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http://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2006-2- page-215.htm Le chamanisme dans la culture hongroise par Mihály Hoppál Institut d’ethnologie Académie hongroise des sciences H-1014 Budapest Országház u. 30. hoppal.at.etnologia.mta.hu Raccourcis Résumé Plan de l'article Pour citer cet article Voir aussi Sur un sujet proche Ethnologie française 2006/2 (Vol. 36) Pages : 192 ISBN : 9782130554547 DOI : 10.3917/ethn.062.0215 Éditeur : Presses Universitaires de France À propos de cette revue Site internet ________________________________________ Alertes e-mail Veuillez indiquer votre adresse e-mail pour recevoir une alerte sur les parutions de cette revue. Voir un exemple S'inscrire ________________________________________ Article précédentPages 215 - 225Article suivant

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Studiu de Mihály Hoppál despre elementele samanice din folclorul maghiar

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http://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2006-2-page-215.htm

Le chamanisme dans la culture hongroisepar Mihály HoppálInstitut d’ethnologieAcadémie hongroise des sciencesH-1014 BudapestOrszágház u. 30.hoppal.at.etnologia.mta.hu RaccourcisRésuméPlan de l'articlePour citer cet articleVoir aussiSur un sujet procheEthnologie française2006/2 (Vol. 36)Pages : 192ISBN : 9782130554547DOI : 10.3917/ethn.062.0215Éditeur : Presses Universitaires de FranceÀ propos de cette revueSite internet________________________________________Alertes e-mailVeuillez indiquer votre adresse e-mail pour recevoir une alerte sur les parutions de cette revue.Voir un exempleS'inscrire ➜ ________________________________________ Article précédentPages 215 - 225Article suivant

1C’est une tradition pour les chercheurs d’en arriver, au cours de leur étude des époques les plus anciennes de la civilisation hongroise, à discuter de cette question : quelle pouvait être la religion d’origine des Hongrois ?2Cette question, la Société Kisfaludy [1][1] La Société littéraire Kisfaludy fut créée en 1836,... l’a examinée dès 1846. Pour l’occasion, quelques ouvrages ont été écrits sur la religion d’origine des Hongrois, parmi lesquels la Mythologie hongroise d’Arnold Ipolyi

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[Ipolyi, 1854], où pour la première fois était restitué le système de croyances populaires hongrois.3Antal Csengery, en son temps, jugea erroné ce premier ouvrage tendant à l’exhaustion sur la mythologie hongroise, et pourtant lui donna raison sur un point : il invitait les chercheurs à consacrer une plus grande attention aux peuples où se rencontrait le chamanisme, car la religion d’origine des Hongrois ne pouvait pas remonter plus loin que le chamanisme. Citons-le : « […] la religion primitive de tous les peuples de l’Altaï était le culte de la nature, qu’à son stade élémentaire on appelle chamanisme. À l’origine, la religion primitive des Hongrois ne pouvait être autre chose » [Csengery, 1970 : 26].4Bien entendu, ceci avait déjà été établi avant lui, par exemple quand János Horváth écrivait dans son étude intitulée Les Valeurs religieuses et morales des anciens Hongrois : « Sur la ferveur de nos aïeux ainsi que sur nos origines, les ténèbres des temps héroïques jettent un voile d’oubli. Dans des périodes assez paisibles, vis-à-vis des notions claires qu’ils se forgeaient de Dieu ; et dans des périodes plus agitées, il y avait en eux un sentiment de “reconnaissance” à l’égard des bienfaits, les mœurs étaient plus douces, et ils vénéraient Dieu avec plus d’empressement. En revanche, chez nos cousins de Bachkirie pendant l’ère glaciaire, la ferveur divine se refroidit, les cultes anciens évoluant en un chamanisme appauvri. En conséquence, les Assemblées, dans l’interprétation des rêves, dans l’explication des “visions”, se perdaient en conjectures étranges et en réponses douteuses ; les sacrifices n’étaient pas faits tant pour adorer Dieu, que pour apprendre certains rites destinés à susciter la crainte de l’avenir et des tours d’illusionniste ; et après les banquets on se livrait à tout coup à l’orgie » [Horváth, 1817 : 70-71].La transe extatique : premier compte rendu5Un évêque de province devait en savoir relativement peu sur le chamanisme au début du XIXe siècle, car les voyageurs qui ont décrit le phénomène plus précisément et en détail ne devaient partir que plus tard sur les chemins de reconnaissance. Parmi eux, il est intéressant de noter qu’en 1648, le moine franciscain Márk Bandinus, dans la ville moldave de Bákó (aujourd’hui Bacau en Roumanie), son diocèse, relata son voyage et ses expériences faites sur place. C’est vraisemblablement le premier compte rendu sur la transe extatique des « sorciers » dans le milieu des Hongrois de Moldavie : « Autant sont honorés en Italie les savants à l’esprit sagace et à la vie sainte, presque autant le sont chez eux les sorciers. Il est permis à tous et honorable d’apprendre et de pratiquer le métier de sorcier et de guérisseur. Oh, combien de soupirs et de prières jaillis du fond du cœur ai-je adressés à Dieu ! En combien d’occasions ma patience fut-elle mise à l’épreuve, quand j’entendis raconter et vis plus d’une fois des pratiques magiques abominables ! Les fables rapportées par l’Antiquité sur les anciens devins, l’observation directe les révèle dans ces contrées. Ainsi, lorsque les sorciers veulent connaître l’avenir, ils s’assignent à eux-mêmes un certain endroit, ils restent debout quelque temps en marmottant, tournant la tête, faisant rouler leurs yeux, tordant leur bouche, plissant leur front et leur visage, changeant leur physionomie, projetant leurs mains et leurs pieds en tous sens, faisant trembler tout leur corps, jusqu’à ce qu’ils se jettent par terre, les bras écartés et les jambes allongées comme s’ils étaient mourants, et parfois ils gisent inanimés trois ou quatre

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heures d’affilée. Quand ils reviennent enfin à eux, ils offrent un spectacle affreux aux observateurs : d’abord, ils se hissent lentement sur leurs membres tremblants, puis comme s’ils étaient possédés par les démons de l’enfer, ils étirent tous leurs membres et extrémités de sorte qu’on croit qu’il ne reste plus le moindre osselet dans leurs articulations et jointures. Finalement, comme s’ils se réveillaient d’un rêve, ils exposent leurs songes comme étant l’avenir. Si quelqu’un tombe malade ou perd quelque objet, il a recours aux sorciers. Si quelqu’un sent que l’esprit de son ami ou protecteur se détourne de lui, il tente de regagner cet esprit par la sorcellerie. Et s’ils ont des ennemis, ils tiennent la sorcellerie pour le meilleur moyen de vengeance. Les faits et gestes des différents sorciers, guérisseurs, devins et charlatans ne peuvent pas tenir dans un volume » [Domokos, 1931].1 6On cite rarement ces observations très détaillées, pourtant, on y trouve très certainement la description exacte d’une technique de la transe alors encore vivante, attestant bien dans le milieu hongrois, plus précisément des Hongrois de Moldavie, cette pratique vivace, quotidienne, de la divination et de la sorcellerie, qui reposait sur l’extase.7Si l’on continue à passer en revue l’histoire de la recherche, à partir du milieu duXIXe siècle de plus en plus de chercheurs se lancent dans l’étude du « berceau des ancêtres ». À ce sujet, nous devons rendre un vibrant hommage à l’œuvre de Sándor K?rösi Csoma, Antal Reguly, Bernát Munkácsi et János Jankó [Csoma de Körös, 1834 ; Reguly, Pápay, 1944 ; Munkácsi, 1892 ; Jankó, 1900]. Moins connus sont les noms de Bálint Gábor Szentkatolna et Benedek Baráthosi-Balogh, alors que dans les années dix ce dernier est allé trois fois sur les rives du fleuve Amour chez les Nanaïs, les Oltchas et les Oroks et y a recueilli de très précieux objets et textes chamaniques [Benedek Baráthosi-Balogh : 1927].Aux origines du chamanisme : un précurseur8L’intérêt pour la recherche sur les croyances païennes des Hongrois, plus concrètement sur les vestiges du chamanisme, a désormais plus de deux siècles et ne se dément pas de nos jours. Cela se voit nettement dans les centaines d’articles et d’études consacrées à ce sujet jusqu’à ce que Vilmos Diószegi, en possession d’un matériel comparatif énorme, fasse le point sur les attaches sibériennes (ouraliennes et altaïques) de certaines représentations des croyances populaires hongroises [Diószegi, 1958, 1988]. Il est vrai qu’il a d’abord repéré chez les peuples de l’Altaï des parallèles chamanistiques avec la figure du chaman hongrois. Le résultat de ses investigations a établi que le chaman hongrois ressort de toute une série de traits du système de croyances ; il remonte à l’établissement des Hongrois dans le bassin des Carpates. Entre autres : « L’élection de l’aspirant chaman par la survenue d’une maladie, le sommeil prolongé et le dépeçage du corps, ou encore l’acquisition de connaissances au moyen de la quête d’os en surnombre, l’initiation au travers de l’escalade d’un arbre dont le faîte touche le ciel, tout dans les moindres détails nous évoque intégralement les représentations de l’aspirant chaman produites par les Hongrois s’établissant dans le bassin danubien. – Le tambourin à grelots tenu par le chaman, qui est sa monture, la coiffe de plumes de hibou et de bois de cerf, le “totem” à encoches ou à barreaux où figurent la lune et le soleil – tels sont les objets qui

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équipent les chamans du peuple hongrois à cette époque-là. Pendant la transe, dans la lutte sous une forme animale qui se produit alors et dans l’évocation des esprits par une interjection, se révèle aussi l’activité ancestrale du chaman » [Diószegi, op. cit. : 435].9La méthode de Diószegi consistait à comparer systématiquement les représentations ayant trait au chaman (au vagabond et au sage) des croyances populaires hongroises avec l’ensemble des légendes des peuples voisins ou des environs (par exemple avec la figure du kreshnik et du nestinar chez les Slaves du Sud), et à rapprocher seulement ces croyances-là des représentations chamaniques populaires analogues qu’on ne trouvait que chez les Hongrois, loin à l’est. Ainsi, par exemple : « L’élection du chaman hongrois se déroule de façon semblable à celle des chamans vogouls, ostiaks, lapons, c’est-à-dire turco-altaïques, yakoutes, etc. La vocation de l’aspirant chaman est un ordre supérieur… il accueille son élection comme un grand poids, une fatalité inéluctable… au début il veut refuser la vocation qui lui est signifiée, mais finalement la “maladie du chaman” le contraint à accepter cette vocation » [Diószegi, op. cit. : 56 ; voir aussi fig. 3, une carte qui représente l’image d’une acquisition de connaissances passive par un personnage à la force surhumaine, connue chez les peuples eurasiens]. Plus tard, d’autres chercheurs ont aussi considéré cette façon institutionnalisée d’assumer un rôle sous la pression sociale comme un trait caractéristique important du chamanisme en Eurasie du Nord [Honko, 1969 : 26-55 ; Siikal, 1978]. Diószegi était guidé dans son travail par le fait qu’il n’analysait et ne comparait pas seulement certaines croyances populaires, mais un ensemble cohérent de systèmes de représentations, grâce auquel il put prouver qu’il ne s’agissait pas de phénomènes isolés. En outre, il prouva que la culture populaire hongroise en faisait partie, et que le trait commun à cet ensemble était le chamanisme.2 10Après le décès prématuré et inattendu (1972) de ce grand savant, la recherche hongroise sur le chamanisme s’est interrompue pendant un temps, puis de plus jeunes membres de la communauté scientifique ont pris le relais. Un recueil d’études qu’il avait réunies sur le chamanisme sibérien est paru mais, malheureusement, sans qu’il ait pu participer à la structure de l’ouvrage [Diószegi, Hoppál, 1984]. Quelques années plus tard, lors d’un congrès international organisé en Hongrie, les scientifiques rendirent hommage à la mémoire de Diószegi en présentant des travaux exposant les résultats de leurs recherches récentes [Hoppál, 1984a]. Dans ce volume, quelques-uns des travaux complètent sur plusieurs points les résultats de Diószegi en traitant des thèmes qu’il n’avait pas abordés. Ainsi, l’article de Tekla Dömötör s’intéresse au premier chef aux femmes chamanes hongroises [Dömötör, op. cit. : 423-429], tandis que l’auteur de ces lignes rend compte des manifestations actuelles du chamanisme, de ses survivances possibles à notre époque, et, entre autres, de ses rencontres avec le dernier sorcier hongrois – plus exactement un berger savant – qui se souvenait encore d’un traitement effectué à l’aide d’un tamis garni de peau remplaçant le tambourin [Hoppál, op. cit. : 430-339]. Lors de ce congrès, la communication d’un psychiatre a suscité un vif intérêt : au cours de son travail de thérapeute, il examinait les « idées fausses » et les névroses conservant des traces du chamanisme, en se basant sur les récits d’un grand nombre de patients [Kelemen, op. cit. : 184-192].Le lait et le champignon fou

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11Dans une histoire de la littérature hongroise contemporaine peu connue [Czigány, 1980], parue à Londres après la mort de Diószegi, Loránd Czigány évoque une certaine espèce de champignon vénéneux, l’amanite tue-mouches, qu’on appelle communément en hongrois « champignon des fous ». Il est bien connu que dans le monde entier (mais surtout en Sibérie) les chamans utilisent largement cette sorte de champignon comme agent hallucinogène [Wasson, s.d.]. Il existe aussi quelques données sur cet usage dans les croyances populaires hongroises (surtout dans les cas de maléfice amoureux) ; il va de soi qu’on ne peut pas en espérer beaucoup – la nature de la chose explique que cet usage était un secret jalousement gardé, puisqu’il pouvait causer la mort. Mais L. Czigány a découvert un fort intéressant témoignage indirect de l’usage du champignon : d’après le système de croyances chamanique, les bergers savants, les sorciers, quand ils passaient dans les maisons vêtus pauvrement, demandaient toujours du lait. Selon l’opinion des villageois, cette modeste requête était le signe des habitudes des sorciers. Citons à ce propos une donnée recueillie il y a peu (et que Czigány ne pouvait pas connaître) : « Ceux-là naissaient avec des dents, et jusqu’à ce qu’ils aient sept ans, il fallait beaucoup les surveiller. Car si le temps était trop couvert, alors on les volait, on les emportait, si on ne pouvait pas les surveiller assez, on les emportait. On emportait les enfants. Ce sont de tels sorciers, ceux qui sont nés avec des dents, qui gouvernent les nuages quand le temps est couvert. Et parfois, ceux-là descendaient sur la terre, et ils allaient chez les gens, et ils demandaient à boire. Ils allaient voir une femme, et ils lui disaient qu’ils voulaient du lait à boire. La femme disait qu’elle n’avait pas de lait, alors qu’elle en avait. Eux, ils savaient qu’elle avait du lait, mais ne voulait pas leur en donner. Ils lui disaient : – Eh bien, si tu n’as pas de lait, alors tu auras de l’eau ! Et ils déclenchaient une telle averse sur la terre que l’eau inondait le seuil et les fenêtres » [Csorba, 1980 : 111-141].3 12La recherche a délaissé ce motif comme une scène insignifiante, tout à fait dépourvue d’intérêt, alors que la pharmacologie moderne a démontré que grâce à son pouvoir très efficace d’antitoxique le lait peut être employé pour combattre l’empoisonnement par les champignons.La figure du chaman : le grand voyageur13Grâce aux recueils de textes des dernières décennies, la figure du chaman qui résulte de ces analyses se dessine de plus en plus précisément. À l’intention de la recherche en histoire comparative des religions, nous devons souligner les importants signes distinctifs qui suivent : l’enfant chaman naît avec des dents ; quand il a sept ans, il disparaît (il erre dans les prés, dans les marais environnants – il importe de souligner ici le rôle particulier du chiffre 7 et sa fréquence dans les croyances chamaniques) ; s’il ne disparaît pas, alors il tombe malade, il a des convulsions, puis il tombe dans un long et profond sommeil. Pour désigner un tel sommeil léthargique, la langue hongroise emploie l’expression particulière « il s’est dissimulé » (elrejtezett), dont la racine se rattache au verbe « entrer en transe » (révül) [Balázs, 1967 : 53-75]. Même János Arany [2][2] Le poète János Arany (1817-1882) s’est inspiré d’une... a employé cette expression dans son poème épique Toldi : « Il n’est pas mort en fait, il le paraît seulement / De même qu’on se dissimule profondément… »

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14La transe ou la « disparition », c’est notoire, est l’un des éléments les plus essentiels du chamanisme, l’expression symbolique du voyage, de ce voyage dans l’autre monde au cours duquel l’aspirant chaman acquiert la connaissance. C’est surtout le voyage dans l’autre monde en relation avec l’évocation des morts qui a survécu dans les croyances populaires hongroises [Moldován, 1982].15Un autre signe important dans les croyances chamaniques, en plus du motif de la demande de lait déjà mentionné, est, notamment, que le chaman peut déclencher la pluie ou l’orage sur une maison ou un village, s’il n’obtient pas de lait. Il est clair, par conséquent, qu’il dispose d’un pouvoir surnaturel. En outre, et cette faculté est particulièrement marquante du point de vue de la mythologie comparative, il peut changer de forme, il peut se transformer en taureau pour combattre son ennemi sous une forme animale. C’est surtout dans les récits des bergers de l’Alföld (la Grande Plaine) qu’on peut souvent rencontrer des images suggestives de combats de taureaux de différentes couleurs (noir et blanc, rouge et bleu). Ces combats peuvent être rapprochés – comme l’a d’ailleurs fait Diószegi – du combat des esprits des chamans dans les récits des peuples éleveurs de rennes, où les esprits auxiliaires des chamans se battent sous la forme de rennes mâles, et dans ceux des peuples des steppes éleveurs de chevaux, où ils le font sous la forme d’étalons ou de taureaux à l’origine céleste [Diószegi, op. cit. : 342-355].4 Le chamanisme hongrois : une question en débat16À la suite de nos prédécesseurs, on peut établir que l’ensemble des croyances du chamanisme représente l’épine dorsale de l’ancienne religion païenne des Hongrois. Et ce n’était pas une vaine entreprise pour la communauté des chercheurs qui nous ont devancés que de rechercher des traces du chamanisme non seulement dans les mythes, mais aussi dans les contes populaires [Solymossy, 1929 : 133-152].17La représentation de l’arbre dont le faîte touche le ciel est bien connue dans le matériel des contes hongrois, et la recherche identifie le personnage du petit porcher qui l’escalade à la figure du rite initiatique chamanique (l’escalade de l’arbre ou de l’échelle chamanique symbolisant l’état de transe). Le motif de l’escalade de l’arbre est en réalité un voyage dans l’autre monde où le chaman peut entrer en contact avec les dieux du monde supérieur, car ce n’est qu’ainsi qu’il pourra remplir son rôle d’intermédiaire.18Nous ne pouvons passer sous silence certaines voix critiques parmi les spécialistes du folklore national qui, si elles ne nient pas l’existence du chamanisme hongrois, du moins le remettent fortement en question [Voigt, 1976].19Un fait incontestable, c’est que la question même de la terminologie n’est pas encore élucidée de façon tout à fait concordante. Dans un article à méditer, Jen? Fazekas a démontré, dès 1967 [Fazekas, 1967 : 97-119], que, dans les croyances populaires hongroises, quatre figures distinctes (le sorcier, le sage ou savant, le vagabond et le barde) pouvaient recouvrir la figure du chaman par le biais de leurs qualités propres, ou

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de caractéristiques déduites de parallèles extrême-orientaux ; il pensait que celles-ci peuvent être ramenées dans les temps anciens à une seule personnalité remplissant une fonction sociale comparable. En étudiant l’étymologie du mot « táltos » (sorcier), il a inventorié les parallèles relevés depuis longtemps, entre autres les expressions finnoise « taitaa » (savoir), mongole « dalda » (secret, miracle), ainsi que turque « taltys » (s’affaiblir) [Fazekas, op. cit. : 106]. Le linguiste Dezs? Pais, dans son ouvrage monumental Les Vestiges de la religion primitive des Hongrois dans la langue, consacre un chapitre très approfondi à l’analyse de la famille du mot turc « tal » (relié à la racine du mot « táltos »), dans le champ sémantique duquel on repère des composantes comme « s’affaiblir », « s’épuiser », celles-ci ne pouvant être reliées que par une transmission directe au sens du mot hongrois « táltos ».5 20Bien que les chercheurs aient aussi trouvé chez les peuples apparentés des parallèles étroits avec les représentations chamanistiques des croyances populaires hongroises, cela ne se manifeste pas par une terminologie similaire. Dans d’anciennes expressions, les mages lapons s’appelaient « noïta » et « noïade » (ce mot est passé dans le finnois), ce qui coïncide étymologiquement avec le mot vogoul « naït » (chaman). De pareilles coïncidences peuvent éventuellement démontrer la racine commune du chamanisme. Chez les Votiaks, le sacrificateur d’animaux est appelé « touno », alors que chez les Tchérémisses, leurs voisins, la même personne est désignée par le mot « kar ». Dans l’ancienne littérature mythologique hongroise, on identifie le prêtre sacrificateur au sorcier qui accomplit le sacrifice de chevaux ; dans ce cas, à la rigueur, on peut parler d’un usage identique du sacrifice, le lexique finno-ougrien ne fournissant plus d’indication d’une origine commune.6 21Le mot hongrois « táltos », d’après une étymologie qui a émergé plus récemment, doit être d’origine ougrienne (cf. en vogoul « tult » et en ostiak « tolt », le pouvoir magique) [Hoppál, 1975 : 211-233].22La place du chamanisme dans le système idéologique des Hongrois à l’époque de leur établissement dans le bassin des Carpates n’est pas élucidée de façon concordante, et certains soulignent qu’on ne peut admettre la thèse réductrice selon laquelle la religion primitive des Hongrois était le chamanisme [Király, 1921 : 52]. Vilmos Voigt a suggéré, dès 1965, que les Hongrois devaient certes connaître le chamanisme avant leur établissement dans le bassin danubien, mais que ce n’était pas encore leur « système religieux » le plus développé [Voigt, 1969 : 379-390]. Sur le plan de l’évolution tribale, alors qu’ils vivaient dans une société d’éleveurs nomades disposant d’une technique militaire déjà très avancée et connaissaient aussi des rudiments d’agriculture, le chamanisme n’aurait été qu’une partie de ce système. István Dienes, dans son ouvrage Le Rôle social des chamans dans les États nomades, se référant à Menandros, Rachid ad Din, Plano Carpini et à d’autres sources, a préconisé un réexamen des opinions admises, affirmant : « Il est évident que l’aristocratie chamanique de la cour créait et répandait un système de croyances religieuses doté d’une force de conviction plus élevée que le chamanisme. D’une part, les États basés sur la sujétion personnelle étaient forgés par les

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armes de l’escorte militaire au service du souverain, et d’autre part, des éléments de connaissance étaient consacrés par les chamans de la cour » [Dienes, 1981 : 296-299].23Gyula László formule encore plus clairement ses doutes sur « l’opinion communément admise » quant à la religion de nos ancêtres : « Tant le chaman que le sorcier est d’office un homme aux pouvoirs célestes, par conséquent la véritable strate du sacré se situe au-dessus de nous, qu’il s’agisse de la foi monothéiste ou du monde des esprits. Cette conviction s’impose à nous-même lorsqu’on étudie la mythologie des peuples apparentés : partout un créateur céleste et sage (Noumi Torem, Tengri) règne sur le monde… » [László, 1976 : 59-68].24À la lumière des recherches passées, il apparaît sans équivoque que les Hongrois, au moment de leur établissement dans le bassin danubien, n’étaient déjà plus, dans leur ensemble, de fidèles pratiquants du chamanisme. Semblables aux autres peuples nomades eurasiens, ils vivaient eux aussi dans la sphère d’influence des grandes religions du monde, puisqu’ils devaient avoir rencontré dans les steppes de Russie méridionale le christianisme nestorien, la religion juive et l’islam, et, plus tôt encore en Sibérie méridionale, l’activité des prosélytes du manichéisme de Sogd [Hoppál, 1981 : 267-273]. Le rôle de l’influence culturelle de ce dernier a dû être particulièrement significatif dans le développement (mythologique) de la spiritualité des Hongrois.25Par ailleurs, il est avéré que les Hongrois sont christianisés dès la fin du Xe siècle (et les travaux qui attestent de cette influence dans l’univers religieux populaire hongrois ont une valeur inestimable [Bálint, 1973 ; Erdélyi, 1974]). Néanmoins, des vestiges païens du chamanisme ont pu être recueillis au cours des décennies passées dans le matériel des contes et récits. C’est aussi un fait que le sorcier est considéré comme une figure caractéristique de quelques villages ou régions où son souvenir reste vivace ; presque chaque village, dit-on, avait autrefois son propre sage, son propre sorcier, son propre berger [Dömötör, 1981]. Dans un passé proche, on se souvenait encore de leurs actions, voire même parfois de l’emploi du tamis ou du crible, qui perpétuent le souvenir du tambourin. Ces outils ordinaires étaient souvent employés par les magiciens, par exemple pour prédire ou pour guérir. En d’autres termes, l’ancien chamanisme s’est plutôt orienté vers la pratique de croyances quotidiennes. Le chamanisme n’est donc pas une religion – comme Diószegi l’avait déjà montré (« Le chamanisme ne peut donc être appelé religion. La religion chamanique n’est autre qu’un agrégat de représentations avec lesquelles l’éleveur, le pêcheur et le chasseur sibériens – c’est-à-dire vivant dans l’Arctique même ou aux environs du pôle – s’efforçaient de réguler leurs rapports avec les forces naturelles environnantes, ou plutôt surnaturelles selon leurs propres représentations » [Diószegi, 1962 : 13]) – mais un agrégat de croyances quotidiennes, qui aidait les hommes à réguler leurs rapports avec la nature environnante et les forces surnaturelles. Ajoutons un autre aspect : la fonction de tout système idéologique est de réguler, d’orienter les rapports de l’individu avec son milieu social. Une telle tradition pourvoit les membres d’une communauté en interdits et en recommandations, lui fournit un modèle de comportement et une forme de morale.Retours sur les traditions chamaniques26

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De nos jours, cette tradition joue encore un rôle social. Il n’est donc pas étonnant que les écrivains et les poètes, qui ont toujours joué un rôle important dans l’histoire de la culture hongroise, fassent également remonter leurs ancêtres à la tradition chamanique.27Il nous suffit de penser au rôle visionnaire de Ady [3][3] Endre Ady (1877-1919) est le grand poète qui, après..., à ses références aux aïeux sorciers :28« Qui suis-je ? Le prêtre du Dieu SoleilQui sacrifie sur l’autel de la nuit […]Je suis le prêtre, mais un prêtre païen, païen […]Je suis le martyr du Saint Orient […]Peut-être le rejeton maudit des sorciers […] »(Paris chantant)29Pour prendre des exemples parmi nos contemporains, on peut mentionner la poésie visionnaire de Ferenc Juhász et la tentative du jeune poète (dans les années soixante) d’expérimenter sur lui-même ce que pouvait ressentir un chaman dans la transe causée par des drogues hallucinogènes. Citons son compte rendu : « […] J’étais mort, cette idée traversa mon esprit, tant j’étais épouvanté.7 30L’homme coupa ma tête, déchiqueta mon corps en petits morceaux, et les mit dans le chaudron […] Quand il me sembla qu’il séparait la chair de mes os, le forgeron me parla ainsi : “tous tes os se sont transformés en rivière”, et je vis vraiment une rivière à l’emplacement où flottaient mes os […] Il se mit à les repêcher dans la rivière avec ses tenailles. Lorsque tous mes os furent ramenés sur la rive, le forgeron les rassembla et les regarnit de chair, ainsi mon corps retrouva son ancienne apparence ! » [Juhász, 1967 : 135-140]. La vision du poète fait écho à la croyance du dépeçage des sorciers-chamans, après laquelle les initiés se sentent comme ressuscités.31Le folklore et la littérature renforcent ou entretiennent la conscience identitaire de la communauté. C’est pourquoi l’apparition de ce motif dans les œuvres littéraires ne peut être tenue pour un hasard. En particulier dans la création théâtrale de ces dernières années, nous trouvons quelques exemples intéressants d’apparition de la figure du chaman-sorcier comme dramatis personae. Par exemple dans la pièce de Magda Szabó C’est le jour de gloire, aux côtés du roi Géza, ou dans celle de Jószef Ratkó Aide le roi !, où il est l’ami du roi Étienne et le précepteur du prince Imre mort dans sa jeunesse [Ratkó, 1984 : 1217-1259]. Dans ces deux cas, il apparaît autant en figure historique qu’en symbole de la conservation des traditions. Le conflit entre le représentant de l’ancienne religion et les fidèles des idéologies nouvelles ne consiste pas à savoir s’il faut ou non adopter les nouvelles, mais plutôt en ce que cette nouvelle introduction ne doive pas s’accompagner de la ruine complète des vieilles traditions. Cette opposition est clairement montrée dans les scènes de l’opéra-rock hongrois à succès Le Roi Étienne, où nous retrouvons le sorcier dans le camp du chef rebelle Koppány. Il chante tous ses morceaux sur des mélodies populaires de style ancien. Ces exemples prouvent que les

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croyances élevées au rang de symboles, et parmi elles la mythologie chamanique, peuvent être un élément important de l’identité.32Certains événements internationaux actuels montrent que les connaissances et la conscience ancestrale peuvent apparaître sous diverses formes, de la résurgence de l’ancienne piété aux nouveaux mouvements messianiques – voire au renouveau thérapeutique de la pratique du chamanisme.33De même que l’univers des croyances du chamanisme a toujours fait partie de la culture hongroise, il semble que la mythologie chamanique se soit transformée en élément symbolique de l’identité nationale. Car ce n’est pas un hasard si l’intérêt ne se dément pas pour la recherche autour de ce phénomène ; c’est sans doute parce que le phénomène lui-même est vivant et, comme tel, maintient l’intérêt du chercheur en éveil. L’étude de tels phénomènes culturels doit se poursuivre… ?34Traduit par Sophie Képè[email protected] ________________________________________Références bibliographiquesBALÁZS J., 1967, « The Entrenchement of the Hungarian Shaman », in V. Diószegi (dir.), Popular and Folkore Traditions in Siberia, Budapest : 53-75.BÁLINT Sándor, 1973, « Noël, Pâques, Pentecôte. Les grandes fêtes dans la tradition nationale et centre-européenne », Budapest.BARÁTHOSI-BALOGH Benedek, 1927, Vagabondages parmi les peuples mandchous, Budapest.CZIGÁNY Loránd, 1980, « The Use of Hallucinogens and the Shamanistic Tradition of Finn-Ugric People », in The Slavonic and East European Review, 58 : 212-217.CSENGERY Antal, 1970, La Religion primitive des peuples de l’Altaï en relation avec celle des Hongrois, A Magyar Akadémiai Évkönyvek, vol. IX, réimpr. Warren, Ohio : 26.CSOMA DE KÖRÖS Alexandre, 1834, Tibetian-English Dictionary, Calcutta, rééd. 1984, Budapest.CSORBA B., 1980, « Mythes et légendes de Temerin. Communications hungarologiques », in Újvidék XII, vol. 42-43 : 111-141.DIENES István, 1981, « Le rôle social des chamans dans les États nomades », inVilágosság, XXIII : 296-299.DIÓSZEGI Vilmos, 1958, rééd. 1988, Vestiges de la religion chamanique dans la culture populaire hongroise, Budapest.DIÓSZEGI Vilmos, Mihály HOPPÁL (dir.), 1984, Shamanism in Siberia, Budapest.– 1962, Chamanisme, Budapest : 13.DOMOKOS Pál Péter, 1931, Les Hongrois de Moldavie, Csíkszereda.DÖMÖTÖR Tekla, 1981, L’Univers des croyances populaires hongroises, Budapest.– 1984, « The Problems of Hungarian Female táltos », in Shamanism in Eurasia, Göttingen : 423-429.ERDÉLYI Zsuzsanna, 1974, « Je grimpe la montagne… Prières populaires archaïques », Kaposvár.

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Notes[1]La Société littéraire Kisfaludy fut créée en 1836, en mémoire de Károly Kisfaludy (1788-1830), auteur de théâtre et chef de file du romantisme hongrois.[2]Le poète János Arany (1817-1882) s’est inspiré d’une chanson de geste du XIVe siècle, dont le héros s’appelle Miklós Toldi, pour rédiger en 1847 son célèbre poème épiqueToldi.[3]Endre Ady (1877-1919) est le grand poète qui, après un long séjour à Paris, a importé en Hongrie la modernité poétique.

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RésuméFrançaisDans l’ethnologie hongroise, la recherche sur le chamanisme bénéficie d’une longue tradition. Dès le XIXe siècle, il est établi que l’ancienne religion des Hongrois (antérieure auXe siècle) était le chamanisme. Depuis lors, les scientifiques enquêtent sur ses traces et croient le retrouver dans les légendes des peuples soit finno-ougriens, soit turco-mongols (altaïques). Cette étude évoque quelques-uns des motifs fondamentaux (combat du sorcier, pratique hallucinogène, etc.) susceptibles d’être rapprochés des mythes des peuples apparentés. Au cours du XIe siècle, les chamanes ont été radicalement supprimés, mais les récits à leur sujet ont persisté dans le folklore hongrois.

Mots-clésreligionchamanismehallucinogènessorcellerielittérature

EnglishStudies on shamanism have a long tradition in Hungarian ethnology. As early as the 19th century shamanism is established as being the former religion of the Hungarians (prior to the 10th century). Since then scientists are searching for its traces and think to have found them in the legends of either Finno-Hungarian or Turco-Mongol (Altaïc) peoples. This study evokes some fundamental themes (shaman fight, hallucinogen practices, etc.) that are likely to be connected with myths of related peoples. In the course of the 11th century shamans were radically eliminated, but they still survive in stories of Hungarian folklore.

KeywordsreligionshamanismhallucinogenssorceryliteratureShamanis/chamanismeMagyar bolond-gomba (Amanita muscaria)TáltosTejÁllatok küzdelme

DeutschIn der ungarischen Ethnologie haben Forschungen über den Schamanismus eine lange Tradition. Schon im 19. Jahrhundert stand es fest, dass Schamanismus die frühere Religion der Ungarn (früher als das 10. Jahrhundert) war. Seitdem suchen die Forscher dessen Spuren und glauben, sie in den Legenden entweder der finnougrischen oder der turkomongolischen (altaïschen) Völker gefunden zu haben. Diese Studie stellt einige der grundlegenden Themen (Schamanenkampf, Halluzinogenpraktiken, usw.) dar, die mit

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den Mythen von verwandten Völkern verglichen werden können. Im Laufe des 11. Jahrhunderts wurden die Schamanen radikal beseitigt, aber sie leben in den Erzählungen der ungarischen Folklore fort.

StichwörterReligionSchamanismusHalluzinogeneZaubereiLiteratur

EnglishÖsszegzésA magyar néprajzi kutatásban régi hagyománya van a sámánizmus kutatásának. Már aXIX. században a magyarok régi vallásának (a X. század el?tti id?ben) a samanizmust tartották. Ennek nyomait kutatják azóta is a tudósok és vélik megtalálni hol a finn-ugor, hol a török-mongol (altaji) népek mitológiájában. Ez a tanulmány néhány ilyen alapmotívumot ismertet (táltos-küzdelem, tejivás stb.), amelyek összevethet?k a távoli rokon kultúrájú népek mítoszaival. A valódi sámánokat a XI. század folyamán minden bizonnyal kiirtották, de a róluk szóló elbeszélések fennmaradtak a magyar folklórban.

KeywordsreligionshamanismhallucinogenssorceryliteratureShamanis/chamanismeMagyar bolond-gomba (Amanita muscaria)TáltosTejÁllatok küzdelme

Plan de l'article1. La transe extatique : premier compte rendu2. Aux origines du chamanisme : un précurseur3. Le lait et le champignon fou4. La figure du chaman : le grand voyageur5. Le chamanisme hongrois : une question en débat6. Retours sur les traditions chamaniques

Pour citer cet articleHoppál Mihály, « Le chamanisme dans la culture hongroise. », Ethnologie française2/2006 (Vol. 36) , p. 215-225 URL : www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2006-2-page-215.htm. DOI : 10.3917/ethn.062.0215.

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