encadrées sur le plan réglementaire. Leur organisation classe les professions en deux catégories : les professions médicales et les auxiliaires médicaux. En regard de ces deux catégories, la profession médicale et la profession infirmière se distinguent par la reconnaissance de spécialités en plus du métier de base.

La compétence actuelle d’un professionnel de la santé dont l’exercice est réglementé, est validée par l’obtention du diplôme initial.

Le système est organisé en référence à la qualification. Dans cette perspective, la construction du système entraîne la conséquence selon laquelle un professionnel ne saurait intervenir dans le champ d’une autre profession, et encore moins changer de profession, sauf par l’acquisition des diplômes requis, mais jamais en fonction de ses « acquis professionnels ».

La formation continue qui pourrait ouvrir d’autres orientations professionnelles, réduit celle-ci à l’actualisation des connaissances acquises dans le cadre de la formation initiale du professionnel.

Les passerelles actuelles permettent à un diplômé de certaines professions d’accéder, sous des conditions relativement contraignantes, aux études d’une autre profession.

Cette reconnaissance de certains diplômes pour accéder à un autre diplôme se limite à la dérogation d’une année d’étude, la première de manière générale. Cette « passerelle » n’est possible que pour certaines professions paramédicales et ne fonctionne pas pour passer d’une catégorie paramédicale à la catégorie médicale.

L’accès aux études de médecine, sous la forme d’une dispense partielle du concours de la première année et d’un rang utile au concours, sur contingent réservé (30 places en 2001), est possible aux titulaires d’un diplôme (ou certificat) de 8 professions de santé (infirmiers, ergothérapeute, masseur-kinésithérapeute, manipulateur en électroradiologie médicale, pédicure-podologue, psychomotricien, orthophoniste et orthoptistes).

La passerelle pour passer de la catégorie médicale à la catégorie paramédicale est plus simple. Le diplôme de sage-femme, après examen du dossier, permet d’être autorisé à exercer en tant qu’infirmier. Les études de spécialisation en puériculture, ainsi que l’accès au diplôme de cadre de santé lui sont aussi possibles.

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La conjoncture actuelle

La construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche est une initiative intergouvernementale. Initiée lors d’une conférence à la Sorbonne en 1998 par quatre pays (Allemagne, Grande Bretagne, Italie et France), elle fut l’objet d’un accord à Bologne en 1999 qui a été actualisée à Prague en 2001 puis à Berlin en 2003. Cette politique concerne désormais 36 état de la « Grande Europe ».

Cet accord de Bologne présente les points essentiels suivants :

Etablir un système lisible de diplôme ;

Adopter une architecture comparable des études supérieures fondée sur trois niveaux (licence, Master, Doctorat ou encore LMD) ;

Développer des formations modulaires selon le système européen de crédits dits ECTS (Européen Crédits Time Système) ;

Faire du continent européen, un vaste espace permettant facilement la mobilité des étudiants par la mise de bourse de mobilité,

Faciliter la mobilité des enseignants et des chercheurs, et donner aux formations une dimension européenne ;

Rendre cet espace lisible et attractif à l’échelle du monde entier ;

Intégrer les besoins de formation professionnelle aux divers niveaux et répondre aux aspirations à la formation tout au long de la vie.

La construction de l’espace européen domine désormais les débats nationaux sur l’enseignement supérieur.

La gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) quant à elle, demande une valorisation individuelle en termes de carrière et de reconnaissance de qualification, associé à la possibilité d’une mobilité intra et inter professionnelle au cours de la vie professionnelle à partir de passerelles pour mieux gérer :

les parcours individuels

les crises de recrutement pour les professions de santé par une politique de reconnaissance de la compétence.

La VAE est un droit individuel instauré par différentes lois [1] dont celle du 17 janvier 2002 dite de modernisation sociale (Chapitre II, section 1). Elle ouvre la possibilité d’obtenir tout ou partie d’un diplôme sur la base des acquis d’une expérience professionnelle.

Tous les diplômes concernant les secteurs sanitaires et sociaux devront être à terme accessible à la VAE.

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La mise en place de la VAE par le gouvernement avec la loi de modernisation de 2002, veut répondre à plusieurs objectifs :

Offrir à ceux qui sont entrés tôt dans la vie active une nouvelle chance d’accéder aux diplômes et titres de l’enseignement supérieur ;

Eviter aux personnes en reprise d’études de réapprendre des savoirs déjà assimilés et leur épargner ainsi du temps et des efforts ;

Répondre plus efficacement aux besoins et aux attentes des individus, des entreprises et de la société ;

Favoriser le rapprochement entre formations universitaires et qualifications professionnelles.

Le rapport de Domitien Debouzie [2] sur la première année des études de santé, quant à lui, préconise non seulement une première année commune afin de construire une culture commune aux professions de santé, mais promeut également la création de passerelles grâce à la transformation progressive de l’offre de formation française en ECTS. Cela permettrait des réorientations « tardives » en cours de carrière professionnelle qui autoriserait les bénéficiaires à accéder sans concours, au cursus de formation d’une profession de santé dans le cadre de la VAE de la loi de 2002, ainsi que pour certains titulaires d’un grade universitaire (Licence ou Master).

Le rapport du professeur Yves Matillon [3] propose « la mise en œuvre d’une VAE valorisante et dynamique permettant de garantir la compétence des professionnels de santé en tenant compte des acquis de l’expérience dans le temps, non seulement pour les professions paramédicales mais également pour les professions médicales. »

Les pré- requis nécessaires à la mise en place de la VAE

Le futur système VAE devra relever des deux systèmes de reconnaissance selon que la qualification des formations relève d’un diplôme de l’enseignement supérieur (éducation nationale) ou de régime dit de « droit commun », c’est à dire tous les diplômes permettant l’exercice d’une profession, qu’ils soient obtenus « par les voies scolaires et universitaires, par l’apprentissage, par la formation professionnelle », ainsi que les diplômes relevant du ministère chargé de la santé.

L’élaboration préalable de « référentiels de métiers et de compétences » est incontournable. Ils devront s’exprimer en compétences et non en liste d’actes autorisés propres à la profession.

Le développement de cette interdisciplinarité renvoie à la nécessité d’une culture commune dès la formation initiale. La mise en place de cette première année

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commune des études de santé devient dès lors une condition sine qua non au système et à laquelle il sera difficile de déroger.

La transformation de toutes les formations en crédits (ECTS) afin de rendre possible la création des passerelles entre les deux catégories des métiers de la santé.

Nous voyons bien ici qu’il s’agit plus de passerelles entre les professions que d’une validation possible d’un exercice illégal d’une profession de santé réglementée. Une formation de base quelle qu’elle soit est nécessaire dans le contexte actuel.

Ces passerelles existantes dans le système universitaire par le truchement des unités d’enseignement commune à plusieurs diplômes, fait entrevoir la possibilité de limiter le « gâchis humain » des professionnels [2]. Ainsi, le gouvernement pense pouvoir diminuer les pertes des professionnels avec une réorientation professionnelle facilitée dans le domaine de la santé.

Si nous prenons l’exemple de la VAE pour le métier d’aide-soignant qui est en cours, le gouvernement actuel réduit 12 mois d’études intensives en alternance à un « socle incompressible » [4] de 2 ou 4 semaines [5]. Il est vrai que cette profession n’ouvre pas au délit d’exercice illégal de la profession. Les aides-soignantes doivent justifier de trois années d’expérience professionnelle effective pour pouvoir se présenter au concours, et qu’en dehors du concours, l’admission en IFSI ne peut leur être ouvert. Pourtant, si l’on considère que la validation de la première année de formation en soins infirmiers donne accès de droit au DPAS [6], on est en droit de se questionner sur la valeur accordée à la première année des études en soins infirmiers, soit le tiers du temps de cette dernière formation.

La loi applicable au domaine de la santé, compte tenu de l’intervention des professions réglementées, soulève des questions spécifiques qui devront être débattues avant la mise en œuvre de cette VAE.

Quelles implications pour les professions de santé ?

Définir une profession par des compétences est une approche de l’homme dans le travail qui n’est pas sans conséquences.

Pour le groupe de travail du rapport MATILLON [3], la définition de la compétence est la suivante : « La mise en œuvre d’une combinaison de savoir (connaissances, savoir-faire, comportement et expérience) en situation (Medef 1998, LeBoterf 1996, Zarafian 2000) ».

Le concept de compétence a été défini au niveau de la communauté européenne (autour d’approches par l’art dentaire en 1996 et les soins infirmiers généraux en 1998) comme « l’ensemble des caractéristiques individuelles (connaissances, aptitudes et attitudes) qui permettent à une personne d’exercer son activité de manière autonome, de perfectionner sans cesse sa pratique et de s’adapter à un environnement en mutation rapide (...) ».

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C’est sur ce principe que se basent les propositions faites par ailleurs dans le rapport d’étape présenté par Yvon Berland "Coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences".

On doit bien le reconnaître, la loi française fidèle à son principe du précédent, légalise des pratiques en cours plus qu’elle n’innove...

On pourrait imaginer aussi la reconnaissance de spécialisations qui exigent une formation supplémentaire sans laquelle l’exercice est refusé (l’infirmière hygièniste, la stomatothérapeute par exemple...).

La prise en compte des stages prévue par le système ECTS [7] permettrait aussi de relever le niveau de l’équivalence universitaire jusqu’alors accordée aux formations professionnalisantes. Car la compétence ne peut faire l’économie de mises en situations professionnelles dans les apprentissages. Et à l’heure actuelle, les nouveaux diplômés démontrent une base de compétences suffisante à la professionalisation, grâce à la formation en alternance.

Sur le terrain, les compétences se présentent davantage comme des exigences de prises d’initiatives, d’autonomie dans un poste et d’adaptabilité aux changements rencontrés, voire pour les professions de santé, de mise à jour continue des connaissances et d’adaptations continuelles à la particularité de chaque situation pour atteindre le niveau du soin personnalisé.

L’activité professionnelle des soignants (médicaux ou paramédicaux) se présente d’avantage en termes de compétences à des situations imprévisibles et non directement maîtrisables, que comme une déclinaison seule d’opérations techniques minutieuses à maîtriser.

« Les diplômes valident des savoirs, les compétences renvoient au savoir être et à l’investissement psychologique dans une situation de travail donnée » [8].

La logique de la compétence tente de faire en sorte que le travailleur se moule dans le poste qui lui est proposé, pour pouvoir accomplir le travail qui lui est prescrit.

On pourrait alors se questionner sur ce nouveau métier qu’est le cadre de santé.

C’est à dessein que je n’ai pas usé le mot profession pour ce nouveau corps professionnel. Une profession se définie par une spécificité technique mais aussi et fortement par une identité professionnelle. Cette identité professionnelle agit sur les significations que les personnes donnent à la manière d’exercer leur activité professionnelle.

Cette nouvelle partition professionnelle désormais jouée depuis bientôt 10 ans, à treize professions issues de trois filières (rééducation, médico-technique et infirmière)(depuis 1995) [9] construit son identité et sa culture au fur et à mesure. Richesse des différences, chocs des priorités habituelles de chacune... le temps devrait aider à harmoniser, et finirait par répondre sans doute à la question : "faut-il maîtriser la spécialité de l’unité fonctionnelle où l’on exerce pour encadrer une équipe ?".

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Une profession se désigne socialement par la réalisation d’activités spécifiques (management d’unité de soins ou formation en écoles, instituts paramédicaux...) non réductibles à un poste de travail, et à partir desquelles les professionnels se reconnaissent entre eux et se distinguent des autres. La non réductibilité à un poste se manifeste par des stratégies orientées avec des objectifs et une éthique.

Si les textes ne prévoient aucunement l’encadrement des équipes par un professionnel issu d’une autre filière que celle de l’équipe qu’il dirige, il en est pourtant autrement sur le terrain. C’est sans doute à ce dessein que nous promet l’avenir, et dans cette optique que les nominations par l’ancienneté, au poste qu’il remplace (surveillant), ont été arrêtées.

La compétence est ainsi utilisée ici dans ce qu’elle a de transversal à plusieurs professions. C’est la maîtrise d’une compétence particulière à l’entreprise qui permet la promotion verticale. Mais la VAE propose entres autres, la possibilité d’utiliser ces compétences à l’horizontale, de façon transverse aux différentes filières professionnelles. En effet, n’entend-t-on pas parler aujourd’hui de prendre soin des patients par les préparateurs en pharmacie, et ces derniers revendiquer une place au sein des unités de soins ?

Cette mobilité professionnelle, cette transférabilité élevée des compétences professionnelles que l’on suppose réalisable d’une profession à l’autre, est censée apporter une réponse à l’hémorragie des professions médicales et paramédicales [10] grâce à une réorientation professionnelle possible. Il n’en est pas moins vrai qu’elle soulève une question d’importance qui n’est pas à négliger : celle de la culture et de l’identité professionnelle qui signe dans l’action, les normes de la posture professionnelle attendue.

On voit mieux ici l’objectif attendu de cette « culture commune » dans la première année commune aux professions de santé. Mais cela sera-t-il suffisant ?

Culture professionnelle commune ne veut pas dire identité professionnelle commune. Décloisonner les professions est louable et peut être bénéfique, à condition que cela ne leur fait pas perdre leur âme, garante d’une éthique et d’un questionnement propre à leur développement.

Rappelons que l’insertion dans un réseau de socialisation professionnelle enseigne des manières de voir, de penser et d’agir qui sont particulièrement actives dans l’exercice quotidien [11]. Gageons dès lors que le nomadisme professionnel qui peut alors se développer, ne rendra pas inefficaces les courtes imprégnations des différentes cultures propres à chaque profession, et ne nous fera pas glisser vers la création de professionnels techniques et technicistes peu animés par l’éthique d’une identité professionnelle.

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Notes :

[ 1] voir l’article sur La validation des acquis

[ 2] "Rapport sur la commission pédagogique nationale de la première année des études de santé" par Domitien Debouzie 2003

[ 3] "Modalités et conditions d’évaluations des compétences professionnelles des métiers de la santé", Pr. Y. Matillon, Août 2003

[ 4] Socle incom pressible : cours théoriques et/ou stages à réaliser obligatoirement pour valider le diplôme

[ 5] Au moment de l’écriture de cet article, cela n’est pas encore décrété

[ 6] DPAS = Diplôm e Professionnel d’Aide-Soignant

[ 7] Ce système prend en compte les heures de cours, les stages mais surtout le travail personnel de l’étudiant. Pour exemple, au CNAM, certains professeurs proposent quatre heures de travail personnel pour deux heures de cours.

[ 8] « La logique de la compétence, le retour au passé » Elisabeth DUGUE, Ingénieur au CNAM en sociologie du travail., in La logique de la com pétence n° 1, Educat ion permanente n°140. Mars 1999

[ 9] Décret n° 95-926 du 18 août 1995 portant création du diplôme de cadre de santé

[ 10] Mission "Démographie des professions de santé" Tome 1 Présenté par le Pr. Y. Berland

[ 11] J. F. BLI N ; Représentations, pratiques et identités professionnelles". Collection Action et Savoirs, L’Harmattan, 1997