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Pratiques psychologiques 14 (2008) 323–338 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Dossier L’accompagnement du patient greffé, un travail sur les liens Counseling of the transplanted patient, a work on the links P. Spoljar 1 6, rue Allende, 92000 Nanterre, France Rec ¸u le 1 er ecembre 2007 ; accepté le 1 er mai 2008 Résumé L’accompagnement des patients dans un service de chirurgie (greffe du foie) est appréhendé comme une pratique de l’« être-avec » qui vise le soulagement ponctuel d’une souffrance, sans intervention possible sur la réalité extérieure impliquée dans les épreuves que la personne doit affronter : la maladie ou l’accident, la greffe, la réanimation et la reconstruction psychique ultérieure. L’accompagnement aide le patient à se disso- cier des contraintes factuelles purement biologiques et instrumentales en s’appuyant sur la création d’un cadre singulier par la médiation d’une parole et d’une présence qui tente de surmonter les traumatismes et intégrer les modifications psychiques induites par les bouleversements corporels. Deux exemples d’accompagnement illustrent l’intensité et l’archaïsme des phénomènes psychiques déployés auquel l’accompagnement doit donc se confronter pour étayer, maintenir ou reconstruire les multiples liens internes et externes éprouvés par le choc opératoire et réanimatoire. © 2008 Société franc ¸aise de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract The counseling of the patients in a service of surgery (liver-transplant) is considered as a practice of “be- with” which aims at the specific relief of a suffering, without possible intervention on the external reality implied in the difficulties that the person must face: the disease or the accident, the transplantation, the intensive cares, and the subsequent psychic rebuilding. The counseling helps the patient to be dissociated from the purely biological and instrumental events while being based on the creation of a singular framework by the mediation of words and presence which tries to overcome the traumatisms and to integrate the induced psychic modifications by the body disorders. Two examples illustrate the intensity and the archaism of the Adresse e-mail : [email protected]. 1 Maître de conférences en psychopathologie clinique. 1269-1763/$ – see front matter © 2008 Société franc ¸aise de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.prps.2008.05.004

L’accompagnement du patient greffé, un travail sur les liens

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Pratiques psychologiques 14 (2008) 323–338

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Dossier

L’accompagnement du patient greffé,un travail sur les liens

Counseling of the transplanted patient,a work on the links

P. Spoljar 1

6, rue Allende, 92000 Nanterre, France

Recu le 1er decembre 2007 ; accepté le 1er mai 2008

Résumé

L’accompagnement des patients dans un service de chirurgie (greffe du foie) est appréhendé comme unepratique de l’« être-avec » qui vise le soulagement ponctuel d’une souffrance, sans intervention possible surla réalité extérieure impliquée dans les épreuves que la personne doit affronter : la maladie ou l’accident, lagreffe, la réanimation et la reconstruction psychique ultérieure. L’accompagnement aide le patient à se disso-cier des contraintes factuelles purement biologiques et instrumentales en s’appuyant sur la création d’un cadresingulier par la médiation d’une parole et d’une présence qui tente de surmonter les traumatismes et intégrerles modifications psychiques induites par les bouleversements corporels. Deux exemples d’accompagnementillustrent l’intensité et l’archaïsme des phénomènes psychiques déployés auquel l’accompagnement doit doncse confronter pour étayer, maintenir ou reconstruire les multiples liens internes et externes éprouvés par lechoc opératoire et réanimatoire.© 2008 Société francaise de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

The counseling of the patients in a service of surgery (liver-transplant) is considered as a practice of “be-with” which aims at the specific relief of a suffering, without possible intervention on the external realityimplied in the difficulties that the person must face: the disease or the accident, the transplantation, theintensive cares, and the subsequent psychic rebuilding. The counseling helps the patient to be dissociatedfrom the purely biological and instrumental events while being based on the creation of a singular frameworkby the mediation of words and presence which tries to overcome the traumatisms and to integrate the inducedpsychic modifications by the body disorders. Two examples illustrate the intensity and the archaism of the

Adresse e-mail : [email protected] Maître de conférences en psychopathologie clinique.

1269-1763/$ – see front matter © 2008 Société francaise de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.prps.2008.05.004

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deployed psychic phenomena to which the counseling must thus be confronted to support, maintain or rebuildthe multiple internal and external links tried by the postoperative intensive care shock.© 2008 Société francaise de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Accompagnement ; Chirurgie ; Greffe ; Lien ; Parole

Keywords: Counseling; Surgery; Transplantation; Link; Speech

1. Introduction

L’accompagnement psychologique est une modalité d’intervention de plus en plus fréquem-ment mise en œuvre en milieu hospitalier. Les services de soins palliatifs, pionniers en ce domaine,ont ouvert à la voie à cette forme de prise en charge en médecine et en chirurgie, tout particulière-ment dans les services dits « aigus » tels que les soins intensifs, réanimations et centres de greffes.

À la faveur d’une expérience de plusieurs années en service de transplantation hépatiquepour adultes2, nous présenterons deux situations cliniques d’accompagnement participant à uneréflexion sur cette pratique. Ce travail s’est opéré dans le cadre d’une consultation interne à unservice d’hépatologie dans lequel deux psychologues exercent à mi-temps un travail de priseen charge des difficultés psychiques des patients. Cette fonction, définie ainsi de facon assezsouple, voire imprécise, se concrétise surtout par la pratique de l’entretien, visant le soutien etl’aide apportée aux patients, également à leurs familles, et éventuellement aux soignants qui setrouvent aux prises avec des situations humaines très éprouvantes. Il n’est pas prévu de travailpsychothérapeutique à proprement parler et les modalités de ces consultations ainsi que la duréede prise en charge restent la prérogative des psychologues.

La demande médicale habituelle en matière d’intervention psychologique insiste essentielle-ment sur la notion de « qualité de vie ». Cette expression assez floue tente généralement d’intégrerdans le domaine médical, pour les dépasser, ou les occulter, les diverses formes de mal-être quin’appartiennent généralement pas aux classifications nosographiques en vigueur en psychopatho-logie, exceptées l’angoisse et la dépression. C’est ce « critère de qualité » des soins qui constitue defacto l’arrière-plan institutionnel de la demande d’accompagnement, livrant un repère peu fiablequi a très logiquement fait l’objet de nombreuses réserves, à cause notamment de la multiplicitéet de la dispersion des critères qui entrent dans sa définition. Ainsi :

« “La qualité de vie est une évaluation subjective de la satisfaction de vie” (Hunt et al.,1989). [. . .] Dans la littérature contemporaine, plus d’une centaine de composantes ont étéétudiées pour définir la qualité de vie (Etienne, 1997) ».

Ce label de qualité hypothèque cependant la démarche d’accompagnement des patients, notam-ment ceux en attente de transplantation ou ayant déjà subi une greffe.

1.1. Conditions de l’accompagnent en centre de transplantation

« Accompagner » renvoie fondamentalement à une présence partagée le temps d’un parcoursde vie ou d’un projet plus circonscrit. En toute généralité, il s’agit d’une :

« Démarche visant à aider une personne à cheminer, à se construire, à atteindre ses buts »(Beauvais, 2004).

2 Centre hépato-bilaire, hôpital Paul-Brousse, Villejuif.

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Placé dans le contexte particulier d’un travail auprès de patients en centre de greffe, le but estessentiellement de surmonter l’épreuve d’une maladie grave et d’un acte chirurgical très « invasif ».Les multiples contraintes de ce milieu de soins déterminent les aspects concrets de cette pratiquede l’« être-avec » qui ambitionne toujours peu ou prou le soulagement durable d’une souffrance,généralement sans intervention possible sur cette réalité extérieure à l’origine des épreuves quela personne doit affronter.

Ces épreuves sont tout autant celles de la maladie que celles de l’univers médical, bien quel’abstraction et la technicité des protocoles de soins apparaîssent aux patients comme un gageindubitable d’efficacité. Le privilège quasi exclusif accordé au « corps malade » laisse toutefoisune place à « l’usager » des services hospitaliers, avec ses prérogatives et ses obligations quis’entourent d’une codification de plus en plus juridique. Face à ce faisceau de fonctions et spécia-lités, de droits et de devoirs, de problèmes et de solutions, il n’apparaît structurellement aucuneplace pour la « personne », avec une histoire singulière qui déborde de part en part le motif del’hospitalisation, aussi grave soit-il. Cette « totalité » et singularité de la personne exige donc unaménagement tout aussi singulier de la prise en charge. Compte tenu du peu de contraintes pesantsur notre activité de psychologue3, l’accompagnement s’initie bien souvent dans une simple ren-contre. La construction de ce temps de l’accompagnement se fait au sein de cette rencontre, et ilest vrai :

« [. . .]qu’on ne peut pas parler d’accompagnement quand chemin et projet sont entièrementdéterminés par avance, en totale extériorité » (Beauvais, 2006).

Cette possibilité de rencontre est d’autant plus importante qu’il y a très peu de demandes spon-tanées de la part des patients. Il apparaît indubitablement, chez les patients, une méconnaissancede la spécificité du travail des psychologues (on ne saurait s’en étonner puisque c’est égalementle cas parmi les soignants). L’image de la psychiatrisation produit un effet indubitablement dis-suasif. Intervient également le sentiment de l’inutilité d’un tel recours face à la maladie grave. Etenfin, beaucoup de patients, surtout en attente de greffe, entretiennent une crainte certaine quantà la « neutralité » du psychologue vis-à-vis de l’autorité hospitalière et des conséquences qu’ilpourrait y avoir pour eux en termes d’inscription sur la liste d’attente des demandeurs de greffons.L’évaluation est un processus constant en phase pré-greffe, percu toujours comme l’établissementd’une liste de sélection entre candidats, et rendue concurrentielle par la pénurie de greffons. Lerôle des psychologues peut devenir particulièrement malaisé quand on leur demande à la foisd’« aider » les patients et d’intervenir dans le processus de sélection du « meilleur candidat »,puisque accompagner un patient exige que ses propos n’apparaîssent pas dans le dossier médical.Malgré ces obstacles, des rencontres ont lieu, que ce soit à l’initiative des patients, des soignants,des familles ou quand nous avons pu nous-même remarquer une situation qui présentait desdifficultés potentielles ou avérées.

Le travail d’accompagnement psychologique effectué en hôpital général reste par nature rela-tivement peu codifié mais relève de contextes et contraintes qui peuvent être assez clairementprécisés. À l’inverse des lieux dédiés à l’évaluation psychologique et à la psychothérapie (ser-vices d’aide à l’enfance, cercles des consultations ou hospitalisation psychiatriques, pratiquesprivées, etc.), le premier temps de l’intervention est nécessairement celui de la construction d’un

3 Ces conditions d’exercice peuvent varier radicalement d’un service à l’autre. En certains lieux, les consultations dupsychologue se font seulement sur indication médicale, avec parfois la prescription d’un nombre déterminé de séancesde « rééducation psychothérapeutique ». . .

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cadre spécifique très mobile. Ce cadre d’intervention reflète, à sa manière, la problématique despatients eux-mêmes qui traversent sur le mode de la crise, ce qui apparaît toujours comme unbouleversement majeur, catastrophique, dans leur existence, telle une situation de « décadrage »essentiel de vie (Spoljar, 2002).Quels que soient la durée du séjour, la manière dont se déroulel’intervention chirurgicale, l’évolution de la maladie et des soins, il s’agit d’une situation dra-matique, artificielle et hétérogène à tout contexte de vie habituelle et familière. C’est pourtant làque le patient doit se reconstruire, en permanence. La situation d’incertitude chronique sur sondevenir (concernant les bilans, les décisions médicales, la disponibilité d’un greffon, les déplace-ments entre services, entre domicile et hôpital, etc.) apparaît d’autant plus contraignante qu’elleexige de construire avec rigueur chaque situation singulière d’accompagnement. Cette néces-saire souplesse de la mise en œuvre constitue aussi une différence essentielle avec les pratiquespsychothérapeutiques qui imposent leurs protocoles. L’accompagnement requiert au contraire :

« Un espace de paroles qui peut être recréé dans n’importe quel lieu, à n’importe quelmoment. C’est l’espace des psychonomades voyageant et accompagnant dans des lieuxmultiples : à domicile, à l’hôpital, dans différents services, aux soins intensifs, dans deslieux extra-institutionnels, dans un lieu choisi par la personne malade et où elle se sentiraen sécurité » (Piot-Ziegler et al., 2007).

L’assise matérielle et symbolique du cabinet ou de la consultation en service psychiatrique n’apratiquement aucun équivalent en milieu hospitalier où tout est au service de l’administration dessoins corporels. Aucun « indice » ou presque ne distingue initialement l’exercice de la fonctionde psychologue de toute autre activité paramédicale (un badge parmi d’autres badges, une blouseblanche parmi d’autres blouses blanches. . .). Le bureau est souvent inutile puisque les entretienss’effectuent essentiellement dans les chambres d’hospitalisation ou de réanimation, voire parfoismême dans les couloirs ou les jardins de l’hôpital. L’espace symbolique qui détermine le cadre deséchanges possibles est ainsi à reconstruire verbalement avec chaque patient, à chaque rencontre,dans un environnement généralement indifférent, voire parfois hostile à ses principes, moyens etenjeux. Ce lieu à l’écart se constitue par les actes de parole et d’écoute qui viennent trancher etproduire leur propre espace au sein de l’institution hospitalière. Écouter, dans ce milieu hospitaliermédical voué au savoir sur l’organique, par la seule forme de cet acte de (se) mettre à l’écart, porteen puissance l’intériorisation de cet écart. Le moment premier de cet accompagnement consisteainsi en la sortie du champ exclusif de la réalité du corps malade et médicalisé.

1.2. Axes principaux de l’accompagnement

L’accompagnement du patient avant et après une greffe se déroule dans un contexte d’essentiellegravité, puisque le poids du dommage corporel inscrit le patient dans l’éventualité d’une mort iné-luctable à terme sans greffe. Ce risque reste présent même après une greffe réussie, en particulierquand la maladie ayant motivé l’intervention est susceptible de renaître (tels des nodules can-céreux). Sur ce fond d’angoisse chronique que connaissent tous les patients, l’accompagnementaide à surmonter les multiples effractions traumatiques, souffrance psychique et blessures nar-cissiques, en soutenant les mouvements de reconstruction impliquée par les modifications del’identité corporelle et (donc) psychique. Il ne saurait en effet y avoir de « simple » substitutiond’organe. Il s’agit au contraire d’une reconstruction de la personne induite par une mutilationinitiale (l’ablation de l’ancien organe) suivie d’une effraction (l’implantation du nouvel organe).C’est dire que l’accompagnement des personnes soutient des mobilisations psychiques et rema-niements identificatoires dont les manifestations extérieures en période postopératoire peuvent

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entraîner la mise en œuvre temporaire de processus psychotiques (parfois hallucinatoires) oudes états d’angoisse oscillant de la vague inquiétude à d’éventuels épisodes de déréalisation. Lasédation des angoisses et différents troubles se fait, dans le contexte d’urgence, le plus souventpar le biais de psychotropes. Mais, à la différence d’une démarche psychothérapeutique ou psy-chopharmacologique, le but poursuivi ici se définit en fonction de l’expérience individuelle de lapersonne dans un parcours hospitalier précis.

L’autre « pôle » de cette intervention est constitué par les familles, qui posent également desdemandes implicites ou explicites d’accompagnement (parfois sollicitent directement une prise encharge de type psychothérapeutique) pour elles-mêmes ou pour leur proche. Cet accompagnementpeut d’ailleurs s’entendre au sens le plus concret, consistant à conduire physiquement une épouseou un père jusqu’au lit du malade. Pour le patient, existe bien souvent la nécessité décisive de laprésence d’un parent ou d’un proche, mais l’implication de la famille représente paradoxalementaussi souvent une difficulté qu’une aide. La maladie et l’intervention déséquilibrent profondé-ment l’économie psychique des patients et, en particulier, les rapports à leurs proches. Il arrivefréquemment, en pré greffe comme en post greffe, que la proximité des membres de la familles’avère source de conflits. De nombreuses situations rencontrées confirment la potentialisationdes projections et les effets pathogènes des proches du patient :

« Certains malades présentent parfois des aggravations, des malaises, des douleurs lorsdu départ des visites. Nous avons noté [. . .] de véritables agressions et induction de mortde la part des familles. Naturellement cela était inconscient, mais ca n’en reste pas moinsefficace » (Ferragut, 1999).

Rien, bien sûr, ne permet a priori d’anticiper ces effets, puisque de multiples facteurs sont impli-qués et imbriqués. Ils mettent en jeu les histoires individuelles et familiales, le bouleversementdes rapports antérieurs associés à la maladie grave ainsi que les redéploiements fantasmatiquesopérés à la faveur de la maladie ou de l’accident, de l’épreuve chirurgicale, puis réanimatoire(Spoljar, 2001). La maladie attaque les liens familiaux, parfois violemment, et les familles sontdurement mises à l’épreuve, devant douloureusement supporter la maladie et subir l’impact duchangement de vie (sur les plans financiers, familiaux, professionnels, etc.).

« Le poids de la maladie et la proximité de la mort plombent la communication même dansles familles et dans les couples très soudés. Le silence s’installe. Les angoisses partagéesmais non-partageables font grandir un silence plus éloquent que tous les discours. Laculpabilité apparaît et pèse de tout son poids sur la personne malade » (Piot-Ziegler et al.,2007).

Peut ainsi surgir une certaine :

« Ambivalence des sentiments au caractère archaïque, dépersonnalisé et cruels à l’égarddu proche réel et extraordinairement attachés à un proche quasi mythique et absent, clivageentre les “autres” familiaux fantasmatiques et ceux de la réalité » (Grosclaude, 1996).

Les parents ou amis peuvent ainsi, de facon inattendue, ou bien n’être plus reconnus commetels, ou bien s’associer à des figures persécutrices. On constate d’ailleurs beaucoup de divorceschez les personnes transplantées, même lorsque l’évolution est médicalement satisfaisante. Untravail sur le « lien » s’impose et révèle clairement la dimension « protectrice », pour les patientscomme pour leurs proches, de cette pratique d’accompagnement, qui ne saurait ici clairement seconfondre avec un acte psychothérapeutique.

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Ce n’est donc pas l’intensité des problèmes rencontrés, des difficultés éprouvées et des souf-frances endurées qui distinguera ces deux pratiques que sont l’accompagnement, d’une part, et lapsychothérapie, d’autre part, mais bien plutôt le contexte et la nature des moyens mis en œuvre.Ces fonctions distinctes peuvent d’ailleurs éventuellement être exercées alternativement par unmême psychologue, la frontière entre les deux apparaîssant parfois, lors de premières rencontres,assez incertaine. C’est dire que la marge d’intervention peut ainsi s’étendre depuis la simpleprésence ponctuelle, limité à un rôle de « témoin », de « tiers », à l’écart lui-même des pratiquesmédicales, et une prise en charge psychothérapeutique qui devra s’inscrire quant à elle dans untemps, un espace, et des techniques beaucoup plus fortement codifiées.

2. Problématiques générales et spécifiques des personnes greffées

Les particularités de la vie psychique du patient greffé déterminent les modalités del’accompagnement. Nous en précisons ici les principaux termes.

Un avis autrefois prévalent sur la présence de troubles psychiques en phase périopératoire sebasait sur une sous-évaluation des difficultés psychologiques, comme l’indique le constat suivant :

« La plupart des auteurs semblent s’accorder sur le fait que ces troubles, s’ils existent, nereprésentent pas la majorité des cas et que la pathologie psychiatrique autour de la greffeest plus rare que ce que l’on pourrait imaginer » (Parry-Pousse et Goron-Parry, 1994) ; touten évoquant aussitôt un « large pourcentage de réactions dépressives ou anxio-dépressivesdans le cadre des greffes » (ibid.).

Si un regard assez distant peut s’aviser qu’il y a peu de problèmes, c’est bien souvent danscette mesure où les patients ne peuvent les énoncer, par crainte des conséquences ou bien aussifaute de représentations suffisamment élaborées et conscientes de leurs difficultés. En effet :

« Un manque de mots et un vide de représentation sont fréquemment observés, comme si lagreffe n’était pas “mentalisable” » (Baudin, 1989).

Le malade se trouve souvent dans l’impossibilité de parler de la greffe proprement dite (Triffauxet al., 2002). Les défenses contre la souffrance recourent en effet avec prédilection à ces mul-tiples mécanismes occultants que sont le déni, la dénégation, le détachement, l’indifférence, la“compliance” (Spoljar, 2005), etc.

Il n’est ainsi pas surprenant de constater que « la demande des patients ne s’exprime passouvent directement » (Flageul, 1990), sans devoir rapporter pour autant cette absence de demandeexplicite à une absence de difficultés et de symptômes. Cela souligne également la nécessité, pourpercevoir certains signes labiles ou indécis, de s’appuyer sur une expérience clinique de “terrain”approfondie, au-delà des outils habituels d’évaluation, en particulier d’“auto-évaluation”, trèssouvent utilisés pour apprécier les différentes difficultés du parcours du patient greffé (Goldberget Hillier, 1979 ; Pariente et Smith, 1990 ; Triffaux et al., 1994).

2.1. La dimension « polytraumatique »

La maladie grave et a fortiori la greffe sont pour ceux qui la vivent une catastrophe qui fait bas-culer d’un univers de vie et d’autonomie dans un univers de la dépendance physique, d’instabilité,d’imprévisibilité, d’angoisse et de danger (les infections nosocomiales sont la première cause demortalité à l’hôpital). Ce parcours livre le patient à une série d’effractions traumatiques, au sensle plus fort du « traumatique » retenu par Barrois (1994) dans cette définition décrivant une :

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« Situation accidentelle constituant un risque de mort directe, imminente, de haute proba-bilité, pour le sujet lui-même ou pour un proche auquel il s’identifie » (où il apparaît que letraumatisme concerne également la famille).

On constate également assez généralement que les difficultés ou troubles psychiques antérieursà l’épreuve de la transplantation trouvent dans le contexte de la maladie et du soin le lieu (à lafois corporel, psychique et institutionnel) vers lequel ils peuvent se transférer. Il est ainsi fréquentde constater que les patients greffés ayant précédemment connu une expérience telle que dessituations de guerre, des accidents corporels majeurs ou des antécédents médicaux et chirurgicauxlourds, peuvent, dans ces circonstances, retraverser psychiquement assez brutalement les momentsles plus douloureux de leur histoire.

Ces reviviscences traumatiques, limitées dans le temps mais surgissant sur un mode aigu,peuvent (doivent ?) faire l’objet d’un accompagnement qui, quelle que soit la capacité des médi-caments psychotropes à réduire des émergences symptomatologiques parfois très délirantes,vise à étayer, maintenir ou « reconstruire » ces multiples liaisons psychiques (entre représen-tations et avec la réalité extérieure) sévèrement mises à l’épreuve par le choc opératoire etréanimatoire.

2.2. Particularités de la greffe

Les patients traversent essentiellement quatre moments critiques relevant de problématiquesdistinctes, orientant dans ces directions les objectifs de l’accompagnement : la maladie (oul’accident), la greffe, la réanimation et enfin le devenir particulier de ces différentes épreuvesdans le temps de l’après-greffe, où doit se déployer une reconstruction psychique intégrant lanouvelle réalité corporelle.

Une des premières descriptions proposée par M. Grosclaude (1994) des enjeux psychiques dela greffe d’organe garde aujourd’hui toute sa pertinence. Ainsi écrit-elle :

« [Les transplantations d’organes] concernent des enjeux vitaux de l’humain (greffes, réani-mation, appareillages, procréation assistée. . .) dans un champ médical balisé par l’extrême,en rapport avec les limites et les origines de la vie, à travers d’expériences subjectives évo-catrices d’états originaires, psychotiformes, de détresse, dans une clinique de l’extrême ».

De facon plus circonstanciée, le patient se confronte aux problématiques suivantes (Gueniche,1998) :

• la perforation, l’ouverture et la mutilation du corps « déchiré » qui convoquent inévitablementla problématique de la castration (la taille des cicatrices est particulièrement importante dansune greffe du foie) ;

• le rejet « psychique » qui s’ajoute à un éventuel rejet physique ;• la dette fantasmatique à l’égard du donneur. La culpabilité qui s’y associe se trouve majorée

lorsqu’il s’agit d’un donneur « cadavérique », posant en équation la mort nécessaire d’uneautre personne pour (sur)vivre. Surgit alors le fantasme de tuer l’autre, de le « vampiriser »pour s’approprier l’organe dont la « vie » continue en soi ;

• la problématisation des limites entre soi et l’autre. Le principe d’extériorité du corps de l’autreest de fait mis en cause : les assises corporelles de l’identité sont déstabilisées par l’insertionde l’organe étranger, à quoi s’ajoute le trouble convoqué par le sexe (du donneur) de l’organe.De facon générale :

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« Les complications psychiques sont à prévoir (et donc à prévenir grâce à un accompa-gnement dès que l’indication est posée) chez tout patient où est repérable un manqueconcernant les processus qui aboutissent habituellement à la création d’une identité (jesuis quelqu’un) et d’une identification sexuée (je suis quelqu’un, un homme, une femme) »(Triffaux et al., 2002) ;

• en conséquence des deux derniers points s’exacerbe une fantasmatisation de l’intrusion del’autre en soi (non seulement de son organe, mais en son entier, venant habiter son enveloppecorporelle) qui se déploie dans les figures du double, du fantôme, etc. (Schwering, 1999) ;

• la « transgression des limites vie/mort » outrepassées par la présence d’un organe « vivant »issu d’un corps mort, par la situation de coma profond où sont plongés certains patients avantla greffe, ainsi que le coma dépassé du donneur qui, sous les apparences d’un corps en vie,respirant, alimenté, soigné, et néanmoins déclaré mort et prêt à être prélevé. L’effroi d’uneabsence de limite s’adosse au fantasme d’une toute-puissance de la médecine et d’un aller-retourpossible entre la vie et la mort. Plus généralement :

« Les transplantations d’organes symbolisent de manière extraordinaire les défis de lamédecine contemporaines à l’encontre des lois de la nature, en concrétisant la transgres-sion d’un double tabou : celui du respect de l’intimité corporelle, marqué par l’interditséculaire de la dissection des cadavres, et celui du respect des formes spontanées duvivant, marqué par l’interdit de la fabrication des chimères biologiques » (Triffaux et al.,2002) ;

• un « fantasme de procréation » s’articule à celui d’une « ressuscitation », dans une filiationimaginaire, très archaïque

« [. . .] mêlant autoprocréation, clonage, cannibalisme et “machinalisation” del’humain » (Grosclaude, 1994).

En substance :

« La greffe psychique, contrairement à la greffe anatomique, nécessite un complexe travailde mentalisation, passant tout d’abord par des mécanismes d’incorporation où l’objet estimposé au Moi sans élaboration. » (Burner, 1994).

Ces différentes épreuves correspondent à autant de difficultés psychiques (sans que des troublesbien repérés se manifestent nécessairement) qui requièrent la présence d’un tiers pour accéderplus favorablement à une résolution. Les deux vignettes cliniques ci-après présentent des patientsayant fait l’objet d’un accompagnement par lequel la continuité du travail auprès de ces personnes,la connaissance acquise de leur situation et de leurs difficultés, ont permis de faire face à ce quia surgi aussi brusquement que violemment.

2.3. La double greffe de M. O.

Ce premier exemple met en exergue l’intensité et le registre parfois assez archaïque des phé-nomènes psychiques déployés auquel l’accompagnement doit se confronter, dans la mesure où ilssurviennent hors des conditions habituelles de prise en charge ambulatoire. Cette situation illustrenotamment comment, après une période de totale « discorde » entre le Moi et le monde extérieur,de l’ordre d’un rejet sévère, un lien a pu s’établir entre un « reste » psychique interne et quelqueséléments saisis dans la perception de la réalité externe, étayant ainsi le rapport avec le monde

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environnant. Accompagner a pu correspondre ici au fait d’occuper la position de médiateur entredifférentes parties et aspects de la réalité, externe et interne, et d’aménager le plus favorablementpossible les conditions de ces recompositions.

M. O. a été hospitalisé dans le service pour une greffe hépatique programmée avec un « donneurvivant », sa sœur. Compte tenu de cette situation humainement particulière et psychiquementcomplexe, c’est le médecin référent qui a demandé que soit présent un psychologue dès lespremières évaluations. L’absence d’indication valait de fait comme entrée dans une démarched’accompagnement, essentiellement ouverte, puisque ni le patient ni sa sœur n’avaient fait étatde difficultés particulières.

La transplantation se passe mal, une nécrose du greffon oblige les chirurgiens à demanderun autre greffon en « super-urgence » et une retransplantation peut avoir lieu 24 heures après lapremière greffe, sans reprise de conscience entre-temps.

M. O. survit, mais se trouve naturellement particulièrement affaibli. Sa sœur se relève physi-quement assez bien de l’hépatectomie (partielle), mais assez mal de l’échec de l’opération avecson « don » :

« Je lui ai refilé un mauvais foie », « il aurait pu en mourir ». . . « Tout ca pour que mon foiefinisse à la poubelle » . . .

Et la situation lui est d’autant plus difficile à supporter que personne n’a pris la décision dedire à M. O. qu’il avait été regreffé, que le foie avec lequel il vivait actuellement n’est pas celuide sa sœur, alors qu’il n’a pas cesser de la remercier « de lui avoir sauvé la vie », sans qu’elle nepuisse rien dire de cette méprise.

La femme de M. O. est elle même assez en difficulté. Outre les risques majorés encourus parson époux et l’inquiétude décuplée au cours de la dernière période, elle se trouve avoir été mariéeune première fois à un homme décédé dans un accident de la route et avait refusé le prélèvementd’organes qui lui avait été demandé. Elle se trouve maintenant face à cette situation inverse oùc’est finalement un prélèvement sur donneur « cadavérique » qui permet de sauver son secondmari. . .

En post greffe, M. O. traverse un épisode délirant (habituellement nommé « rêve de réa »)de j11 à j14. Dans un moment relativement calme de son « rêve », M. O. arrivait à échangerquelques propos, obnubilé par l’idée de ne pas récupérer assez vite, se considérant tour à tourcomme un « loser », déchu de sa place habituelle de « gagnant », ou incriminant l’incompétencedes médecins, menacant de lancer la meute de ses avocats contre le service. Sa « deception »était telle que c’est par l’entremise de la justice qu’il entendait désormais s’adresser aux méde-cins. S’estimant victime de négligences graves, c’est le terme de « trahison » qui revenait sanscesse dans ses propos. M. O., pendant ce « rêve », croyait le plus souvent qu’il était mort. Lesdouleurs physiques qu’il endurait étaient bien pour lui celles du purgatoire, ce qu’il affirmaithaut et fort (dans la limite de ses moyens physiques) pendant les moments les plus angoissés.C’est lors des périodes de relative accalmie qu’un doute sur la réalité de son environnement lepréoccupait plus largement et qu’il interrogeait en jetant continuellement des regards chargésde suspicion autour de lui. C’est l’existence même du monde qu’il estimait devoir mettre enquestion.

Le « retour » quasiment complet à la réalité s’est fait d’une étrange facon, par un événementfinal inattendu, dans un moment de « rebascule » qui a duré environ deux heures, au terme d’unparcours d’accompagnement qui visait à l’aider à trouver une voie de passage praticable vers desreprésentations plus conformes à notre réalité. M. O. demandait aux soignants passant à proximitéde lui raconter comment s’était passé son enterrement, répétant à l’envie qu’il était déjà mort, à

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quoi ceux-ci rétorquaient que non, il n’était pas mort, puisque eux-mêmes étaient bien vivants etqu’ils lui parlaient, etc. J’étais présent auprès de M. O. à ce moment, alors qu’il était visiblementencore très douloureusement préoccupé par la réalité substantielle des choses et des personnes,son regard me parcourant de haut en bas, comme il le faisait régulièrement, pour tenter d’évaluerma consistance. Étant appuyé sur le bord de son lit, il me saisit le poignet, en palpant d’un air trèsdubitatif sa fermeté, puis prolonge son investigation le long du bras, cherchant à savoir si quelquechose résistait sous la blouse et la sur-blouse, toujours très perplexe.

Arrivé en haut de l’épaule, il me scrute, tend sa main vers moi à hauteur de mon visage et medemande s’il peut poser sa main sur moi. J’acquiesce et le vois reprendre son investigation avecencore plus de perplexité. Ce n’est plus là une parole, mais le contact de la joue, qui l’a fait réagir,et puis s’arrêter, comme s’il avait enfin saisi là quelque chose de tangible, manifestement grâceà un rasage qui devait être approximatif, offrant sans doute un aspect râpeux qui possédait desindices suffisant de réalité pour son enquête. Il s’est arrêté là, paraissant plutôt soulagé, s’est recalédans son lit, baissant la tête, visiblement plongé dans une réflexion profonde sur cet événement.Il était assez clair que cette fragile réassurance, qui avait au moins l’avantage de le sortir à cemoment de ses angoisses de mort permanente, pouvait être remise en cause à tout instant. Il avaitpourtant retrouvé là ses attaches vitales avec le monde d’avant et n’est plus retourné, semble-t-il,dans cet état confusionnel.

Accompagner consistait là, par le fait d’une présence attentive et à force de paroles, à soutenircette recomposition de représentations vers un meilleur accord avec la réalité communémentpartagée, tout en concevant que « sa » réalité ne pouvait pas complètement coïncider avec celledes autres. Il s’est agi d’explorer, par la parole et la présence, les possibles voies de passage pource retour. Un aspect singulier de la réalité, plus prégnant, sans qu’on sache pourquoi celui-là, afinalement fourni le point d’ancrage qui a permis au patient d’étayer un accès externe et de sortirde ce moment difficile. Des multiples repères étaient déjà bien présents, et il n’a fallu que cemontage singulier à fonction de lien pour organiser ces « retrouvailles », comme si le Moi s’étaitlà extrait de cette nébuleuse d’images, idées, paroles tenues entres elles par la confusion pourrenouer, après cette brutale rupture, ses attaches et mouvements identificatoires dans le mondecommun. Accompagner a pris ici aussi un sens très concret d’un « être-avec » sur les voies d’unepoignante reprise de « contact » avec la réalité.

Les effets de l’accompagnement, quoique difficiles à évaluer, restent très perceptibles aussi bienlors des événements critiques que dans la facon qu’auront ultérieurement les patients d’aborderleur existence, largement organisée autour de la maladie. La souffrance endurée s’en trouveamenuisée et les éprouvés d’angoisse semblent se dissiper plus aisément. Les séquelles des expé-riences traumatiques, en accédant plus aisément à la parole et à la représentation partageableet partagée, forment moins d’enclaves pathogènes au sein du Moi. L’élaboration et la réappro-priation moins douloureuse des événements permettent de renouer des relations plus rapidementavec leurs proches et avec eux-mêmes. L’expérience des cliniciens atteste en effet largement lapersistance d’une activité souterraine de ces blessures traumatiques pendant des décennies, mêmeà bas bruit. C’est dire que l’effet de cet accompagnement porte autant sur la situation actuelleque sur un travail prospectif au double sens où les séquelles ultérieures sont minorées et qu’unedémarche vers l’autonomie aura pu être initiée.

2.4. L’agrafe de Mlle B.

Le second exemple illustre l’état de risque constant d’effondrement psychique qui s’associeà cette situation d’incertitude permanente quant au bilan de santé, face à laquelle aucune

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« préparation psychologique » n’est véritablement concevable et qui ne paraît pas relever d’uneprise en charge psychothérapeutique.

Mlle B. possède une histoire médicale très lourde et un parcours hospitalier assez étonnant.Cette jeune femme de 27 ans a été contaminée, lors d’une transfusion sanguine, à la fois par le sidaet par l’hépatite C, affections principales qui ont développé leur cortège de maladies secondaires,notamment un diabète.

L’année précédant la transplantation4 s’est déroulée au gré des hospitalisations en urgence,scandée par plusieurs épisodes de coma et soldée par une très grave altération de son état de santé.La force dont Mlle B. avait fait preuve et sa foi indéracinable en une issue favorable, tranchantavec son sort assez accablant, a toujours étonné tout le monde.

C’est à l’occasion d’un changement de pansement, alors qu’elle était déjà sortie de la réanima-tion, que Mlle B. a pu voir sa cicatrice et les agrafes qui la suturaient, provoquant une véritablepanique, comme si son supplice avait pris corps à cet endroit, enfin objectivé et soumis à sonregard.

Quelques heures encore après cet effondrement, encore profondément choquée, Mlle B. nepouvait exprimer autre chose que son souhait de conserver ces agrafes auprès d’elle, telles un« mémorial », selon son propre terme. Le contraste est ici particulièrement frappant entre le par-cours véritablement inhumain que cette jeune femme a effectué sans jamais céder pendant plusd’une année et cet affaissement à la seule vue d’une cicatrice et de quelques agrafes, image appa-remment inoffensive au regard de l’instrumentation lourde qui a maintenu son corps en survie.Une terreur s’est fixée à la vision de la cicatrice, la perception de la blessure corporelle referméeprovoquant à contretemps l’ouverture d’une blessure narcissique. L’effroi a descellé ce qui main-tenait une cohésion de sa personne, en donnant paradoxalement une représentation marginale àce qui se révélait comme ayant été invivable.

L’enveloppe corporelle incisée et recousue atteste par cet épisode critique que :

« La relation d’effraction se fonde en un instant où le sujet coïncide avec la scène quil’annule ou qui l’exclut et se trouve ainsi épinglé là où il ne peut se voir ni se penser » (LePoulichet, 1994).

Dans la fixation terrifiée à cette entaille, Mlle B. n’a eu de cesse de pouvoir se cramponner, envain, à ces agrafes, mais la perception sans perspective de cette blessure a précipité l’effondrementpsychique parce que la patiente s’y est trouvée précisément « épinglée ». L’existence de lésionsphysiques favorise souvent les effets de liaison psychique qui correspondent à un surinvestisse-ment narcissique de l’organe atteint, en offrant temporairement un point d’arrimage à une angoissetrop flottante qui sinon reflue chaotiquement sur le sujet. Cet investissement narcissique, toujoursanxieux, de l’organe blessé, peut occuper ponctuellement la fonction de manœuvre défensive. Etl’on peut rendre compte par ce déplacement, parfois assez troublant par son intensité, de la sur-venue d’une angoisse après-coup, une fois le danger dépassé. Cette angoisse est une préparationrétrospective, à contretemps, dont la visée traumatolytique agit en différé, ou sur des représenta-tions qui n’ont pas pu émerger avant l’intervention chirurgicale. Dans l’effondrement de Mlle B.,

4 Elle-même très risquée, compte tenu de la contradiction entre le traitement immunosuppresseur et la trithérapie.En outre, les patients VIH n’ont pas la possibilité de bénéficier d’un foie « normal » mais seulement d’un « domino »,c’est-à-dire le foie prélevé sur un patient souffrant d’amyloïdose et lui-même transplanté (qui s’effectue par interventionschirurgicales simultanées). Cette greffe sur patient atteint du VIH a été tentée pour la première fois en France justementavec Mlle B.

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c’est justement de l’échec de ces défenses dont il s’est agi, assorti à un collage radical à l’imagecorporelle de la blessure.

« La véritable “catastrophe psychique” [. . .] peut se comprendre comme l’effet d’une col-lision entre le réel et l’imaginaire lorsque fait défaut la médiation du symbolique » (LePoulichet, 1991).

C’est précisément à ce point qu’un travail d’accompagnement par la parole et la présence d’un« être-avec » a dû se mettre en place pour occuper ce vide de langage face au trop plein d’images.La parole déploie et ordonne une activité de symbolisation qui fait lien entre des mondes différentset en particulier entre plusieurs « parties » de sa personne.

Pour « aménager » ce long parcours dans la maladie, Mlle B. s’était en effet clivée, présen-tant à ceux qui l’entouraient différents visages. L’un de ces masques était celui de la patiente« compliante », manifestant les qualités attendues d’un « objet de soins », faisant la preuve de savaleur, justifiant à ses propres yeux et à ceux des autres la légitimité de l’effort intense et soutenufourni par les soignants. L’autre personne était celle, brisée, épuisée, qui pensait que ce combatn’en valait peut-être plus la peine. Il est aisé de se rendre compte que, sans cet appui proposéà Mlle B., l’effondrement psychique, malgré les ressources importantes dont elle disposait poursurmonter l’épreuve, aurait pu aller jusqu’à son terme.

Cet écart entre personne publique et personne privée ouvre l’espace de l’accompagnent ; espacenécessaire à la patiente pour se maintenir à distance du corps-objet malade, mais distance qui nedoit pas s’élargir jusqu’à la rupture. Le risque est un isolement profond, lointain, douloureux, dontil est difficile de revenir, qui laisse toujours des séquelles, et parfois même compromet le désir devivre. C’est sans doute là l’origine de ces inexplicables complications médicales qui assaillent encascade certains patients, la débâcle pouvant être parfois sans retour. Ce lieu intermédiaire entreextériorité et intériorité est occupé et organisé par le travail d’accompagnement. Il se construitdans un rapport médiatisé, puisqu’il n’est pas question de relation duelle, et s’effectue en positionde tiers par rapport au monde hospitalier, dans :

« Un espace où la personne en attente de greffe d’organe pourrait se montrer sans fard,sans faux-semblant, avec ses zones d’ombre, ses faiblesses (parler de son alcoolisme, de sadépendance). Un espace, où elle pourrait re-devenir elle-même, se libérer de ses doutes faceà la transplantation, de son angoisse face à la mort, de sa peur de la dépression ou encorede sa peur du rejet psychologique de l’organe. Un espace où elle serait sûre d’être acceptée,indépendamment de sa vie passée, de sa maladie ou de sa déchéance physique (malgré sesproblèmes sexuels, ou son passé parfois lourd). Un espace où il y aurait simplement de laplace pour un dire authentique » (Piot-Ziegler et al., 2007).

3. Établir les conditions d’un « cheminement »

Dans l’un ou l’autre des cas présentés, il s’est toujours agi paradoxalement de « tenir ferme »tout en laissant advenir cette part d’inconnu débordant par principe les protocoles habituelsd’évaluation et de soins. C’est sans doute ce qui constitue le terme commun des situations qu’ilfaut accompagner, et la marque distinctive de ce cheminement assez aléatoire au milieu d’ununivers où le mot d’ordre est la précision et l’efficacité. Mais laisser advenir une part d’inconnudans la relation d’aide psychologique, rencontrer la personne là où elle se trouve et non là où l’onvoudrait qu’elle soit, exige la stabilité et la solidité d’un contenant. Cette enveloppe protectrices’avère d’autant plus nécessaire que l’impondérable constitutif du travail d’accompagnement dans

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et par la parole met définitivement à mal toute espérance de maîtrise a priori et de structurationde la situation. Cet inconnu concerne en fin de compte le sens que chacun peut donner à sapropre existence, qui reste imprévisible comme l’est la facon personnelle dont peuvent se nouerles rapports à la maladie et à la mort éventuelle.

3.1. La production du cadre par la parole

Ce que construit la parole, dans ce travail d’accompagnement, c’est donc tout d’abord uncadre, dont l’établissement constitue en soi, par sa singularité, un projet, voire une recherche,aussi bien pour le patient que pour le psychologue. C’est donc bien l’usage premier de cetteparole qui doit produire, pour une large part, la situation clinique à proprement parler, tout commel’environnement hospitalier circonscrit au préalable les conditions de possibilité et la nature del’entretien. La parole joue ainsi parce qu’elle instaure un changement de référentiel et opèreun transfert de sens. Avant de livrer ou de provoquer l’apparition de contenus nouveaux, elleouvre un lieu marginal en décentrant les contenus existants par un déplacement de perspective.Tout simplement, une même parole produit un sens différent lorsqu’elle s’entoure d’un contextedifférent (le cadre de l’accompagnement), établissant les conditions d’une écoute « pleine » etnon plus seulement de la réception d’une information médicale. Cela est d’autant plus vrai quela souffrance morale ne trouve bien souvent d’autres mots que ceux du trouble physique, quandelle n’est pas déniée de facon plus « volontariste » par les mécanismes de défense évoqués plushaut. Aussi, les réalités du quotidien hospitalier sont-elles nécessaires à poser et à entendre, afinnotamment de pouvoir s’en démarquer. C’est bien souvent, hormis les états caractérisés d’angoisseou de « rêve », par des « plaintes » les plus anodines, telles la mauvaise qualité de la nourriture,une fatigue prolongée, quelque gêne ou préoccupation matérielle, etc., que s’initie quelque chosede cet écart. L’insignifiant qui s’y énonce apparaît parfois comme un signe « prospectif » d’autresparoles, d’autres demandes, et l’on ne peut négliger cette amorce par le « banal » : il ne tient qu’autravail d’accompagnement de le transformer.

3.2. Écouter, parler, entendre

Par la réappropriation individuelle de la parole, la personne crée en effet une situation d’altéritéen constituant un vis-à-vis, une extériorité face à laquelle il pourra se situer. En effet, le sujet :

« Dès qu’il se déclare locuteur et assume la langue, implante l’autre en face de lui, quelque soit le degré de présence qu’il attribue à cet autre. Toute énonciation est, explicite ouimplicite, une allocution, elle postule un allocutaire » (Benveniste, 1970).

La parole qui s’est trouvée quelques temps suspendue, ou s’est éventuellement crue défi-nitivement compromise, opère par là même ce détachement du statut d’organisme biologique« défectueux » avec lequel le malade a pu estimer s’être confondu pendant cette traversée.L’existence du patient se prouve et s’éprouve, une, ici et maintenant, quand le Moi peut à nouveause nommer « je », ce qui suppose tout d’abord qu’il puisse être entendu par quelqu’un.

Parler est tout d’abord trancher, se détacher par les multiples désignations, nominations etprédications, de cette totalité confusionnelle que représentent la maladie, la greffe et la réanima-tion. La réinstauration d’une scène verbale est en relation d’appui mutuel avec le rétablissementdes repères psychiques. Aussi, la parole retrouvée à l’orée du chaos ouvre l’écart pour penser etcet écart est celui-là même qui s’oppose aux fascinations mortifères du monde de la transplanta-tion et de la réanimation. C’est l’instrument de la distance retrouvée face aux vécus fusionnels.

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La quotidienneté de l’écoute dans un service de chirurgie est d’aider les patients à réinvestirces capacités de penser qui leur permettent de ne plus être écrasés par les représentations et lesrépercutions psychiques de la greffe, de l’éveil de coma et de la proximité constante de la mort.Ainsi :

« Il serait souhaitable que le psychologue puisse servir d’embrayeur et de support à laréflexivité, permettre un espace de parole et de pensée où s’exprimeront tour à tour dif-férentes facettes des mondes du sujet (corporel, affectif, cognitif, inconscient). Cet objetd’activité du psychologue n’a rien de mystérieux : il s’agit par ses interventions de créer unlieu (spatial et psychologique) qui vienne soutenir la pensée du patient pour qu’elle puisses’élaborer dans la réflexivité » (Santiago-Delefosse, 2002).

Tout autant que les fonctions physiologiques, ce sont les processus et contenus mentauxverbalisés qui participent activement au recouvrement de cette présence et distance à soi.

« Il faut le répéter, l’écoute parle » (Barthes, 1976).

Cette possibilité s’installe dès l’apparition de quelques rudiments verbaux lors des phasesd’éveil confuses postopératoires. Elle anticipe ce qui pourra éventuellement s’ouvrir à une his-toire personnelle, à un parcours narratif qui se déploie entre « se redécouvrir » et « se réinventer »,puisque les retrouvailles avec le monde s’effectuent aussi bien par la nomination (« mon » foie)que par la perception et la motricité. Si cette parole pleine et restituée au patient fonctionnecomme discrimination des objets et des repères du dedans et du dehors, elle ne s’accomplit quepar la reconnaissance de cet « autre de la parole » qu’est l’écoute de ceux qui accompagnent(professionnels ou non, psychologues ou non). C’est d’ailleurs pourquoi, si chacun peut éven-tuellement se parler à lui-même, personne ne peut cependant être son propre thérapeute parceque :

« Un interlocuteur intérieur ne peut être qu’un interlocuteur imaginaire, un alter ego, unclone de soi-même. [. . .] l’autre est aussi celui qui assure au sujet la vérité de sa propreperception ; c’est à travers ce qu’il entend que le sujet peut reconnaître à son tour ce qu’ila vécu » (Bertrand, 1997).

L’écoute fonctionne comme un miroir, et se manifeste de ce fait comme acte identifiant. Touténoncé équivaut à un « Je suis là », renvoyant à une écoute qui affirme aussi sa présence.

4. Conclusion

Aménager un cadre symbolique par ces « jeux de mots » doit permettre à la personned’accomplir la démarche psychique nécessaire qui le conduira vers de nouvelles modalitésd’existence avec un corps transformé. En substance, ce travail:

« [. . .] vise à s’appuyer sur le rôle structurant de la parole (symbolisation langagière) pourprévenir une décompensation [. . .], à fournir un écran protecteur (pare-excitation) face àla violence de l’Autre (greffon et/ou donneur), à rendre des représentations possibles et àpermettre de faire des liens psychiques » (Triffaux et al., 2002).

Confronté aussi bien à des troubles psychiques majeurs qu’à un mal-être indicible,l’accompagnement du patient greffé reste significativement distinct d’une démarche psycho-thérapeutique et ce à plusieurs titres : l’absence de demande détermine la contingence, lesens, la temporalité et les modalités d’intervention, et exige de s’adapter au contexte et aux

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contraintes de la situation matérielle et médicale du patient. Ce soutien est généralement assezbref, intervenant le plus souvent pendant les moments d’affaissement de la psyché pour rou-vrir ponctuellement un espace de pensée obturé. C’est dire aussi que cet accompagnement nes’adresse pas qu’au patient, mais également aux autres pour reconstruire l’entre-deux des lienspatients–familles–soignants, dans un espace à la fois psychique, symbolique, technique, politiqueet institutionnel. L’accompagnement ne peut en effet s’effectuer qu’à l’interface du psychique etdu social (Santiago-Delefosse, 2002). D’où cette place très mobile et très incertaine du psycho-logue comme reconstructeur des liens, souvent au plus près du lien psychique, quand, à d’autresmoments, il se situe dans les dimensions de la relation médecin–malade, du lien familial, voiredu lien social.

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