38
This article was downloaded by: [University of Tasmania] On: 14 November 2014, At: 13:33 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Studia Neophilologica Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/snec20 L'attribut de l'objet en français Hans NilssonEhle Published online: 22 Jul 2008. To cite this article: Hans NilssonEhle (1952) L'attribut de l'objet en français, Studia Neophilologica, 25:2, 105-140, DOI: 10.1080/00393275208587084 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/00393275208587084 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is

L'attribut de l'objet en français

  • Upload
    hans

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L'attribut de l'objet en français

This article was downloaded by: [University of Tasmania]On: 14 November 2014, At: 13:33Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T3JH, UK

Studia NeophilologicaPublication details, including instructions forauthors and subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/snec20

L'attribut de l'objet en françaisHans Nilsson‐EhlePublished online: 22 Jul 2008.

To cite this article: Hans Nilsson‐Ehle (1952) L'attribut de l'objet en français, StudiaNeophilologica, 25:2, 105-140, DOI: 10.1080/00393275208587084

To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/00393275208587084

PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE

Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all theinformation (the “Content”) contained in the publications on our platform.However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make norepresentations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness,or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and viewsexpressed in this publication are the opinions and views of the authors, andare not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of theContent should not be relied upon and should be independently verified withprimary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for anylosses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages,and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly orindirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of theContent.

This article may be used for research, teaching, and private study purposes.Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan,sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is

Page 2: L'attribut de l'objet en français

expressly forbidden. Terms & Conditions of access and use can be found athttp://www.tandfonline.com/page/terms-and-conditions

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 3: L'attribut de l'objet en français

L'attribut de l'objet en français.

Esquisse d'une étude.

Dans la construction du type faire qn prisonnier, rendreqn heureux, élire qn président, appeler qn son ami, croire qninnocent, il y a, selon la terminologie courante, ces trois éléments :verbe + objet (direct) + attribut de l'objet.

Cette construction bien connue1 est de celles sur lesquellesbeaucoup a été dit mais qui attendent encore leur descriptioncomplète. On tâchera, dans le présent article, d'esquisser unplan pour le traitement détaillé de ce problème, qui par sacomplexité offre un sujet d'étude assez instructif au point devue de la méthode syntaxique.

En fait de travaux antérieurs sur la question, il existe uneétude spéciale, à savoir la thèse de Paul Gross, Die Konstruk-tion des doppelten Akkusativobjekts im Französischen (Göttingen,1912)*. Cette étude est basée en principe sur les verbes figurantdans la constr. en cause. Dans son classement, l'auteur appliquesuccessivement les distinctions suivantes: i° entre verbes expri-mant une activité physique (p. ex. faire, rendre, élire) et verbesexprimant une activité psychique (p. ex. appeler, dire, croire,juger), 2° entre verbes transitifs (faire etc.) et verbes réfléchis(se faire prêtre, se croire perdu etc.), 3° entre les cas de constr.directe de l'attribut («der reihe Prädikatsakkusativ») et les casde constr. avec préposition (p. ex. prendre qn à témoin, choisirqn pour complice) ou avec comme (p. ex. regarder qn comme

1 Voir p. ex. Plattner, Ausführliche Grammatik der franz. Sprache, Vp. 339 ss., avec documentation ibid., III, p. 207 ss. (liste nombreuse, parordre alphabétique, de verbes employés « mit prädikativem Nominativ oderAkkusativ »).

2 On peut nommer aussi W. Grünberg, Der objective Accusativ in denältesten franz. Sprachdenkmalen (Rom. Forschungen, III, 1887, pp. 517-632),qui a consacré à « l'accusatif prédicatif » un chapitre (pp. 610-626) sur lequelGross s'est en partie appuyé.

8—523363 Studia neophilologica

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 4: L'attribut de l'objet en français

IO6 HANS NILSSON-EHLE

modèle). A l'intérieur des catégories distinguées de cette manière,les exemples sont groupés suivant le sens du verbe, avec ungrand nombre de classes et de sous-classes («Machen zu etwasund sinnverwandte Begriffe; Ernennen zu etwas und sinnver-wandte Begriffe; Nennen u. s. B.; Glauben u. s. B. » etc.). Endernier lieu, sont notées les différentes espèces d'attributs obser-vés (p. ex., sous faire, p. 2 ss., attribut (= «Prädikat») sub-stantif: faire qngardien, adjectif: faireqcdurable, participe passé:le désir de faire sa chambre ordonnée,., pronom: faire qn [le]sien, locution prépositionnelle: afr. un boivre qui la fera sansparole). — En gros, l'auteur s'est limité à la simple constatationdes types observés et ainsi classés, avec indications successives deleur fréquence aux différentes époques; c'est un travail utilemais qui, bien entendu, n'épuise nullement la question.

De la même année que l'ouvrage de Gross date celui de Lerch,Prädikative Participia für Verbalsubstantiva im Französischen(ZRPh, Beiheft 42). L'auteur ne traite en principe que les attributsparticipes, mais le travail n'en reste pas moins important pourla discussion des caractères généraux de la constr. Le classementdes cas qui entrent ici en ligne de compte1 se trouve aux pp.69—80, et suit les catégories sémantiques du verbe : a) « Verbades Inhalts » (1. voir, entendre, sentir etc., 2. comprendre, deviner,etc., 3. supposer, se figurer, savoir etc., 4. vouloir etc., 5. croire,penser etc., 6. dire, annoncer, affirmer etc., 7. louer, approuveretc., 8. déplorer etc.), b) «Verba des Bewirkens» [faire, rendreetc.). Pour la documentation, M. Lerch s'est limité à un certainnombre de cas destinés à donner une idée générale de l'emploidu syntagme en cause.

Parmi d'autres ouvrages nécessaires à consulter, il fautnommer XEssai de grammaire de la langue française (EGLF)de Damourette-Pichon. Les questions relatives à notre construc-tion s'y trouvent discutées dans le tome III, chap. Ill—IV (p.151 ss.). La nomenclature très spéciale de l'EGLF nécessiteici quelques explications préliminaires. Par le terme d'« about»,les auteurs désignent (p. 154) d'une manière générale le membre

1 Dans le type qui forme le point de départ et le problème central del'étude de Lerch: « Citait son rêve accompli » = «Das war die Erfüllungihres Traumes », l'attribut ne se rattache pas à un objet du verbe.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 5: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS \0J

de proposition « vers lequel semble tendre naturellement le verbe,celui qu'à partir du repère (se. du sujet) le verbe atteint parla simple force de sa signification propre sans le secours d'aucunepréposition». Il y a plusieurs sortes d'« abouts simples», notam-ment l'«étance» (se. l'attribut du sujet, auprès des verbescomme devenir, être etc.) et 1'« avance» [se. l'objet direct);quand l'objet suffit en soi à compléter la proposition (en termesde I'EGLF: quand il «sature le verbe»), il est appelé « ayancepleine ». A côté des « abouts simples », il y a 1'« about dicéphale »(p. 171), qui est constitué par deux éléments et dont le typeprincipal est justement la constr. que nous avons en vue ici.Soit la constr. rendre quelqu'un heureux: 1'« about», c'est icil'ensemble des deux mots quelqu'un heureux, puisque l'objetquelqu'un n'achève pas la proposition (« ne sature pas le verbe »).Cet objet, qui appelle un autre complément, est ici non pas« ayance pleine », mais « ayance réceptive » ; le complément heureux,enfin, est appelé « couvercle » (p. 172). Aux termes « verbe +objet + attribut de l'objet» correspondent donc, dans la languede I'EGLF, les termes «verbe + ayance [réceptive] + couvercle».

Dans son exposé particulier de la constr. (p. 260 ss.), I'EGLFadopte un classement basé en premier lieu sur la nature du«couvercle» et en second lieu sur la nature de 1'« ayance ré-ceptive». Le couvercle peut être «adjectiveux» (sans article:rendre qn heureux; faire qn ministre) ou « substantiveux » (avecart., pron. poss. etc. : et le rendre le plus heureux monarque;— — le croire un traître; faire qn son premier ministre). Lecouvercle adjectiveux peut être soit « nominal » (c'est-à-direadjectif ou subst.), soit «verbal» (part, passé), soit «strumental»(pronom : je vous croyais autre), soit « convalent » (p. ex. uneloc. prépositionnelle : on soutenait l'ouvrage de lui; une forcequi la faisait sans inquiétude). De son côté, 1' « ayance » peutêtre un subst. [rendre les choses simples), un pronom (les rendresimples) ou un «convalent» (p. ex. une prop, subordonnée:trouver singulier que — — etc.). C'est donc un classement quiopère essentiellement avec des notions morphologiques et syn-taxiques; à l'opposé de ce qu'on trouve chez Gross, il n'y apas de classement sémantique selon le sens particulier desdifférents verbes. L'EGLF ne vise pas à une description lexi-

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 6: L'attribut de l'objet en français

I08 HANS NILSSON-EHLE

cologiquement complète et s'occupe peu des questions de fré-quence relative; son exposé consiste à définir, à l'aide de sonsystème terminologique, les principaux t y p e s de constructionproprement grammaticaux qui ont pu être réalisés par la langue.

Je signale également la contribution qu'a apportée à l'étudede ces faits M. Poul Hoybye, dans sa thèse U accord en françaiscontemporain (Copenhague, 1944), p. 138 ss., où la constructionest traitée sous la rubrique «nexus régime». Dans son exposé,qui est basé sur des matériaux intéressants et en partie nouveaux,M. Hoybye, qui ne cite pas le travail de Gross, classe commelui les exemples d'après les verbes employés, en les divisantpar groupes sémantiques: «verba efficiendi» [rendre, faire,constituer et autres), « verba voluntatis » (p. ex. il les auraitvoulus plus grands), « verba dicendi et declarandi » {on les ditjolies), «verba sciendi et sentiendi» {une chose que je sais fausse;il vit son nom déshonoré), etc. Il n'est évidemment pas entrédans le but de l'auteur d'examiner la construction dans tousses aspects.

Une étude plus comprehensive de la question pourra donc,semble-t-il, s'entreprendre en combinant les procédés des auteursnommés.

Il faut cependant commencer par bien délimiter le sujet del'étude et préciser la valeur des termes à employer. Il existeplusieurs types de constr. qui consistent en verbe + objet +troisième élément et qui ont de l'affinité avec celui que nousavons illustré au début. Si on veut tâcher de rester dans ledomaine de la terminologie traditionnelle, on aura donc à voirquelles sont les conditions dans lesquelles le terme « attribut »sera de mise.

Je ferai ici abstraction des cas où le troisième élément estconstruit indirectement, avec l'intermédiaire d'une prépositionou de comme {prendre qn à témoin, choisir qn pour complice,qualifier qn de fourbe etc.)1, et je me limiterai aux cas de con-struction directe.

1 Il ne faut évidemment pas confondre cet « attribut indirect », enregistréd'ailleurs aussi par l'EGLF comme « couvercle indirect » (p. 274), avec lescas d'un attribut direct formé par une locution prépositionnelle:— — quila faisait sans inquiétude ; je le crois d'humeur sévère etc.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 7: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS IOO.

On pourra poser, comme un premier point: l'attribut doitexprimer, par rapport à l'objet, une ca rac t é r i s a t ion propreou bien une identification, tout comme dans le cas de l'attributdu sujet. Il y a caractérisation dans on le croyait malade, onle croyait roi comme dans il était malade (ou roi): identificationdans on le croyait le roi comme dans il était le roi. Ceci admis,on exclura p. ex. les cas du type elle te croyait en bas (quel'EGLF, p. 270, range parmi les « couvercles »), qui correspondà il est en bas, où en bas est non pas attribut, mais complémentcirconstanciel. On exclura aussi les cas de 'proposition infinitive'(ou 'accusatif avec infinitif): faire venir qn, voir qn venir, oùil y a non pas caractérisation, mais expression d'une actionque l'objet est en train d'exécuter. (Pour les cas du type je levois qui vient, voir ci-dessous, p. 129.)

L'attribut peut aussi être constitué par le nom conféré àl'objet, notamment avec les verbes nommer, appeler etc.: onVappela Pierre.

Il y a ensuite la question importante des rapports entre leverbe, l'objet et l'élément de caractérisation. Cette question adifférents aspects qu'il faudra considérer à tour de rôle.

Il faut d'abord distinguer deux choses: i° le fait formelqu'un élément de caractérisation est rattaché à l'objet au moyendu verbe, et 2° les rapports logiques existant entre les troiséléments. Mettons quelques phrases (empruntées en partie àl'EGLF): on Va fait prisonnier-, je l'ai rendu heureux; je lecrois innocent; je le sais innocent; les cigarettes, je les aimedouces; je la voudrais heureuse; je l'ai trouvé singulier; je Vaitrouvé assis; je l'ai ramassé transi; je l'ai connu capitaine; ilgarde les yeux clos; il a les yeux bleus; étendez la nappe bienplate; viens que je te coiffe belle (EGLF, p. 316). Dans tousces cas, il y a, au point de vue extérieur, rattachement dutroisième élément à l'intermédiaire du verbe; mais au point devue logique, les rapports sont assez divers.

Pour l'analyse de ces rapports, il y a un point de vue quise présente tout de suite, et dont il faudra examiner la portée,à savoir: la division des cas suivant que la caractérisation del'objet constitue ou non un résu l t a t de l'action du verbe.Pour Gross, c'est le point de vue primordial: en effet il n'admet

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 8: L'attribut de l'objet en français

I I O HANS NILSSON-EHLE

en principe comme « Prädikatsakkusative » que les complémentsde résultat; ce qui implique que dans tous les cas dont il s'agit,le verbe lui-même exprime d'une manière ou d'autre l'idée de« faire » : « Alle Verben, die den prädikativen Akkusativ erfordern,sind im Grunde nur Modifikationen des Begriffes zu etwas machen,und zwar entweder durch die Tat, oder in Worten (Urteil) oderin Gedanken. »r

Cette manière de voir n'est cependant pas satisfaisante,puisqu'elle aboutit à séparer des cas qui sont en réalité trèsétroitement apparentés, comme p. ex. je le crois innocent etje le sais innocent. Gross, en effet, admet le cas de croire (ensuivant l'idée que dans une telle phrase 'son innocence' peutêtre considérée comme un résultat de 'ma croyance'), mais netraite pas celui de savoir (qui ne permet pas ce genre deraisonnement). Mais il est bien évident qu'il n'y a pas dedifférence essentielle entre ces deux cas; il faudra par con-séquent trouver un autre principe de définition, qui permettede les classer ensemble.

En même temps, il faudra souligner que s'il est possibledans un certain sens de voir une idée résultative dans la constr.avec croire, c'est pourtant un tout autre genre de résultat quecelui exprimé dans les constr. avec faire, rendre, constituer,élire etc. En fait, ce n'est qu'avec les « verba efficiendi » pro-prement dits qu'on peut parler pertinemment de « modificationsde l'idée de 'faire'», et ce n'est qu'avec ces verbes qu'on doitdire que la caractérisation est vraiment le résultat de l'actionverbale. La méthode à laquelle Gross s'est rallié a tâché devoir partout l'idée d'un résultat; du moment qu'il se montre descas, comme celui de savoir, qui échappent absolument à cetteinterprétation, il vaut mieux se limiter à l'appliquer aux casindiscutables dont nous venons de parler, et admettre expressé-ment qu'il existe deux types d'attributs: ceux qui sont résulta-tifs et ceux qui ne le sont pas.

Un principe de définition plus fécond naît de l'observationque dans tel cas donné, l'objet du verbe est en réalité formépar l 'ensemble des deux au t r e s é léments . C'est ce que

1 Cette formule, comme Gross l'indique, est celle de Draeger, Hist.Syntax der lat. Sprache, I (1872), p. 354.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 9: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 111

Brunot {La pensée et la langue, p. 626) a exprimé en passant,à propos de la phrase On a élu M. X. député de la Seine:«Évidemment M. X. est l'objet du verbe: on a élu; mais cen'est pas là tout l'objet, qui est essentiellement d'attribuerla qualité de député à M. X. » II est clair qu'il faut quelqueterme spécial pour désigner ce type de complément double duverbe. Jespersen a créé ici le terme de « nexus-object»; voirp. ex. son ouvrage The Philosophy of Grammar, p. 122: «Anexus-object is often found: 'I found the cage empty', which iseasily distinguished from 'I found the empty cage' where emptyis an adjunct. It is usual here to say that the cage is the objectand that empty is used predicatively of, or with, the object,but it is more correct to look upon the whole combination thecage empty as the object. (Cf. 'I found that the cage was empty'and 'I found the cage to be empty'.) This is particularly clearin sentences like 'I found her gone' (thus did not find her!)1

— —. » La terminologie de Jespersen a été adoptée par M.H0ybye, qui s'exprime ainsi (p. 138): «Un des nexus les plusimportants est celui qui est constitué par un régime et uncomplément prédicatif, ou mieux: celui qui se compose d'unsujet et d'un prédicat et dont la fonction globale est celle d'unrégime.» De son côté, comme nous l'avons vu, l'EGLF a crééle terme d'« about dicéphale»; je cite l'analyse suivante desexx. un événement — — qui rendra M. votre pire stupide etMoi qui te croyais un si bon enfant (pp. 171—72): « lesrégimes directs respectifs M. votre père, te ne constituentpas à eux seuls l'about, puisque ces phrases ne signifient pasque l'événement rendra M. votre père, — — ni que le locuteurcroit l'allocutaire. Ce que l'événement rendra, c'est que M. votrepère devienne stupide; — — ce que le locuteur croyait, c'estque tu étais un si bon enfant. — Le véritable about est doncici constitué en quelque sorte par l'ensemble syndestique entier. »(Rappelons que, dans la terminologie de l'EGLF, l'élément decaractérisation est ici appelé «couvercle».)

On voit que dans la catégorie constituée selon ce principe,le cas de savoir [qn innocent] prend place au même titre que

1 Déjà Lerch (op. cit., p. 70) a indiqué ce caractère essentiel de la constr.,en citant, entre autres, nous trouvâmes tout notre bien vendu.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 10: L'attribut de l'objet en français

112 HANS NILSSON-EHLE

croire [qn innocent]. Je le sais innocent n'est qu'une autre ex-pression pour dire je sais qu'il est innocent. Aussi le cas desavoir se retrouve-t-il à plus d'un endroit dans l'exposé quel'EGLF consacre aux «couvercles», comme d'ailleurs aussi chezLerch (p. 74) et Hoybye (p. 142).1

Une catégorie essentiellement différente est représentée pardes cas comme je l'ai ramassé transi (EGLF, III, p. 315) ou J'aicottnu sa sœur toute petite (Hoybye, p. 172). Pour désigner ici lafonction de l'élément de caractérisation, l'EGLF a créé le termede « greffon » ; M. Hoybye, de son côté, parle dans ce cas d'une«apposition predicative». Ce qui distingue cette catégorie de laprécédente, c'est notamment, selon la manière de voir de l'EGLF,le degré d'adhésion entre le complément en cause et le restede la phrase. A l'opposé du «couvercle», qui est nécessairepour compléter la proposition, le « greffon » est un complémentaccessoire: le verbe et l'objet suffisent ici à eux seuls à rendrecomplète la proposition. (Voir p. ex., chez EGLF, pp. 318—19,le commentaire de l'ex. afr. Je le voi tot sain, mas je désirmult savoir cornant il est sanez: «Plutôt greffon, car la sup-pression de tout sain laisse subsister la phrase avec presque lemême sens. »)

Si on examine maintenant l'utilisabilité du terme «attribut»,en comparant p. ex. les exx. je l'ai rendu heureux; je le crois(sais) innocent («couvercles») avec les exx. je l'ai ramassé transi;je l'ai connue toute petite (« greffons »), on voit tout de suitel'emploi qu'on doit lui assigner. Il est en effet clair que ce termed'«attribut» ne conviendra qu'au premier de ces deux types:car ce n'est que dans ces cas que la caractérisation se trouveproprement a t t r i b u é e à l'objet par l'intermédiaire du verbe.Il y a attribution dans rendre qn heureux, croire (ou savoir) qnimiocent. Mais il n'y a pas d'attribution dans ramasser qn transiou avoir connu qn tout petit: il y a simplement la constatationaccessoire d'une qualité qu'a l'objet au moment de l'action indi-quée par le verbe.

Un «attribut», en principe, fera donc toujors partie du groupedes « couvercles » de l'EGLF.

1 Déjà Plattner, III, p. 224 a compris dans son inventaire ce cas desavoir.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 11: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 113

Dans la pratique, la distinction entre attribut («couvercle»)et «greffon» («apposition») peut parfois se montrer difficile;l'EGLF a en effet signalé plusieurs phrases comme étant d'analyseincertaine. Sur certains points aussi, son classement me paraîtdiscutable, comme p. ex. lorsque les phrases il l'abat mort (afr.)ou Viens que je te coiffe belle sont classées, p. 316, comme descas de «greffon». Il est vrai que si on applique le critère dela « nécessité » du complément en cause, on voit qu'il n'est pasen soi nécessaire ici pour rendre la phrase complète, puisqu'onpeut dire il l'abat et Viens que je te coiffe, sans plus. Maisalors, que dire de phrases comme on l'a élu président ou on lecouronna roi} Peut-on rayer ces cas aussi de la liste des attributs,en alléguant qu'il est en soi possible de dire tout court on laélu et on le couronna} D'autre part, ne pourrait-on pas dire quedans un certain sens la caractérisation dans p. ex. je l'ai connuetoute petite est « nécessaire » (puisqu'elle peut être, dans un casdonné, l'élément le plus important de la communication)? Onvoit- qu'il faut user du critère de la « nécessité » avec une cer-taine précaution.

Au fond, le critère le plus sûr pour la distinction entreattributs et « greffons » (ou « appositions ») est fourni par le genremême du rapport syntaxique qu'il y a entre le verbe et lesdeux autres compléments. A cet égard, il n'y a qu'à tirer lesconclusions logiques qu'on peut déduire du principe de ce complé-ment double qu'est le « nexus-object » ou «about dicéphale».On trouve alors ceci:

Étant donné que ce complément double joue dans sa totalité,par rapport au verbe, le rôle d'un objet, il s'ensuit qu'il corres-pond logiquement à une p ropos i t ion complé t ive introduitepar que. Donc, je l'ai fait prisonnier signifie «j'ai, fait qu'il est(devenu) prisonnier»; je le sais innoceitt signifie «je sais qu'ilest innocent». C'est ce qu'on a déjà précisé ci-dessus à plusd'un endroit. Or il convient ici d'ajouter une autre constatationimportante:

Dans les cas où le verbe est un «verbum efficiendi», l'objetdouble (la caractérisation effectuée) constitue en même temps lerésultat ou la conséquence de l'action du verbe: il s'ensuit quelogiquement il correspond en même temps à une p ropos i t i on

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 12: L'attribut de l'objet en français

114 HANS NILSSON-EHLE

consécut ive . Donc, je Vai fait prisonnier signifie aussi bien«j'ai fait en sor te (ou: de te l le manière) qu'il est devenuprisonnier ».

De leur côté les « greffons » ou « appositions » exprimentune caractérisation qui ne fait pas partie de l'objet même duverbe; l'action verbale et la caractérisation de l'objet donné sontici le plus souvent présentées dans un simple rapport de simul-tanéité. C'est dire que dans ces cas le rapport logique est celuid'une p r o p o s i t i o n t em p o re l l e rattachée à une principale;et il faut ajouter qu'en principe il est indifférent laquelle desdeux parties de l'énoncé doit être regardée comme correspondantà la prop, temporelle. Donc, une phrase comme je l'ai ramassétransi peut signifier, suivant les circonstances, ou bien «je l'airamassé quand il était transi » ou bien « quand je l'ai ramassé,il était transi » ; la même alternative d'analyse se présente évi-demment pour la phrase je l'ai connue toute petite. Bien entendu,dans les cas concrets observés, ce n'est souvent que l'une desdeux interprétations qui est valable, comme dans cette phrasecitée d'après Bruņot, p. 628: Comment la femme ... reprend lecœur de l'homme, le relève fatigué (= «quand il est fatigué»1).

Dans certains cas, le rapport peut aussi prendre un caractèrecond i t ionne l : ainsi les cigarettes, je les aime douces peuts'interpréter dans le sens de «je les aime quand elles sontdouces», mais aussi dans celui de «je les aime si elles sontdouces». Cp. aussi, avec apparemment le sens de «même sietc.»: Comme tu m'aimeras déçu, je t'aimerai blessée ... Et nousnous consolerons tout le long de la vie (Miomandre Écrit 178).

Pour résumer: la fonction du terme de caractérisation peuttoujours se déterminer par le genre du rapport qu'il y a entrele verbe et le fait de la caractérisation de l'objet. Si ce rapportest complétif (c'est-à-dire exprimable à l'aide d'une prop, intro-duite par que) ou s'il est consécutif, on a affaire à un attributde l'objet; si le rapport n'est que temporel ou conditionnel, ona affaire à un «greffon» («apposition»).

1 Brunot a précisé ici le rapport temporel, mais seulement par oppositionau rapport résultatif (« Le sens est évidemment le relève: quand il est fatigué,et non le relève de façon à le fatiguer »); par ailleurs, il ne voit toujoursdans cette phrase qu'un cas d' « attribut commun ».

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 13: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 11 5

A côté de ce critère, celui de la « nécessité » de la carac-térisation reste pourtant valable aussi, dans une certaine mesure:il constitue en effet, dans certaines conditions bien définies, unmoyen très pratique de prouver l'existence d'un « objet double »et, partant, la fonction attributive de la caractérisation. On peutpréciser deux cas:

1° On a affaire à un attribut t o u t e s les fois que lac a r a c t é r i s a t i o n est nécessa i re par le fait que le verbedonné ne s au ra i t en soi p rendre l 'ob je t donné commecomplément unique. Jespersen {op. cit., pp. 122—23) a signaléle fait que «a verb may take a nexus-object which is quitedifferent from its usual objects, as in he drank himself drunk »{«he drank himself is absurd»), phénomène observé aussi dansd'autres langues (p. ex. allem, die augen rot tveinen, etc.). Noustrouvons en français nombre de cas de ce genre. En effet, lecas déjà analysé de savoir qn innocent se range ici: il est im-possible de dire tout court *savoir quelqu'un, par conséquent lemot innocent est ici un attribut. Il en est de même p. ex. pouron le supposait endormi; il pensait toutes les filles de plaisirpareilles (cit. Gross, p. 78); on disait madame incommodée (ib.p. 61); on le déclara vainqueur, puisqu'on ne peut pas * supposerqn, *penser qn, *dire qn ou ^déclarer qn, sans plus.

2° On a également affaire à un attribut tou tes les foisque la c a r a c t é r i s a t i o n est nécessa i re par le fait quele sens même du verbe donné se ra i t différent s'iln'avait d 'autre complément que l'objet donné. Dansrendre qn tout court, le sens du verbe est tout autre que dansrendre qn heurettx. De même si on compare des cas commelaisser qn et laisser qn libre de choisir, appeler qn et appelerqn son ami, trouver qn («découvrir») et trouver qn singulier(«être d'avis»), croire qn (c'est-à-dire «ajouter foi aux parolesde qn ») et croire q?t i7itzoce?it (c'est-à-dire à peu près « supposerque etc. »). Avec aimer, il y a attribut dans une phrase commecette amitié, je l'aimerais durable, parce qu'aimer signifie ici àpeu près « désirer, vouloir » et qu'il n'a pas ce sens dans aimerqn ou qc tout court.

Mais quand le sens du verbe est essentiellement le mêmedans les deux cas (avec l'objet donné + la caractérisation donnée,

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 14: L'attribut de l'objet en français

I 16 HANS NILSSON-EHLE

ou avec l'objet seul), il faut de toute façon avoir recours aucritère du genre du rapport syntaxique tel que nous l'avonsdéfini plus haut. La question peut se poser avec le verbe trouver,qui paraît signifier sensiblement la même chose dans p. ex. jel'ai trouvée tout court et je l'ai trouvée assise: pour déterminerla fonction du complément assise, il faut savoir si le rapport est«quand je l'ai trouvée, elle était assise» ou «j'ai trouvé qu'elleétait assise». La fonction ressort en général du contexte: si ondit il a voulu sortir, mais il a trouvé la porte fermée, le com-plément fermée est évidemment attribut. Avec le verbe voir,d'une façon analogue, il y a deux possibilités d'interprétationdans je Vai vue assise; il y a attribut dans un cas comme labelle Antonia, pour qui elle se sentait redevenir toute tendre enla voyant si bonne avec son Paul (Daudet Imm. 258); pour lecas déjà cité de jfe le voi tot sain, il faut dire que pour peuqu'on puisse y appliquer l'interprétation «je vois que. .» (quime paraît en effet parfaitement de mise), il y a là égalementun attribut, malgré ce qu'en dit l'EGLF. — II faut signaler ici toutparticulièrement les cas des «verba efficiendi ». Il y en a beaucoupdont le sens reste essentiellement le même, qu'ils soient suivisd'un objet seul ou d'un objet + caractérisation: un exemple-typeen est le cas de élire qn — élire qn président. Comparons lesdeux phrases on l'a élu tout jeune et on l'a élu président: dansl'une et l'autre, le verbe signifie en soi la même chose; dansl'une et l'autre, on peut dire que la caractérisation est nécessaireou non-nécessaire, suivant le point de vue; mais dans la pre-mière, on a affaire au rapport temporel, donc à un «greffon»,et dans la seconde on a affaire au rapport consécutif ou résul-tatif, donc à un attribut (par l'élection, on a fait en sorte qu'ilest devenu président). En fait, selon la manière de voir que jecrois justifiée, une caractérisation présentée comme le résultatde l'action du verbe est toujours attributive, même si elle n'estpas strictement nécessaire pour l'achèvement de la phrase, etmême si le verbe peut subsister avec le même sens sans lacaractérisation. C'est pourquoi, à la différence de l'EGLF, je clas-serai parmi les attributs certains cas cités EGLF p. 316, p. ex.(outre ceux, déjà cités plus haut, de il l'abat mort et de Viensque je te coiffe belle): il le rétrogradait marmiton; [la règle,}

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 15: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 117

je l'/dictai aussi stricte pour n'importe laquelle des personnes avecqui je tri étais peu à peu lié. Le type se laisse illustrer par biendes cas en principe analogues: Trait Durendal, sa bone espee,nue (Chanson de Roland 1324); étends la nappe bien plate (cit.Bruņot, p. 603); J'ai créé [homme saint, innocent, parfait (cit.Gross, p. 13); Je vous envoie un article que j'ai publié .Je ne l'écrirais pas tel aujourd'hui (Month. Filles 55); aprèsqu'à force d'intrigues elle fut parvenue à l'installer aca-démicien, elle se sentit prise d'une certaine vénération (DaudetImm. 20); Ce sont ces choses-là qu'il faut étudier quand on veutfaire du roman. Le difficile est de les reproduire vraies, sanscharge (Flaubert Corresp. I, 413). Le rôle de l'idée résultative(dans le sens où je la prends ici, cp. plus haut, p. 109) peut ensomme se définir ainsi: cette idée ne suffit pas pour la constitu-tion de la c lasse généra le des attributs (puisqu'il existe aussides attributs qui ne sont pas résultatifs); mais là où elle entreen jeu, elle amène nécessairement la constitution d'une clas.sepa r t i cu l i è r e d'attributs.

Après avoir précisé le sujet de l'étude en définissant ce qu'onveut dire par le terme d'«attribut de l'objet», on procédera àl'examen systématique des cas particuliers faisant partie du groupe.Le plan général de cet examen est donné avec les trois élémentsdont se compose la construction. Le classement se fera doncsuivant

I. la nature du verbe,II. la nature de l'objet,

III. la nature de l'attribut.

Le but du travail (qui devra être d'abord synchronique) serade déterminer la fréquence des différents cas et de dégagerensuite les tendances plus générales.

I. Le classement selon la nature du verbe sera essentiellementsémant ique . Il s'agira d'enregistrer tous les différents verbesrencontrés dans la constr. en cause, et de les classer par groupessémantiques.

A cet égard, la meilleure division principale sera sans doutecelle qui rend compte en même temps de la relation résultative

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 16: L'attribut de l'objet en français

M 8 HANS NILSSON-EHLE

ou non-résultative entre le verbe et le fait de l'attribution. Ondistinguera par conséquent d'abord deux catégories: A. les verbesproprement factitifs (« verba effîciendi ») et B. les verbes non-facti-tifs.1

Les verbes factitifs expriment d'une manière ou d'autre l'idéede « faire [en sorte que]»; les verbes non-factitifs seront en généralclassables sous une des idées « constater [que]», ou « désirer [que]».

Cette distinction correspondra pratiquement dans une grandemesure à celle que Gross a établie entre verbes d'« activité physi-que » {faire, rendre, créer, constituer, nommer 'ernennen', élireetc.) et verbes d1« activité psychique» [appeler, dire, intituler,déclarer, croire, estimer, juger, supposer, vouloir etc.). Mais legroupement sera dans certains cas différent. Notre principe ferap. ex. plutôt séparer les types appeler {nommer) qn Pierre « con-férer à qn le nom de » et dire qn innocent « affirmer que »,en classant ce cas d'appeler ou de nommer dans la premièrecatégorie (avec faire etc.). Le nom conféré à qn paraît en effetconstituer un complément résultatif à peu près au même titreque l'emploi ou le grade conféré à qn dans nommer qn capitaine;de même d'ailleurs pour le titre dans la constr. analogue avecintituler. Les verbes appeler, nommer, intituler expriment icil'idée de « faire en sorte que qn ou qc reçoit le nom (titre) de ».Cette analyse n'est pas applicable de la même façon aux cas duverbe dire. Pour rapprochés que les deux types puissent être, il y aquand même une différence de principe: on l'appelait traître veutdire qu'on employait, pour le désigner, le nom (la dénomination)de « traître »; on le disait traître veut dire qu'on affirmait, qu'onexprimait l'opinion qu'il était un traître.*

La différence entre « verbes d'activité physique » et « verbes d'ac-tivité psychique » n'est d'ailleurs pas assez essentielle pour servirici de distinction principale. Il y a activité physique dans /'/ a rendula maison habitable, mais non pas dans cette méthode a rendu le problèmefacile; pourtant il n'y a aucune raison pour traiter séparément cesdeux cas (en fait, parmi les exx. cités par Gross, pp. 8—10, sous

1 Lerch fait la même division principale; les verbes non-factitifs sontappelés chez lui « Verba des Inhalts » (analyse des catégories, p. 69).

2 Autre chose est de constater qu'on a pu employer autrefois direavec exactement le sens d' «appeler»: une autre porte c'on dit le forte Robert(Froissart, cit. Gross, p. 60) et que ce sens existe encore dans la constr.particulière avec part, passé: Charles V dit le Sage ( = appelé).

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 17: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 119

rendre, il y en a beaucoup où l'action n'est pas « physique »). Dire,déclarer etc. sont naturellement surtout des verbes d'activité psychique ;mais ils ont aussi, à y regarder de près, un aspect physique paropposition p. ex. à croire qui est exclusivement psychique. Et dansquel groupe faudrait-il ranger le cas de trouver la porte fermée'}

L'établissement détaillé de sous-classes sémantiques dépasse-rait le cadre de cette esquisse de la question, et je ne ferai quequelques observations.

I A. La catégorie factitive comprendra entre autres certainsverbes exprimant l'idée de t e n i r qc dans tel ou tel état: tenir,garder [qc secret], conserver [qc frais], porter [la tète inclinée];même avoir dans p. ex. avoir les coudes appuyés sur la table.Gross, qui sous la rubrique 'einzelne Verben' enregistre, p. 19,le cas de tenir mais qui ne note pas les autres cas, fait valoirqu'il ne s'agit pas ici d'un état; cp. l'introd., p. XXIII: «Derdoppelte Akkusativ — — bezeichnet die durch das Subjektbewirkte Überführung des Objekts in einen neuen Zustand hinein,also handelt es sich hier nicht um einen Zustand des Seins,sondern um einen Vorgang des Werdens.» Mais il est évidentque tenir qc secret signifie «faire en sorte que cela res te (et nonpas devient) secret»: l'action n'amène pas de changement chezl'objet. Les cas de ce type constituent en effet- tout un groupeparticulier et aisément défini.

Pour le classement même, on distinguera les verbes quiexpriment le plus purement l'idée factitive: faire, rendre; tenir[avoir) de ceux qui l'expriment en combinaison avec d'autresidées d'action spéciales, p. ex. constituer, élire, couronner, nommer;conserver. Dans le verbe, la présence de l'idée factitive en causeconstitue ce qu'on peut appeler sa «capacité attributive ». Cettecapacité attributive peut être plus ou moins prononcée, suivantles cas: elle est très marquée et normale chez p. ex. élire, moinsenracinée dans p. ex. coiffer ou rétrograder (voir les exx. citésplus haut).

I B. Dans la catégorie non-factitive, il y a un cas qui occupeune place à part: celui du verbe avoir dans la constr. il a lesyeux bleus. Pour la discussion sur la fonction qu'a ici l'élément« bleus », et pour la preuve de sa nature attributive, voir H0ybye§ 155. Ajoutons que dans ce cas, avoir est vide de sens à l'éga.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 18: L'attribut de l'objet en français

I2O HANS NILSSON-EHLE

de la copule être et qu'à ce point de vue la constr. est l'équi-valent de ses yeux sont bleus. On peut dire que le verbe avoirsert ici à constater, de la manière la plus générale qui soit,l'attribution d'une qualité à l'objet.

Pour le classement des autres cas, on peut en imaginer destructure diverse. Celui de Hoybye § 151 ss. présente les caté-gories classiques: verba voluntatis; verba dicendi et declarandi;verba sciendi et sentiendi; verba demonstrandi; celui de Lerch,p. 70 ss., est un peu plus détaillé. Il me semble assez indiquéd'opposer les verba voluntatis à tous les autres, en bloc, et declasser ceux-ci d'abord sous l'idée commune de «constater».Ensuite, on divisera les cas suivant que, par exemple, la cons-tatation est énoncée [dire etc.), intellective [savoir etc.), sensorielle[voir, sentir etc.), démontrée [montrer etc.). Considérée d'un autrepoint de vue, la constatation peut être soit objective, p. ex. avecsavoir ou avec trouver au sens de «découvrir» [trouver la fortefermée), soit subjective, p. ex. avec croire ou avec trouver au sensde « être d'avis » [trouver qc singulier).

Quant au nombre des verbes susceptibles d'être employésdans notre construction par le français moderne, il sera faciled'en dresser une liste beaucoup plus longue que celles qu'ona établies jusqu'ici, non seulement dans les ouvrages qui n'ontpoint la prétention d'être complets, mais aussi dans celui deGross qui y aspirait. Ce dernier, comme je l'ai signalé plus haut,a omis de traiter p. ex. le cas de savoir \qn innocent], pour laraison apparemment qu'il n'y a là aucune idée de résultat. Demême, entre autres, pour les cas de voir et de sentir, de trouver[la porte fermée] et de avoir [les yeux bleus]: l'absence, chezGross, de ces cas en soi très usuels est certainement l'effet d'unparti pris. Par ailleurs, les lacunes que présente son ouvrage aulecteur d'aujourd'hui, et les estimations parfois erronées de lafréquence de tel cas particulier, s'expliquent en partie par le faitque son travail date d'il y a quarante ans. Voici en tout casquelques exemples, cueillis au hasard de mes lectures, qui ser-viront à suppléer aux collections déjà faites et à corriger quelquesindications de fréquence:

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 19: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 121

Catégorie factitive:mettre: comme cela l'humiliait, le mettait de noire humeur,

il ne parlait plus guère h personne Daudet Imm. 260; je luidirai des choses qui le mettront de bonne humeur Berr-Verneuil,Train H. (Manque chez Gr.; cp. Plattner, III, 217—18; Hoybye,

P. 139-)laisser: Ganimard était un de ces observateurs perspicaces

que rien ne laisse indifférents Leblanc Lupin 167; La nationali-sation [se. de la Banque de France] éliminerait complète-ment les actionnaires et laisserait l'État seul maître de la monnaieet du crédit Bulletin d'inform. de la Légation de France enSuède, 29. 11. 1945; Ce refus le laissa sans force, sans penséeMiom. Écrit 123. (Cp. Plattner, III, 217; chez Gr., p. 25, seule-ment avec le sens spécial «zurücklassen, hinterlassen als»: laisserqn veuve ou orphelin)

baptiser: comme je tiens beaucoup à manger cette poulardeet à ne point pécher cependant, faites-moi le plaisir, mon frère,— — de jeter sur elle quelques gouttes d'eau et de la baptisercarpe Dumas Mons. I, 227; Et il baptisa suivant les rites sonneveu Prosper-César Maupassant, cit. d'après C. Collin, Lecturesvariées, Sthlm, 1944, p. 65. (Selon Plattner, V, 62 [cp. aussi11:2, 58], ce verbe s'emploie «mit dopp. Aldo, nur in baptiserchrétien, baptiser catholique u. ähnl. Sonst baptiser du nom de*;selon Gr., p. 71: «ganz vereinzelt heute nachweisbar».)

qualifier: II y avait encore deux fauteuils, si magnifiques,si incommodes, qu'il faut les qualifier trônes Hermant, Noces 127;nous autres Français, libres citoyens d'un de ces pays qu'on qualifiedémocratiques G. Duhamel dans Le Figaro 1. 11.38, p. 1. (Gr.,p. 63: «ganz selten mit reinem Prädikat»; un seul ex., du XVIIs.; cp. Plattner, III, 221—-22.)

Catégorie non-factitive:penser: il la pensait capable de — — France Dieux 236;

Mais, le sachant d'humeur chagrine, elle pensa meilleur delui donner un rendez-vous sentimental ib. 51; Comme toutes les

femmes coupables, elle pensait son mari jaloux Miom., Bonb. 100.(Gr., p. 78: «selten»; cp. Plattner, III, 220.)

se représenter: cette créature qu'il se représentait à la foisvivante et morte France Dieux 201. (Manque chez Gr.)

9—523363 Studia neophilologica

e

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 20: L'attribut de l'objet en français

122 HANS NILSSON-EHLE

deviner: On le devine bouleversé Flers-Caillavet Brot. 4;Son cœur avait deviné l'homme malheureux, desservi par sonentourage Morand Champ. 227. (Gr., p. 86: « ganz vereinzelt imNfr. nachweisbar»; cp. Hoybye, p. 143.)

prévoir, présager: II y a la mort de ma mère que jeprévois plus ou moins prochaine, Flaubert Corresp. I, 202; jesuis curieux du dénouement et je le présage pitoyable ib. II, 3-77.(Manquent chez Gr.; Hoybye donne, p. 143, un ex. àeprévoir)

rêver: Malheur à toi si tu dis que ton bonheur est mort parceque tu ri avais pas rêvé pareil à cela ton bonheur Gide Nourr.42. (Manque chez Gr.; cp. Lerch, p. 73: elle le rêvait mourantde faim, Balzac.)

admettre, accorder: II ne peut m'admettre bien portantGide Journ. 1148; Comment les légistes, si minutieux que je lesaccorde, nous prémuniraient-ils de suffisants remèdes contre l'infinitédes imperfections humaines? Barrés Ennemi 237. (Manquent chezGr.; Plattner, III, 207 donne un ex. â! admettre)

prétendre: Ceux qui — — voient mes écrits encombrés parl'obsession sexuelle, me paraissent aussi absurdes que ceux qui,naguère, prétendaient ces écrits glacés Gide Journ. 1162. (Gr., p. 68 :selten bis ins 18. Jh. zu belegen»; cp. Plattner, III, 221,H0ybye, p. 142.)

montrer, attester, révéler: Tout entretien avec un hommed'État lui avait montré jusqu'ici l'orateur différent de ses discourset presque toujours supérieur à eux Giraudoux Bella 89; la blan-cheur de leurs mains qui les attestait oisives et paresseuses HugoN.-D. II, 2; l'angoisse d'André en qui retentissait chaque souf-france de Marina, f ardeur même de celle-ci à soigner Velu révèlentleur instinct plus bienfaisant que les lois qu'il contredit BarrésEnnemi 291. (Manquent chez Gr.; pour montrer, cp. Plattner, III,218; Hoybye, p. 145, note montrer et révéler, mais seulementdans l'emploi réfléchi: se montrer impuissant, etc.)

vouloir, désirer, souhaiter, exiger: Elle avait répondusur un ton qu'elle voulait plaisant Daniel-Rops Diane 9; Elle lecorrigeait d'un léger coup d'éventail et, le voulant de bonne humeurpour sa lecture, revint à son bras dans le salon Daudet Imm. 290;je pense tous les jours à vous. Je vous désire heureuse Miom.Écrit 95 ; Petit cloître de San-Marco, je t'aurais souhaité plein

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 21: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 123

de roses Gide Journ. 63; il témoignait aussi beaucoup de faiblesseà Végard des femmes de chambre qu'il exigeait jolies EstauniéTels 20. (Les cas des verba voluntatis ont été curieusementnégligés par Gr., qui ne note que le seul verbe vouloir et faitmême valoir, p. 87, que son emploi «mit reinem Prädikat» estlimité à l'ancien fr.; Hoybye présente ici, pp. 140—141, unebonne documentation avec, en outre, des exx. de demander,préférer, choisir))

Après avoir enregistré et classé les cas existants, on sera enmesure de tirer des conclusions plus larges concernant la fréquencedes différents verbes employés. Quelques points, cependant, selaisseront préciser dès maintenant:

Dans la catégorie factitive, la fréquence numérique la plusgrande s'observe, comme il est naturel, avec les verbes faire etrendre, étant donné leur sens tout à fait général et le fait queleurs objets et attributs sont sémantiquement variables à l'infini.

Parmi les verbes à sens plus spécial, il y en a beaucoup quine prennent que tel type d'objet ou d'attribut mais qui avecces objets et ces attributs sont parfaitement courants. Couronner,p. ex., prend, en principe, comme objet seulement une personne,et comme attribut seulement quelques substantifs spéciaux {roi,empereur et quelques autres); mais avec ces compléments, il esttout à fait usuel. Ceci vaut de façon analogue p. ex. pour élire:on constate une certaine limitation des attributs possibles, maisen dedans de ces limites un emploi bien usuel.

Certains verbes enfin ont, dans leur combinaison avec unattribut, un caractère nettement occasionnel: ainsi p.ex., pourprendre quelques phrases citées plus haut d'après l'EGLF, dansviens que je te coiffe belle, dans il la bénit abbesse et il le rétro-gradait marmiton. Il est évident qu'à côté des types bien établisdans l'usage, la langue offre une marge de liberté pour la créa-tion de cas nouveaux.

Les cas déjà usuels seront naturellement au centre de l'intérêt,pour la description du groupe tel qu'il se présente avec ses traitsessentiels; mais les cas nouveaux méritent aussi de l'attention,en tant qu'indices d'extensions possibles de l'usage général dela construction.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 22: L'attribut de l'objet en français

124 HANS NILSSON-EHLE

J'ajoute qu'au point de vue de la nature du verbe, il est ensoi possible aussi de faire un classement selon la forme verbale.Les distinctions, cependant, doivent être ici peu importantes, àl'exception, sans doute, de la distinction entre les cas où le verbeest à la voix active et ceux où il est à la voix passive: on l'afait prisonnier — il a été fait prisonnier. La constr. passive (nontraitée par Gross) devra naturellement être comprise dans notreétude, quoique la caractérisation soit ici attribuée à ce qui est for-mellement le sujet de la proposition. Il s'agira de voir s'il y a desdifférences de fréquence entre les deux types. En fait, il semblequ'avec certains verbes la constr. passive soit plus fréquente.Selon Gross, p. IJ, le cas de naturaliser est « ganz vereinzelt imNfr. nachzuweisen » (seul ex.: Je l'ai naturalisé Suisse); or, aupassif le cas est bien courant: / / était d'origine hollandaise,naturalisé français Vautel Film 135; on est naturalisé Parisien,tout d'un coup Guitry Tricheur 46.

II. Le classement selon la nature de l'objet, qui n'a pasété envisagé par Gross, sera d'abord essentiellement morpholo-gique. L'EGLF (III, p. 263 ss.) a posé ici trois catégories, selonque l'objet (l'«ayance réceptive», qui «supporte le couvercle»)est a) un substantif nominal, b) un pronom ou c) un « convalent »(p. ex. une prop, subordonnée: trouver singulier que — —). Onpourra établir ce système plus détaillé:

A. L'objet est un substantif: rendre une chose facile; rendreun homme heureux.

B. L'objet un pronom personnel: on le fit prisonnier.C. L'objet est un pronom réfléchi: se faire prêtre; se croire

perdu.D. L'objet est un pronom démonstratif: vous appelez cela

du café?E. L'objet est un pronom déterminatif * : on appelle traître

celui qui trahit; je trouve intéressant ce que vous dites."F. L'objet est un pronom relatif: cet homme, que vous croyez

innocent.1 C.-à-d. une des formes celui, celle, ceux, celles, ce.2 Ce type est classé par l'EGLF sous c) (pp. 267-68), ce qui implique

que les auteurs considèrent ici comme objet le syntagme entier celui gui— —,ce que — — etc.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 23: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 12$

G. L'objet est un pronom interrogatif : qui a-t-on élu président?H. L'objet est un pronom indéfini: je voudrais pouvoir appeler

quelqu'un mon ami.I. L'objet est un infinitif: je crois nécessaire d'y insister.J. L'objet est une proposition complétive: je trouve singulier

qu'il soit absent.Certains de ces types sont assez rapprochés entre eux, p. ex.

A, D et H (subst. — pron. démonstr. — pron. indéfini).Le groupement des cas particuliers selon ce système fera

voir des différences de fréquence qu'il y aura lieu d'examinerpour savoir si elles permettront des conclusions générales.

Ce qui frappera ici, entre autres choses, ce sont les casnombreux où l'objet est un pronom réfléchi. Ce type a ététraité par Gross, qui en a fait, il est vrai, une catégorie verbaleparticulière, sous la rubrique de « verbes réfléchis » (pp. 47 ss.,131 ss.). Ici encore, on pourra suppléer beaucoup à son inven-taire. Je citerai en bloc une série de cas qui manquent chez Grqss:

Dans la catégorie factitive:s'instituer: la liberté de s'instituer lecteur et comme?ttateur

du texte sacré, donnait des facilités merveilleuses pour la propaga-tion des nouveautés Renan Jésus 143.

s'improviser: sa fille s'improvise commissionnaire etcorvéable des académiciens Daudet Imm. 75; Je connais tris peude charmants garçons qui seraient capables de s'improviseringénieurs Caillavet-Flers Primerose 3 a; II me fallait m'im-proviser économiste, politique, financier Bruņot, Hist, de la languefr., VI: 1:1, préface, p. VII. (Un ex. chez Plattner, III, 216.

se mettre: Eh! Brague! tu t'es mis poète? Colette-MarchandVagab. 31 a. (Cp. Plattner, III, 217.)

s'iriser: Or, la blancheur orientale est descendue jusqu'aulac, et il se fait un grand calme doux et vivant. La brume s'iriseplus diaphane, et les rayons de la lune commencent d'argenterles flots Farrère Opium 33.

Dans la catégorie non-factitive:se montrer, se révéler, se dévoiler, s'avérer: Elle

— — se montra pressante France Dieux 296; Cela peut être oudevenir compromettant, si — — le financier, après avoir offerttoutes garanties, se révèle un Robert Macaire Vautel Film 309;

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 24: L'attribut de l'objet en français

120 HANS NILSSON-EHLE

Cette demeure, qui, du dehors, n'en imposait pas par ses propor-tions, se dévoilait, à l'intérieur, immense, et beaucoup trop vastemême Châteaub. Lourd. 50; Lorsqu'une affaire s'avérait vraimentexcellente, , Chevallier Clochem. 21; La nouvelle s'est avéréefausse M. P. E. 23. 10. Si (phrase entendue). (Plattner a se montreret se révéler, Hoybye en outre s'avérer)

se trouver: d'abord, f avais de la méfiance . . .Je me disais:une belle-mère, c'est pas un cadeau à faire à une enfant. Et puis,pas du tout, ça s'est trouvé un cadeau, un joli, un gentil! Caillavet-Flers Roi 4 b. (Cp. Plattner, III, 226.)

s'annoncer: La session s'annonce terrible Daudet Numa 86;Cette dernière journée s'annonçait fervente Zola Lourdes II, 72;le temps s'était rétabli, et, ce matin-là, il s'annonçait magnifiqueRom. Hommes XVI, 5 ; un repas qui s'annonce fastueux GideInterviews 128; la nuit, qui s'annonçait étincelante GiraudouxBella 195. (Plattner, III, 208, Hoybye, p. 145.)

se définir: L'introduction à l'histoire de la littérature fran-çaise peut se définir autrement l'analyse des éléments constitutifsdont la combinaison et le développement ont produit cette littéra-ture Paris Poésie 43.

se vouloir: II (se. l'art moderne) s'est voulu Poésie pure,Peinture pure, Sculpture pure L'hebdomadaire «Arts» 24.5.46,p. I.

Pour les cas suivants, notés par Gross, pp. 141 et 144, l'usageparaît être plus courant qu'il ne l'indique:

se reconnaître, se penser: Tous les hommes de ce paysse reconnaissaient semblables et frères Guéhenno Journal 20; Pourêtre littérateur, il ne suffit point de s'être soi-même reconnuincapable de quoi que ce soit Miomandre Écrit 65 ; Non seulementil ne pouvait vivre que dans l'air de la liberté, mais il se pensaitresponsable d'elle dans le présent et devant tout l'avenir GuéhennoJournal 41.

De même pour le cas factitif de se [faire] naturaliser:Je me fais naturaliser Monégasque Guitry Tricheur 83; ce critiqueallemand qui accusait Dieu de s'être fait naturaliser FrançaisGuéhenno Journal 25. (Gross, p. 53: «ganz vereinzelt?; cp.Plattner, III, 218.)

Quant à la fréquence de ce type de construction réfléchie, il

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 25: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 127

faut distinguer deux choses. Il y a d'un côté le fait que certainsverbes particuliers ne prennent guère d'attribut qu'avec un pron.réfléchi comme objet, ou tout au moins qu'ils montrent unepréférence marquée pour cette construction. Ainsi, parmi les casque je viens de citer, improviser et avérer. Annoncer est cité parGross, p. 65, seulement avec objet subst.: Les affiches annonçaienttrès prochaine la pièce de Fagan; mais le type qu'on vient devoir la session s'annonce terrible, le temps s'annonçait magnifiqueme paraît en réalité beaucoup plus usité. — D'un autre côté,on peut prendre le point de vue plus large de la facilité généraleavec laquelle la constr. réfléchie est apte à se réaliser. A cepoint de vue, le type est comparable à certains des autres typesdistingués dans le classement II.

En effet, une facilité semblable se laissera constater, d'une ma-nière générale, pour les cas où l'objet est un p r o n o m p e r s o n n e lou relatif. On aura observé qu'en fait, dans la liste donnéeci-dessus, p. 121 ss., la grande majorité des exx. présentent unde ces deux types. La tendance pourra être démontrée égale-ment au moyen de tel verbe particulier couramment employé avecattribut; voir p. ex. la collection d'exx. offerte par Gross, pp.60—61, pour le verbe dire. Il est vrai qu'on dira toujours parfai-tement, avec Beaumarchais: On disait madame incommodée ouavec Gide: On disait son avion pris dans une tourmente durantla traversée de la Cordillère (Gide Journal 1041). Mais les exx.du type On le dit patriote (France Dieux 130) ou des diablesqu'on dit très méchants (cit. Gross) sont bien plus fréquents; cp.aussi p. ex. Ponosse — — gagna l'estime des vignerons deClochemerle, qui le disaient pas fier, pas faiseur de sermons pourdeux sous (Chevallier Clochem. 30). Avec savoir, l'objet est parfoisun subst.: Il y a bien longtemps que nous savons tous les arbresverts (cit. EGLF, III, p. 264), mais bien plus souvent un pronompersonnel ou relatif: je le sais innocent; elle ne comprenait rienaux soupçons — —, mais elle les savait mal fondés FranceDieux 237; / / parla — — à la citoyenne Élodie, qu'il savaitengagée avec Gamelin ib. 158. Avec sentir, si on dit bien je lessentais si nerveux, si pressés (Rom. Hommes XVI, 19), on nedirait guère très bien, avec le même sens, je sentais les hommesnerveux.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 26: L'attribut de l'objet en français

128 HANS NILSSON-EHLE

Cette tendance peut être considérée comme une conséquencedu fait que la combinaison verbe + objet subst. + caractérisationde l'objet devient souvent ambiguë: dans je crois cet hommeinnocent l'adjectif peut être soit attribut, soit épithète. C'est unfait déjà observé; voir p. ex. Blinkenberg, L'ordre des mots enfrançais moderne, I, p. 185: sens double des phrases je n'ai pastrouvé cette maison intéressante; je trouve cette réflexion curieuse;EGLF, II, p. 18: sens double de je sais ta conduite infâme. Dansl'intérêt de la clarté, on évitera donc ce genre de phrases. L'ordredes mots se révèle ainsi un facteur important pour l'emploi denotre construction. On peut, en fait, poser ceci: la fonction del'attribut devient plus claire toutes les fois qu'il suit immédiatementle verbe. Or il est vrai que cette condition peut se réaliser déjà avecun objet substantif, par l'inversion des deux éléments : je trouvecurieuse cette réflexion (Blinkenberg, loc. cit.; EGLF, II p. 18, III pp.216—62); mais elle se réalise toujours automatiquement, si l'objetest un pronom antéposé au verbe. La grande fréquence des casprésentant un tel objet pronominal est donc chose particulière-ment naturelle. — II y a aussi d'autres cas où la même conditionest réalisée obligatoirement, en l'espèce ceux où l'objet est uninfinitif: je crois nécessaire de , ou une proposition:^ trouvesingulier que ; de même pour le cas de la constr. passive:il a été fait prisonnier, etc. Dans tous ces cas, on peut dire quela fréquence de la construction attributive est favorisée au pointde vue syntaxique.

Si on reconsidère ici le cas des verbes nouveaux, employésplus ou moins occasionnellement avec un attribut de l'objet, onvoit combien il est naturel qu'ils apparaissent en général d'aborddans une de ces combinaisons syntaxiques qui font ressortird'emblée la fonction de l'attribut par le fait que celui-ci suitimmédiatement le verbe, et où l'objet est par conséquent soitantéposé au verbe, soit postposé à l'attribut même; en d'autresmots, dans les combinaisons obje t + ve rbe + a t t r i b u t ouverbe + a t t r i b u t + obj et. Le plus souvent, comme on a pule voir, l'objet est un pronom antéposé (personnel, relatif ouréfléchi). Il peut aussi arriver que c'est dans la constr. passive(cp. p. 124) que le verbe nouveau apparaît d'abord. Il est peut-être difficile d'en trouver des exx. probants; je note en tout

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 27: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 129

cas, d'après Littré, un ex. avec le verbe prouver (que je n'aipas vu ailleurs avec un attribut): Le cardinal de Bouillon futprouvé l'inventeur (St-Simon). Cp. de plus: la pieuse fille n'avaitpu être canonisée sainte, faute de protections Hugo N.-D. I,264 (seul ex. attributif que j'aie noté avec ce verbe; manque chezGross).

Avant de quitter le classement selon la nature de l'objet, ilfaut noter que parfois l'objet peut être non-exprimé. II s'agitde cas comme L'amour rend heureux tout court (EGLF, III,pp. 173, 273) ou (ib. 272—73) Vraiment, on aurait dit toi, Claude,hier (-«on aurait dit que c'était toi»); on aurait dit [on dirait)une ruine, tour usuel; il croyait une boulette de pain (signifiant« il croyait que c'était une boulette de pain »); cp. de même :L'Espagnole quitte le bras de l'Empereur et se penche pour cueillirune feuille de trifle vii roulent des perles d'eau: — Voyez, Sire,dit-elle, ne croirait-on pas un bijou? Aubry Napoléon 171; lablessure est imperceptible. On croirait le trou d'une aiguille trèslongue Leblanc Lupin 21. Dans le type l'amour rend heureuxl'objet sous-entendu a un caractère indéterminé (« l'homme engénéral», etc.); dans les autres, c'est une personne ou choseparticulière figurant dans le contexte.

III. Le classement selon la nature de l ' a t t r ibut comportera,comme le classement II, en premier lieu des distinctions morpho-logiques, suivant les classes de mots employés comme attributs.Je rappelle ici la condition générale que d'après notre définitionil faut que tout attribut remplisse, à savoir celle d'exprimer unecaractérisation ou une identification (cp. ci-dessus, p. 109), cequi a déjà fait exclure de cette étude les cas où il s'agit d'uncomplément circonstanciel [elle te croyait en bas) ou d'un 'accusatifavec infinitif (je le vois venir). Le même raisonnement nousamènera en principe, semble-t-il, à exclure le type je le vois quivient, malgré la désignation 'proposition relative attribut' adoptéepar Sandfeld {Syntaxe dufr. contemporain, II, § 88 ss.).1 — Quant

1 Il est vrai que le rôle de la prop, relative est en quelque sorte plusrapproché d'une caractérisation que ne l'est celui de l'infinitif. — Quant aurapport syntaxique, la prop, relative me semble ici avoir le plus souvent lafonction d'un «greffon» accessoire: en examinant les exx. donnés par Sand-

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 28: L'attribut de l'objet en français

130 HANS NILSSON-EHLE

à l'infinitif, il y a un cas tout à fait spécial où il est vraiment attri-but: j'appelle cela courir; vous appelez cela aimer? (Sandfeld,III, § 131); dans ce cas, où le verbe paraît être toujours appeler,il y a en effet caractérisation d'une idée d'action au moyen d'uneautre, ou bien identification de deux idées d'action.

On pourra établir ce système pour le classement:

A. L'attribut est un substantif: faire qn prisonnier.B. L'attribut est un nom propre: appeler qn Pierre.C. L'attribut est un adjectif: rendre qn heureux.D. L'attribut est un participe présent: je le crois mourantE. L'attribut est un participe passé : je le crois perdu.F. L'attribut est un pronom personnel: on {l')aurait dit toi

(EGLF, III, p. 272).G. L'attribut est un adjectif ou pronom possessif: faire qn

[le] sien.

H. L'attribut est un pronom déterminatif : il m'a fait celuique je suis (ex. analogue Gross, p. 4).

I. L'attribut est un pronom relatif: elle est ce que Dieu l'afaite (Gross, p. 4).

J. L'attribut est un pronom interrogatif : Qui me croyez-vous?K. L'attribut est un adjectif ou pronom indéfini: Dieu Va

fait tel.L. L'attribut est un adverbe de caractérisation : je la trouve

très bien.M. L'attribut est un complément de caractérisation introduit

par une préposition : je le crois d'humeur sévère; je t'estime sanségal.

N. L'attribut est un infinitif: j'appelle cela travailler.feld § 94, on trouve que cette fonction est possible déjà dans des exx. avecvoir: il la vit qui traversait la rue, et qu'elle est assez évidente p. ex. dansje la regardais, qui s'éloignait d'un pas égal; je le contemplais qui montaitl'escalier; Elle trouva Lazare et Louise qui śembrassaient; Elle le retrouvaqui fouillait la terre; à plus forte raison encore là où il y a une caractéri-sation qui précède la prop.: Elle Ī aperçut effondré dans un fauteuil quipleurait— —; Il — — me trouva seul qui l'attendais. Mais il arrive aussique la prop, relative est bien nécessaire pour compléter la phrase et qu'ellea par conséquent, selon la terminologie de l'EGLF, la fonction de « cou-vercle »: je le devinais qui sans doute surveillait — — mes notes; de mêmedans ce type avec avoir (Sandfeld S 92): jai le cœur qui bat, etc. — Onpeut noter que la prop, relative, dans cette fonction, ne saurait exprimer lerésultat de l'action du verbe: le type je le fais qui vient, selon touteapparence, n'existe pas.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 29: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 13 I

On pourrait peut-être admettre encore d'autres types : le casd'un attribut pronom démonstratif, par exemple, ne semble pasthéoriquement impossible (*z7 Va fait celui-ci = « celui que vousvoyez»).

En outre, il y a lieu de bien distinguer, p. ex. pour les subs-tantifs, entre les attributs sans article et les attributs précédésd'un article ou d'un pronom déterminant: faire qn ministre —faire qn un ministre [son ministre, le ministre du roi etc.).1

En ce qui concerne la fréquence de ces différents typesd'attributs, il y aura une série de problèmes à examiner. Quantà la méthode à suivre, on devra chercher en premier lieu àdéterminer la fréquence de tel type d'attribut par r appor t àun verbe donné ou à un groupe de verbes donné, pour arrivergraduellement, si possible, à des conclusions plus générales.

Nous avons d'abord la question de l'attribut subs tan t i f ouadjectif. On a souvent parlé de la tendance générale de faireà préférer un subst. et de celle de rendre h préférer un adj.;les exceptions sont cependant nombreuses, comme le montrentp. ex. les matériaux de Gross, pp. 3 et 8, et le problème appelleune étude plus approfondie que celles qu'on a faites jusqu'àprésent. — Dans nombre de cas, le sémantismé du verbe leprédestine à ne prendre normalement comme attribut qu'unsubstantif:, ainsi p.ex. les groupes constituer, établir, instituer(Gross, pp. 13—14); sacrer, couronner(ib. 15—17); élire, nommer«désigner pour un titre, une fonction» (ib. 21); intituler(ib. 64),etc. Il est plus rare que le verbe ne prenne pas de substantif.Avec tenir au sens factitif, l'attribut est selon Gross, p. 19,toujours un adjectif ou participe [tenir la *~'.e basse, tenir qnembrassé etc.); mais il est bien possible de dire aussi tenir qnprisonnier. Les verbes trouver « être d'avis » et estimer, exprimantune appréciation subjective, rattachent à l'objet un jugement devaleur. Il s'ensuit que leur attribut est d'ordinaire un mot adjec-tival : trouver qn bon, méchant etc.; si l'attribut est un substantif,

1 Je rappelle le classement de l'EGLF (III, p. 260 ss.), qui traite d'abordles cas « adjectiveux » (subst. ou adj. ou participe sans article; pronomscomme mien ou autre sans article, tel etc.; locutions prépositionnelles) etensuite les cas «substantiveux» (tous les cas avec art. ou pron. déterminant;noms propres; pronoms personnels toniques, etc.).

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 30: L'attribut de l'objet en français

132 HANS NILSSON-EHLE

il est le plus souvent déterminé par une épithète appréciative:je le trouve [estime] honnête homme, je le trouve [estime] un bonauteur mais non pas *je le trouve homme ou auteur sans plus;cp. les exx. chez Gross, pp. 76, 83. Il faut que le subst. ait ensoi-même un sens appréciatif pour pouvoir figurer ici seul commeattribut: je le trouve un coquin; j'ai estimé la santé un bien(Pascal, cit. Gross, p. 76). Croire et savoir, par contre, admettentplus indifféremment toutes sortes d'adjectifs et de substantifs; demême en principe, me semble-t-il, pour supposer et penser, quoi-que pour ces deux verbes Gross n'ait noté (pp. 86, 78) que desattributs adjectifs ou participes (et une phrase avec tel commeattr.): Cp. en effet On la suppose fille de Delaunay; Cette pyra-mide, d'aucuns la supposent un tombeau (cit. Plattner, III, 225);Oft le suppose parent de Jésus Renan Jésus 209. De son côté,le verbe laisser, avec le sens spécifique qu'il a dans p. ex. laisserqn tranquille prend comme attributs des adjectifs à sens relationnel,non proprement qualitatif [laisser qn tranquille, seul, libre, maisnon ^laisser qn heureux]; de même quelques substantifs exprimantcertaine idée de relation, comme dans laisser qn possesseur de

; Cette agitation ne me laisse pas le maître de mes idées (cit.Plattner, III, 217); je te laisse le gardien (cit. EGLF, III, 3171).— On voit que dans une certaine mesure, le genre d'attributsadmis par tel verbe se définit plutôt par une notion sémantiquegénérale qui leur est commune que par l'appartenance à telleou telle classe de mots.

Le cas d'un attribut p récédé d'un a r t i c l e ou d'un pron.poss. demande également une étude particulière. On trouved'utiles matériaux dans les exx. donnés par Gross, Plattner,Hoybye et EGLF § 919, mais il faudra les réunir et les com-pléter. Pour faire, le cas est bien attesté: La religion s'est faitela gardienne des vieux cèdres (cit. Plattner, III, 215); line vousa pas faite une belle personne (Molière, cit. EGLF, III, 271), illa fit sa confidente (ib. 272); le sultan s'engagea — — h faireplus tard le nouveau-né son premier ministre (ib. 270); mais commeon sait, il est ici moins courant que la constr. faire qc de qn(ou de qc): on dit plus souvent il a fait de lui (ou il en a fait)

1 Selon l'EGLF, le gardien est ici à considérer comme un «greffon»,mais il me semble bien admissible aussi d'y voir un «couvercle».

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 31: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 133

son prejnier ministre qu'on ne dit il Va fait son premier ministre,etc. Pour les autres verbes, il y en a plus d'un avec lequel iln'est pas du tout rare de voir un attribut de ce genre, p. ex.savoir, croire, sentir: II a affirmé le contraire de ce qu'ilsavait la vérité (cit. Plattner, III, 224); II ne se savait pas V auteurde si grandes merveilles Guéhenno Journal 27; ce fils que naguèreelle croyait encore presque un enfant France Dieux 133; Tant pissi on la croyait une demi-vierge Miom. Écrit 90; Vous vous croyezsans doute une dame blonde qui achetez dans des magasins deschoses, mais vous vous trompez ib. 21 ; je les crus mes amies (cit.EGLF, III, 271); Cette rigidité dans la vertu et dans les convic-tions qu'il croyait sa force Giraudoux Bella 187 ; Elle se cram-ponnait à ma main, ella la croyait la main de Rebendart ib. 209;la. femme — — déteste Vironie qui la déconcerte et quelle sentl'antagoniste des enthousiasmes Daudet Imm. 47—48; II éprouvaitde la joie à se sentir le dispensateur d'une santé — — si appré-ciable Miom. Écrit 166; Je savais un gré infini à Bellade cette ponctualité, que je sentais la ponctualité de ce que le mondecontient de loyal et de beau envers mon père innocent GiraudouxBella 207. Avec dire: me disant leur secrétaire, j'obtins d'entrerdans le Ministère avec mon père et mon oncle ib. 180. — Ce quiest très évident, c'est que dans les cas d'un tel attribut « substanti-veux» (pour prendre le terme de l'EGLF), l 'objet est de pré-férence un pronom antéposé; cp. chez l'EGLF § 919, le peud'exx. avec attribut « supporté par un subst. nominal » et le grandnombre d'exx. avec attribut «supporté par un pronom». Laraison en paraît être, non pas, comme dans les cas examinésplus haut (p. 128), l'ambiguïté qui peut résulter de la juxtaposi-tion d'un objet subst. et de l'attribut, mais tout simplement lalourdeur que cette juxtaposition donne ici à la phrase; c'est donc,si on veut, une question de rythme. Bien entendu, il y a, à côtédes cas qui sont d'une lourdeur marquée [faire plus tard le nou-veau-né son premier ministre), des cas qui le sont moins: Lenotaire trouvait la marquise une vive et sémillante femme (cit.Gross, p. 83); l'on pressentait la vie une chose ensoleillée (cit.EGLF); mais il est assez naturel que ces cas soient en somme

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 32: L'attribut de l'objet en français

134 HANS NILSSON-EHLE

peu nombreux en comparaison des cas où l'objet est antéposé auverbe.1

Pour l'attribut p a r t i c i p e (présent ou passé), on aura àexaminer la question de son caractère adjectival ou verbal. Lesparticipes manifestement adjectivaux pourront être traités deplain-pied avec les adjectifs ordinaires. Pour le part, présent,H0ybye, p. 146, a noté une phrase avec participe invariable:elle la vit sanglotant; cp. aussi / / la savait incertaine, capricieuse,sujette à toutes les vicissitudes et dépendant de circonstances enelles-mêmes petites et misérables France Coign. 5. Ce type paraîten quelque sorte intermédiaire entre le type proprement attri-butif et celui de 1'« accusatif avec infinitif». — Quant au part,passé, le critère formel de l'invariabilité n'existe pas. Il sembleici que dans certains cas l'idée d'une action en train de s'exécuterne soit pas tout à fait exclue : ils risquent de voir letir couronnesaisie par quelques factieux (cit. EGLF, III, 268); mais en généralle participe paraît indiquer l 'état où se trouve l'objet par suitede l'action (cp. l'anglais, où l'on dit couramment p. ex. / sawhim hanged là où il faut dire en français je l'ai vu pendre).

Il faudra évidemment, en ce qui concerne les attributs parti-cipes, mettre le plus possible à profit l'importante étude de Lerchdéjà signalée. Une observation, entre autres, que semblent per-mettre ses matériaux, c'est qu'avec certains verbes l'attribut nesaurait être justement qu'un participe: à considérer p. ex. lesphrases elle comprit... l'avenir perdu (p. 73); comment auraient-ils {les poètes) exprimé . . . une petite figure blonde dépeçantun vieux cœur? (p. 77); les jaloux n'auraient pas éternellementà lui reprocher les libertés de l'Église employées contreelle-même (p. 78). De tels cas méritent une attention particulièreà différents points de vue.2

L'attribut p ronom personne l est évidemment rare. Pourles formes toniques (« substantiveux »), il y a un ex. du XVIe s.

1 Il va sans dire qu'ici l 'inversion, après le verbe, de l'objet et de l'attri-but (c'est-à-dire l'ordre verbe + attribut + objet, cp. plus haut p. 128) n'entreguère en ligne de compte.

2 La question est d'abord s'il y a là de vrais attributs ou des «greffons».Les trois phrases citées ici n'ont pas le même caractère à cet égard (dansla première, il y a attribut incontestable, dans la seconde plutôt un greffon;la troisième paraît intermédiaire).

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 33: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 13 S

chez Gross, p. 77 : Estimans les autres nous tnesmes; voici unex. moderne: Une seconde suffit à l'aïeul pour se retrouver aussi-tôt lui-même Estaunié Tels 17. Je rappelle aussi l'ex. on auraitdit toi commenté plus haut, p. 129; à défaut d'exx. analoguesavec objet explicite, il faut jusqu'à nouvel ordre considérer commethéorique le type complet *on l'aurait dit toi, *je l'ai cru toi.— Pour les formes atones, il y a le cas du pronom le représentantun attribut qui vient d'être exprimé dans le contexte. Je cited'après l'EGLF, III, 269—70, ces deux exx.: N'étois-jepas assezinfortunée sans que vous travaillassiez à me le rendre davantage(Montesquieu); Elle n'est pas propre, niait on le la rendra (phraseentendue); il est assez curieux de voir ici la combinaison de deuxpron. pers. atones à l'accusatif.

Le cas de l'attribut adject i f ou p ronom possess i f :faire qn [le] sien etc., a été noté par Gross pour quelques verbes,dont faire, rendre, appeler, dire, nommer, croire, estimer; l'EGLF,III, p. 269 en cite aussi : Quand une fois — — on parvenait àla lui persuader sienne — —; Chaque soupir — — l'avouaitsienne davantage. Il semble que dans la langue moderne, l'emploi«adjectiveux» sans article soit le plus courant des deux; danscet ex. contemporain : ce que nous appelons l'inconscience de l'uni-vers ou la notre (cit. Gross, p. 57), l'article est évidemment amenépar le besoin de conformité avec l'attribut coordonné qui précède[l'inconscience etc.). — Grevisse, Le bon usage ne note que letype sans article (p. 304: Je fais mienne cette réponse etc.).

L'attribut p ronom dé t e rmina t i f est parfaitement naturelavec des verbes comme faire, rendre; appeler, nommer; voirGross sous ces vv.: Je lui garde une telle reconnaissance de vousavoir faite celle que vous êtes; On le nommait celui qui porte lalumière; etc. L'EGLF cite (III, pp. 270 et 272) deux exx. avecconnaître et savoir: Elle vous a connue ce que vous êtes; Je metourmente du désir de vous savoir ce que vous devriez être. J'ajoutece cas avec retrouver: La nuit ne porta pas conseil à Lahrier.Le lendemain le retrouva ce que l'avait laissé la veille, exactement,Court. Ronds 121; cet ex., cependant, est peut-être à classercomme un cas de «greffon».1

1 Voir l'analyse de la constr. avec trouver, ci-dessus p. 128; à comparercet ex. où il y a manifestement des «greffons»; jai laissé mon pays libreet je le retrouve esclave (cit. Brunot, p. 628).

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 34: L'attribut de l'objet en français

I36 HANS NILSSON-EHLE

Avec attribut pronom relatif, on trouve peu d'exempleschez Gross; j'ai noté Suzanne est ce que Dieu l'a faite (p. 4) et

je ne l'ai pas trouvée ici ce que je l'avois crue (p. 75). Cp. enoutre: je ne suis point tout-à-fait pareil à celui qu'ils me croyaientd'abord Gide Journ. 1027; Gamelin voyait ces hommes différentsde ce qu'il les avait vus jusque-là France Dieux 172 ; Christophe— — trouva l'attention délicate, et remercia avec effusion. Goujartétait tout différent de ce qu'il l'avait vu, le premier soir RollandJ.-C. V, 64. Dans un cas comme Si elle est encore ce que je l'aiconnue, durant les huit jours que j'ai passés ici autrefois, elle estinhabitable Bourget Idylle 273, la fonction du que par rapportau verbe connaître et à l'objet paraît un peu incertaine.1 Maisen tout cas, comme on le voit, le pronom relatif attribut estbien attesté et, dans les phrases notées, n'a rien d'anormal.

De l'attribut p ronom interrogat i f , je n'ai pas d'exempleà l'appui, mais le type Qui me croyez-vous ? appartient de touteévidence à la langue courante.

Quant à l'attribut adject i f ou pronom indéfini, Grossen a noté : il y avait pour lui un montant singulier à se la figurertout autre, quand elle arrivait chez lui (Daudet); sa philosophiecritique, s'exerçant stir des institutions nécessaires, et que lui-mêmeestimait telles (A. France); les cas de tel sont chez lui les plusfréquents. Il faut dire que dans cette fonction attributive, lesmots en question paraissent sémantiquement très rapprochésd'adjectifs ordinaires. Pour ce qui est des indéfinis pronoms, onpeut très bien en imaginer dans le rôle de l'attribut: il me croyaitquelqu'un qu'il connaissait, en attendant de trouver le type attesté.De toute façon, il semble bien que les indéfinis ne s'opposentpas en principe à être employés dans la constr. attributive.

Les adverbes de c a r a c t é r i s a t i o n s'adaptent au rôled'un attribut de l'objet avec la même facilité que par rapport

1 Cp. le cas de je l'ai connue toute petite donné ci-dessus comme uncas-type de «greffon». Le verbe connaître, cependant, peut très bien aussise construire avec un attribut propre: Il connut indispensable la venue urgentede l'élu (cit. EGLF, II, p. 145 avec cette interprétation : « Il se rendit comptede — — »); Qu'ils aient cette joie de connaître prochaine leur libération (cit.Plattner, III, 210); Nous le connaissions tous athée convaincu (ib.); de même,à mon avis, dans On ne sait ce qu'il va dire, mais on rit d'avance, le con-naissant facétieux (où EGLF, III, p. 318 a préféré voir un «greffon»).

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 35: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS 137

au sujet: si on dit elle est bien; c'est mal, ce que vous faites,etc., on dit également je la trouve bien; je trouve cela très mal,etc. — Je note que ces adverbes ont été appelés « adjectifsinvariables » dans une récente étude de M. Maurice Davou dansLe Français moderner.

Les compléments introduits par une préposit ionpeuvent également s'employer comme attributs dans la mesureoù ils expriment une caractérisation (cp. plus haut, pp. 109, 129).Quelques exemples: Mais, le sachant d'humeur chagrine,elle pensa meilleur de lui donner un rendez-vous sentimental FranceDieux 51 ; une perle que Lupin estima d'une valeur considérableLeblanc Lupin 27; je trouve ce frac d'une coupe tout à faitoriginale Miom. Écrit 37; un drame secret que suit en tremblantle lecteur, car il s'y sent de connivence Gide Interviews 131s; Ilsl'ont trouvée [se. la tranchée] plus qu'en ruines, complètementretournée et concassée Rom. Hommes XVI, 38; II y a partout desépines, j'ai les mains en sang Morand Champ. 204. Gross offreun. certain nombre d'exx., entre autres sous les vv. faire, rendre(— qn sans égal), croire, juger (— qc à propos), trouver (—qn demauvais sens, — qc sans valeur); EGLF, III, p. 270 en donne demême : une force qui la faisait sans inquiétude aucune ; La maisongarantit toute sa pâtisserie au beurre.

A propos de ces compléments, comme d'ailleurs aussi dugroupe d'adverbes que je viens de signaler, il faut penser àdistinguer — je l'ai souligné plus haut — les complémentscaractérisateurs des compléments purement circonstanciels. Dans»V vous savais ici France Dieux 283; je me souhaite éperdumentailleurs Gide Journal 1033, aussi bien que dans elle te croyaiten bas, on a affaire à des «couvercles» au sens de l'EGLF;au point de vue de la fonction syntaxique même, ce sont eneffet des cas exactement analogues à je le savais innocent etc.C'est au point de vue sémantique qu'ils sont différents. Or, lalimite entre les deux types est nécessairement flottante, étantdonné surtout la facilité avec laquelle un complément de lieu

1 Voir en l'espèce t. XVIII: 1 (1950), p. 45 ss.2 Cp., avec des compléments «greffons»: Du terre-plein, il regardait

Paris dun œil satisfait, — —, se posait depuis vingt ans le même problèmeà propos de Saint-Sulpice, qu'il laissait chague mois de profil et qu'ilretrouvait de face Giraudoux Bella 80 (voir p. 129, note).

10—523363 Studia neophilologica

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 36: L'attribut de l'objet en français

I38 HANS NILSSON-EHLE

peut arriver à exprimer une caractérisation par la voie du sensfiguré. On voit le rapprochement dans des phrases comme ilsexerçaient avec tyrannie leur rôle de juge ou d'inspecteur desfinances, sachant en sûreté dans une Champagne étanchetout ce que leur famille et leur caractère contenaient de déshonneurGiraudoux Bella 57; Vous l'avez mis dans un joli étatDevalFemme 13 a; On le dit sur le point d'occuper une de nos grandesambassades Daudet Imm. "]6.

Dans on soutenait Vouvrage de lui (EGLF, III, p. 270), lecomplément a un caractère différent de celui des autres cas avecde que nous venons de voir; mais c'est un attribut de l'objet aumême titre qu'il l'est par rapport au sujet dans l'ouvrage estde lui.

Les divisions détaillées des cas selon la nature de l'objet etde l'attribut, telles que je les ai esquissées ici, ont donné descatégories qui ne sont sans doute pas toutes également intéres-santes. C'est là pourtant la méthode que devra suivre d'abordtoute investigation qui voudra traiter à fond notre construction;on verra ensuite quelles seront les distinctions et catégories lesplus importantes.

L'étude synchronique de la question devra aussi s'occuperde ses aspects s ty l i s t i ques . Un de ces aspects, d'ailleurs, setrouve déjà actualisé toutes les fois qu'on observe un emploioccasionnel ou peu ordinaire de la construction étudiée. Il estcertain qu'un Viens que je te coiffe belle!', créé par le langageparlé et spontané, ne serait pas admis dans le style soigné; ilest évident d'autre part qu'une phrase comme La brume s'iriseplus diaphane (voir p. 125) est d'un style littéraire plutôt indi-viduel. La question stylistique se pose, en fait, partout où l'ondiscute la fréquence; voir p. ex. ce que nous avons trouvé àpropos des types de l'objet et de l'ordre des mots. — Le carac-tère frappant de tel cas particulier pourra être dû à des causesen apparence petites. Le type on le dit patriote est bien courant,mais il n'en est peut-être pas tout à fait de même pour on mele dit patriote; cp. je devrais aller revoir avec Curtius latraduction des Nourritures, que V. et S. me disent détestable GideJournal 945.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 37: L'attribut de l'objet en français

L'ATTRIBUT DE L'OBJET EN FRANÇAIS I39

Pour rendre l'étude complète, il faudra enfin examinerl'histoiremême de la construction; ce sera là le travail le plus long, sion veut l'approfondir jusqu'à suivre en détail la fréquence dechaque cas particulier à travers les époques. Il y aura à voir,d'un côté, quels ont pu être les changements de l'usage généralde l'attribut; sur ce point Gross, dans sa conclusion p. 155 ss.,a affirmé que la fréquence de «l'accusatif prédicatif», déjà moinsgrande en ancien français qu'en latin, n'a cessé depuis de diminuer.Il faut souligner pourtant que la construction est toujours passable-ment vigoureuse et qu'elle démontre encore sa vitalité par lacréation de cas nouveaux. D'un autre côté, on devra chercherà résoudre certains problèmes spéciaux qui se posent avec telélément du syntagme en question. Un exemple: avec le verbemettre, le type se mettre poète (ci-dessus, p. 125) est assez cer-tainement postérieur par rapport au type usuel se mettre encolère, où le complément a un sens local figuré. Dans l'usageenregistré par le Dictionnaire Général, le cas de mettre n'a pasencore évolué au-delà de ce sens: les exx. qu'on y trouve s.'v.mettre au sens de « faire passer à un état déterminé » présententtous des compléments introduits par en ou à: mettre un étangà sec, un parquet en couleur, etc. Il y a ici une ligne d'évolutionqui se laissera peut-être préciser: mettre qn en colère > mettre qnde mauvaise humeur (exx. ci-dessus, p. 121) > *mettre qn furieux,etc. (l'adjectif attribut est en soi attesté p. ex. par ils Vavaientmise nue cité par Hoybye, p. 139).

Textes cités.Aubry Napoléon: Octave Aubry, Napoléon III. A. Fayard, 1929.Barris Ennemi: Maurice Barrés, L'ennemi des lois. Emile-Paul, 1910.Berr-Verneuil Train: G. Berr et L. Verneuil, Le train pour Venise.

La Petite Illustration 26.2. 1938.Bourget Idylle: P. Bourget, Une idylle tragique. Lemerre, 1896.Caillavet-Flers Primerose: G.-A. de Caillavet et R. de Fiers, Primerose.

L'Illustration théâtrale 27.1. 1912.Caillavet-Flers Roi: Idd., Le roi. L'Illustration théâtrale 7.11. 1908.Châteaub. Lourd.: A. de Châteaubriant, Monsieur des Lourdines.

Grasset, 1911.Chevallier Clochem.: Gabriel Chevallier, Clochemerle. Férenczi, 1937.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014

Page 38: L'attribut de l'objet en français

140 HANS NILSSON-EHLE

Colette-Marchand Vagab.: Colette et L. Marchand, La Vagabonde.La Petite Illustration.

Court. Ronds: G. Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir. Flammarion,1937-

Daniel-Rops Diane: Daniel-Rops, Diane blessée. Le Monde illustréthéâtral et littéraire 17.7. 1948.

Daudet Imm.: A. Daudet, L'immortel. Lemerre, 1888.Daudet Numa: Id., Numa Roumestan. Charpentier, 1894.Deval Femme: Jacques Deval, La femme de ta jeunesse. Le Monde

illustré théâtral et littéraire 3.1. 1948.Dumas Mons. : A. Dumas, La dame de Monsoreau. Calmann-Lévy s. d.Estaunié Tels: Éd. Estaunié, Tels qu'ils furent. Perrin, 1927.Farrère Opium: Claude Farrère, Fumée d'opium. Flammarion s. d.Flaubert Corresp.: G. Flaubert, Correspondance I—IX. Conard, 1926-33 .Fiers-Caillavet Brot.: R. de Fiers et G.-A. de Caillavet, Monsieur

Brotonneau. La Petite Illustration 7.7. 1923.France Coign.: Anatole France, Les opinions de M. Jérôme Coignard.

Calmann-Lévy, 1925.France Dieux: Id., Les dieux ont soif. Calmann-Lévy, 1924.Gide Interviews: André Gide, Interviews imaginaires. Éd. du Haut-Pays,

1943.Gide Journ.: Id., Journal 1889-1939. N. R. F., 1939.Gide Nourr.: Id., Les nourritures terrestres. N. R. F., 1938.Giraudoux Bella: J. Giraudoux, Bella. Grasset, 1926.Guéhenno Journal: J. Guéhenno, Journal des années noires. N. R. F.,

1947.Guitry Tricheur: Sacha Guitry, Mémoires d'un tricheur. Gallimard, 1939.Hermant Noces: A. Hermant, Les noces vénitiennes. Férenczi, 1924.Hugo N.-D.: Victor Hugo, Notre-Dame de Paris. Marpon et Flam-

marion s. d.Leblanc Lupin: M. Leblanc, Les confidences d'Arsène Lupin. P. Lafitte,

1913.Miom. Bonb.: F. de Miomandre, La bonbonnière d'or. Férenczi, 1925.Miom. Écrit: Id., Écrit sur de l'eau. Férenczi, 1923.Month. Filles: H. de Montherlant, Les jeunes filles. Grasset, 1937.Morand Champ.: Paul Morand, Champions du monde. Grasset, 1930.Paris Poésie: Gaston Paris, La poésie du moyen âge. Hachette, 1887.Renan Jésus: E. Renan, Vie de Jésus. Calmann-Lévy, 1895.Rolland J.-C. V: Romain Rolland, Jean-Christophe V. Ollendorff.s. d.Rom. Hommes: Jules Romains, Les hommes de bonne volonté. Flam-

marion, 1937 ss.Vautel Film: Clément Vautel, Mon film. Alb. Michel, 1941.Zola Lourdes: É. Zola, Lourdes. Fasquelle, 1930.

HANS NILSSON-EHLE.

Dow

nloa

ded

by [

Uni

vers

ity o

f T

asm

ania

] at

13:

33 1

4 N

ovem

ber

2014