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La Voz Un periódico de Solidaridad... Petite Parabole de la mondialisation, en page 2 Par Gérard Hamel Élever sa famille autrement, en page 4 Par Richard Grenier UN NOUVEAU VOLET, la page féministe! Un texte de Maude Rodrigue, en page 6

La Voz - avril 2012

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Journal La Voz, numéro 3, publié par le Groupe d'entraide internationale Spirale

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La VozUn periódico de Solidaridad...

Petite Parabole de la mondialisation, en page 2 Par Gérard Hamel

Élever sa famille autrement, en page 4 Par Richard Grenier

UN NOUVEAU VOLET, la page féministe!Un texte de Maude Rodrigue, en page 6

Cetautomne,SteveJobsestmort.Lecréateurd’Appleestmort.Tristenouvellepourl’humanité.Celuiquinousapermisdenoustrimballeravecdesheuresdemusiqueaufonddenotrepoches’estenvolé.Celui qui a perfectionné ces ordinateurs, aujourd’hui si efficaces et si esthétiques, n’est plus. L’humanité doitfaireledeuildecegrandvisionnaire.Cetartiste.Cerévolutionnaire.Ilarévolutionnénotremodedevie! Ho Chi Minh, Castro, Bolivar, Luther King, Gandhi, piètres figures à côté de ce grand créateur! Faites-luiplace!

Commequoilesensde«révolutionnaire»et«visionnaire»achangé.Certes,SteveJobsétaituncréateur.Il est l’inaugurateur de prodigieuses avancées dans le monde du numérique. Et celui-ci est aujourd’hui siprésentdansnosviesquel’impactdeJobsensembled’autantplusgrand.Maischangernosmodesdevies? Révolutionner nos vies? Les journalistes cette automne, à très peu d’exceptions près, n’ont pas tari d’éloges face à Steve Jobs. Mais bon, si les produits Apple ont changé notre mode de vie, à nous les occi-dentaux, qu’arrive-t-il avec le reste de la planète? La question combien de gens ne profitent pas des produ-its Apple renvoie à une question beaucoup plus délicate, combien de gens ne profitent pas du droit essen-tiel à la vie, à l’éducation, à la santé, à la dignité? Alors j’aimerais bien qu’on se réapproprie les termes révolutionnaire et visionnaire. J’aimerais qu’on les colle à la peau de quelqu’un qui s’attaque aux inégali-tésdecemonde,quelqu’unquiporteenluisiviscéralementuneluttequ’ilnepeutfairequeréveillerlereste de la planète. J’aimerais qu’on les associe à tout ces gens qui refusent activement les préceptes du néolibéralisme, et qui se refusent à coire que libre-marché, profits, efficacité sont les diktats d’un monde sans rêves ni couleurs. Car oui, nous le crions haut et fort, c’est un monde qui rêve encore!J’aimerais qu’à visionnaire, on pense à tous ces gens, qu’on qualifie d’utopistes, qui ont choisi un mode de vie disctinct et qui s’acharnent à rendre les alternatives de vie possibles alors que le capitalisme se fait toujours de plus enplusautoritaire.Etsurtout,quevisionnaireetrévolutionnairenesoientpasassociésauPDGd’uneso-ciété par actions qui a développé des produits qui permettent une hyper-individualisation croissante, fait par une main-d’oeuvre bon marché en Asie. Allez donc voir le vidéo sur youtube «Think different».

CarSteveJobs,créateur,jeleredis,étaitcependantavanttoutlePDGd’unemégacorporation.Unecor-poration qui sert les intérêts capitalistes et qui vit par ceux-ci. Et on le sait, l’accumulation incessante de profits génère forcément des inégalités. Graves. Je comprends très bien que le discours de journali-stes, à sa mort, s’insérait dans un contexte précis. Et que par «visionnaire», ils entendaient le génie de SteveJobsquiasuvoirlasuitedumondeetqu’ill’asaisi.Etjenesuispasnaïveaupointdedissocierlesavancéestechnologiquesdesavancéesdel’humanité.Etlecapitalisme,certes,adesbienfaits.Ilapermiscesavancéestechnologiques.Maisjetrouvemalgrétoutsidérantquedansunemballementgénéralpourl’être d’exception qu’était Steve Jobs, on n’ait pas nuancé le propos, en le recadrant avec le monde global danslequelonvit.Cars’ilyamondialisationéconomique,j’osecroirequ’ilyaaussiunemondialisationdelaconsciencedel’humanité.Pasunehomogénéisationdelaconscience.Maisbienlaconsciencedeplusenplusaigüequetousnosdestinssontintimementliés.

Par visionnaire, j’aimerais qu’on entende ceux que l’on taxait, il y a 20 ans, d’être des utopistes. Oui, les utopistesd’hiersontlesvisionnairesd’aujourd’hui.Etlepragmatismequ’évoquentéconomistesetges-tionnaires,ilestdenotredevoirmoraldelerefuser.Lacroissancepourlacroissanceestaujourd’huiunnon-sens, un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre. Alors je rêve d’un champ d’or et de jade, et d’unprojetdesociétéquinousferaitleverlatêtedenosIphones,pournousactivercollectivement.

Florence Lamothe

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Bien que le journal soit associé à Spirale, les opinions exprimées dans ce journal sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles du Groupe d’entraide internationale Spirale

Vol 1, numéro 3, avril 2012

ISSN 1925-6825 La Voz, Un periodico de Solidaridad

IL ÉTAIT UNE fOIs UN PETIT PAys..

Un espace dans La Voz est dorénavant aménagé spécialement pour ELLEs: à chacune des parutions, une femme du Nicaragua, du Qué-bec ou du monde fera l’objet d’un article. Prenez connaissance des dé-fis qu’elles ont relevés, de leur parcours inspirant, des idéaux et des rêves qu’elles caressent...En ce numéro, la page 6!

Pensées et Agir... Pistes de réflexion!

«Quiconque croit qu’une croissance exponentielle peut durer toujours dans un monde fini est

ou un fou, ou un économiste.»

(Keneth BOULDING)

Duplusloinqu’onsesouvienne,lepetitpaysavaittou-jours été suffisant. Oh ! On devait bien acheter quelques produits à l’étranger : des biens de luxe, dont la gamme s’enrichissait inévitablement à chaque saison; des voi-tures américaines, asiatiques, allemandes et bientôt coréennes; des fruits et légumes exotiques; des équi-pements très spécialisés. Pour l’essentiel, toutefois,l’infrastructure économique nationale permettait derépondre aux besoins de tous et chacun.

Porté par ses 30 années fastes où une croissance soutenue avait permis toutes les espérances, le petitpayss’étaitdonnédesmesuresdeprotectionsocialestrès généreuses : des régimes d’assurance collective, pour la santé, l’éducation, la sécurité du travail; des programmes sociaux pour soutenir les jeunes familles, lespersonnesâgées,lespauvres.

Puis, leschosessesontprécipitées. Subrepticement,les frontières se sont éclipsées. Tout a commencé–toutcommencetoujours–parlecommerce.Leconti-nent puis le monde, ou plus exactement la conscience du monde, ont bientôt imprégné le territoire. Il n’était pluspossibledeteniruneconversationsansquelemot« mondialisation » ne vienne l’émailler çà et là, Mais ce n’étaitqu’unemode.

Désormais,lesrèglesdujeuétaientchangées.Àjamais,les produits étrangers pouvaient entrer librement, lepays ayant signé des traités de libre-échange avec les gouvernements voisins. Mais tout le monde s’en ac-commodait très bien. Les premières inquiétudes ontfaitjourquanddesentreprisestraditionnellesontcom-mencé à avoir de la difficulté à écouler leur production. Des firmes des pays plus pauvres, pouvant compter sur une main-d’œuvre beaucoup moins chère, venaient concurrencer les industries locales. Les certitudesétaientébranlées.L’insécuritéaugmentait.L’équilibretraditionnelrisquaitdesebriser.

Certains se sont demandés : ne faudrait-il pas fermer lesfrontières,seretirerunpeu,protégernosmarchéset surtout nos emplois ? Les économistes que l’onécoutaitmaintenantreligieusement,sesontlevésd’unbloc pour dénoncer une telle orientation. Selon eux, toutemesureprotectionnisteauraitentraînéuneréac-tion similaire des états voisins, peut-être des sanctions économiques des pays les plus importants. Les plusvieux se sont souvenus que c’est justement le protec-tionnisme,lereplisursoi,quiavaitmaintenulespaysoccidentaux dans une crise profonde dans les années 30, avant la Deuxième Guerre mondiale. De plus, ar-gument de taille, le petit pays comptait toujours da-vantage sur les exportations pour créer des emplois et augmenter sa richesse. En effet, plusieurs entre-prises traditionnelles pouvaient maintenant mieux affronter la concurrence du tiers-monde grâce à une amélioration notable de leur productivité : on avait in-vestidanslestechnologiesetlaformationdestravail-leurs.D’autresentreprisess’étaientdéveloppéesdansdes secteurs de pointe et de nouveaux marchés étaient nés. Bref, l’économie du petit pays avait bien fini par s’adapter, et plutôt rapidement, il faut bien le dire.

Ce fait confortait ceux qui plaidaient, au contraire, pour uneplusgrandeouverture,encoreettoujours.Enef-fet, des financiers, des gens d’affaires, des politiciens même n’avaient de cesse de répéter que l’avenir ap-partenait à ceux qui osent, que des marchés restaient en friche,quesionne lesoccupaitpas,d’autress’enchargeraient. Pour améliorer la compétitivité desentreprises locales et attirer de nouveaux investisse-ments,lesmêmesréclamaientquel’ondéréglemente,que l’on assouplisse les règles. Bref, ils souhaitaientmoinsd’ingérencedelapartdel’État,plusdelatitude,plusd’ouverture.

PETITE PARABOLE DE LA MONDIALIsATION Par Gérard Hamel

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Si vous êtes intéressés à publier un article dans le numéro suivant, ou si vous désirez y voir un thème en particulier, écrivez-nous! [email protected]

IL ÉTAIT UNE fOIs UN PETIT PAys..

Pensées et Agir... Pistes de réflexion!

CONsCIENCECequim’afaitréagiretécrirecetarticle,c’estd’aborduneprisedeconscience.Monparcoursscolairem’alittérale-ment ouvert les yeux et m’a permis d’envisager toute situ-ationcommeunproblèmeensoi,puisquetouteactionadesrépercussionspositivesetnégatives.Ilm’estimpensa-ble, depuis cette prise de conscience, d’agir sans réfléchir et d’opter pour des choix néfastes sans culpabilité. C’est pourquoi je m’interroge de plus en plus sur la portée etl’impactdel’aidequej’offreautourdemoi.

VOyAGEEntrons dans le vif du sujet : Est-ce que le voyage coopéra-tifestlemeilleurmoyendesauverlemonde?Jemelede-mande de plus en plus parce que je vois des amis partir à l’étrangerpourdiversesraisons,espérantvraimentfaireune différence et que c’est pour le mieux. Je n’ai, moi-même,jamaiseulachancedevoyageraveccesmotifsetje ne sais même pas si je le regrette, maintenant que jesaiscequ’impliqueunvoyagedecegenre.Jecroistoutdemême à l’apport positif d’un voyage, quel qu’il soit, mais de là à dire qu’il soit exempt de conséquences fâcheuses, il y a matière à discussion.

ARGUMENTsUn petit voyage d’avion (3000 km ou Montréal – Port-au-Prince aller-retour) envoie dans l’atmosphère l’équivalent carbone de 1214 kg de CO2 d’un seul coup, soit l’équivalent d’un an d’utilisation normale d’une voiture (environ 7160 km). On n’y pense plus parce que ça semble maintenant si simpleetqueçaneprendquesipeudetemps,maiscecoût

environnemental est énorme. Imaginez si chaque être hu-mainavaitlapossibilitéd’effectuerunvoyagesemblablechaque année, cela signifierait des émissions équivalentes à 8,5 milliards de tonnes de CO2 (les émissions totales de CO2 les plus hautes enregistrées avant 2009 sont de 9,45 milliards de tonnes en 2008) uniquement pour ces vols d’avions.Laportéedecesnombresestrelativementcom-plexe à saisir, mais je vous assure qu’en consultant toutes les sources que vous voudrez, vous trouverez les informa-tionspluspercutantesquerassurantes.

Un petit voyage d’avion (le même voyage Canada – Haïti) coûte au minimum 600$ (ou environ 23 000 HTG, mon-naie haïtienne). Sans compter le reste des dépenses as-sociées au voyage, ce seul montant équivaut à un salaire annuel adéquat d’enseignant à Haïti. En partant ainsi à l’étranger, ces ressources sont en quelque sorte «per-dues » chez une compagnie d’aviation quelconque au lieu de profiter directement aux communautés qu’on cherche à aider.

Un voyage d’aide humanitaire se prépare longtemps à l’avanceetnécessiteuneénormequantitéd’énergiedelapartdetouslespartenairesduvoyage.Certainesorgani-sations sont déjà bien établies à tel ou tel endroit et peu-vent effectivement faciliter les démarches d’approchesdes gens désireux d’apporter leur contribution, mais un projetd’aidehumanitairedemeureunprojetnécessitanténormémentd’implication.

Lasuiteenpagesuivante...

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on récolte ce que l’on sème et on récolte comme l’on sème...

Par Jean-sébastien Gauthier

*écoutez l’entrevue ici : HYPerlinK “HttP://soundcloud.com/journallavoz/radionovela-entrevista”HttP://soundcloud.com/journallavoz/radionovela-entrevista

L’émissionJóvenesalbrincoestuneémissiondelaNandaimeñaentièrementconçueparetpourlesjeunesdeNandaime.Desadolescentsetdesjeunesdelarégionontcommencéparrecevoirquelquesateliersdeformationssurlaproductionradiophonique, et d’autres thèmes nécessaires à la conception d’une émission éducative.

Une des belles surprises de Jovenes al brinco a été un radioroman intitulé « El enredo » qui touche trois thèmes centraux : le travail infantile, l’adultisme (comme le fait d’être enfant, mais de devoir agir en adulte) et l’identité.À travers diverses situations bien réelles à Nandaime, le radioroman relevait à la fois des situations problématiques auxquelless sont confrontés les jeunes, mais aussi la façon d’y remédier.Celui qui a joué le personnage de Vicente témoigne en entrevue* diffusée à la fin de la série qu’en jouant le rôle d’un père alcoolique, il pouvait déjà s’imaginer plus tard en train transmettre à ses enfants l’importance de la présence d’un père dansunfoyerfamilialet,surtout,denepasabuserdel’alcoolentantqueparent.Un autre comédien affirme que la scène où il revendiquait le droit de faire réviser sa note d’examen qu’il considérait commeinjusteestreprésentativedelaréalité.Ildénoncelefaitquelesprofesseursdoiventtoujoursavoirraisonetqueles élèves ne connaissent pas bien leurs droits vis-à-vis ceux-là.

Enfin, on peut écouter en direct sur internet l’émission Jovenes al brinco le vendredi à 9h00 a.m. (heure du Nicaragua) ou le samedi à la même heure en rediffusion.

el enredo

par samuel Bergeron

Pensées et Agir... Pistes de réflexion!

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MODÉRATION Je ne suis pas sans savoir que d’un autre côté, le voyagehumanitairechangedesvies,autanticiqu’ailleurs.Ilseraitinutiledetenterdeconvaincremesamisducon-traire,parcequ’ilsl’ontvécuetsaventcertainementplusquemoicequ’ilenest.Jenesaispasplus,d’ailleurs,cequej’en dirais si j’y étais allé, mais face aux faits, je ne peux pas rester silencieux et accepter ce qu’on me dit être bien pourlemonde.Jenefaisiciquemettreenévidencedesdé-tails parfois négligés qui me semblent plus qu’importants à prendreenconsidérationdansleprojetdecoopérationin-ternationaleetquipeuventremettreenquestionlesbéné-fices à long terme de l’investissement de nos ressources.

QUEsTIONs Cette série de questions vise une réflexion person-nelle et je ne répondrai personnellement à aucune d’elles. Je vous laisse ce soin. Est-il nécessaire d’aller au bout du monde pour faire une différence? Des gens souffrent icicomme ailleurs, ne pouvons-nous pas les aider plus effi-cacement? Des groupes ont développé une expertise cer-taine dans l’aide humanitaire et ont des effectifs sur leslieux toute l’année, pourquoi ne pas les aider directement à appliquer leur savoir-faire en contribuant financièrement ou socialement à partir du Québec? Est-il si logique d’aider les citoyens des pays en développement alors même quenous nous battons ici avec des entités et des nouveaux

principes capables d’anéantir toute liberté d’opinion, auprofit de quelques puissances? Est-il sensé de payer le gros prix pour un transport alors que la plupart des bénéfici-aires de notre aide n’en verront pas un sou, ni ne pour-rons eux-mêmes voyager outre-mer un jour? L’humain ne se tire-t-il pas dans le pied lorsqu’il parcourt des mil-liers de kilomètres grâce au pétrole, ressource épuisable si précieuseetsirare?

DE PLUs Outre ces faits et interrogations, je suis un fervent défenseurduvoyageurpourcequ’ilest,mais j’aideplusen plus de réticences à partir en voyant à quel point la con-sciencecollectiveoubliel’impactenvironnementalduvoy-age. Mon discours est évidemment applicable à tout type de voyage (d’affaire, de tourisme, d’éducation) et je prévois d’ailleurs partir moi-même bientôt dans un cadre scolaire. Ilmeparaîtpourtantdeplusenplusirresponsabledevoy-ager à l’étranger pour mon unique plaisir. Si, ultimement, jen’apportepasuneaideconcrètequelconque,alorspour-quoipartir?

Jepensequechacundenousauneresponsabilitéenverslemondeetqu’ildoitfairetoutensonpossiblepourpréserver son équilibre. Si nous agissons sans regard del’ensembledesconséquencesdenosactes,nousrisquonsde nous retrouver dans 100 ans avec de plus gros prob-lèmessurlesbras.

Depuis près de 15 ans, je suis impliqué dans la conscienti-sation des enfants, des adolescents et des jeunes adultes à l’importancedelasolidaritéetdel’engagementsocial.J’aieunotammentlachanced’accompagnerplusieursgroupesde jeunes à Nandaime.

Je suis maintenant à l’étape d’élever une famille en plein cœur d’une société capitaliste et individualiste où, en ce moment, la solidarité est loin d’être à l’ordre du jour des agendasdesdécideurséconomiquesetpolitiques.Macon-jointe et moi voulons toutefois relever les défis d’une éduca-tion à contre-courant du système dominant. Ma fille, Florie, a trois ans et demi et Matéo, mon garçon, aura bientôt 1 an. Je vous partage librement les défis que cela représente ai-nsiquecertainsmoyensquenousvoulonsmettreenplacepouréduquernosenfantsdifféremment.

D’entrée de jeu, il faut le dire : Élever une famille, c’est une aventure fabuleuse. C’est aussi un engagement quotidienquidemandedutemps,del’énergie,delapersévérance,del’amour et de la tendresse. La connaissance de nous-même, ainsiqu’unebonnecommunicationavecnotreconjointetnosenfantss’avèrentdesélémentsessentiels.

Nousvoulonséduquernosenfantsenmettantenpratiqueune communication non-violente au sein de la famille afin

que chacun et chacune puisse écouter le point de vue del’autre et exprimer clairement ses sentiments, ses besoins et ses attentes dans le respect mutuel. Ouf! Facile à écrire, mais pas évident à incarner au quotidien surtout lors de laphasedunonoulorsquel’onestpresséoufatigué!Unechance que l’on est deux pour s’épauler là-dedans …

De plus, il nous importe d’expliquer à nos enfants, même dèsleurtoutjeuneâge,lepourquoidesconsignesdeman-dées ainsi que le sens de nos choix. « Papa et maman ont fait le choix de ne pas boire du Coca-cola parce que ce n’est pas bon pour la santé et parce que cette entreprise fait du mal à des gens (meurtres de syndicalistes pour ceux et celles qui l’ignorent) et pollue énormément notre planète.

Nous voulons également habiliter nos enfants à nous exprimer leurs émotions et leurs sentiments. Comment te sens-tu quand… ? Pourquoi n’as-tu pas aimé cela lorsque… ? Aimerais-tu que… ?

Pour nous, la compassion (pâtir avec) est un des moteurs delasolidarité.Nousessayonsdefairepreuvedecompas-sion face aux gens qui souffrent que nous rencontrons et ceux qui sont au loin. Nous savons que les enfants voient ce que nous faisons et comprendront bientôt le sens de nos actions.

élever une famille autrement Par Richard Grenier

suite, Jean-sébastien Gauthier

Enoutre,parcequenousvoulons incarner leschange-ments que nous voulons voir, nous continuons nos en-gagements sociaux respectifs, même si nous ne pouvons toujours y être aussi actifs que nous le souhaiterions.Nous en profitons souvent pour y faire participer les en-fants. Par exemple, lorsque ma conjointe visite une fa-millecongolaisenouvellementarrivée,elleyamènelesenfantsou lorsquenousmanifestonsnotre indignationet notre désaccord pacifiquement dans la rue (contre la guerre, les gaz de schistes ou autre), les enfants sont là.

Danslamesuredupossible,noustentonsd’utiliserdefa-çonintelligentelatélévisionetInternetpourpermettreà notre fille d’apprendre et de s’ouvrir sur le monde. Pour ceux et celles qui me connaissent, vous savez que j’ai quelques documentaires intéressants en réservepour lui expliquer le monde, ses problèmes et ses alter-natives afin qu’elle développe son esprit critique.

Au niveau de l’alimentation, nous pensons que nouspouvons avoir un réel impact sur nos enfants via unealimentation saine, locale, biologique et diversifiée. Tout cela sans nécessairement se ruiner financièrement et en respectantlesproducteursetl’environnement.

Laprotectionde l’environnementestuneautrevaleurque nous tâchons d’inculquer à nos enfants. Écologie et solidarité doivent être unies. Déjà en bas âge, toute une sériedepetitsgestesrépétésetaccompagnésdesimplesexplications sont réalisables par les enfants. Des adultes ontététrèsimpressionnésrécemmentquandilsontvunotre fille de 3 ans mettre à la poubelle un déchet non dangereux trouvé sur notre terrain… Pour vouloir pro-tégerlanature,ilfautlaconnaîtreetlatrouverbelleetc’estpourquoinouscomptonsbienfairedenosmarchesen forêt des moments de détente bien sûr mais aussid’apprentissage,d’émerveillementetd’intériorité.

Parlant d’intériorité, je suis le premier à m’indigner de la pauvreté de l’éducation à l’intériorité des enfants (et

des adultes en général…). Certains en viennent à avoir peurdusilenceets’étourdissentdanslebruitpourévit-er d’entrer en eux-mêmes. Nous voulons permettre à nosenfantsdedécouvrirlesrichessesdeleurmondein-térieur. Pour ce faire, nous nous réunissons par exemple en famille les dimanches soirs, à la lueur des chandelles, pourfairesilenceetécouterdesairsméditatifs.Cesontdesmomentsmagiquesquinouspermettentderésisteraux pièges de la facilité ou de la médiocrité ainsi que de persévérerdansnotrequêted’unmondemeilleurpourtous.

Nous croyons qu’une vie intérieure nourrie, tournéevers autrui et non centrée sur elle-même, permet de moinstomberdanslespiègesdelamarchandisationdesrelationshumainesetdelasurconsommation.Évidem-ment,celadoits’accompagnerd’uneéducationéclairéeà la publicité qui nous fait confondre besoins et désirs ainsi qu’un regard critique sur les médias de massequinousendorment,désinformentetfontmiroiterdesamours qui n’ont rien de véridiques (télés-réalité et com-pagnie).

Évidemment, nous sommes conscients que des influenc-es extérieures à notre famille séduiront nos enfants et quecesdernierschoisiront librement leurvoie.Toute-fois,nouscroyonsquecesbaseséducativesetd’autres(simplicité, tendresse, humour, effort, souci de l’autre,etc.) marqueront un tant soit peu leur personnalité et leurengagement.

Enfin, n’oublions pas que le parent parfait n’existe pas. Nousacceptonsde fairedeserreursainsiquedevivreavec certaines de nos incohérences sans toutefois nejamaisarrêterdevouloirêtrepluscohérentetaimantauprès de nos enfants. Je souhaite à chacun et chacune d’entrevouslajoied’êtreparent.

Pensées et Agir... Pistes de Réflexion!suite, Richard Grenier

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Par Maude Rodrigue En avril 1990, Violeta Chamorro s’est hissée à la tête du Nicaragua. Elle a été la première présidentE d’Amérique Centrale.

Si Violeta Chamorro ne fait pas l’unanimité parmi ceux qui ont vécu les années de son mandat (1990- 1997), force est de lui prêter des intentions nobles: celles de partager le pouvoir, d’instaurer un dialogue entre les différentes factions poli-tiques, et surtout d’installer la paix.

Née en 1929 à Rivas au Nicaragua, Violeta Chamorro a grandi au sein d’une famille aisée. Après avoir entrepris des études au Texas, puis en Virginie aux États-Unis, elle est revenue au pays à l’annonce du décès de son père; elle a laissé ses études en plan indéfiniment. À l’âge de 19 ans, elle a connu Pedro Joaquin Chamorro qu’elle a épousé en 1950. Ensemble, ils ont eu cinq enfants. La vie de la famille a été ponctuée par les nombreux emprisonnements de Pedro et le couple s’est même vu contraint à l’exil. Il s’était attiré les foudres du clan Somoza notamment à cause de ses activités avec le jour-nal La Prensa. Il s’agissait effectivement d’un instrument de revendication contre le régime despotique des Somoza en place depuis 1936. C’est l’assassinat de Pedro Joaquin le 10 janvier 1978 qui a mis le feu aux poudres: les révolutions embrasèrent dès lors le pays, et le régime Somoza a littéralement été réduit en cendres.

la Pensée féministe

Violeta Chamorro a pris le flambeau de La Prensa suite au décès de son mari; elle a toutefois résilié son adhésion au FSLN, le Front Sandiniste de Libération Nationale. Celui-ci s’était emparé des rênes du pouvoir suite à la destitution du régime Somoza. Suspicieuse quant aux idéaux marxistes de la junte de même qu’à la rétribution inéquitable de biens ayant été saisis, elle a dès lors pris part aux activités des contras. La contribution financière des États-Unis, alors sous l’administration Reagan, aux activités de ces contre-révolutionnaires est d’ailleurs probante. Violeta Cham-orro a notamment poursuivi ses activités avec La Prensa quoiqu’en adressant plutôt ses critiques à l’endroit de ceux mêmes avec qui elle avait combattu le régime Somoza. Des dissensions au sein de sa propre famille l’ont aussi ébran-lée. Certains membres de son entourage – parmi lesquels le frère de son défunt époux - ont dirigé des journaux pro-sandinistes. À l’orée des élections de 1990, une coalition des quatorze principaux partis d’opposition, l’UNO (Unión Nacional Opositora), l’ont désignée comme étant celle qui renverserait le sandiniste Daniel Ortega. Elle a effectivement remporté les élections à 55%.

LespremiersbalbutiementsdeDonaVioleta,quelquesbourdescommisesaucoursdespremièresannéesdesonman-dat lui ont attiré la suspicion chez certains de ses opposants: à la moindre bévue, on lui a reproché d’être incapable d’assumerlaprésidenceenraisondesonabsencederéelleformation.IlconvenaitcependantdeconsidérerqueleNicaragua se trouvait dans un piètre état au terme des cinquante années de dictature sous les Somoza. Parmi ses réalisations, on recense: -la réduction considérable de la taille de l’armée, l’effectif passant d’environ 96 000 à 28 000 -l’abolition de la conscription militaire -la privatisation de certaines industries, la réduction de la taille de l’état -la création de réserves et de parcs naturels (notamment dans la zone miskito) -la démobilisation de nombreux militaires et d’environ 20 000 Contras (voir encadré « La Plaza de la Paz »)

Au cours du mandat de Chamorro, des sandinistes ont entravé l’exercice du pouvoir par le gouvernement. Ils s’étaient immiscés dans les syndicats et tenaient des propos virulents à l’endroit de Chamorro dans les médias. D’autre part, certains contre-révolutionnaires de même que les États-Unis ne pouvaient concevoir que Humberto Ortega ait été nommé commandant de l’armée1. Le gouvernement s’est rapidement avéré dépendant vis-à-vis du frère de l’ex-prési-dent, Daniel Ortega, en matière de discussion avec les franges pro-sandinistes de la population. Le Los Angeles Times relate un conflit qui a éclaté entre des syndicalistes pro-sandinistes et des partisans de l’UNO au début du mandat de Chamorro. L’événement a levé le voile sur l’incapacité de la police et des forces armées contras à tempérer ces militants sandinistes. La tâche incombait à Humberto Ortega, lui-même ayant été un sandiniste notoire. Humberto Ortega est demeuré en poste jusqu’à 1994. Par ailleurs, Chamorro a parfois suscité l’indignation en servant à toutes les sauces la préséance de la « démocratie » et du « dialogue ». En effet, aux yeux de certains, il apparaissait irrévéren-cieux qu’elle évoque de tels concepts lorsqu’on l’entretenait précisément de l’inflation ou du chômage. On a également soupçonné que le poste de la présidente n’ait été que factice, qu’en réalité, le pouvoir ait été exercé par son conseiller Antonio Lacayo. Or, celui-ci aurait de surcroît été de connivence avec Humberto Ortega, contribuant ainsi à teinter à la faveur des sandinistes les décisions prises par le gouvernement. De plus, au cours du mandat, les États-Unis ont cessé le financement devant appuyer le développement du Nicaragua lors de l’élection de Chamorro. L’aide n’a pas été à la hauteur des attentes du gouvernement Chamorro qui s’est vu contraint à l’élimination de programmes sociaux. La victoire de l’UNO aux élections de 1990 s’était traduite par la levée de l’embargo par les Américains.

En dépit de ces difficultés éprouvées par le gouvernement de Violeta Chamorro, les Nicaraguayens ont gardé espoir quant aux aptitudes de cette femme. Il est intéressant de constater la forte symbolique qui émane d’elle et qui a con-tribué à sa popularité: on lui a associé l’image d’une mère avenante; celle de la Vierge Marie parce qu’il lui arrivait de porter des vêtements blancs et bleus; celle d’une martyre, même, lorsqu’elle s’est blessée à un genou; d’une « veuve [déterminée]»,dotéedela«forced’unefemmeaufoyer»3.

Aujourd’hui, on lui attribue la relance de l’économie nicaraguayenne et l’instauration de la paix nationale4. Le man-dat de Chamorro s’est aussi inscrit sous le signe de concepts qu’elle a constamment ramenés sur le tapis - ceux du dialogue, de la paix, de la réconciliation nationale et de l’espoir. Elle a écrit un livre, Sueños del corazon. De plus, une Fondation, vouée entre autres à la liberté d’expression, porte son nom.

Plaza de la PazLe 14 septembre 1990, le jour de l’Indépendance du Nicaragua, environ 15 000 armes ayant appartenu à des contras ontétécouvertesdecimentsurunsitedelacapitaleManagua,enborduredel’autoroutepanaméricaine.Ils’agitdusymbole du vif désir des Nicaraguayens de maintenir la paix. Le pays était alors esseulé par le long règne des Somoza demêmequeparuneinsurrectionayantduréprèsd’unedécennie.Source: MOON TRAVEL GUIDES. Moon -Travel Guides, [En ligne], http://www.moon.com/destinations/nicaragua/ma-nagua/sights/other-sights (Page consultée le 29 décembre 2011).

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suite, Maude Rodrigue