EHESS

Le Dogme du Christ et autres essais by Erich FrommReview by: Jacques MaîtreArchives de sciences sociales des religions, 26e Année, No. 52.2 (Oct. - Dec., 1981), pp. 227-228Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30115903 .

Accessed: 17/06/2014 14:02

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org.

.

EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences socialesdes religions.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 195.34.79.253 on Tue, 17 Jun 2014 14:02:37 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

BULLETIN DES OUVRAGES

et des formes paniques de la religiosit6 (p. 120, 139, 209, 217, 274, 303, etc.), I'affir- mation du pouvoir des clercs et de l'Eglise hidrarchique sur toutes les tendances auto- nomes, sur les vell6it6s d'ind6pendance des laics, sur les m6diations traditionnelles (p. 129 : les saints repr6sent6s en pr&tres ou en 6v~ques; p. 132 : exaltation de la papaut6; p. 139, p. 308, etc.). D'un c6t6 les << abus >, les d6sordres, le libertinage, de l'autre 1' < ordre >, la dignit6, les convenances, la modestie (p. 209, 259, 280, 303, etc.). Reste- rait h d6finir cette autre culture, toujours sous-jacente, r6fractaire aux efforts de mora- lisation et d'instruction. Les confr6ries de p6nitents, avec leurs rites parallbles, leur sociabilit6 originale, leur hi6rarchie ind6pen- dante, en 6taient les porteurs : la religion populaire dtait 1' < ancienne > religion, jadis celle des clercs (p. 347); mais la < nouvelle > religion, par bien des traits, 6tait aussi popu- laire; et par ailleurs 1' < ancienne > religion n'6tait pas celle des ignorants : le < peuple > trbs souvent savait lire. L'essentiel 6tait sans doute la revendication d'autonomie a l'6gard des pouvoirs cl6ricaux et de leurs allids, l'intuition non pr6cis6e que le p6nitent dtait en quelque sorte l'dgal des clercs. Dans ce conflit de pouvoirs (p. 349), nous devinons que quelque chose 6chappait aux autoritrs. Faut-il poser encore une fois le problbme de la < d6christianisation > du XVIIIP sidcle ? Elle pourrait paradoxalement avoir une dou- ble origine : par la voie de la < nouvelle > religion, sociale, morale, individualiste, ratio- naliste, et par celle de 1' < ancienne > religion, anticl6ricale, insoumise. Sur ces problbmes- clefs de notre historiographie, ce livre apporte des lumibres d6cisives : l'dtude pricise d'une rdgion limit6e et d'une documentation bien choisie 6tait plus efficace que bien des spdculations.

Jacques Le Brun.

Le Dogme du Christ et autres essais. Bruxel- les, Ed. Complexe, 1975, 130 p. (Trad. de I'amdricain par Paul Alexandre. Ed. revue et annotde par Evelyne Sznycer et Serge Pahaut).

52.407 FROMM (Erich).

Ce volume r6unit plusieurs travaux : 10 o Le Dogme du Christ >> (p. 11-88; edition originale en allemand : < Die Entwicklung des Christusdogma >, 1930); 20 trois essais sur la psychanalyse (p. 89-128), datant de 1953 a 1963. Je laisserai de cat6 ces trois essais, qui ne portent pas sur la religion.

<< Le Dogme du Christ >> constituait une trbs intdressante contribution au freudo- marxisme, en contre-point B un article c61-

bre, o Dogma und Zwangsidee > (Imago, 12, 1927), de Theodor Reik, qui avait 6t6 un des maitres de Fromm h l'Institut psychanalyti- que de Berlin. Evitant de considdrer le groupe comme un o sujet >, E.F. pose que a la valeur de l'enqu~te socio-psychologique ne peut r6sider dans le fait qu'on acquiert une connaissance complete des particularit6s psychiques des membres individuels, mais seulement dans le fait qu'on peut 6tablir les tendances psychiques communes qui jouent un rrle ddcisif dans leur ddveloppement social> (p. 15); en revanche, la d6marche psychanalytique consiste dans < la comprd- hension du d6veloppement 6motionnel fondde sur la connaissance de l'histoire de l'existence du sujet> (p. 16). Dis lors, E.F. 6tudie l'6mergence du dogme christique sur la base de la lutte des classes et de la lutte anti- impirialiste, mais en cherchant quelles rdpar- titions des situations infantiles sont investies par les sujets individuels dans la dimension religieuse de l'exploitation ou de la rdvolte. < La religion a une triple fonction : pour toute I'humanitd, c'est la consolation des privations exig6es par la vie; pour la grande majorit6 des hommes, c'est un encouragement

. accepter 6motionnellement leur situation

de classe; pour la minorit6 dominante, elle constitue l'apaisement des sentiments de culpabilit6 provoquds par les souffrances de ceux qu'elle opprime >> (p. 27). Comme on le volt, dans cette d6finition, I'auteur n'envisage pas les conjonctures oh la vie religieuse constitue un ferment de l'action rdvolution- naire; mais son 6tude 6voquera les o tentatives rdvolutionnaires teintdes de messianisme > qui inspirent la littdrature apocalyptique.

Dans cette perspective, << le fantasme de l'homme en train de mourir 61ev6 h la dignit6 d'un dieu > sdduit de nombreuses personnes appartenant aux couches les plus opprimdes du peuple juif parce que la vis6e politique y rejoint le d6sir inconscient d'61iminer le phre divin >. Puis ce souhait hostile au pare est refoul6 par le dogme selon lequel Jdsus avait toujours 6t6 dieu, h mesure que le christianisme se r6pand hors du peuple juif et des classes opprimbes; I'dchdance escha- tologique est progressivement repouss6e dans le lointain; < Le nouveau dogme de J6sus fut cr66 et formul6 par le groupe dirigeant et par ses reprdsentants intellectuels, et non pas par les masses. L'dlMment ddcisif en fut le passage de l'idde de l'homme devenant Dieu d celle de Dieu devenant homme > (p. 63). Le culte de Marie fait ressurgir la divinit6 maternelle, comme l'a montr6 Sandor Rad6 (Internatio- nale Zeitschrift fiir Psychoanalyse, 13, 445). < L'6tude de Rad6 rend pleinement com- prdhensible la connexion qui existe entre le fantasme de Jdsus martyr et celui de

227

This content downloaded from 195.34.79.253 on Tue, 17 Jun 2014 14:02:37 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

I'enfant J6sus dans les bras de sa mere. Les deux fantasmes sont I'expression du souhait de pardon et d'expiation. Dans le fantasme de J6sus crucifi6, le pardon est obtenu par une soumission passive et autocastratrice au p~re. Dans le fantasme de l'enfant J6sus t6tant le sein de la Madone, I'616ment maso- chiste fait d6faut; en lieu et place du phre, on trouve ici la mere qui, tout en apaisant son b6b6, octroie pardon et expiation. C'est le m~me sentiment de bonheur qui constitue la signification inconsciente du dogme de l'homoousie, le fantasme de l'enfant prot6g6 par la matrice maternelle > (p. 69-70).

Toute cette 6volution du dogme doit sa pr6gnance & l'articulation entre conjoncture historique des rapports de classes et r6p6ti- tion des d6sirs infantiles. A l'inverse de Reik, E.F. distingue soigneusement les cou- ches sociales et les 6poques, au lieu de se rdf~rer g un sujet-type dans l'interpr6tation des d6bats christologiques. < La victoire d'un dogme n'est pas le r6sultat d'un conflit psy- chique interne analogue 5 celui d'un individu, mais plut6t d'un d6veloppement historique qui, comme cons6quence de circonstances ext6rieures tout i fait diffdrentes (telles que la stagnation et la r&cession de l'6conomie et des forces sociales et politiques qui y 6taient rattachdes), conduit a la victoire d'un mou- vement et t la d6faite de l'autre > (p. 85).

D'une toute autre orientation que les ou- vrages les plus r6cents d'E.F., ce travail sur le dogme du Christ mdrite d'8tre relu avec attention, bien que sa documentation histo- rique ait vieillie (comme I'A. est le premier a le souligner).

Jacques Maitre.

Vous serez comme des Dieux. Une interpr6- tation radicale de 1'Ancien Testament et de sa tradition. Bruxelles, Ed. Complexe, 1975, 213 p. (Trad. de l'ambricain par Paul Alexan- dre. Ed. revue et annot6e par Evelyne Sznycer et Serge Pahaut).

52.408 FROMM (Erich).

Issu du c61~bre groupe de Francfort, oti s'entrecroisbrent marxisme et psychanalyse, E.F. se livre ici i une apologie passionnie de la sagesse juive, telle qu'il la pergoit i travers une herm6neutique de l'Ancien Testa- ment, appuyde 6galement sur le Talmud, Maimonide, la Kabbale et le hassidisme. Bien qu'il s'en d6fende, I'auteur reste sur le terrain de la th~ologie, grfice i un d6placement dans la definition de a l'expirience > que l'homme fait de Dieu : < Ce qui est constant, c'est I'id6e que ni la nature ni les artefacts ne constituent I'ultime r6alit6 ou la valeur la

plus l61ev6e, mais que c'est seulement le UN qui repr6sente la valeur supreme et le but supreme pour l'homme : ce but 6tant de trouver l'union avec le monde par le d6ve- loppement complet de ses capacit6s spgcifi- quement humaines d'amour et de raison > (p. 26).

E.F. revient ainsi en amont du marxisme et de la psychanalyse aux maitres qui marqub- rent sa jeunesse par une formation approfon- die dans la tradition rabbinique; pour bien baliser ce parcours, il faut noter que l'6dition originale date de 1966.

Jacques Maitre.

Les Sherpas du N6pal. Montagnards boud- dhistes. Paris, Hachette, 1980, 352 p., 16 photog., 2 cartes. (Trad. de l'anglais par Simon et Gishle Trope. Coll. <oL'Homme vivant >).

52.409 FURER HAIMENDORF (Christoph von).

Au nombre des populations bhotia (boud- dhistes de langue et culture tib6taines vivant au-dessus de 2 800 metres), les Sherpas se distinguent par leur facult6 d'adaptation i la trbs haute altitude, un mode d'organisation sociale trbs sp6cifique et un genre de vie limitu i un secteur d6fini de l'Himalaya. Le groupe 6tudi6 ici est le plus septentrional, au Khumbu, voisin du Tibet, au pied de l'Everest. Il frappe par son haut degr6 d'int6- gration (int6gration de l'individu i la commu- naut6 de village; int6gration des communaut6s monastiques aux communaut6s laiques; int&- gration des arrivants r6cents du Tibet, ou oKhamba >, aux vieilles families sherpas), et par sa tendance a une harmonisation remarquablement 6quilibr6e et 6galitaire des rapports sociaux. L'auteur trouve la cause fondamentale de ces caract6ristiques dans un bouddhisme profond6ment v6cu : la convic- tion intime que les r6incarnations ulturieures de l'individu et son arrivde 6ventuelle au paradis final, le Devachen (selon la transcrip- tion propre a I'A.), sont d6termin6es par sa libre action seule incite B la tol6rance, a la conciliation et au respect de la personnalit6 (p. 327-38).

C'est au sein de la famille que se d6cble le plus nettement I'6quilibre social propre aux Sherpas : r6ciprocit6 et 6galit6 i peu pris compl&es des droits et devoirs des 6poux, caractbre contractuel et dissoluble du lien matrimonial form6 en plusieurs 6tapes et aboutissant t l'ind6pendance du couple (le plus souvent apris la naissance d'un ou plu- sieurs enfants), parall6lisme des droits patri- moniaux des hommes et des femmes, absence

228

This content downloaded from 195.34.79.253 on Tue, 17 Jun 2014 14:02:37 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions