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L A VIE PRIVÉE DES A NCIENS René MÉNART PARIS — 1880 T OME PREMI ER — L ES PEUPLES DE L’ANT I QUITÉ

LA VIE PRIVÉE DANS L’ANTIQUITÉ

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  • 7/22/2019 LA VIE PRIVE DANS LANTIQUIT

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    LA VIE PRIVE DES ANCIENS

    Ren MNART

    PARIS 1880

    TOME PREMIER LES PEUPLES DE LANTIQUIT

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    LGYPTE

    I. - APERU GOGRAPHIQUE

    CONFIGURATION DE LGYPTE. - LA VALLE DU NIL. - LES INONDATIONS. - LES CANAUX. - LELAC MRIS. - LES HABITANTS DES VILLES ET LES NOMADES. - LES DOCUMENTS HISTORIQUES. -

    LES RACES PRIMITIVES.

    CONFIGURATION DE LGYPTE. Lgypte est une contre allonge du sudau nord ; qui occupe langle nord-est de lAfrique ou, comme disaient les anciens,

    de la Libye. Elle est borne au nord par la mer Mditerrane, lest par la merRouge et listhme qui la fait communiquer avec lAsie, au sud par la Nubie,autrefois appele thiopie, et louest par les dserts africains.

    La valle du Nil est resserre entre deus chitines de montagnes nommesArabique lest, et Libyque louest. Dans sa partie suprieure, qui taitcomprise dans lancienne thiopie, elle est extrmement troite et sa largeur nedpasse gure cinq sis kilomtres. Elle devient ensuite un peu plus spacieuseet prsente dans sa partie moyenne de vingt vingt-cinq kilomtres. Enfin, au-dessus de Memphis, la valle cesse tout fait et est remplace par une vasteplaine, qui est appele Delta cause de la ressemblance que prsente sa formeavec la lettre grecque qui porte ce nom.

    Quand il arrive prs de Memphis, le fleuve se partage en deux branches, dontlune, celle de Rosette, se dirige au nord-ouest ; et lautre, celle de Damiette, aunord, puis au nord-est. Les anciens connaissaient cinq autres branches, quitaient alors navigables et sont peu prs combles aujourdhui. Cetteconformation du pays divis en deux rgions, dont furie comprend les rives dufleuve, trs riches, trs fertiles et trs habites ; et lautre, un dsert inculte,hant par des tribus nomades et rebelles la civilisation, expliquera une fouledusages particuliers lgypte.

    Vers lan 642 de notre re, le khalife Omar ayant demand son lieutenant, quivenait de lui conqurir lgypte, de lui faire une description fidle de ce pays,Amrou lui crivit : prince des fidles ! figure-toi un dsert aride et une campagne magnifique aumilieu de deux montagnes, voil lgypte. Toutes ses productions et toutes sesrichesses, de puis Assouan jusqu Mench, viennent dun fleuve bni, qui couleavec majest au milieu du pays. Le mouvement de la crue et de la retraite deses eaux est aussi rgl que le cours du soleil et de la lune ; il y a une poquefixe dans lanne o toutes les sources de lunivers viennent payer ce roi desfleuves le tribut auquel la Providence les a soumises envers lui. Alors les eauxaugmentent, sortent de leur lit et couvrent toute la face de lgypte pour ydposer un limon productif. Lorsque ensuite arrive le moment o ses eaux

    cessent dtre ncessaires la fertilit du sol, ce fleuve docile rentre dans son litpour laisser recueillir le trsor quil a cach dans le sein de la terre. Cest ainsi,

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    prince des fidles, que lgypte offre tour tour limage dun dsert poudreux,dune plaine liquide et argente, dun marcage noir et limoneux, duneondoyante et verte prairie, dun parterre orn de fleurs et dun guret couvert demoissons dores : Bni soit le crateur de tant de merveilles !

    Hrodote appelle lgypte un prsent du Nil ; il a raison. Si par la pense on

    supprime le fleuve, ou si on le suppose, dtourn de son cours dans sa partiesuprieure, comme lavait rv le Portugais Albuquerque, lgypte nexiste pluset se confond avec les dserts qui lentourent. Ln effet, comme nous lavons dit,toute la vie active de ce pays est resserre dans une troite valle qui, jusqu labifurcation du fleuve, ne dpasse pas vingt vingt-cinq kilomtres. On comprendbien dailleurs ltonnement que ce fleuve trange causait aux gographes delantiquit : le Nil ne reoit aucun affluent en gypte, et, comme il alimente ungrand nombre de canaux de drivation, le volume de ses eaux semble ainsidiminuer au lieu daugmenter mesure quil avance dans son cours.

    LA VALLE DU NIL. Ltroite valle du Nil suffisait autrefois la nourriture dedix millions dhommes ; sous lempire romain, lgypte exportaitconsidrablement de crales. Cette fcondit exceptionnelle tenait aux crues dufleuve : cest ainsi que certains terrains, renomms jadis par leur fertilit etdlaisss depuis par les eaux, sont compltement desschs aujourdhui.

    On a recueilli des indications hiroglyphiques de llvation du Nil sousAmnemha III (XIIe dynastie) : il montait alors, Semneh, dans le temps delinondation, sept mtres plus haut quaujourdhui et baignait sans doute desrgions qui sont devenues striles1.

    La crue du Nil, dit Pline le Naturaliste, se mesure par des marques qui sont dans

    des puits ; le dbordement rgulier est de seize coudes ; un dbordementmoindre narrose pas tout, un dbordement plus grand mettant plus de temps se retirer, retarde les travaux ; celui-ci, par lhumidit quil laisse dans le sol,empche de profiter de lpoque des semailles ; celui-l ne permet pasdensemencer un sol dessch. Lgypte redoute lun et lautre : douzecoudes, il y a famine, treize il y a encore disette ; quatorze amnent la joie,quinze la scurit, seize labondance et les dlies. Le plus grand dbordementjusqu ce temps a t de dix-huit coudes, sous lempereur Claude ; le moindrea t de cinq coudes pendant la guerre de Pharsale, comme si le fleuve, par unprodige, tmoignait son horreur de lassassinat de Pompe. Lorsque les eauxsont arrives leur plus haut point, on les reoit dans les terres, en ouvrant les

    digues ; on ensemence le terrain mesure quelles le quittent.Pour que la rcolte fit bonne, le Nil devait, en effet, slever une hauteurdtermine, et le volume deau que le fleuve apportait en plus ou en moins taitregard comme nuisible. On a trouv lphantine un nilomtre destin marquer la crue exacte des eaux : les traces de numration grecque fontregarder ce monument comme ne remontant pas au del des Ptolmes.

    Cest la fin de septembre que les eaux atteignent leur plus grande hauteur : aumois de dcembre, le fleuve est compltement rentr dans son lit.

    1Paul Pierret, Dictionnaire dArchologie gyptienne.

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    LES INONDATIONS. Quand le Nil est dbord, dit Hrodote, on ne voit plusque les villes au-dessus de leau, tout fait semblables aux les de la mer ge.Le reste de lgypte est devenu une mer ; les villes seules dominent. Alors on faitles trajets, non en suivant le lit du fleuve, mais travers champs. Pour aller deNaucratis Memphis, on passe au pied des pyramides et ce nest pas le chemin

    ordinaire, car on sy rend habituellement par la pointe du Delta.Laspect de la valle du Nil na pas dit changer beaucoup physiquement, et lesvoyageurs modernes ont retrouv les impressions dHrodote. M. de Rozire, quiaccompagnait le gnral Bonaparte dans lexpdition dgypte, a trac du paysune description dont tous les gographes ont reconnu lexactitude

    Les environs de Syne et de la cataracte, dit-il, prsentent un aspectextrmement pittoresque. Mais le reste de lgypte, le Delta surtout, est dunemonotonie quil serait peut-tre impossible de rencontrer ailleurs... Les champsdu Delta offrent trois tableaux diffrents, suivant les trois saisons de lannegyptienne. Dans le milieu du printemps, les rcoltes dj enleves ne laissentvoir quune terre grise et poudreuse, si profondment crevasse quon oserait peine la parcourir ; lquinoxe dautomne, cest une immense nappe deaurouge ou jauntre, du sein de laquelle sortent des palmiers, des villages et desdigues troites qui servent de communication ; aprs la retraite des eaux, qui sesoutiennent peu de temps clans ce degr dlvation, et jusqu la fin de lasaison, on naperoit plus quun sol noir et fameux. Cest pendant lhiver que lanature dploie toute sa magnificence. Alors la fracheur, la force de la vgtationnouvelle, labondance des productions qui couvrent la terre, surpassent tout quon admire dans les pays les plus vants. Durant cette heureuse saison,lgypte nest, dun bout lautre, quune magnifique prairie, un champ de fleursou un ocan dpis ; fertilit que relve le contraste de laridit absolue quilenvironne. Cette terre si dchue justifie encore les louanges que lui ont donnesles voyageurs ; mais, malgr toute la richesse du spectacle, la monotonie dusite, il faut lavouer, en diminue beaucoup le charme. Lme prouve un certainvide par le dfaut de sensations renouveles, et lil, dabord ravi, sgarebientt avec indiffrence sur ces plaines sans fin qui, de tous cts, jusqu pertede vue, prsentent toujours les mmes objets, les mmes nuances, les mmesaccidents.

    Les hypoges de Beni-Hassan renferment des peintures dont le sujet se rattache linondation du Nil.

    Dans lune de ces peintures on voit un troupeau de vaches surpris par leau ;divers personnages sont occups sauver ce btail et le ramener sur la terre

    ferme. Sur un bateau, un personnage, que le bton quil tient fait tout dabordreconnatre pour le propritaire ou lintendant, lve la main, comme sil appelaitdautres personnes pour venir aider ses hommes, qui ne sont pas en nombresuffisant. Derrire lui, un autre homme se penche sur le bateau, en tirant unecorde lie la tte dune vache ; lanimal est serr par le nez et lhommesefforce de le ramener ainsi dans la direction voulue. Derrire lintendant on voitencore un rameur, tandis quun quatrime personnage, debout larrire de labarque, fait le mme geste que son patron pour appeler du mond sonsecours.

    Nous donnons (fig. 2)une autre scne dinondation tire des mmes peintures.

    Ici la manuvre est parfaitement comprhensible : un homme, debout sur unbateau, tient une rame dans sa main gauche et, de la droite, jette une corde

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    un personnage plac sur le rivage ; deux autres hommes sont occups ramervers les vaches qui sont dans leau jusquau cou et laissent seulement sortir latte. Pour exprimer le danger quelles courent, le peintre a plac sur le premierplan un crocodile ; suais les personnages de la composition ne paraissentaucunement mus par la prsence du terrible reptile.

    LES CANAUX. De nombreux canaux et des drivations plus nombreusesencore sillonnaient toutes les terres cultivables de la valle du Nil. Pour maintenirla fcondit du pays, il fallait la fois conserver pendant la saison sche leauproduite par les inondations, et arrter lenvahissement des sables du dsert.Dune part, on remdiait aux accumulations de sable amenes par le vent, aumoyen de berges leves quon multipliait de ce ct ; et, dautre part, des lacsartificiels destins retenir les eaux, entretenaient dans les points loigns dufleuve une salutaire humidit. Lorsque le fleuve, aprs avoir rempli ces lacs et lescanaux qui y conduisaient, commenait se retirer, on levait un barrage et lonfermait les ouvertures pratiques pour lcoulement sur le sol infrieur : cetteeau ainsi contenue servait ensuite larrosement des terres.

    Les canaux avaient une trs grande importance pour la richesse du pays et leurentretien tait lobjet dune surveillance non interrompue. Des postes militairestaient tablis de distance en distance pour empcher toute dgradation dans lesdigues ou dans les ouvrages construits en vue de lcoulement ou du maintiendes eaux. Des sommes considrables taient annuellement consacres cesouvrages qui servaient augmenter la richesse du pays.

    Napolon, dans un morceau dict Sainte-Hlne, parle ainsi de lgypte :

    Dans aucun pays, ladministration na autant dinfluence sur la prosprit

    publique. Si ladministration est bonne, les canaux sont bien creuss, bienentretenus, les rglements pour lirrigation sont excuts avec justice,linondation est plus tendue. Si ladministration est mauvaise, vicieuse ou faible,les canaux sont obstrus de vase, les digues mal entretenues, les rglements delirrigation transgresss, les principes du systme dinondation contraris par lasdition et les intrts particuliers des individus ou des localits. Legouvernement na aucune influence sur la pluie ou la neige qui tombe dans laBeauce on dans la Brie ; mais, en gypte, le gouvernement a une influenceimmdiate sur ltendue de linondation qui en tient lieu. Cest ce qui fait ladiffrence de lgypte administre sous les Ptolmes, de lgypte dj endcadence sous les Romains et ruine sous les Turcs. Pour que la rcolte soit

    bonne, il faut que linondation ne soit ni trop basse ni trop haute.

    LE LAC MRIS. Le plus important des travaux que les gyptiens aientexcut en vue de favoriser larrosement de leur pays est la construction du lacMris. Ce lac tait destin rgulariser les inondations ; en effet, au moyen duncanal tir du Nil, il se remplissait lpoque de la crue des eaux et, quand lefleuve dcroissait, il se vidait par le moyen des digues. Il servait ainsi derservoir, et pouvait suppler un dbordement insuffisant ou prvenir les effetsdune inondation trop grande. Hrodote le dcrit ainsi :

    Le lac, dit-il, a de primtre trois mille six cents stades ou soixante schnes, le

    mme nombre que la cte du Delta. Il stend du nord au sud-est et a cinquantebrasses dans sa plus grande profondeur ; il dmontre lui-mme quil t creus

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    et fait de main dhomme, car, vers son centre, deux pyramides de cent brasseschacune, dont moiti dans leau et moiti au-dessus de la surface, ont tconstruites ; lune et lautre sont surmontes dune grande statue de pierre,assise sur un trne. Leau du lac ne jaillit point du sol, qui est en ce lieu-lprodigieusement aride ; elle est amene du fleuve par des canaux ; pendant six

    mois elle coule dans le lac, pendant six mois elle en sort et retourne au Nil.Quand elle reflue hors d lac, elle rapporte au roi un talent par jour, cause dupoisson ; quand elle y entre, seulement vingt mines. Comme je ne voyais pas demonceau provenant de lexcavation du sol, je demandai aux habitants voisins dulac o tait la terre quon avait extraite. Ils me dirent o elle avait t emporteet je les crus facilement ; les gyptiens portaient au Nil la terre quils avaientretire ; et le fleuve, aprs lavoir recueillie, la dispersait. Cest ainsi, dit-on,quon a creus le lac.

    La science moderne a apport quelques restrictions au tmoignage dHrodote,toujours sincre quand il rapporte ce quil a vu, mais un peu confiant quand ilcoute les explications quon lui donne :

    Lorsque Hrodote nous affirme que le lac Mris a t creus de main dhomme,dit Ritter, il ne faut entendre par l que ce qui tait ncessaire pour sacommunication avec les eaux du Nil, et un coup dil suffit alors pour justifierlassertion de lhistorien grec ; mais il serait impossible dajouter foi cetmoignage si on le rapportait tout le bassin du lac. En effet, o aurait-ontransport les 320 milliards de mtres cubes de terre produits par cetteexcavation ?

    Le lac actuel est de peu dtendue et ne rend plus aujourdhui aucun service : ona retrouv la base des deux pyramides signales par Hrodote, mais leaunarrive pas jusqu elles, ce qui indique un dplacement considrable.

    LES HABITANTS DES VILLES ET LES NOMADES. La civilisation gyptienneest tout entire sur les rives du Nil en dehors de la valle quil arrose il ny ajamais eu que de la barbarie. La conformation gographique du pays indique quedes tribus nomades en furent les premiers habitants. Au milieu des dserts queparcourent ces bordes errantes, coule un grand fleuve aux bords duquel sefixrent lorigine des bateliers et des pcheurs. La lutte entre les habitantssdentaires de la valle et les tribus nomades dut exister de bonne heure, ellesemble se rsumer dans lhistoire si vague de la domination des pasteurs. Cetantagonisme se retrouve, du reste, dans la nature elle-mme, o la mer brillante

    des sables envahissants contraste avec lhumidit fconde de la valle.La civilisation, qui stablit promptement dans la valle du Nil, pouvaitdifficilement se dvelopper parmi les nomades. Ceux-ci, nayant la plupart dutemps ni agriculture, ni industrie daucune sorte, taient toujours attirs vers lavalle par lappt dun pillage productif. La fertilit des bords du Nil taitproverbiale dans toutes les contres environnantes ; dans les annes demauvaise rcolte, les habitants de lAsie arrivaient par listhme de Suez pourtrouver du grain dans une contre plus favorise, comme nous le voyons dans.lhistoire des enfants de Jacob. Mais souvent aussi ces trangers, au lieu de faireun simple trafic, se mlaient aux tribus du dsert, dans lesprance davoir leurpart du butin. Aussi, taient-ils gnralement dtests des gyptiens, qui

    confondaient dans une haine commune tous les peuples habitant en dehors deleur valle du Nil.

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    LES DOCUMENTS HISTORIQUES. Jusquau commencement de ce sicle, lesdocuments dont on se servait pour constituer lhistoire dgypte reposaientuniquement sur les rcits des historiens grecs et sur quelques passages de laBible, extrmement prcieux pour certains dtails, mais ne formant pas un

    ensemble. Grce la dcouverte de Champollion, on peut aujourdhui, par ledchiffrement des hiroglyphes, confronter ces documents avec les inscriptionsrecueillies sur les monuments et les papyrus.

    Les anciens historiens ont donn le nom dhiroglyphes aux caractres delcriture monumentale gyptienne, quils croyaient rservs uniquement dessujets sacrs. Lcriture hiroglyphique est forme de signes imitant diversobjets et exprimant, les uns des ides, les autres des sons.

    Il y a diffrentes espces de signes : les signes figuratifs sont de simples images.Ainsi, pour crire un lion ou une toile, on donne au signe la forme de lion oudtoile. Mais, pour des ides dun ordre plus abstrait, il a fallu adopter des

    signes conventionnels quon dsigne sous le nom de symboliques. Pour dire laguerre, par exemple, on reprsentait deux bras, dont lun tenait un bouclier,lautre une pique. Enfin certains signes appels phontiques reprsentent un sonou une articulation.

    Ce systme dcriture ntant pas assez rapide pour les choses courantes, on enfit promptement une abrviation o le trac primitif devint presque conventionnel; cest ce que Champollion a appel lcriture hiratique. Une abrviation encoreplus sommaire a form lcriture dmotique qui est usite surtout pour lescontrats de vente, tandis que les signes hiroglyphiques ont toujours temploys pour les inscriptions graves sr les monuments.

    LES RACES PRIMITIVES. Malgr les prcieux documents fournis par ledchiffrement des hiroglyphes, nous ne trouvons rien qui soit absolument positifsur lorigine du peuple gyptien ; en prsence des tmoignages trs confus delantiquit, nous sommes rduits aux conjectures. Ces tmoignages proviennentde trois sources : le rcit biblique, les traditions rapportes par les historiensgrecs, et enfin lopinion des gyptiens sur eux-mmes.

    Suivant la Bible, cest aux fils de No, Sem, Cham et Japhet, quil faut rattacherles trois grandes races humaines. Les gyptiens, les thiopiens et tous lespeuples de la valle du Nil appartiendraient la descendance de Cham : ilsseraient ainsi de la mme race que les ngres de lintrieur de lAfrique, aveclesquels nanmoins ils ne prsentent aucune conformit dans le type.

    Suivant la Gense, dit M. Lenormant, Cham eut quatre fils Kousch, Misram, Phutet Chanaan. Lidentit de la race de Kousch et des thiopiens est certaine, lesinscriptions hiroglyphiques de lgypte dsignent toujours les peuples du hautNil, au sud de la Nubie, sous le nom de Kousch. Dans les livres saints, Misramest lappellation constante de lgypte, et de nos jours encore les Arabesappliquent le nom de Misr, soit la capitale de lgypte, soit lgypte entire.Lidentit de la descendance de Phut avec les peuples qui habitaient les citesseptentrionales de lAfrique, nest pas tablie dune manire aussi certaine. Lescritiques les plus comptents sont cependant davis que ce nom, pris dans sa

    plus grande extension, dsigne les Libyen primitifs, au milieu desquels des tribusjaphtiques vinrent ensuite stablir. Sous le nom de Chanaansont compris les

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    Phniciens et toutes les tribus troitement, apparentes, eux, qui, avantltablissement des Hbreux, habitaient la contre dite de Chanaan, cest--direle pays compris entre la Mditerrane et la mer Morte, qui fut plus tard la Terresainte.

    Le tmoignage des Grecs et des Romains, si prcieux quand on arrive la

    priode historique, est absolument nul pour la question dorigine, parce quils seplacent sur un terrain purement mythologique. Cest ainsi quOvide, qui se fait icilcho de rcits fort anciens, raconte que Phaton ayant mal conduit le char duSoleil, cet astre se rapprocha trop de la terre du cot de lAfrique ; ce quidesscha le soi et produisit le grand dsert : les habitants qui survcurent lembrasement eurent la peau tellement rissole quelle changea de couleur,phnomne qui sest transmis leurs enfants. Ce quon dit dOsiris commepersonnage historique nest gure plus srieux, et, avant les rcits dHrodotesur Mns, qui rgna sur un peuple dj avanc en civilisation, les anciens nenous fournissent, sur lorigine des races, aucun renseignement avant le caractredun document positif.

    Au lieu des trois grandes races drives de Sem, Cham et Japhet, dont parle laBible, les gyptiens, qui se croyaient issus du limon du Nil comme les plantesquils cultivaient, partageaient le genre humain en quatre grands groupes, dontils formaient naturellement le plus important.

    Les traditions gyptiennes, dit M. Chabas1, attribuaient la dispersion des nations lun des pisodes de la rvolte des mchants. Dans les beaux textes dEdfou,publis par M. Naville, nous lisons que le bon principe, sous la forme solaire deHarmakou (Harmachis), triompha de ses adversaires dans le nome Apollinopolite.De ceux qui chapprent au massacre, quelques-uns migrrent vers le midi : ilsdevinrent les Kouschites ; dautres allrent vers le nord, ils devinrent les Amou ;

    une troisime colonne se dirigea vers loccident, ils devinrent les Tamahou ; unedernire enfin vers lest, ils devinrent les Shasou. Dans cette numration, lesKouschites comprennent les ngres ; les Tamahou englobent la race peaublanche du nord de lAfrique, des les d la Mditerrane et de lEurope ; parmiles Amou, comptent toutes les grandes nations d lAsie, la Palestine, la Syrie,lAsie Mineure, la Chalde et lArabie ; les Shasou sont les nomades, les Bdouinsdu dsert et des montagnes de lAsie. Telle tait pour les gyptiens la divisiondes grandes familles humaines.

    Les quatre grandes races se distinguent, dans les peintures gyptiennes, par lescouleurs rouge, jaune, noire ou blanche. Champollion est le premier qui ait tablicette distinction.

    A dfaut de renseignements crits dune faon bien suivie, les gyptiens nous ontau moins laiss dans leurs peintures une trace visible de leur opinion sur ladivision des races.

    Dans la valle proprement dite de Biban-el-Molouk, dit Champollion le jeune,nous avons admir ltonnante fracheur des peintures et la finesse dessculptures de plusieurs tombeaux. Jy ai fait dessiner la srie de peuples figuredans des bas-reliefs. Javais cru dabord, daprs les copies publies enAngleterre, que ces peuples de race bien diffrente, conduits par le dieu Horus,tenant le bton pastoral, taient les nations soumises au sceptre des Pharaons ;ltude des lgendes ma fait connatre que ce tableau a une signification plus

    1tudes sur lantiquit historique.

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    gnrale. Il appartient la troisime heure du jour, celle o le soleil commence faire sentir toute lardeur de ses rayons et rchauffe les contres habites denotre hmisphre. On a voulu reprsenter, daprs la lgende mme, leshabitants de lgypte et ceux des contres trangres. Nous avons donc ici sousles yeux limag des diverses races dhommes connues des gyptiens, et nous

    apprenons en mme temps les grandes divisions gographiques ouethnographiques tablies cette poque recule.

    Les hommes guids par le pasteur des peuples, Horus, appartiennent quatrefamilles bien distinctes. Le premier (fig. 3), le plus voisin du dieu, est de couleurrouge sombre, taille bien proportionne, physionomie douce, nez lgrementaquilin, longue chevelure natte, vtu de blanc. Les lgendes dsignent cetteespce sous le nom de Rot-en-ne-rme, la race des hommes, les hommes parexcellence, cest--dire les gyptiens.

    Il ne peut y avoir aucune incertitude sur celui qui vient aprs : il appartient larace des ngres (fig. 4), qui sont dsigns sous le nom gnral de Mahasi. Lesuivant (fig. 5)prsente un aspect bien diffrent : peau couleur de chair tirantsur le jaune, teint basan, nez fortement aquilin, barbe noire, abondante ettermine en pointe, court vtement de couleurs varies. Cette race porte le nomde Namou (Asiatiques). Enfin le dernier (fig. 6) a la teinte de la peau que nousnommons couleur de chair, ou peau blanche de la nuance la plus dlicate, le nezdroit ou lgrement vouss, les yeux bleus, la barbe blonde ou rousse, la taillehaute et trs lance, il est vtu de peau de buf conservant encore son poil,vritable sauvage, tatou sur les diverses parties du corps ; on nomme cetterace Tamhou(Europens).

    Je me htai de chercher le tableau correspondant celui-ci dans les autrestombes royales et, en le retrouvant en effet dans plusieurs, les variations que jy

    observai me convainquirent pleinement quon a voulu figurer ici les habitants desquatre partie du monde, selon lancien systme gyptien, savoir : 1 leshabitants de lgypte, qui elle seule formait une partie du monde, daprs letrs modeste usage des vieux peuples ; 2 les habitants propres de lAfrique, lesngres ; 3 les Asiatiques ; 4 enfin et jai honte de le dire puisque notre raceest la dernire et la plus sauvage de la srie les Europens qui, ces poquesrecules, il faut tre juste, ne faisaient pas une trop belle figure dans ce monde.Il faut entendre ici tous les peuples de race blonde et peau blanche, habitantnon seulement lEurope, mais encore lAsie, leur point de dpart.

    Cette manire de considrer ces tableaux est dautant plus la vritable que, dansles autres tombes, les mmes noms gnriques reparaissent et constamment

    dans le mme ordre. On y trouve aussi les gyptiens et les Africains reprsentsde la mme manire, mais les Namou (Asiatiques) et les Tamhou (raceseuropennes), offrent de curieuses variantes. Au lieu de larabe ou du juif, sisimplement vtu (fig. 5), figur dans un tombeau, lAsie a pour reprsentants,dans dautres tombeaux (celui de Ramss-Meamoun, etc.), trois individus, toujours teint basan, nez aquilin, il noir et barbe touffue, mais costums avec unerare magnificence. Dans lun, ce sont videmment des Assyriens (fig. 7) ; leurcostume, jusque dans les plus petits dtails, est parfaitement semblable celuides personnages gravs sur les cylindres assyriens ; dans lautre ; ce sont lesMdes, ou habitants primitifs de quelque partie de la Perse, leur physionomie etleur costume se retrouvant trait pour trait sur les monuments dits perspolitains.

    On reprsentait donc lAsie par lun des peuples qui lhabitaient, indiffremment :Il en est de mme de nos bons vieux anctres, les Tamhou, leur costume est,

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    quelquefois diffrent (fig. 8), leurs ttes sont plus ou moins chevelues etcharges dornements, leur vtement sauvage varie un peu dans la forme, maisleur teint blanc, leurs yeux et leur barbe conservent tout le caractre dune race part.

    Je ne mattendais certainement pas, en arrivant Biban-el-Molouk, dy trouver

    des sculptures qui pourront servir de vignettes lhistoire des habitants primitifsde lEurope, si on a jamais le courage de lentreprendre.

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    de Manthon, ainsi interprte, rduirait la dure de la monarchie gyptienne,antrieurement aux Ptolmes, 3.555 ans, chiffre dj bien respectable.

    Parmi les Pharaons qui ont form les dynasties gyptiennes, les uns sontindignes, les autres ont rgn par droit de conqute. Les dynasties indignesprennent le nom de la ville quelles ont choisies comme sige du gouvernement :

    ainsi lon dit les dynasties memphites, thbaines, lphantines, tanites, etc. Lesdynasties qui ont rgn par la conqute prennent au contraire le nom des paysdont .elles sont originaires ; ainsi il y a des dynasties thiopiennes, persanes, ougrecques.

    On divise gnralement lhistoire de lgypte en cinq grandes priodes qui sontdsignes sous les noms suivants 1 Ancien Empire. 2 Moyen Empire. 3Nouvel Empire. 4 poque Grecque. 5 poque Romaine.

    Les monuments gyptiens quon peut voir dans nos muses se rattachent despoques trs diffrentes, et les catalogues, ne pouvant leur assigner une datepositive, indiquent gnralement la dynastie , laquelle ils appartiennent. Il est

    donc important, si lon veut connatre approximativement lantiquit dunmonument, de savoir quelle poque rpondent chronologiquement lesdynasties dont Manthon a donn la liste. Nous avons adopt, pour viter lesconfusions, le tableau donn par M. Mariette dans le catalogue du Muse deBoulaq.

    Lan 332, lgypte tombe sous la domination macdonienne, et ds lors lpoquedite pharaonique cesse dexister.

    LANCIEN EMPIRE. Il faut distinguer dans lhistoire des murs gyptiennesdeux priodes bien distinctes : celle des Pharaons et celle des Ptolmes. On

    donne le nom de Pharaons aux rois dgypte antrieurs la conqutedAlexandre. Cest durant cette priode, dailleurs fort longue, quil faut tudierles habitudes gyptiennes dans ce quelles ont de caractristique ; car, sous ladomination des rois grecs, lgypte, bien quextrmement florissante sous lerapport du commerce et de lindustrie, a perdu en quelque sorte sa personnalit.La brillante civilisation dAlexandrie remplace les vieux sanctuaires de Memphiset de Thbes ; lgypte pourtant se survit elle-mme par la tradition, mais lasve nest plus sur les bords du Nil, et de nouveaux usages viennent sans cessebattre en brche les anciennes coutumes. Cette priode de transformation estassurment fort intressante tudier, niais elle doit former un chapitre spcialet, quand on veut connatre exactement la part de lgypte dans la civilisation

    antique, il faut ltudier sous les Pharaons, cest--dire lpoque cil elle gardetoute sa personnalit et na pas encore subi les innovations trangres.

    On a admis longtemps, daprs lautorit des historiens grecs, que lthiopie avaitt le berceau de la civilisation gyptienne. Celte opinion est compltementabandonne aujourdhui. Ltude des monuments a prouv : 1 que lesgyptiens sont dune race venue dAsie et non originaire dAfrique ; 2 que lacivilisation quils ont fonde sur les .bords du Nit a remont le fleuve et ne la pasdescendu. Cest pour cela que M. Mariette appelle lthiopie fille de lgypte.

    Suivant les historiens grecs, Mns a t le fondateur de Memphis et le premierroi dgypte. Cest lui que commence la Ire dynastie des Pharaons, qui a dur

    253 ans. Aucun des monuments levs dans cette priode nest parvenu jusqunous.

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    La IIe dynastie a dur 302 ans on attribue cette priode la construction de lagrande, pyramide degrs qui se, voit Sakkarah et qui aurait t la spulturedun des rois de cette poque. Cette pyramide serait ainsi le plus ancienmonument de lgypte et peut-tre d monde. La porte basse et troite, quidonnait accs la chambre spulcrale de la pyramide, a t enleve en 1845 par

    Lepsius et transporte au Muse de Berlin. On attribue gnralement cettedynastie lintroduction du culte des animaux sacrs, et notamment du buf Apis,manifestation vivante du dieu Ptah, ador Memphis. Le tombeau dun hautfonctionnaire appel Thoth-Hotep dcouvert par M. Mariette dans la ncropole deSakkarah, et le groupe de Spa et de ses fils, au Louvre, passent pour remonteraux derniers rois de cette dynastie. Les inscriptions montrent lcrituregyptienne dj constitue.

    La IIIe dynastie parait originaire de Memphis cest dans cette maison royalequon voit apparatre les premiers Pharaons nots dans lhistoire commeconqurants. On a de cette poque un tombeau dcouvert Sakkarah etmaintenant au Muse de Berlin. Les reprsentations de cette tombe nous

    montrent une civilisation dj avance dans lagriculture. Un grand nombredanimaux sont dj domestiqus, et lon y voit le buf, lne et le chien ; maisle cheval ne parait pas encore, non plus que le chameau, qui ire se trouve jamaissur les monuments de lancienne gypte.

    Tout ce qui touche les .trois premires dynasties gyptiennes est obscur : cenest qu partir de la IVe que lhistoire commence sclaircir un peu. Onrattach cette poque les grandes pyramides ainsi que le grand sphinx deGiseh. La belle statue de Chephren, au Muse de Boulaq, est de la mmepriode. Le gouvernement sembl tre une sorte daristocratie militaire bienplutt que sacerdotale. Un grand nombre de monuments, contenant des scnesde -la vie prive plutt que religieuse, nous montrent une socit extrmementavance sous le rapport au bien-tre matriel.

    La VIe dynastie marque le point culminant de la civilisation de lancien empire,qui avait dur dix-neuf sicles. Le spectacle quoffre alors lgypte, dit M.Mariette, est bien digne de fixer lattention. Quand le reste de la terre est encoreplong dans les tnbres de la barbarie ; quand les nations les plus illustres, quijoueront plus tard un rle si considrable dans les affaires du monde, sontencore ltat sauvage, les rives du Nil nous apparaissent comme nourrissant unpeuple sage et polic, et une monarchie puissante, fonde sur une formidableorganisation de fonctionnaires et demploys, rgle dj les destines de lanation. Ds que nous lapercevons lorigine des temps, la civilisation gyptienne

    se montre ainsi nous toute forme et les sicles venir, si nombreux quilssoient, ne lui apprendront presque plus rien. Au contraire, dans une certainemesure, lgypte perdra, car, aucune poque, elle ne btira des monumentscomme les pyramides.

    Aprs la VIe dynastie, lgypte parat avoir prouv de fortes commotionspolitiques, dont on ignore la nature. Une clipse se manifeste alors dans lacivilisation et, pendant plusieurs sicles, on ne trouve aucun monument. Ilsemble quune invasion et lintroduction dune race nouvelle soit venue modifierprofondment toutes les vieilles habitudes de la nation. La priode quon estconvenu dappeler lAncien Empire sarrte la Xe dynastie.

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    LE MOYEN EMPIRE. - Quand, avec la XIe dynastie, dit M. Mariette, on voitlgypte se rveiller de son long sommeil, les anciennes traditions sont oublies.Les noms propres usits dans les anciennes familles, les titres donns auxfonctionnaires, lcriture elle-mme et jusqu la religion, tout semble nouveau.Tanis, lphantine, Memphis, ne sont plus les capitales choisies : cest Thbes

    qui, pour la premire fois, devient le sige de la puissance souveraine.La ville de Thbes, qui, suivant M. Lenormant, nexistait pas encore au temps delclat de V ancien empire et fut fonde pendant lanarchie que nous avonssignale sous les dernires dynasties, devint la capitale de lgypte pendant lapriode que lon est convenu dappeler le Moyen Empire.

    Les hypoges de Beni-Hassan, qui remontent la XIIe dynastie, retracent lesdtails les plus curieux sur lagriculture et les murs prives des anciensgyptiens. Dans une inscription de la XIIe dynastie, un gouverneur de province,nomm Amni, fait le tableau suivant de son administration : Toutes les terrestaient ensemences du nord au sud. Des remerciements me furent adresss dela maison du roi pour le tribut amen en gros btail. Rien ne fut vol dans mesateliers. Jai travaill et la province entire tait en pleine activit. Jamais petitenfant ne fut afflig, jamais veuve ne fut maltraite par moi ; jamais je naitroubl de pcheur ni entrav de pasteur. Jamais disette neut lieu de mon tempset je ne laissai jamais daffam dans les annes de mauvaise rcolte. Jai donngalement la veuve et la femme marie, et je nai jamais prfr le grand aupetit dans tous les jugements que jai rendus.

    Les premires dynasties du moyen empire marquent dans lhistoire dgypte unepriode de grande puissance politique. Non seulement la basse et la hautegypte furent runies sous le mme sceptre, mais encore les Pharaonscommencrent revendiquer comme leur patrimoine toutes les terres quarrose

    le Nil. En mme temps ils levrent un grand nombre de monuments : lelabyrinthe et le lac Mris remontent cette priode.

    Cet tat florissant dura plusieurs sicles, mais, aprs la XIVe dynastie, lgypteparat avoir t de nouveau en proie des dchirements qui eurent pour rsultatdouvrir le pays des conqurants trangers.

    LES PASTEURS. La dernire partie du moyen empire est Marque par unvnement formidable qui transforma compltement la basse gypte : ce futlinvasion des pasteurs, peuples venus dAsie et qui, pendant cinq cents ans,restrent, les matres du pays. Cette invasion parait avoir eu dans lgypte une

    importance -analogue celle des invasions barbares dans lempire romain, maiselle West toujours demeure fort nigmatique et lon ne sait pas encore au justece qutaient les pasteurs, ni do ils venaient. Il y eut, dit Manthon dans unfragment conserv par lhistorien Josphe, un roi sous le rgne de qui lesouffle de la colre de Dieu sleva, je ne sais pourquoi, contre nous.Contrairement toute attente, des hommes obscurs, venant du ct de F.0rient,firent une invasion dans notre pays, dont ils semparrent facilement et sanscombats. Ils assujettirent les chefs qui y commandaient, brlrent les villes etrenversrent les temples des dieux ; ils firent aux habitants tout le mal possible,gorgeant les uns, rduisant en esclavage les femmes et les enfants des autres.

    On a contest de nos jours le caractre dvastateur et barbare que les historiensanciens ont attribu ails pasteurs, et M. Mariette a dcouvert Tanis desmonuments dus leur initiative. Mais il parat certain que ces pasteurs, venus

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    trs probablement de Syrie ou dArabie, diffraient absolument des gyptiens parles murs aussi bien que par la race. Il a d ncessairement se produire entreles deux peuples un choc trs violent qui a pu arrter la marche civilisatrice desanciens habitants ; seulement il ny a pas eu, comme on le dit parfois, unedestruction complte de cette civilisation, laquelle sest maintenue intacte dans la

    Thbade et lthiopie, o les pasteurs nont pas pntr.

    LE NOUVEL EMPIRE. Un changement, qui eut pour rsultat de ramener engypte une dynastie nationale, marque le dbut du nouvel empire, dont lepremier acte politique fut lexpulsion des pasteurs. Cette lutte, dont le rcit estgnralement trs obscur et rempli de contradictions, parat avoir eu surtout uncaractre de guerre religieuse. Cest du moins ce qui rsulte dun papyrus duMuse britannique, cit par M. Lenormant. Il arriva que le pays dgypte tombaaux mains des ennemis, et personne ne fut plus roi du pays entier au moment ocela arriva. Et voici que le roi Taaaken fut seulement un hak(prince vassal)de lahaute gypte. Les ennemis taient dans Hliopolis et leur chef dans Avaris... Leroi Apapi se choisit le dieu Souteckh comme seigneur et ne fut pas serviteurdaucun autre dieu existant dans le pays entier... Il lui btit un temple en bontravail durant toujours.

    Le roi pasteur Apapi, apprenant que le prince de la Thbade Taaaken refusaitdadorer son dieu Souteckh, lui envoya une sommation qui fut reue avec mpris; une guerre longue et sanglante survint cette occasion et aboutit lexpulsiondes pasteurs.

    Malgr les incertitudes o lon est relativement lpoque de lexpulsion despasteurs, elle parat avoir t dfinitive sous Amosis, lun des successeurs du roiTaaaken. Cest aprs son rgne que commence la grande priode militaire delgypte. Amnophis Ier porte ses armes en Asie et sempare de la Msopotamie; Touthms II fait des campagnes heureuses en thiopie et en Palestine ; enfinTouthms III entreprend une srie dexpditions dont le rcit est figur sur lesmurs de Karnak.

    Il fit passer sous son joug, dit M. de Roug, les peuples de lAsie centrale et nousvoyons figurer parmi ses vassaux Babel, Ninive et Sennaar, au milieu de peuplesplus importants alors, mais dont les noms se sont obscurcis dans la suite destemps.

    La grandeur politique de lgypte se continue sous Amnophis III, le prince queles Grecs ont appel Memnon, et dont le colosse bris rsonnait dans la plaine de

    Thbes au lever du soleil. Une rvolution religieuse vint troubler lgypte aprslui, et le fanatisme effaa partout le nom du dieu Ammon, la grande divinit deThbes. Une multitude de monuments nous montrent en effet ce nom mutil.

    Pendant ces troubles, lempire de lAsie chappa lgypte, qui se relevapourtant sous Sti Ier, et arriva lapoge de sa puissance, sous son fils RamssII, appel par les Grecs Ssostris, et dont le nom sur les monuments se litRamss-Meamoun. Lthiopie et lAsie furent de nouveau conquises et lesnombreux prisonniers que le vainqueur ramena avec lui furent employs leverdimmenses difices.

    Ramss II, dit M. de Roug, couvrit lgypte de monuments ; son nom marque

    dimportantes constructions depuis lanis jusquau fond de la Nubie. A Thbes, leclbre Ramessum est un monument religieux et funraire spcialement

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    consacr sa mmoire. Lart dclina rapidement sous son rgne malgr sesimmenses travaux. Il eut le tort de faire substituer ses propres cartouches ceuxde son pre sur la salle hypostyle de Karnak et sur dautres monuments du rgneprcdent. Son orgueil parait navoir pas connu de bornes. Souvent il sintroduitlui-mme dans les triades divines auxquelles il ddie les temples. Le soleil de

    Ramss-Meamoun quon aperoit sur, leurs murailles nest autre chose que leroi, difi de son vivant. Le souvenir de ses conqutes tait encore vivant engypte sous les Romains et Tacite la rappel ; mais nous ne trouvons aucunetrace qui nous montre sa mmoire vnre aprs sa mort. Un de ses successeursatteste seulement quil rgna soixante sept ans, et quil tait rest clbre pourle nombre et lclat des monuments de son rgne.

    Nanmoins les savants ne sont pas compltement daccord sur ce rgne : cestainsi que, suivant M. Paul Pierret, les Grecs auraient concentr sur la tte de cetunique personnage des exploits que noua devons partager entre plusieurssouverains.

    La domination des gyptiens en Asie se soutint pendant la XIXe et la XXedynastie, dont tous les rois portent le nom de Ramss comme leur aeul. Lespays conquis gagnrent probablement au contact des gyptiens plus civilissqueux, mais les institutions et les usages qui faisaient la grandeur de lgyptesaltrrent ; la religion mme fut atteinte et des divinits asiatiques, commeBaal et Astart, reurent un culte officiel dans la ville de Ramss.

    LA DCADENCE. Vers la fin de la XXe dynastie, les prtres dAmmonsemparent peu peu de lautorit et finissent par remplacer la famille desRamss. Le caractre sacerdotal de cette priode, est trs accus, mais lagrande organisation militaire de lpoque prcdente tend seffacer, et lgypte,aprs avoir perdu lAsie, se trouve rduite ses limites naturelles. On comptepourtant encore quelques expditions heureuses dans lune delles, les gyptienssemparent de Jrusalem et emmnent son roi, que nous voyons reprsent surtin monument les mains lies derrire le dos. Mais lgypte ne lutte pas plus loinque la Syrie et la Palestine lAssyrie, alors toute-puissante, et arrt lesenvahisseurs.

    Enfin, sous la XXIVe dynastie, lgypte est envahie par les thiopiens, son roi priset brill, et une dynastie thiopienne arrive au pouvoir. Lgypte retrouve ensuitedes rois nationaux ; mais ceux-ci, par crainte des thiopiens, appellent leuraide des mercenaires grecs. Cette innovation indispose larme nationale, et

    lgypte, compltement dsorganise, noffre plus la moindre rsistance le jouro elle est envahie par Cambyse.

    Les Perses ne surent pas se faire aimer des gyptiens, et Cambyse sen fit harquand, dans un accs de fureur religieuse, il tua le buf Apis. Bien que Darius,plus habile, et sacrifi aux dieux de lgypte, la domination persane ne futjamais bien vue ; aussi Alexandre fut-il salu par le plus grand nombre commeun librateur.

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    III - ATTRIBUTS ROYAUX

    LE PHARAON DIVINIS. - ATTRIBUTS DES PHARAONS : LA COURONNE, LASPIC SACR, LE

    VAUTOUR, LE LION ET LE SPHINX. - LE PHARAON EN GUERRE. - LE PHARAON TRIOMPHANT. -EMBLMES DES PTOLMES.

    LE PHARAON DIVINIS. Dans aucun pays du monde, lidoltrie pour lapersonne royale na t pousse aussi loin quen gypte. Un Pharaon nest pasun simple chef politique, auquel la loi du pays ordonne dobir, il est de touspoints assimil la divinit et reoit un vritable culte. Pour les gyptiens, ce quise passe sur la terre nest que la reproduction exacte des phnomnes clestes.Par cela seul quun Pharaon monte sur le trne, il est assimil au soleil levant,personnifi dans Horus. Aussi lpervier, oiseau consacr Horus, figure sur labannire royale, et cest pour la mme raison que le roi est appel fils dAmmon,qui est le Soleil.

    Quand Alexandre traversa le dsert pour aller dans le temple dAmmon se faireproclamer dieu et fils dAmmon, il ne fit quaccomplir une crmonie qui, auxyeux des gyptiens, lgitimait son droit porter la couronne. Diodore de Sicile aracont lentrevue du roi avec le chef des prtres dAmmon. Lorsque Alexandrefut introduit dans le temple et quil aperut la statue du dieu, le prophte,homme trs g ; savana vers lui et lui dit : Salut, mon fils, recevez ce nomde la part du dieu. Je laccepte, mon pre, rpondit Alexandre, et dsormaisje me ferai appeler ton fils si tu me donnes lempire de toute la terre. Le prtreentra alors dans le sanctuaire et, au moment oit les hommes dsigns pour

    porter la statu du dieu se mirent en mouvement, sur lordre dune voixmystrieuse, il assura Alexandre que. le dieu lui accordait sa demande...Alexandre se rjouit de la rponse de loracle, consacra au dieu de magnifiquesoffrandes et retourna en gypte.

    Les monuments figurs sont daccord avec les, textes pour nous montrer lePharaon avec les attributs divins. Une statuette du Muse de Turin reprsente(fig. 9) Ammon assis : le dieu est figur sous sa forme humaine et nettementcaractris par sa coiffure. Le jeune Pharaon ; debout prs de son pre, tient enmain la croix anse, symbole de la vie divine.

    Sur une peinture dun temple de la Nubie, on voit la desse Anouk (fig. 10), queles Grecs ont identifie avec Vesta, nourrissant de son lait divin un Pharaonadolescent qui porte galement la croix anse. Anouk est le personnage fminindune triade de la Thbade mridionale. Le principe est toujours le mme dansune province ou dans une autre et notre figure montre clairement le jeune roisuant le lait divin.

    Le caractre de divinit attribu au Pharaon est prouv par les inscriptions etreconnu par tous des gyptologues.

    La divinit du roi commence sur la terre et se perptue au del du tombeau.Chaque fois quun Pharaon meurt, le panthon gyptien senrichit dune divinitnouvelle laquelle ses successeurs offriront des sacrifices.

    Diodore de Sicile a parl dun prtendu jugement que le peuple prononait surles actes du roi dfunt. Il y a eu erreur de la part de lhistorien grec : si les

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    cartouches de certains rois ont t martels par leurs successeurs ; cest que cesrois ont t considrs comme ayant exerc le pouvoir souverain sans y avoirdroit ; en sorte que les honneurs divins, quils staient arrogs de leur vivant,nimpliquaient de leur part quune rbellion et un sacrilge ; on pourrait,doncassimiler ces usurpateurs aux antipapes de la chrtient. Mais quand il sagit

    dun vritable Pharaon, ses actes, quelquils soient, sont en dehors de toutcontrle, par la raison que le Pharaon rsum en sa personne Vide de suprmejustice, en mme temps que lide de suprme puissance.

    ATTRIBUTS DES PHARAONS. Les Pharaons portent en gnral les mmesattributs que la divinit. Un curieux bas-relief du temple de Philae montrecomment les dieux dgypte associent le roi leur toute-puissance. Le Pharaonest debout, les bras pendants, entre deux personnages divins et sa coiffure estcaractrise par le serpent urus, symbole de la royaut. Les deux divinitsversent, au-dessus de sa tte, leau consacre et lui donnent ainsi linitiationroyale. Le dieu tte dpervier, plac gauche, est Osiris, qualifi dans lalgende de Dieu grand, Seigneur suprme, ordinairement peint en bleu. Le dieu tte dibis, qui est droite, est Thoth, qualifi Seigneur des divines critures.

    Les vases que tiennent les deux divinits laissent couler de leau dont les jets secroisent pour retomber de chaque ct du Pharaon ; mais, en retombant ainsi,leau se transforme en une srie alterne de croix anses, symbole de la viedivine, et de sceptres royaux.

    La figure 11 nous montre un Pharaon dans son rle de chef du sacerdoce : ilporte sur la tte le disque solaire, les deux grandes plumes qui caractrisentAmmon et la natte qui descend autour de son oreille simulant la corne de blier.

    Lemblme du Pharaon est le sphinx, et les avenues de sphinx, qui prcdent letemple, reprsentent limage des rois qui ont exerc le pouvoir, au nom de ladivinit dont ils sont fils et laquelle ils sont assimils. Le sphinx, cest--direlanimal qui est pourvu dun corps de lion uni une tte dhomme, tait aux yeuxdes gyptiens le symbole, de la force unie lintelligence ; cest pour cela que lesphinx est consacr la reprsentation des rois. Quelquefois la tte humaine estremplace dans les sphinx par une tte de blier, emblme du dieu Ammon.

    Il y a des sphinx de toutes grandeurs : gnralement les temples taientprcds dune avenue de sphinx, comme on en voit Thbes. Nos musesrenferment un grand nombre de petits sphinx en bronze qui servaient auxoblations religieuses ; ils sont quelquefois pourvus de bras supportant des

    offrandes.Le sphinx en granit rose du Louvre (inscrit sous le n 23)porte les cartouches dunPharaon, fils de Ramss II. Cest ce Pharaon, suivant lopinion de M. de Roug,qui ft ladversaire de Mose et dont larme fut engloutie sous les flots de la merRouge.

    Le lion a t, en mme temps que le sphinx, adopt comme emblme royal :cest ce titre que nous le voyons figurer sur les enseignes militaires (fig. 12 et13). Cest surtout vers la XVIIIe dynastie que cet emblme aurait t frquent.Sur les bagues de cette poque, dit M. Pierret dans son Dictionnairedarchologie gyptienne, il nest pas rare de voir les cartouches accompagns

    de la reprsentation dun lion passant ou terrassant son ennemi. Amnophis IIIporte le titre de Lion des rois.

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    Dans la salle historique du muse gyptien au Louvre (vitrine H), il y a une bagueen or, portant le nom de Touthms III, qui offre la reprsentation dun lionterrassant un homme. Dans les scnes militaires des hypoges, on voitfrquemment un lion marcher ct du char royal.

    Notre figure 14, montre un Pharaon dans son palanquin somptueusement dcor

    de tous les attributs divins ou royaux : on y voit le lion, le sphinx, lpervier, ledisque solaire ainsi que les desses ouvrant leurs ailes protectrices.

    La corne de blier, attribut du dieu Ammon, devait naturellement se retrouverdans la coiffure des rois dgypte, considrs comme fils dAmmon et portant parconsquent les attributs du dieu. Nous la trouvons notamment dans une figurecolossale du speos, dIbsamboul, qui reprsente Ramss-Meamoun (fig. 15).

    Cette coiffure est videmment symbolique, et il est permis de douter que lepersonnage historique ait jamais t affubl de la porte ; mais elle a cela departiculier que les cornes apparaissent simultanment dans deux dispositionsdiffrentes. Comme le montre la figure 15, deux grandes cornes de bouc partent

    du milieu de la tte et supportent le disque solaire, en mme temps que lacouronne de la haute gypte. Une autre corne, celle dun vritable blier cettefois, part au-dessus de loreille quelle contourne. La parent du roi avec le dieude Thbes, Ammon, est donc trs nettement exprime, dans cette figure.Ajoutons que, si la corne de blier se montre dans des coiffures symboliques, onla voit galement dans des coiffures relles, par exemple (fig. 16), dans celle duPharaon que Rosellini appelle Amenesss. Seulement, au lieu dune corne relle,cest un simple ornement qui en simule lenroulement. Le mme attribut seretrouve dans la coiffure de la femme de ce Pharaon (fig. 17), ce qui montre queles reines pouvaient aussi bien que leurs poux se rattacher directement Ammon.

    La couronne est, de mme que le sceptre, un insigne que portent galement lesdieux et les Pharaons qui en sont la personnification terrestre. Il y a deuxespces de couronnes qui impliquent la domination sur la haute ou sur la bassegypte.

    La mitre blanche et conique indique la souverainet sur le Midi ou la hautegypte. La couronne rouge, au contraire, qui est linsigne du pouvoir souveraindans le Nord ou le basse gypte, est vase et munie dun enroulement appellituus.

    La couronne de la basse gypte, telle que nous venons de la dcrire, estreprsente sur une magnifique harpe, quon voit dans lei tombeau des rois

    Thbes (fig. 18). Limportance de cette peinture et de celle que nous donnons ci-dessous (fig. 19)ont fait donner la salle qui les contient le nom de salle desharpes. Sur la premire figure, le harpiste est vtu dune robe fond noir et raies blanches. Le corps de la harpe a un fond jaune avec des compartiments etdes ornements en chevrons ronges, bleus, verts et jaunes ; la partie suprieureest recourbe fortement et couronne de onze fiches correspondant aux onzecordes de la harpe. Le bas de linstrument se termine par une tte royale oudivine (car les insignes sont identiques), caractrise par la couronne de la bassegypte.

    La seconde harpe (fig. 19), qui est peinte dans la mme salle, nous montregalement une tte couronne ; mais ici la couronne est double, cest--dire quela mitre blanche et conique, telle que la reprsente notre figure 20 ci-dessous,est encastre dails la couronne rouge, et tronque de la figure 18 ; de manire

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    lie former quune seule coiffure. Cette double couronne prend alors le nom depschentet implique la domination sur le Nord comme sur le Midi.

    Le pschent, autrement dit le double diadme de la souverainet des deuxrgions, tait la coiffure que portait le Pharaon dans les grandes solennits. Cetinsigne royal avait une forme et une couleur particulires ; lavnement de

    chaque monarque, il y avait une crmonie importante, qui datait des premierstemps de la constitution du royaume, et dans laquelle on proclamait aux quatrecoins du monde que le Pharaon venait de poser sur sa tte la couronne de lahaute et de la basse gypte.

    Mais si le monarque, qui avait toute lgypte sous sa domination, avait seul ledroit de porter le pschent, il lui arrivait galement de ne porter quune des deuxcouronnes.

    On voit frquemment le pschent sur la tte d Osiris.

    Enfin on donne le nom de couronne atew une coiffure sacre compose de lamitre blanche, de deux plumes dautruche, de cornes de blier, de lurus, etparfois complique dautres ornements.

    Les rois portaient leurs couronnes les jours de crmonies ; mais, dans lesscnes de bataille, on les voit presque toujours coiffs du casque de guerre.Dans les crmonies religieuses, ils ont quelquefois pour coiffure une bande delinge raye, descendant de chaque ct sur le devant de la poitrine et termineen arrire par une sorte de queue attache avec un ruban. Cest cette coiffureque lon voit au sphinx, qui la porte comme emblme royal. La figure 9 nous en montr un exemple, mais la bande de linge raye se portait aussi quelquefois surle ct comme on le voit sur la figure 21. Quoique cette coiffure soit plusspcialement affecte aux Pharaons dans lexercice de leurs fonctions

    sacerdotales, on voit aussi le roi portant le casque dans quelques crmoniesreligieuses ayant trait ses victoires.

    Voici un Pharaon faisant une offrande une divinit (fig. 22). La coiffure quilporte est le casque des rois dans les combats de Thbes. A chaque bras il a deuxbracelets, et la peau dune tte de lion pend sa ceinture. De la main droite iltient un petit vase pour verser la libation et, de lautre, il porte deux cassolettes parfums. Devant lui on voit loffrande compose de fruits, de coquillages, defleurs, de gteaux, doies, de corps de veaux qui ont les pieds lis, etc. Il estsuivi dune femme qui tient un sistre et des calices de lotus. Son costume, assezremarquable parce quil est rare dans les temples, consiste en une robe longue ettransparente et en un voile qui descend sur ses paules.

    Laspic est lemblme quon voit le plus communment sur le front des Pharaons.Cet aspic ou serpent sacr est gnralement dsign sous le nom durus. Cestpeut-tre linsigne le plus caractristique des dieux et des rois (fig. 23 30), car ilne faut jamais oublier quen gypte le dieu est considr comme roi, et lePharaon est honor comme son fils et sa manifestation visible.

    Lurus est un petit serpent dune forme conventionnelle qui dresse toujours latte en avant ; sa gorge est dmesurment grosse et sa queue se repliehabituellement sous le reste de son corps. Une phrase de Plutarque nous faitsavoir pourquoi laspic est considr comme un insigne divin : Laspic ne vieillitpas, et, quoique priv des organes du mouvement, il se meut avec la plus

    grande facilit. Les gyptiens ont vu l un emblme de lternelle jeunesse du

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    soleil et de sa marche dans les cieux : les Pharaons, tant fils du soleil etassimils cet astre, doivent naturellement en porter les insignes.

    On peut remarquer que cet emblme apparat sur le front des Pharaons, mmelorsquils portent le casque de guerre, comme Ramss X (fig. 26). On le voitmme deux fois sur cette figure, car, outre le serpent qui se dresse au-devant du

    front, on en distingue un autre au-dessus de loreille, et ce dernier porte lacouronne de la basse gypte. Il nest pas rare, en effet, de voir deux serpentsdans la coiffure royale, mais ils ne prsentent pas toujours la mme disposition.La figure 28 nous montre les deux serpents dresss ensemble sur le front : lundes deux porte la couronne de la basse gypte ; lautre, celle de la haute gypte.

    Les reines dgypte portaient galement laspic sacr leur front (fig. 29). Maisun emblme beaucoup plus caractristique pour la coiffure des reines est levautour. Cet insigne royal vient encore dune assimilation la divinit. En effet,Maut, lpouse du dieu thbain Ammon, appele Thbes la Mre, a le vautourpour emblme. Les gyptiens croyaient que le vautour tait toujours femelle etquil ny avait pas de mle dans cette espce danimal. Le vautour a t ds lorsconsidr comme lemblme de la maternit et, dans les triades gyptiennes, il at consacr la divinit fminine qui prend le rle de mre. Cest pour cela que,dans la triade thbaine, la desse Maut, associe Ammon et mre de Khons, ale vautour pour attribut. Les ailes de vautour caractrisent galement Isis,comme mre dHorus et associe Osiris. Enfin la desse Nekehb, qui symbolisela rgion du sud, prend galement le vautour pour attribut.

    Il nest pas surprenant, ds lors, que le vautour soit figur non seulement dans lareprsentation des divinits du sexe fminin, mais encore dans la coiffure desreines qui, comme leurs poux, veulent tre assimiles la divinit. Cettecoiffure apparat sur des monuments dune date fort ancienne, et notamment sur

    un bas-relief peint, reprsentant Ahms ou Amesss, femme de Touthms Ier. Latte de loiseau sacr savance au-dessus du front, comme la tte de laspic dansdautres monuments ; les plumes de la queue forment le chignon et les ailesretombent, en passant derrire loreille ; quelquefois jusqu lpaule (fig. 32). Lareine Tsir, femme de Sti Ier porte une coiffure analogue, mais laile est pluspetite et la patte de loiseau, schappant par derrire, forme une espcedornement lextrmit duquel est attach un anneau (fig. 31). Sur certainsmonuments, le vautour apparat conjointement avec laspic (fig. 33). Nous voyonsmme (fig. 34), les emblmes symboliques se multiplier au point de rendre fortimprobable lexistence relle dune semblable coiffure.

    La figure 35 est dans le mme cas ; en revanche, nous voyons, runis la plupart

    des symboles pharaoniques tout en haut de la coiffure, le vautour de Maut,emblme de la maternit divine, porte la couronne de la haute gypte et estaccompagn de deux urus, sur, chacun desquels semble voltiger l disque dusoleil. Ces emblmes reposent sur une espce de chapiteau, plac sur le dos dunautre, vautour coiffant directement la reine.

    Le reste du costume royal ne diffrait pas essentiellement de celui des autresgrands dignitaires de lgypte : toutefois le tablier tait orn de ttes de lions etautres devises en cuir colori ; quelquefois aussi le bord tait form par unerange daspics, emblme de la royaut.

    LE PHARAON EN GUERRE. Le Pharaon, comme fils dAmmon, chef natureldu sacerdoce, est par la mme raison gnralissime des guerriers. Dans lpoque

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    hroque de lhistoire dgypte quand les Pharaons portent leurs armesvictorieuses dans toutes le, contres connues, ils combattent au nom de leurpre le Soleil. Ce dernier est reprsent, dans les monuments, planant sous laforme de loiseau divin qui, dans ses serres puissantes, tient un symbole devictoire. Cet emblme apparat dans maintes circonstances. Voici, par exemple

    (fig. 36), le fragment dun bas-relief de Mdinet-Abou, Thbes. Il sagit dunedescente frite sur la coite dgypte : le Pharaon debout, pitinant sur les ennemisquil a dj tus, achve la droute de ceux qui restent dans les navires et quilextermine avec ses flches. Sa taille dmesurment grande, fait reconnatre lesouverain de lgypte ; on tient derrire lui le flabellum, insigne royal, et loiseausymbolique plane sur sa tte en tendant ses ailes en signe de protection.

    Cest leur pre Ammon que les Pharaons invoquent dans les moments difficiles,comme on le voit dans le fameux pome de Pentaour, dont M. de Roug adonn la traduction. Les scnes militaires sculptes et peintes sur les monumentsde Thbes et ailleurs pourraient, en quelque sorte, servir dillustration cepome quelques citations suffiront pour montrer le lien qui unit le roi dgypte au

    grand dieu Ammon, personnification du Soleil.Dans le pome de Pentaour, le Pharaon, dans sa marche victorieuse traverslAsie, se trouve tout coup trahi ou abandonn par ses soldats au milieu dunearme innombrable : Sa Majest, la vie saine et forte, se levant comme le dieuMouth, prit la parure des combats ; couvert de ses armes, il tait semblable Baal dans lheure de sa puissance... Lanant son char, il entra dans larme du vilKheta ; il tait seul, aucun autre avec lui... Il se trouva environn par deux millecinq cents chars, et sur son passage se prcipitrent les guerriers les plusrapides du vil Kheta et des peuples nombreux qui laccompagnaient... Chacun deleurs chars portait trois hommes, et le roi navait avec lui ni princes, ni gnrauxni ses capitaines des archers ou des chars.

    Un bas-relief sculpt sur un des murs extrieurs du palais de Karnak, Thbes,nous montre une scne qui nest pas sans analogie avec celle que dpeint lepome (fig. 37). Toutefois le Pharaon nest point ici environn des chars ennemis,mais la quantit dennemis, au milieu desquels il sest engag et dont les corpsjonchent le sol, est vraiment innombrable. Il est en train de frapper leur chefavec son sabre recourb, et le char sur lequel il est mont va rouler sur lescadavres amoncels. Comme dans la figure prcdente, loiseau protecteur plane ses cts et le protge de ses ailes. Mais lemblme est plus frappant encore,car le casque du roi est surmont ici du disque solaire flanqu de deux urus.Cest donc bien rellement le fils du Soleil que nous voyons domptant les

    ennemis par la force de son bras et la toute-puissante protection de son pre.De mme, dans le pome de Pentaour, le roi, se voyant tout seul et entourdennemis innombrables, commence douter de lui-mme et invoque Ammon,son pre, le grand dieu de Thbes ; il lui rappelle quil a march daprs sesordres et lui a lev des temples magnifiques : Mes archers et mes cavaliers, dit-il, mont abandonn ! Pas un deux nest l pour combattre avec moi. Quel estdonc le dessein de mn pre Ammon ?... Nai-je pas march daprs ta parole ?Ta bouche na-t-elle pas guid mes expditions et tes conseils ne mont-ils pasdirig ?... Nai-je pas clbr en ton honneur des ftes clatantes, et nai-je pasrempli ta maison de mon butin ?... Je tai immol trente mille boeufs... Je taiconstruit des temples avec des blocs de pierre et jai dress pour toi des arbres

    ternels. Jai amen des oblisques dlphantine et cest moi qui ai fait apporterdes pierres ternelles... Je tinvoque, mon pre ! Je suis au milieu dune foule

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    de peuples inconnus et personne nest avec moi. Mes archers et mes cavaliersmont abandonn quand je criais vers eux. Mais je prfre Ammon des milliardsdarchers, des millions de cavaliers, des myriades de jeunes hros, fussent-ilstous runis ensemble. Les desseins des hommes ne sont rien ; Ammonlemportera sur eux. Le dieu lentend et ranime le courage du Pharaon : Je

    suis prs de toi, je suis ton pre, le Soleil ; ma main est avec toi, et je vauxmieux pour toi que des millions dhommes runis ensemble. Cest moi qui suis leSeigneur des forces, aimant le courage ; jai trouv ton coeur ferme et moncoeur sest rjoui. Ma volont saccomplira... Je serai sur eux comme Baal danssa fureur. Les deux mille cinq cents chars, quand je serai au milieu deux, serontbriss devant tes chevaux... Ils ne sauront plus lancer les flches et netrouveront plus de coeur pour tenir la lance. Je vais les faire sauter dans leseaux, comme sy jette le crocodile ; ils seront prcipits les uns sur les autres etse tueront entre eux.

    Le roi alors slance sur les Khetas qui, devant son audace, reculent pouvants.Il frappe droite et gauche et souvre un passage travers les cadavres quil a

    amoncels. Cependant les Khetas, voyant quil est bien rellement seul,reviennent la charge et lenvironnent pour laccabler par le nombre. Lcuyerqui conduit le char du roi sent son coeur faiblir en voyant la mort invitable, et ildit Ramss : Mon bon matre, roi gnreux, seul protecteur de lgypte au jourdu combat, nous restons seuls au milieu de nos ennemis ; arrte-toi, et sauvonsle souffle de nos vies.

    Le roi repousse les conseils pusillanimes de son cuyer et ne veut couter queson courage. Six fois il lance son char au milieu des cohortes, ennemies et il abattout ce qui veut sopposer son passage ; enfin il parvient rejoindre ses gardesqui lavaient abandonn, et il leur reproche leur lchet. Ses gnraux et sesprincipaux officiers viennent pour saluer le hros, et contemplent avecadmiration les cadavres dont la plaine est remplie. Mais lui ne rpond quen lesaccablant sous son mpris et en se glorifiant lui-mme : Jai montr ma valeur etni les fantassins ni les cavaliers ne sont venus avec moi. Le monde entier adonn passage aux efforts de mon bras, et jtais seul, aucun avec moi, ni lesprinces, ni les chefs des archers ou de la cavalerie... Les guerriers se sont arrts; ils sont retourns en arrire ; en voyant mes exploits, leurs myriades ont pris lafuite et leurs pieds ne pouvaient plus sarrter dans leur course. Ls traits lancspar mes mains dispersaient leurs guerriers aussitt quils arrivaient moi. Le roileur dit ensuite que ses chevaux seuls sont rests prs de lui lheure dudanger, et quils en seront rcompenss. Cest eux qu trouvs ma mainquand jtais seul au milieu des ennemis... Je veux quon leur serve des grains

    devant le dieu Ra (le Soleil), chaque jour, lorsque je serai dans mon palais ; parcequils se sont trouvs au milieu de larme ennemie.

    Un bas-relief de Karnak montre le Pharaon seul sur son char et poursuivant lesennemis jusquau pied dune citadelle dans laquelle ils cherchent vainement unrefuge (fig. 38). A leur barbe et leur costume ces ennemis paraissent tre desAsiatiques. Il est remarquer que, dans ce bas-relief comme dans tous ceux ole Pharaon parait en personne, on ne voit point de cocher ct de lui pour tenirles rnes de ses chevaux et diriger leur course. Mais cest l une conventionadmise par les artistes pour caractriser la toute-puissance du roi, car les charsgyptiens, comme ceux des Grecs de lge hroque, portent toujours un cocher

    prs du guerrier qui combat, et souvent mme le cocher est charg de tenir lebouclier qui doit les abriter tous les deux.

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    Pentaour dcrit ensuite les ennemis qui se soumettent au vainqueur et viennenten suppliant implorer sa merci : Fils du Soleil, que lgypte et le peuple de Khetasoient esclaves sous tes pieds. Ra ta accord leur domination... Tu peuxmassacrer tes esclaves, ils sont en ton pouvoir ; aucun deux ne rsistera. Tu esarriv dhier et tu en as tu un nombre infini. Tu viens aujourdhui, ne continue

    pas le massacre... Nous sommes couchs terre, roi vaillant ! lhonneur desguerriers, accorde-nous les souffles de la vie !

    Une scne analogue est reprsente sur les bas-reliefs de Thbes. On voit lehros descendu de son char et tenant encore les rnes de ses chevaux. Il reoitla soumission des vaincus qui se sont retirs dans une fort. Quelques-unsdentre eux implorent sa clmence ; dautres sont occups abattre un arbre,quils coupent par le pied coups de hache, tandis que deux hommes leretiennent avec des cordes, Pour diriger sa chute. Un officier gyptien, ayantdans ses mains un arc bris, est plac au-devant des vaincus et implore pour euxla clmence du hros (fig. 39).

    LE PHARAON TRIOMPHANT. Les princes du sang royal et les fils des plusgrands dignitaires de lgypte accompagnaient partout le roi et portaient sesinsignes. Leur poste, pendant le couronnement, les triomphes et les grandescrmonies, tait toujours auprs de la personne royale. Les uns portaient leflabellum aux cts du roi, dautres supportaient le sige sur lequel le Pharaontait conduit au temple.

    Lagrafe, et surtout le collier dhonneur que les rois donnaient leurs principauxofficiers, sont des insignes qui les font reconnatre. Mais le grand bton impliquepartout le signe du commandement tous les degrs et se trouve reprsent surune foule de monuments.

    Un de ces btons, qui fait partie du Muse de Boulaq, a conserv la large feuilledor en spirale qui le dcorait habituellement.

    Le flabellum est un insigne que les grands dignitaires portaient aux cots duPharaon dans les crmonies du couronnement, les marches triomphales et lesautres grandes solennits.

    Il y avait deux sortes de flabellum : lun tait une espce de chasse-mouchescompos de plumes dautruche adaptes un manche trs richement orn ;lautre servait comme ventail, ou plutt encore comme ombrelle. Le flabellumse voit trs souvent sur les barques sacres. Le Muse de Boulaq (n 835 ducatalogue)possde un flabellum. Le manche et le couronnement sont de bois etrecouverts dune feuille dor. On retrouve encore au pourtour du couronnementles trous dans lesquels taient places les plumes dautruche qui formaientlventail proprement dit.

    Dans les monuments figurs, le Pharaon est toujours reconnaissable la tailledmesure que lartiste lui a donne, par rapport aux autres personnages. Cestainsi quon le voit Thbes (fig. 40), promen sur un char attel de deux chevauxrichement caparaonns, et dont la tte est surmonte de plumes dautruche.Une grande toffe larges raies recouvre le corps entier des chevaux. Le roi estvtu dune tunique raye ; sa tte est coiffe dun casque et son cou par dunriche collier. La suite du Pharaon est figure par divers personnages beaucoup

    plus petits que lui ; trois de ces personnages portent le flabellum, et deux autres,en costume .darchers, tiennent les brides des chevaux.

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    Quand, aprs une guerre heureuse, le Pharaon rentr dans la capitale, il estconduit triomphalement au temple dAmmon, o il doit remercier le dieu desvictoires quil vient de remporter. Cette crmonie vraiment imposante estreprsente au grand complet sur les sculptures de Mdinet-Abou, Thbes.Deux ranges de personnages qui, dans la crmonie que ce bas-relief rappelle,

    marchaient paralllement, sont ici figures lune au-dessus de lautre. Les troispremires figures de la range suprieure sont des soldats qui portent des lancesdans la main droite et qui ont leurs boucliers passs dans le bras ; de la maingauche, ils tiennent des espces de massues. Huit figures, vtues de longuesrobes et groupes deux par deux, les prcdent, et tiennent aux trains desemblmes sacrs ; quatre dentre elles portent en outre des espces de hachesdarmes ; leurs ttes sont ornes de plumes, emblme de la victoire ; deuxautres figures, dont lune porte un carquois et lautre tient clans la main droiteune tige de lotus avec sa fleur, sont en avant et, marchent prcdes de deuxpersonnages qui paraissent guider cette premire colonne du cortge. Au-dessous sont huit hommes portant des gradins probablement destins servir

    pour monter sur la chaise triomphale et pour en descendre. Huit personnages quiles prcdent ont la tte orne de plumes et sont couverts de robestransparentes ; ils portent les haches des sacrifices et des guidons tige de lotussurmonts de plumes. Quatre figures places en avant ont la tte nue et tiennentgalement des lotus et des plumes ; elles sont un peu courbes et, danslattitude qui convient des personnes pntres du respect et de la vnrationque leur inspire la crmonie laquelle elles prennentpart1.

    Le Pharaon auquel sont rendus ces honneurs occupe le milieu du bas-relief ; ilest remarquer quil nest pas mont sur un char comme nous lavons vu aumoment de laction, mais, assis sur un trne et plac sous un riche dais, il estport sur les paules de douze personnages qui marchent deux par, deux. Les

    insignes qui laccompagnent sont ceux qui, dans les monuments religieux,servent dattribut aux personnages divins. Dune main, le Pharaon tient la crosse,emblme que porte Osiris dans les scnes du jugement de lme, et de lautre iltient la croix anse. Deux divinits protectrices, debout derrire le hros,lenveloppent de leurs grandes ailes ; ses pieds reposent sur un coussin,moelleux et le dais qui labrite est dcor daspics sacrs dressant leur ttesurmonte du disque solaire. Le lion, le sphinx et lpervier, placs sur les ctsdu palanquin, sont autant demblmes qui affirment le caractre divin attribu auPharaon (fig. 41).

    Comme nous lavons dj dit, les princes du sang et les fils des plus grandsdignitaires avaient seuls le privilge de porter le palanquin o est assis le

    Pharaon, ou de tenir ses cts le flabellum ; les plumes dautruche et autresemblmes royaux. Sur notre figure 41, dautres personnages, probablement dunrang moins lev, puisquils sont reprsents plus petits, portent les armes duhros.

    Dans ce mme cortge do nous avons tir le groupe reproduit ci-dessus, onvoit en avant du roi deux prtres qui se retournent pour contempler le hros etbrlent des parfums devant lui. Devant le prtre, plac sur la range infrieure,marche un personnage qui est probablement le chef des scribes. Il est chargdune espce de grand portefeuille attach en bandoulire autour de son corps,et dont il a tir un papyrus quil droule en proclamant les hauts faits et la gloire.

    1Description de lgypte.

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    du prince. Devant le scribe marchent quatre hommes vtus de longues robes etcouronns de plumes : ils tiennent la main droite le crochet, marque distinctivede leur dignit, et un bton fleurs de lotus, surmont dune longue plume ; ilsont dans la main gauche des haches darmes. Six soldats semblablement vtussont au-dessous deux : les uns portent des haches darmes et des plumes, les

    autres des btons et des tiges de lotus. Tout ce cortge est prcd de deuxprtres envelopps dans de longues robes, et dont la tte est orne de plumes.Quatre figures qui marchent en sens contraire du cortge paraissent venir larencontre du triomphateur pour le revoir et lintroduire dans le temple.

    Des scnes du genre de celle que nous venons de dcrire se voient sur plusieursmonuments : elles diffrent entre elles par certains dtails, mais le crmonialobserv est toujours le mme. Dans notre figure 42, le Pharaon nest pas placsous un dais : il est assis sur un riche fauteuil que les grands dignitaires portentsur les paules. Le prtre fait galement fumer lencens en lhonneur du roi, maisles personnages qui portent le flabellum sont plus visibles ici que dans les figuresprcdentes.

    Sur, les champs de bataille, le roi a fait un grand carnage de ses ennemis, maison ne peut pas toujours tuer et dailleurs les prisonniers sont une richesse, caron les fait travailler ait profit du roi. Aussi le Pharaon laisse volontiers ceux quise rendent les sources de leur vie et il les ramne captifs dans ses tats. Le filsdAmmon se rappelle alors quil doit la victoire au Soleil, son pre, et il lui faithommage de ses prisonniers. Cette scne est figure sur plusieurs monuments :nous avons choisi pour exemple un bas-relief de Karnak, Thbes (fig. 43).

    Le Pharaon savance vers le dieu dont limage est reprsente assise et auquel ilsemble adresser la parole ; loiseau sacr dploie au-dessus de sa tte ses ailesprotectrices. Des cordes, que le Pharaon tient dans sa main gauche, servent

    lier deux colonnes de captifs que leur costume fait reconnatre pour desAsiatiques et qui marchent la file. Tous ces captifs ont les bras attachs dansdes positions extrmement gnantes ; dans dautres monuments, la corde estenroule autour du cou des prisonniers. Il y a ici deux ranges de captifs :quelquefois on en voit trois et mme quatre ranges, dont le Pharaon faittoujours hommage au dieu son pre.

    Aussi, dans le pome de Pentaour, Ammon flicite son fils victorieux : Salut toi,notre, fils chri, Ramss. Nous taccordons des priodes dannes innombrables.Reste jamais sur le trne de ton pre Ammon, et que les barbares soientcrass sous tes sandales.

    EMBLMES DES PTOLMES. Lhabile politique dAlexandre et de sessuccesseurs lgard des habitants de lancienne gypte consista surtout maintenir intactes les traditions qui leur taient chres. Aussi, loin de changer lesemblmes religieux ou royaux, les Ptolmes sempressrent-ils de les adopterpour leur compte. Tous les attributs que nous avons signals propos desPharaons se retrouvent galement sur la reprsentation des Ptolmes. On peutdire la mme chose pour les reines dgypte.

    Ainsi, la figure 44, tire du temple de Philae, nous montre, sur la tte dArsino,femme de Ptolme Philadelphe, le vautour sacr que nous avons dj vu dansla coiffure des reines au temps des Pharaons. Nous voyons de mme (fig. 45),dans le temple de Denderah, le serpent sacr des Pharaons, au front deCloptre, la fameuse reine dgypte qui fut aime de Marc-Antoine.

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    Cependant, si les, emblmes des Pharaons ont t adopts en gnral par lesPtolmes, surtout dans les reprsentations qui dcorent les difices delintrieur. du pays, nous retrouvons les insignes des rois grecs sur les monnaies,les pierres graves et, en gnral, sur toutes les reprsentations excutes Alexandrie, et destines la partie grecque du pays.

    La figure 46 nous montre la couronne radie, imitant les rayons du soleil, et levoile de Junon apparat, ainsi que le diadme des, reines, sur la figure 47. LesPtolmes taient rois grecs Alexandrie) et dans les villes grecques du littoral ;mais, ds quils touchaient aux sanctuaires vnrs de Memphis ou de Thbes, ilsreprenaient les insignes des Pharaons, et les gyptiens pouvaient se figurer quilstaient encore gouverns parles princes de leurs dynasties nationales.

    Le casque grec apparat sur une admirable pierre grave antique (fig. 48), o lonvoit le profil de Ptolme ct de celui, de la reine. Il ny a absolument riendgyptien dans cette reprsentation. Le roi porte un casque trs richement orn,mais qui ne diffre pas de ceux que portaient les princes macdoniens quiformrent les royaumes dAsie avec les dbris de lempire dAlexandre. Cettebelle pierre grave fait partie de la collection impriale de Russie.

    Le cabinet de Vienne possde un came qui nest pas moins clbre et qui estconu clans un style analogue : il reprsent Ptolme II Philadelphe et la reineArsino. Les deux ttes sont accoles de la mme faon et le roi porte galementun casque grec ; mais la reine, au lien dune couronne, est coiffe dun diadme.

    Il faut galement signaler un emblme assez curieux quon ne voit jamais dansla coiffure des Pharaons et qui se montre quelquefois dans celle des Ptolmes :cest la tte dlphant. La figure 49, qui reprsente la reine Cloptre Cocc,femme de Ptolme VII, nous en offre un exemple. On remarquera que latrompe de llphant se relve au-dessus du front, dans un mouvement analogue celui du serpent sacr dans les personnages royaux de lancienne gypte. Lesecond fils de Cloptre Cocc, qui a rgn en gypte sous le nom de PtolmeIX, porte galement pour coiffure la dpouille dun lphant. Cette coiffure semontre aussi dans quelques images personnifies de la ville dAlexandrie, commenous le verrons plus loin (fig. 61).

    Les lphants ntaient pas rares en gypte sous

    la domination grecque, et les Ptolmes en chassaient sur les confins delAbyssinie. Dans lle de Phil on voit une image du dieu Nil, apportant unlphant dont le roi veut faire hommage la desse Isis ; mais llphantnentrait pour rien dans la mythologie gyptienne au temps des Pharaons, et il

    est probable que livoire quon employait se tirait alors dAssyrie. Une inscriptionraconte que le roi Touthms III a pris cent vingt lphants, dans une chasse quilfit aux environs de Ninive. Les successeurs dAlexandre employrent leslphants dans leurs armes, et cet animal parat souvent dans les ftes que lesPtolmes donnaient au peuple dAlexandrie. Ce ne serait pourtant pas l uneraison suffisante pour justifier un emblme royal. Mais les Ptolmes avaientconsidrablement tendu leurs tats : ils taient matres de la Libye et delthiopie et tendaient leurs possessions jusque dans les contres de lAfriquecentrale o lon chasse llphant. Lemblme que nous signalons estprobablement un signe visible de leur domination sur ces pays lointains.

    Tous les princes grecs qui ont rgn sur lgypte aprs Alexandre le Grand ontpris lei nom de Ptolme, qui tait celui du lieutenant dAlexandre fondateur dela dynastie. Ils sont distingus par des surnoms tels que Soter, Philadelphe,

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    Evergte, piphane, Philomtor, etc. La srie numismatique des Ptolmes afourni plusieurs jolies monnaies dont nos figures 50 55 reproduisent quelquestypes. Le sujet grav au revers de ces monnaies est habituellement empruntaux usages grecs et na rien qui caractrise spcialement lgypte. Cesemblmes reprsentent gnralement soit laigle de Jupiter, soit une corne

    dabondance, etc.Lgypte tait arrive un degr inou de prosprit sous lhabile administrationdes princes macdoniens. Thocrite, qui vivait la cour de Ptolme Philadelphe,nous a laiss un brillant tableau du bonheur de lgypte cette poque : Aucunpays, dit-il, ngale la fcondit et les richesses du sol de lgypte quand le Nildbord vient amollir la glbe dessche ; nul prince ne commande un plusgrand nombre de villes peuples dhabitants industrieux. Qui pourrait compter lescits florissantes sur lesquelles le puissant Ptolme rgne en souverain ? Troisfois dix mille villes, trois fois mille, trois fois cent, trois fois dix et encore trois foistrois, voil son empire. Il range encore sous son sceptre une partie de laPhnicie, de lArabie, de la Syrie, de la Libye et des noirs thiopiens. Il dicte des

    lois toute la Pamphylie, aux braves Ciliciens, aux Lyciens, aux belliqueuxCariens et aux habitants des Cyclades. Ses vaisseaux invincibles fendent au loinles mers, car les mers, la terre et les fleuves rapides rendent hommage aupuissant Ptolme.

    Autour de lui sont runis une cavalerie nombreuse et dinnombrables fantassinstincelants de fer, et qui font retentir leurs brillantes armures. Son opulenceefface celle de tous les rois ; chaque jour dimmenses richesses affluent detoutes parts dans son palais.

    Les peuples cultivent en paix les arts et les moissons ; Jamais, sous son rgne,une horde ennemie nosera traverser le Nil et porter le tumulte de la guerre dans

    les villages dgypte. Jamais le pirate, slanant de ses vaisseaux sur le rivage,ne viendra main arme enlever les troupeaux de lgyptien : Le blondPtolme, prompt brandir sa lance meurtrire, veille la sret de ses tats,Ptolme qui, non content de conserver comme il sied un grand roi lhritagede ses pres, lagrandit encore par de nouvelles conqutes.

    Cependant ses richesses ne restent point oisives ; elles ne restent pointinutilement amonceles dans son palais. Elles brillent dans les temples des dieuxorns des plus prcieuses offrandes quil joint aux prmices de tous ses tributs.Sa munificence tonne les rois les plus puissants, il enrichit les cits et sesdignes amis. Aucun pote admis aux combats sacrs de Bacchus ne fit entendreune docte harmonie quil ne ret une rcompense gale ses talents ; et les

    interprtes des Muses, pour le payer de ses nobles faveurs, clbrent lenvi lagrandeur de Ptolme.

    Quoique ce tableau soit videmment trac par la main dun courtisan, il nacependant rien doutr.

    Cest cette prosprit que fait allusion notre figure 56 ; elle reprsentelabondance personnifie par une femme qui tient en main un bouquet dpis etde fleurs de lotus, et appuie son autre bras sr le sphinx, emblme des roisdgypte. Cette association, dune figure de style grec avec des attributsgyptiens se trouve encore sur dautres monuments. Lgypte elle-mme a tpersonnifie (fig. 57)par une femme portant le costume gre, mais tenant la

    main le sistre dIsis, tandis que libis sacr vient se poser sur son pied.

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    Sur dautres monnaies, les emblmes sont grecs aussi bien que lexcution.Ainsi, les figures 58 et 59 nous montrent le Nil sous la forme dun personnage demi-nu, tenant une corne dabondance et caractris seulement par lesanimaux du fleuve.

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    IV - LE DELTA

    DIVISION DE LGYPTE. - LA BASSE GYPTE. - DESCRIPTION DALEXANDRIE. LES VILLES DULITTORAL. - SAS ET LA DESSE NEITH. - BUBASTIS ET LES CHATS SACRS. - BUSIRIS ET SES FTES.

    DIVISION DE LGYPTE. Lgypte ancienne tait divise en trois provinces :1 le Delta ou Basse-gypte, qui stendait depuis la mer Mditerrane jusqu laville de Busiris ; 2 lHeptanomide, ou gypte du milieu, qui stendait depuisle Delta jusqu la Thbade et dont la capitale tait Memphis ; 3 la Thbadeou Haute-gypte, qui stendait au sud jusqu Syne et lle de Phil, ocommenait lthiopie. A ces provinces il convient dajouter la Libye et lthiopie,qui ont t longtemps runies lgypte et qui, dans tous les cas, prsententavec elle des rapports trop immdiats pour pouvoir en tre spares.

    Nous allons parcourir successivement chacune de ces provinces, en signalant lespoints principaux auxquels nous aurons, dans la suite, souvent occasion derenvoyer le lecteur.

    LA BASSE GYPTE. Avant la fondation dAlexandrie, la civilisation gyptiennetait enserre dans la valle du Nil. Memphis et Thbes taient les deuxprincipaux centres de population.

    Les autres villes, fort nombreuses dailleurs, schelonnaient le long du fleuve oude ses embranchements. Mais la province que les Grecs ont appele Delta avait,en somme, fort peu dimportance lpoque pharaonique, tandis quelle estdevenue tout fait prpondrante sous la priode macdonienne.

    La domination des Perses en gypte avait jet une grande perturbation dans lepays ; nanmoins, dit M. de Roug, la civilisation gyptienne simposaconstamment ses vainqueurs successifs. Cambyse, avant les fureurs quisemparrent de lui son retour dthiopie, stait fait reconnatre rgulirementcomme roi lgitime de lgypte ; il avait accompli tous les rites religieux et subilinitiation dans le temple de Sas. De nombreux monuments attestent queDarius suivit les errements avec persvrance ; aussi son autorit fut-elleaccepte facilement par les gyptiens. Mais Ochus, par une conduite oppose,souleva tous les esprits contre lui.

    Aussi les prtres et avec eux toute la population apprirent avec plaisir lesvictoires dAlexandre en Asie, et, quand le hros macdonien se prsenta, ils lesalurent comme un librateur et ne firent pas lombre dune rsistance.

    Alexandre, dit M. de Roug, en grand politique quil tait, comprit que le plus srmoyen dtablir sa domination dans lesprit de ces peuples, tait demployer son usage des prjugs qui avaient pour eux la force des sicles. Cest dans cebut quil fit son voyage loasis dAmmon. Loracle le proclama fils du Soleil, ensorte quil reprsenta dsormais,aux yeux des peuples de lgypte, lincarnationde la race du Soleil, laquelle tait due lobissance des humains. Il faut bienconnatre les ides des gyptiens sur la royaut pour pntrer toute la portepolitique de cet acte dAlexandre. Les Ptolmes, ses successeurs, suivirentconstamment son exemple. Les serviteurs de Jupiter continurent tre pour