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Le Bilinguisme igbo-anglais et l'apprentissage du français L3 au Nigeria Author(s): Edwin Enyeobi Okafor Source: Nouvelles Études Francophones, Vol. 21, No. 2 (Automne 2006), pp. 121-135 Published by: University of Nebraska Press Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25701982 . Accessed: 16/06/2014 02:08 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . University of Nebraska Press is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Nouvelles Études Francophones. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.78.76 on Mon, 16 Jun 2014 02:08:18 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Le Bilinguisme igbo-anglais et l'apprentissage du français L3 au Nigeria

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Le Bilinguisme igbo-anglais et l'apprentissage du français L3 au NigeriaAuthor(s): Edwin Enyeobi OkaforSource: Nouvelles Études Francophones, Vol. 21, No. 2 (Automne 2006), pp. 121-135Published by: University of Nebraska PressStable URL: http://www.jstor.org/stable/25701982 .

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Nouvelles Etudes Francophones, Vol. 21, No. 2, Automne 2006

Le Bilinguisme igbo-anglais et Fapprentissage du francais L3 au Nigeria

Edwin Enyeobi Okafor

DEPUIS

LONGTEMPS, PARTICULIEREMENT DANS LE MONDE ANGLOPHONE, le phenomene de Finterference linguistique est souvent considere et

etudie par rapport aux deux langues differentes. On dit quil y a interference

lorsqu'un sujet bilingue utilise dans sa langue seconde des traits caracte

ristiques de sa langue maternelle (Bylinski 9). La comparaison de la lan

gue maternelle (LI) et de la langue seconde (L2) d un sujet parlant permet d'eliminer les erreurs qui resultent des interferences. Par consequent, dans le domaine de la phonologie, la description de LI et de L2 est necessaire "comme moyen de predire et de decrire les problemes de prononciation des locuteurs dune langue donnee en apprenant une autre" (Lado 11).

Toutefois, ces predictions et descriptions qui aideront un eleve unilin

gue apprenant une deuxieme langue s'avereront insuffisantes dans le cas d un eleve deja bilingue ou trilingue avant de commencer Fapprentissage dune autre langue. Les problemes d'interferences auxquels se heurte un

polyglotte sont beaucoup plus compliques que ceux dun sujet unilingue. Chez un individu monolingue apprenant une deuxieme langue, il s'agit simplement des effets negatifs des habitudes acquises dans sa langue mater nelle sur son acquisition de nouvelles habitudes. Par contre, un individu, qui est deja bilingue ou trilingue avant d'entamer Fapprentissage d'un nou vel idiome, peut eprouver des interferences linguistiques plus complexes provenant de sa pratique anterieure de toutes ses premieres langues. Par

consequent, cette categorie d'interferences linguistiques est une des diffi cultes principales de Fapprentissage du francais chez les nigerians bilingues ou plurilingues. Pour verifier cette hypothese, nous avons etudie les interfe rences linguistiques chez les Igbo bilingues etudiant le francais au Nigeria.

Le Nigeria, une ancienne colonie britannique situee dans FAfrique Occi dental possede environ cinq cents langues differentes, chacune d'elles

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122 L'Apprentissage du francais L3 au Nigeria

ayant ses propres dialectes. Il s'agit done d'un pays extremement plurilin gue. L'anglais y demeure la langue officielle, la langue du parlement, et de la

plupart de l'enseignement, de la presse et de la justice. Cependant, dans ce statut de langue officielle, l'anglais coexiste et rivalise avec trois principales langues vehiculaires du pays

- le haoussa, l'igbo et le yorouba -

qui sont

adoptees par le gouvernement nigerian comme les seules langues nationales a enseigner au niveau federal. Les langues minoritaires, y compris celles qui sont aussi decrites comme "langues nationales," ne sont enseignees qu'au niveau regional.

Dans les ecoles publiques du Nigeria, l'anglais est tout d'abord une matiere enseignee dans le primaire, avant de devenir un moyen d'ensei

gnement: jusqu'au niveau superieur. Cependant, alors qu'il est enseigne a

partir de l'ecole prescolaire dans certains etablissements scolaires prives du

pays, il n'y devient generalement le vehicule d'enseignement qua partir de la troisieme ou quatrieme annee du primaire.

On a pretendu erronement que l'anglais et le francais sont respective ment "la langue seconde" et la "langue troisieme" au Nigeria. Pour beaucoup de Nigerians, notamment les membres de petites communautes linguisti ques de la region nord, l'anglais n'est ni la deuxieme ni la troisieme, mais la quatrieme langue. La premiere est leur langue maternelle, la deuxieme et la troisieme sont le haoussa et Parabe. Vient ensuite l'anglais et enfin le francais. II en va presque de meme pour les enfants de petits groupes eth

niques meridionaux. A partir de leur quatrieme annee d'etude primaire, beaucoup de ces enfants, deja bilingues ou trilingues en langues nationales, sont obliges de commencer a assister aux cours ou le moyen d'enseignement est l'anglais. S'ils ont l'occasion de faire des etudes secondaires dans une ecole ou le francais est enseigne, celui-ci deviendra leur quatrieme, voire leur cinquieme langue.

Par contre, les enfants igbo commencent Papprentissage de l'anglais des l'ecole primaire (et parfois prescolaire); et l'anglais est vraiment leur deuxieme langue. Les Igbo constituent avec les Haoussa et les Yorouba les trois groupes ethniques majoritaires du Nigeria. Leur idiome, igbo, appele "ibo," surtout par les Europeens ou etrangers, est une langue kwa de la famille linguistique nigero-congolaise. Parle par plus de vingt millions de

personnes au Nigeria, l'igbo est la langue maternelle d'environ vingt pour cent de la population du Nigeria. Dans ce pays, six etats - Anambra, Enugu, Ebonyi, Abia, Imo et Delta -

appartiennent a la communaute ethnique et

linguistique igbo.

L'igbo n'est pas parle seulement par les membres de Pethnie igbo, etant donne qu'il sert de "lingua franca" pour de petites ethnies meridionales du

pays, notamment les Nkoro, Ibani, Kalahari, Okrika, Ogbah, Obulom, ainsi

que les locuteurs du kukuruku, de Pishan, du sobo, de l'isoko, du degema et de l'ishekiri. Dans bien des cas, l'igbo est la langue locale de l'enseigne ment primaire dans les regions de ces petites communautes linguistiques, comme Pa bien note Kay Williamson: "Dans la partie la plus septentrio

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Nouvelles fitudes Francophones 21.2 123

nale de la region (du Bas Niger), lexpression Tangue vernaculaire' designait Figbo tant dans les zones ou la population parle des langues du groupe du Bas Niger que dans des zones comme Abua et Eleme oil l'igbo, s'il joue un

role utile de langue vehiculaire, est de toute evidence entierement different de la langue maternelle des enfants" (23).

Ecrit en caracteres latins depuis 1840, Figbo est actuellement enseigne non seulement dans les etablissements prescolaires et primaires mais aussi dans les ecoles secondaires et superieures. II est aussi utilise a la radio et a

la television ainsi que dans divers aspects de la vie sociale, religieuse, cultu relle et politique. Les enfants igbo commencent a apprendre leur langue

maternelle aussi bien a la maison qu a Fecole prescolaire. Dune maniere

generale, Figbo nest pas seulement la premiere langue qu'ils parlent mais aussi la premiere qu ils ecrivent. Cependant, Fanglais est introduit tres tot dans leur "vie scolaire," n'importe oil commence cette vie, dans une ville ou dans un village.

Sauf dans des etablissements prives, dans les ecoles primaires des etats

igbo les maitres mettent Faccent sur Fenseignement de Figbo qu'ils utili sent generalement comme le principal vehicule d'enseignement pendant les trois (et parfois quatre) premieres annees du primaire. Ils enseignent la lecture et Fecriture igbo. Et les mathematiques elementaires, la science dite

"rurale," la geographie locale, l'hygiene, la moralite, la religion, la musique, etc., sont aussi enseignees en igbo, avec tres peu d'anglais, ou avec un dis cours mixte.

Le "discours mixte" ou "changement de code" est une far^on de s'expri mer en se servant de deux langues a la fois, souvent caracteristique des poly glottes ou de ceux qui, comme Fa note Edwin Okafor dans l'"Hegemonie de Fanglais au Nigeria" (8), ne sont pas completement bilingues dans les deux langues qu'ils parlent. Beaucoup de maitres igbo pratiquent le dis cours mixte, entrelac:ant leur langue maternelle et Fanglais pour vehiculer la lec:on aux enfants, meme pendant le debut de Fenseignement primaire. Le degre de changement de code varie d'un maitre a Fautre. Ceux qui le

pratiquent le plus sont ceux qui n'ont pas etudie Figbo a Fecole nor male (ou au college d'education) ou a Funiversite, ou qui ont oublie les equivalents igbo de certains termes anglais. Quelle que soit la situation dans laquelle debute Fenseignement primaire, un maitre remplacera progressivement Figbo par Fanglais au fur a mesure que ses ecoliers avancent vers leurs der nieres annees du primaire.

A vrai dire, meme a Fecole maternelle, particulierement aujourd'hui, Fanglais n'est jamais absent de l'education moderne des enfants igbo. Pen dant Fepoque coloniale ainsi qu'apres l'independance du Nigeria, les pro prietaries d'ecoles missionnaires avaient l'habitude d'introduire Fanglais dans les jardins d'enfants, qu'ils appelaient ulo akwukwo ndi g ta akara, "Fecole des mangeurs de haricots frits," parce que c'etait par l'offre de hari cots frits delicieux que les enfants prescolaires etaient entraines a frequen ter Fecole. Ici, la jardiniere ou le jardinier d'enfants commen^ait, le plus

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souvent, par l'enseignement de la langue igbo, auquel elle/il incorporait progressivement celui de l'anglais. A cette epoque-la, dans un jardin d'en fants typiquement igbo, des termes igbo etaient enseignes parallelement avec leurs equivalents anglais. Par exemple, les noms de nombres en igbo et en anglais etaient enseignes cote a cote des le debut de sorte que chaque

matin les enfants les repeteraient a haute voix apres leur maitre. Autrement

dit, lorsque les nombres etaient recites, Pun apres Pautre, la voix du maitre etait souvent suivie de celle des enfants, comme dans le tableau 1 oil il s'agit des nombres 1 a 10. Dans ce tableau a trois colonnes, la premiere colonne contient les noms de nombres dits par le maitre en igbo et en anglais alors

que la deuxieme contient les memes nombres que les eleves repetaient apres lui. Dans la troisieme colonne, il s'agit des equivalents francais des nombres

igbo et anglais.

Voix du maitre Voix des enfants Equivalents francais

One, otu One, otu un

Two, abua Two, abua deux

Three, ato Three, ato trois

Four, ano Four, ano quatre

Five, ise Five, ise cinq Six, isii Six, isii six

Seven, asaa Seven,asaa sept

Eight, asato Eight, asato huit

Nine, iteghete Nine, iteghete neuf

Ten, iri Ten, iri dix

Tableau 1 - Nombres de 1 a 10 recites en igbo et en anglais Un grand nombre d'enfants, avant d'achever leurs etudes prescolaires,

particulierement dans le village, savaient compter, en igbo et en anglais, jus qu'a 500 ou plus. Ils savaient aussi dire et lire les alphabets et quelques mots, voire de petites phrases dans ces deux langues. Aujourd'hui, cette methode

pedagogique ne s'emploie guere dans les ecoles maternelles; mais l'enseigne ment de l'igbo est toujours obligatoire a l'ecole primaire et dans la premiere moitie des annees du secondaire, au moins dans les etats igbo du Nigeria.

Au niveau de l'enseignement primaire, l'igbo est generalement le seul

moyen d'instruction pendant les trois premieres annees scolaires. A partir de la quatrieme annee, l'anglais partage avec lui le role de langue vehiculaire

jusqu'a ce qu'il le supplante et qu'il devienne le seul moyen d'enseignement. Avant d'achever ses etudes primaires, chaque enfant igbo, s'il ne parle pas couramment l'anglais, peut au moins ecrire et comprendre passablement cette langue qu'il a l'occasion d'utiliser dans sa vie de tous les jours.

L'enseignement de l'igbo, surtout dans les etats igbo (comme celui du haoussa et du yorouba respectivement dans les etats haoussa et yorouba)

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Nouvelles Etudes Francophones 21.2 125

est obligatoire du primaire jusqua la fin du "Junior Secondary," cest-a-dire

jusqua la fin des trois premieres annees du lycee nigerian; mais il est facul

tatif dans le "Senior Secondary," soit les trois dernieres annees du secon

dare. Ainsi, si les eleves le desirent, ils peuvent continuer leur apprentissage de Figbo au-dela du Junior Secondary. En effet, un nombre appreciable de

Nigerians poursuivent actuellement leur etude de Figbo jusqu'au niveau de

Fenseignement superieur qui a lieu a Fecole normale (college d'education), a Fecole polytechnique et a 1'universite.

Apprendre obligatoirement Figbo ne milite pas contre la maitrise de

Fanglais chez les jeunes Igbo du lycee, etant donne que le vehicule d'ensei

gnement a ce niveau est toujours Fanglais. Les lemons diverses qu'ils appren nent, etudient et re^oivent au lycee par le moyen de Fanglais leur permettent de cristalliser rapidement leur connaissance de cette langue.

C'est a ce niveau du secondaire que commence Fenseignement du fran

cais au Nigeria, et, en consequence, chez les Igbo. Ainsi chez les enfants igbo, le francais est la troisieme langue (L3) alors que Figbo et Fanglais sont les LI et L2. Les Igbo, particulierement les adultes, se passionnent pour le francais. Ils s'entichent de cette langue surtout pour des raisons commerciales, parce que les Igbo sont de grands commerc:ants et de grands voyageurs. Quelques millions de marchands igbo habitent actuellement des pays francophones d'Afrique: Cameroun, Gabon, Togo, Benin, Cote dTvoire, etc. Ils y ont des

magasins, des boutiques et des etalages, et ils y vendent et achetent des mar

chandises, en se servant de la langue frangaise pour communiquer avec les

indigenes francophones. Ils y apprennent done le francais en adultes, pour des raisons pratiques: pour etre capables de Futiliser dans le commerce.

Toutefois, a cause du manque de professeurs qualifies, et pour dautres

raisons,l ce n'est qu'un trop petit nombre d'eleves igbo, bien motives, qui etudient le francais jusqua la derniere annee du lycee. Ceux qui passent Fexamen final de francais au lycee sont souvent ceux qui sont tres doues en

francais, ou ceux qui s'y interessent pour des raisons personnelles. Nean moins, ce sera bien comprehensible si, au cours de leur apprentissage du

francais, ces eleves subissent des interferences linguistiques provenant des habitudes qu'ils ont acquises en igbo et en anglais, leurs LI et L2.

Cet expose permettra de saisir Fimportance de l'enquete que nous avons menee sur les interferences linguistiques qu'ont eprouvees des eleves igbo apprenant le francais au Nigeria. Notre enquete a ete effectuee par l'inter mediaire d'un test de discrimination auditive decrit ci-dessous.

1. Parmi ces autres raisons, il faut signaler les impacts negatifs du "prestige de l'anglais" dont parle Edwin Okafor dans son article intitule "Hegemonie de l'anglais au Nigeria" (11-12). Il faut aussi mentionner les effets negatifs de la politique linguistique educative du Nigeria qui accorde a l'igbo (et non pas au francais) le statut de langue obligatoire dans toutes les annees de l'education secondaire. D'ailleurs, l'igbo, a la difference du francais, est obligatoire pour tous les lyceens de la region igbo dans l'examen national de fin d'etu des secondaires.

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126 L'Apprentissage du francais L3 au Nigeria

Test de discrimination auditive Notre "test de discrimination auditive" fait partie dune enquete que

nous avons menee dans sept ecoles secondaires situees dans Fetat d'Anam bra au Nigeria, dont voici les noms: Okongwu Memorial Grammar School, Nnewi Girls' High School, Girls' School Ozubulu, Oraifite Grammar

School, Zixton Memorial Grammar School, Nnewi National Secondary School et Girls' School Nnewi. La population scolaire de toutes ces ecoles

appartient entierement au groupe ethnique igbo. Ainsi la langue maternelle et la deuxieme langue de tous les eleves sont respectivement l'igbo et l'an

glais. Nous avons utilise deux techniques d'investigation, a savoir l'enquete par questionnaires et l'enquete par tests. Seul l'aspect realise par le test de discrimination auditive sera considere ici.2

Les eleves soumis au test

Le test a interesse seulement les eleves apprenant le francais dans les clas ses terminales du lycee. II est vrai qu'ayant acquis une certaine maitrise de cette langue, ces eleves ne sont plus "victimes" de toutes les interferences qui apparaitraient chez les debutants. II est aussi vrai que n ayant pas effectue le test a divers stades de l'etude du francais, nous n'avons pas pu suivre revo lution du phenomene d'interference tout au long de la scolarite des eleves.

Neanmoins, notre choix a ete fait pour les raisons suivantes: P interference, en

tant que phenomene generalement caracteristique de la pratique de la langue etrangere, ne se produit pas seulement chez les debutants. Elle peut avoir lieu chez les polyglottes bien avances qui ne l'ont pas eliminee par "une therapeu tique appropriee" (Bylinski 9). D'ailleurs, plus d'importance serait donnee a

la recherche de cette "therapeutique appropriee" si on avait constate que, mal

gre une periode relativement longue de l'etude du francais, les eleves igbo de la classe terminale du lycee n'avaient pas pu surmonter les difficultes causees

par les habitudes linguistiques qu'ils avaient anterieurement acquises.

Puisque, a la difference du francais, l'anglais et l'igbo sont obligatoires a

tous les niveaux du secondaire, les jeunes Igbo qui etudient le francais jus

qu'a la derniere annee du lycee ne sont generalement pas nombreux. De ce

fait, il n'y avait que trente cinq eleves qui ont ete soumis a notre test de discri

mination auditive dans les sept ecoles secondaires mentionnees plus haut. II

convient de noter que, lors de notre enquete, le nombre d'eleves apprenant le

francais dans les classes terminales de ces lycees variait d'une ecole a Pautre.

Par exemple, alors que dans Pune des ecoles huit eleves ont ete soumis a

notre test, dans une autre il n'y en avait que trois, et ainsi de suite.

2. L'enquete par questionnaires, dont nous ne parlerons pas dans cet article, porte sur

1'attitude des eleves envers le francais, les techniques des professeurs de cette langue et

les moyens materiels qu'ils utilisent dans l'enseignement. II convient de signaler qu'outre notre test de discrimination auditive, nous avons administre aux eleves une autre epreuve dont on ne parlera pas ici non plus. II s'agit du test de "competence articulatoire" dont le

but etait de determiner le role des interferences linguistiques dans les fautes de pronon ciation des eleves igbo.

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Nouvelles Etudes Francophones 21.2 127

But, contenu, presentation et processus du test

Le but du test etait d'evaluer Faptitude des eleves a percevoir en fran

cais les oppositions pour lesquelles la description comparative de leurs LI, L2 et L3 indique des possibilites de confusion. II devait permettre d'avoir une idee de leurs deficiences auditives pour les sons auxquels ils n'etaient

pas habitues ainsi que de verifier la presence des interferences de LI et de L2 et d en mesurer Fimportance respective. Quant au contenu du test, les elements d'opposition dont il s'agit consistent en un petit echantillon de

phonemes et de chaines parlees du francais. Quelques-uns d'entre eux n'ap paraissent que dans le systeme du francais. Ils comprennent les voyelles orales /y/, /oe/, /o/, les nasales du francais, la detente des consonnes finales

(comme dans les mots "viennent," "bonne," "femme," "fine"), et le fait qu'en francais le Is/ final peut devenir 111 en liaison: Par exemple, [diz] dans dix hommes et [plyz] dans plus heureux; alors que dix etplus isoles se pronon cent respectivement [dis] et [plys].

Les phonemes francais testes comprennent aussi: (1) ceux qui appartien nent aux systemes du francais et de Fanglais, sans etre typiques du systeme igbo: la fricative labiodentale /v/, et les fricatives post-alveolaires qui en

anglais s'ecrivent sh et 5 dans she et measure, et en francais s'ecrivent ch et

ge dans chose et rouge; (2) ceux qui sont communs a Figbo et au francais et non attestes en anglais britannique: lol, /a/, et une nasale palatale qui s' ecrit

gn dans le francais agneau et ny dans Figbo anya, "Foeil"; et (3) ceux qui sont realises dans les trois langues: /p/, lb/, /ml, HI, III. Les erreurs des eleves dues au decalage entre les representations graphiques du code oral en francais, en

anglais et en igbo seront considerees dans notre "interpretation des erreurs."

^administration de Pepreuve Celle-ci etait aussi simple que possible. La discrimination auditive s'est

exercee sur de courtes phrases et des mots isoles enregistres au magne tophone par un locuteur francais. Les perceptions testees chez les eleves se divisent en quatre parties. La feuille donnee a chaque eleve soumis a

l'epreuve avait la forme simplifiee montree ci-dessous.

La feuille donnee a chaque eleve soumis au test

Nom_Ecole_Date_

Par tie 1: test de la perception des voyelles arrondies: e muet, u anterieur, o

ferme, eu mi-ouvert, u posterieur: 1. de, du, dos

2. peur, pour, pur Partie 2: test de la perception de l'opposition entre voyelles orales et nasales

3. femme, fin, fine

4. bon, banc, bonne

5. vit, vient, viennent

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128 L'Apprentissage du francais L3 au Nigeria

Partie 3: test de la perception des fricatives v/f

6. vingt, faim

7. font, vont

Partie 4: test de la perception des sons realises dans une chaine parlee du francais

8. Je veux partir. Je vais partir. 9. J'ai deux amis. J ai des amis.

10. J'ai dix ans. J'ai douze ans.

Quelques mots d explication permettaient a chaque eleve de savoir ce quil ou elle allait faire dans la feuille qui lui avait ete presentee. II sagissait de

souligner chaque mot ou chaque phrase que la voix enregistree repeterait apres "Attention!" II convient de montrer encore, ci-dessous, tous les conte nus de la feuille donnee aux eleves pour y indiquer les elements a repeter ou a souligner au cours du test.

Les elements repetes aux eleves pour evaluer leur perception des sons francais Partie 1: test de la perception des voyelles arrondies: e muet, u anterieur, o

ferme, eu mi-ouvert, u posterieur: 1. de, du dos. Attention! De

2. peur, pour, pur. Attention! Peur

Partie 2: test de la perception de Popposition entre voyelles orales et

nasales

3. femme, fin, fine. Attention! Fin

4. bon, banc, bonne. Attention! Bon

5. vit, vient, viennent. Attention! Viennent

Partie 3: test de la perception des fricatives v/f

6. vingt, faim. Attention! Faim

7. font, vont. Attention! Vont

Partie 4: test de la perception des sons realises dans une chaine parlee du

francais

8. Je veux partir. Je vais partir. Attention! Je vais partir 9. J'ai deux amis. Jai des amis. Attention! Jai des amis

10. Jai dix ans. Jai douze ans. Attention! Jai douze ans

Ces phrases et mots ont ete prononces a une vitesse normale, avec une elo

cution sans emphase.

Resultats du Test Les sons a percevoir, et les pourcentages des erreurs de perception com

mises par les eleves sont disposes ici dans le tableau 2, intitule "Tableau

analytique des fautes faites dans les quatre parties du test."

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Nouvelles Etudes Francophones 21.2 129

c < . . Perception erronee Son a percevoir Opposition a percevoir d'erreurs

hi dans de /9/~/y/~/o/ lyl percu par 5% des eleves

hi dans de /a/~/y/~/o/ lol per^u par 30% des eleves

/ce/ danspewr /ce/~/u/~/y/ /u/ perc,u par 15 % des eleves

/ce/ dans pewr /ce/~/u/~/y/ /y/ paru par 15% des eleves

Id dansyi? /a/~/e/~/i/ /a/ perc,u par 55% des eleves

/5/ dans bon /5/~/ct/~/on /&/ perc,u par 20% des eleves

/o/ dans fcow /o/~/a/~/on /on/ danS per^U / J/ Udllb t/U/7 / J/~/U/~/ JI1 irvn/ J 'lv par 10% des eleves

/sn/ dans ^., j,

,~ Id dans vient perc,u viennent

~ ~ par 15% des eleves

/f/ dans faim lvl~lfj NI perc,u par 10% des eleves

/v/ dans vowf /f/~/v/ HI perc,u par 5% des eleves

hi dans va/s hl~l&l (0 dans vewx) /o/ perc,u par 5% des eleves

/o/ dans deux l?l~ld (e dans des) Id perc,u par 25% des eleves

HI dans ci/x /i/~/u/ (u dans douze) lui perc,u par 25% des eleves

Tableau 2 - Tableau analytique des fautes faites dans les quatre parties du test

L'analyse des resultats du test, a Faide tableau 2, permet de faire les

constatations suivantes:

Dans la partie 1 du test, trente pour cent et quinze pour cent des eleves

testes ont souligne respectivement dos au lieu de de et pour au lieu de peury ce qui montre que dans le premier cas ils ont per^u le son lol au lieu de hi et

dans le deuxieme ils ont per^u lui au lieu de /cel. Seulement cinq pour cent

ont souligne du au lieu de de. Ainsi, les plus forts pourcentages des erreurs

ont ete provoques par Fincapacite de faire la distinction entre hi (le e muet) du systeme vocalique francais et le phoneme lol connu de Figbo, ou entre la

voyelle /ce/, typiquement franchise, et la voyelle /u/, connue de Figbo (ainsi

que de Fanglais et du francais).

Dans la partie 2, ou les voyelles orales et les voyelles nasales sont oppo sees, le plus fort pourcentage des deficiences auditives (cinquante-cinq pour

cent) a ete provoque par la perception du /a/, precedemment connu, de LI, a

la place de /e/, connu seulement du francais. Dans les cas ou tous les termes

d'opposition ne sont connus qu'en francais, le pourcentage de confusion

est relativement eleve. Ainsi vingt pour cent des eleves ont confondu une

voyelle nasale 15/ dans bon avec une autre voyelle nasale Id/ dans banc.

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130 L'Apprentissage du francais L3 au Nigeria

La partie 3 connait la moyenne la plus basse de pourcentage des erreurs, sans doute, parce que presque tous les eleves sont habitues a percevoir en

anglais (et peut-etre aussi en francais) Fopposition /v/~/f/ dont il s'agit dans cette section du test.

Quant a la partie 4 oil il est question des sons dans une chaine parlee, cinq pour cent des eleves seulement ont confondu "Je veux partir" avec "Je vais partir," alors que vingt cinq pour cent ont confondu "J'ai dix ans" avec

"J'ai douze ans," probablement a cause de la liaison qui se produit dans ces

deux dernieres phrases. Le tableau 3 permettra de saisir plus facilement le rapport entre les

variations des pourcentages d'erreurs et les similitudes et les dissimilitudes existant entre LI, L2 et L3 des eleves.

0/ ^ ... n , Erreur due a LI, % Opposition non percue Perception erronee ^ ou L3

55% /e/dans^?/aoral /a/(i.e., a oral) L1: /a/

^/plut6t 2Q0//o /a/~/y/~/o/ LI: opposition 0

(a percevoir hi dans de) son/graphie

25% r /0/~/e/ , A lei LI:/o/y est absent

(a percevoir hi) 7

~cn/ /i/~/u/ , , L3: liaison dans dix 25% ; I' i a j \ lui

(a percevoir III dans dix) ans

~An/ /5/~/ct/~/on/ ,~ , Sons francais 20% n . ,~A a r iY

(a percevoir hi) conrondus

/oe/~/u/~/y/ LI: oe francais 0 (a percevoir /ce/) remplace 1cn/ /oe/~/u/~/y/ , , L3 sons francais 15% n i i\ lyl c a

(a percevoir /ce/) 7 conrondus

lcn/ /i/~/e/~/e/ Sons francais 15% n . \ hi r a (a percevoir en) conrondus

ino/ : hhhnljvhlfl , ii, L3, L2/L1: 10% r . ,~, /r/N hnljvl ^ r .

(a percevoir /o/, III) Confusion

co/ /9/~/y/~/o/, /f/~/v/, lehl&l i i ici i i Confusion des sons 5% : /x 7 . i i i i i i\ /y/, /iA h t i /t

j (a percevoir... hi, hi, hi) 7 L1/L2

Tableau 3 - Classement des oppositions et des fautes suivant le pourcentage d'erreurs

Interpretation plus detaillee des erreurs L'examen du tableau 2 permet d'observer que les pourcentages d'erreurs

varient de cinq pour cent a cinquante-cinq pour cent, la zone comprise entre

cinq pour cent et trente pour cent groupant la plus grande partie des opposi tions. Les plus grands nombres de "perceptions erronees" ont ete provoques par les interferences de l'igbo et/ou de l'anglais. Les pourcentages d'erreurs relativement plus faibles mais importants ont ete provoques par la difficulte a percevoir les oppositions dans les "sons francais" qui n'apparaissent ni en

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Nouvelles Etudes Francophones 21.2 131

igbo ni en anglais. Enfin, dautres "facteurs de faute" dont nous parlerons tout a Fheure comprennent le decalage entre le son et la graphie et FefFet

de la "liaison" caracteristique du francais parle. Les erreurs peuvent etre

classees et interpretees sous les rubriques suivantes:

Erreurs imputables aux interferences de LI (Figbo) ou/et de L2

(Fanglais) Le phoneme /a/ per<;u a la place de lei dans fin. C est la confusion qui

a provoque le plus fort pourcentage d erreur, cinquante-cinq pour cent des

eleves testes ayant commis cette faute. Je Fattribue a Finterference de "Fhabi tude auditive" acquise en igbo et en anglais, pour la raison suivante: la voyelle nasale /e/ non perdue par la plupart des eleves, n existe ni en igbo ni en anglais. Par contre, le phoneme /a/, bien per^u, apparait dans leur LI (igbo) ainsi que dans "Fanglais nigerian" ou le /ae/ britannique se prononce /a/.

Le son lol perc^u au lieu de hi (e muet) par trente pour cent des eleves testes. Cette faute est imputee a Finterference dbrigine igbo plutot qu a celle

dbrigine anglaise vu que 17o/, caracteristique de Figbo et du francais n'ap

parait pas en anglais, sauf dans des "sons diphtongues." Et la non perception du hi francais ne devrait pas etre attribute a Finfluence de la connaissance

du schwa de langlais, car la prononciation de ce qubn appelle commune

ment "e muet" en francais differe de celle du schwa, bien qubn ait tendance a employer le meme symbole hi de Falphabet phonetique international pour les representer. D'ailleurs, Fanglais et le francais ne partagent pas la meme

"representation graphique" du e caduc - ce qui souleve la question du deca

lage entre code oral et code ecrit, tel quil varie dune langue a Fautre.

Alors que le e caduc est toujours represente par "e" dans le francais ecrit, celui de Fanglais ecrit est represente par une multiplicite de lettres diffe rentes. Par exemple, chacune de ces lettres et combinaisons de lettres: a, ai, e, ei, eo, i, ia, io, o, oi, ou, u, y

- se prononce hi dans les mots suivants:

again, mountam, system, mullem, dugeon, eas/ly, parl/ament, leg/on, gal lop, tortozse, porpo/se, curious, circus, Abyssinia. Done, chez les eleves igbo du francais, la non perception du e muet ne devrait pas etre imputee a Fin terference du schwa de Fanglais.

Le lei perc;u a la place du eu semi ferme, /o/, par vingt-cinq pour cent d'eleves soumis au test. Cette erreur est plus probablement due a Finterfe rence de LI qu a celle de L2 car, alors que lei francais (dans des confondu avec lol dans deux) est mi-ferme comme son homologue du systeme vocali

que de Figbo, celui de Fanglais est mi-ouvert (Bylinski 35).

Dans le cas de Fopposition /oe/~/u/ (peur/pour) ou quinze pour cent des eleves ont per^u lui au lieu de /oe/, Finterference etait probablement dbrigine LI et L2 car en igbo ainsi quen anglais lui est connu et /ce/ est inconnu.

Opposition /f/~/v/ ou /v/~/f/. Pour celle-ci, les pourcentages derreurs sont relativement faibles, ce qui tend a prouver que la pratique de Fanglais entraine Fauditeur igbo a percevoir correctement la distinction. II convient

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132 L'Apprentissage du francais L3 au Nigeria

de souligner que HI est generalement realise en igbo. Quant a /v/, il n'y appa rait pas en tant que phoneme, mais seulement comme variante dialectale.

Erreurs non imputables aux interferences de Pigbo et/ou de l'anglais

lyl du mot "pur" percu au lieu de Ice/ du mot "peur," et Id/ du mot "banc"

percu au lieu de lol du mot "bon." Aucun terme de ces deux oppositions n'apparait en igbo ou en anglais. En consequence, il ne faut pas attribuer les erreurs aux interferences, mais plutot a la confusion des "sons etrangers."

Non perception des sons familiers /u/, /i/. Puisque ces deux phonemes existent en igbo et en anglais, cest probablement le changement de Is/ (de dix) en Izl en liaison qui aurait provoque la confusion de /dizct/ (dix ans) avec /duzd/ (douze ans) chez les eleves dont les oreilles n'etaient pas habi tuees a la discrimination des sons dans la chaine parlee du francais.

Conclusion II semble que notre enquete ait atteint son objectif. Le test qubn a admi

nistre a permis davoir une idee des deficiences auditives chez les eleves

igbo en ce qui concerne un petit echantillon des sons francais auxquels ils n' etaient pas habitues ainsi que de verifier la presence des interferences de LI et de L2 et d en mesurer Pimportance respective. Les interferences en

provenance de LI et de L2 sont incontestablement des problemes chez les eleves igbo de francais. De meme que les habitudes linguistiques apprises dans LI peuvent produire des interferences dans la pratique de L2, de meme les traits caracteristiques acquis dans LI et dans L2 peuvent interferer au cours de Papprentissage de L3, et ainsi de suite. Les resultats enregistres justifient done notre hypothese. Le bilinguisme produira des effets tantot

salutaires, tantot negatifs au cours de Papprentissage du francais L3.

Des effets salutaires? Oui, parce qu'une personne bilingue aura une moindre difficulte a percevoir ou a realiser les habitudes du systeme du francais si elles caracterisent aussi sa langue maternelle et sa L2, comme dans le cas du phoneme /f/ percu par plus de quatre-vingt-dix pour cent des eleves igbo qui ont subi le test decrit ci-dessus. Le pourcentage d erreurs sera aussi faible si le terme a percevoir ou a realiser en francais apparait dans Pune ou Pautre des deux premieres langues des eleves, comme dans le cas de NI percu par presque tous les eleves igbo a cause, sans doute, de son

apparition dans le systeme consonantique de l'anglais. Des effets negatifs? Oui aussi, parce que si un des termes d'opposition,

par exemple, Izl caracteristique du francais, n'est realisable ni en L2 ni dans LI, les eleves auront tendance a confondre le terme francais avec le deuxieme terme d'opposition (par exemple, /a/) que les Igbo ont deja connu dans leur langue maternelle et/ou en anglais. C'est cette sorte de confusion

qui a provoque les plus forts pourcentages d'erreurs chez les eleves soumis a notre test.

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Nouvelles Etudes Francophones 21.2 133

Les resultats auxquels nous sommes parvenus montrent quil y a un

processus a?interference qui consiste en une substitution du connu a Fin connu. Le comportement du locuteur igbo en presence des problemes poses par le systeme phonemique du francais etait soumis a Finfluence des habi tudes precedemment acquises. Cependant, les resultats obtenus permettent

egalement de mettre en lumiere le fait quil y a des erreurs commises au cours de Fapprentissage d une langue etrangere qui ne resultent pas des interferences. Par exemple, vingt pour cent des eleves testes ont per^u Id/ dans banc au lieu de lol dans bon. Etant donne que les voyelles nasales n'ap paraissent ni en igbo ni en anglais, on ne peut pas imputer cette erreur a

Finterference de LI ou de L2. II en est de meme du cas ou les eleves igbo n'ont pas pu distinguer entre lui et HI qui existent veritablement dans les

systemes vocaliques de leurs deux premieres langues, Figbo et Fanglais. Ainsi Fanalyse des erreurs commises par un groupe d'eleves nigerians

dans notre test de discrimination auditive s avere tres important. En plus de renseigner sur les caracteres des interferences linguistiques queprou vent les eleves nigerians de francais, elle permet d'apprecier Fimportance de "Fetude comparee" des LI, L2 et L3 des eleves igbo du francais, comme

Fa demontre Okafor dans "Problemes linguistiques et culturels de Fensei

gnement du francais au Nigeria" (115-80). Cette enquete permet aussi de constater que la description des langues des eleves ne peut predire toutes les difficultes de Fapprentissage dune nouvelle langue. Nous en concluons tou tefois que plus d'accent sera mis dans la recherche des techniques d'ensei

gnement qui diminueront la gravite des problemes d'interferences constates chez les enfants igbo, etant donne que malgre une periode relativement lon

gue de leur etude du francais, ces eleves igbo de la classe terminate du lycee n'ont pas pu surmonter les difficultes causees par les habitudes linguistiques qu'ils avaient anterieurement acquises. Il en va de meme pour les problemes qui ne sont pas imputables aux interferences.

II est a souhaiter que les constatations dont nous venons de parler soient utiles aux enseignants et aux futurs enseignants du francais L3 non seule ment au Nigeria ou en Afrique anglophone mais egalement dans dautres

pays, y compris les Etats-Unis. Il est aussi a souhaiter que les professeurs d'une langue etrangere dans n'importe quel pays multilingue prennent conscience de la complexite des interferences linguistiques que peuvent eprouver leurs eleves polyglottes; que la prise de conscience d un tel pro bleme les incite a revolutionner leur methodologie d'enseignement, en concevant et employant, par exemple, de nouveaux exercices de prononcia tion qui repondront aux besoins particuliers de ces eleves.

University of Nigeria

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