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Prise en charge du cancer du sein: place du pathologiste E Penault-Llorca Le pathologiste intervient ?a plusieurs niveaux dans la prise en charge d'une patiente atteinte d'un cancer mammaire et dans la d4cision th4rapeutique. Tout d'abord, il permet l'4tablissement du diagnostic de malignit4 sur les pr4lhve- ments par cytologie, microbiopsies, et sur pihce op4ratoire. Lors de la chirurgie, pendant l'examen perop4ratoire, il pr4cise les limites d'ex4rhses et oriente les pr41hvements pour la recherche. Ensuite, il 4value les paramhtres indispensables l'4tablissement du pronostic et ~ la mise en 4vidence de facteurs pr4dictifs. Tout d'abord, situons le travail du pathologiste La pratique quotidienne du pathologiste a consid4rablement 4volu4 durant les trente dernihres ann4es (tableau I). Le d4pistage mammographique organis4 du cancer du sein a profond4ment modifi4 le mode de pr4sentation des 14sions mammaires, et par la-m4me leur prise en charge. Les pr41hvements sont de plus en plus r4duits (chirurgie conservatrice, microbiopsies), les tumeurs sont de plus en plus petites (g4n4ralisation du d4pistage par mammographie) et, paradoxalement, le nombre de pr41hvements est de plus en plus 41ev4 (14sions ~ pr4invasives, microcalcifications, limites d'ex4rhse). Le diagnostic est mainte- nant le plus souvent connu avant la chirugie (biopsie strat4gique). On assiste ainsi a une diminution globale du nombre des examens extemporan4s. La tech- nique du ganglion sentinelle implique une 4tude histopathologique sp4cifique. Tableau I - I~volution de la pratique des pathologistes. 9Diminution des examens extemporan4s 9Biopsie pr4op4ratoire ~ strat4gique ~ 9 Assurance qualit4 et confrontations anatomocliniques 9 Difficult4s du diagnostic des 14sions pr4invasives

Le cancer du sein || Prise en charge du cancer du sein: place du pathologiste

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Prise en charge du cancer du sein: place du pathologiste

E Penault-Llorca

Le pathologiste intervient ?a plusieurs niveaux dans la prise en charge d'une patiente atteinte d'un cancer mammaire et dans la d4cision th4rapeutique. Tout d'abord, il permet l'4tablissement du diagnostic de malignit4 sur les pr4lhve- ments par cytologie, microbiopsies, et sur pihce op4ratoire. Lors de la chirurgie, pendant l'examen perop4ratoire, il pr4cise les limites d'ex4rhses et oriente les pr41hvements pour la recherche. Ensuite, il 4value les paramhtres indispensables

l'4tablissement du pronostic et ~ la mise en 4vidence de facteurs pr4dictifs.

Tout d'abord, situons le travail du pathologiste

La pratique quotidienne du pathologiste a consid4rablement 4volu4 durant les trente dernihres ann4es (tableau I). Le d4pistage mammographique organis4 du cancer du sein a profond4ment modifi4 le mode de pr4sentation des 14sions mammaires, et par la-m4me leur prise en charge. Les pr41hvements sont de plus en plus r4duits (chirurgie conservatrice, microbiopsies), les tumeurs sont de plus en plus petites (g4n4ralisation du d4pistage par mammographie) et, paradoxalement, le nombre de pr41hvements est de plus en plus 41ev4 (14sions ~ pr4invasives, microcalcifications, limites d'ex4rhse). Le diagnostic est mainte- nant le plus souvent connu avant la chirugie (biopsie strat4gique). On assiste ainsi a une diminution globale du nombre des examens extemporan4s. La tech- nique du ganglion sentinelle implique une 4tude histopathologique sp4cifique.

Tableau I - I~volution de la pratique des pathologistes.

�9 Diminution des examens extemporan4s �9 Biopsie pr4op4ratoire ~ strat4gique ~ �9 Assurance qualit4 et confrontations anatomocliniques �9 Difficult4s du diagnostic des 14sions pr4invasives

56 Le cancer du sein

Le d6veloppement d'un partenariat avec les biologistes et l'arriv4e des th6ra- peutiques cibl4es ont modifi4 l'4valuation histopathologique qui est pass4e de purement morphologique, sur des 14sions macroscopiquement identifiables (diagnostic de malignit4, grade histopronostique, envahissement ganglion- naire) a ph4notypique, via l ' immunohistochimie (r4ceptivit4 hormonale, proli- f4ration, cibles th4rapeutiques comme HER2, recherche de microm4tastases) et les techniques de biologie mol4culaire (hybridation in situ, profil mol4culaire).

Microbiopsies et macrobiopsies

Les diagnostics en pathologie mammaire sont souvent port ,s en premier lieu sur des pr~l~vements biopsiques (microbiopsies dans le cas de 16sions mani- festement carcinomateuses ou de macrobiopsies dans le cas de microcalcifi- cations).

Le pathologiste doit connaitre le degr~ de suspicion radiologique, le type de rep~rage, le degr6 de precision du guidage et l'aspect de l'image. En particulier, la presence de microcalcifications et leurs localisations devront ~tre consignees et compar6es ~ l'image radiologique.

Plusieurs difficult~s peuvent ~tre rencontr~es par le pathologiste (tableau II).

Tableau II - Difficult4s du diagnostic sur biopsies.

�9 Identification correcte des 16sions pr6invasives rendant n6cessaires une v6rification chirurgicale (hyperplasie canalaire atypique, n6oplasie lobulaire...) �9 Diagnostic de microinvasion �9 fltablissement du grade ou de param?~tres histopronostiques sur petits pr616vements

- l'identification correcte des 16sions pr6invasives ou ambigu~s rendant n6cessaire une exploration chirurgicale afin d'6liminer un diagnostic de cancer (in situ ou invasif). I1 s'agit des 16sions d'hyperplasie canalaire atypique, de n6oplasie lobulaire (en particulier de grade 2 ou 3) (fig. 1), et pour certains de

Fig. 1 - L6sions de diagnostic difficile sur biopies : Hyperplasie canalaire

Prise en charge du cancer du sein :place du pathologiste 57

14sions d'atypies planes ou de m4taplasie cylindrique atypique. Actuellement, il est recommand6 d'op6rer pour v6rification les patientes pr6sentant des 16sions d'hyperplasie canalaire atypique, de n6oplasie lobulaire. En cas de microbiop- sies, un cancer (in situ ou invasif est retrouv6 dans environ 75 % des cas en cas de microbiopsies et dans 25 % des cas en cas de macrobiopsies) ;

- le diagnostic de microinvasion sur une biopsie pr6sentant du carcinome canalaire in situ (fig. 2) ;

- la difficult6 et les limites de l'6tablissement d 'un grade histopronostique correct et des autres param~tres de prise en charge des patientes (taille, para- m~tres IHC) sur m i c r o - ou macrobiopsies en cas de chimioth6rapie n6oadju- vante.

Fig. 2 - Micro-invasion dans un carcinome canalaire in situ (HES X20).

Les dossiers seront discut6s en r6unions de confrontations anatomoclini- ques ou en RCP (r6union de confrontation pluridisciplinaire). C'est grace la communication entre le pathologiste et les radiologues et chirurgiens que les doutes ou incertitudes de l'examen histopathologique pourront 6tre pris en compte pour une prise en charge ad hoc de la patiente.

58 Le cancer du sein

Param tres indispensables du compte rendu histopathologique d'un carcinome invasif du sein

La premihre mission du pathologiste va 4tre de r6aliser un diagnostic histopatho- logique correct. Les procedures ?a utiliser sont formul4es dans plusieurs guides de bonnes pratiques dont les recommandations europ4ennes et celles de I'ANAES. Une excellente communication entre le pathologiste et le radiologue et/ou le chirurgien est indispensable pour une prise en charge optimale des patientes.

Renseignements g~n~raux

Ils sont indispensables pour une identification correcte du pr4lhvement et pour que le pathologiste puisse identifier la pihce op4ratoire dans le sein. En dehors des donn4es d4mographiques, des ant4c4dents cliniques, il est fondamental de connaitre la localisation exacte dans le sein.

Description macroscopique (pr~ciser si encrage des limites, radiopi~ce, mesures)

Pendant l'intervention chirurgicale, deux moments forts n4cessitent une excel- lente communication entre le chirurgien et le pathologiste :la pr4paration de la pihce op6ratoire avant son acheminement dans la structure ACP et l'4ventualit4 d 'un examen extemporan4.

La preparation de la pihce op4ratoire est r4alis4e par le chirurgien qui oriente la pihce (un seul rep6re pour une pihce de mammectomie, plusieurs pour une zonectomie ou tumorectomie). Les pi6ces d'ex4rhse partielle doivent, en outre, 4tre accompagn4es de la radiopihce et 4tre intactes. Le pathologiste encre la pihce et mesure les diff4rents segments (fig. 3). I1 d4crit ce qu'il voit et d4cide ou non de r4aliser un examen extemporan4.

Fig. 3 - Rep4rage et encrage d'une pihce op4ratoire.

Prise en charge du cancer du sein : place du pathologiste 59

Examen extemporan~

Les indications portant sur la r~alisation d 'un examen extemporan~ en cas de l~sion dont le diagnostic n'a pu ~tre fait avant l 'intervention chirurgicale sont bien cadr4es par les recommandations de I'ANAES. Un examen extemporan4 est d4conseill~ pour les microcalcifications, ou des tumeurs mesurant moins de 10 mm. Cependant dans de rares cas en dehors de ces indications, et si le patho- logiste est tr~s entrain~ ?a la pathologie mammaire, une consultation perop6ra- toire pourra ~tre effectu~e, en en pr6cisant les limites au chirurgien (fig. 4). Les donn6es de cet examen seront rapport4es sur le compte rendu (valeur m6dico- l~gale en cas de probl~me).

Fig. 4 - Examen extemporan~ : cryostat off sont r~alis~s les coupes ~a cong41ation.

Description microscopique Le pathologiste doit fournir dans son compte rendu : le diagnostic l~sionnel, les limites d'ex6r~se, l 'envahissement ganglionnaire. I1 devra pr~ciser les param~- tres ~t valeur pronostique ou importants pour la prise en charge th&apeutique.

60 Le cancer du sein

Toutes ces donn6es seront prises en compte lors de la r6union de concertation pluridisciplinaire UPCO (reprise chirugicale, radioth6rapie, chimioth6rapie, hormonoth~rapie...).

Ces param~tres sont recommand6s par toutes les conf6rences de consensus. HER2 est actuellement reconnu comme un param~tre indispensable ~ 6valuer dans le cadre d'un 6ventud traitement par Herceptin| Nous rapporterons ici les param~- tres pr6cis6s par l'6tude histopathologique et les &udes ancillaires associ6es appor- tant des informations indispensables ?a une prise en charge correcte des patientes.

Stade TNM

Lc nouveau stade TNM publi~ en 2003 int~gre des param~tres immunohis- tochimiques et de biologie mol~culaire dans les crit~res de classifications des m6tastases ganglionnaires.

Taille tumorale

La taille tumorale est l 'un des marqueurs pr6dictifs le plus puissant du comportement d'un carcinome mammaire. L'6valuation pr6cise de la taille tumorale est n6cessaire pour stratifier correctement les patientes, en particu- lier depuis l'av~nement du d6pistage et l 'augmentation du taux de patientes avec des cancers pT1.

Un certain nombre de param~tres peuvent 6tre responsables d'erreurs ou de variations interpathologistes : la multicentricit6, la pr6sence d'un contingent de carcinome in situ, le type du carcinome, le type de stroma. Un carcinome lobulaire est souvent sous-6valu6 macroscopiquement alors qu'un carcinome stroma desmoplastique est souvent sur6valu6.

I1 est recommand6 de :

- mesurer la tumeur dans au moins deux dimensions et de pr6ciser la taille du contingent invasif seul ;

- toujours contr61er la taille au microscope. En cas de diff6rence avec l'6va- luation macroscopique, la mesure microscopique de la taille du contingent invasif sera prise en compte pour la stadification ;

- en cas de tumeurs multiples, ne pas additionner les tailles. Rapporter les diff6rentes tailles, la plus volumineuse servira pour la stadification.

Statut ganglionnaire, microm~tastases, embols vasculaires et lymphatiques

La valeur pronostique de l'envahissement ganglionnaire et du nombre de ganglions atteints n'est plus a d4montrer. I1 est a noter que, dans le nouveau TNM, un envahissement des ganglions susclaviculaire est c6t4 N3 (au lieu de M1 dans la classification pr4c4dente). I1 est recommand6 de prdever la totalit4 du ganglion, sauf si celui-ci est manifestement m4tastatique. Un seul plan de coupe est n4cessaire en routine. Le compte rendu doit comporter le nombre de ganglions envahis rapport4 au nombre de ganglions pr4lev4s et 4ventuelle- ment la taille du plus grand foyer m4tastatique. La signification d'une diffusion tumorale extraganglionnaire reste controvers4e.

Prise en charge du cancer du sein :place du pathologiste 61

Une microm4tastase ganglionnaire est d4finie par la pr4sence d'un foyer tumoral mesurant entre 0,2 mm et 2 mm dans sa plus grande dimension, dans le nouveau TNM. Les foyers de plus petite taille (< 0,2 mm) ou cellules tumorales isol4es sont class4s en pN0 (i+) s'ils sont vus grace ?a I'IHC (fig. 5), ou (tool+) si la d4tection se fait par technique de PCR. Cette nouvelle classification TNM pr4sente ainsi l'int4r4t de dasser ces microm4tastases que l'on met en 4vidence de plus en plus souvent depuis l'avhnement du ganglion sentineUe. Cependant, la valeur pronostique de microfoyers m4tastatiques d6tect4s uniquement par l'immunohistochimie (IHC) reste sujette a controverses.

Fig. 5 - Cellules tumorales isol4es dans un ganglion sentinelles r4v614es par une immunod4- tection anti KL1 (pN0 (i+)) (IHC anti KL1 X40).

La pr6sence d'emboles vasculaires et/ou lymphatiques est 6galement un facteur pronostique reconnu en particulier pour les patientes N- (fig. 6). Le comptage doit fitre r6alis6 en p4riph6rie des tumeurs sans apport de I'IHC.

Fig. 6 - Aspect d'emboles lymphatiques (HES X 40).

62 Le cancer du sein

Type histopathologique Certains types histopathologiques refl~tent un comportement tumoral particulier.

La majorit4 des carcinomes mammaires est de type canalaire (70-80 %). Les carcinomes tubuleux et mucineux sont de bon pronostic. Un carcinome lobu- laire a un comportement particulier qui correspond ?a un g4notype particulier : une mutation ou une extinction du ghne de la E-cadh4rine ou CDH1 (localis4 en 16q22) observ4e en biologie mol4culaire (fig. 7). La mise en 4vidence par

Fig. 7 - Carcinome lobulaire, absence d'expression de la E-cadh6rine, sein normal positif (HES X20).

IHC de la perte d'expression membranaire de la E-cadh6rine dans la plupart des carcinomes lobulaires infiltrants est une aide au diagnostic et confirme la sp6cificit~ de ce type de carcinome. De m~me, un carcinome m~dullaire est rare (0,5 %) et doit ~tre diff~renci~ des carcinomes canalaires de haut grade ?a stroma inflammatoire par l'application de crit6res stricts. Les pathologistes ont mis en ~vidence les caract~res ph4notypiques des carcinomes mammaires li4s

BRCA1, qui se rapprochent du ph6notype m6dullaire (tumeur de grade III ?a stroma inflammatoire, RE-, RP-, HER2-, P53+).

Prise en charge du cancer du sein : place du pathologiste 63

Grade Histopronostique

Le grade est un 414ment important qui permet une stratification pronostique nette des cancers du sein. I1 existe plusieurs types de grade histopronostique : grade nucl4aire (Black), grade SBR, grade SBR modifi4 ou grade SBR modifi4 par Elston et Ellis (Nottingham). C'est ce dernier qui est actuellement recom- mand4, il permet une standardisation des donn4es (tableau III) (fig. 8).

I1 est important, en outre, de sp6cifier le compte mitotique en valeur absolue.

Tableau III - Grade SBR modifi6 par Eston et Ellis.

Formation de tubes Majoritaire (> 75 %) Mod6r4e (10-75 %) Faible ou nulle (< 10 %)

P16iomorphisme nucl6aire Cellules petites et r4guli~res Augmentation de taille mod~r4e, variation intercellulaire Variation marqu6e

Index mitotique Variable selon le diam6tre du champ

Score

1-3

�9 Grade SBR

Grade I : tumeur bien diff~renci~e. Score 3,4 ou 5.

Grade II : tumeur moyennement diff~renci~e. Score 6,7.

~ ~: ~. ~ L ~ ~ ~\, ~:~

Grade III : tumeur peu diff~renci~e.

Score 8,9

Fil~. 8 - Grade SBR modifi6 par de Elston, Ellis.

64 Le cancer du sein

Contingent intracanalaire associd

La pr4sence d'un contingent de CCIS extensif en p4riph4rie est un facteur de risque de rechute locale.

Marges d'exdr~se

Aucun consensus n'existe ?a l'heure actuelle pour la d~finition de marges saines. Les limites d'ex6r~se ont des d~finitions vari~es selon les 4quipes et la place qu'elles donnent au contr61e local et ~ la radioth4rapie. Pour 4viter au maximum le risque de rechute locale, les marges d'ex4r~se doivent ~tre suffisantes. Les SOR (Standard, Options et Recommandations) recommandent des marges minimum de 3 mm pour les CCIS et les cancers invasifs. Beaucoup d'4quipes recommandent plut6t des marges de 5 ?a 10 mm pour les CCIS de haut grade. Pour les marges superficielles (limit4es par la peau) et profondes (limit4es par le fascia), une plus grande tolerance existe. Des marges non saines impliquent une reprise chirurgicale. Le pathologiste rapporte donc la plus petite distance par rapport aux marges d'ex~r~se (PPDM). Si une marge est envahie, il faudra pr6ciser la topographie, la nature du processus (invasif ou in situ) et son 6tendu (focal ou ~tendu) (fig. 9).

Fig. 9 - Marges focalement non saines (CCIS).

Prise en charge du cancer du sein :place du pathologiste 65

Rdcepteurs hormonaux et HER2

Les r4cepteurs hormonaux et le statut HER2 ont 4t4 reconnus comme facteurs pronostiques et pr4dictifs indispensables ~t la prise en charge th4rapeutique lors des conf4rences de consensus de Saint Gallen et du NCC. Ils sont r4alis4s par immunohistochimie, sur coupes en paraffine, ~t partir des pr41hvements utilis4s pour le diagnostic.

La d4termination du statut des r4cepteurs hormonaux et de HER2 est obli- gatoire pour toutes les tumeurs invasives pour le choix de la th4rapeutique et l'4tablissement du pronostic. Une th4rapeutique hormonale et une th4rapeu- tique ciblant HER2 ne peuvent 4tre prescrites en l'absence d'une positivit4 respective du statut des r4cepteurs hormonaux et de HER2.

Les laboratoires amen4s ~t d4terminer le statut tumoral en RH et HER2 doivent participer ~t des contr61es de qualit4 en relation avec des centres sp4cia- lis4s r4gionaux ou nationaux.

R~cepteurs hormonaux

La recherche du statut des r4cepteurs hormonaux peut 4tre faite sur des biop- sies, des cellules isol4es (cytobloc ou cytologie en milieu liquide) et sur les sp4cimens chirurgicaux. En cas de n4gativit4 du statut des r4cepteurs sur biopsie ou pr41hvement de cytologie, il est recommand4 de refaire la tech- nique sur la pihce op4ratoire en raison de l'h4t4rog4n4it4 tissulaire possible pour les tumeurs ?a faible r4ceptivit4 hormonale. I1 est 4galement recommand4 de refaire le test si des biopsies ou des pr41hvements cytologiques de m4tas- tases sont disponibles pour 4valuer l'4ventuelle s41ection de clones n4gatifs ou positifs (variation du statut des r4cepteurs hormonaux 4valu4e dans la litt4- rature entre 10 et 20 %). Aprhs chimioth4rapie n4oadjuvante, une nouvelle d4termination doit 4tre r4alis4e en raison des modifications possibles du statut des r4cepteurs hormonaux.

I1 n'existe pas de consensus international quant ~t la notion de << positivit4 >> des r4cepteurs hormonaux. Le seul immunomarquage significatif est nucl4aire. Une tumeur est dite << r4cepteurs positive >> lorsqu'elle exprime les r4cepteurs aux oestro@nes et/ou ~t la progest4rone. Le seuil de positivit4 reconnu commu- n4ment est de 10 % de cellules marqu4es quelle que soit l'intensit4.

I1 est recommand4 de rapporter le pourcentage de cellules marqu4es et l'in- tensit4 du marquage (en faible ou +, mod4r4 ou ++ et fort ou +++). En fonc- tion des 4quipes, le seuil de positivit4 varie de 1 ~t 10 % de cellules positives. Plusieurs scores combin4s ont 4t4 propos4s afin de donner une 4valuation semi- quantitative la plus proche possible de la quantification apport4e par les techni- ques biochimiques. I1 s'agit par exemple du ~< quick score >> ou du score d'Allred (fig. 10). I1 faut rechercher le statut RE (Alpha) et RP. I1 n'y a pas de place en 2007 pour une 4valuation du statut des r4cepteurs b4ta aux oestroghnes.

66 Le cancer du sein

Proportion score (PS) Allred DC 1998 Elledge RM2000

0 1 2 3 4 5 1 / 1 O0 1 / 10 1/3 2/3 100%

Intensity score (IS)

0 = negative 1 = weak 2 = intermediate 3 = strong

Total score - PS+IS (range 0, 2-8)

Fig. 10- Score d'Allred.

HER 2

Plusieurs types tissulaires peuvent ~tre utilis6s pour l'6valuation du statut HER2 : pi&es op6ratoires ou biopsies, 6talements cellulaires, s6rum.

Les trois m6thodes actuellement pr&onis6es en routine sont l ' immunohis- tochimie (IHC), et les techniques d'hybridation in situ chromog6nique (CISH) ou par fluorescence (FISH). Ces techniques permettent un contr61e morpholo- gique ais6, le statut devant ~tre 6valu6 dans le seul contingent infiltrant, pr~sen- tent une grande sp6cificit6 puisqu'elles permettent une visualisation directe du signal recherch6 au niveau des cellules carcinomateuses infiltrantes. Ces trois techniques sont adapt6es aux tissus fix6s en formol et inclus en paraffine. I1 n'y a actuellement pas de place, en routine, pour la PCR et/ou le Western Blot. Les taux circulants de la fraction extracellulaire d'HER2 (ECD) ne sont pas suffi- samment corr616s au statut HER2 tumoral qui ne peut donc pas servir ?a s61ec- tionner les patientes en vue d'un traitement ciblant HER2.

L'IHC est, le plus souvent, consid6r6e comme la premiere option pour l'6valuation du statut HER2. Un cas est dit positif s'il pr6sente un marquage membranaire complet, intense dans plus de 30 % des cellules tumorales inva- sives (Tableau IV) (fig. 11). Dans environ 60-65 % des cas une patiente pr6sen- tera un test n6gatif (0 ou 1+), dans 15-20 % des cas un test positif (3+) et dans 20-25 % des cas un test ambigu (2+).

Prise en charge du cancer du sein : place du pathologiste 67

Tableau I V - Score de HER2 par IHC (score r4visd d'apres les recommandations ASCO 2007, Wolf et al.).

1. Cas n4gatifs : HER2 0: d4fini par l'absence de marquage membranaire ou HER2 1+ : d4fini comme un marquage membranaire incomplet et englobe les cas ne rentrant pas dans les catdgories 2+ et 3+.

2. Cas ambigus ou HER2 2+: d4fini comme un marquage membranaire complet d'intensit4 moyenne dans plus de 10 % des cellules tumorales invasives, ou marquage membranaire intense dans moins de 30 % et plus de 10 %.

3. Cas positifs ou HER2 3+ : d4fini comme un marquage membranaire complet et intense dans plus de 30 % des cellules tumorales invasives. I1 est recommand4 de donner aussi le pourcentage de cellules marqudes et l'intensit~ dans le r4sultat.

Fig. 11 - Score HER << 3+ )~ en immunohistochimie (X40) (AC 4B5 Ventana).

Un cas 2+ doit impdra t ivement etre contr61d par une technique d 'hybr ida- t ion in situ, afin de pr4ciser s'il pr4sente ou non une amplification. Seuls les cas amplifids p o u r r o n t etre trait~s par Hercept ine | au lapatinib|

Les techniques de FISH et CISH pe rme t t en t de rendre des rdsultats quan- titatifs et les acides nucl~iques seraient moins sensibles que les 4pitopes anti- g~niques ~i la fixation. Ces techniques pe rme t t en t 4galement de standardiser la technique IHC. Elles ont une place cl~ dans la d4marche d 'assurance qualit4.

68 Le cancer du sein

Tableau V - Recherche du statut RH et HER2 obligatoire.

Techniques de d6termination du statut RH �9 Techniques r6alis6es sur le bloc de paraffine tumoral fix6 ayant servi au diagnostic histopathologique. �9 I1 est indispensable de tester en IHC les RE et les RP pour une 6valuation pr6cise de l'hormonosensibilit6. �9 Un cas est << r6cepteur positif >> s'il pr~sente au moins 10 % de cellules tumorales inva- sives marqu6es pour les r6cepteurs aux cestrog~nes et/ou ~ la progest6rone. �9 I1 est indispensable de tester le statut HER2. �9 Un cas HER2+ est 3+ en IHC ou amplifi6. �9 Les cas 2+ en IHC doivent ~tre contr616s par une technique d'hybridation. �9 La participation ~ des proc6dures d'assurance qualit6 est indispensable.

Conclusion minimum du compte rendu histopathologique

Un rappel des donn6es cl iniques et des ant6c6dents est souhai tab le ( tableau VI).

Tableau V I - Donn6es minimales du compte rendu histopathologique en cas de cancer.

Renseignements g~n4raux Identification de la patiente Renseignements cliniques Type de pr61~vement C6t6 du pr61~vement, quadrant

Description macroscopique (pr~ciser si encrage des limites, radiopi6ce, mesures) Examen extemporan~ Description microscopique (peut ~tre courte) Conclusion (+/- rappel du contexte dinique)

�9 Type histopathologique �9 Taille �9 Grade SBR, mSBR �9 Emboles �9 CCIS associ6, son type, son %, sa topographie (extensif ou non) �9 Ganglion

- Sentinelle - Curage nbre de GG envahis/nbre de GG pr61ev~s

�9 Limites d'ex6r~se

Carcinomes in situ

I1 est m a i n t e n a n t acquis que le t e r m e de ca rc inome canalaire in situ (CCIS) recouvre un vaste spectre 16sionnel, de c o m p o r t e m e n t et de biologie tr~s divers. Le pa thologis te doit rep~rer la piece op~ratoire grace ~ la radio de la piece op~ra- toire, g rader le CCIS et d o n n e r les param~tres h i s topa tho log iques indispensa- bles ~ la prise en charge th6rapeu t ique (grade, n6crose, type h i s topa tho log ique , l imites d 'ex6r~se. . . ) (fig. 12).

Prise en charge du cancer du sein : place du pathologiste 69

Non

com6do N .-. :?: ......... ~I

r"

Com6do (p6joratif) Fig. 12- Diff6rents types de carcinome canalaire in situ.

Type architecturaux des CCIS

L'4valuation des marges d'ex4rhse, 414ment capital dans la d4cision th4ra- peutique est trhs difficile ~l 4valuer avec pr4cision, de m4me que la taille 14sion- nelle et la multifocalit4. Les marqueurs de r4cidive locale sont le jeune ~ige, le degr4 de n4crose, une composante canalaire extensive. La pratique de coupes larges am41iore la prise en charge des pihces op4ratoires.

Parambtre du compte rendus

Ils peuvent permettre l'identification de groupes ~a risques.

Facteurs de risque de r#.cidive locale apr~s traitement conservateur

Outre un age jeune qui repr4sente un facteur intrinshque de la patiente, les autres paramhtres sont pr4cis6s par le pathologiste : grade histopathologique 41ev4, absence de r4cepteurs hormonaux, atteinte des berges d'ex6rhse, emboles vasculaires, index de prolif4ration 41ev4.

Facteur de risque de rd.cidive locale apr~s mastectomie

Diam~tre tumoral sup6rieur ~i 40 mm, atteinte axillaire de plus de trois ganglions, atteinte cutan6e et/ou du muscle pectoral, berges envahies, jeune ~ige.

70 Le cancer du sein

Facteur de risque mdtastatique

Diamhtre tumoral, atteinte ganglionnaire, nombre de ganglions atteints, jeune age, grade III, emboles vasculaires, prolif4ration 41ev4e.

I~valuation de la r6ponse 6 une th6rapeutique (n6o-adjuvant)

Le r61e du pathologiste est d'4valuer la r4ponse histopathologique aux traite- ments sur les pihces de tumorectomies, de mammectomies et de curages axil- laires post-th4rapeutiques. Plusieurs classifications existent, mais il n'existe pas de consensus quand a une classification de r6f6rence.

Le pathologiste va, en outre, 4valuer des marqueurs pr4dictifs de r6ponse la chimioth4rapie n4oadjuvante. Le profil d'une tumeur ~ r4pondeuse ~ est

le suivant : haut grade SBR, importante prolif4ration (MiB1) et index mito- tique 41ev6. Les tumeurs de type lobulaire r4pondent en g4n4ral moins bien la th4rapeutique. En fonction du type de chimioth4rapie, la surexpression de HER2 peut 4tre indicatrice de r4ponse ou de r4sistance possible. Les diff4rents marqueurs de sensibilit4 aux drogues de chimioth6rapie peuvent aussi 4tre 4valu4s.

L'4valuation de ces paramhtres sur la tumeur aprhs traitement permet d'avoir une bonne id4e de la chimiosensibilit6 in vivo. La persistance d'un reliquat tumoral actif, ~ forte prolif4ration aprhs traitement, est un facteur de mauvais pronostic.

Classification mol~culaire des carcinomes mammaires

Les 4tudes fondatrices proviennent des travaux de Sorlie et Perou qui ont analys4 les profils d'expression de 115 tumeurs ind4pendantes du sein et class4 les tumeurs mammaires en quatre groupes : Luminal A et B, Basal, HER2.

Profil luminal

I1 concerne les patientes pr4sentant une r4ceptivit4 hormonale importante et exprimant les cytok4ratines luminales 8, 18 et 19 et le ghne GATA. Ce ghne est impliqu4 dans le contr61e de la croissance et le maintien de la diff4renciation des tumeurs ER+. Le r4cepteur aux oestroghnes alpha est moins exprim4 dans la classe des tumeurs luminales B. Une forte prolif4ration dans le ph4notype luminal (cat4gorie B) entraine un risque relatif de 19 (IC 95 %) par rapport aux tumeurs luminales de faible proliferation (A). La cons6quence est simple : les tumeurs luminales A sont des tumeurs hormonosensibles pures et b6n4ficient de monoth4rapie antihormonale. Les tumeurs luminales B devraient b4n6ficier en plus de l'introduction de la chimioth4rapie.

Prise en charge du cancer du sein :place du pathologiste 71

Prohl basal

Une tumeur mammaire de profil basal est d4finie par une tumeur n'exprimant ni les r4cepteurs hormonaux (RE et RP) ni HER2 (triple n4gative). I1 s'agit donc de tumeurs pour lesquelles les th4rapeutiques cibl4es valid4es dans les cancers du sein ne sont pas efficaces comme les traitements hormonaux et l'Herceptine| En outre, une tumeur mammaire pour 4tre de ph4notype basal doit 4galement exprimer une partie des marqueurs ~ basaux ~ soit des cytok4ratines 5/6, 17, 14, EGFR, c-kit, la moesin, caveolin, NGFR/p75. Ces tumeurs sont g4n4ralement mut4es pour p53. En pratique courante, pour rep4rer une tumeur de ph4notype basal, il convient simplement de rechercher dans les tumeurs triples n4gatives celles qui expriment CK 5/6 et/ou EGFR, p-cadh4rine, moesin, CK14. L'identi- fication de cette classe tumorale pr4sente plusieurs int4r4ts : elles correspondent

une classe de mauvais pronostic, mais seraient sensibles aux taxanes et pour- raient b4n4ficier de th4rapeutiques ciblant EGFR, voire c-kit. Plusieurs 4tudes ont montr4 que cette cat4gorie de tumeurs englobait la plupart des tumeurs mammaires li4es des mutations de BRCA1, les carcinomes m4dullaires et les carcinomes m4taplasiques du sein (anciens carcinosarcomes)

Les tumeurs HER2 peuvent pr4senter des degr4s divers de r4ceptivit4 hormo- nale et des co-amplifications de ghnes comme la topoisom4rase 2 alpha (cible des anthracyclines) et du c-myc.

Conclusion

Le pathologiste est un acteur indispensable de la prise en charge correcte d'une patiente atteinte d 'un carcinome mammaire. Son r61e a 6t6 longtemps sous-estim6. L'6valuation purement histopathologique de la tumeur doit 6tre r6alis6e dans des conditions rigoureusement codifi6es et apporte d6j?a la plupart des 616ments du pronostic. Le pathologiste intervient 6galement ~a l'aide de l ' immunohistochimie et de la biologie mol6culaire ~a l'6valuation de parambtres pronostiques et pr6dictifs dont la r6ceptivit6 hormonale et le statut HER2. Ces donn6es doivent 6tre accessibles et claires dans le compte rendu histopathologique. Le pathologiste doit donc toujours continuer ?a s'adapter, ?a progresser et remettre sans cesse ~ jour ses connaissances aussi bien dans sa pratique quotidienne, que dans celui de la recherche clinique.

72 Le cancer du sein

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