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Science & Sports (2014) 29, 232—235 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com MISE AU POINT L’autorisation à utiliser un traitement (AUT) R. Brion Centre de réadaptation Capio-Bayard, 44, avenue Condorcet, 69100 Villeurbanne, France Disponible sur Internet le 10 aoˆ ut 2014 Avant de prescrire un traitement chez un sujet qui pratique une discipline sportive en compétition, un praticien doit savoir si ce traitement fait ou non partie de la liste des produits interdits chez les sportifs pratiquant la compéti- tion. Si ce traitement est sur cette liste et qu’il ne peut pas être remplacé par un traitement qui n’y figure pas, le médecin doit alors inciter son patient à faire une demande d’autorisation à utiliser ce traitement (AUT). Ne pas prendre en compte cette dimension peut exposer les patients sportifs compétiteurs à des sanctions. Quelles sont les médicaments ou les procédés interdits chez les compétiteurs ? La lutte contre le dopage est harmonisée à l’échelle mon- diale (Agence mondiale contre le dopage : AMA). Il existe une liste unique internationale de substances ou de méthodes interdites, révisée annuellement. En France, cette liste internationale fait l’objet d’une publication annuelle sous forme de décret [1]. C’est ce décret qui fait référence. La liste est disponible sur le En raison de son intérêt pour les lecteurs de Science et Sports, nous reproduisons ici un article paru précédemment dans les Archives des maladies du Cœur et des Vaisseaux Pratique, sous la référence : Arch Mal Cœur Vaiss Prat 2014 ;(228) :27-30. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Avec l’autorisation des éditions Elsevier Masson SAS. Adresse e-mail : [email protected] site de l’Agence franc ¸aise de lutte contre le dopage (AFLD). L’autorisation à utiliser un traitement pendant l’entraînement et/ou la compétition répond également à des normes mondiales. Elle est harmonisée au plan international avec la publication en 2011 d’un nouveau standard instituant une procédure unique d’examen et de délivrance des AUT. Celle-ci est déléguée à chaque orga- nisation nationale de lutte contre le dopage. En France, c’est donc l’AFLD qui est en charge de la procédure. La procédure d’autorisation d’usage à des fins thérapeu- tiques est codifiée dans le code du sport : D. 232-72 à D. 232-85. En cardiologie, ce sont les diurétiques et les bétabloquants qui sont particulièrement concernés Les textes officiels indiquent les produits suivants. Diurétiques et autres agents masquants Les agents masquants sont interdits. Ils incluent : diu- rétiques, desmopressine, probénécide, succédanés de plasma (par ex. glycérol ; administration intraveineuse d’albumine, dextran, hydroxyéthylamidon et mannitol), et autres substances possédant un (des) effet(s) biolo- gique(s) similaire(s). http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2014.07.009 0765-1597/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

L’autorisation à utiliser un traitement (AUT)

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Page 1: L’autorisation à utiliser un traitement (AUT)

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cience & Sports (2014) 29, 232—235

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Centre de réadaptation Capio-Bayard, 44, avenue Condorcet, 69100 Villeurbanne, France

Disponible sur Internet le 10 aout 2014

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vant de prescrire un traitement chez un sujet qui pratiquene discipline sportive en compétition, un praticien doitavoir si ce traitement fait ou non partie de la liste desroduits interdits chez les sportifs pratiquant la compéti-ion. Si ce traitement est sur cette liste et qu’il ne peutas être remplacé par un traitement qui n’y figure pas, leédecin doit alors inciter son patient à faire une demande’autorisation à utiliser ce traitement (AUT). Ne pas prendren compte cette dimension peut exposer les patients sportifsompétiteurs à des sanctions.

uelles sont les médicaments ou lesrocédés interdits chez les compétiteurs ?

a lutte contre le dopage est harmonisée à l’échelle mon-iale (Agence mondiale contre le dopage : AMA). Il existe uneiste unique internationale de substances ou de méthodesnterdites, révisée annuellement.

En France, cette liste internationale fait l’objet d’uneublication annuelle sous forme de décret [1]. C’est ceécret qui fait référence. La liste est disponible sur le

� En raison de son intérêt pour les lecteurs de Science et Sports,ous reproduisons ici un article paru précédemment dans lesrchives des maladies du Cœur et des Vaisseaux Pratique, sous

a référence : Arch Mal Cœur Vaiss Prat 2014 ;(228) :27-30. ©2014lsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Avec l’autorisation desditions Elsevier Masson SAS.

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ite de l’Agence francaise de lutte contre le dopageAFLD).

L’autorisation à utiliser un traitement pendant’entraînement et/ou la compétition répond également

des normes mondiales. Elle est harmonisée au plannternational avec la publication en 2011 d’un nouveautandard instituant une procédure unique d’examen et deélivrance des AUT. Celle-ci est déléguée à chaque orga-isation nationale de lutte contre le dopage. En France,’est donc l’AFLD qui est en charge de la procédure. Larocédure d’autorisation d’usage à des fins thérapeu-iques est codifiée dans le code du sport : D. 232-72 à. 232-85.

n cardiologie, ce sont les diurétiques etes bétabloquants qui sontarticulièrement concernés

es textes officiels indiquent les produits suivants.

iurétiques et autres agents masquants

Les agents masquants sont interdits. Ils incluent : diu-rétiques, desmopressine, probénécide, succédanés de

plasma (par ex. glycérol ; administration intraveineused’albumine, dextran, hydroxyéthylamidon et mannitol),et autres substances possédant un (des) effet(s) biolo-gique(s) similaire(s).
Page 2: L’autorisation à utiliser un traitement (AUT)

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Comment le dossier est-il traité ?

Le responsable du traitement administratif du dossierest le médecin de l’Agence francaise de lutte contre ledopage. Le dossier est entièrement anonymisé avant sa

L’autorisation à utiliser un traitement (AUT)

L’administration locale de la félypressine en anesthésiedentaire n’est pas interdite.• Les diurétiques incluent : acétazolamide, amiloride,

bumétanide, canrénone, chlortalidone, acide étacry-nique, furosémide, indapamide, métolazone, spirono-lactone, thiazides (par exemple bendrofluméthiazide,chlorothiazide, hydrochlorothiazide), triamtérène, vap-tans (par ex. tolvaptan) et autres substances possédantune structure chimique similaire ou un (des) effet(s) biolo-gique(s) similaire(s) (sauf la drospérinone, le pamabromeet l’administration topique de dorzolamide et brinzola-mide, qui ne sont pas interdits).

L’usage en compétition, et hors compétition si appli-cable, de toute quantité d’une substance étant soumise à unniveau seuil (c’està-dire formotérol, salbutamol, cathine,éphédrine, methyléphédrine et pseudoéphédrine) conjoin-tement avec un diurétique ou un autre agent masquantrequiert la délivrance d’une autorisation d’usage à des finsthérapeutiques spécifique pour cette substance, outre celleobtenue pour le diurétique ou un autre agent masquant.

Bétabloquants

A moins d’indication contraire, les bétabloquants sont inter-dits en compétition seulement dans les sports suivants :automobile (FIA), billard (toutes les disciplines) (WCBS), flé-chettes (WDF), golf (IGF), ski (FIS) pour le saut à skis, le sautfreestyle/halfpipe et le snowboard halfpipe/big air, tir (ISSF,IPC) (aussi interdits hors compétition), tir à l’arc (WA) (aussiinterdits hors compétition).

Les bétabloquants incluent sans s’y limiter : acébutolol,alprénolol, aténolol, bétaxolol, bisoprolol, bunolol, cartéo-lol, carvédilol, céliprolol, esmolol, labétalol, lévobunolol,métipranolol, métoprolol, nadolol, oxprénolol, pindolol,propranolol, sotalol, timolol.

Quels patients sont concernés par unedemande d’AUT ?

Tous les patients pratiquant un sport et susceptibles des’inscrire dans une compétition sont concernés, dès lorsqu’ils prennent un traitement appartenant à la liste dessubstances interdites. Un contrôle antidopage peut êtreréalisé lors d’une compétition professionnelle ou ama-teur, y compris handisport et quel que soit l’âge desparticipants.

Il faut savoir que certains sportifs appartenant au« groupe cible », désignés par l’AFLD et définis parl’article L.232 15 du Code du sport sont soumis à desmesures particulières. Ils peuvent faire l’objet de contrôlesindividualisés à n’importe quel moment et doivent donc pré-venir de leurs déplacements sur le site de l’agence mondialeantidopage.

En pratique, que doit faire le médecin du

sportif ?

Il doit inciter le sportif à faire une demande d’utilisationd’un traitement à visée thérapeutique.

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233

Le correspondant pour toute demande d’AUT est la cel-ule médicale de l’AFLD1.

On trouve sur le site de l’AFLD1 le formulaire de demande’AUT et les informations nécessaires. Tous les courrierselatifs aux demandes d’AUT doivent être adressés à la cel-ule médicale de l’AFLD1.

La demande d’AUT doit être déposée 30 jours avanta première compétition pour laquelle elle est demandée,fin de laisser à l’Agence le temps de se prononcer. Leossier doit être adressé par courrier avec accusé de récep-ion. L’autorisation vaut à compter de sa notification auportif. L’AFLD ne demande en aucun cas aux sportifs’arrêter leur traitement médical, en particulier en case risque pour la santé. Dans l’attente de la décision,’AFLD recommande seulement de ne pas participer à uneompétition.

ue doit contenir le dossier de demande’AUT ?

a demande comprend plusieurs volets.Renseignements sur le (la) sportif(ve) à remplir parl’intéressé(e) (pour les mineurs, identité d’un desparents ou du tuteur légal pour les majeurs sous tutelle).Déclaration du (de la) sportif(ve) sur son activité spor-tive à remplir par l’intéressé(e)Renseignements médicaux à remplir par le méde-cin choisi par le sportif. Il est conseillé de remplircomplètement et lisiblement la demande et de joindreau dossier les éléments de preuve médicale retracantavec précision le parcours médical de l’intéressé (cour-riers médicaux, compte rendus d’hospitalisation, comptesrendus d’examens complémentaires, examens de labo-ratoire, etc.). Il est également important de fournir unargumentaire clinique si la substance interdite ne peutpas faire l’objet d’une substitution par un médicamentautorisé.Médicament(s) concerné(s) à remplir par le méde-cin : nom du médicament, substance active selon ladénomination commune internationale, posologie, voied’administration, fréquence d’administration, date dedébut et durée du traitement.Cas particulier de l’hypertension : l’AFLD met à disposi-tion sur son site un questionnaire spécifique et demandede joindre au dossier les comptes rendus des examenssuivants : électrocardiogramme, mesure ambulatoire dela pression artérielle sur vingt-quatre heures, échographiecardiaque, épreuve d’effort.

1 AFLD : 229, bd Saint-Germain — 75007 Paris, Tél. : 01 40 62 72 59 Télécopie : 01 40 62 76 83, Courriel : [email protected],ite : www.afld.fr ; rubrique : AUT.

Page 3: L’autorisation à utiliser un traitement (AUT)

234 R. Brion

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igure 1. Répartition des demandes d’AUT par famillespathologi

onsultation par les experts (les noms des sportifs et desédecins en charge du sportif sont effacés sur les documents

ransmis).Un comité de trois médecins experts indépendants de

’agence, chargés d’examiner le dossier, est choisi sur la listees médecins prévue par la délibération n◦ 42.

Ces médecins examinent de facon indépendante le dos-ier puis communiquent entre eux leurs conclusions ete prononcent à la majorité. Un secrétaire est désignéarmi eux pour rédiger le compte rendu. Le président de’agence ou son représentant entérinent l’avis de ces trois

édecins.Les experts après analyse du dossier ont à répondre à

lusieurs questions.

igure 2. Classe de substances pour lesquelles sont demandées des AU

en 2012.

La substance ou le procédé interdit pour lequell’autorisation est demandée est-il prescrit au demandeurdans le cadre de la prise en charge d’un état pathologiqueaigu ou chronique ?L’intéressé subirait-il un préjudice de santé significatif s’ilne pouvait en faire usage, car il n’existe pas d’alternativethérapeutique ?L’usage à des fins thérapeutiques de « ladite substance »ou « dudit procédé » est-il susceptible de produire uneamélioration de la performance autre que celle attri-buable au retour à l’état de santé normal ?

La nécessité de la prescription est une conséquence del’usage antérieur à des fins non thérapeutiques de sub-stances ou procédés interdits ?

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Page 4: L’autorisation à utiliser un traitement (AUT)

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[de l’amendement à l’annexe de la convention contre le dopage,

L’autorisation à utiliser un traitement (AUT)

— En cas d’acceptationL’AUT concernant le traitement d’une maladie chro-

nique est acceptée pour une durée de un an qui peutêtre étendue à une période pouvant aller jusqu’àquatre ans. L’AUT permet de classer un dossier decontrôle positif sans ouvrir de procédure disciplinaire,à condition toutefois que la concentration du produitinterdit détecté et l’utilisation qui en a été faite soientconformes à l’AUT accordée au sportif.

Le renouvellement d’une AUT peut bénéficier d’uneprocédure allégée si la décision originelle l’a prévu.Dans ce cas, il n’est pas demandé de nouvelle contri-bution, ni de nouveaux examens médicaux s’ils datentde moins de deux ans. En revanche, il est nécessaired’utiliser le formulaire de renouvellement d’AUT et defournir l’ordonnance de traitement.

— En cas de refusLe sportif recoit, sous pli cacheté, l’avis médical

complet motivant ce refus.— Cas des sportifs qui participent à des compétitions

internationalesL’AFLD transmet la décision d’acceptation ou de

refus au médecin de l’agence mondiale (AMA) en appli-cation de l’article D. 232-84 du Code du sport.

— RecoursEn cas de décision de refus, le demandeur peut dépo-

ser un recours pour excès de pouvoir devant le Conseild’État, dans un délai de deux mois à compter de lanotification de la décision. Si l’agence ne s’est pas pro-noncée dans le délai de trente jours, l’AUT n’est paspour autant automatiquement accordée. Elle est enrevanche considérée comme implicitement accordéeau-delà de deux mois.

Statistiques générales

Quels refus en cardiologie ?

L’autorisation est le plus souvent accordée si les expertspeuvent répondre oui aux deux premières questions

235

i-dessus et non aux deux dernières. Les refus en cardio-ogie sont souvent la conséquence des réponses apportées àa question 2 et surtout 3.

20 % de l’ensemble des refus d’AUT en 2012, toutesemandes confondues, ont concerné les demandes ayantour objet l’utilisation de bétabloquants dans la pratiqueu tir à l’arc. En effet, le tir, notamment à l’arc, est unport qui peut être pratiqué par des patients ayant desltérations importantes de leurs capacités fonctionnelles etotamment les insuffisants cardiaques, mais l’utilisation deétabloquants est susceptible d’améliorer la performanceans les sports d’adresse et ne peut donc être acceptée enompétition.

uels résultats des contrôles antidopages ?

n 2012, les résultats anormaux sur les échantillons sanguinse contrôle antidopage ont révélé une positivité dans 0,7 %ux bétabloquants et dans 9 % aux agents masquants dontssentiellement les diurétiques (Fig. 1 et 2).

Globalement, les infractions poursuivies ont été liéesn 2012 à des contrôles positifs (90 %), à des sous-ractions ou opposition au contrôle antidopage (6 %), à’impossibilité de localisation d’un sportif appartenant auroupe cible de l’agence (1 %), détention de produits illicites0,5 %).

onflits d’intérêt

’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêt en relationvec cet article.

éférences

1] Décret n◦ 2013—1286 du 27 décembre 2013 portant publication

adopté à Strasbourg le 14 novembre 2013, et à l’annexe 1 dela convention internationale contre le dopage dans le sport,adopté à Paris le 11 novembre 2013.