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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill Mardi 24 mars 2015 | Volume 104 Numéro 20 Mange du melon depuis 1977 Mobilisation À mcgill p.3, à montréal P. 4.

Le Délit du 24 mars 2015

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Page 1: Le Délit du 24 mars 2015

Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Mardi 24 mars 2015 | Volume 104 Numéro 20 Mange du melon depuis 1977

Mobilisation À mcgill p.3, à montréal P. 4.

Page 2: Le Délit du 24 mars 2015

É[email protected]

Le seul journal francophone de l’Université McGill

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en men-tionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessai-rement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

Volume 104 Numéro 20

2 éditorial le délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6784

Télécopieur : +1 514 398-8318rédacteur en chef

[email protected] Joseph Boju

actualité[email protected] Baudoin-LaarmanLaurence NaultEsther Perrin Tabarly

[email protected] DaldoulBaptiste Rinner

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coordonnatrice de la production [email protected]

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coordonnatrices de la [email protected] DionneCéline Fabre

[email protected] Ménard

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Inès L. Duboiscontributeurs Julien Beaupré, Laurence Bich-Carrière, Jeremie Casavant-Dubois, Miruna Craciunescu, Lisa ElNagar, Mahaut Engérant, Amandine Hamon, Sami Meffre, Matilda Nottage, Vittorio Pessin, Anaïs Rossano, Théophile Vareille, Sananne Wartabetiancouverture

Luce EngérantEléonore Nouel

bureau publicitaire3480 rue McTavish, bureau B•26

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6790

Télécopieur : +1 514 [email protected]

publicité et direction générale Boris Shedov

représentante en ventesLetty Matteo

photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux,Geneviève Robert

the McGill daily [email protected] Wray

conseil d’administration de la Société des publications du daily (Spd)Juan Camilo Velazquez Buritica, Dana Wray, Joseph Boju, Baptiste Rinner, Rachel Nam, Hillary Pasternak & Ralph Haddad.

La couverture médiatique des évé-nements qui se déroulent actuelle-ment sur la place publique, à savoir

une mobilisation étudiante d’ampleur contre les mesures d’austérité imposées aux universités par le gouvernement Couillard, prend depuis la fin de semaine dernière des proportions géniales.

Visez donc la titraille du Journal de Montréal: «En route vers leur printemps érable». Examinez ce «leur»; cela ne veut pas rien dire. «Leur» cause nous est étran-gère, disent-ils. On pourrait en dire autant de «leur» couverture.

Sur ici.radio-canada.ca, un «texte» de Mathieu Gobeil — qui n’est en réalité qu’une suite de points clés —, propose d’établir un comparatif entre les mouve-ments de 2012 et de 2015. En comparant des pommes avec des oranges on n’obtient pas grand chose. Sans surprise, le tableau général de la situation actuelle brossé par le journaliste est assez pessimiste concer-nant l’ampleur du mouvement et les appuis qu’il reçoit. Quitte à écrire dans le vide, il pourrait parler des différences de conditions météorologiques (qui jouent un rôle majeur, figurez-vous).

Mais c’est aussi le point de vue qui crée l’objet après tout. Sur Voir.ca, une entrée de blogue de Marc-André Cyr (un historien des mouvements sociaux, ravi de son nouveau sujet d’étude), propose une analyse de la situation à la sauce boétienne (et non béotienne), qui dis-socie les loups des moutons, et pointe du doigt la «répression idéologique» que subissent les étudiants. Que cette répression vienne des commentateurs de l’actualité, accusant la confusion des re-vendications du mouvement qui concer-nent à la fois l’éducation et l’écologie, mais qu’elle vienne aussi d’institutions,

à l’instar de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), qui choisit précisé-ment cette semaine de déclenchement de grève pour menacer d’expulsion neuf de ses étudiants militants, impliqués dans des manifestations et levées de cours remontant pour certaines à 2013.

La couverture intéressante, comme dans tout mouvement étudiant, est celle menée sur place, par et pour les étu-diants. J’en veux pour preuve ce court reportage vidéo d’Impact Campus, le journal étudiant de l’Université Laval, où l’on peut voir cet échange mémorable entre un agent de la sécurité de l’univer-sité et un étudiant réfractaire aux levées de cours, lors d’une scène de piquetage, dans la matinée du lundi 23 mars:

- Est-ce qu’il y en a, qui sont dans le cours et qui veulent assister à leur cours?- Oui.- Est-ce que votre association a voté pour la grève?- Oui.- Bah malheureusement vous êtes en grève Monsieur. (L’étudiant réfractaire sort.)

Ce n’est pas tout! Après ces mots pleins de sagesse, des agents du Service de Police de la Ville de Québec entrent dans la salle de classe et s’adressent aux étudiants réfractaires au vote de leur association étudiante: «Écoutez, votre association a voté pour la grève, malheu-reusement il n’y aura pas de cours.» Si toutes les grèves se déroulaient ainsi…

Anne, ma Suzanne, ne vois-tu rien venir?

On aurait presque envie d’écrire un éditorial intitulé «À McGill, rien de nouveau» dans lequel on parlerait des quatre anarchistes excités — toujours

les mêmes depuis 2011, qui siègent sur différentes associations et comités anti-choses à la fois, qui proposent d’organi-ser des contingents pour manifester à l’UQAM sans toutefois être capable de produire du matériel de mobilisation convenable —, ou bien de cette soirée des activités anti-austérité où les dix personnes présentes sont aussi celles qui organisent.

L’Association Étudiante de l’Uni-versité McGill (AÉUM) et l’Association étudiante des cycles supérieurs de l’Uni-versité McGill (AÉCSUM) disposent de moyens, et même de mandats, pour sen-sibiliser les étudiants aux effets néfastes des politiques d’austérité. Pourquoi si peu de votes de grève sont-ils à l’ordre du jour au premier cycle? Le suivi est-il réellement fait avec les responsables des différentes associations étudiantes pour leur parler de la possibilité d’un vote de grève, ne serait-ce que symboli-que — à l’instar de la Faculté de droit qui tient en ce moment un référendum pour partir en grève lors de la manifestation nationale du 2 avril et éventuellement se lancer dans une grève générale renou-velable? D’où vient que l’on vote des résolutions et qu’on ne les mette pas en application? C’est une fausse question éternelle.

Force tranquille, juchée sur son clocher, notre rectrice peut gouverner en paix. Pourtant, à l’ombre de notre fier clocher, bâti en 1843, à l’intérieur même de ce clocher dirais-je, d’autres forces, des forces citoyennes, sont en mouvement. Elles se nomment Droit, Women’s Studies, Langue et Littérature françaises, Médecine. D’autres suivront peut-être, elles seront les bienvenues. Réclamer une plénière sur l’austérité dans son association étudiante n’a ja-mais fait de mal à personne, M. Couillard lui-même le dit: «Il faut amener les étudiants à aller s’exprimer dans leurs assemblées générales et à voter.» x

Tout va être dit

joseph bojuLe Délit

L’Hiver a laissé son tchador De vent de froidure et de pluie,Et s’est vêtu de broderies, De carrés rouges, verts et d’ors.

Il n’y a louve en ce Mordor Qu’en son jargon ne chante ou crie:«L’Hiver a laissé son tchador!»

Hormis McGill qui toujours dort.Boudant les jours de raviolis,Passera-t-elle sa vie au lit? Ouvrons la boîte de Pandore,L’Hiver a laissé son tchador.

mahaut engÉrant

—Un bloquiste gréviste mcgillois ivre.

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Actualité[email protected]

3actualitésle délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

Une semaine complète de grève a été votée par L’Association générale des

étudiantes et étudiants de langue et littérature françaises (AGELF) de McGill le jeudi 19 mars à l’occa-sion de l’Assemblée générale de l’association. Ce vote marque la volonté de l’AGELF de se joindre au mouvement du printemps 2015. La grève s’étendra donc du 30 mars au 3 avril, en réponse aux mesures d’austérité imposées par le gouver-nement Couillard.

Le référendum du 19 mars était formulé sous la forme de deux motions. La première prévoyait un jour de grève symbolique le 2 avril, dans le cadre de la manifesta-tion nationale organisée le même jour par l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ).

Une majorité écrasante (79,07%) des étudiants de premier cycle du département de langue et littératures françaises qui ont exer-cé leur droit de vote s’est prononcé en faveur de cette première motion.

La deuxième motion proposait quant à elle qu’«advenant que le vote ci-haut soit voté favorable-ment et à majorité, que l’AGELF soit en grève du 30 mars au 3 avril.» Soumise à un vote par bulletin se-cret, celle-ci est passée avec 53,5% des voix.

À l’Université McGill, nom-bre d’étudiants n’ignorent pas «la nécessité de se créer un espace de grève, un espace de temps, de perturbation et de mobilisation pour lutter contre l’austérité», comme l’indique l’AGELF sur sa page Facebook. Si L’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM) n’a, elle, pas présenté une motion pour la grève lors de la dernière Assemblée Générale, les départements ne sont pas à court de moyens pour faire entendre leurs voix.

Les médecins déjà en grève

Dans la même optique d’oppo-sition aux politiques du gouver-nement libéral, sans toutefois s’opposer à l’austérité en général, l’association des étudiants en mé-decine de McGill (MSS) a décidé lors de son Assemblé générale du 17

mars dernier d’affirmer son mécon-tentement vis-à-vis du projet de loi 20 lors d’une journée de grève symbolique. Celle-ci aura lieu le 30 mars prochain. La motion propo-sant la journée de grève est passée sans trop de difficulté avec 89 votes pour la motion et 19 contre. Le projet de loi 20 est une initiative du Ministre de la Santé et des Services Sociaux du Québec, M. Gaétan Barrette, pour imposer un quota de patients aux médecins omniprati-ciens. Ainsi, chaque omnipraticien serait tenu de suivre au moins 1000 patients sous peine de recevoir des pénalités allant jusqu’à 30% de leur salaire. Selon David Benrimoh, sé-nateur de la Faculté de médecine de McGill, «[cette loi] ne nous donne pas les ressources nécessaires pour faire notre travail.» À titre person-nel, il ajoute qu’il trouve que «les deux enjeux [l’austérité et le projet de loi 20] se chevauchent, car c’est une manifestation de l’austérité que de demander aux médecins de faire plus avec moins de moyens, ce qui contribuera à une baisse dans la qualité des soins donnés.» Il pré-cise cependant que les médecins veulent que leurs causes soient perçues comme séparées et plus spécifiques que le mouvement plus général contre l’austérité.

MSS n’est pas la seule faculté de médecine à manifester ferme-ment son opposition au projet de loi 20. Les étudiants de l’Université de Sherbrooke et de l’Université de Montréal ont aussi choisi de poser un geste symbolique le 30 mars. En plus des étudiants, les doyens des facultés de médecine du Québec se sont unis dans un mémoire déposé en commission parlementaire pour dénoncer les répercussions du pro-jet de loi. Le Dr. David Eidelman, doyen de la Faculté de médecine de l’Université McGill a contribué au mémoire et y a affirmé que le projet de loi risquait d’entraîner une déva-lorisation de la médecine familiale. M. Benrimoh a d’ailleurs confirmé que la Faculté et les étudiants par-tageant la même opposition au pro-jet de loi, la MSS s’est entendu avec la Faculté pour que les grévistes ne soient pas pénalisés pour leur absence le 30 mars.

Les votes à venir

L’austérité sera également à l’ordre du jour de l’Assemblée générale prévue le 26 mars par l’Association des étudiantes et

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La grève est déclaréeMcGill débute sa mobilisation.

étudiants en langue et littérature françaises inscrits aux études supérieurs (ADELFIES). Jolianne Gaudreault Bourgeois, présidente de l’ADELFIES, relativise: «Pour l’instant, ce n’est pas vraiment un vote de grève, mais plus l’occasion d’une plénière où les membres auront l’occasion de s’exprimer.» Elle précise cependant qu’au besoin, une Assemblée générale de grève pourrait être organisée avant le 2 avril.

Du côté de l’Association des étudiants en droit de McGill (AÉD), un référendum de grève par scrutin électronique aura lieu du 30 mars au soir au 1er avril en fin d’après-midi. Le référendum est divisé en deux questions, la première sur la tenue d’une journée de grève le 2 avril, et la deuxième pour une grève générale reconductible suivant l’annonce des résultats du référendum. Enfin, l’association des étudiants en études des femmes et de la diversité sexuel-

le de McGill (WSSA), qui représente 500 étudiants, tiendra un vote de grève le 31 mars.

Avec près de 50 000 étudiants déjà en grève contre l’austérité à travers le Québec, sans compter les étudiants en médecine opposés à des politiques plus spécifique du gouvernement libéral, le mouve-ment Printemps 2015 se précise au fil des semaines, mais atteindra-t-il des proportions comparables aux mobilisations de 2012? x

politique étudiante

Gwenn Duval, Louis Baudoin-Laarman & Laurence NaultLe Délit

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4 actualités le délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

À vos marques, prêts, manifestez!Le Printemps 2015 est officiellement lancé lors d’une manifestation le 21 mars.

montréal

Quelques milliers de mani-festants se sont réunis sur la place Émilie-Gamelin

le samedi 21 mars à 14h pour la première manifestation hebdoma-daire populaire contre l’austérité et l’économie du pétrole, organisée par l’Association pour une solida-rité syndicale étudiante (ASSÉ).

La porte-parole de l’ASSÉ, Camille Godbout, s’est indignée du fait que «le Parti libéral s’acharne à détruire l’ensemble des services publics», conférant à l’événement une portée plus grande qu’une simple manifestation étudiante. La foule, qui semblait peu nom-breuse à l’heure officielle du dé-part, a ensuite été rejointe par une importante faction qui se récla-mait du cégep du Vieux-Montréal.

Le rassemblement n’a ensuite ces-sé de croître. Avant même le coup d’envoi, les policiers faisaient déjà connaître leur présence dans les rangs avec leur équipement anti-émeute. La manifestation a par ailleurs été déclarée illégale rapi-dement, faute d’itinéraire remis au Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM), ce qui ne l’a pas empêchée d’avancer. Elle a tou-tefois été encadrée par les forces de l’ordre, qui ont bloqué l’accès à certaines artères de la ville au cor-tège. Notons aussi la présence de [moviMento], l’ensemble de per-cussions brésiliennes souvent pré-sent aux rassemblements sociaux, qui dès le début a fait oublier à ses auditeurs le temps gris et humide avec ses tambours et ses tam-tams. C’est donc avec quelque peu de retard que la foule a entonné ses cris de ralliement et s’est immé-

diatement dirigée en dessous du viaduc à l’intersection Berri et Sherbrooke. C’est la reprise d’un symbole fort du printemps 2012 qui s’annonce tout aussi symboli-que pour 2015.

L’action policière, quoiqu’at-ténuée par le nombre de manifes-tants et la présence de groupes familiaux, aura tout de même influencé grandement le parcours. S’assurant de bloquer l’accès à certains bâtiments cibles, comme ceux de Québecor ou du SPVM même, les forces de l’ordre se sont aussi assurées de rediriger la foule, après trois heures de marche, vers la place Émilie-Gamelin. Ils ont ensuite forcé les participants à se disperser et à rentrer dans le métro, ce qui n’aura que transféré l’événement dans la station Berri-UQAM. La manifestation aura été, somme toute, pacifique, malgré

quelques arrestations pour port de masque et usage de pièces pyrotech-niques.

Et McGill dans tout ça?

Outre quelques petits groupes sporadiques au sein de la marée humaine, la délégation mcgilloise brillait par son absence. C’est d’ailleurs cette attitude que Gavin Boutroy, étudiant à la Faculté des arts de McGill, a déplorée en se confiant au Délit. «J’ai un peu honte des étudiants qui se montrent à des réunions du syndicat étudiant pour se déclarer contre la grève, c’est rela-tivement absurde» puisqu’il croit que les coupes ont déjà commencé à affecter McGill.

Pour Alexandre Petitclerc, éga-lement étudiant à la Faculté des arts, qui a vu sa famille immédiate affec-tée par l’austérité en Grèce, la logique

est simple: la manifestation est à la fois un symbole de soutien interna-tional et un symbole contre la vio-lence systémique. Il s’est d’ailleurs avoué déçu de la faible participation montréalaise à la manifestation contre la brutalité policière de la se-maine dernière. Toujours selon lui, il est important d’exercer une pression sur l’État et sur sa milice en se gar-dant d’atteindre la sécurité physique des individus ou de leur dignité.

Malgré la mauvaise températu-re, l’ouverture officielle du mouve-ment contestataire Printemps 2015 s’est fait sentir dans la métropole. La venue du printemps fait croire à plusieurs en une augmentation significative des mobilisés contre l’austérité, bien que Françoise David, chef du parti Québec Solidaire, a confié à Radio-Canada qu’on est encore loin de la mobilisa-tion du printemps 2012. x

julien beaupréLe Délit

vittorio pessin

vittorio pessin gwenn duval gwenn duval

Page 5: Le Délit du 24 mars 2015

5actualitésle délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

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Soirée des activités anti-austéritébrèves

Le jeudi 19 mars de 18h à 21h, l’AÉUM a continué dans sa lancée contre l’aus-

térité en organisant une soirée d’information sur les impacts des mesures d’austérité mises en pla-ce par le gouvernement provincial ouverte à tous dans le bâtiment Shatner. À l’instar de la soirée des activités de septembre et janvier, également organisées par l’AÉUM, les participants étaient invités à visiter différents kiosques selon leurs intérêts, chaque kiosque abordant un aspect différent des conséquences de l’austérité. Si la soirée était organisée sous l’égide de l’AÉUM, Divest McGill, Demilitarize McGill et la radio CKUT avaient aussi des kiosques. La soirée s’inscrit dans le mandat anti-austérité donné à l’AÉUM lors de l’Assemblée Générale de l’automne 2014.

Alors que certains kiosques portaient sur des aspects plus connus comme les impacts néga-tifs des coupures dans le finance-

ment de l’éducation sur les uni-versités, d’autres abordaient des aspects moins évidents comme les liens entre l’austérité et le colo-nialisme. C’était aussi l’occasion de se renseigner sur les actions directes et comment s’y préparer. Il était ainsi possible d’apprendre comment se protéger du poivre de Cayenne et des gaz lacrymogènes utilisés lors des manifestations. Les participants pouvaient éga-lement s’inscrire à un atelier sur l’action directe qui se tiendra sous peu afin de se préparer à continuer l’effort anti-austérité. D’ailleurs, sur place, les raisons pour par-ticiper étaient variées. Parmi les participants, on trouvait des militants déjà convaincus venus encourager l’initiative, mais aussi d’autres pour qui c’était l’occasion d’en apprendre davantage sur le sujet. Eleanor Mitchell, étudiante en géographie, a affirmé être venue à la soirée car bien qu’elle savait déjà que McGill était affec-tée par l’austérité, elle souhaitait en savoir plus sur les conséquen-ces concrètes que les mesures auraient sur l’Université.x

Laurence naultLe DélitIbrahim et Baraldi élus, la participation en baisse.

Les résultats des élections pour l’équipe exécutive 2015-16 de l’Association

Étudiante de l’Université McGill (AÉUM), ont été dévoilés le ven-dredi 20 mars 2015 au bar étudiant Gert’s à 17h, soit deux heures après la clôture du vote par internet. Au vu des chiffres communiqués par Simply Voting, la compagnie en charge du comptage des votes, le minuscule écart de voix entre cha-que candidat saute aux yeux, en particulier pour le poste de vice-président interne.

Kareem Ibrahim a été élu président de l’AÉUM à 2389 voix contre 2164 pour son rival Alexei Simakov, soit 52,5% contre 47,5%, avec un écart de 225 voix. 912 per-sonnes ont quant à elles décidé de s’abstenir sur ce vote, soit 16,7% du total des électeurs. L’écart est encore moins grand pour le poste de v.-p. interne. Lola Baraldi a été

élue avec 1992 voix, tandis ce que Johanna Nikoletos la talonne de très près avec 1979 voix, soit 50,2% contre 49,8%, avec 13 voix d’écarts. 1494 personnes ont choisi de s’abs-tenir pour ce vote, représentant 27,3% des électeurs.

La déception de ces élections aura été la participation électo-rale, en baisse de 5% par rapport à l’année dernière. S’il est vrai que les 31,4% de l’année dernière étaient un record dans les années récentes de l’AÉUM et un des plus hauts taux de participation du Canada, les 25,9% de cette année paraissent peu en comparaison, une tendance

que l’AÉUM devra surveiller. Au total, ce sont 5465 étudiants qui ont participé aux élections, sur les 21 105 membres de l’association étudiante.

Chloe Rourke, candidate au poste de v.-p. aux affaires universi-taires, Kimber Bialik, candidate au poste de v.-p. clubs et services, ainsi que Zacheriah Houston, candidat au poste de v.-p. finances et opéra-tions, ont été approuvés à 89,4%, 89,4% et 86,2% respectivement. N’ayant pas de rivaux lors de ces élections, les électeurs devaient simplement répondre «oui» ou «non» dans le bulletin de vote.x

Louis Baudoin-LaarmanLe Délit

Datesimportantes

AGELF : CONSEIL DE GRÈVE

- ARTS 210 - Mercredi, 25 mars, 18h

AÉD :VOTE DE GRÈVE

30 mars, 23h30 - 1er avril, 17h: par scrutin électronique

ADELFIES :ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Discussion en vue de mobilisation pour la grève- Jeudi, 26 mars, 13h30- 405 Thompson House

WSSA : ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Vote de grève à l’ordre du jour- 31 mars, 18h- AUS Lounge

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Luce Engérant

Page 6: Le Délit du 24 mars 2015

6 ACTUALITÉS le délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

PKP n’a pas tortJérémie Casavant-Dubois | Au fil de la campagne

CHronique

«On n’a pas 25 ans. Avec la démographie et l’immigration,

c’est certain qu’on perd un comté par année. Il faut travailler dès maintenant pour convaincre.» Avec cette déclaration lors d’un débat des candidats mercredi 18 mars dernier à l’Université Laval, Pierre-Karl Péladeau a lancé une bombe sur la scène politique pro-vinciale. La raison est bien simple; PKP n’a pas tort. Le problème de tout ce débat est la récupération politique qui s’en est suivie.

PKP n’a pas tort. Si la souve-raineté doit avoir lieu, le prochain référendum ne peut pas être dans 25 ans. Le dernier référendum a eu lieu en 1995, il y a maintenant 20 ans. Les appuis à la souveraineté baissent dans toutes les tranches d’âge et le projet qui était jadis por-té par la jeunesse n’intéresse plus celle-ci. Les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas vécu le rapatriement de la Constitution au début des années 80, l’échec de l’accord du Lac Meech ou les deux référen-dums de 1980 et 1995. Nous avons grandi dans une ère technologique dans laquelle les frontières dispa-raissent, le concept d’État-nation perd en importance, les libertés individuelles sont plus populai-res que jamais. Simplement, les jeunes de la nouvelle génération sont des citoyens du monde, pas seulement du Québec. Situation semblable pour les immigrants qui choisissent le Canada comme terre d’accueil en raison de sa prospérité et de sa stabilité politique, cela leur permet d’améliorer leurs condi-tions de vie et de laisser derrière eux les problèmes auxquels ils ont dû faire face.

Il est tout à fait normal pour eux de ne pas vouloir se relancer dans une discussion déchirante comme la question de l’indépendance. Selon un son-dage Léger Marketing effectué en 2013, l’option souverainiste est en perte de vitesse depuis plusieurs années et l’important afflux d’immigrants n’aide pas la cause car ceux-ci n’adhèrent généralement pas au mouvement nationaliste d’indépendance. Ce que PKP a dit revient à dire que pour réussir à faire du Québec un pays, il faut commencer à convaincre dès maintenant les nouveaux arrivants des bienfaits de la souveraineté car à ce ryth-me, dans 25 ans, il sera trop tard.

Fortes réactions

Après la déclaration de M. Péladeau, tous les politiciens avaient leur mot à dire; François Legault a accusé le PQ de vouloir exclure les immigrants, Philippe Couillard a parlé de «nationalis-me ethnique» et Gaétan Barrette est même allé de comparaisons entre le PQ et le Front National

français. C’est de la récupération politique et cela est déplorable. Les autres partis récupèrent sa déclaration et tentent de vendre PKP comme un fervent défenseur d’un nationalisme ethnique et le PQ comme un parti xénophobe en faisant des liens avec la Charte des valeurs. Les chiffres montrent que PKP a raison, les immigrants sont majoritairement en désaccord avec l’idée de souveraineté. Ce qu’il explique aussi est que pour convaincre ceux-ci d’adhérer à la souveraineté, il faudrait plus de pouvoir en matière d’immigra-tion. Les immigrants viennent au Canada et non au Québec, et leur première terre d’accueil n’étant donc pas le Québec, pas question de s’en séparer. Les autres can-didats à la chefferie se sont tout de suite distancés des propos du patron de Québecor, disant plutôt «vouloir prôner un PQ ouvert à la diversité», en voulant intégrer les immigrants au projet de souveraineté. La déclaration était directe et peut-être cho-quante mais elle n’était pas pour autant fausse.

Le mauvais moment?

PKP avait donc raison dans sa déclaration, mais était-il sage de la faire? Aucunement. Avec cette seule déclaration, le candidat vient de compromettre sa victoire au premier tour de la course à la chefferie. Lors du premier débat, M. Péladeau a su rester au-dessus des attaques de ses adversaires en plus de se pré-senter comme le seul candidat potentiel digne du poste de pre-mier ministre du Québec. Il s’en était tenu aux lignes qu’il avait préparées, sans s’éloigner de son plan de match. Il s’agit d’une stratégie parfaite pour obtenir les 50%+1 nécessaires dès le pre-mier tour. Mercredi dernier, il en a échappé une, et cela risque de lui coûter cher... Le parallèle peut être fait avec la malheu-reuse déclaration de Jacques Parizeau en 1995 qui avait rejeté la défaite du Oui sur le vote ethnique et l’argent. Comme M. Parizeau, cette déclaration pour-rait suivre M. Péladeau long-temps et revenir le hanter durant la course. x

L’illus’ tout cruchronique visuelle

luce engérantLe Délit

Page 7: Le Délit du 24 mars 2015

7actualitésle délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

UNE AUTRE FAÇON

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• Une maîtrise et un doctorat en océanographie destinés aux biologistes, aux chimistes, aux géologues, aux géographes et aux physiciens.

Ce mercredi 18 mars se sont réunis tous les candidats aux différen-

tes positions de l’Association Étudiante de la Faculté des Arts (AÉFA), exécutives ou repré-sentatives (auprès de l’Associa-tion Étudiante de l’Université McGill) pour débattre de leurs programmes. Des débats qui, étant donné que seulement deux positions exécutives sur sept ont plusieurs candidats (vice-prési-dences aux affaires internes et communications), ont souvent été une vitrine pour les idées de candidats uniques.

Voilà ce qui en était de Jacob Greenspoon, unique candidat à la présidence de l’AÉFA, qui faisait justement la promotion de l’AÉ-FA auprès de tous les étudiants en Arts sa priorité pour l’année à venir. M. Greenspoon compte, entre autres, effectuer une «réforme démocratique» au sein de l’AÉFA, en sondant régulière-ment le corps étudiant et en lui permettant de voter directement l’allocation d’un fonds réservé à un projet au choix. Pour la vice-présidence aux affaires internes se présentent deux candidats: Maria Vedeshkina et Ali Taghva. Mme Vedeshkina insiste sur l’in-clusion des étudiants francopho-nes ou vivant hors-campus quand M. Taghva souligne la nécessité d’une vision à long-terme pour l’AÉFA, en dépit d’un roulement

exécutif annuel, via un plan sur 5 ans se voulant flexible mais cohérent.

Tout comme Mme Vedeshkina, Becky Goldberg, candidate unique au poste de v.-p. aux affaires externes, désire rassembler toute la communauté des étudiants en arts et en parti-culier les étudiants en première année, Mme Goldberg faisant part de son expérience en tant que floor fellow et membre de l’équipe Rez Warz. Thomas Cole Baron et Elaine Patterson, candi-dats à la vice-présidence au com-munications, ont aussi persévéré dans cette idée d’intégrer le plus d’étudiants possible au quotidien et aux événements de l’AÉFA. M. Baron, contributeur occasionnel au Délit, veut rendre la popula-tion de l’AÉFA plus homogène – réunissant francophones et anglophones – et en améliorer la communication interne. Mme Patterson espère quant à elle instituer une communication collaborative, «à deux sens», surtout via les réseaux sociaux et l’application de l’AÉFA.

Finalement, Gabriel Gilling et Christine Koppenaal, candi-dats incontestés aux v.-p. acadé-mique et social, ont respective-ment prôné plus de transparence dans la répartition et l’attribu-tion des notes, et l’utilisation de Frosh – le plus grand événement organisé par l’AÉFA – pour faire connaître l’AÉFA aux nouveaux étudiants de la Faculté des arts. Le poste de v.-p. finances n’avait quant à lui aucun candidat. x

Débat sans dentsbrÈves

Du 20 au 22 mars s’est déroulée dans les locaux de New Residence Hall la

huitième édition de la Montréal World Health Organisation (MonWHO), une simulation de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui se voulait cette année l’occasion d’aborder le thème de la santé mentale.

L’initiative de MonWHO, initialement appelée McWHO, a été lancée en 2007 par Martin Smoragiewicz, élève en médecine à McGill. L’événement, ouvert à tous les étudiants, rassemble cha-que année des élèves de McGill et d’universités internationales. Il s’agit de sensibiliser les étudiants aux questions de santé mondiale, de les familiariser avec l’OMS et ses fonctions, d’offrir un moyen de jouer un rôle actif dans la politique de santé mondiale, et de souligner les déterminants sociaux de la santé.

La santé mentale est un thème qui a été longtemps négligé

par rapport aux autres branches de la médecine. Marc Laporta a pourtant fait remarquer lors de son discours d’ouverture que 20 à 25% de la population mondiale souffre ou a souffert de troubles mentaux, soit sept millions de personnes au Canada, et que les suicides sont la cause d’un million de décès par an.

La simulation a permis aux étudiants de se glisser pour trois jours dans la peau des représen-tants des pays membres de l’OMS. À ces rôles s’ajoutaient ceux du président, cette année endossé par Christopher Cadham, ainsi que de vice-président et d’ambas-sadeurs. La simulation incluait aussi des acteurs non gouverne-mentaux: journalistes, organisa-tions non gouvernementales, et représentants de l’industrie phar-maceutique.

Les étudiants ont ainsi pu se pencher sur les questions qui re-muent l’OMS, tentant de coopérer pour trouver des solutions globa-les, transcendant les limites de la culture, du genre ou du milieu social. x

Étudiants en quête de solutions matilda nottageLe Délit

théophile vareilleLe Délit

C’est devant un peu moins d’une centaine d’intéres-sés dans la salle de bal du

bâtiment de l’AÉUM qu’ont eu lieu les SSMUbates le mercredi 18 mars. Devenus une tradition de la campagne des élections de l’AÉUM, ces débats opposent cha-que année les aspirants exécutifs de l’association étudiante.

Le format pour les trois candidats sans adversaires était une simple série de questions des anciens occupants aux postes et du public. Les candidats en com-pétition pour les postes de v.-p. aux affaires internes et président de l’AÉUM devaient répondre à tour de rôle aux questions tout en s’interpellant mutuellement sur leurs campagnes. Malgré le

risque de répétition des questions que représentait ce débat une semaine après les débats devant la presse, la plupart des enjeux abordés cette fois-ci n’avaient pas été discutés la semaine d’avant. Le sujet du Farnan-Gate à propos duquel l’aspirant président Alexei Simakov avait interpelé son opposant Kareem Ibrahim lors de la première série de débats a été remplacé par la liberté d’expres-sion sur le campus, par exemple.

En revanche, on a pu déplo-rer des débats plutôt mous entre les deux candidates au poste de v.-p. aux affaires externes Lola Baraldi et Johanna Nikoletos, qui se sont principalement concentrées sur les points sur lesquels elles s’entendaient plutôt que sur les différences de leurs plates-formes respec-tives. Du côté d’Alexei Simakov

et de Kareem Ibrahim, le débat était un peu plus incisif, et touchait parfois au personnel. Ainsi, M. Ibrahim a reproché à M. Simakov son départ préma-turé de l’Assemblée Générale de l’AÉUM du 15 mars dernier, ce à quoi l’intéressé a répondu que cela concernait sa vie privée et non les élections. Lors d’une question posée en français sur la francophonie sur le campus, M. Ibrahim a prêché en français une plus grande inclusion des grou-pes francophones sur le campus, tandis ce que M Simakov, sans se laisser démonter par une question dans une langue qu’il ne maîtrise pas, a quant à lui rappe-lé l’importance des interactions entre la communauté mcgilloise avec les autres universités mon-tréalaises, majoritairement fran-cophones. x

Lutte d’idées ou de personnalités?louis baudoin-laarmanLe Délit

Luce engérant

Page 8: Le Délit du 24 mars 2015

8 société le délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

Société[email protected]

Sami MeffreLe Délit

Austère, vous avez dit austère?«Il n’y a pas de solution miracle, juste des choix informés.»

Point de vue

Austérité. C’est le mot que tout le monde a à la bou-che ces derniers temps.

C’est la mesure à la mode de la plupart des gouvernements des pays développés. Faisons maintenant rentrer sur le ring son grand adversaire keynésien: l’augmentation de la dépense pu-blique. Le professeur en macro-économie, l’ouvrier de l’usine du coin vont se mettre à crier que telle mesure est meilleure que l’autre. Faut-il donc faire exploser le budget ou se serrer la ceinture? Contrairement à la religion, dans le domaine de l’économie, la réponse se trouve rarement dans un livre. Pour l’Espagne, le Portugal, ou encore l’Irlande cela semble marcher, pour l’instant. Mais à quel coût? La majorité des gouvernements qui ont implanté ces mesures, souvent sous la pression de la Banque centrale européenne

(BCE), souffrent d’une forte baisse de popularité, les acquis sociaux étant généralement les premiers sabordés. Quand les personnalités politiques décla-rent que les mots «relance» et «austérité» sont antonymes, je ris doucement (mais au fond je m’inquiète aussi pour l’avenir du Québec). Je vois l’augmenta-tion de la dépense publique et l’austérité comme deux maniè-res de réagir. Lorsqu’un arbre fruitier est malade, on peut soit continuer d’acheter des pro-duits traitants pour le guérir, soit élaguer la branche malade. Est-ce que c’est parce qu’il y a deux méthodes, que l’une d’entre elles ne marche pas? Quiconque répondrait oui à cette question doit sérieusement se remettre en question.

Contrairement à ce qu’en pensent les détracteurs de l’aus-térité, je suis convaincu qu’elle est absolument nécessaire au désendettement d’un gouver-nement. J’approuve et soutiens

tout gouvernement qui suit ce chemin vers un financement plus sain. Mais ce n’est pas une mesure que l’on peut lancer tous les dimanches parce qu’on s’est aperçu qu’on avait été trop généreux la semaine dernière. L’austérité est une véritable sonnette d’alarme et engage à des réformes en profondeur du système, avec un horizon bien plus lointain que la date des prochaines élections. C’est aussi une nécessité pour beaucoup de

gouvernements afin de rétablir une balance dans un modèle actuel qui prône le surendette-ment des États. Pour les gouver-nements concernés, le choix est simple: soit l’application rapide d’un modèle plus austère pour réussir un assainissement du

niveau de leur dette souveraine, soit la persévérance à dépenser à ces niveaux pendant assez long-temps pour se voir devenir la nouvelle Grèce. Et honnêtement, personne ne veut avoir à suppor-ter l’humiliation qu’a subie le peuple grec.

Pour finir, je pense qu’un gouvernement qui propose des mesures d’austérité, c’est un gouvernement qui devrait avant tout demander un changement d’esprit et une cohésion au sein

de la classe politique. Comment pourrait-on demander au peuple de suer pendant trois ou quatre ans, si c’est pour que le prochain gouvernement détruise cet effort en six mois en passant des lois et des décrets très coûteux? Mais cet argument relève plus de l’utopie

que d’une possible réalité. Même si le gouvernement Couillard avait ravalé son arrogance et son égo en proposant à l’opposition de tra-vailler, main dans la main, sur un projet d’austérité sur le long ter-me, aucun parti n’aurait participé de façon productive, au risque de compromettre ses chances d’être élu aux prochaines élections.

L’austérité n’est pas plus la matraque des capitalistes que l’augmentation des dépenses publiques n’est le marteau des

communistes. Ce sont juste deux mesures qui sont, je le pense, nécessaires à un gouvernement en crise. Le choix de l’une ou de l’autre dépend simplement de l’ho-rizon désiré et surtout du contexte social, politique, et économique dans lequel elle s’exerce. x

«L’austérité n’est pas plus la matraque des capitalistes que l’augmentation des dépenses publiques n’est le

marteau des communistes.»

GWENN DUVAL

Page 9: Le Délit du 24 mars 2015

9sociétéle délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

Au sein d’une même université, il existe un large éventail de défis

différents que les étudiantes et étudiants ont à relever. Rendre un travail ne représente pas la même difficulté pour tous, se rendre sans retard à un cours non plus. Les capacités physi-ques restreintes de certains étu-diants les empêchent de suivre avec aisance le rythme imposé. Certaines associations permet-tent de leur venir en aide, dont le Bureau de soutien aux étudiants en situation de handicap (OSD) de McGill.

«J’ai bien hâte que la neige commence à tomber, qu’une couche de glace se forme, et que ma montée jusqu’au pavillon des sciences de l’éducation soit encore plus joyeuse qu’elle ne l’est déjà» ou «comment vais-je faire toutes mes lectures à temps pour le prochain cours? J’ai deux romans à lire pour demain...»: les joies d’étudier à McGill sont nombreuses. Blagues à part, certains étudiants sont vérita-blement incapables de se rendre dans les salles de cours éloignées du campus, tout simplement par-ce qu’ils n’en ont pas les capaci-tés physiques. Ou alors, les étu-diants souffrant d’anxiété voient leur anxiété exploser à cause de leur charge de travail ou de la période des examens, à un point tel qu’ils sont contraints, pour atteindre leur but, de redoubler d’efforts qui, sur papier, seront invisibles.

Les handicaps physiques et mentaux se manifestent sous différentes formes chez les étu-diants de McGill. C’est là que le Bureau de soutien aux étudiants en situation de handicap fait son apparition, et fait de son possi-ble pour rendre notre université aussi accessible que possible. Dans le cadre de la semaine de sensibilisation aux étudiants en situation de handicap (Disabilities Awareness Week, ndlr) du 23 au 27 mars, Le Délit a rencontré Mme Tanya Beck, directrice de l’OSD.

Le bureau a été fondé il y a près de 25 ans, et depuis, la demande et la clientèle ont rapidement augmenté. Il n’y a pas qu’à McGill que les besoins des étudiants en situation de handicap se font sentir. Selon Le Devoir, la demande de services

pour les étudiants handicapés dans les cégeps a augmenté de 475% entre 2007 et 2012, et a doublé dans les universités entre 2008 et 2013. À McGill en particulier, Mme Beck explique que le nombre d’étudiants qui ont recours à ce service est passé

de 400 il y a cinq ou six années à près de 1650 à la fin du semes-tre d’hiver 2015. «Au début, il s’agissait surtout d’étudiants qui avaient des handicaps auditifs, visuels, physiques ou chroniques. Il se trouve qu’actuellement, la plupart de nos étudiants ont des handicaps invisibles. Des étu-diants souffrants d’anxiété, de dépression, de trouble bipolaire, même de schizophrénie viennent nous voir».

Selon les besoins, l’OSD offre différents services pour venir en aide à ces étudiants. Par exemple, l’OSD propose des salles de classe pour faire l’exa-men au bureau-même pour ceux qui ne peuvent pas se rendre au bon endroit. Les étudiants qui en ont besoin n’ont qu’à s’inscrire au bureau. «Parfois, explique Mme Beck, nous parlons aux professeurs et aux facultés pour voir s’il serait possible de chan-ger de classe complètement pour la rendre plus accessible.» Pour les élèves ayant des déficiences auditives et visuelles, Mme Beck souligne la présence de techno-logues chargés de transformer les manuels en braille ou en version numérique. Pour ce qui est des accommodements pour les élèves souffrant de troubles mentaux, le Bureau peut négo-cier avec les professeurs pour repousser les délais de remises de travaux: «Tout dépend des compétences que le professeur souhaite que l’étudiant déve-loppe, affirme la directrice. S’il n’est pas essentiel que l’élève remette son travail à une date précise, alors on peut négocier.» En d’autres termes, si remettre un travail dans un court délai est une des exigences du cours, alors ce genre de négociations est plus difficile à faire. «C’est du cas par cas.» Si cela ne marche pas, l’OSD peut aider l’étudiant à se créer un emploi du temps

qui l’aidera à faire son travail de manière efficace, ou peut l’envoyer suivre des ateliers qui lui donneront des techniques de gestion du temps ou comment lire de manière efficace. Selon Mme Beck, il s’agit simplement d’aider l’étudiant à gérer son

stress, de manière à ce qu’il réussisse son cours. Mme Beck répète plusieurs fois à quel point il est important pour eux de travailler main dans la main avec les facultés et professeurs: «Ils font partie intégrante de notre processus, ils nous aident à rendre le campus plus inclusif pour les élèves qui en ont besoin.» Ce processus est d’ailleurs utile pour les professeurs aussi. Catherine Leclerc, professeure au Département de langue et littérature françaises, est sou-lagée qu’il y ait un service qui s’en occupe: «Je trouve heureux que la tâche de juger des accom-modements qui conviennent à tel étudiant ou telle étudiante n’incombe pas aux profes-seurs, puisque nous n’avons pas l’expertise nécessaire et que les risques d’arbitraire seraient trop grands.»

L’OSD reçoit ses fonds du gouvernement du Québec. «Cette année, les fonds que nous avons reçus ont majoritairement été dépensés pour les services de

notes de cours (un étudiant prend des notes pour un autre qui en est incapable pour quel-conque raison, et c’est un service payé), et pour la surveillance d’examens (les surveillants sont embauchés par les deux coor-donnateurs administratifs de l’OSD)», constate Mme Beck.

Au début de l’année 2015, selon Le Devoir, l’UQAM, à cause de coupes budgétaires, avait l’in-tention d’équilibrer son budget en utilisant près d’un million de dollars qui étaient destinés à son programme d’aide aux étudiants handicapés. Lorsque Le Délit a demandé à Mme Beck si l’OSD de McGill connaitrait également des coupures, elle nous a répon-

du que oui, mais qu’elle n’en savait pas grand-chose. «La seule chose que je sais, c’est que nous n’avons pas encore reçu l’argent pour la prochaine année fiscale.»

L’OSD travaille fort pour faire de McGill un lieu acces-sible pour tous les étudiants et étudiantes qui en ont besoin. Lorsque les contraintes physi-ques ou mentales font qu’il est difficile pour un élève de réussir dans son parcours universitaire, il est important que des services comme ceux de l’OSD soient offerts. Espérons seulement que McGill n’aura pas à faire les mêmes coupures que l’UQAM, et que le Bureau demeurera aussi fonctionnel qu’aujourd’hui. x

Sananne Wartabetian

À chacun ses défis Quels moyens l’Université met-elle en œuvre pour aider les étudiants en difficulté?

Enquête

LUCE ENGÉRANT

«La seule chose que je sais, c’est que nous n’avons pas encore reçu l’argent

pour la prochaine année fiscale.»

Page 10: Le Délit du 24 mars 2015

10 société le délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

Enquête

Deux semaines après la Journée internationale de la femme, il est temps

d’examiner les inégalités sexuel-les qui persistent sur le marché du travail québécois, et chez les politiques. En matière d’éga-lité des sexes, le Québec est la dernière province canadienne à avoir accordé le droit de vote aux femmes (en 1940), et aujourd’hui encore, la Belle Province peine à dépasser la barre des 30% de fem-mes, que ce soit en affaires ou en politique.

La Gazette des femmes pu-bliait le 9 février un article dans lequel Chantal Maillé comparait le cercle de personnes influen-tes du Québec au début de cette année 2015 à un boys club. Cette professeure de science politi-que et spécialiste en études des femmes à l’Université Concordia soutient que la parité ne semble pas être une priorité du gouver-nement Couillard. Elle explique qu’il n’y a pas d’engagement ferme de la part des partis politiques

pour atteindre la parité. «Avec Jean Charest, il y avait autant de femmes ministres que d’hom-mes, mais aujourd’hui, il existe un déficit de femmes ministres», déclare-t-elle. Même sous l’ère de Pauline Marois, «l’exemple de le femme qui a réussi, qui a brisé un plafond de verre pour cette génération de femmes», le conseil des ministres n’a jamais atteint la parité. Aujourd’hui, d’après un article de Marie Lachance publié dans la Gazette des femmes (9 février 2015), au Québec, les fem-mes représentent 17% des maires, 32% des conseillers municipaux et 27% des députés. Pour ce qui est

des femmes autochtones, la Loi sur les Indiens a changé la donne en conférant plus de pouvoir aux hommes. D’après un article de Mélissa Guillemette (Gazette des femmes, 6 février 2015), 34% des élus aux 40 Conseils de Bande du Québec, qui exercent le pouvoir local, sont des femmes. La repré-sentation des femmes en politique est donc loin d’être égale à celle des hommes. De sa 27e position au rang mondial en 2012 pour la proportion de femmes dans les

parlements nationaux, le Québec est passé à la 48e place en 2014.

En affaires, selon une étude de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) (publiée en mars 2014 par Maude Boulet), le Québec n’a pas encore atteint la parité salariale, même si les femmes travaillant à temps plein y sont moins désavantagées par rapport aux hommes que l’ensemble des canadiennes, et ce sur toute la période de 1997 à 2012. Même si l’écart s’est rétréci dans les quinze dernières années, en 2012, dans la même profession, les femmes étaient toujours rémunérées en moyenne 10% de moins que les

hommes. L’étude avance également que les femmes ont tendance à travailler moins d’heures et à être moins représentées dans les plus hautes sphères des entreprises. D’après Lilia Goldfarb, directrice du développement et des program-mes au Y des femmes, une associa-tion de soutien pour les femmes à Montréal qui existe depuis 1875, les jeunes femmes qui sont entrées sur le marché du travail après leurs études dans les dernières années sont les moins touchées

par les inégalités salariales. Elle ajoute que le Conseil du statut de la femme (CSF), censé faire avancer les choses, n’évolue pas dans un contexte facile, manque de finance-ment, et donc ne fait pas un travail suffisant. Récemment, les dysfonc-tionnements du CSF ont poussé l’avocate Julie Latour à démission-ner du Conseil. Elle dénonçait au journal Le Devoir (13 mars 2015) l’«asphyxie matérielle» et le «mu-sèlement intellectuel» au sein de l’organisme, censé promouvoir les droits des Québécoises. L’avocate reprochait notamment au CSF d’avoir pris position en faveur de la loi 20 sans consulter ses membres,

une loi qui manque de défendre les femmes médecins. Elle accusait ainsi le Conseil de cautionner un retour en arrière de la société qué-bécoise, soixante-quinze ans après l’obtention du droit de vote pour les Québécoises. Le gouvernement encourage pourtant l’entrepreneu-riat féminin, qui a plus que doublé dans les vingt dernières années, d’après le budget provincial pour 2014 et 2015 publié en juin 2014 par la Banque Nationale. Par le réseau Femmessor, le ministère

des Finances et de l’Économie du Québec accorde un fonds central d’investissement d’un milliard cent-cinquante millions de dollars afin de soutenir les entreprises dirigées par des femmes.

Par ailleurs, la proportion de femmes dans l’éducation supé-rieure québécoise est en hausse. À l’Université McGill, dirigée par une femme, Suzanne Fortier, la seule faculté qui se trouve loin de la parité est la Faculté de génie, composée aux trois quarts d’hommes et un quart de femmes. Stéphanie Breton, l’ancienne pré-sidente de l’association Promoting Opportunities For Women in Engineering [Encourager les opportunités pour les femmes en génie, ndlr] explique que le pro-blème d’inégalité vient d’abord des mentalités. «Lorsqu’on intervient dans des écoles secondaires pour promouvoir les études de génie, on rencontre souvent des jeunes filles qui n’auraient jamais envisagé de devenir ingénieure, parce qu’on imagine toujours que ce secteur est réservé aux hommes. Une fois à McGill, l’inégalité n’est pas dérangeante», raconte-t-elle. Dans les livres de théorie mécanique ou de dynamique, les problèmes représentent quasiment toujours des hommes avec des casques ou des outils, puis des femmes avec des ballons. D’après l’ISQ, sur le marché du travail actuel, les professions en génie montrent un taux de présence féminine de 17%. Selon Stéphanie Breton, il existe une ségrégation dans les entre-prises où les employés sont plus âgés (on lui a déjà demandé lors d’un stage si elle était là grâce à son père) alors que cette ségrégation se ressent moins dans les entreprises où la moyenne d’âge ne dépasse pas les 30 ans. «C’est en train de chan-ger petit à petit», souligne-t-elle, notamment puisque la présidente de la Engineering Undergraduate Society [Association des étudiants de premier cycle en génie, ndlr] sera en 2015, pour la première fois, une femme. Dans les autres facultés, la répartition entre les femmes et les hommes parmi les élèves est proche de la parité. Il y avait, au dernier semestre, 58% de femmes inscrites pour 42% d’hom-mes en premier cycle. Cependant, alors que les femmes sont plus nombreuses en premier cycle et en maitrise, la tendance s’inverse au doctorat. Les hommes pousse-raient plus loin leurs études.

Au Québec, les femmes ont donc encore du travail pour attein-dre la parité. Que ce soit en poli-tique ou en affaires, bien que leur participation soit en hausse, elles ne sont toujours pas justement représentées. L’absence de quotas en politique en est certainement une explication. x

Amandine HamonLe Délit

Le mythe du FeministanLa parité n’est toujours pas respectée en 2015.

Lisa elnagar

Page 11: Le Délit du 24 mars 2015

11CULTUREle délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

[email protected]

Après avoir été présenté en première mondiale au Festival international du

film de Toronto (TIFF) en sep-tembre dernier, le film La Leçon prendra l’affiche au Québec le 27 mars prochain. Dernière œuvre du réalisateur québécois François Girard, qui avait déjà fait parler de lui avec Le Violon rouge (1998), ce film est une le-çon de morale mettant en vedette Dustin Hoffman et Kathy Bates dans les rôles de mentors du jeu-ne garçon turbulent mais prodige interprété par Garrett Wareing. Leçon de morale

C’est l’histoire de Stet, onze ans, au Texas, dont la mère alcoolique meurt d’un accident de voiture et dont le père ne s’est jamais occupé autrement qu’en envoyant des chèques. L’enfant est doté d’une voix angélique et d’un talent musical exception-nel, ce qui représentera son seul espoir de réussir. Il rencontre son père, riche et remarié, pour la première fois à l’enterrement de sa mère, puis se retrouve à auditionner pour être élève de la prestigieuse école National Boychoir. Manquant de volonté

et d’entraînement, Stet n’est pas accepté et devient élève de l’école grâce à un chèque convaincant de son père, qui cherche à tout prix à se débarrasser de lui pour éviter que sa famille ne découvre son existence. Commence alors la leçon: leçon de musique, à travers chaque cours de solfège, mais surtout la leçon de vie, à travers la réussite par le travail acharné et l’encouragement des professeurs. L’enfant devient le

meilleur soliste et obtient l’hon-neur de faire des tournées avec les meilleurs élèves de l’école. Les professeurs posent alors la réputation de l’école sur les épau-les du jeune soprano lorsqu’ils lui demandent d’atteindre la plus haute note, «the high D», réussite suprême de Stet – qui marque la conclusion de sa leçon. Tous ses excès de comportement sont excusés et la fin est heureuse. Clichés vides

Le scénario, signé Ben Ripley, multiplie les clichés et manque profondément d’ori-ginalité. Il semble que, pour mieux faire passer son message moraliste, il lui a fallu employer un schéma relationnel ultra-habituel: aucun mystère n’est entretenu et il est facile de tout deviner. Parmi ce que l’on pouvait souhaiter de pire à un enfant, le scénariste a pioché les problèmes de discipline, la mère alcoolique, la mort de celle-ci et finalement, le père absent, afin de lancer le film dans un registre pathétique et n’en marquer que plus claire-ment l’évolution du garçon. Pour démontrer que la persévérance récompense, le père accepte finalement de présenter son fils à sa famille, certainement après d’insupportables remords assez

mal interprétés par l’acteur Josh Lucas. Stet doit aussi affronter le mauvais accueil de ses camarades choristes et la compétition avec Devon (Joe West), la vedette des sopranos. Tout au long du film, les deux solistes se disputent la reconnaissance de leurs men-tors. Évidemment, tout est bien qui finit bien et Stet l’emporte. Dustin Hoffman interprète justement le mentor strict, au passé douloureux, et on devine

immédiatement qu’il est devenu professeur après avoir raté son rêve de devenir un grand pia-niste. Bienveillant, mais torturé par la frustration, le professeur est censé représenter la morale qui défend le travail sérieux et condamne la turbulence. À l’exception de Stet, les person-nages, assez vides, sont de vrais stéréotypes, ce qui porterait à croire que le film est destiné à des enfants de huit à treize ans à qui le réalisateur tente de donner une leçon. Voix angéliques

Ce qui rend malgré tout le film touchant ce sont les voix an-géliques des choristes. Passionné par la musique et le cinéma, le réalisateur est un habitué des œuvres centrées sur la musique. Dans La Leçon, il met en scène les choristes de façon admirable et réussit à impressionner le public par l’harmonie et la précision artistique des chants. Ils appa-raissent en premier lieu dans le gymnase de l’école de Stet, au

Texas, et les voix de sopranos des jeunes garçons sont palpitantes, à en couper le souffle. La scène de chant la plus touchante se dé-roule dans la chapelle de l’inter-nat, lorsque le mentor Carvelle (Dustin Hoffman) fait chanter les garçons en cercle autour de lui et obtient une harmonie aigüe parfaite et pénétrante. Le film permet aussi de faire découvrir le talent du jeune Garrett Wareing, qui joue le rôle principal et dont la voix est la clé du film. L’acteur passionné d’art, particulière-ment de sculpture et de peinture, n’avait jamais chanté devant une caméra avant de tourner La Leçon. Le jeune acteur explique en entrevue avec Bonnie Laufer Krebs qu’il a souhaité exprimer ce que beaucoup d’enfants qui se trouvent dans une situation comme celle de Stet pouvaient ressentir. «J’ai travaillé dur pour que ma voix soit à la hauteur… ces garçons de chorale donnent vie à tant de beauté, cela m’a inspiré!» Dans la même entrevue, François Girard explique que «la musique est un langage puissant pour se

connecter avec le spectateur, c’est une arme puissante pour les at-teindre». C’est en effet seulement grâce à la beauté touchante du chant que le film fait passer des émotions.

Film à savourer en famille, La Leçon est satisfaisant et raconte l’histoire inspirante d’un garçon qui, ayant été mis à genoux par la vie et par ses cama-rades, va, grâce à ses mentors, devenir heureux par le travail et l’endurance. C’est l’équivalent, en version chant, de Karaté Kid, une leçon de vie par le sport, fabriquée selon les mêmes sché-mas. x

Leçon pour une voix d’angeLa Leçon met en vedette Dustin Hoffman comme mentor d’un jeune prodige.

cinéma

amandine hamonLe Délit

«Ces garçons de chorale donnent vie à tant de beauté, cela m’a inspiré!»

«La musique est un langage puissant pour se connecter

avec le spectateur»

La LeçonÉtats-Unis, 2014103 minDrame de François Girard

mahaut engérant

métropole films

Page 12: Le Délit du 24 mars 2015

12 Culture le délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

Impressionnant, déroutant, sidérant, tels sont les pre-miers mots et émotions qui

nous viennent à l’esprit pendant la première séquence du film White God. Une jeune fille pédale à vélo dans les rues étonnamment désertes de Budapest, lorsqu’une meute de centaines de chiens, hurlants et toutes dents dehors, déboule derrière elle et se met à la poursuivre. Cette scène d’ouverture qui glace le sang dès la première seconde permet d’in-troduire le thème de White God réalisé par Kornél Mundruczó: les bêtes à quatre pattes seront des acteurs de toutes parts. Le film est réalisé sans trucages ni effets spé-ciaux, faisant appel à 274 chiens, tous adoptés de fourrière. Un vrai travail de dressage a été effectué pour tourner toutes les scènes; jusque-là on peut déjà parler de véritable exploit.

White God, en référence au film du même nom réalisé par Samuel Fuller (1987), retrace

une histoire d’amour entre Lili, adolescente de treize ans, et son chien Hagen, bâtard rejeté par le père de cette dernière. Ses parents étant séparés, Lili est contrainte de vivre pendant trois mois sous le toit de son père lorsque sa mère s’en va aux États-Unis pour enseigner. Le seul hic c’est qu’à ce même moment la Hongrie adopte une nouvelle loi qui a pour but d’interdire les races de chiens dites «bâtardes». Le père de Lili, qui ne veut pas payer d’amende, décide d’emme-ner Hagen en fourrière. Mais Hagen ne sera pas abattu, comme Lili le pensait. Il devient un chien errant, découvrant la faim, les rafles par la fourrière, la violence et la cruauté des hommes. Il fait la connaissance d’autres chiens abandonnés comme lui, mais tombe très vite entre les mains de malfrats et de sombres tra-fics. Hagen devient alors Max, entrainé en machine de combat. Un jour, il égorge un autre chien et découvre la mort; il s’échappe, faisant basculer le sort des chiens errants pour toujours.

Un Spartacus à figure canineCINÉMA

ANAÏS rOSSANOLe Délit

Les Nouveaux sauvages, film à sketches, conte six récits, six histoires de vie, six

chamboulements. Les différents segments, comme des courts mé-trages, se suivent, ne se ressem-blent pas, mais se font écho. En effet, le thème de la vengeance transcende les segments pour en faire un tout qui ne manque pas d’unité, salé d’un humour noir et d’une ironie jouissive. Ce film, réalisé par le réalisateur argentin Damián Szifrón et co-produit par Agustín et Pedro Almodóvar, a été sélectionné pour la Palme d’Or à Cannes et nominé dans la catégo-rie du meilleur film étranger aux

Oscars, sans remporter ni l’un ni l’autre, mais les multiples nomi-nations suffisent à en souligner l’importance cette année.

Sous l’influence de la touche almodóvaresque, Les Nouveaux sauvages est une comédie dra-matique noire qui propose une caricature extrêmement bien dessinée et divertissante de la violence et de la folie qui sub-mergent l’homme poussé à ses limites. Le premier épisode joue le rôle du prologue, court, mais qui donne, comme le veulent les règles, le ton du film. Dans un avion, les passagers se rendent compte qu’ils ont tous connu à un moment ou à un autre de leur vie un dénommé Pasternak. Rire, ahurissement, puis drame

lorsque l’hôtesse annonce que cet homme a pris les commandes de l’avion et y a réuni toutes les personnes qui ont contribué aux malheurs de sa vie, avec l’inten-tion de faire s’écraser l’avion en guise de représailles. Les autres épisodes, plus réalistes et plus longs, se déclinent sur le même thème, tantôt avec légèreté, tantôt avec plus de sérieux: se venger de l’homme qui a poussé son père au suicide, d’un auto-mobiliste irrespectueux, de fonc-tionnaires municipaux insensi-bles, du présumé meurtrier de sa femme ou d’un mari infidèle.

Complètement dérangé, dia-bolique tout en étant vif, drôle tout en étant fin, Les Nouveaux sauvages se concentre sur

l’ironie du sort qui hante notre quotidien, sur ce temps T où sou-dainement les astres se position-nent autrement et chamboulent le déroulement heureux d’une vie bien menée. Ce moment qui rend le sage fou, l’homme ani-mal. Ainsi, c’est à la vengeance comme pulsion incontrôlée et incontrôlable que s’intéresse le film, cette réponse «bestiale» à un acte antérieur qui réveille en nous toutes sortes d’instincts. On ne peut d’ailleurs s’empê-cher de lier le titre et le sujet même du film à ce qu’a affirmé le philosophe et homme d’État anglais Francis Bacon: «La ven-geance est une justice sauvage.» L’essence la plus naturelle de l’homme se retrouve donc sous

les feux des projecteurs, celle qui est exempte de tout contrat social ou de pensée rationnelle. Dans l’épisode intitulé «El màs fuerte», deux hommes s’adon-nent à un combat acharné sur le bord d’une route, déclenché par l’insulte du premier qui pousse le deuxième à riposter en déféquant sur le pare-brise du premier, qui se met à attaquer le deuxième en essayant de l’écraser puis de le pousser dans le ravin. S’ensuit une série de situations violentes et absurdes, et pourtant délicieu-sement cocasses.

Comment, alors, le réalisa-teur parvient-il à traiter de cette frustration propre à la volonté de se venger sans communiquer ce même sentiment au spectateur?

Contes à reboursnoor daldoulLe Délit

Primé à Cannes,

Gracieuseté de sony pictures classics

Gracieuseté de sony pictures classics

graciieuseté du cinéma du parc

Le troisième long métrage de Szifrón

Page 13: Le Délit du 24 mars 2015

13Culturele délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

White God retrace une révolution de cabots dans un Budapest au bord du chaos.

Parallèlement à l’histoire d’Hagen, on découvre le destin de Lili après l’abandon de son chien. Tout comme lui, Lili se sent capti-ve et a soif de liberté. Elle désobéit aux ordres de son père et s’enfuit à maintes reprises pour retrouver son chien. Le réalisateur dresse un miroir entre les deux protago-nistes: lorsque, pendant la scène du combat, Hagen change son rap-port aux humains, Lili s’immerge dans les profondeurs d’une boite de nuit et dans une attitude qui n’est pas la sienne.

Lauréat du prix Un Certain Regard au Festival de Cannes en 2014, White God est un film qui étonne par sa prise de vue origi-nale. Le réalisateur nous installe pendant deux heures dans l’hori-zon de celui qui subit et réussit à représenter le sort d’un chien qui lutte pour sa survie. La caméra reflète les moindres émotions de l’animal: l’incompréhension, la peur, la colère se lisent sur la truffe du chien, qui devient humain. Car dans ce film, il y a bien renverse-ment des rôles: on découvre les hommes portés par des pulsions

animales et par une cruauté indescriptible alors que les bêtes deviennent de vrais combattants qui luttent pour que liberté et jus-tice soient faites.

White God n’est pas un film plaisant à voir, bien au contraire. Certaines scènes créent l’effroi, le dégoût et la révolte, glaçant le sang par leur réalisme pétrifiant. Toutefois le spectateur est porté par le désir de savoir si Lili et Hagen se retrouveront dans les mêmes termes qu’au moment où ils se sont quittés.

White God est bien plus qu’un film à la réalisation impeccable. En effet, la parabole sur le racisme et la xénophobie ne fait pas de doute. Le réalisateur fait écho à la situation politique qui fait rage en Hongrie, où le gouvernement d’extrême droite a adopté une politique de discrimination. Dans White God, les chiens qui ne sont pas de «pure race» sont traqués, enfermés et tués et reflètent dans une certaine mesure la condition des Roms et des étrangers. Mais les chiens se révolteront, orga-nisés en une véritable armée qui

viendra s’attaquer à ceux qui les ont fait souffrir. Cela fait alors écho au film Spartacus, où Kirk Douglas, tout comme Hagen, se transforme en machine à tuer pour le plaisir des badauds dans l’arène aux gladiateurs. L’esclave devenu libre s’échappe et prend la tête de la révolte des exclus. White God est également une référence aux Oiseaux de Hitchcock, même si on ne s’explique pas le com-portement des animaux à plumes contrairement aux bêtes à quatre pattes conduites par Hagen.

White God se finit par une splendide scène qui regroupe la meute des chiens, apaisés par le chant de la trompette de Lili. Qu’adviendra-t-il d’eux? Le réali-sateur nous laisse à nos pensées, mais conclut un film des plus impressionnants. White God nous prend à la gorge dès la première seconde, sans nous lâcher, même à la fin du générique. x

présente, avec humour, le pire de l’instinct humain.Szifrón insuffle à son œuvre

une vague d’air frais et provoque les rires même dans les situations les plus insupportables. Il décide de ne pas se focaliser longtemps sur la situation initiale, le dysfonctionne-ment sociétal sur lequel les histoires prennent appui – le mensonge, le meurtre, le pouvoir de l’argent et de la corruption policière, ou l’insensi-bilité de la fonction publique – tous caractéristiques de la société argen-tine, mais pas que. À la place, il insis-te et étoffe la réaction que ces situa-tions provoquent chez l’être humain lambda. Le spectateur se délecte des nombreux pétages de plombs à l’écran, de la perte de contrôle sous l’effet aveuglant de la colère ou de la frustration. Le dernier épisode en est l’exemple le plus parfait: une

femme se rend compte pendant sa cérémonie de mariage que son mari l’a trompée avec une des convives. Les deux nouveaux époux perdent la tête, se déchirent et se détestent, commençant un jeu de va-et-vient émotionnel. Lorsqu’un pleure, l’autre rit, lorsqu’un se calme, l’autre est possédé par une sorte de folie hallucinatrice, avant d’inverser les rôles et de s’abandonner à une anarchie qui finira par les réunir.

Au lieu de faire de son film un espace de contestation de l’ordre so-ciopolitique, le réalisateur parvient à garder une hauteur nécessaire et ne tombe pas dans le mélodrame ou le pathos. Ici, le combat n’a pas pour fin de désigner un gagnant, juste de s’attarder sur l’absurdité tragi-comique du moment. La caméra

elle-même se meut avec une pointe d’humour: à travers des plans rap-prochés qui n’ont pas leur place, elle rit avec le spectateur. La musique se joint finalement à ce duo. Avec ironie, un fond sonore tonitruant accompagne des situations légères. Les personnages, eux, proposent de parfaites interprétations de leur personnage, excellant dans l’art de sortir de leurs gonds. Tous ces para-doxes cinématographiques, narra-tifs et scénaristiques sont déclinés à toutes les sauces, décortiqués, pour être savourés par le spectateur, qui en ressort repu. x

Les Nouveaux sauvagesArgentine, 2014122 minComédie de Damian Szifrón

Gracieuseté de sony pictures classics

luce engérant

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White GodHongrie, 2015121 minDrame de Kornél Mundruczó

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14 Culture le délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

Tungstène de bile, c’est la mise en scène des seize nouvelles du recueil épo-

nyme de Jean-François Nadeau, paru en 2013 aux Éditions de l’Écrou. On avait alors dit de ses poèmes urbains qu’ils étaient «écrits pour être récités». Assise dans la petite salle Jean-Claude-Germain du Théâtre d’Aujourd’hui, j’ai plutôt l’impres-sion de voir des piécettes «jouées pour être lues».

Les mots

La transposition scénique pouvait s’imposer parce que chacun des poèmes propose une histoire, un quotidien, des personnages définis, et chacune peut appeler une ambiance. C’est l’auteur lui-même qui raconte et il joue juste. La scénographie (Jonas Bouchard) est inventive et quelques accessoires (Elen Ewing) permettent d’enfiler seize

récits disjoints sans cassure. Seize cocons reliés par le seul fil de l’observation humaine. Il y a Maureen, caissière, la soixan-taine, qu’invite Clément, belles dents, un soir d’Halloween; il y a Robert-de-Laval-qui-se-donne-de-petits-défis-de-motricité-fine-en-essayant-de-trouver-le-début-d’une-roulette-de-tape-pendant-que-sa-fille-une-excellente-gou-teuse-grelotte-d’ecstasy-parce-qu’elle-lui-a-promis-un-carême-sans-mari-ni-bière; il y a l’autre avec sa voix d’elfe; la cousine ha-billée trop sexy dans un party de Noël; la voiture abandonnée dans la sloche; il y a toi, spectateur, qui souris intérieurement parce que tu vois exactement ce que l’auteur décrit.

Voilà justement la force du texte de Nadeau, sa précision. La magnification de l’anodin dans la lumière crue des néons de la salle d’observation. Ce sont des petits éclats de quotidien qui sont livrés sur la lame froide et brillante du scalpel du poète moderne. Des fois, ils brillent, mais ils gisent quand même. Je dissèque, je segmente, je regarde tes tripes, je commente ton gut feeling. Il y a «bile» dans le titre, après tout. Un cafard qui oublie de rimer, une très lointaine colère, plutôt une rage impuissante et effacée par l’aspirateur de catalogue du banal. On infuse un petit sachet d’amertume et de tendresse et on boit à petites gorgées des drames ordinaires, des tragédies de lave-auto, des historiettes sans chutes, d’autres qui éraflent les genoux,

des portes qui grincent et un peu d’absurdité Pepsi® avec ça. La lumière

«Bile», certes, mais aussi «tungstène», qui est le métal avec lequel on fait les filaments des ampoules. On a parlé d’incandes-cence, on a parlé de lumière. Les éclairages, conçus et assurés par Étienne Boucher, sont fantasti-ques, mais la lumière de l’ensem-ble est tantôt crue comme les néons d’un gym, tantôt glauque comme une branlette derrière une station de métro. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas d’aurore. La franchise, ou plutôt la réverbération du quotidien dans son propre miroir, une gale-rie de portraits brossés avec un grain rugueux.

La lucidité est un peu méchante parce que les obser-vations sont justes. Le résultat est un perpétuel sourire en coin. C’est plus fin. La langue, sans être recherchée, présente de belles trouvailles. C’est plutôt un écrin à l’observation. La poésie rejoint tantôt les Vulgaires machins, tantôt la concision triste des sous-entendus d’une rubrique nécrologique. Enfiler des perles un peu gibbeuses, suspendre des instantanés sur une corde à linge de quartier tranquille, plaquer les cartes en jouant au solitaire en pensant quand même à ses vieux péchés.

Il y a dans Tungstène de bile quelque chose du paradoxe du pa-pier bulle, un quotidien matelassé

de petites cloques, qui, chacune, implore secrètement qu’on la fasse éclater pour qu’enfin, et pour un seul et ultime instant, elle puisse grincer de sa propre voix. Le temps

Une heure quarante sans entracte. On comprendra l’auteur de n’avoir pas voulu s’amputer, ou de n’avoir pas su de qui se déles-ter, mais certains (surtout ceux qui carburent au macro et qui sont insensibles à la beauté des fracta-les illustrée dans les sommités de choux-fleurs), finiront par trouver le temps long. Appréciatifs, recon-naissants, mais saturés. Sans doute était-ce difficile à éviter: les transitions ont beau être souples et inventives, l’autonomie des his-toriettes fait obstacle à la montée dramatique. On sent un dessein d’apothéose, avec la succession des numéros musicaux vers la fin, mais les bramements de Stéfan Boucher, le comparse qui occupait jusque-là adroitement sa console et l’espace scénique de son brui-tage, judicieusement confiné à quelques répliques tassées et sen-ties ou à piquer de ses rifs maîtri-sés les tableaux les plus statiques, déconcertent, dérangent. Bah, les ampoules grésillent toutes, lorsqu’on écoute bien. x

Laurence Bich-Carrière Le Délit

Le paradoxe du papier bulle Tungstène de bile se plait à éclater les avanies ordinaires.

Théâtre

Tungstène de bileThéâtre d’Aujourd’hui3900, rue St-DenisDu 17 mars au 4 avril 2015

S’asseoir à sa place, au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en ce mois de mars, c’est un peu

comme avoir le droit d’assister à un souper de famille avec une cape invisible. L’ennemi public, cette tête de turque à mille visages, n’est pas celui qu’on pense. Il est celui qui pense, mais qui pense mal. C’est le problème du temps, le problème du lieu aussi. C’est le problème des gens qui ont besoin d’avoir des idées fixes pour se sentir exister, qui savent tout et pensent trop fort et qui, par-dessus le marché, ont trop de bonnes raisons pour refuser d’envisager le doute.

Singulièrement ancré dans son temps, le discours des personnages est composé de toutes ces phrases qui prétendent avoir raison, qui jugent en riant et qui se nourrissent de la culpabilité de ceux qui sont

coupables d’en éprouver. Du théâtre de l’absurde? Oui, mais «l’absurde de la vraie vie» répond Brigitte Lafleur, la comédienne qui tient le rôle d’une mère ahurissante. L’audace de la mise en scène d’Oli-vier Choinière est comprise entre un seul espace en rotation, une tarte familiale divisée en trois parts inégales, et une temporalité éclatée. Où chacun a sa bonne mauvaise raison d’ouvrir grand sa bouche, on ferme la sienne, on remercie le quatrième mur et on apprécie la distance.

Alors que les grands discu-tent autour de la table, s’insurgent contre Guy Turcotte et Magnotta, accusent, insultent et se précipi-tent au fond d’un cul-de-sac, les enfants se chicanent devant la télé. Parce que Le Devoir et ses billets d’humeur ne vaut peut-être pas mieux que le Journal de Montréal de l’empire Québecor, parce que les chroniqueurs de Radio-Canada

peuvent aussi être d’excellents en-nemis publics, parce que remettre René Lévesque sur la table n’est que le début du procès qui avorte chez Wilbert Coffin. Tous les discours se mêlent, tirent à bout portant sur des conclusions intenables et finissent par retentir sur l’éducation que reçoivent Aurelia et Jonathan, les deux enfants.

Tuer un écureuil, c’est bien. Mordre l’oreille d’une excentrique, ça mérite de se mettre à genoux et d’être filmé en train de s’excuser. «Fais-ce que je dis, pas ce que je fais»; oui mais rendu là, on ne sait plus ce qu’on dit alors on finit par faire ce qu’on disait qu’on ne ferait pas: ça dérape, se bagarre et finit sur la terrasse. «Y va pas l’jeter en bas du balcon?» murmure une spectatrice inquiète. La tension est ficelée com-me un gigot, personne ne veut du mal aux autres mais tout le monde finit par s’en faire. Personne ne veut du mal aux autres? Initialement,

non, mais une fois que s’amorce le dérapage, les nuances disparaissent et la conversation prend des tournu-res follement réalistes. Pourrait-on déplacer une telle pièce lorsque ce sont les circonstances qui lui donnent un souffle? «Aujourd’hui, la réception est exceptionnelle, se réjouit Brigitte Lafleur, mais dans dix ans, est-ce que les gens enten-

dront les mêmes discours dans leurs salons?» Quoi qu’il en soit, ce n’est pas demain la veille que la réponse nous parviendra, parce que René Lévesque, ça date quand même. Une critique virulente de la société enrobée dans une heure et demi de petites blagues fines; on peut dire sans doute qu’Olivier Choinière a l’étoffe du virtuose. x

Gwenn DUVALLe Délit

Sa faute à qui? Au théâtre, aujourd’hui, le public a besoin d’un ennemi.

luce engérant

luce engérant

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15Culturele délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com

Cette année, pour fêter la clôture de la saison d’hiver 2015, le Tuesday Night

Café nous offre une composition originale issue de la collabora-tion de la metteuse en scène Ali Vanderkruyk et de sa troupe de théâtre, Burning in Water, Drowning in Flame. Inspirée de la poésie de Charles Bukowsky – à laquelle elle fait d’ailleurs direc-tement référence par son titre –, cette pièce nous plonge dans le quotidien de quatre soldats at-teints d’un trouble de stress post-traumatique, que les dirigeants de la hiérarchie militaire tentent de pallier en maintenant constam-ment ses effectifs sous l’effet d’une nouvelle drogue, appelée «ephem-brium».

Cet élément, de même que la projection du premier acte en 2045, contribuent à conférer à cette créa-tion une atmosphère dystopique qui n’est pas sans rappeler celle du Meilleur des mondes de Huxley, dont le livret reproduit efficace-ment le ton paternaliste d’une pro-pagande d’État qui vise à rassurer ses citoyens, tout en cherchant à les convaincre de remettre leur liberté

entre les mains d’une institution gouvernementale bienpensante. Dans cet univers étrangement pro-che du nôtre, aucune police secrète ne menace les dissidents qui cher-cheraient à dissuader des volon-taires de s’engager dans l’armée, de même qu’aucune punition ne s’abat sur la vétérante Lane (interprétée avec brio par Ruthie Pytka-Jones) lorsque celle-ci tente d’arracher le dispositif qui maintient ses cama-rades dans un état de léthargie intellectuelle en leur administrant une dose d’ephembrium toutes les trois ou quatre minutes.

Cette absence d’une menace concrète, laquelle aurait très bien pu prendre la forme du réseau d’es-pionnage orwellien qui gouverne le monde de 1984, nous rappelle que la violence d’État ne s’exerce pas toujours de manière explicite, et que, dans un régime démocratique, elle se dissimule souvent der-rière des politiques qui prétendent œuvrer en faveur du bien-être de la communauté. En cette ère mar-quée par les coupures budgétaires, auxquelles le projet cyclique d’une grève générale illimitée tente vai-nement de s’opposer depuis l’éclo-sion du «printemps érable», il est difficile de ne pas lire une critique à peine voilée de l’autoritarisme de

nos dirigeants actuels derrière les formules qui composent le discours de recrutement militaire livré aux spectateurs en guise de brochure: «Le monde est au bord du chaos, mais vous pouvez lutter avec nous pour l’austérité et la justice.»

Le second acte, situé en 2015, avant la guerre, dans un bar qui s’avère être une plate-forme de recrutement militaire, explore davantage le contexte qui a pu aboutir à cet univers dystopique. Bien qu’il n’explique pas tout à fait ce qui a bien pu pousser les quatre vétérans du premier acte à s’engager dans un conflit dont les ennemis ne seront jamais dévoi-lés, il témoigne bien de la détresse émotionnelle de ces volontaires, en soulignant par ailleurs que rien ne les distingue a priori des «simples» citoyens qui choisissent de demeu-rer à l’écart. Tous les personnages de cette production demeureront jusqu’au bout des recrues poten-tielles, tout comme les spectateurs auxquels ils adressent souvent leurs monologues désespérés dans une proximité étouffante, qui est certes imposée par la taille de la salle de spectacle, mais qui s’avère néanmoins appropriée à ce projet artistique. Une production à ne pas manquer. x

Miruna CraciunescuLe Délit

Une dystopie réussieLa troupe du TNC termine l’année sur une production particulièrement percutante.

Théâtre

Beaucoup de grands noms d’hier sont encore connus aujourd’hui, des actrices tel-

les que Grace Kelly, Rita Hayworth ou encore Ingrid Bergman figu-rent parmi les mythes du cinéma américain d’après-guerre et fasci-nent le monde cinéphile par leur beauté et leur capacité à faire rêver. Cependant, parmi celles qui ont foulé les sommets du 7e art, très peu sont parvenues à inspirer assez de respect chez les mâles environnants pour surmonter le statut de simple fantasme et entrer dans la postérité. Sans l’ombre d’un doute, Katharine Hepburn fait partie de ces excep-tions-là et le réalisateur Rieke Brendel profite de la 33e édition du Festival International du Film sur l’Art pour retracer la carrière de celle qui n’avait pas la langue dans sa poche.

Depuis sa jeunesse, Katharine rechigne le fait d’être une fille. Elle refuse de porter des robes,

de se maquiller et cultive un style garçon manqué qui fait fuir les producteurs en quête de glamour, et ce, dès ses premiers pas dans le milieu du spectacle. Nous sommes au début des années trente et très souvent, elle se fait mettre à la porte, chose qu’elle justifie en expliquant

simplement: «Je pense que parfois, j’irrite les gens.» Elle se marie, mais la vie de femme au foyer l’ennuie et elle retourne vite jouer la comédie. Cependant, elle peine à cacher son accent rustique et son jeu trahit un manque d’expérience qui ne séduit pas les compagnies hollywoodien-

nes. Mais un séjour à Broadway, plusieurs cours de théâtre et quelques succès plus tard, Miss Hepburn achète les droits du film de George Cukor Philadelphia Story où elle tient le rôle principal aux côtés d’un James Stewart et d’un Cary Grant pétulants. En prenant part à la production de ses films, elle par-vient à imposer ses propres termes à l’industrie du cinéma.

Seule actrice à avoir été récom-pensée par l’oscar de la meilleure actrice à quatre reprises – qu’elle n’a d’ailleurs jamais pris la peine de venir chercher – non pas Audrey mais Katharine Hepburn avait ce quelque chose, qu’elle-même sem-ble avoir du mal à expliquer: «Je ne pense pas que ça soit du talent, mais je ne sais pas ce que c’est» qui a fait qu’après cinquante ans de carrière, le public la réclamait encore. Elle impressionnait, donnait du fil à retordre à tous ceux avec qui elle partageait l’affiche tout en conser-vant une sensibilité qui empêchait de vous la rendre détestable. Cette sensibilité, elle la cultivait à travers

la peur, sentiment qu’elle refusait de subir mais essayait plutôt de perce-voir comme une motivation.

Tout semble alors confirmer ce dont on commençait à être cer-tains: Katharine Hepburn a une personnalité et un caractère plutôt étrangers au royaume du banal. Il convient cependant de rester prudent avant de clamer haut et fort le mot «légende». Car on sait bien que les documentaires sur les célébrités aiment donner une tournure spectaculaire aux détails les plus anodins si cela permet aux spectateurs de voir, même en leur femme de ménage, la nouvelle Marlene Dietrich. En plus de ce risque d’exagération, raconter la vie de Katharine est particulièrement délicat sachant qu’elle a refusé de donner la moindre entrevue avant ses 68 ans. Pour la première fois, elle accepte alors ce qu’elle présente comme un calvaire par cette phrase qui illustre son humour pinçant de façon formidable: «La mort sera probablement un soulagement, je n’aurai plus à faire d’entrevues.» x

tnc

celine Fabre Le Délit

Biography.com

Katharine Hepburn, l’art d’être insupportableAvec The Great Kate, le FIFA met à l’honneur l’actrice hollywoodienne.

cinéma

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16 culture le délit · mardi 24 mars 2015 · delitfrancais.com