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Doul. et Analg. 3, 123-136, 1990 L'anesthdsiologiste face & I'abord diagnostique du patient douloureux chronique J.-C. Devoghel Centre de la Douleur, Service d'Anesth~siologie (Prof. M Lamy), CHU, Sart-Tilman, Liege, Belgique Re~u le 02.02.91, accept# le 13.02.91 R6sum6 L'anesth#siologiste est confront~ chaque jour au probldme de la douleur aigu& II possede des atouts consid#ra- bles pour mener ~ bien te traitement de la doufeur chronique: connaissance th~orique et pratique de I'utilisation des analg~si- ques majeurs, des techniques d' anesth6sies Ioco-r6gionales et de leurs effets secondaires, ainsi que des manoeuvres de r6anima- tion pour y rem6dier, situation interdisciplinaire au sein de la plu- part des hSpitaux. L 'anesth6siologiste qui envisage de consacrer une partie ou la totalit6 de son activit6 professionnelle ~ la douleur chronique, dolt cependant ~tre conscient d'exigences particufid- res. L'abord du diagnostic est un des ~l#ments lui demandant le plus d'investissements. L'anamn~se soigneuse, I'~valuation quantitative et qualitative de la douleur, la prise en consid6ration syst#matique de la dimension comportementale sont des pr~re- quis indispensables. L '6tude de la r6gion douloureuse, I'examen syst~matique du patient, I'~valuation de la consommation m6dica- menteuse habituelle compldtent la visite initiafe. La r6atisation de blocs diagnostiques est un instrument remarquable qui permet de pr~ciser le m6canisme d'un certain nombre de syndromes dou- Ioureux et est certainement sous-utilis#. Summary The anaesthesiologist has to manage each day some patients with acute pain. He is also especially well pre- pared to the management of chronic pain: a theoretical and practi- cal knowledge of the use of major analgesic drugs, Iocoregional anaesthesia and their side-effects, as well as the resuscitation technics to fight against them, interdisciplinary site in most hospi- tals. The anaesthesiologist who intends to devote his work-time partly or fully to chronic pain, must nevertheless be conscious of special needs. The diagnosis is, among others, an essential step, which asks him a maximal investment. A careful anamnesis, a quantitative as well as qualitative assessment of pain and of its beha vioural consequences are some indispensable prerequisites. The study of the painful site, the systematic examination of the patient, the amount of drugs usually consumed complete the initial interview. Diagnostic blocks, often underused, may be remarka- ble tools for determining some pain syndromes. Key-words: Anaesthesiologist,diagnosis, chronic pain, diagnostic blockades. 1. Introduction 1.1. La douleur est aussi vieille que I'humanit~ et tout porte & croire qu'elle est le fait de toute vie consciente. Le premier m6decin fut sans doute le premier malade qui a tent6 de porter remade a sa propre souffrance. Aujourd'hui encore, la douleur est la motivation principale pour laquelle un patient consulte son m~decin. On peut des Iors se demander pourquoi des services sp6cialises dans I'evalua- tion, 1'6tude et le traitement de la douleur voient le jour depuis environ vingt ans et connaissent un succes grandis- sant. 1.2. Parmi les multiples motivations proposees, la plus importante est certainement la prise de conscience d'une difference fondamentale entre la douleur aigue et la douleur chronique. La douleur aigue est la douleur-signal, avertissant d'une 16sion r6elle ou potentielle de I'organisme et permettant de I'~viter ou d'y porter remede. Cette douleur fait partie de I'ensemble des moyens assurant I'homeostasie de I'indi- vidu. Elle est bien utile. II suffit, pour s'en rendre compte, Correspondance: Dr J.-C. Devoghel, Centre de la Douleur, CHU, Sart- Tilman, B-4000Liege. de voir les 16sionstraumatiques pr6sent6es par des patients souffrant d'analg6sie acquise ou cong6nitale. Elle devient bien s0r inutile une fois son rSle de signal d'alarme rempli. Elle peut alors ~tre contrSl~e assez facilement par les moyens th6rapeutiques dont nous disposons actuellement. C'est & ce type de douleur que I'anesthesiologiste est le plus fr6quemment confront& La douleur chronique est la douleur-maladie. Elle ne repond pas & une fonction de conservation. Elle evolue pour son propre compte et devient une maladie en sol. Elle peut trouver sa cause darts une lesion d'organe dont on ne peut contrSler 1'6volution (exemple: les douleurs canc6reuses par compression ou envahissement de structures voisines) ou encore dans une atteinte directe du systeme nerveux central ou peripherique (exemples: douleurs thalamiques, douleurs post-zost6riennes). Ses consequences sont non seulement physiques, mais psychologiques et sociales. 2. L'anesth6siologiste face ~ la douleur chronique 2.1. L'anesth6siologiste est confront6 quotidiennement au probleme de la douleur aigu& Initialement limitee au bloc 123

L'anesthésiologiste face à l'abord diagnostique du patient douloureux chronique

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Doul. et Analg. 3, 123-136, 1990

L'anesthdsiologiste face & I'abord diagnostique du patient douloureux chronique

J.-C. Devoghel Centre de la Douleur, Service d'Anesth~siologie (Prof. M Lamy), CHU, Sart-Tilman, Liege, Belgique

Re~u le 02.02.91, accept# le 13.02.91

R6sum6 L'anesth#siologiste est confront~ chaque jour au probldme de la douleur aigu& II possede des atouts consid#ra- bles pour mener ~ bien te traitement de la doufeur chronique: connaissance th~orique et pratique de I'utilisation des analg~si- ques majeurs, des techniques d' anesth6sies Ioco-r6gionales et de leurs effets secondaires, ainsi que des manoeuvres de r6anima- tion pour y rem6dier, situation interdisciplinaire au sein de la plu- part des hSpitaux. L 'anesth6siologiste qui envisage de consacrer une partie ou la totalit6 de son activit6 professionnelle ~ la douleur chronique, dolt cependant ~tre conscient d'exigences particufid- res. L'abord du diagnostic est un des ~l#ments lui demandant le plus d'investissements. L'anamn~se soigneuse, I'~valuation quantitative et qualitative de la douleur, la prise en consid6ration syst#matique de la dimension comportementale sont des pr~re- quis indispensables. L '6tude de la r6gion douloureuse, I' examen syst~matique du patient, I'~valuation de la consommation m6dica- menteuse habituelle compldtent la visite initiafe. La r6atisation de blocs diagnostiques est un instrument remarquable qui permet de pr~ciser le m6canisme d'un certain nombre de syndromes dou- Ioureux et est certainement sous-utilis#.

Summary The anaesthesiologist has to manage each day some patients with acute pain. He is also especially well pre- pared to the management of chronic pain: a theoretical and practi- cal knowledge of the use of major analgesic drugs, Iocoregional anaesthesia and their side-effects, as well as the resuscitation technics to fight against them, interdisciplinary site in most hospi- tals. The anaesthesiologist who intends to devote his work-time partly or fully to chronic pain, must nevertheless be conscious of special needs. The diagnosis is, among others, an essential step, which asks him a maximal investment. A careful anamnesis, a quantitative as well as qualitative assessment of pain and of its beha vioural consequences are some indispensable prerequisites. The study of the painful site, the systematic examination of the patient, the amount of drugs usually consumed complete the initial interview. Diagnostic blocks, often underused, may be remarka- ble tools for determining some pain syndromes.

Key-words: Anaesthesiologist, diagnosis, chronic pain, diagnostic blockades.

1. Introduction

1.1. La douleur est aussi vieille que I'humanit~ et tout porte & croire qu'elle est le fait de toute vie consciente. Le premier m6decin fut sans doute le premier malade qui a tent6 de porter remade a sa propre souffrance. Aujourd'hui encore, la douleur est la motivation principale pour laquelle un patient consulte son m~decin. On peut des Iors se demander pourquoi des services sp6cialises dans I'evalua- tion, 1'6tude et le traitement de la douleur voient le jour depuis environ vingt ans et connaissent un succes grandis- sant.

1.2. Parmi les multiples motivations proposees, la plus importante est certainement la prise de conscience d'une difference fondamentale entre la douleur aigue et la douleur chronique.

La douleur aigue est la douleur-signal, avertissant d'une 16sion r6elle ou potentielle de I'organisme et permettant de I'~viter ou d'y porter remede. Cette douleur fait partie de I'ensemble des moyens assurant I'homeostasie de I'indi- vidu. Elle est bien utile. II suffit, pour s'en rendre compte,

Correspondance: Dr J.-C. Devoghel, Centre de la Douleur, CHU, Sart- Tilman, B-4000 Liege.

de voir les 16sions traumatiques pr6sent6es par des patients souffrant d'analg6sie acquise ou cong6nitale. Elle devient bien s0r inutile une fois son rSle de signal d'alarme rempli. Elle peut alors ~tre contrSl~e assez facilement par les moyens th6rapeutiques dont nous disposons actuellement. C'est & ce type de douleur que I'anesthesiologiste est le plus fr6quemment confront&

La douleur chronique est la douleur-maladie. Elle ne repond pas & une fonction de conservation. Elle evolue pour son propre compte et devient une maladie en sol. Elle peut trouver sa cause darts une lesion d'organe dont on ne peut contrSler 1'6volution (exemple: les douleurs canc6reuses par compression ou envahissement de structures voisines) ou encore dans une atteinte directe du systeme nerveux central ou peripherique (exemples: douleurs thalamiques, douleurs post-zost6riennes).

Ses consequences sont non seulement physiques, mais psychologiques et sociales.

2. L'anesth6siologiste face ~ la douleur chronique

2.1. L'anesth6siologiste est confront6 quotidiennement au probleme de la douleur aigu& Initialement limitee au bloc

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operatoire, son activite s'est tres largement diversifiee. Par I'intermediaire des soins post-operatoires, il a ete amene prendre une part souvent capitale dans les unites de reani- mation et de soins intensifs. Par ses connaissances en anes- thesie loco-regionale, sa presence en salle de travail obstetri- cal est de plus en plus appreciee. Par son entrafnement aux manoeuvres de reanimation et son sens aigu de I'interven- tion immediate, il s'est assure un r61e dans I'organisation et le fonctionnement des services d'urgence et de la medecine de catastrophes.

Dans toutes ces t&ches, I'anesthesiologiste cetoie la dou- leur et dolt la traiter. II utilise quotidiennement, souvent par vole intraveineuse, les analgesiques majeurs et leurs antido- tes. II pratique diverses anesthesies Ioco-regionales et con- na~, non seulement de fagon theorique, les effets secondai- res qu'elles peuvent entrafner, mais aussi de fagon pratique, le traitement immediat de leurs complications.

II est, enfin, souvent rode & occuper au sein des cliniques et des hepitaux une position cle de plaque tournante entre les differents services medicaux et chirurgicaux, ce qui le prepare assez bien & la coordination d'unites de travail pluri- disciplinaires.

2.2. C'est doric tout naturellement qu'un certain nombre d'anesthesiologistes se sont tournes vers les problemes de douleur chronique. Des ,,Pain Clinics,> ou consultations de la douleur se sont ouvertes des 1946 en Australie, au Canada, au Danemark, au Japon et aux Etats-Unis. Mais tres rapide- ment, les medecins qui y travaillaient, en majorite des anes- thesistes, se sont rendu compte de leur echec: ils transpo- saient & la douleur chronique leurs connaissances de la dou- leur aigue; ils pratiquaient donc avant tout les techniques d'infiltrations auxquelles ils etaient rompus, sans prendre en consideration I'ensemble des facteurs physiques, psycholo- giques et sociaux qui justifiaient les plaintes douloureuses du patient.

Bon nombre de ces cliniques ont disparu et le merite revient & John J. Bonica, anesthesiste dans I'Etat de Was- hington, d'insister de fa?on repetee, par des publications fie- quentes depuis 1951, sur I'importance d'aborder les proble- mes du douloureux dans un esprit multidisciplinaire.

2.3. Malgre les atouts considerables dont disposent les anesthesiologistes pour aborder la douleur chronique, ceux qui envisagent d'y consacrer une partie ou la totalite de leur activit6 professionnelle, doivent r tres conscients des exi- gences particulieres de cette fonction nouvelle.

L'abord du diagnostic est sans doute un des elements les plus neufs et leur demandant le maximum d'investisse- ments. En effet, en dehors des consultations pre- anesthesiques, ranesthesiologiste est, moins que d'autres specialistes, habitue au dialogue singulier dans le cadre d'un cabinet de consultation et au contact avec des patients chroniques, qui requierent non pas une intervention d'urgence n'octroyant que quelques secondes de reflexion, mais exigeant au contraire une ecoute Iongue, attentive et patiente. Les anesthesistes dont le centre d'interet profes- sionnel majeur est I'application de techniques, ne s'accom- modent guere de cette situation. Par contre, ceux qui regret- tent quelque peu les contacts humains qu'ils esperaient davantage rencontrer en s'engageant en anesthesiologie, trouvent dans la pratique d'une consultation de la douleur les elements qui leur faisaient defaut et, par l'association & leur connaissance technique d'une reelle empathie, consti- tuent d'excellents algologues.

La douleur chronique n'est pas I'apanage de I'anesthesiolo- giste meme si, fondamentalement, il est parmi ceux qui sont les plus qualifies pour I'aborder avec succes et si, en prati- que, un peu moins d'un tiers des membres de I'lnternational Association for the Study of Pain, forte de 4.000 membres, sont des anesthesistes (International Association for the Study of Pain: Directory of members 1988).

2.4. La douleurchronique, que I'on definit de fagon tout & fait arbitraire comme une douleur durant plus de 3 ou 6 mois, n'est en rien la juxtaposition dans le temps d'une s#rie continue ou discontinue de douleurs aigu#s. Les deux enti- tes sont parfaitement distinctes.

C'est un etat morbide, caracterise par I'existence d'un phenomene douloureux, d'intensite variable, mais retentis- sant toujours sur le comportement psycho-social de I'indi- vidu. Ces consequences, eltes-memes sources de sou# france, sont generalement decrites sous forme de la triade agressivite-anxiete-depression.

2.4.1. L'agressivit6 s'exerce vis-&-vis de I'entourage mais aussi, et parfois surtout, vis-&-vis des medecins et du personnel soignant. Ces patients, depuis plusieurs mois, depuis plusieurs annees, consultent des specialistes divers en quete d'une solution & leur probleme. Tres souvent, ils ont investi de I'energie, de I'argent, du temps et surtout un fol espoir dans cette aventure.

IIs ont rencontre en general des medecins tres compe- tents, chacun dans leur specialite, lesquels ont dresse un rapport detaille de leur examen mais n'ont abouti & aucune solution pratique pour le patient. Pourquoi?

Parce qu'ils n'ont qu'une vue scotomisee sur leur specia- lite et qu'aucun d'entre eux n'a fait la synthese, parfois evi- dente, des resultats epars, faute de competence ou faute de temps.

Si les patients se presentent a un Centre de la Douleur, c'est qu'ils n'ont pas retire un soulagement de leurs multi- ples demarches. Leur introduction est souvent d'ailleurs la suivante: ,,Docteur, vous etes mon dernier espoir>>, ce qui traduit bien la Iongue peregrination qui precede mais consti- tue pour I'algologue une tres Iourde charge. C'est pourtant un des reles du specialiste de la douleur d'exercer une reac- tion d'arr#t dans cette fuite eperdue, dans ce shopping medical desespere et d'accepter, au moins dans un premier temps, que s'exprime librement une certaine agressivite bien comprehensible, qui ne cedera qu'avec I'installation de la confiance.

2.4.2. L'anxi~t# se manifeste classiquement, en relation avec la douleur aigu& Elle accompagne neanmoins et aggrave I'evolution de la douleur chronique. Elle s'explique aisement par I'incertitude quant & I'avenir que nourrit le patient douloureux: avenir personnel, conjugal, familial, pro- fessionnel, social, financier.

Ace stade, il ne s'agit encore que de craintes non confir- mees et il persiste un espoir de recuperation integrale. Si les previsions pessimistes se confirment, si petit & petit les espoirs s'envolent, s~ le handicap s'installe, I'anxiete peut fa~re place & la depression.

2.4.3. La d~pression est classiquement Nee 9. la douleur chronique. Elle peut etre, nous venons de le voir, la reaction ,,normale,> & une douleur persistante, envahissante, qui finit par investir toute la personnalite du sujet qui souffle.

La relation d#pression-douleur est cependant complexe. Elle fait I'objet de nombreuses etudes (7, 12, 17, 18).

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En pratique, la question que I'on se pose est la suivante: ,,Ce patient est-il depressif secondairement & sa douleur chronique ou la douleur n'est-elle que I'expression d'un etat depressif preexistant, voire un facteur d'accompagnement d'une pathologie psychiatrique plus severe?>,

La reponse & cette question fondamentale n'est pas evi- dente. Elle I'est d'autant moins que le medecin, le malade et son entourage ont une propension naturelle & n'envisager que I'aspect somatique de la douleur. Cette attitude, qui en definitive est un obstacle A une approche efficace du patient douloureux chronique, s'explique par des facteurs multiples qui peuvent former une veritable coalition allant & rencontre des interets profonds du patient.

Le m~decin souffre de sa formation specialisee, lui don- nant une vue <,tunnellaire>> des problemes. II lui est d'habi- tude plus facile d'accepter I'explication somatique du patient que d'entreprendre une Iongue anamnese, faisant appel des aspects auxquels sa formation ne ra gu6re habitue.

Le malade accepte plus facilement lui aussi de parler de son arthrose cervicale, meme si elle n'est pas du tout expli- cative de ses cephalees, que d'une tension nerveuse susci- the par un conflit dans sa vie conjugale ou par une mal- adaptation sociale.

L'entourage du patient, famille, amis, sont prets & temoi- gner de la souffrance du patient, A le soutenir dans sa recherche d'une solution & ses douleurs insupportables et, inconsciemment, & renforcer ainsi le comportement <,mala- die,, de teur proche.

C'est & contre-courant de toutes ces propensions natu- relies que le medecin doit aller.

3. L 'anamn6se

3.1. Le diagnostic d'un etat douloureux chronique et des causes qui I'ont provoque et I'entretiennent repose, dans une tres large mesure, sur une anamnese fouillee. A elle seule, elle permet de poser avec une quasi-certitude un certain hombre de diagnostics. Dans tousles cas, elle y apporte une contribution essentielle. Lorsque le probleme est complexe, en particulier Iorsque le patient a dej~. recouru & de nombreuses interventions medicales, la premiere visite peut simplement etre une entrevue d'orientation, rendant au patient dans les meilleures conditions une confiance souvent perdue, permettant au medecin d'ecouter ses plaintes avec attention et de se faire une premiere idee & partir d'un dos- sier generalement volumineux de ce qui a ete pratique jusqu'alors.

Suivant les patients, les informations viennent dans I'ordre ou dans le desordre, avec des termes precis, un lan- gage clair, plus souvent, helas, & travers un vocabulaire pau- vre, peu objectif, fortement teinte d'emotion.

La presence, Iors de I'entrevue, du conjoint ou d'une autre personne originaire du meme milieu de vie peut etre extremement interessante. Une version parfaitement con- forme aux dires du patient peut etre livree par cette per- sonne, ou, au contraire, une version quelque peu differente, creant parfois une reaction du malade et mettant a jour un conflit latent. La presence du pere ou de la mere d'adultes n'est pas recommandee car, dans la plupart des cas, la rela- tion au patient ne se fait pas sur un pied d'egalite. Par contre, la presence d'un enfant devenu adulte, accompagnant son pere ou sa mere, peut etre d'un apport substantiel tant pour I'anamnese que pour I'instauration du traitement.

3.2. Cette prise de contact apporte, le plus souvent dans le desordre, une serie d'informations dont il conviendra

de faire un tri soigneux en fonction de I'importance reelle qu'elles ont dans le probleme douloureux que nous soumet le patient.

Une anamn#se plus syst6matique peut alors etre entre- prise. II est bon de disposer d'un questionnaire ecrit qui, sui- vant les cas, peut etre rempli par le patient avant son entre- vue avec le medecin ou, solution qui a notre pref6rence, au cours de cette entrevue. II peut s'inspirer du Mc Gill Compre- hensive Pain Questionnaire Interviewer Guide (14) qui nous paraff couvrir assez largement I'ensemble des problemes mais doit etre adapte aux besoins propres & chaque Centre de la Douleur.

De toute fa?on, un certain nombre d'elements sont indis- pensables & une comprehension globale du patient doulou- reux (Tableau I).

Tableau I: Anamnese d'une douleur chronique.

1. Histoire de la douleur

2, Description de la douleur a) Localisation b) Evaluation La dimension intensit6

- - Echelle verbale simple - - Echelle num6rique - - Echelle visuelle analogique

La dimension qualite - - McGill Pain Questionnaire (MPQ) - - Questionnaire Douleur Saint-Antoine

(QDSA)

La dimension comportementale - - Questionnaire de Personnalite - - Questionnaire d'Anxi~t(~ - - Questionnaire de Depression

3. R6percussions comportementales de la douleur sur a) Le travail b) Les Ioisirs c) Le sommeil d) La vie sexuelle e) Le comportement en famille f) Les habitudes alimentaires g) L'humeur en general

4. Attitude du patient vis-a-vis de sa propre doaleur

5. Evolution de la douleur au cours de Is journ6e

6. Facteurs modiflant la douleur

7. Traiternents de la douleur d6j~ entrepris

8. Anamn6se, hormis Is douleur

3.2.1. L'histoire de la douleur. Quand a-t-elle com- mence? Son installation a-t-elle ete brutale ou progressive? Est-elle liee dans le temps & un evenement particulier: acci- dent de travail, de roulage, a la maison, intervention chirur- gicale, maladie, changement dans la vie sociale, profession- nelle, familiale, conjugale? Les caracteres de la douleur sont-ils restes constants ou ont-ils evolue depuis son installa- tion? Y a-t-il ou non des periodes de totale r6mission? Quand et & quoi les attribuer?

3.2.2. La description de la douleur. La description de la douleur est probablement 1'616ment le plus difficile & faire preciser, car elle fait appel au langage et ce langage est indi- viduel, sa richesse extremement variable, non seulement en fonction de la culture du patient mais aussi de sa faculte d'expliciter ce qui n'est pas une simple sensation, mais une <,experience sensorielle et emotionnelle>> (9), avec tout ce que cela suppose de subjectif.

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A) Une premiere notion est la Iocalisation de la douleur. Le recours & un schema corporel permettant de visuali- ser toutes les regions du corps est fort utile (figure 1). Le patient peut preciser la place oC~ la douleur est maximale, le trajet des irradiations douloureuses, si la douleur est pergue comme superficielle ou profonde, tres Iocalisee ou diffuse, si elle s'accompagne de zones d'hyperesthe- sie, d'hypoesthesie ou de dysesthesie, s'il existe une zone g&chette dont le toucher engendre la douleur. L'ensemble de ces renseignements peut, gr&ce & des signes conventionnels, etre rassemble par le patient ou par le medecin sur le schema corporel.

B) L'(~valuation de la douleur

La mesure de la douleur reste un des grands defis aux- quels les cliniciens, autant que les chercheurs, n'ont pas trouve de solution parfaitement valable. Une appreciation correcte, tant quantitative que qualitative, de la douleur est cependant une etape indispensable & I'etablissement d'une therapeutique adaptee.

representer I'experience douloureuse. On peut I'utiliser pour d'autres experiences: echelle d'anxiete, de depression, de bien-r etc,

f

LA DIMENSION INTENSITE

Jusqu'il y a peu, les procedes de mesure ont considere la douleur comme si elle etait une qualit~ sensorielle specifi- que, ne variant qu'en intensit& Les methodes habituelle- ment utilisees pour apprecier et tenter de quantifier la dou- leur clinique sont I'echelle verbale simple, I'echelle numeri- que et I'echelle visuelle analogique.

1. Echelle verbale simple:

Une des echelles les plus couramment utilisees est I'echelle verbale simple en 5 categories (Keele K.D. 1948, <<The Pain Chart,,, Lancet, 2, 6-8) (10).

O = douleur absente 1 = douleur faible 2 = douleur moderee 3 = douleur intense 4 = douleur extrCmement intense

Cette echelle presente I'avantage de la simplicite de comprehension. Par contre, elle manque de sensibilite: d'une part, certains echelons sont plus utilis~s que d'autres (moderee, intense) donnant naissance & un phenom#ne d'agglutination, d'autre part on presuppose que les interval- les entre les categories sont equivalents, ce qui n'est nulle- ment demontr&

Neanmoins, ce type de methodologie constitue encore la base de nombreux essais cliniques de substances antalgi- ques.

2. Echelle num~rique:

On demande au patient d'exprimer, soit par ecrit, soit oralement, sa douleur par une note comprise entre 0 et 100. C'est une notion & laquelle le patient est assez familiaris& On peut aussi demander en pourcentage I'appreciation du sou- lagement par une therapeutique donnee: ,,Je m'estime sou- lage & 60% ,,. C'est une approche peu precise, mais globale, facile & comprendre et comparable dans le temps.

3. Echelle visuelle analogique:

(Huskisson E.C.C., 1974, <,Measurement of Pain,,, Lan- cet, 2, 1127-1131) (8). L'echelle visuelle analogique est une ligne droite dont la Iongueur (100 mm) est consideree

Figure 1 Schema corporel.

pas de douleur douleur maximale

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Figure 2.

On demande au patient, aprr une explication standar- dis~e, de placer un trait sur cette ligne en un point corres- pondant & la gravite de sa douleur, une extremite etant mar- quee ,,Pas de douleur,,, I'autre portant I'indication ,,Douleur maximum>, (figure 2).

La mesure est sensible et reproductible dans le temps. Elle permet des evaluations repetees dans des delais courts et la comparaison entre des groupes de patients douloureux differents.

Elle est relativement simple, bien que necessitant un minimum de capacites motrices et de facultes d'abstraction qui seraient absentes selon les auteurs chez 7% & 27% des patients (Huskisson E.C.C., ,,Measurement of Pain>,, Lancet, 1974, 2, 1127-1131), (Walsh T.D., ,,Letter to the editor>,, Pain 19, 1984, 96-97) (8, 24). Ici aussi on peut observer des phe- nomCnes d'agglutination, soit aux extremites de la ligne, soit au voisinage de son point median.

Un certain nombre de presentations sous forme de reglette peut faciliter la t&che du clinicien et du patient dont les facultes d'ecriture sont limitees.

LA DIMENSION QUALITI ~

L'evaluation des dimensions qualitatives de la douleur fait, plus que tout autre, appel au langage, & sa transcription pratique et & ses methodes d'appreciation que sont notam- ment les questionnaires. Une premiere evaluation de la dou- leur par questionnaire de qualificatifs a ete proposee en 1975 par Melzack R. (13) (<,The Mc Gill Pain Questionnaire: major properties and scoring methods,>, Pain 1, 1975, 277-299): elle constitue une approche du langage de la dou- leur, & laquelle la plupart des travaux anglo-saxons se refe- rent actuellement, sous le vocable de Mc Gill Pain Question- naire (MPQ).

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Celui-ci est descriptif de qualites sensorielles et affectives et donne egalement une evaluation de I'intensit~ subjective g~nerale de I'exp~rience douloureuse vecue par le patient.

Le gros handicap de ce questionnaire est qu'il ne peut ~,tre traduit tel quel et que, des Iors, le travail de selection et de classement des qualificatifs doit ~tre recommence dans chaque langue et faire I'objet d'une etude sp~cifique de vali- dation.

C'est ce qu'a realise, pour la langue fran(~aise, F. Bou- reau dans le Questionnaire Douleur Saint Antoine (QDSA) (figure 3) qui permet en plus au patient de ponderer son choix d'un qualificatif donne par une note de 0 ~. 4 en fonc- tion de I'importance qu'il lui attribue.

Ce questionnaire QDSA permet donc pour la premiere fois une ~valuation qualitative et quantitative des douloureux francophones (5).

a) battements [ ] pulsations [ ] 61ancements [ ] en eclairs [ ] d~charges

~lectriques [ ] coups de

marteau [ ]

b) rayonnante [ ] irradiante [ ]

c) piq0re [ ] coupure [ ] p~netrante [ ] transper(~ante [ ] coups de

poignard [ ]

d) pincement [ ] serrement [ ] compression [ ] 6crasement [ ] en (~tau [ ] broiement [ ]

e) tiraillement [ ] ~tirement [ ] distension [ ] dechirure [ ] arrachement [ ]

1<) chaleur [ ] br01ure [ ]

g) froid [ ] glace [ ]

h) picotements [ ] fourmil-

iements [ ] d~man-

geaisons [ ]

i) engour- dissement [ ]

Iourdeur [ ] sourde [ ]

j) fatigante [ ] epuisante [ ] ~reintante [ ]

Figure 3: Questionnaire Douleur Saint-Antoine

Vous trouverez ci-dessus une I~ste de personnes pour definir une douleur.

k) nauseeuse [ ] suffocante [ ] syncopale [ ]

I) inquietante [ ] oppressante [ ] angoissante [ ]

m) harcelante [ ] obsedante [ ] cruelle [] torturante [ ] suppliciante [ ]

n) genante [] desagr~able [ ] penible [ ] insupportable [ ]

o) enervante [ ] exasp~rante [ ] horripilante [ ]

p) deprimante [ ] suicidaire [ ]

~l'apres F. Boureau) [5])

mots utilises par certaines

Afin de pr~ciser la douleur que vous ressentez en g~n~ral, don- nez une note & chaque mot selon le code suivant'

0 absent Pas du tout 1 faible un peu 2 mod~r6 moyennement 3 fort beaucoup 4 extr~.mement fort extr~mement

Pour chaque classe de mots, entourez le mot le plus exact pour decrire votre douleur.

tement du patient Iors de la consultation et de I'examen physique, ou encore dans le decours d'une hospitalisation.

IIs peuvent egalement utiliser divers questionnaires d'evaluation de la personnalit6 (6) (Inventaire de Personna- lite d' Eysenck, Edition du Centre de Psychologie Appli- quee, Paris, 1970), de I'anxi~t6 (Spielberger C.D., Gorsuch R.L., Lushene R.E. ,,Manual for the state-trait anxiety inven- tory, 1970) (19) et de la depression (2) (Beck A.T., Ward C.H., Mendelson M., Mock J.E., Erbauk J.K. <<An inventory for measuring depression,,, Arch. Gen. Psychiatr., 1961, 4, 561-57).

La pratique des tests n'est 6videmment pas suffisante. Une vaste gamme d'elements du comportement doivent ~,tre recueillies et analys~es.

3.2.3. Repercussions comportementales de la douleur.

La douleur chronique affecte dans une mesure plus ou moins large le travail, les Ioisirs, le sommeil, la vie sexuelle, le comportement en famille, les habitudes alimentaires, I'humeur et I'activit~ en general. L'evaluation de ces reper- cussions permet non seulement d'apprehender mieux I'importance du phenomene douloureux, mais aussi d'envi- sager la totalite du processus dans sa dimension existen- tielle.

Un certain nombre de questions se revelent tres utiles.

A) Le travail

La douleur a-t-elle provoqu6 un changement quantitatif et/ou qualitatif dans votre travail? Avez-vous note une modifi- cation de votre comportement vis-&-vis de vos compagnons de travail et inversement?

A quel &ge avez-vous commence & travailler? Combien de metiers avez-vous pratiques? Quel travail avez-vous accompli en dernier lieu? En etiez-vous satisfait?

Si vous n'aviez pas de probleme douloureux, voudriez- vous reprendre le meme travail? Quel travail aimeriez-vous reellement faire? Quelles sont les exigences physiques de votre travail actuel? Vos rentrees financieres vous parais- sent-elles suffisantes actuellement? Vous estimez-vous hon- n~tement retribue ou victime d'une injustice? Dependez- vous d'un ou de plusieurs organismes de paiement? Y a-t-il un conflit, une procedure legale en cours?

B) Les Ioisirs

Y a-t-il des passe-temps, sports, activites recr~atives ou sociales que vous ne pratiquez plus & cause de votre dou- leur? Comment occupez-vous vos Ioisirs? Certaines de vos activites actuelles sont-elles susceptibles de distraire votre esprit de votre probleme douloureux?

Y a-t-il des activites nouvelles que vous avez entreprises apres que se soit installee votre douleur?

LA DIMENSION COMPORTEMENTALE

A cSte de I'auto-evaluation par le patient de sa propre experience douloureuse, le medecin et le psychologue peu- vent evaluer le comportement de ce patient. IIs disposent pour cela du colloque singulier, de I'observation du compor-

C) Le sommeil

Quand allez-vous habituellement au lit le soir? Apres combien de temps vous endormez-vous? Eprouvez-vous des difficultes & vous endormir? Dans quelle position dormez-vous habituellement? Vous reveillez-vous la nuit? Reveillez-vous votre conjoint, votre entourage? Si oui, quelle est leur attitude & votre egard?

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Page 6: L'anesthésiologiste face à l'abord diagnostique du patient douloureux chronique

Prenez-vous des medicaments? A quelle heure vous reveillez-vous, vous levez-vous le matin? Vous sentez-vous plus en forme le matin que le soir? Le deroulement de votre sommeil a-t-il 6te modifie par votre douleur?

D) La vie sexuelle

A quel rythme aviez-vous des relations sexuelles avant que s'installe votre etat douloureux? Et maintenant?

Votre douleur interfere-t-elle avec les relations sexuelles?

E) Le comportement en famille

Les membres de votre famille s'abstiennent-ils d'un cer- tain nombre de choses qu'ils faisaient avant I'etablissement de votre douleur? Si vous n'aviez plus mal, y aurait-il des modifications dans votre vie de famille? Que font les mem- bres de votre famille Iorsqu'ils se rendent compte que vous avez mal? Vous encouragent-ils Iorsque vous tentez de reali- ser quelque chose de constructif dans votre vie?

F) Les habitudes alimentaires et autres

Quel est votre appetit? S'est-il modifie? Avez-vous change de poids? Avez-vous suivi un regime?

Fumez-vous? Combien? Buvez-vous du caf& du the, du coca-cola? Buvez-vous

de I'alcool? Quel type de boisson alcoolisee? Combien en buvez-vous par jour? Buvez-vous de I'alcool pour soulager la douleur? Pour vous relaxer? Pour etre plus sociable? Pour dormir? Avez-vous des problemes (physiques, legaux, psychologiques, sociaux) & cause de la consommation d'alcool?

3.2.5. Evolution de la douleur au cours de la joum#e

Votre douleur est-elle presente au reveil? Au lever? Comment se modifie-t-elle au cours de la journee? Combien d'heures par jour avez-vous mal? N'avez-vous

pas mal?

3.2.6. Facteurs modifiant la douleur

De nombreux facteurs peuvent soit aggraver, soit atte- nuer la douleur: ils constituent de precieux enseignements.

Par exemple, une Iombalgie est-elle maximum en posi- tion couchee, assise, debout, & la marche, Iors de gestes precis? Ou encore une cephalee est-elle aggravee par la lumiere vive, le bruit, la consommation d'une petite quantite d'alcool, la chaleur, le froid, I'exercice, le sommeil?

Certaines situations sociales modifient-elles la douleur: la colere, la fatigue, la tristesse, le depit, la vie en commun, la vie isolee?

3.2.7. Traitements de la douleur d6ja entrepris

Etant donne que le patient douloureux chronique n'a generalement recours & un Centre de Traitement de la Dou- leur qu'apres de multiples experiences aupres de profes- sionnels de la medecine, de paramedicaux, de m6decines dites paralleles, d'infirmiers, de travailleurs sociaux, de ministres de cultes religieux, il est opportun de faire preciser tousles traitements qui ont ete instau reset leur succes transi- toire ou leur echec.

II est egalement tres utile de savoir si quelqu'un a sug- gere ou affirme que la douleur etait iatrogene et si quelqu'un a declare ou agi comme si le patient faisait semblant d'avoir mal.

G) L'humeur en gdn6ral

Votre humeur s'est-elle modifiee depuis que la douleur a commence?

Dans quel sens? Comment reagissez-vous habituelle- ment a la maladie? Vous sentez-vous malheureux la plupart du temps?

Vous sentez-vous mieux le matin, ou le soir? Avez-vous des crises de larmes? Considerez-vous la vie comme ne meritant pas d'etre

vecue? Avez-vous dej& pense au suicide? Vous sentez-vous irritable, colerique, anxieux?

3.2.4. L'attitude du patient vis-a-vis de sa propre douleur

Quelle est votre opinion profonde quant & la cause de vos douleurs? Comment votre douleur vous a-t-elle ete expli- quee jusqu'& present? Acceptez-vous ces explications? Y a- t-il des situations dans lesquelles vous pensez plus facile- ment& votre probleme douloureux? Y a-t-il des gens avec lesquels vous en discutez?

Une foi religieuse ou une philosophie vous aident-elles & faire face & votre probleme douloureux? De quelle fas

Avez-vous des ,,petits moyens,, qui vous aident & faire face & votre souffrance?

3.2.8. L'anamn~se, hormis la douleur

Une fois bien pr6cis6s tousles 616ments ayant trait & la douleur elle-meme, une anamnese syst6matique, plus clas- sique, ne dolt jamais etre omise.

On fera pr6ciser les antecedents somatiques et psychi- ques d'affections ayant touch6 le patient et ses proches. On notera les affections actuellement trait6es, ind6pendantes du probleme douloureux, les diverses th6rapeutiques actuellement en cours, leurs r6sultats et leurs 6ventuels effets secondaires. II n'est pas rare, en effet, qu'un patient suive, & votre insu, plusieurs traitements simultan6s en rap- port ou non avec son probleme douloureux.

On relevera enfin tres soigneusement tousles signes d' accompagnement de la douleur.

Une hemi-facialgie evoluant par periodes, separees par des espaces de remission totale, et s'accompagnant du meme cSte de larmoiement, d'injection conjonctivale, de fer- meture de la fente palpebrale, d'une sensation de narine bouchee et d'un ecoulement narinaire clair est pratiquement symptomatique d'une ,,facialgie en grappes,, ou ,,cluster headache,,.

IV. L 'examen clinique

4.1. Certaines descriptions par le patient suffisent pour poser un diagnostic de quasi-certitude. Cec~ ne dispense

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Page 7: L'anesthésiologiste face à l'abord diagnostique du patient douloureux chronique

evidemment pas d'un examen clinique soigneux qui obli- gera parfois & reviser I'impression fournie par une bonne anamnese et & poursuivre les investigations.

II n'entre pas dans mes intentions de detailler I'examen physique du patient douloureux mais de souligner unique- ment quelques points qui sont souvent negliges et qui, pour- tant, sont indispensables pour poser un diagnostic correct qui ne se reduit pas & I'evaluation d'un symptSme, mais requiert I'appreciation, dans sa globalite, du patient en tant que personne souffrante.

4.2. L'examen clinique commence en fait des I'arrivee du patient. Sa presentation, I'expression de son visage, son discours, ses reactions aux questions, sa demarche, ses dif- ficultes eventuelles & se deshabiller apportent quelques ele- ments qui, s'ils ne sont pas determinants, ne doivent jamais etre negliges.

Apres une Iongue anamnese, le patient souhaitera en general que I'on s'occupe enfin de la region du corps qui le fait souffrir. C'est pourquoi I'examen systematique, bien qu'indispensable, peut difficilement etre realise avant I'exa- men de la region douloureuse.

4.3. L'examen de la region douloureuse II est tres utile de faire preciser par le patient la region qui

constitue la source de ses souffrances. En effet, les rensei- gnements fournis jusqu'alors peuvent etre assez diffus, quant & la Iocalisation precise de la douleur, et la meilleure fas d'obtenir cette information est de demander au patient de montrer avec un doigt le point de douleur maximale. Dans certains cas, il en est capable et fournit des Iors un ele- ment de diagnostic precieux. II est important de noter ce point au marqueur sur la peau du patient. Au cours du meme examen, on peut ainsi verifier & plusieurs reprises la precision du repere fourni.

D'autres patients sont incapables de delimiter un point, voire une zone circonscrite qui serait la source de leur dou- leur. Cette incapacite peut etre lice au fait que la douleur a chez eux un caractere veritablement diffus ou encore que, psychologiquement, ils sont incapables de fixer avec preci- sion un point de leur anatomie. Cette derniere occurrence est plus frequente qu'on se I'imagine habituellement et ne me para~ pas liee au niveau intellectuel ou social du patient.

L'inspection de cette zone, une fois determinee, peut fournir & elle seule un certain nombre d'elements: etat de la peau, gonflement local, spasme musculaire, etc.

La palpation de la region douloureuse doit etre faite avec douceur et toujours etre comparee & la palpation d'un point symetrique oppose. En effet, certains patients ne peuvent preciser leur douleur que par comparaison avec un point non douloureux. Cette palpation symetrique doit evidem- ment etre faite exactement de la meme fa(~on.

Des ce moment, on peut, dans certains cas, poser un diagnostic sur base de la Iocalisation, de la projection et du caractere qualitatif de la douleur.

Une douleur apparue dans les suites d'une intervention chirurgicale dans la fosse iliaque droite, prenant generale- ment son depart en dehors de la cicatrice et s'irradiant vers la region genitale du meme cSte et la face interne de la cuisse, parfois Iorsqu'elle est intense vers la region Iombaire haute, si elle s'accompagne d'une palpation douloureuse en dedans de I'epine iliaque antero-superieure, est tres proba- blement liee& une lesion par etirement ou coincement du nerf abdomino-genital.

Pincer la peau entre le pouce et I'index permet parfois de preciser si la douleur trouve son origine en profondeur ou au contraire dans les tissus superficiels. C'est ainsi que, par exemple, la palpation de la region sacro-iliaque, declaree douloureuse par le patient, peut etre consideree comme liee & une lesion de I'articulation elle-meme, & un point de Valleix sciatique ou encore & un petit lipome douloureux, frequent dans le tissu sous-cutane de cette region.

4.4. L'examen neurologique est indispensable et doit etre pratique systematiquement.

L'examen sensoriel est particulierement important. II doit etre precis, realise en parfaite connaissance des trajets ana- tomiques nerveux, il dolt en outre etre transcrit de fas systematique, reproductible et dans une terminologie inter- nationale qui permet une comprehension et une apprecia- tion notamment des resultats obtenus par certaines thera- peutiques. II n'est pas indifferent de parler de paresthesies ou de dysesthesies, d'hyperalgesie, d'hyperpathie ou d'hyperesthesie (9, 15).

Tableau I1: Selon la Commission de Taxinomie du IASP [9, 15]).

Quelques c~flnltlons

AIIodynie: Douleur due & un stimulus non nuisible. Ce neologisme est applique & la situa-

tion o0 des tissus, par ailleurs nor- maux, donnent naissance & une douleur Iors de la stimulation par des moyens non nocifs.

Analg6sie: Absence de douleur & la stimulation nui- sible

Anesth6sie doulou- Douleur dans une zone ou une r6gion reuse: qui est anesth~sique

Causalgie: Syndrome caract~ris~ par une douleur bralante apres lesion traumatique d'un ned, combin6e & une dysfonc- tion vasomotrice et sudorimotfice, et

des modifications trophiques tardi- ves

Douleurcentrale: Douleur associee & une I~sion du syst~me nerveux central

Dysesth6sie: Sensation anormale deplaisante, soit spontanee, soit provoquee.

Formes particuli6res: hyperalg6sie et allodynle

Hyperalg(;.sie: Sensibilit6 accrue & la stimulation no- cive, soit par abaissement du seuil & la stimulation nocive, soit par r~ponse accrue & une stimulation supraliminaire.

Hyperesthr Sensibdite accrue & une stimulation qui doit etre sp6cifiee et Iocalis6e. On a tendance & lui preferer les termes ,,hyperalgesie,, et ,,allodynie,.

Hyperpsthle: Syndrome douloureux, caracterise par une r6ponse & un stimulus (speciale- ment un stimulus r6petitif) qui est dif- f#r#e, exag6r#e (over-reaction) et une sensation qui se maintient apres le stimulus (after-sensation). Elle peut coexister avec hypoesthesie, hyperesth6sie ou dysesth6sie.

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Page 8: L'anesthésiologiste face à l'abord diagnostique du patient douloureux chronique

Tableau I1: Selon la Commission de Taxinomie du IASP [9, 15]) (suite).

Quelques r

Hypoalgesle' Diminution de sensibilit~ & la stimulation nocive

Hypoesthesie: Diminution de sensibilit~ ~ une stimula- tion qu~ dolt #.tre sp#cifiee et Iocali- s~e

Nevralgle: Douleur darts le territoire de distribution d'un ou plusieurs neff(s)

Nevrite: Inflammation d'un ou plusieurs ned(s)

Neuropathle: Modification anatomique ou trouble fonctionnel dans un ou plusieurs nerfs

Nocicepteur: R~cepteur sensible de fa?on pr~f~ren- tielle & un stimulus nocif ou potentiel- lement nocif

Nocif = nuisible Un stimulus nocif est un stimulus qui I~se (noxious): un tissu

Paresthesle: Sensation anormale, spontan~e ou pro- voquee, generalement non deplai- sante

Seuil douloureux' Intensit~ minimale du stimulus ~ laquelle le sujet pergoit une douleur

Seuil de tolerance: Intensit~ maximale du stimulus provo- quant une douleur que le sujet peut tolerer

4.5. Les structures osteo-articulaires et musculaires doi- vent faire egalement I'objet d'une attention toute particulir

La mobilit6 des diverses articulations des membres et de la colonne dolt etre testee librement et contre resistance. La palpation des reliefs articulaires peut aussi etre tres utile & la mise en evidence de douleurs trouvant leur point de depart dans des structures peri-articulaires.

Parmi les affections douloureuses d'origine musculo- squelettique, on trouve des syndromes mal definis, appeles tendomyoses, ou rhumatismes abarticulaires, ou encore fibromyalgie, caracterises par I'existence de structures mus- culaires appelees ,,points g&chettes,, ou ,,trigger points,,, des douleurs a distance stereotypees et d'importants reten- tissements sur la fonction des articulations voisines.

On dolt & J. Travell (22) d'avoir identifi6 Ies points g&chet- tes que I'on retrouve sous forme de petits nodules palpables au sein des muscles selon une disposition generalement reproductible. La palpation de ces nodules est douloureuse, non seulement Iocalement, mais s'accompagne d'une ou plusieurs douleurs reportees caracteristiques de chaque muscle.

Ces structures seraient des points correspondant a des zones du muscle generalement & metabolisme accru mais & circulation reduite.

Au niveau cranio-facial, les points g&chettes se retrou- vent surtout au niveau des muscles masticatoires. Le masse- terse projette au niveau de I'oreille moyenne et interne. Le muscle temporal et le masseter peuvent simuler une affec- tion dentaire entrafnant des avulsions inutiles. Les pterygoT- diens externes donnent des sympt6mes au niveau de I'arti-

culation temporo-maxillaire. Le pterygo'idien interne peut se manifester par une douleur pharyngee profonde.

Au niveau du cou, on retrouve des douleurs projetees vers le cr&ne & partir de la portion sup~rieure du trapeze, du sterno-cleido-mastdidien et en fait & partir de tousles muscles tant posterieurs que lateraux, tant profonds que superficiels.

Au niveau Iombaire, les douleurs musculaires sont sur- tout liees au carre des Iombes. Les muscles fessiers sont source de douleurs sacrees et de pseudo-sciatalgies.

La decouverte des points triggers repose sur 3 6tapes:

1. L'examen fonctionnel de la musculature du patient: les muscles susceptibles & I'examen d'etre impliques dans des deviations, des asymetries ou des limitations de mobilisation sont reperes.

2. Ces muscles sont palpes sous une tension produisant une courte periode d'inconfort, ,~ la recherche d'une bande de tension maximale anormale, avec la pointe du doigt palpant dans une direction perpendiculaire I'ensemble des fibres musculaires.

3. Au sein de la ,,corde musculaire,,, on trouve & la palpa- tion un point g&chette susceptible de reproduire la dou- leur du patient en 5-10 secondes.

5. Diagnostic et consommation mddicamenteuse du douloureux chronique 5.1. Si la consommation medicamenteuse d'antalgi-

ques, d'anxiolytiques, d'antidepressifs et d'hypnotiques peut constituer un 616ment d'appoint dans I'approche com- portementale des patients douloureux chroniques, elle peut representer 6galement une considerable entrave pour preci- ser un diagnostic.

II est donc imperieux de determiner dans I'anamnese les types de drogues consommees et leurs quantites, non pas de fagon approximative mais en entrant dans le detail de cette consommation:

- - prise occasionnelle, uniquement limitee aux phases de crises douloureuses, qui peut neanmoins etre une sur- consommation (par exemple, 12 mg de tartrate d'ergota- mine en suppositoire, par 24 heures);

- - prise habituelle, quotidienne, d'antalgiques, & titre pre- ventif de la douleur (par exemple, 2 comprimes d'une association antalgique, au lever chaque jour, meme en dehors de phenomenes douloureux);

- - consommation excessive en quantite absolue d'antalgi- ques par rapport & ?estimation de I'intensit6 doutoureuse.

C'est ce dernier qui est le plus difficile & evaluer, en parti- culler Iorsqu'il s'agit d'antalgiques majeurs, de type morphi- nique.

5.2. Idealement, le diagnostic devrait etre pose en dehors de la prise de route medication antalgique systemi- que (3)

II me para~ neanmoins necessaire de distinguer, & ce point de vue, les patients qui ont une esperance de vie limi- tee, de ceux dont I'affection douloureuse ne modifie en rien le pronostic vital.

Si nous sommes en effet autorises & realiser chez ces derniers un sevrage contr61e de leurs antalgiques, la sup- pression des analgesiques chez le patient cancereux par

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Page 9: L'anesthésiologiste face à l'abord diagnostique du patient douloureux chronique

exemple est inacceptable, meme pour affiner un diagnostic qui n'apportera un avantage qu'& notre connaissance intel- lectuelle de son etat mais n'en modifiera nile pronostic, ni la qualite.

5.3. II me semble utile de rappeler a ce propos la signifi- cation exacte des mots qui font le plus souvent surface & pro- pos de discussions sur I'utilisation medicale des morphini- ques chez les cancereux: tolerance, dependance, sevrage, toxicomanie (Tableau III).

Tableau III.

D~flnltlons

Tol6rance:

D6pendence physique:

Toxlcomenie:

Developpement d'une resistance aux effets analgesiques et autres d'une drogue

Developpement d'un syndrome d'abstinence au retrait brutal d'une drogue

Type de comportement anormal, fait de dependance psychologique, d'une recherche de la drogue par tous les moyens

psychologique et la toxicomanie ne se d6veloppent que tres rarement chez des cancereux traites.

Deux situations peuvent paraffre en contradiction avec cette opinion.

1. Un patient peut reclamer des administrations anormale- ment frequentes de morphiniques et etre considere ~ tort comme toxicomane: il s'agit g6neralement d'un malade dont on a contrSle les douleurs pendant plusieurs semai- nes par des doses inadequates d'un ou plusieurs mor- phiniques. II est generalement possible dans ce cas de restaurer la situation en administrant, de fa(~on reguliere, les doses efficaces.

2. Un patient peut avoir 6te, avant sa maladie, un toxico- mane vrai. En general, deux erreurs sont commises:

- - ou bien sa douleur est sous-estimee par I'equipe soi- gnante, qui resiste aux demandes de narcotiques, en disant ,,apres tout, c'est un toxicomane,,;

- - ou bien on ne le considere pas comme un toxico- mane et on lui permet d'augmenter ses consommations bien au-del& de ce qui doit etre estime comme raisonna- ble pour contrSler sa douleur.

Meme le corps medical et infirmier se fait encore une idee fausse du risque de dependance des cancereux vis-&- vis de la morphine.

La tolerance se caracterise par le d6veloppement d'une resistance aux effets analg6siques et autres de la drogue: ceci signifie qu'il est necessaire d'augmenter les doses pour obtenir le meme effet sur la douleur aussi bien que les effets secondaires.

Le developpement rapide d'une tolerance chez le can- cereux est une affirmation qui repose sur des etudes anima- les ou de volontaires humains, bien portants, qui avaient pour but d'induire aussi vite que possible une tolerance et une dependance physique en utilisant les doses maximales tolerees.

On ne peut comparer des etudes de ce type aux applica- tions cliniques chez des douloureux, recourant aux doses minimales capables de les soulager.

La dependance physique, qui se caracterise par le deve- Ioppement d'un syndrome d'abstinence au retrait brutal de la drogue, se developpe presque certainement chez la plu- part des patients apres quelques semaines de traitement continu aux morphiniques.

EIle n'empeche cependant pas de reduire la dose admi- nistree en fonction de I'evolution, parfois capricieuse, du phenomene douloureux, ce qui evidemment ne permet pas au clinicien I'application d'un schema therapeutique stan- dard, mais necessite une evaluation reguliere de I'etat dou- Ioureux du patient et de ses besoins reels en narcotiques.

La toxicomanie se caracterise par un type de comporte- ment anormal, fait de dependance psychologique, d'une recherche de la drogue par tousles moyens, pour y trouver d'autres effets que le soulagement de la douleur.

Darts une etude realisee & Boston (16), des 11.882 patients hospitalises et suivis qui avaient re~u au moins une preparation narcotique, 4 seulement ont developpe une dependance franche, si I'on fait abstraction de patients qui, avant leur maladie, avaient ete ,,morphinomanes illicites,,.

Ces conclusions coi'ncident avec I'experience des divers hospices britanniques et avec les rapports de I'Organisation Mondiale de la Sante (20) selon lesquels la dependance

Cette situation, heureusement rare, est probablement la plus delicate & resoudre; seule I'experience du medecin et des infirmieres peut en venir ~. bout (23).

Chez le patient dont I'esperance de vie est limitee et dont la qualit~ de vie estprimordiale, on n'est pas autoris6 & sup- primer les medications qui concourent & cette qualit6 dans le seul but de preciser un diagnostic, si cette precision n'est pas justifiee par un mieux-etre du patient.

5.4. Par contre, on se trouve assez souvent confronte dans les Centres de Traitement de la Douleur & des patients douloureux chroniques dont I' esperance de vie est pratique- ment normale et qui rec~oivent, de fas justifiee ou injusti- flee, des medications antalgiques & action consideree comme centrale ou peripherique, qu'ils prennent & la demande, souvent en depassant la posologie prevue et en justifiant leur attitude par I'intensite de la douleur. Cet abus de medications vise non seulement les analgesiques, mais aussi les anxiolytiques, les hypnotiques, les antidepressifs. Le patient peut en arriver & se presenter & la consultation dans un etat confus, le rendant incapable de prendre cons- cience de son probleme, de I'expliciter de fa~on compre- hensible et d'accepter la collaboration active avec son thera- peute.

II est d'ailleurs parfois soutenu et encourage dans cette attitude par un entourage bien intentionne qui temoigne aupres du medecin de la souffrance intolerable du patient et revendique avec lui une intervention immediate. Cette inter- vention, medicale ou chirurgicale, serait non seulement inu- tile parce que non fondee sur une evaluation diagnostique valable, mais aussi dangereuse parce qu'enfongant le patient encore un peu plus profondement darts son compor- tement de regression psychologique et de dependance, et justifiant & ses yeux comme aux yeux de son entourage 1'eta- blissement dans un rele de handicape.

Puisque la douleur est une infirmite bien acceptee dans notre societe, eveillant la sympathie et les egards d'autrui, les parents et les amis maintiennent par leur attitude I'indi- vidu dans son rSle de handicape. Ceci satisfait et donne bonne conscience & celui qui aide tandis que le comporte- ment maladie du patient en est conforte.

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Page 10: L'anesthésiologiste face à l'abord diagnostique du patient douloureux chronique

Le principe de base est que, chaque fois que I'on suspecte un usage excessif ou permanent de medications, celles-ci soient arrr avant que I'on puisse tenter une evaluation diagnostique.

Lorsque cette situation ideale ne peut ~tre atteinte, on peut recourir & deux subterfuges:

1. Maintenir un taux sanguin aussi constant que possible en analg6sique, par une administration intraveineuse conti- nue ou par une administration orale d'un agent de Ion- gue dur6e detivr6 & intervalles reguliers. Cette solution diminue, semble-t-il, les demandes de medicaments qui sont souvent presentees par le patient et considerees par le medecin comme une plainte douloureuse.

2. Bloquer une ou plusieurs voies nerveuses suspect6es de transmettre I'information nociceptive: c'est le domaine des blocs diagnostiques, trop peu utilises mCme par les anesthesistes.

6. P l a c e d e s b l o c s d i a g n o s t i q u e s

6.1. Les mecanismes de la douleur sont tres com- plexes: ils ne se laissent pas enfermer dans des schemas rigides. Malgr6 cela, il existe des arguments qui plaident en faveur de I'utilisation des anesthesies Ioco-regionales dans le diagnostic de certains phenomenes douloureux chroni- ques.:

1. Pratiquement toutes les structures nerveuses periph~ri- ques peuvent etre atteintes par un anesthesique local, & condition d'avoir une tres bonne connaissance des tra- jets nerveux et de leurs variations individuelles, ainsi qu'une excellente formation aux techniques d'infiltration.

2. L'injection d'anesthesiques Iocaux dans les espaces p#rim#dullaires permet une approche aisee du syst#me nerveux central, en tout cas de la moelle. Cet abord, s'il s'est banalise au cours des dernieres annees, dolt nean- moins inspirer une sage prudence.

6.2. Le bloc d'un trajet nerveux au moyen d'un anesthe- sique local est un instrument de diagnostic, qui permet de determiner le mecanisme d'un certain nombre de syndro- mes douloureux chroniques, en precisant le point de depart et la vole principale empruntee par le message nociceptif.

II permet en outre d'observer la reaction physique et psychologique du patient a I'installation de I'anesthesie et au soulagement de sa douleur.

Pour #tre valable, le bloc diagnostique dolt repondre & un certain nombre de conditions (4):

1. La connaissance theorique des trajets des nerfs sensi- bles et des zones qu'ils innervent.

2. La Iocalisation precise du nerfen cause, le plus souvent & I'aide d'une aiguille gainee reliee & un stimulateur.

3. L'injection d'un petit volume d'anesthesique local: sui- vant les cas, on utiiise entre 1 et 4 ml pour eviter la disper- sion sur des structures nerveuses voisines qui pourrait fournir une fausse information.

4. La repetition du mr bloc & 2 ou 3 reprises avec un resultat constant.

5. Le contr61e objectif que le nerf vise a bien ete bloque par I'etude de la sensibilite ou de la motricit&

. L'utilisation eventuelle d'anesthesiques Iocaux de durees d'action differentes (lidoca'fne, bupivacdine) et la correlation du bloc et de la duree du soulagement.

Le recours & des injections placebo ne parai"t guere utile en pratique courante quand on salt que, chez n'importe quel patient, un placebo peut supprimer la douleur dans 30 & 40% des cas (21).

Ce qu'il faut par contre denoncer avec force concernant le placebo c'est I'attitude d'une grande majorite du person- nel medical et paramedical qui consid~rent & tort le patient repondant positivement au placebo comme souffrant d'une douleur d'origine psychogene. Rien n'est plus faux.

E. W. Ahlgren et coll. (1) et, & leur suite, A.P. Winnie et V.J. Collins (25) ont propose pour le diagnostic la realisation de blocs nerveux diff~rentiels. Cette technique est basee sur la reaction des fibres nerveuses aux anesthesiques Iocaux, variable selon leurs calibres.

Apres ponction Iombaire, on injecte & 10 minutes d'inter- valle les solutions suivantes:

- - 7 ml de liquide physiologique = effet placebo - - 7 ml de procafne & 0,2% = bloc sympathique - - 7 ml de procaine & 0,5% = bloc sensible - - 7 ml de procafne & 1% = bloc moteur

Si un soulagement est obtenu avec le placebo, I'origine de la douleur est probablement psychogr

S'il est obtenu avec la procaine a 0.2%, on dolt envisa- ger une transmission par le systeme sympathique.

S'il n'est pas obtenu avec 0,2% mais bien avec 0,5%, on s'oriente vers une origine sensorielle.

Si la douleur persiste avec la proca'fne a 1%, son origine est plus centrale ou psychogene.

La valeur de ces blocs nerveux differentiels ne se con- firme pas selon nous dans les faits. IIs ne sont plus guere utili- ses.

6.3. Par contre, beaucoup de nerfs p~ripheriques sont victimes d'etirement ou de compression Iors de leurs passa- ges dans des defiles musculo-aponevrotiques ou ligamen- taires. IIs sont irrites de faoon chronique, ce qui se manifeste par des paresthesies et des douleurs dans leur territoire d'innervation et par un point g&chette maximum au lieu oQ siege le conflit. L'injection d'un anesthesique local en ce point confirme le diagnostic.

Cette pathologie de compression des troncs nerveux peripheriques est largement meconnue (11). Elle corres- pond aux <<entrapment neuropathies,> des auteurs anglo- saxons et se retrouve aussi bien au niveau des membres que du tronc ou du cuir chevelu.

Les nerfs traversent des canaux 9. paroi fibreuse ou osteofibreuse, ou encore ils perforent une aponevrose ou une cloison intermusculaire. A ce niveau, et soit de fa?on spontanee, soit & la suite d'un traumatisme, soit encore apres une intervention chirurgicale, il se developpe une atteinte Iocalisee se marquant par des signes irritatifs, voire deficitaires.

A c6te de syndromes tres connus comme le canal car- pien, d'autres sont le plus souvent ignores et peuvent benefi- cier d'une confirmation diagnostique par infiltration d'anes- thesique local (Tableau IV).

Nous ne decrirons qu'un certain nombre de ces syndro- mes principalement en fonction de leur meconnaissance habituelle et de leur survenue frequente. En effet, certains troncs nerveux sont manifestement <<mal aimes>>: on n'y

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pense pas, ils sont parfois difficiles & explorer par I'elec- trophysiologie. On enseigne leur existence dans les cours d'anatomie mais leur retentissement en pathologie n'est repris sous aucune rubrique au cours des etudes.

Tableau IV: Localisation des neuropathies douloureuses par compres- sion

1. Nerfs cr&niens: V, VII, IX, X

2. Plexus cervical superficiel:

3. Syndromes des defiles thora- ciques (thoracic outlet syndroms)

4. Membre superieur: - - Neff sus-scapulaire - - Nerf median:

- - Nerf cubital:

- - Nerf radial:

5. Membre inferieur:

- - Nerf femoro-cutane:

- - Neff crural:

- - Neff obturateur:

- - Nerf sciatique:

- - Nerf sciatique poplite externe:

- - Neff sciatique poplite interne:

- - Nerf saphene interne:

- - Nerf tibial posterieur.

- - Nerfs interdigltaux'

6. Thorax et abdomen.

- - Nerfs intercostaux.

- - Neffs abdomino- genitaux

- - Nerfs genito-cruraux

Nerf grand occipital (Arnold) Nerf petit occipital

au coude: compression par le liga- ment de Struthers

& I'avant-bras: syndrome du rond prona- teur et syndrome du neff interosseux anterieur

au poignet: syndrome du canal car- pien

au coude: gouttiere ep~trochleo- olecr&nienne

au poignet: compression dans le canal de Guyon

au bras: dans la gouttiere de tor- sion de I'humerus

au coude: compression par I'arcade de Frohse (court supina- teur) epicondylalgies

meralgie paresthesique

sous I'arcade crurale

dans le trou obturateur

& la sortie du bassin, sous le muscle pyramidal

au niveau du col du perone (long peronier lateral)

sous I'arcade solealre

au genou syndrome du canal tarsien

syndrome de Morton

dans la gaine aponevrotique du grand droit

La douleur spontan6e, ainsi que provoquee par la com- pression de ce point, se projette selon un trajet en ,,tour d'oreille>>.

N. gd o c c i p i t a l

pt occipital

Figure 4: Nerfs occipitaux.

Le nerfsus-scapulaire (figure 5) na~ du premier tronc pri- maire du plexus brachial et innerve les muscle sus-epineux et sous-epineux. Pour cela, il passe dans I'echancrure cora- cofdienne du bord superieur de I'omoplate et peut y 6tre cQmprime par le ligament coracoYdien qui la ferme vers le haut. La douleur est diffuse et se traduit souvent par une irra-

On parle ainsi couramment de la n6vralgie d'Arnold, li6e ~. I'emergence du nerf grand occipital, mais on neglige fie- quemment le neff petit occipital, dont I'emergence se situe legerement en dehors et en dessous de celle du neff grand occipital, & la jonction entre le relief de la mastoYde et I'occipi- tal (figure 4). Figure 5: Nerf sus-scapulaire.

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diation verticale vers la pointe de I'omoplate (contrairement aux douleurs d'origine intercostale) et vers la capsule periar- ticulaire de I'~paule, ce qui fait poser a tort un diagnostic de periarthrite scapulo-humerale.

Le bloc de ce neff au niveau de I'6chancrure coracoi'- dienne est aise. Les points de repere sont I'epine de I'omo- plate et sa pointe. Une droite est trac6e entre la pointe de I'omoplate et le milieu de I'epine. La prolongation vers le haut de cette verticale fournit le point d'entree au bord supe- rieur de I'omoplate. Le bloc diagnostique peut 6tre obtenu avec 2 ml d'anesthesique local.

La compression de la branche motrice du neff radial (figure 6) au niveau du court supinateur est interessante connaffre dans la mesure oCJ elle se traduit par des douleurs sourdes au niveau des muscles epicondyliens, donnant le change & un faux diagnostic, si frequemment pose, d'epi- condylite. Cette douleur est generalement reveillee par I'extension contrariee du medius, I'avant-bras etant en extension et en pronation.

N. radia l

Biceps

et non par la technique du bloc 3 en 1 puisqu'il doit ~tre spe- cifique.

obturateur

\

Figure 7: Neff obturateur.

Le neffsciatique, ou sa portion sciatique poplit6e externe seule (en fonction de variations anatomiques) peut ~tre le siege d'une compression & sa sortie du bassin par un mus- cle pyramidal sous tension (figure 8). C'est une occurrence

laquelle on ne pense guere apres avoir elimine les causes de radiculopathies, notamment les conflits discoradiculaires et les compressions du sciatique, au cours de son trajet intra- pelvien.

Figure 6" Bloc du neff radial au coude (modifi(~ d'apres Cousins et Briden- baugh).

Pour confirmer ce diagnostic, il suffit d'introduire une aiguille en dehors du tendon du biceps et de la diriger vers la face ant(~rieure de 1'6picondyle jusqu'& evoquer une r6ponse & la stimulation 61ectrique dans le territoire du nerf radial.

L'injection de 5 ml d'anesth6sique local doit supprimer les douleurs 6picondyliennes.

Au niveau du membre inferieur, le nerf le plus neglige est le neff obturateur (figure 7) qui, dans sa traversee du trou obturateur, partiellement ferme par la membrane obtura- trice, peut subir des tiraillements, voire une compression.

Ce neff fournit des branches motrices aux muscles adducteurs de la cuisse. II innerve egalement les structures articulaires de la hanche et du genou, et il envoie quelques filets cutanes pour ta face interne du genou et de la jambe oQ une douleur et une dysesthesie peuvent apparaTtre sur une surface d'importance variable.

Seul le bloc diagnostique est pratiquement capable de confirmer I'atteinte de ce neff. II dolt se faire par voie directe

M. pyramidal

s c i a t i q u e

Figure 8. Nerf sciatlque

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Le bloc du neff sciatique, par la technique posterieure classique, peut confirmer le diagnostic. Mieux, en modifiant cette technique, c'est-9.-dire en injectant 2 cm plus haut que le point d'emergence un volume de 5 ml d'anesthesique local darts le muscle pyramidal, le diagnostic ~tiologique peut etre confirme.

Le nerfsaph#ne interne (figure 9), branche terminale du neff crural, prend naissance au niveau de la cuisse et s'engage dans la gaine des vaisseaux femoraux qu'il suit jusqu'9. I'anneau du 3 e adducteur; il s'en echappe et se divise en 2 branches: un rameau arciforme sous-rotulien qui se distribue 9. la peau de la region rotulienne et se trouve fie- quemment atteint darts la chirurgie de transposition rotu- lienne, ainsi qu'au cours de certaines arthroscopies; un rameau jambier qui accompagne supefficiellement la veine saphene interne et se ramifie 9. la face interne de la jambe jusqu'au cou-de-pied: ce neff est frequemment lese en fonc- tion de sa situation supefficielle, notamment chez les gens qui dorment en ,,chien de fusil>,, genoux I'un contre I'autre, ou 9. I'occasion d'actes chirurgicaux, en particulier I'arra- chage de la veine saphene interne.

i

N. saph~ne interne

Figure 9: Neff saph~ne interne.

Le diagnostic d'atteinte de ce neff est fort simple. On infiltre superficiellement le tissu sous-cutane o0 se

trouve la bifurcation de la branche descendante et de la branche sous-rotulienne en penetrant la peau de la face interne du genou 9. hauteur de I'interligne articulaire et en se dirigeant vers la face antero-interne du tibia. Une injection de 2 9. 4 ml d'anesthesique local doit bloquer completement le neff.

Les nerfs de la paroi abdominale (figure 10): Lorsqu'un patient presente une douleur abdominale chronique, il est I'objet de multiples investigations afin de poser un diagnostic d'organe sans se soucier de la paroi abdominale elle-m~me.

L'examen clinique est d'ailleurs realise en demandant au patient de rel&cher au maximum les muscles abdominaux de fa~on 9. palper plus aisement les structures profondes. L'origine parietale est cependant loin d'~.tre negligeable. Elle fait souvent suite 9. une intervention, mais peut egalement exister en dehors de toute notion chirurgicale. Le diagnostic de ces lesions est souvent meconnu, bien que simple.

N. intercostaux ........ ~

Figure 10: Nerfs de la paroi abdominale.

La douleur peut sieger dans la paroi abdominale ante- rieure: elle est alors reproduite par la palpation du bord externe du muscle grand droit mis sous tension. Des points douloureux, apparaissant 9. I'endroit de penetration des neffs intercostaux dans la gaine du muscle grand droit, per- mettent de determiner de quel neff il s'agit, en utilisant les reperes classiques: D7 est au niveau de I'appendice xyphofde, DIO au niveau de I'ombilic et D12 en sus-pubien.

L'injection de 1 ml de lidoca'fne 1% ou de bupivacaYne 0,5% dans la gaine aponevrotique du grand droit en regard du point douloureux confirme le diagnostic.

La douleur peut egalement sieger darts la region ingui- nale: elle est lice 9. une atteinte du neff grand abdomino- genital, petit abdomino-genital ou genito-crural.

Cliniquement, les nerfs abdomino-g~nitaux se manifes- tent par une douleur spontanee s'etendant de I'epine iliaque antero-superieure vers la region inguinale, la racine du membre inferieur, la face interne de la cuisse et I'hemibourse ou I'hemivulve correspondantes; paffois, elle s'irradie vers la region Iombaire (L1).

Le diagnostic est confirme par I'injection de 1 ml de lido- caine 1% ou de bupivacafne 0,5%, 1 cm en dedans de I'epine iliaque antero-superieure, et 9. une profondeur cor- respondant au passage du premier plan aponevrotique.

Le nerfg#nito-crural est plus interne, sa douleur sponta- nee I'est egalement; elle est reproduite par la palpation d'un point voisin de I'epine du pubis et peut s'accompagner d'une areflexie cremasterienne homolaterale.

L'infiltration du neff au niveau de I'epine du pubis con- firme le diagnostic. Elle est realisee en injectant 1 ml de lido- caYne 1% ou 1 ml de bupivacafne 0,5%, apres contact osseux et retrait 16ger de I'aiguille pour eviter toute injection sous-periostee.

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7. Diagnostic de la douleur et conflit m6dico-I(~gal

L'existence d'un conflit m6dico-16gal entre le patient et ies organismes assureurs, au sens large du terme, constitue un ecueil redoutable dans la mise au point d'un diagnostic de douleur chronique.

D'une part, le sentiment d'etre injustement indemnis6 d'un accident est frequent. II est notamment lie au fait que, de fagon tres generale, les evaluations des medecins- experts se basent sur des tables faisant reference & des signes objectifs et ne tenant rigoureusement pas compte du phenom~ne souffrance, tel que nous I'avons dej& defini dans ses composantes physiques, psychologiques et socia- les.

D'autre part, la situation de handicap cree une serie de ,<b~n~fices secondaires,, pergus consciemment ou incons- ciemment par le patient: arrr du travail ou realisation d'un travail moins Iourd, attention de la famille, du conjoint, exemption de corvees domestiques, indemnite financiCre, liberation vis-&-vis de situations diverses habituellement vecues comme penibles par le patient.

Cette impression d'injustice d'une part, cette jouissance de benefices secondaires d'autre part faussent la relation medecin-malade, en dehors m~me de toute malveillance ou tentative de fraude.

Certains Centres de la Douleur refusent, pour cette rai- son, de prendre en traitement tout patient chez qui un conflit medico-legal est pendant. C'est, me semble-t-il, une attitude de facilit& En effet, la lenteur des procedures ne permet de voir alors ces patients qu'apres des delais trop longs au cours desquels ils se sont installes dans leur comportement- maiadie. II est devenu trCs difficile, sinon impossible, de les traiter efficacement.

L'attitude oppos6e serait de demontrer aux Compagnies d'Assurance I'interr qui existe pour elles de recourir pr#co- cement aux Centres de la Douleur et d'accepter, avec ces Centres, une collaboration honnete qui s'est revelee efficace I& oQ elle a ete evaluee de fagon objective.

De toute fagon, I'abord diagnostique du patient qui est en conflit medico-legal au moment de I'entrevue doit etre particulierement prudent et s'abstenir de toute conclusion h&tive.

II faut clairement signifier au patient le r61e que I'on joue: tenter de le guerir, avec sa cooperation.

S'il la refuse, s'il attend une solution miracle sans y parti- ciper, s'il demande avant tout de I'aider & obtenir un taux d'invalidite maximal mr au prix d'un handicap durable, il est encore temps de lui signifier qu'un Centre de la Douleur ne poursuit pas ces objectifs.

II aura ete ecoute, il sera place devant ses responsabili- tes, parfois il prendra conscience d'un comportement ina- dapte et acceptera d'envisager une solution plus realiste et, en definitive, plus 6panouissante a ses vrais problr

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