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L’adaptation des exceptions du droit d’auteur au … · L’adaptation des exceptions du droit d’auteur au numérique: vers une recherche d’alignement Edouard Treppoz, Professeur

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  • Ladaptation des exceptions du droit dauteur au numrique: vers une recherche dalignement

    Edouard Treppoz, Professeur lUniversit de Lyon

    1. Le droit dauteur est sans doute lune des matires qui a subi le plus violemment larrive dInternet. De nouveaux Proudhons sont apparus proclamant : la proprit intellectuelle, cest le vol 1 et appelant la mort du droit dauteur2. Lexplication serait simple : un film, comme une chanson ou une formule chimique, ne demande qu circuler librement une fois quil a t fabriqu 3. Or, avec larrive dInternet, cette libre circulation apparat comme une vidence, ce dont peut tmoigner tout utilisateur de sites dchange P2P. Cette libert appellerait la gratuit, sapant dautant la lgitimit du droit dauteur. Sans doute, la premire consquence de lInternet sur le droit dauteur consiste avoir provoqu cette dsaffection du corps social. Le droit dauteur nest plus accept, car il ne parat plus lgitime dans lconomie de limmatriel. Or, ce divorce sociologique se traduit aussi conomiquement. Lutilisateur dcomplex4 par le discours des nouveaux Proudhons se goinfrent 5 littralement duvres tlcharges sur Internet partir de site P2P. Le manque gagner serait norme. Au point que les industriels de ce secteur font un parallle commode entre la dcroissance subie par ces industries et le dveloppement du P2P.

    2. Il fallait alors adapter le droit ce nouveau dfi ! Ladaptation ne fut nanmoins pas une

    rvolution et ce pour deux raisons. Dabord, notamment en France, le droit dauteur pens par la loi de 1957 en termes gnraux et abstraits a pu sadapter par le biais de la jurisprudence cette nouvelle donne technologique que constitue lInternet. On citera les dcisions du juge Gomez qui, ds 1996, qualifirent de reproduction le fait de copier sur son site internet une chanson6. Ensuite, le droit dauteur avant lInternet avait dj t confront la question du numrique, notamment avec le logiciel. La rponse tait alors europenne7 et offrait une matrice aisment dclinable aux questions poses plus largement par lInternet. Ds lors, la directive de 2001 peut se comprendre comme le prolongement et lextension dune adaptation dont les jalons furent poss par le lgislateur europen en 1991. Pour autant, il ne faut pas croire que cette volution sest faite sans heurt. La critique de la directive de 2001 fut importante, principalement en raison de larticle 5 proposant ces fameuses exceptions facultatives8. La nature facultative de ces exceptions pouvait sembler contradictoire pour un

    1 Sur ce parallle : La proprit intellectuelle, cest le vol ! Les majorats littraires, Textes runis par D. Sagot-Duvauroux, Les Presses du rel, Dijon 2002. 2 J. Smierts, Plaidoyer pour labolition des droits dauteur La proprit intellectuelle, cest le vol !, Le Monde Diplomatique, Septembre 2001 ; D. Cohen, La proprit intellectuelle, cest le vol !, Le Monde, 8 avril 2001 et la rponse de P.-Y. Gautier, Quest ce que la proprit intellectuelle ?, Le Monde, 11 avril 2001. 3 D. Cohen, precit. 4 Il suffit pour cela daller faire un petit tour sur certains blogs, au hasard : http://www.igeneration.fr/fr/actu/5248/ 5 Jean-Louis Murat, Internet ou la libert de se goinfrer, Le Monde, 18 novembre 2007. 6 Particulirement : TGI Paris, Rfr, 14 aot 1996, Art Music France c. ENST, RIDA, 1997, vol. 171, p. 360, note C. Caron, DIT, 1996, T. IV, p. 31, note B. Edelman, D., 1996,J,p. 490, note P.-Y. Gautier, RTDcom, 1997.97, note A. Franon. 7 Directive n 91/250 CEE du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes dordinateur. 8 Voir principalement sous langle des exceptions : C. Caron, Les exceptions : limpact sur le droit franais, Prop. Ind., 2002, n 2, p. 25 ; P.-Y. Gautier, De la transposition des exceptions : propos de la directive droit

  • texte dharmonisation. La polmique rebondit ds lors au niveau national comme en tmoigne lpisode de la transposition franais9. Ce texte fut loccasion dune fracture au sein mme de la majorit parlementaire, au point que le projet de loi fut un moment en danger. La loi fut finalement adopte mais ampute, par le Conseil Constitutionnel10 de son aspect emblmatique : la riposte gradue. Ladaptation ne devait pas se faire au dtriment du droit dauteur qui doit sappliquer avec la mme rigueur sur lInternet quailleurs ! Le feuilleton se prolongea avec la loi Hadopi dont, l encore, la disposition emblmatique, la coupure de laccs linternet, fut censure par le Conseil constitutionnel11. Une seconde loi Hadopi12 fut ncessaire pour accoucher dun texte complexe, incapable, sans doute, de rconcilier le corps social avec le droit dauteur.

    3. Une question se fait alors jour. quoi vise cette adaptation lgislative ? Trois rponses sont possibles. La premire consisterait adapter vers le bas en arguant dune donne technique distincte, justifiant un traitement diffrenci. Cest le raisonnement men par les dfenseurs de la licence lgale. Le pragmatisme, certes utile, dvalorise nanmoins la protection au travers de lexclusivit retire lauteur au profit dun simple droit rmunration. La deuxime consisterait, au contraire, augmenter la protection afin de compenser la volatilit des uvres. Cest en ce sens que lon peut comprendre la protection juridique dsormais confre aux mesures techniques de protection. Enfin, la dernire rponse vise rechercher la plus parfaite identit entre le monde rel et Internet. Telle est, nous verrons, le rle jou par les exceptions participant justement ce rquilibrage. La directive 91/250 (codifie en 2009) tmoignait, dj, de cette tendance en crant une exception technique visant compenser la trop large dfinition du droit de reproduction. Par ailleurs, la copie prive laissait place la copie de sauvegarde conformment au changement de nature subi par cette exception dans le monde numrique. Ce mouvement se retrouve dans la directive de 2001/29 avec la cration dune exception technique obligatoire. Pour autant, la directive nexclut pas quun Etat membre conserve la copie prive dans le monde numrique. Le rquilibrage seffectuera alors par le biais du triple test et sous limpulsion des juges. Ainsi et pour reprendre un langage dinformaticien, la directive logiciel constitue la version Bta de cette adaptation, que viendra prolonger la directive Internet version provisoirement stable de ladaptation. I) La directive 91/250 : version Bta de ladaptation

    4. Ltude de la version Bta de ladaptation du droit dauteur au numrique met en vidence des mouvements antagonistes et, en apparence, contradictoires quant aux exceptions. Alors que lalina 1 de larticle 5 cre une exception nouvelle fonde sur lutilisation de luvre logicielle, lalina 2 vient, au contraire, limiter, pour ne pas dire dauteur dans la socit de linformation , CCE, 2001, tude 24 et M. Buydens & S. Dussolier, Les exceptions du droit dauteur dans lenvironnement numrique : volutions dangereuses, CCE, 2001, tude 21. 9 Voir principalement : M. Vivant, les exceptions nouvelles au lendemain de la loi du 1er aot 2006, D., 2006, p. 2159 ; T. Azzi, La loi du 1 aot 2006 relative au droit dauteur et aux droits voisins dans la socit de linformation ou le monopole prserv, CCE, 2007, tude 16. 10 Cons. const., 27 juillet 2006, dc. n 2006-540 DC : D, 2006.2157, obs. C. Castets-Renard et PI, 2006.240, obs. V.-L. Benabou. 11 Cons. const., 10 juin 2009, dc. n 2009-580 DC : RLDI, juil. 2009, n 1699, note D. Rousseau ; RSC 2009.609, obs. J. Francillon ; D. 2009.1770, obs. J.-M. Bruguire. 12 J.-M. Bruguire, Loi du 19 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la cration sur Internet, JCP E, 2009.1759 ; V.-L. Benabou, Glose de la loi Hadopi, RDLI, 2009, n 1732 et M.-L. Marino, La loi du 28 octobre 2009 (), D. 2010.160.

  • supprimer, lexception de copie prive. Nous verrons pourtant que ces deux mouvements visent un mme objectif : assurer la plus parfaite identit entre lanalogique et le numrique.

    5. Selon la directive logiciel, tout acqureur lgitime dun logiciel est en droit de lutiliser

    conformment sa destination13. Cette exception pourrait surprendre prsente de manire autonome, tant elle se comprend comme le complment ncessaire de la dfinition retenue en droit europen de la reproduction. Sans doute, faut-il alors rappeler que lapplication du droit dauteur au numrique dpend dune question fort simple : celle de la permanence de la copie. En effet, la diffrence dune copie papier, la copie faite par un ordinateur ne possde quune dure de vie limite : lextinction de lordinateur entranant la disparition des copies faites dans la mmoire vive. Si cette question apparat avec le numrique, il serait pourtant excessif de prtendre quelle nexistait pas auparavant. La doctrine sinterrogeait en effet quant la qualification de reproduction propos de sculptures en glace. Il y avait bien copie, mais cette copie ntait pas permanente. La question, on le conoit, tait dcole. Il faut alors attendre lavnement de linformatique pour que cette difficult devienne relle. De manire remarquable, cette question a fait lobjet dune mme rponse des deux cts de lAtlantique. En effet, la directive de 1991 sur la protection des programmes dordinateur a opt pour une interprtation large du droit de reproduction lalina a) de larticle 4, englobant dans le monopole tant les reproductions permanentes que provisoires. Cette position est conforme la jurisprudence amricaine, selon laquelle lenregistrement dun logiciel dans la mmoire vive dun ordinateur, enregistrement qui par dfinition est provisoire constitue une reproduction. Cette fixation donne un rsultat suffisamment stable et permanent pour lui permettre dtre perue, reproduite ou communique pendant un laps de temps plus que provisoire 14, justifiant ainsi sa qualification de reproduction. La nature provisoire ou permanente de la fixation est indiffrente, du moment que la fixation de luvre est possible. Le risque, nanmoins, de cette dfinition portait sur le domaine exorbitant du monopole confr lauteur. Elle imposait en effet lacqureur lgitime dun logiciel dobtenir lautorisation du titulaire des droits avant chaque utilisation. Afin de pallier cette difficult, un systme de drogation lgale a t mis en place. Cest ainsi quont t exonres les reproductions techniquement ncessaires lutilisation dun programme. On notera avec intrt que le droit amricain consacre une exception identique15, soulignant la cohrence et la convergence des deux systmes. Dans les deux cas, lobjectif de ces exceptions technique vise exclure toute surprotection du titulaire du droit pour une exploitation numrique.

    6. Paradoxalement, la transformation de la copie prive en une seule copie de sauvegarde16

    participe du mme objectif dalignement. Le risque de la copie prive numrique est nanmoins inverse et porte sur une surprotection de lutilisateur au dtriment du titulaire du droit. Il est aujourdhui banal de rappeler que lexception de copie prive sexpliquait originellement par sa nature marginale et laborieuse, excluant toute atteinte significative lexploitation de luvre17. Le chercheur recopiant la main des passages dun ouvrage lintressant ne faisait peser quun risque minime sur lexploitation de luvre copie. Larrive de la reprographie induit un changement rel, bien quencore limit. Reproduire un livre tait long et la qualit de la reproduction demeurait mdiocre. Surtout, la qualit sestompait de copie en copie. Avec le numrique, la donne change radicalement. Dabord, la

    13 Article 5 al 1 directive 250/91. 14 Mai Systems Corp. v. Peak Computer, Inc., 991 F.2d 511 (9th Cir 1993). 15 Religious Technology Center v. Netcom On Line Comm. Services, Inc., 907 F.Supp 1361 (N.D. Cal 1995). 16 Article 5 al 2 directive 250/91. 17 Pollaud-Dulian (F.), Droit de reproduction, JCl. PLA, fasc. 1246, n 36.

  • copie est dune dconcertante facilit et dune grande rapidit. Ensuite et surtout, la copie est dune parfaite qualit, qualit qui demeurera identique de copie en copie. Il est manifeste que latteinte de marginale dans lenvironnement analogique devient significative dans lenvironnement numrique18. Ds lors, si lexception pouvait apparatre lgitime tant quelle demeurait marginale, elle ne lest plus lorsquelle gagne en importance. Deux voies sont alors envisageables : la suppression de lexception ou sa compensation. La compensation fut retenue pour la reprographie19, tandis que la copie prive a laiss place la copie de sauvegarde pour les logiciels. Cette diffrence de traitement pourrait tonner, si elle ne sexpliquait par une diffrence de degr, et sans doute mme de nature, de latteinte cause par la copie numrique lexploitation normale dun logiciel. Le droit ne change donc quen apparence. Dans tous les cas, lexception voit sa prennit subordonne son innocuit conomique. Si le triple test ne dispose pas encore deffet direct cette poque20, il demeure quil simpose au lgislateur par le truchement de la convention de Berne21. Ladaptation de la copie prive de lanalogique au numrique sexpliquerait finalement par limpossible satisfaction, selon le lgislateur europen, de cette exception au triple test justifiant ds lors sa disparition. Il sagit simplement de reconnatre que la copie prive ninduit pas les mmes risques dans le monde rel et dans le monde virtuel, justifiant quelle soit justifie dans le premier cas et non dans le second. Le droit est le mme dans les deux hypothses, lexception tant toujours soumise au triple test. Seuls les faits changent.

    7. La version bta de ladaptation tmoigne donc dune recherche didentit que viendra conforter la version stable de ladaptation mise en place par la directive 2001/29.

    II) La directive 2001/29 : version stable de ladaptation ?

    8. La directive 2001/29 a t critique par son incapacit trancher clairement cette

    question pourtant fondamentale des exceptions. Si la directive retient une exception technique participant un mme objectif que la copie dutilisation, il appartiendra au juge de prolonger cette recherche dalignement quant lexception de copie prive en semparant du triple test.

    9. La directive 2001/29 retient une mme conception large de la reproduction que la

    directive logiciel. Cette conception large na pas t, l encore, sans susciter des critiques22. Le risque tait en effet de parvenir une surprotection des uvres dans le monde virtuel au dtriment de la lgitimit du droit dauteur. Tout acte sur une uvre supposant une fixation mme temporaire devrait alors tre autoris sur lInternet. Ainsi, le simple fait de lire un livre sur Internet devrait tre autoris, chaque page tant reproduite. La critique est relle. On mesure alors que ladaptation du droit dauteur lheure de linternet renforcerait le contenu

    18 Sur ce dbat, voir : Y. Gaubiac et J. Ginsburg, Lavenir de la copie prive numrique en Europe, CCE, 2000, tude 1 ; F. Sardain, Repenser la copie prive numrique, JCP E 2003.584 ; Y. Gaubiac, Dimension de la copie prive dans le monde numrique de la communication, CCE, 2008, tude 14 et A. Bensamoun, La copie prive : victoire ou dfaite du droit dauteur ?, RLDI, 2009, n 49, p. 21. 19 Article L. 311-1 et suiv. du Code de proprit intellectuelle. 20 Sur cette question : Ch. Geiger, La transposition du triple test des trois tapes en droit franais, D., 2006., p. 2164. 21 Article 9 2 de la Convention de Berne. 22 Sur ces critiques : Litman (J.), The exclusive right to read, Cardozo Arts & Ent L. J, 1994, vol. 13, p. 29 contra Nimmer (D.), Brains and other paraphernalia of the digital age, Harvard Journal of Law & Technology, 1996, vol. 10, p. 1. Pour une prsentation de ces thses en droit franais voir : A. et H.-J. Lucas (A.), precit, n 254.

  • du monopole octroy par le droit dauteur. Au point que des actes autoriss dans le monde rel lire un livre, contempler un tableau seraient rservs dans le monde virtuel ; ces actes exigeant une reproduction de luvre. Pour autant, cette surprotection ne doit pas tre exagre et ce pour deux raisons. Dabord, il est faux de prtendre que le fait de lire un livre ou contempler un tableau est libre dans le monde rel. Si le public peut contempler le tableau dans le monde rel, cest parce que lauteur a accept que luvre soit reprsente23. Il y a donc bien lorigine une autorisation de lauteur. Il demeure, nanmoins, que la contemplation de tableau par un visiteur nest aucunement soumise au droit dauteur, alors que ce mme acte, dans un muse virtuelle cette fois, suppose une copie provisoire, qualifie de reproduction. Il a alors t rpondu cette critique par la cration dune exception visant prcisment rtablir une certaine harmonie entre le monde rel et le monde virtuel. Tel est lobjectif de lexception technique, seule exception obligatoire de la directive 2001, exonrant dautorisation les actes de reproduction provisoires qui sont transitoires ou accessoires et constituent une partie intgrante et essentielle dun procd technique et dont lunique finalit est de permettre () une utilisation licite 24. Le mcanisme emprunte la directive logiciel en dduisant dune autorisation principale des autorisations implicites pour des reproductions provisoires et accessoires celles autorises. L encore, la jurisprudence amricaine25 retient une solution identique exonrant les reproductions accessoires une diffusion licite sur Internet. Dans les deux cas, lexploitation dune uvre dans lenvironnement virtuel ne diffrera pas dune exploitation dans le monde rel. Prenons une radio qui diffuse la dernire chanson la mode. Cette diffusion suppose une autorisation au titre du droit de reprsentation ainsi quune autorisation au titre du droit de reproduction appel aussi droit complmentaire de reproduction mcanique. Imaginons, maintenant, que cette mme chanson soit diffuse en streaming par une webradio. Cette dernire devra dabord obtenir une autorisation au titre de la reproduction, la chanson devant tre reproduite par la webradio, ainsi quune autorisation au titre du droit de reprsentation. Trs clairement, la destination de la reproduction est ici la reprsentation, excluant tout recours supplmentaire au droit complmentaire de reproduction mcanique. Techniquement, nanmoins, le streaming suppose que lutilisateur effectue des copies provisoires pour couter ladite chanson. Nanmoins, ces copies bien que qualifies de reproduction sont exonres car transitoires et accessoires une diffusion licite. On ajoutera, que dans les deux cas, lauditeur ou linternaute pourra effectuer une copie prive pour leur usage personnel, la source tant suppose licite. Les deux hypothses dexploitation sont par consquent totalement assimilables, excluant que le droit dauteur, lheure de linternet, ne conduise un excs de protection. Il semble ds lors possible de conclure, sur ce point, que ladaptation vise assurer une unit de traitement pour des situations techniquement distinctes, mais juridiquement assimilables. La mthode semble juste, mme si perfectible. Sans doute, aurait-il t prfrable de ne pas retenir une qualification trop large du droit de reproduction, vitant ainsi ce rattrapage par le jeu des exceptions. On citera en ce sens le choix du lgislateur nerlandais optant pour une dfinition stricte de la reproduction26. La seconde critique porte sur les dfauts de la transposition franaise de la directive de 2001. En effet, cette dernire transposant lexception technologique larticle L. 122-5 2 en exclut les logiciels et les bases de donnes. Or, cette prcision, bien que conforme lacquis europen, est en total dsaccord avec lesprit mme de la directive. En effet, effectuer une copie cache

    23 Sur le droit dexposition : Cass., 1e civ, 6 nov 2002, CCE.2003.2 lexposition constitue une communication au public accord de lauteur . 24 Article 5 a 1 et dernirement sur ce texte : CJCE, 4e ch, 16 juillet 2009, aff. C-5/08, JCP, 2009.272, note L. Marino et CCE, 2009, com. 92, obs. Ch. Caron. 25 Religious Technology Center v. Netcom On Line Comm. Services, Inc., 907 F.Supp 1361 (N.D. Cal 1995). 26 Voir A. & H.-J. Lucas, Trait de proprit littraire et artistique, Litec, 2006, n 245.

  • sur Internet suppose de copier le site lui-mme. Or, le site est une base de donnes, excluant que lon puisse le copier. De plus, les uvres circulant sur Internet sont accompagnes dun applied java, qui nest autre quun logiciel, logiciel qui ne peut tre copi. Cette prcision semble donc en pratique limiter lutilit de lexception technique pourtant rendue obligatoire par la directive27.

    11. Etonnamment, le lgislateur europen na pas dclin la version bta pour lexception de

    copie prive, qui perdure dans le cadre des exceptions facultatives condition, certes, de faire lobjet dune compensation. Il appartenait donc chaque lgislateur national de se prononcer, ce que fit le lgislateur franais dans le sens de la copie prive. La problmatique sest alors dplace de la reconnaissance de cette exception son effectivit. La difficult consiste savoir si le titulaire des droits peut priver techniquement lutilisateur du bnfice des exceptions28. La rponse repose alors sur la qualification de ces exceptions : faut-il y voir des simples exceptions ou au contraire des droits ? Si lon comprend que le titulaire peut priver lutilisateur de simples exceptions, il ne peut le priver de droits. La directive a vu le problme et a impos son article 6.4 aux Etats de prendre les mesures ncessaires leffectivit de certaines exceptions, parmi lesquelles ne se trouve pas la copie prive. La question a alors t pose aux juges franais dans la clbre affaire Mulholland Drive. Il sagissait de savoir si lacqureur du DVD pouvait, malgr les mesures techniques, continuer pratiquer des copies prives. On sait que la Cour de cassation29 sest prononce pour la primaut des mesures techniques en se fondant sur le triple test. La copie prive constituant une atteinte lexploitation normale des DVD, les mesures techniques peuvent alors lgitimement priver le bnficiaire de lexercice de cette exception. Cette position sera ensuite reprise par le Conseil constitutionnel30, effectuant une rserve dinterprtation proche de la position de la Cour de cassation. Selon le Conseil, les auteurs et titulaires peuvent recourir des mesures techniques de protection limitant le bnfice de lexception une copie unique, voire faisant obstacle toute copie, dans les cas particuliers o une telle solution serait commande par la ncessit dassurer lexploitation normale de luvre ou par celle de prvenir un prjudice injustifi. Ainsi, les mesures techniques peuvent priver lexception de copie prive, lorsque lexercice de cette dernire serait attentatoire au triple test. Le bnfice de la copie priv dpend donc toujours de son innocuit conomique. Le raisonnement est finalement le mme que dans la version bta de la directive logiciel, la diffrence prs quil est men par les juges31 et non par le lgislateur. Surtout, lobjectif dalignement perdure par le truchement des exceptions sous le contrle du triple test.

    12. Cette adaptation des exceptions assurant une identit de protection entre le monde

    virtuel et le monde rel est pertinente une poque o le droit dauteur semble attaqu de

    27 M. Vivant et J.-M. Bruguire, Le droit dauteur, Dalloz, 2009, n 594. 28 Voir sur ce dbat : F. Sardain, Le public, le consommateur et les mesures techniques de protection des uvres, CCE, 2004, tude 12 et V.-L. Bnabou, De lefficacit de lexception en elle mme et sa confrontation aux mesures techniques, Prop. Int., 2007.423. 29 Cass. civ., 1e, 28 fvrier 2006, JCP, 2006.10086, note A. Lucas ; RIDA, 2006, 209, p. 323, note A. Krver ; CCE, 2006. comm. 56, obs. Ch. Caron et RTDcom, 2006.370 note Ph. Pollaud-Dulian et 400 note Ph. Gaudrat ; D. D. 2006.2997, note P. Sirinelli et Legipresse, 2006, n 231 III 71, note V.-L. Benabou 30 Cons. Const., 27 juillet 2006, D, 2006.2157, obs. C. Castets-Renard et PI, 2006.240, obs. V.-L. Benabou. 31 C. Zolynski, Le test en trois tapes, renouvellement des pouvoirs des juges ? Lgicom 2007/6, p. 107.

  • toutes parts. Cest en montrant un visage modeste et lgitime 32 que le droit dauteur sera compris et donc respect et Portalis de noter quau lieu de changer les lois, il est presque toujours plus utile de prsenter aux citoyens de nouveaux motifs de les aimer33.

    32 M. Buydens, Lintrt gnral une notion protiforme, in Lintrt gnral et laccs linformation technologique, Bruylant 2008, p. 49 citant M. Vivant. 33 Portalis, Discours prliminaire, in Naissance du Code civil, Flammarion 2004, p. 39