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LE CAPITAL IMMATÉRIEL État des lieux et perspectives Corinne Bessieux-Ollier et Élisabeth Walliser Lavoisier | Revue française de gestion 2010/8 - n° 207 pages 85 à 92 ISSN 0338-4551 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2010-8-page-85.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Bessieux-Ollier Corinne et Walliser Élisabeth, « Le capital immatériel » État des lieux et perspectives, Revue française de gestion, 2010/8 n° 207, p. 85-92. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Queen's University - - 130.15.241.167 - 12/05/2013 13h26. © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - Queen's University - - 130.15.241.167 - 12/05/2013 13h26. © Lavoisier

Le capital immatériel. État des lieux et perspectives

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LE CAPITAL IMMATÉRIELÉtat des lieux et perspectivesCorinne Bessieux-Ollier et Élisabeth Walliser Lavoisier | Revue française de gestion 2010/8 - n° 207pages 85 à 92

ISSN 0338-4551

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2010-8-page-85.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Bessieux-Ollier Corinne et Walliser Élisabeth, « Le capital immatériel » État des lieux et perspectives,

Revue française de gestion, 2010/8 n° 207, p. 85-92.

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La controverse sur les élémentsimmatériels dans l’entreprise estprésente dans le débat comptable

depuis plusieurs dizaines d’années. Lestravaux sur ce thème portent généralementsur les aspects comptables, managériauxmais aussi financiers du capital immaté-riel. Ils permettent donc une rencontre plu-ridisciplinaire dans le domaine de lacomptabilité financière (actifs incorporelset comptabilité), du contrôle de gestion(capital intellectuel et pilotage de l’entre-prise) et de la finance d’entreprise (imma-tériel et évaluation financière de l’entre-prise). L’objectif de ce dossier1 est derendre compte des différents aspects du

capital immatériel, celui-ci étant utilisécomme un terme englobant.Nous explicitons tout d’abord les différentstermes retenus par la littérature comptable,certains termes semblant être parfois utilisésde manière indifférenciée. Ces éléments clari-fiés, nous illustrons l’évolution de larecherche comptable sur le capital immatérielà travers l’analyse, depuis leur création, desthèmes traités par sept revues comptablesmajeures en utilisant les outils de la sciento-métrie. Nous observons qu’il est possible derecenser des thèmes spécifiques qui dominentà certaines périodes. Enfin, nous présentonsl’état actuel de la recherche sur le capitalimmatériel à travers six articles représentatifs.

CORINNE BESSIEUX-OLLIERGroupe Sup de Co Montpellier

ÉLISABETH WALLISERUniversité de Montpellier 1

Le capital immatérielÉtat des lieux et perspectives

DOI:10.3166/RFG.207.85-92 © 2010 Lavoisier, Paris

I N T R O D U C T I O N

1. Ce dossier fait suite à une journée sur le capital immatériel organisée à Montpellier, le 18 juin 2010, par les deuxcoordinatrices. Cette journée, qui a rassemblé une cinquantaine de participants, a été organisée par l’universitéMontpellier 1 et le Groupe Sup de Co de Montpellier avec le soutien de l’Association francophone de comptabilité,de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et de la Compagnie régionale de l’ordre des expertscomptables. Ce dossier correspond à une sélection des 6 articles les plus représentatifs de la journée.

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1. Terminologie

Capital immatériel ou capital intellectuelpour les uns, actifs incorporels ou intan-gibles pour les autres, ce sont en effet lesnombreux termes employés tout au long desarticles consacrés à ce sujet. Cela amène ànous poser les questions suivantes : qu’est-ce qui différencie ces termes? Peut-on utili-ser de manière indifférenciée les termesd’immatériel et d’intellectuel ? Un investis-sement peut-il être assimilé à une res-source ? Le capital correspond-il à desactifs ? Dans une autre discipline que cellede la gestion on ne se poserait pas toutes cesquestions : toute l’ambiguïté que l’on peutressentir dans l’utilisation de ces termess’explique par le fait qu’ils sont clairementdéfinis en comptabilité. Par conséquent, lestermes utilisés dans le langage courantvoire journalistique, doivent faire l’objet deprécautions lorsqu’ils sont employés dansun article de comptabilité, certains de cestermes prenant un sens bien particulier quiest celui que leur donne la terminologiecomptable.Prenons tout d’abord comme exemples lesnotions de capital et d’actif. Le terme capitalest un terme issu de l’économie: c’est unfacteur de production. C’est dans cette idéequ’a été développée la notion de « capitalhumain » propre à Gary Becker (prix Nobeld’économie en 1992) par analogie au capitalphysique ou au capital financier. Un actif, telqu’il résulte de la définition actuelle du PCG(plan comptable général) qui, lui-même, afait sienne la définition fournie par lesnormes internationales, est une ressourcesusceptible d’engendrer de futurs avantageséconomiques. On peut donc comprendre queles termes d’actif et de capital soient utilisés

indifféremment. Cela dit, un actif a vocationà figurer au bilan d’une entreprise ce qui,précisément, n’est pas systématiquementl’objet de toutes les composantes de « l’im-matériel ». Nous pensons donc qu’il estpeut-être plus approprié de privilégier lanotion économique de « capital » à celled’« actif » (à connotation plus comptable)d’autant plus que « capital » est aussi unterme juridique que le comptable ne peutignorer. C’est la raison pour laquelle leterme « capital » a été retenu pour ce dossier.Considérons ensuite les termes « immaté-riel », « incorporel », « intellectuel » ou« intangible ». Ce dernier est à éviter car ilcorrespond à une francisation du termeanglais. L’utilisation du terme « imma-tériel » est une manière de s’opposer au« matériel », tandis que l’utilisation duterme « intellectuel » semble accorder uneplace prépondérante au capital humain, à laconnaissance (knowledge) et au savoir-faire. L’OCDE (2008) considère que lechamp d’application des actifs intellectuelsa évolué vers un concept plus large quicomprend les ressources et capacitéshumaines, les moyens structurels (bases dedonnées, technologie, habitudes et culture)et le capital « relationnel » (concepts et pro-cessus organisationnels, réseaux de clientset de fournisseurs, par exemple). La notiond’incorporel fait référence à la terminologiecomptable qui évoque les « immobilisationsincorporelles » susceptibles d’être activéesdans l’entreprise : la rubrique « Conces-sions, brevets, licences, marques, logicielset droits similaires » du PCG.Nous considérons les études sur le « capitalintellectuel » comme des réflexions d’untype différent de celui qui a prévalu sur le

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thème des « actifs incorporels »2. Il s’agit,dans ces cas, de tenir compte d’informa-tions qui ne sont pas prises en compte par lacomptabilité et donc par les systèmes tradi-tionnels de mesure de la valeur de l’entre-prise. La justification essentielle mise enavant par les auteurs de ce type d’études estle différentiel constaté entre la valeur demarché (market value) et la valeur comp-table de l’entreprise (book value) (Castillo-Polo, 2007).Pour toutes ces raisons, nous avons pris leparti d’utiliser le terme « capital immaté-riel » pour le titre de ce dossier, car il nousapparaît le plus général. Lorsque lesrecherches se sont focalisées sur un sous-thème précis, des termes plus restrictifs ontété utilisés comme celui de la « R&D », des« marques » ou encore du « capitalhumain ».

2. Analyse scientométrique de la littérature comptablesur le capital immatériel

Nous illustrons l’évolution de la recherchecomptable sur le capital immatériel à tra-vers l’analyse, depuis leur création, desthèmes traités par sept revues comptablesmajeures. Il s’agit des cinq revues de rang Adu classement du CNRS (classement de

juin 2009) : Accounting Review (1926),Journal of Accounting Research (1963),Accounting Organizations and Society(1976), Journal of Accounting and Econo-mics (1984), Review of Accounting Studies(1996) auxquelles nous avons ajouté unerevue européenne, European AccountingReview (1992), et la revue française de réfé-rence de l’Association francophone decomptabilité : Comptabilité Contrôle Audit(1995) (figure 1).

Méthodologie

Le dépouillement de ces revues et l’analysedes articles correspondants ont été effectuésen utilisant les outils fournis par la sciento-métrie. La scientométrie recouvre unensemble de travaux consacrés à l’analysequantitative de l’activité de recherchescientifique notamment à travers l’analysedes documents rédigés par les chercheurs.Pour des raisons d’ordre pratique, la scien-tométrie se concentre essentiellement sur laproduction de connaissances certifiéesconstituées par les articles scientifiques,ceux-ci étant à la fois très accessibles ethautement codifiés, ce qui facilite leur trai-tement (Callon et al., 1993, p. 14).L’objectif est de décrire l’évolution du mou-vement scientifique sur le capital immaté-

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2. Le capital intellectuel est devenu un terme à la mode. En 2000, une revue s’est créée : Journal of intellectualcapital. Son titre est évocateur.

Figure 1 – Date de première parution des sept revues sélectionnées

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riel en mettant en évidence l’évolution desthèmes abordés et les éventuels change-ments dans le vocabulaire employé. Notredémarche est différente de celle retenue parles études qui ont procédé au comptage despublications ou des citations (Chtioui etSoulerot, 2005 ; Charreaux et Schatt, 2005 ;Gosselin, 2005). Ces études visent à pro-duire des indicateurs d’activité (Callon etal., 1993, p. 41.) en établissant un poids depublications ou de citations par auteur. Cesétudes permettent ainsi de suivre l’activitédes chercheurs, à l’intérieur d’un domainede spécialité, en dénombrant les articlesqu’ils publient (ou qui les citent) dans desrevues académiques. Ce type d’étude peutaussi s’appliquer à un organisme derecherche ou à un pays pour mesurer sonpoids dans la production scientifique natio-nale ou mondiale. Notre objectif est plutôtde mettre en évidence le poids des diffé-rents sous-thèmes qui concernent le capitalimmatériel de l’entreprise et leur évolution.Nous nous intéressons donc aux indicateurs

relationnels (Callon et al., 1993, p. 57) quirecherchent des liens entre les chercheurs etdomaines, de manière à décrire les contenusdes activités et leur évolution. La démarcheest donc celle d’une analyse de contenu.Pour cela, nous avons utilisé les informa-tions présentes dans le titre de l’article,dans son résumé et parfois même, en casd’ambiguïté, dans le texte lui-même pouridentifier les thématiques. En utilisant unlogiciel d’analyse lexicale (Sphinx lexica),nous avons mis en évidence des mots asso-ciés à chaque article, ce qui permet demettre en évidence des agrégats, qui cor-respondent à des thèmes de recherche dis-tincts, certains se révélant significatifs dansle temps.

Résultats obtenus

Notre base est constituée de 160 articles,traitant de différents sous-thèmes relatifs aucapital immatériel. Ces thèmes ont étéconstitués à partir du dictionnaire de motsprésenté dans le tableau 1.

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Tableau 1 – Dictionnaire de mots associés au capital immatériel

Sous-thèmes identifiés Mots associés

Goodwill Goodwill, combinations, pooling/purchase, APB

Incorporels Incorporels, intangibles, intangible, IAS 38, immatériels

Humain Humain, human, behavioral, knowledge

R&DR&D, Research&Development, SFAS 2, recherche & développement,

innovative efforts

Intellectuel Intellectual, intellectuel

Logiciels Logiciels, Software, SFAS 86

Marques Marques, brand, brands

Brevets Brevets, patents

Publicité Publicité, advertising

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Comme l’indique le tableau 2, trois théma-tiques se détachent nettement : elles concer-nent le capital humain pour 26 %, le good-will pour 23 % et la R&D pour 19 %. Cesthèmes couvrent donc près de 70 % desarticles sur le capital immatériel.

Nous avons également pu mettre en évi-dence que différents thèmes étaient signifi-catifs sur certaines périodes, celles-ci coïn-cidant avec des décennies. Par ailleurs, plusde 50 % des articles ont été écrits à partirdes années 1980. Les thèmes considérés

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Tableau 2 – Importance des sous-thèmes liés au capital immatériel

Sous-thèmes identifiés Nombre d’articles Pourcentage

Goodwill 37 23,1 %

Incorporels 26 16,3 %

Humain 42 26,3 %

R&D 31 19,4 %

Logiciels 3 1,9 %

Marques 7 4,4 %

Intellectuel 7 4,4 %

Brevets 1 0,6 %

Publicité 6 3,8 %

160 100 %

Tableau 3 – Analyse de la significativité des sous-thèmes par décennies

P => 0,1 % ; Chi-2 = 230,12 ; ddl = 56 (TS).

Good- Incor- Hu- Logi- Intel- Publi-will porel main

R&Dciel

Marquelectuel

Brevetscité

Total

Avant 1940 3 0 0 0 0 0 0 0 0 3

1940-1949 0 2 0 0 0 0 0 1 0 3

1950-1959 3 1 1 0 0 0 0 0 0 5

1960-1969 12 1 1 1 0 0 0 0 0 15

1970-1979 6 0 31 2 0 0 0 0 4 43

1980-1989 0 0 5 8 1 0 0 0 2 16

1990-1999 3 4 0 8 1 4 0 0 0 20

2000 et plus 10 18 4 12 1 3 7 0 0 55

Total 37 26 42 31 3 7 7 1 6 160

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comme significatifs statistiquement, car surreprésentés à certaines périodes, figurent engras dans le tableau 3.Il apparaît ainsi que le thème du goodwill estrécurrent. Les premiers articles lui sontconsacrés dans Accounting Review dès 1936.La question est alors de savoir où le placer aubilan: à l’actif ou au passif en déduction descapitaux propres. Le thème se démarquedans les années 1960, avec des articlesconsacrés au « pooling » et continue à inspi-rer de nombreux travaux dans les années2000. On peut imaginer qu’il va connaître unregain d’intérêt avec la modification de sontraitement comptable par les normes IFRS(son amortissement devenant proscrit) et sesconséquences sur le résultat de l’entreprise.Le thème du capital humain a été largementdébattu dans les années 1970. Ce sont desauteurs comme Flamholtz, Lev et Schwartzqui lancent le débat sur la mesure de ce« capital » particulier dans AccountingReview et Journal of Accounting Review, envue de le prendre en compte au bilan. Larevue Accounting Organisations and Societyprend le relais en publiant un numéro spécialsur le sujet en 1976. C’est un thème qui serarepris dans les années 2000 mais intiment liéaux connaissances (knowledge) dans uneoptique plus managériale, proche de la litté-rature sur le capital intellectuel.Les articles consacrés à la recherche etdéveloppement sont surreprésentés dans lesannées 1980, dans un contexte de normali-sation avec l’élaboration de la norme SFAS2 (Statement of Financial Accounting Stan-dard) par l’organisme de normalisationaméricain, le FASB (Financial AccountingStandards Board). Les travaux alors récentssur les motivations des dirigeants aux choixcomptables alternatifs ont permis de déve-lopper des modèles qui distinguent les

entreprises suivant leurs choix (activationdes dépenses ou constatation en charges) etpermettent d’analyser les réactions du mar-ché face à cette alternative. Ce sujet est par-fois étudié conjointement à celui de lapublicité.Le débat sur les marques prend sa source auRoyaume Uni, dans les années 1990, avecla décision de certains groupes britanniqueset australiens de capitaliser des marquesacquises mais également développées eninterne, dans leurs bilans. La logique est lasuivante : « il est temps d’ouvrir la boîtenoire du goodwill » (Power, 2001). Le débatsur la comptabilisation des marques renvoierapidement à leur évaluation ; celle-ci étantgénéralement jugée pertinente lorsqu’elleest effectuée par des experts crédibles(Power, 1992).On note un intérêt appuyé pour les incorpo-rels (pris au sens général, sans référence àun élément particulier) dans les années2000, vraisemblablement en prévision dupassage aux IFRS comme en témoigne lenuméro spécial de la revue Comptabilité,Contrôle, Audit « Mondialisation et normescomptables internationales » (Hoarau etTeller, 2007). D’une manière générale, lesécrits portent sur les déficiences de l’infor-mation publiée dans les états financiers etsur l’arbitrage pertinence-fiabilité dans lamesure comptable des incorporels.Dans le même temps apparaît le thème ducapital intellectuel, rarement utilisé seul.On le trouve souvent accolé au terme« intangible » (numéro spécial EAR, 2003),ou alors intimement relié aux connais-sances (knowledge) (AOS, 2001). Le capitalintellectuel serait un moyen pour l’entre-prise de créer de la valeur, que ce soit à par-tir de ses salariés ou d’actifs incorporelsparticuliers comme ses marques. Il apparaît

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dans ce sens comme un terme « globali-sant » (Lacroix et Zambon, 2002).

3. L’état actuel de la recherche sur le capital immatériel

L’objectif de ce dossier est d’éclairer et decompléter les connaissances des experts surun thème donné. Il permet également, à unnon-spécialiste, de prendre conscience desdifférentes facettes du capital immatériel.Six contributions sont proposées, les deuxpremières abordent la notion des incorporelsen comptabilité, les deux suivantes le sujetdu capital humain et de son pilotage, et enfindeux contributions en finance clôturent ledossier, l’une portant sur l’évaluation desmarques, l’autre sur la notion de réputation.C. Bessieux-Ollier, M. Chavent, V. Kuentzet E. Walliser s’interrogent sur l’impact dupassage obligatoire aux normes comptablesinternationales (les normes IFRS3) sur lespratiques des entreprises françaises dans ledomaine des incorporels. A-t-on assisté aubouleversement annoncé ou les entreprisesont-elles au contraire fait preuve d’inertie,désireuses de modifier leurs pratiques aminima? À partir d’une méthode originalede classification hiérarchique descendantedes entreprises permettant de traiter unnombre important de variables, les résultatsfont ressortir trois classes d’entreprisesaffectées différemment par le changement.Contrairement au discours général véhiculéavant le passage aux nouvelles normesinternationales, le bouleversement annoncén’a pas eu lieu pour 80 % des entreprises del’échantillon, illustrant un effet d’inertie.L’article d’I. Bouden porte sur les facteursexplicatifs des décisions d’identificationdes incorporels acquis lors de regroupe-

ments d’entreprises sur le marché français.L’étude empirique a été conduite sur unéchantillon de regroupements initiés pen-dant les années 2005 et 2006 et comptabili-sés selon le référentiel international IFRS.Les résultats révèlent que les choix comp-tables des entreprises françaises, aumoment de l’allocation du coût d’acquisi-tion, résultent de l’arbitrage entre la volontéde maximiser les résultats futurs et celle deminimiser le risque de dépréciation desincorporels non amortissables.L’étude de S. Gates et de P. Langevin pré-sente les résultats d’une étude empirique surl’usage des indicateurs de capital humaindans le pilotage de la performance. L’articlemet en évidence des éléments descriptifs surla manière dont les indicateurs sont diffusésau sein de l’entreprise. Il en ressort que laperformance est positivement associée à lamise en place de ces indicateurs mais quecette mise en place dans les entreprises n’apas encore atteint un stade avancé.L. Cappelletti s’interroge sur les difficultéspersistantes qui empêchent les organisa-tions de se saisir plus fermement de la ques-tion du capital humain. Selon lui, ces diffi-cultés auraient une origine méthodologiquedans le sens où il n’y a pas aujourd’hui, deconsensus sur une méthode qui soit adaptéeà la mesure du capital humain et action-nable dans les entreprises. L’article présenteune solution méthodologique exploratoireavec le modèle socio-économique du capi-tal humain.A. Beldi, E. Chastenet, J-C. Dupuis etM. Talfi proposent d’étudier la pertinencedes méthodes d’évaluation financière desmarques et leur impact sur la capitalisationboursière des entreprises qui les possè-

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3. International Financial Reporting Standards.

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dent. Sur la base d’un échantillon de153 observations représentant les valeursdes principales marques internationalesvalorisées sur trois années successives pardeux organisations spécialisées indépen-dantes (Interbrand et Brand Finance), lesrésultats démontrent que les valeurs demarques communiquées par ces dernièresapportent un contenu informationnel sup-plémentaire pour les investisseurs et lesanalystes financiers.

V. Bessière et A. Schatt proposent uneréflexion sur l’investissement dans la réputa-tion par les auditeurs et les analystes finan-ciers. La réputation est un actif immatérielspécifique. Son analyse pour les opérateurssur les marchés financiers est particulière-ment intéressante puisqu’elle met en exergueles arbitrages possibles entre des profits àcourt terme issus d’un avantage information-nel et les gains à long terme générés par laconstruction d’une bonne réputation.

BIBLIOGRAPHIE

Becker G., Human capital : a theoretical and empirical analysis, University of Chicagopress, 1964.

Callon M., Courtial J.-P., Penan H., La scientométrie, coll. « Que sais-je ? », PUF, 1993.Castillo-Polo F., “The recent history of intellectual capital : the most significant topics and

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92 Revue française de gestion – N° 207/2010

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