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L'ARC DE TRIOMPHE DE CONSTANTIN Author(s): Georges Rohault de Fleury Source: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 8 (Juillet à Décembre 1863), pp. 245-252 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41734240 . Accessed: 19/05/2014 22:50 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Archéologique. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.109.69 on Mon, 19 May 2014 22:50:18 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

L'ARC DE TRIOMPHE DE CONSTANTIN

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L'ARC DE TRIOMPHE DE CONSTANTINAuthor(s): Georges Rohault de FleurySource: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 8 (Juillet à Décembre 1863), pp. 245-252Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41734240 .

Accessed: 19/05/2014 22:50

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L'ARC DE TRIOMPHE

DB

CONSTANTIN

J'ai été assez heureux pour faire à Rome une étude de l'Arc de Constantin et j'ai envoyé à l'exposition de cette année des dessins qui en sont le résumé. Voici quelques mots de description sur le même monument, l'un des plus curieux pour l'histoire de l'art. Cet édifice est composé de l'arcade triomphale et de deux plus petites, séparées de la grande par des colonnes : il porte un attique où se trouve l'inscription et qui lui sert de couronnement.

i° Nous parlerons d'abord de l'ordre architectural ; 2° Puis des arcades qui s'ouvrent dans les intervalles des colonnes; 3° Enfin de l'attique, des bas-reliefs et de l'inscription qui le

décorent.

I

Le sol antique aujourd'hui recouvert par la voie moderne était composé de grandes dalles de marbre posées avec une certaine symétrie, comme on le remarque dans le plan qu'en a donné M. Caristie.

Les piédestaux élevés sur une double plinthe sont ornés de vic- toires d'un style grossier; sur les retours, ils portent des représen- tations de captifs conduits par des soldats, et il sont couronnés par une cymaise lourdement copiée sur celles déjà si lourdes de l'Arc de Septime.

Ce monument, construit avec d'anciens débris d'un arc de Trajan, montre un contraste frappant entre le style de la bonne époque et celui de la décadence au temps de Constantin. Les bases des colonnes

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portant immédiatement au-dessus de cette cymaise, tranchent par l'élégance de leurs profils avec la lourdeur des piédestaux, et offrent à la critique archéologique une précieuse occasion de s'exercer devant ces deux oeuvres antiques juxtaposées par une main barbare. Les colonnes, excepté une en marbre blanc, sont toutes de jaune antique; elles sont finement cannelées et ne diminuent que depuis le premier tiers de leur hauteur au point où les cannelures sont complètement évidées.

Les chapiteaux corinthiens à feuilles d'olives sont aussi du temps de Trajan, et présentent un spécimen de la belle sculpture antique. Les feuilles profondément refoulées et modelées par plans semblent se dresser sur leurs côtes nerveuses qu'on dirait pleines d'une sève féconde ; les colicoles s'enroulent sous le tailloir en une spirale gra- cieuse. La plupart de ces chapiteaux sont malheureusement mutilés; les angles des tailloirs manquent presque partout; les feuilles si merveilleusement détachées du fond laissent voir en beaucoup de parties le galbe nu de la corbeille.

Sur ces précieux fragments s'étend une lourde architrave tout entière de la décadence : elle se compose d'un talon sans ornements et de trois faces légèrement inclinées.

La frise, aujourd'hui tout à fait brute, a dû recevoir jadis un revê- tement de marbre; le rang de perles qui termine la corniche par en bas est de deux centimètres en avant sur le fond et laisse ainsi pré- cisément la place des minces dalles de marbre dont les anciens, surtout au temps de la décadence, avaient coutume de revêtir leurs monuments. 11 faut ajouter que de nombreux trous attestent l'emploi des agrafes qui les retenaient. Ces marbres ont partout disparu dans la frise.

La corniche est un des plus beaux restes de l'antiquité; elle ressaute au droit des colonnes; ces ressauts, et une longueur en retour d'un mètre, sont des raccords avec les fragments plus anciens; les ornements grossiers, empâtés comme de simples épanelages, rendent sensibles pour l'œil le moins exercé la différence avec les sculptures voisines où le modèle des feuilles se perd dans la grada- tion des pénombres jusqu'à l'ombre énergique de profonds refonil- lements : ici l'ove, qui rappelle exactement la forme de l'œuf, est presque détachée de la gorges à laquelle elle tient à peine, et elle ressort vivement dans l'encadrement noir qui l'entoure. Le travail des denticules rappelle les tours de force de ces ouvrages en ivoire où plusieurs boules sont enfermées les unes dans les aulres; à travers les légères dentelles de marbre qui en relient les intervalles, on

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trouve en plongeant la main une profonde cavité d'où . l'ombre semble sortir pour diviser fortement les denticules.

Serlio reproche à cette corniche, peut-être avec raison, la sur- charge des ornements et l'alliance des denticules avec les modillons qu'il n'admet dans aucun cas. On pourrait aussi critiquer le peu de hauteur du larmier, si on ne pensait que découronné de sa cymaise il a perdu beaucoup d'importance. Cette cymaise, sans doute en bronze, aura, comme tous les ornements de ce genre à Rome, fait partie du butin qu'y venaient périodiquement recueillir les Barbares.

II

Nous passons à la description des arcs et des bas-reliefs qui les décorent, et auxquels l'ordre dont nous avons parlé sert pour ainsi dire de cadre.

La grande arcade s'élève jusqu'à l'entablement dont la clef touche presque le dessous de l'architrave. L'archivolte porte deux moulures ornées de raies-de-cœur grossiers. Les tympans sont occupés par des victoires ailées qui portent des enseignes; ces figures ont de loin un grand effet et un style accentué que l'incorreclion du dessin semble effacer quand on vient à les toucher. Un esprit éminent de notre temps cherchait à rattacher celte déchéance des arts d'imitation à la dégénérescence des modèles qui, flétris par les hontes de l'Empire, n'offraient plus, comme aux artistes grecs, les lignes pures d'un type idéal. Nous croyons plutôt que les sculpteurs d'alors, incapables comme des enfants de copier la nature vivante, dont les impressions mobiles leur échappaient, trouvaient plus aisé de reproduire les œuvres de leurs prédécesseurs. Quand on copie, on déchoit; et de copie en copie, ils descendaient ainsi rapidement les échelons de la décadence. Dans les bas-reliefs de ce monument, où ils avaient à raconter des fails nouveaux, où il fallait non plus imiter des victoires en marbre, mais en sculpter de véritables, ils se sont trouvés aban- donnés à eux-mêmes, c'est-à-dire à l'ignorance la plus triste; ce sont alors des œuvres d'enfant; non point de cetle enfance naïve qui précède les grands styles, mais enfance de décrépitude qui en annonce la mort. - Sous les pieds de ces victoires, une figurine, debout, sert à remplir le vide jusqu'à l'imposte.

La corniche d'imposte , avec plus d'exagération que celle de l'enta- blement, pèche également par un excès de richesse. Les détails y sürabörident; de petits aigles déploient leurs ailes contre les volutes

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248 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. des modillons; les denticules sont enrichies de petites tables ren- trantes, et chaque membre du profil est orné avec un luxe qui jette un peu de confusion dans l'ensemble.

Au-dessous de l'imposte les piédroits de l'arc, actuellement dé- pouillés de leurs ornements, portaient autrefois des enseignes ou des trophées, ornements en bronze également appliqués sous la voûte, comme les trous existants nous portent à le croire.

Les murs des deux côtés de la grande arcade sont décorés par de grands bas-reliefs qu'on doit ranger parmi les meilleurs ouvrages du temps de Trajan ; ils sont comparables mais supérieurs à ceux de Bènévent de la même époque; la composition est plus noble et la répartition entre les nus et les draperies est faite dans une plus juste mesure. D'un côté on lit l'inscription : LIBERATORI VRBIS, surmontant une scène qui représente un combat; au milieu, le vain- queur, avec une fierté majestueuse, pousse ses soldats sur les ennemis en fuite. De l'autre côté, sous les -lettres FVNDATORI QVIETIS, le sujet est plus tranquille, le succès est assuré, la Victoire descend du ciel avec une grâce et une élégance divines; elle pose une couronne de lauriers sur le front de l'empereur, qui semble remercier les dieux et féliciter ses soldats.

Chacun des petits arcs est moins richement orné : quatre niches carrées avec des bustes en bas-reliefs grossiers, en forment toute la décoration.

L'œil n'est pas moins choqué du profil confus des impostes, contrarié, comme l'observe Serlio, par le gorgerin en surplomb de trois centimètres sur le nu inférieur. Les figures des tympans sont barbares et tombent dans le grotesque par l'oubli du dessin.

La vue se repose sur les médaillons entre l'entablement et les petits arcs : on en compte quatre sur chacune des façades principales et deux sur les côtés. Aussi précieux par leur rare conservation que par leur admirable facture, ils offrent une preuve du goût exquis des anciens dans le bon temps de l'art. Les huit premières ont trait à des chasses ou des sacrifices. Le médaillon placé sur la façade orientale représente le lever du jour, et sur la face éclairée par le couchant, l'allégorie se continue : on voit la figure personnifiant la lumière, pousser ses chevaux dans les flots où ils vont disparaître.

L'entourage de ces médaillons est fruste et en retraite de trois centimètres sur l'affleurement du mur. Nous devions, comme à la frise, supposer des revêtements en marbre; nous avons acquis la certitude que cette hypothèse était fondée, en retrouvant un petit fragment de porphyre entre les deux médaillons de gauche sur la

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façade septentrionale. Ce vestige, précieux pour la restauration du monument, ne peut laisser aucun doute sur la question.

Au-dessus de ces médaillons, on lit sur la façade méridionale :

SIC X - SIC XX

et sur celle qui regarde le Colysée :

VOTIS X - VOUS XX

Nibby pense que ces inscriptions se rapportent à l'époque de la fondation ou de l'achèvement, qu'elles déterminent en comptant les années à partir de l'avènement de Constantin. Orelli, donnant une explication différente, croit qu'elles font mémoire de vœux décennaux ou vicennaux, et supplée ainsi aux abréviations :

YOTIS DECENNALIBYS - VOTIS VICENNALIBVS SICVT DECENNALIA - SIC VICENNALIA

III

Il nous reste à parler de l'attique qui, dans les arcs de triomphe, a toujours beaucoup d'importance à cause de l'inscription qu'il sup- porte.

Cette partie de l'arc de Constantin a gardé son caractère plus que la plupart des autres monuments de ce genre, par la belle construc- tion de ses bas-reliefs et, ce qui est bien rare, par celle des statues placées au-dessus des colonnes. Ces huit statues en marbre pavo- nazetto représentent des rois captifs. Sept sont antiques, la huitième fut remplacée par Clément XII, lors de la restauration que fit ce souverain pontife. Les têtes sont modernes, les anciennes ayant été volées au temps de Clément VII, par Laurent de Médicis, suivant une tradition peu probable et qui semble démentie par la découverte qu'on fit sous l'arc d'une des têles antiques. Ces statues d'un beau style ont, comme il convient à des rois prisonniers, une attitude fière; ils semblent apercevoir déjà à l'horizon leurs vengeurs prêts à fondre sur l'empire romain.

Entre ces statues, l'attique est décoré d'admirables bas-reliefs accouplés deux à deux et tous du temps de Trajan. Nous ne pouvons entrer dans le détail de ces scènes que le bel état des marbres et le prix du travail rendent très-intéressantes pour les artistes et les antiquaires : nous voulons seulement attirer l'attention sur le soin

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qu'on y a pris de toul sacrifier à la figure humaine. Lés héros domi- nent ce qui les entoure; près d'eux les animaux, les arbrés, les monuments surtout, sont réduits à des proportions très-secondaires. Derrière ces figures si pleines de noblesse, si savamment drapées, modelées avec un ciseau si fin, on est surpris de la petitesse et de la négligence des perspectives architecturales; ce sont de simples cro- quis, de légères esquisses qui forment des cadres et remplissent les fonds sans distraire l'attention.

Au-dessus des grands arcs, l'attique porle une inscription répétée Sur les deux faces :

IMP • CAES ' FL • CONSTANTINO MAXIMO •

P * F • AVGVSTO • S • P * Q • R •

QVOD * INSTINCTV • DIVINITATIS • MENTIS MAGNITVDINE • CVM ■ EXERCITV • SVO TAM • DE • TYRANNO ■ QVAM • DE • OMNI EIYS FACTIONE • VNO • TEMPORE • IVSTIS REMPVBLICAM • VLTYS • EST • ARMIS ARCVM • TR1VMPHIS ■ INSIGNEM • DICAVIT •

Nous croyons pouvoir traduire ainsi cette inscription : • A l'empereur César Flavius Conslanlinus, très-grand, pieux,

« heureux, auguste, qui, par l'inspiration divine et par son génie, « sut, dans une guerre légitime, venger la république à la fois du < tyran et de sa faction, le sénat et le peuple romain ont dédié cet « arc, monument de ses victoires. »

L'expression divinità s accuse la nouveauté de sentiments qui cherchaient une nouvelle forme pour s'énoncer. Ce mot, jusqu'alors rarement en usage dans la langue latine et seulement employé dans les ouvrages philosophiques de Cicéron, devint le terme usité pour complaire au vainqueur; on a prétendu qu'il avait été ajouté après coup, et Burckhardt soutient que sous les leltres instinctu divinitatis on pouvait lire ceux-ci mal effacés Nutu 3. 0. M. Nibby semble partager ce sentiment et incline à croire que Constaniin, pour donner plus d'éclat à sa conversion, aurait corrigé les premiers caraclères. On sait pourtant qu'il ne brisa pas brusquement avec l'ancienne religion et qu'il ne reçut le baptême qu'à ses derniers moments; cette raißon ne peut donc être alléguée; nous sommes d'ailleurs en droit d'affirmer que celle inscription n'a subi aucune altération ; un joint dégradé par le temps traverse les caractères en

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question, et la correction eût certainement été mise à jour parcette raine. Les restaurateurs, ce qui est déjà trop, n'ont rapporté que de petits morceaux de marbre en d'autres endroits et leur peu d'étendue n'aurait, dans aucun cas, modifié le sens général.

Au-dessus de l'attique, le couronnement dont le socle mouluré existait encore du temps de Desgodets, a complètement disparu ; on ne peut douter qu'il n'ait été, suivant l'habitude, composé d'un quadrige avec des aigles ou des trophées au-dessus des pilastres d'at- tique. Lorsque ce monument tout entier est une imitation des arcs précédents, il n'y a pas de raison de le supposer dissemblable dans le haut.

Nous ne terminerons pas notre élude sur cet admirable édifice sans faire ressortir l'intérêt qui s'y rattache au point de vue de l'histoire de l'art. Pour ceux qui aiment à parcourir les mystérieuses catacombes des arts anciens, l'arc de Constantin est un des points le plus lumineux de leur exploration : c'est comme la borne placée sur la frontière de l'empire païen qui tombe et de l'empire chrétien élevé sur ses ruines; c'est le premier monument de la décadence, quoique ce n'en soit pas le point de départ. La véritable époque de la déchéance de l'art, selon Winkelman, doit être fixée au règne agité de Gallien; il serait donc très-injuste d'accuser Constantin d'une décadence qu'il a trouvée et qu'il n'a pas faite. On ne saurait dire non plus qu'elle fut accélérée par la destruction des chefs- d'œuvre antiques tombés sous les haches chrétiennes, puisque c'était faute d'en revenir à imiter la nature que l'art s'était égaré. Du reste si les chrétiens, en arrivant au pouvoir, ensevelirent sous le sol tant de magnifiques fragments, il ne faut pas trop s'en plaindre: ainsi pro- tégés longtemps comme des germes, ces marbres firent naître, en revenant à la lumière, la renaissance de Nicolas de Pise, de Raphaël, de Michel-Ange.

L'arc de Constantin porte le dernier signe d'une décadence avancée dans l'impuissance de ses auteurs qui furent obligés de rechercher les œuvres d'anciens maîtres et de recueillir les ruines de l'arc de Trajan pour la nouvelle construction. Si l'emploi qu'ils en firent eût été judicieux, s'ils eussent surtout entouré de respect ces beaux restes qu'ils ne savaient même plus copier, il ne serait pas permis de les accuser d'une ignorance complète; malheureusement ils s'en servaient sans avoir conscience de leur propre faiblesse, et ils les respectaient si peu, que nous avons trouvé dans les chambres évidées au-dessus des arcs, de précieux débris jetés pêle-mêle dans la maçonnerie. Ils n'étaient pas moins incapables de raccorder entre

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252 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. eux les anciens fragments que de les ajuster avec goût; leur bar- barie est partout mise en relief par la comparaison qu'ils nous ont eux-mômes préparée, et ils sont condamnés par les reliques pré- cieuses qu'ils ont grossièrement enchâssées.

Ce monument est une leçon profonde dont nous devons nous pénétrer : cette ruine doit nous rappeler que l'art, qui a besoin pour vivre de copier le passé et d'en recueillir les fragments, est un art qui tombe; que l'art véritable, l'art vivant, doit avoir sa vie propre et sa muse à lui, qu'il doit être l'héritier et non pas l'esclave de ses devanciers. Nous nous demanderons peut-être alors, en reportant nos réflexions sur nous-mêmes, si nous n'inclinons pas déjà sur les pentes de la décadence, lorsque dans l'incertitude de nos convictions nous arrachons des lambeaux à tous les styles, depuis Périclès jusqu'à Louis XVI, pour en parer des œuvres sans beauté originale et sans caractère)

Georges Rohault de Fleury.

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