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LANGUES ZONE N°37 · l’endroit qu’il décida de ... et ce n’est pas pour rien que la ville est depuis ... destinée probablement au chef de la communauté, par opposition à

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LANGUES ZONE N°37

Sommaire

Dossier : La ville

MACHU PICCHU, LA CITÉ INCA (p.2)

*NOMADISME ET

NOYAU URBAIN (pp.3, 4)*

HUDIE - 蝴蝶 - PAPILLON (p.5)

Écriture libre

LA CRIMÉE DANS TOUS SES ÉTATS (p.6)

*ARTICLE BILINGUE :

PALESTINE (pp.7,8) - نيطسلف*

CHINE : DE L’AMOUR ET DU MARIAGE (p.9)

*ORPHANED LAND (p.10)

*ÔKAMI : UN JOYAU

DES JEUX VIDÉO (pp.11, 12)*

RECETTES : CANNELÉS ET BORTSCH (p.13)

*BRÈVES DE COULOIR (p.14)

ÉDITO

Salut les Inalcopains !

Ce mois-ci encore, toute l’équipe de Langues zOne s’est creusée les méninges pour vous apporter bonne humeur, culture et richesse d’esprit. Cette fois, ce sont les villes qui sont à l’hon-neur : partez à la découverte de la mystérieuse cité inca du Machu Picchu, perdez-vous dans les ruines de l’ancienne Suse, et laissez-vous guider au travers des rues sinueuses et ani-mées de Pékin. Des villes, oui. Mais pas que. Aux côtés d’un article soulevant les principaux enjeux de la crise de Crimée (qui ne vous aura certaine-ment pas échappée), c’est un tour du monde particulièrement divertissant que nous vous proposons avec un jeu vidéo, une série télé, et de la musique !Nous publions encore une fois avec grand plaisir un article bilingue à forte personna-lité, qui témoigne du vécu mouvementé des étudiants de l’INALCO. Sans oublier une double recette pour les gourmands, ainsi que notre désormais célèbre BD... que beaucoup d’entre vous lisent avant de reposer le jour-nal dans les escaliers. ;)

Nous profitons du peu de place qui nous reste pour féliciter la troupe de théâtre de l’INALCO pour son triomphe au festival du Rideau Rouge de Sciences Po, avec une mention particulière à Martin Trouvé-Dugé-ny qui a remporté le prix de l’inteprétation masculine !

Enfin, un grand bravo à nos rédacteurs ! Mal-gré un début d’année difficile, suite à la réu-nion administrative de la COVE du 31 mars il est maintenant clair que grâce à vous nous avons réussi à construire un journal étudiant intéressant et polémique, qui a su plaire tant à l’administration qu’à nos lecteurs. On est fier de vous !! :)

Adeline FLEUVE et Nicolas SINDRES, rédacteurs-en-chef

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De Cuzco à Machu Picchu

Pour arriver au site du Machu Picchu, la première étape c’est le Pérou. S’il est connu pour ses lamas et ses magnifiques bonnets, ce pays d’Amérique du Sud est surtout l’héritier d’une civilisation légen-daire : les Incas. Le Machu Picchu est aujourd’hui l’un des plus grands symboles de cette civilisation.

Pour accéder au site, il faut se rendre à Cuzco, soit en avion un trajet d’environ une heure et demie, soit par bus, environ vingt heures. Le choix est vite fait selon les moyens et les envies de chacun. Arrivé à Cuzco, deux choix s’imposent : prendre un train pour arriver au village le plus proche, Aguas Ca-lientes, ou effectuer le Chemin de l’Inca qui repré-sente 5 jours de marche. Un train hors du commun emmène les aventuriers dans l’antre des Andes. Si on a la chance d’être péruvien, le train coûte dix soles (environ 2,50€) sinon c’est 200$ (environ 150€) ! Le trajet dure environ trois petites heures qui passent très vite car le paysage change sans arrêt et on a l’impression d’arriver dans la jungle. Et c’est bien la jungle andine que l’on trouve dans le petit village d’Aguas Calientes, surplombé par deux mon-tagnes qui paraissent géantes : le Huayna Picchu et le Machu Picchu. Le village présente peu d’intérêt puisqu’il est uniquement composé de luxueux hô-tels, d’un marché aux prix exorbitants ainsi que des restaurants attrape-touristes. Bref, on est à la fois dans les Andes et dans la forêt amazonienne.

La cité inca dans toute sa splendeur

Après environ cinq bonnes minutes de marche à partir de l’entrée « officielle », on peut enfin accéder au site. Époustouflé, subjugué, abasourdi, il n’y a au-cun adjectif pour décrire l’émotion ressentie quand on se retrouve devant le site. Le paysage coupe le souffle, en plus de l’altitude qui fait battre le cœur à deux cents pourcents ! On sent bien qu’on est dans un lieu sacré. L’histoire du Machu Picchu, qui veut dire en quechua « vieille montagne », débute vers 1440 avec l’empereur Pachacútec. Cet empereur qui règna de 1438 à 1471, fut tellement subjugué par l’endroit qu’il décida de fonder une nouvelle ville impériale et d’en faire une légende. La cité inca fai-

LA VILLE

sait partie d’un très grand complexe administratif et agricole. Elle se démarquait par rapport aux autres cités de l’époque par la qualité et l’esthétisme de ses bâtiments. La conquête espagnole fit du Machu Picchu peu à peu une « cité perdue ». Pour notre plus grand bonheur, elle ne fut pas détruite et la région des alentours fut quasiment ignorée par les Espagnols. Ce n’est qu’à la fin du XIXième siècle que l’Américain Hiram Bingham se rendit compte que se trouvait là une découverte archéologique capi-tale.

Tout visiteur ne peut qu’être impressionné par les ruines, aujourd’hui partiellement reconstituées, et par l’atmosphère à la fois oppressante et libératrice des Andes. D’ailleurs, quelques lamas et vigognes se baladent pour entretenir la pelouse. Déambuler dans ces ruines donne envie d’y rester une éternité et ce n’est pas pour rien que la ville est depuis 2007 une des « sept nouvelles merveilles du monde ».

Tu veux en savoir plus sur les Incas ? Viens ap-prendre leur langue, le quechua, à l’INALCO !

Clémence GILONNE

Les ruines du Machu Picchu prises en photo par Harry Ward Foote en 1911 lorsqu’il accompagna Hiram Bingham

MACHU PICCHU, LA CITÉ INCA

S’il y a bien un endroit à voir en Amérique du Sud, c’est le Machu Picchu ! Cette ville de l’ancien empire inca laisse des ruines à couper le souffle à plus de 2 430 mètres d’altitude.

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NOMADISME ET NOYAU URBAIN

LA VILLE

Le processus de formation des villes débute avec le passage du nomadisme à la sédentarisation, qui correspond avant tout à l’établissement permanent d’un habitat occupé.Dans toute forme d’urbanisation primaire, les cher-cheurs s’attachent à repérer le centre du pouvoir (ar-chitectures palatiales ou maison de chef) et le centre religieux, selon des modèles d’organisation sociétale bien connus. Ce phénomène où archéologues et historiens tentent absolument de faire coïncider un modèle ou un texte avec des vestiges pour lesquels les écrits manquent cruellement n’est pas rare et se vérifie avec les villes d’Athènes ou de Delphes (pour ne citer qu’elles), qui ont été fouillées et étudiées d’après la Description de la Grèce de Pausanias, géo-graphe du IIème siècle ap. J.-C.

Dynamique de peuplement : Du nomadisme à la sédentarisation

Au VIIème millénaire av. J.-C., des montagnards ve-nus du nord des montagnes du Zagros s’établirent essentiellement dans la partie septentrionale de la plaine élamite (Iran du sud-ouest) - région la mieux arrosée par les pluies - et y pratiquèrent la culture de céréales et l’élevage.À quoi doit-on cette soudaine sédentarisation ? Pierre Amiet, archéologue spécialiste des études élamites, reste vague quant aux raisons qui ont poussé les hommes à venir s’établir dans la plaine de Susiane : « Les errances millénaires des premiers hommes, cherchant par la chasse et la cueillette une nourriture précaire, prirent fin quand un faisceau de circonstances climatiques, géographiques, biolo-giques, permirent à des groupes assez importants de se réunir pour entreprendre la mise en valeur et l’ex-ploitation de la terre, par l’élevage et l’agriculture. » Ces populations nouvellement sédentarisées ont

fondé les premiers villages. Ces établissements furent successivement ou simultanément abandon-nés, et plus rarement ils furent réoccupés.Vers 6000 av. J.-C., les montagnards colonisèrent la région située entre les fleuves du Diz et du Karun ; ils y fondèrent notamment le village de Choga Mish qui connut son essor au cours du Vème millénaire. Ce village couvrait alors près de 18 hectares et était constitué d’édifices aux murs massifs capables de porter au moins un étage. Finalement, l’abandon de certains villages et le déclin de Choga Mish sug-gèrent un retour partiel au nomadisme.Il est probable qu’au cours d’une période de déclin démographique (entre la seconde moitié du Vème et la première moitié du IVème millénaire), afin de remplacer le village de Choga Mish, diverses com-munautés se regroupèrent sur un même espace géo-graphique à l’origine du futur site de Suse.

Suse archaïque (Suse I ) : maison de pouvoir, inhumation et centre religieux

La date de la fondation de Suse est incertaine mais les premières datations des niveaux correspondant à Suse I sont comprises entre le Vème et IVème millé-naire av. J.-C. La surface d’occupation de Suse I a été estimée entre 15 et 18 hectares mais aucune preuve archéo-logique ne permet de le confirmer.Deux zones composant Suse permettent de mettre en évidence la période d’occupation de la Suse ar-chaïque, appelée Suse I : « l’Acropole » et la butte de « l’Apadana ». À l’exception de ces deux aires, les autres quartiers de la future Suse étaient apparem-ment inoccupés durant les premières occupations de la ville.Le développement du site a très vite été marqué par un nombre important d’aménagements architectu-raux qui semblent dépasser le niveau de compétence associé au statut de simple village. Dans ses phases d’occupations archaïques, certains chercheurs pré-sentent Suse comme une « cité » constituée de petits royaumes. Toutefois ces derniers n’auraient pas subi d’occupation continue.

Sur l’Apadana (bien que partiellement fouillée) a été mis au jour le Bâtiment de Suse I. (1)

La construction de cette architecture est postérieure à la fondation de Suse. L’épaisseur des murs et l’in-habituel agencement intérieur des pièces ont permisà certains archéologues d’émettre l’hypothèse que

FOUILLES DE SUSE I (IRAN), Vème - IVème MILL. AV. J.-C. :PROJECTION DE MODÈLES ET INTERPRÉTATIONS EXCESSIVES

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LA VILLEle Bâtiment de Suse I était sûrement une maison de pouvoir, destinée probablement au chef de la communauté, par opposition à ce qu’ils ont inter-prété comme le siège du pouvoir religieux, situé sur l’Acropole.

En effet, le fait qu’une tombe ait été retrouvée dans l’édifice pour la période de Suse II suggère que ni le bâtiment, ni ses abords immédiats ne faisaient par-tie d’une enceinte religieuse.

Sur l’Acropole, une plateforme nommée « mas-sif funéraire », a été édifiée au début de la pé-riode de Suse I. (2)

Cet espace semble avoir été un centre important pour l’inhumation de certains habitants de Suse de cette époque. Bien que la plupart des fouilles eurent lieu au début du XXème siècle, les méthodes n’étaient pas celles d’aujourd’hui (P. Amiet) et de nombreuses données sont contradictoires. Il a tout de même été attesté que près de 2000 individus ont été inhumés dans des tombes, toutes creusées sous la plateforme.Certains chercheurs ont interprété le lieu comme étant un cimetière pour les morts de petits groupes de populations installées près de Suse. D’autres l’ont interprété comme étant un regroupement massif de tombes, résultant d’une catastrophe ayant entraîné la mort de nombreux individus. P. Amiet traduit le rassemblement massif de tombes d’adultes au sein d’un même espace comme la fin de l’isolement de chaque cellule familiale, qui au-paravant enterrait ses morts sous le sol de leur lieu d’habitation.Hole, chercheur sur la question élamite, interprète le massif funéraire comme les fondations d’une structure religieuse, « peut-être pour les résidences de prêtres ».

Un incendie doit être à l’origine de la destruction du massif qui fut alors abandonné.

Dans la période suivante, à la fin de Suse I, une autre plateforme fut construite, appelée la « haute terrasse ». (3)

Il s’agit d’une construction érigée sur les débris du massif funéraire. La plateforme était décorée de cônes de mosaïques incrustées et ornées de cornes de chèvre.

Selon Hole, la plateforme avait dû servir comme support à l’édification d’une résidence de prêtres ou d’autres constructions de type monumental, déco-rées.Amiet note que cette plateforme devait probable-ment servir de centre administratif et religieux.Pourquoi cette haute terrasse aurait-elle une fonction religieuse ? Cette imitation des cornes de chèvres rappelle une image, imprimée sur un sceau-cylindre de Suse II, d’un bâtiment monu-mental décoré de trois séries de cornes saillantes. Ce dernier bâtiment serait d’après Amiet le temple majeur de Suse, ancêtre de la ziggurat détruite par Assurbanipal, roi d’Assyrie (VIIème siècle av. J.-C.).

Le noyau de Suse I serait donc composé d’une maison de pouvoir, d’un massif funéraire et d’une haute terrasse à la fonction administrative et reli-gieuse. Cette conception ternaire du religieux, du politique et du funéraire (l’administratif est tantôt couplé au politique, tantôt au religieux), est facile-ment utilisée dans toutes les interprétations sur la naissance de « cité ». Néanmoins, ce modèle parfois justifié, mais pouvant admettre des erreurs, permet d’expliquer le développement postérieur de ces noyaux urbains.

Fiorella BOURGEOIS

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L’Acropole de Suse I

Empreinte d’un sceau-cylindre de Suse II montrant une construc-tion ornée de cornes au Louvre

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LA VILLE

HUDIE - 蝴蝶 - PAPILLONPékin, dans tes rues je me suis perdu, j’y ai dansé, j’y ai mangé, j’y ai aimé… Notre histoire commence il y a quatre ans. Je me souviens quand on s’est ren-contré pour la première fois, tes grandes avenues, ta forêt de béton me donna l’impression d’être minus-cule. Cependant une certaine impression se dégagea en ta présence, celle d’être libre et inconnu de tous : ici tout peut arriver.

Je me souviens de Pékin comme au réveil lorsqu’on essaie de se souvenir d’un rêve. Malgré le monde qui peuple cette ville un air de tranquillité s’y dé-gage, de par son architecture traditionnelle et ses hu-tong ou de par les grands parcs, comme Houhai, où je passais des soirées au East Shore Live Jazz Café et où j’observais les barques se promener sur le lac.

Ensuite je marchais vers la Colline de Charbon, courant vers le sommet avant que le soleil ne se couche. Arrivé en haut, assis sur un banc la tête sur tes épaules, j’écoutais la musique de la ville, les bruissements du vent entre les arbres, et j’observais les couleurs pourpre, or, rouge qui dansaient sur les toits de la Cité Interdite.

La nuit tombée l’atmosphère électrique de Pékin se faisait sentir, je rejoignais mes amis dans un restau-rant. Soit à Xidan, Sanlitun ou bien Weigongcun, le repas était animé autour de conversations futiles et était accompagné d’alcool. Une fois fini nous al-

lions dans un bar, à Wudaokou ou Sanlitun, où nous jouions à des jeux comme huoche kai daona 火車開到哪 (il faut choisir un sujet comme des marques, des types de fruits et en dire le plus possible sans se répéter). Le perdant bien sûr devait boire, puis la nuit nous allions danser sur les musiques des DJ à Mix, Vix ou bien Alfa.

Les tables étaient toutes réservées et remplies d’al-cools, de fruits et de frites, beaucoup étaient assis et jouaient à des jeux. D’autres essayaient de danser parmi la foule, alors que la musique battait son plein on pouvait apercevoir des jeunes filles au style bling-bling qui caractérisent si bien les nuits chinoises.Si notre humeur n’était pas au rendez-vous nous passions nos soirées au KTV (karaoké) pour chan-ter notre tristesse, joie ou excitation, et enfin au petit matin nous nous rendions à Jingdingxuan, un restaurant près de Yong Hegong (temple des lamas) pour prendre notre petit déjeuner.

Finalement, chacun prenait un taxi pour se rendre chez lui dormir l’espace d’une heure ou deux. Quant à moi, une fois arrivé à la maison je finis-sais mes maquettes et cartes l’esprit embrumé par le manque de sommeil. Je devais me rendre quelques heures après à Tsinghua pour assister à mon cours d’architecture qui était la raison principale de ma ve-nue en Chine. Mes camarades, tous sérieux, avaient préparé leurs projets. Lorsque c’était mon tour, je voyais le regard désolé du professeur qui me lançait un simple : « intéressant ».

Je rentrais chez moi épuisé, en écoutant la chanson Hudie de Wangfei, avec pour dernières paroles avant de dormir : 給我你雙手對你依賴,給我一雙眼看你離開…給我一殺那對你寵愛給我一輩子送你離開.Donne-moi deux mains pour dépendre de toi, donne-moi deux yeux pour te voir partir, donne-moi un instant pour t’adorer, mais donne-moi toute une vie pour te quitter.

Georgies SROUR

La Cité Interdite vue depuis la Colline de Charbon

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GÉOPOLITIQUE

LA CRIMÉE DANS TOUS SES ÉTATS

Un tour d’horizon des principaux quotidiens eu-ropéens donne le ton : tensions en Crimée. Annexé de fait par la Russie, ce territoire pas plus grand que la Belgique retient en effet l’attention de toute l’Eu-rope. Voici un aperçu rapide des enjeux soulevés par cette crise.

Un symbole particulier dans la perception russe

La péninsule peuplée en majorité de Russes eth-niques russophiles n’est pas perçue en Russie comme faisant partie du territoire traditionnel ukrainien. Khrouchtchev la rattache à l’Ukraine tardivement, en 1954. La côte méridionale, où les tsars avaient élu résidence d’été au XIXème siècle, est ainsi avant tout perçue comme une « riviera russe ». Aussi, elle incarne la volonté russe de rétablir sa puissance passée, car elle est le symbole historique du succès de son expansion vers les mers chaudes. Ainsi, la Russie y stationnait deux bases militaires aériennes. De même que la flotte de la Mer Noire à Sébastopol, contre une ardoise annuelle de 97,75 millions de dollars.

Le spectre de la guerre

Si une conférence de la paix se tenait à Yalta en 1945, la Crimée a néanmoins été le théâtre et l’objet de nombreux conflits militaires. La me-nace d’un conflit a périodiquement refait surface en 1991, après l’éclatement de l’Union Soviétique. Cette crainte ne s’était pas matérialisée car le dia-logue russo-ukrainien avait temporairement apaisé les tensions autour de la flotte de la Mer Noire. Cette annexion constituait une agression d’un État souverain. Les armées russes et ukrainiennes sont toutes deux en état d’alerte. Prenant prétexte de la crise à Kiev, Moscou ravive donc les tensions avec l’Ukraine, à travers ce qui a tout l’air d’être un casus belli.

Une question de droit international

Cette crise constitue une remise en cause du prin-cipe d’intangibilité des frontières. Vladimir Poutine

invoque lui le droit des peuples à l’autodétermina-tion. Or le référendum organisé par Moscou est dénoncé comme étant illégal par ses détracteurs car unilatéral, ne s’étant pas déroulé dans le cadre défini par les organisations internationales. Cela confirme dans les faits l’existence manifeste de « trous noirs juridiques ». Enfin, il s’agit d’une violation des trai-tés liant l’Ukraine à la Russie. L’un d’entre eux, si-gné par Londres, Washington et Moscou en 1994, garantissait l’intégrité territoriale de l’Ukraine en échange du renoncement de Kiev à l’arme nucléaire.

Rivalités dans l’espace postsoviétique

La crise de Crimée cristallise les conflits d’intérêts persistants sur les ruines fumantes de l’URSS. Elle soulève la question de la sécurité des pays européens – avec au premier rang, les pays baltes – face à la menace russe perçue. L’élargissement de l’OTAN aux pays baltes en mars 2004, soit jusqu’aux fron-tières russes, avait de fait irrité le Kremlin. Faut-il voir dans cette crise une réaction épidermique de la Russie ? L’annexion de la Crimée consacre en fait l’architecture nouvelle que Vladimir Poutine entend créer dans « l’étranger proche » de la Russie, em-ployant pour cela le langage de la force.

Un problème européen

Ce territoire situé aux marges de l’Europe a ainsi deux caractéristiques notoires : sa pluralité ethnique – Russes, Ukrainiens et Tatars – et une quasi-insu-larité, ce qui n’est pas sans rappeler le cas de l’Ir-lande ou de Chypre. Or, si les affaires européennes se règlent au cœur de l’arc rhénan, la situation dans ces régions en dit long sur l’Europe. Parce que cette crise interroge ce que signifie la paix entre les nations, elle nous renvoie aux fondements de la construction européenne. Les solutions politiques examinées éprouveront le sens de cohésion et de cohérence des Européens, alors que la militarisation irrésistible en Crimée rappelle combien la réaction de nos dirigeants sera déterminante.

W.S.

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ARTICLE BILINGUE

عقدين من الزمن. وبقيت ساعات يف احلرم الرشيف, املاكن اذلي فيه املسجد الأقىص وقبة الصخرة. �أحسست

ب�أن هناك ضغط من سبب الاحداث اخلطرية والعنيفة اليت جرت هناك واليت نسمع عهنا وبنفس الوقت شعرت بروحانية مرحية. ر�أيت يف هذه املدينة الضغط بني العرب

والاستيطان الهيودي اذلي يتقدم يف املدينة ويقتسم �أحياء اكمةل كحي املغاربة ويغري �أسامء الشوارع واملواضع

يك ميحو تراث الثقافة الاسالمية والعربية من ذاكرة املدينة. مل �أحس ابلأمان حىت يف احلي الإساليم, فاحلذر

هو قاعدة يف هذه املدينة. مل �أبقى طويال يف القدس. وقضيت ابيق ااييم يف الضفة الغربية. شامل الضفة الغربية

هناكل قضيت �أمجل �أايم حيايت. �أحسست ب�أنين وجدت شعيب ووجدت تقاليد وعادات و�أخالق ارى هبا ذايت وكينونيت ,رمغ الاحتالل والاشتب�اكت اليومية ابلليل مع اجليش ورمغ احلواجز, �أو »حماسسمي« كام يسموها

الفلسطينيني, اليت تفصل املدن والقرى من بعضها البعض ورمغ اجلدار اذلي يقبح منظر التالل واملروج واذلي يقسم املدن ويسجن الفلسطينيني. اإين �أقول �أن تكل

الأايم اكنت رائعة هبا من التجربة واحلنني ودمج مع ذايت الضائعة والتاهئة منذ زمن , مفا امجلها من اايم. ولكن ما حيزنين انين بقيت ساحئا حىت ولو اسستقبلت من شعيب واهيل افضل اسستقبال وجعلوين اشعر ابنين واحد مهنم

, لك ذكل مل يشفع يل فالأايم جتري وعوديت قريبة , وس�أعود لألبس ثوب الساحئ اذلي دخلت بذريعته بدلي

وس�أعود اىل من ليس اان. وانهتت السسياحة بعد شهر, شهر قصري ما �أقرص منه. ومرة �أخرى حتقيق وانتظار ملا رجعت اإىل املطار... فبعد سفر ل ينىس ركبت الطائرة

...وعدت اإىل غربيت يف فرنسا

�أمحد �أبو خادل

فلسطني... عندما طلب مين �أن �أكتب هذا املقال قيل يل �أن �أقص رحليت يف بالدي يك �أعطي رغبة للجميع

لزيورها. ولكن ل �أدري حقيقا اذا ما سسيكون لهذه الصورة جاذبية. بعض الناس يرون فلسطني كأرض مقدسة, �أرض الرصاعات ادلينية والسسياسسية, ولكن

اذلين يعون مبا حيدث حاليا هناك مه قةل. بل دلهيم صورة مثالية. صورة مرتبطة ابلرصاع احلايل, وهلم فكرة منطية

عن الشعب الفلسطيين. وبعض من اذلين يعرفون هذه املنطقة ل يعلمون يشء عن وضعية الشعب الفلسطيين �أو رمبا ل يريدون �أن يروا ذكل. مفن سافر اإىل فلسطني

ذا مل ير واقعية الاحتالل فمل ير يشء من فلسطني. اإ ولكنين �أان �أيضا ل �أعرف فلسطني. ويعزوا ذكل ب�أنين

من �أطفال الالجئني اذلين طردوا من دايره وبيوهتم وترعرعت يف بيئة خمتلفة ووطن بعيد عن وطين. هذهل فلسطني. ولكن اكنت �أول الرحةل مل تكن الاوىل اإ

رحةل �أذهب هبا وحدي دون عائليت فمل يكن الامرضافة مبا شعرت سهل. والأصعب اكن الوصول والرجعة. اإ به عندما تركت فرنسا ورايئ مل يكن الاسستقبال يف مطار

الليد )مطار تل �أبيب( مرحبا ابدا. وبد�أت زايرة بدلي يف ردهة الانتظار للتحقيق: »من �أنت؟«, »�أين انت

ذاهب؟«, »ملاذا اخرتت هذا البدل للعطةل؟«, »�أين �أنت ستبقى خالل شهر؟«... �أسسئةل عين , عن معيل , عن حيايت. وساعات الانتظار لقرار مسح �أو رفض دخويل

اكنت كئيبة . لكن رمغ هتديدات احملقق اعطى يل ترصحي لدلخول. مث بد�أت �أمجل رحةل يف حيايت. و�أول ماكن زرته اكنت القدس الرشيف. �أخذت غرفة بفندق يف

قلب احلي الإساليم من املدينة القدمية. رست بشوارع مدينة القدس ويف طرقها و�أسواقها وحنني ميزقين من

الغبطة واحلزن معا, فكأنين اعرف املاكن ول �أعرفه , كأنه الاان املوجودة داخيل واليت عرثت علهيا لتو ولكن بعد

فلسطني

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ARTICLE BILINGUE

vé ses justes racines après une longue absence. Je restais des heures dans l’esplanade des mosquées, où se situent la Mosquée al-Aqsa et le Dôme du Ro-cher. Je sentais une tension palpable du fait des évé-nements graves et violents qui s’y étaient produits et dont on entendait parler, mais en même temps je ressentais une certaine quiétude. Je vis dans cette ville la tension qui régnait entre les Arabes et la co-lonisation juive qui progressait, détruisant des quar-tiers entiers tel que le quartier des Maghrébins, qui changeait le nom des rues et des lieux pour effacer l’héritage culturel islamique et arabe de la mémoire de la ville. Cette ville ne me laissait pas un sentiment de sécurité, même dans le quartier musulman, car je percevais le fait que la méfiance y était une règle.

Je n’y restais pas longtemps. Je suis resté en Cisjor-danie pour le reste de mon séjour. Le Nord de la Cisjordanie, c’est là-bas que j’ai passé parmi les plus beaux jours de ma vie. J’y ai retrouvé mon peuple ainsi que des habitudes, des traditions et des mœurs auxquelles je m’identifiais. Et cela malgré l’occupa-tion et les affrontements nocturnes quotidiens avec l’armée, malgré les barrages qui coupent les villes et villages les uns des autres, malgré le mur de sépara-tion enlaidissant les collines et les prés et qui divise les villes et emprisonne les Palestiniens. Je dis que ces jours-là furent extraordinaires par l’expérience qu’ils furent, par la nostalgie qu’ils me provoquèrent et l’intégration à ce milieu de mon moi perdu depuis longtemps. Je ne connus pas de plus beaux jours. Mais ce qui m’attristait c’était de n’être qu’un simple touriste, bien que je fus accueilli de la meilleure fa-çon et que les gens me reconnurent comme l’un des leurs.

Mais tout cela n’empêcha pas les jours de s’écouler et de me rapprocher de mon départ, et je dus me rhabiller de l’habit de touriste qui me servit à entrer dans mon pays, et retourner à ce que je n’étais pas. Et ce tourisme se termina au bout d’un mois, un mois bien trop court. Et une fois de plus, interroga-toire et attente quand je revins à l’aéroport… Après ce voyage inoubliable, je pris l’avion et je retournais à mon exil en France…

Ahmad ABU KHALED

Palestine… Quand on m’a demandé d’écrire cet ar-ticle, on m’a dit de raconter mon voyage dans mon pays de manière à donner envie aux gens d’aller le visiter. Mais je ne sais vraiment pas si l’image que je vais en donner sera attractive. Certaines personnes voient la Palestine comme une terre sainte, terre de conflits religieux et politiques. Mais ceux qui savent ce qui se passe actuellement là-bas sont peu nom-breux. Leur image de la Palestine est idéalisée. Une image liée au conflit actuel qui leur a donné des idées stéréotypées sur le peuple palestinien. Tandis que parmi les autres personnes qui connaissent la région, certains ne savent rien de la situation du peuple palestinien. Ou bien peut être ne veulent-ils rien savoir à ce propos. Et celui qui en allant en Palestine n’a pas vu la réalité de l’occupation n’a rien vu de la Palestine.

Mais moi non plus je ne connais pas la Palestine, et cela du fait que je suis fils de réfugiés qui furent expulsés de leurs maisons, je fus élevé dans un environnement différent et dans une patrie loin de la mienne. Ce voyage ne fut pas mon premier voyage là-bas. Mais ce fut mon premier voyage seul dans mon pays, sans ma famille. Cela ne rendit pas la chose facile. Le plus dur fut l’aller et le retour. En plus de ce que j’ai ressenti en laissant la France derrière moi, l’accueil à l’aéroport d’al-Lidd (de Tel Aviv) ne fut pas des plus chaleureux. Et la visite de mon pays commença par la salle d’attente pour l’in-terrogatoire : « Qui es-tu ? », « Où vas-tu ? », « Pour-quoi as-tu choisi ce pays pour les vacances ? », « Où vas-tu habiter durant ton mois de séjour ? »... Des questions sur moi, mes activités, ma vie. Et des heures maussades à attendre la décision de permis-sion ou de refus d’entrer dans le pays. J’ai tout de même obtenu l’autorisation d’entrer, et ce malgré les menaces de l’interrogateur.

Et puis commença l’un de mes plus beaux voyages. Et sa première étape fut Jérusalem (al-Quds al-Sha-rif). Là-bas j’ai pris une chambre dans le quartier musulman au cœur de la vieille ville. J’ai marché à travers ses rues, ses chemins et ses marchés. La nos-talgie me pris et me déchira, entre joie et tristesse, comme si je connaissais l’endroit alors qu’il m’était étranger. Comme si mon moi intérieur avait retrou-

PALESTINE

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TÉLÉVISION

La série télévisée Wanhun 晚婚, que l’on pourrait traduire par « Mariée sur le tard », incarne parfaite-ment les transformations en cours dans les menta-lités chinoises avec, au cœur de l’intrigue comme de la vie conjugale, des personnages féminins. Un scé-nario à la trame plutôt conventionnelle : une mère de famille, veuve, cherche à marier ses trois filles, déjà trentenaires. Mais un portrait, original, d’une génération de femmes pour qui la politique de l’en-fant unique a amené à questionner et redéfinir leurs prérogatives familiales.

En Chine, une fille encore célibataire après 30 ans est considérée comme une vieille fille. À travers le portrait de trois sœurs, la série Wanhun dessine ainsi en filigrane le portrait d’une société en mutation, sous l’action des femmes.

La sœur aînée présente un premier cas de figure exemplaire. À 30 ans, elle mène une trépidante car-rière d’actrice. La pression sociale aidant, elle s’ap-prête à s’engager dans un mariage de raison, avec un homme dont la situation sociale correspond aux exigences familiales. Quelques épisodes plus tard, elle réalise qu’elle a des sentiments, inavouables en raison de sa précarité sociale, pour un vieil ami de la famille. Car la question du mariage en Chine ne recouvre pas nécessairement la question de l’amour et de la passion, mais plutôt celle du devoir et des obligations familiales, où l’individu est pris dans un réseau complexe d’injonctions sociales. Le choix final de ce personnage, suivre son instinct et ses sentiments amoureux, montre bien la mutation en cours où les femmes prennent en main leur destin contre toute conformité ou soumission aux impé-ratifs familiaux.

Le deuxième exemple, typique, met en scène la cadette de la famille, amoureuse d’un ouvrier. Elle s’unit à lui, formant ainsi un couple matrimonial à l’importante disparité de statut social, au grand dam de sa mère. La jeune fille, en regard de la situation financière de son mari, se retrouve à acheter elle-même leur maison. Par cet acte, fort en connota-tions symboliques dans le monde chinois, elle jette

honte et déshonneur sur leurs familles respectives. Car c’est un devoir qui, normalement, incombe à l’homme. Cependant, son mari finit par s’élever dans l’échelle sociale, permettant d’améliorer leurs conditions de vie. Le travail absorbe tout son temps et, délaissant sa femme, les amène à rompre. La fin de leur histoire d’amour met toutefois en lumière un problème récurrent dans les relations humaines en Chine : le dur équilibre entre travail et amour. Bien souvent, il faut faire un choix entre l’un et l’autre.

Le troisième cas est celui de la belle-sœur de la fa-mille, toujours célibataire à 39 ans. Mais non sans son histoire d’amour particulière : elle a une relation adultérine, avec un homme marié, qui est également son professeur d’université. Elle transgresse les cen-sures morales pour suivre son cœur, mettant ainsi en relief l’audace et le courage de certaines femmes d’aujourd’hui, qui ne se laissent plus dicter leur comportement par les mœurs établies.

Non sans ironie, l’épisode final voit le mariage de la mère, renvoyant dos à dos ces trois portraits de femmes dont la modernité et l’audace sont fina-lement peu encensées par le programme. Ce qu’il a l’avantage de mettre en lumière, ce sont les di-lemmes intérieurs des femmes chinoises contempo-raines, déchirées entre leurs sentiments personnels et les injonctions sociales. Du fait de la politique de l’enfant unique, de nombreuses femmes, seule descendance de la famille, se retrouvent à endos-ser le rôle de l’héritier mâle. Comment, alors, une femme peut-elle concilier à la fois la nécessité de travailler pour subvenir aux besoins de ses parents et le désir de trouver un bon époux qui correspon-drait aux attentes de la société traditionnelle ? Alors que cette nouvelle autonomie et cette indépendance l’amènent à remettre en cause la nécessité et le be-soin du mariage…

Némésis SROURd’après une idée de Georgies SROUR

CHINE : DE L’AMOUR ET DU MARIAGE

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MUSIQUE

groupe date de 2013 et se nomme : All Is One (et on enfonce le clou). Plutôt que de vous faire une liste non-exhaustive des raisons pour lesquelles il est bon pour la santé de l’écouter, je vais plutôt vous dire ce que cet album n’est pas : une perte de temps. All Is One, chanson éponyme, ouvre le bal dans un déluge d’orchestrations ultra-travaillées, supportées par des choeurs majestueux et puissants. Et le re-frain de chanter : « Armed forces spill their blood on holy sands. Again and again we fail to see that all is one. », les forces armées versent leur sang sur les sables sacrés. Encore et encore, nous n’arrivons pas à voir que tout ne fait qu’un. Superbe évocation de la bêtise que sont les guerres de religion, qui nous suivra, tel une trame de fond tout au long de l’al-bum, abordant notamment les thèmes de la mort à cause de la guerre (Brother), de la trêve (Let The Truce Be Known), la fraternité, la bêtise humaine (Fail), entre autres thèmes, dans des chansons finalement pleines d’espoir pour un monde nouveau, un re-nouveau des relations humaines, quelles qu’elles soient, en prenant pour base la morale religieuse.

Amis linguistes, restez. Il y en a pour vous aussi ! Les paroles sont écrites en anglais, en hébreu, ain-si qu’en arabe. Il y a donc de quoi abreuver votre soif de curiosité, d’auto-exercices de grammaire, ainsi que votre volonté d’en mettre plein la vue en société.

Bref, vous l’aurez compris, dans All Is One, tout est bon. Alors toi, oui toi, qui lis ces lignes, fonce sur le site de Langues zOne, où tu pourras retrouver cet article, agrémenté de liens vers les clips et chansons du groupe !

Matou Mélomane

ORPHANED LAND

Toi qui penses que le Metal n’est qu’un genre musi-cal violent et sans âme ; toi qui penses que le Metal n’est que l’apanage de quelques pays où il fait froid (et c’est un euphémisme) et nuit 367 jours par an ; enfin, toi qui penses que rien de ce que je pourrais écrire ici te fera un jour changer d’avis, même sous la contrainte d’une dizaine de dagues sacrificielles, prépare-toi à voir tes fondations trembler. Car au-jourd’hui, je te présente Orphaned Land.

Groupe fondateur d’une mouvance que l’on fini-ra par appeler Oriental Metal (si, si, ça existe), Or-phaned Land, groupe israélien (et là, on comprend davantage son nom) se démarque par ses sonorités extrêmement orientalistes. Amateurs de choeurs, d’instruments et de chants traditionnels juifs et arabes, penchez-vous sur ce groupe original aux mille facettes, transmettant un message des plus importants. D’une extrême clarté, il trouverait ré-sonance dans les oreilles des pacifistes les plus hostiles au Metal des préjugés : « People should be judged by their hearts and inner sincerity, not their religious beliefs » (Les gens devraient être jugés sur leurs coeurs et leur sincérité, pas sur leurs croyances religieuses). Un message de paix, d’acceptation de l’autre, qu’il serait bon d’afficher sans retenue un peu partout, en particulier sous le nez de toutes ces belles âmes qui prônent l’amour en provoquant des génocides. The beautiful people, comme dirait l’autre.

Quoi qu’il en soit, Orphaned Land est né en 1991 sous le nom de The Resurrection, avant de devenir Orphaned Land un an plus tard. En 12 ans, quatre albums et un EP ont vu le jour, ainsi que le DVD d’un de leur concert à Tel-Aviv. Le dernier effort du

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JEUX VIDÉO

Sur la boîte frangée de bleu d’un jeu de PlayStation 2, le dessin au pinceau d’un loup saisi en plein saut. La gueule ouverte et menaçante, sa fourrure imma-culée semée de marques rouge sang, il porte sur le dos un disque enveloppé de flammes qui embrasent un énorme soleil écarlate. Par-dessus le disque so-laire s’étale le mot « Ôkami » tracé à l’encre noire. Au dos de la boîte, quelques captures d’écrans du jeu et cet appel : « Ôkami, loup blanc et dieu, ton peuple a besoin de toi. Le démon Orochi s’est échappé. Les terres sont dévastées. Les monstres imposent leurs lois. Les arbres ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Cours vite, bats-toi avec hargne, Ôkami. Sauve-nous… »

Difficile de dire, en lisant ces phrases, si, vraiment, le jeu sera aussi bon qu’il le prétend. Les captures d’écran sont trop petites pour pouvoir en juger et les commentaires qui les accompagnent font montre d’une emphase tout à fait habituelle. L’image du loup, pourtant, porte en elle une grâce certaine. Que faut-il donc penser de cet objet curieux ? Sans doute, la meilleure façon de se faire une idée est-elle tout simplement de s’essayer au jeu. Jouons donc !Tout commence par le récit du combat entre le mal-faisant dragon Orochi et le guerrier Izanagi, aidé par le loup Shiranui qui se sacrifie pour lui apporter la victoire. Izanagi triomphe du monstre et l’enferme dans la Cave de la Lune en scellant l’entrée de son épée. Un siècle plus tard, une ombre mystérieuse dérobe l’épée antique et libère le dragon à huit têtes. Le mal déferle sur les terres du Nippon, consumant la nature et les êtres qui la peuplent. Un seul secours possible : Amaterasu, la déesse du soleil, qui se ré-incarne dans la statue de Shiranui. C’est alors que le jeu commence. Notons au passage que le nom

du jeu joue sur l’homophonie des mots ôkami 狼, « loup », et ôkami 大神, l’orthographe utilisée dans le titre, qui signifie « dieu, déesse ».Dès les premières images, dès les premières notes de ce qui se révèlera être une fabuleuse bande-son, Ôkami se hisse au rang de chef-d’œuvre. Le jeu est beau, comme l’est une estampe. Tout, jusqu’au moindre détail, est soigné et plein d’un charme inex-primable. Le loup qui bondissait sur la jaquette n’a pas trompé son spectateur. La musique accompagne magistralement chaque épisode du jeu, tour à tour tendre, drôle, épique ou triste. Le joueur qui court dans la peau d’un loup blanc divin peut presque sentir sous ses pattes l’herbe verte des terres imagi-naires du Nippon ancien, le vent vif et l’odeur salée de la mer.Mais la beauté visuelle et sonore d’Ôkami n’est pas son seul atout : l’organisation du jeu n’est pas en reste. Le joueur part explorer, en compagnie d’Is-sun, un minuscule acolyte prodigue de conseils, le monde fabuleux du Nippon ravagé par le mal et les démons. Au cours de l’aventure, qui le fera voyager à travers tout le pays, il devra retrouver, l’un après l’autre, les pouvoirs dispersés du « pinceau céleste » que lui rapporteront les douze animaux du zodiaque chinois. Ce pinceau est l’une des armes principales d’Ôkami, en plus de ses griffes et de ses crocs. Son maniement est relativement compliqué, mais la maî-trise vient avec l’habitude. Le joueur progresse dans sa quête – la destruction du mal qui s’est emparé du pays – en interrogeant les nombreux person-nages secondaires qu’il croise durant son voyage et en combattant les yokai, démons pernicieux. Il explore les paysages et les villes d’un Japon fan-tastique, habité par ses contes et ses légendes, où prennent vie Orochi et Susanoo, le Roi Dragon et les renardes, Minamoto no Yoshitsune et le moine Benkei, Okikurumi le dieu de la tribu Oina et les huit chiens-guerriers de Satomi, le héros Momotarô et Issun, le garçon d’un pouce de haut…C’est cela qui fait, entre autres nombreuses choses, le charme d’Ôkami. Les concepteurs ont puisé dans le riche folklore japonais pour créer une histoire nouvelle qu’ils ont épicé avec soin de nombreuses surprises et de rebondissements multiples. Pour un joueur ignorant tout du Japon, Ôkami restera sim-

ÔKAMI, UN JOYAU DES JEUX VIDÉO

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JEUX VIDÉOplement un bon jeu. Mais pour celui qui connaît, ne serait-ce qu’un peu, l’univers nippon… Pour ce-lui-là, les légendes prennent vie.Certains personnages ont vraiment vécu. C’est le

cas d’Ushikawa, c’est-à-dire Minamoto no Yoshit-sune, un très célèbre général de la guerre entre les Taira et les Minamoto au XIIème siècle. Poursuivi par la haine de son frère, Minamoto no Yoritomo, il a connu une fin tragique et a inspiré de très nom-breuses œuvres littéraires et théâtrales. La Reine Himiko est un autre personnage plus ou moins historique, une sorte de reine-chamane, qui aurait régné au Japon vers le milieu du IIIème siècle.D’autres sont des personnages de légendes, des dieux. C’est le cas du célèbre couple d’Izanagi et Izamani no Mikoto, un frère et une sœur divins qui, selon le Kojiki (un recueil de mythes relatant l’origine des îles japonaises et les dieux), auraient en s’unissant donné naissance aux îles du Japon et, d’une certaine façon, à Amaterasu. C’est le cas éga-lement de Susanoo no Mikoto et du dragon Yamata no Orochi, dont le combat a été décrit dans le même Kojiki (et dans un article du précédent numéro de Langues zOne). Un dernier groupe de personnages rassemble les créatures de contes ou d’œuvres litté-raires. Ainsi, la princesse Kaguya et le vieil homme qui l’a trouvée au cœur d’un bambou géant sont les héros du Taketori Monogatari, le conte du coupeur de bambous (Xème siècle environ). Les huit chiens qui apparaissent tout au long du jeu, guerriers nés d’une union spirituelle entre un chien et une jeune fille, sont les héros des 98 livres d’un roman-fleuve de Bakin, Satomi hakkenden, l’Histoire des huit chiens de Satomi (1814-1842).Les yokai qui peuplent l’univers d’Ôkami forment un groupe à part, bien particulier, qu’il serait trop compliqué d’étudier en si peu de lignes.

Tous ces personnages gardent leurs caractéristiques principales : Kaguya reste une habitante de la lune, Issun a conservé sa petite taille, Izanagi et Susanoo ont toujours leurs épouses, Izanami et Kushinada, et les renardes ont gardé leur ruse et leur malice. Pourtant tous connaissent une sorte de seconde jeunesse et les nombreuses légendes individuelles ont été remaniées de telle sorte que chacune se fonde dans le tableau général. Le matériau de dé-part est un matériau ancien, parfois antique, mais le résultat est absolument neuf et original. C’est un des plaisirs d’Ôkami que de découvrir de quelle manière de célèbres héros de conte ou des person-nages historiques ont été utilisés au sein du jeu.Cet éloge n’est pas le seul fait de l’imagination en-flammée d’une unique joueuse qui profiterait de sa qualité de rédactrice pour vanter les mérites de son jeu favori. Tous les critiques, tous les magazines, tous les sites spécialisés dans l’univers des jeux vi-déo ont porté Ôkami aux nues lors de sa sortie en 2006 (2007 pour la France). Kamiya Hideki qui l’a créé avec le Clover Studio a reçu des louanges uni-verselles, et le jeu lui-même a gagné de nombreux prix, parmi lesquels le prix du meilleur jeu d’aven-tures de l’année de l’IGN Awards de 2006 et les prix de la meilleure direction artistique et de la meilleure musique originale des BAFTA Game Awards en 2007. Les spécialistes les plus divers s’accordent pour dire qu’Ôkami est véritablement une perle rare qui prouve avec éclat que les jeux vidéo peuvent appartenir, n’en déplaise à certains, au domaine de l’art. Pourtant, en dehors des professionnels et des joueurs avertis, rares sont ceux qui connaissent ne serait-ce que l’existence de ce jeu. Il y a là un cer-tain paradoxe. Auréolé de toutes les gloires et de toutes les louanges, Ôkami reste un grand méconnu. Le Clover Studio a fermé ses portes peu de temps après la création de son chef-d’œuvre et la seule suite qu’il ait connu est Ôkami den sur Nintendo DS, qui n’a jamais atteint la France. Les quelques versions sur Wii et sur PlayStation 3 ne sont que des reprises du jeu original sur PlayStation 2. Le grand public ignore son existence, et quand il l’apprend, il a toutes les difficultés du monde à se procurer un exemplaire. Les sous-entendus de Kamiya Hideki dans de récentes interviews peuvent néanmoins faire naître quelques espoirs quant à des suites éventuelles.

Pauline C.

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RECETTES

- 500 g de viande de bœuf, de préférence avec un os- 1/3 de chou blanc- 4 pommes de terre- 1 gros oignon- 1 grande carotte- 1 grande betterave - 1 tomate- Persil- Aneth- Ketchup

Versez de l’eau dans une grande casserole et met-tez-y la viande. Ajoutez du sel et couvrez la casse-role. Laissez le tout bouillir en enlevant régulière-ment la mousse qui se forme à la surface.Hachez le chou, coupez les pommes de terre en dés, râpez la carotte, hachez l’oignon, râpez la betterave et coupez la tomate en petits morceaux.La viande devrait être à point. Sortez-la et réservez.Mettez le chou et les pommes de terre dans le bouil-lon et laissez bouillir. Gardez le couvercle sur la cas-serole.Versez de l’huile de tournesol sur une poêle et faites revenir la carotte et l’oignon. Quand ils vous semblent prêts, rajoutez la betterave. Faites revenir encore cinq minutes. Rajoutez la tomate et, de nou-veau, faites revenir cinq minutes.Salez, rajoutez 2 ou 3 cuillères de ketchup et mettez le tout dans la casserole. Laissez bouillir.Coupez la viande en morceaux et remettez-la dans le bouillon. Rajoutez le persil et l’aneth coupés.Laissez bouillir encore quelques minutes.Éteignez le feu et laissez la casserole sur la plaque chaude pendant une quinzaine de minutes.Servez avec de la crème fraîche.

- ½ litre de lait- ½ gousse de vanille- 50 g de beurre- 100 g de farine- 250 g de sucre- 2 œufs entiers- 2 jaunes d’oeufs- 1 cuillère à soupe de rhum- 1 ou 2 moules à cannelés

Commencez par couper la gousse de vanille en deux dans le sens de la longueur, puis plongez-la dans le lait versé dans une casserole. Chauffez à feu doux, le lait doit être frémissant sans arriver à ébul-lition. Faites fondre le beurre séparément.Pendant que le lait chauffe, mélangez la farine, le sucre et les œufs dans un grand saladier. Puis ver-sez le lait, sans oublier d’enlever la demi-gousse de vanille.Mélangez doucement pour obtenir une pâte fluide.Laissez refroidir une dizaine de minutes et versez le rhum.Couvrez le saladier et placez-le au réfrigérateur pen-dant une heure.Préchauffez le four à 270°. (Si, comme le mien, votre four ne monte pas à cette température, met-tez au maximum et rallongez un peu le temps de cuisson)Beurrez les moules et versez la pâte.Placez au four à 270° pendant 5 minutes. Puis bais-sez à 180° et laissez cuire une heure.Les cannelés doivent être bien bruns à la fin de la cuisson.

Pauline C.

CANNELÉS - BORTSCH ( БОРЩ)

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15WESHCOUCOU ! Ne jette pas le journal, passe-le à ton voisin quand t’as fini !

Langues zOne n°37Équipe de rédaction

Rédacteurs-en-chef : Adeline FLEUVE, Nicolas SINDRESTextes : Ahmad ABU KHALED, Fiorella BOURGEOIS, Pauline C., Clémence GILONNE, Matou Mélomane, Nicolas

SINDRES, Georgies SROUR, Némésis SROUR, W.S.Graphismes et illustrations : Alexis BARBIN, Anne-Sophie BREANT, Kao

Mise en page : Adeline FLEUVE, Nicolas SINDRESÉditeur : Langues zOne (association loi 1901)

Imprimeur : INALCO, 65 rue des Grands Moulins, 75013 PARISD’après la loi de 1957, les textes et illustrations publiés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. L’envoi de textes,

photos ou documents implique leur libre utilisation par le journal. La reproduction des textes et dessins publiés est interdite. Ils sont la propriété exclusive de Langues zOne qui se réserve tous les droits de reproduction.

ISSN : 1774-0878

Pour toutes vos questions ou pour participer, contactez-nous à [email protected] au courant de nos activités sur notre

page Facebook Langues Zone ou sur notre site,www.langueszone.wordpress.com !

Calendrier des trucs trop cool qui se passeront dans ta fac ce mois-ci !

- Du 2 au 9 avril, cycle de conférences du-professeur Asaduddin (New Delhi).

- Mardi 8 avril, de 14h à 17h, Langues et cultures de la région de l’Isan (Thaïlande), salle 3.15.

- Mardi 8 avril, 18h, Festival international Jean Rouch, Avez-vous vu le Arana ?, de Nin-gal Aranye Kando, auditorium.

- Lundi 7 avril, cycle cinéma chinois : Mir-ror of emptiness, de Ma Li, auditorium.

- Mercredi 9 avril, 17h, L’écriture de l’imagi-naire : les dessins de Brice Marden inspirés par des poèmes de Du Fu, salle 3.12.

- Mercredi 9 avril, de 15h à 19h, Entre deux langues : Grèce-Turquie, salle 4.24.

- Jeudi 10 avril, de 10h à 17h, Journée du Goût, hall du 2ème étage et auditorium.

- Vendredi 11 avril, 19h, Si pitung (théatre indonésien), auditorium.

- Lundi 28 avril, de 10h à 17h, Festival SEE à Paris, auditorium.

- Mardi 29 avril, de 10h à 21h30, Journée de la Russie, hall du 2° étage et auditorium.

Crédits photo : cannelés © frenchymilie.blogspot.fr ; illustrations d’Ôkami © Clover Studios ; illustrations d’Ophaned Land © or-phaned-land.com.