3

Click here to load reader

Le droit collaboratif: une opportunité pour les avocats ... · respectueux de gestion et de règlement des litiges qui tient ... Importance du droit Dans le cadre de la ... indéfectible

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le droit collaboratif: une opportunité pour les avocats ... · respectueux de gestion et de règlement des litiges qui tient ... Importance du droit Dans le cadre de la ... indéfectible

À l’instar de sa participation comme conseil à unprocessus de médiation, la pratique du droitcollaboratif conduit l’avocat à un changement deparadigme dans sa manière d’appréhender lagestion et la résolution des conflits.

Cette modification du rôle de l’avocat répond àune évolution dans la relation client-avocat et àl’émergence d’une justice dite «participative», oùl’individu participe activement à la gestion et à larésolution des conflits qui le concernent.

Aujourd’hui déjà, le procès n’est qu’un outilparmi d’autres et il appartient à l’avocat, deprocéder à une analyse approfondie de lasituation qui lui est présentée, de son contexte,des besoins, intérêts et objectifs de son client,ainsi que des incertitudes, risques etopportunités liés à chaque processus, et sans

omettre l’influence de paramètres tels que letemps et les ressources personnelles etfinancières à disposition, afin de proposer à sonclient le processus le plus approprié.

Ce travail d’orientation préalable transformel’avocat en «coach» de son client.

Du seul avocat plaideur, occupé à analyser lesactes et fautes passés et livrant combat à sonadversaire, il devient également un avocatcollaboratif, non seulement concentré sur lesbesoins, intérêts et objectifs de son client, maisaussi attentif à ceux des autres parties, ce en vued’une résolution dite «win-win» et créative.

En effet, les modes consensuels permettent, enparticulier, d’appréhender le conflit dans sa globalité– dans ses dimensions émotionnelles, relationnelles,sociales, économiques, techniques et juridiques – etde trouver des solutions compatibles avec lesobjectifs et les moyens du client.

De plus, dé-judiciariser le litige permet d’éviterune escalade du conflit en tous points néfasteau client et dont les effets collatéraux sont peumaîtrisables.

De la sorte, l’avocat répond également auxrègles éthiques et déontologiques qui legouvernent et qui prévoient généralement quel’avocat doit autant que possible favoriser lessolutions transactionnelles1, respectivement ildoit s’efforcer de régler à l’amiable les litigesdans la mesure où l’intérêt du client ne s’yoppose pas.2

Ainsi, diversifiant sa pratique, l’avocat peutmieux répondre aux besoins et objectifs d’uneclientèle de plus en plus instruite et soucieusede ses intérêts. Cependant, pour êtreaujourd’hui véritablement qualifié, ce

professionnel du droit doit, non seulement êtreformé aux techniques modernes, mais il doitles avoir expérimentées.

I Le droit collaboratif(Collaborative law)

Inspiré du mouvement initié par l’avocataméricain Stu Webb3 en 1990 et unifié sousl’égide de l’International Academy ofCollaborative Professionals (IACP), le droitcollaboratif (Collaborative Law) est un moderespectueux de gestion et de règlement deslitiges qui tient compte des besoins et intérêtsdes personnes (physiques ou morales)concernées, dans un souci de préserver leursrapports présents et futurs, en dehors detoutes procédures judiciaires litigieuses.

“Le droit collaboratif est une pratique du droitutilisant la négociation sur la base d’intérêts où

les avocats sont engagés pour aider les parties àconclure une entente mutuellement acceptable.Les avocats et les parties signent un contratstipulant leur consentement de ne pas allerdevant les tribunaux. Les parties et les avocatstravaillent en équipe.”4

Développé à l’origine en matière familiale, lapratique collaborative s’est progressivementélargie pour englober aujourd’hui desdomaines aussi variés que le commerceinternational et les contrats, les entreprises, lessociétés et les associations de personnes, lessuccessions et le « wealth planning », lapropriété mobilière et immobilière, les baux etloyers, le voisinage, la santé et, de manièregénérale, tous types de conflits bipartite oumultipartite concernant des intérêts privéscivils, familiaux ou commerciaux.

I Processus

Dans les grandes lignes, le processus de gestionet de résolution du conflit se déroule de lamanière suivante:

! Première rencontre d’analyse, de préparationet de stratégie entre l’avocat et le client.

! Rencontre entre les deux avocats pourpréparer la première réunion conjointe etdéfinir les contours du processus.

! Réunion conjointe entre les clients et leursavocats et signature d’un « Accord departicipation » lequel constate les attentesdes parties, établit les règles de base duprocessus, prend acte des engagementsirrévocables de confidentialité de tous lesparticipants au sujet des informations etdocuments échangés, et fixe la participationd’experts. Pour les avocats, cet accordformalise leur désengagement de la voiejudiciaire pendant tout le processus et à l’issuede celui-ci si aucun accord n’est trouvé. Leprocessus est transparent et son efficience est

3 " 2013 I Rassembler les avocats du monde76

Le droit collaboratif : une opportunitépour les avocats… à quel risque ?

I Birgit SAMBETH GLASNER

Ainsi, diversifiant sa pratique, l’avocat peut mieux répondre aux besoins etobjectifs d’une clientèle de plus en plus instruite et soucieuse de ses intérêts.

Page 2: Le droit collaboratif: une opportunité pour les avocats ... · respectueux de gestion et de règlement des litiges qui tient ... Importance du droit Dans le cadre de la ... indéfectible

Reunir a los abogados del mundo I3 " 2013 77

assurée par l’engagement de chaque partie dese comporter respectueusement de l’autre etde bonne foi, de même que de mettre àdisposition, dans le cadre strict du processuscollaboratif, toutes les informations etdocuments pertinents à la résolution du/desdifférend(s).

!Réunions conjointes subséquentes lorsdesquelles les participants travaillent ensembleà la résolution commune des problèmes et àla recherche de solutions, ce avec l’aide desavocats présents, voire d’experts de tousordres (domaines de la santé: psychologues etpsychothérapeutes, psychiatres; de la famille:conseillers conjugaux, de la comptabilité et dela finance, voire de divers domainestechniques) convenus entre les parties, voiremême avec l’aide d’un médiateur si nécessaire.

Dans le cadre de ces réunions, les avocats nesont pas des adversaires: quand bien mêmechaque avocat a la responsabilité première deconseiller et représenter son client, lesavocats travaillent ensemble dans le but deparvenir à une entente satisfaisante.

! Si nécessaire et en vue d’assurer un caractèreexécutoire aux accords trouvés, à l’issue duprocessus, il peut être procédé conjointementà leur ratification/homologation judiciaire ouencore à la passation formelle des accordsdevant notaire.

! Le processus n’offre pas de garantie quant aurésultat et il suffit de la volonté d’une partiepour mettre fin au processus. Dans ce cas, lesavocats collaboratifs doivent se retirer dudossier et orienter les parties vers denouveaux avocats qui se chargeront desprocédures devant les tribunaux. Leurs notespersonnelles, recherches etc. ne seront pastransmises au nouvel avocat.

I Rôle des avocats

Pour les avocats, le droit et la pratiquecollaboratifs impliquent:

1) de s’assurer de l’adéquation du processus dedroit et pratique collaboratifs aux besoinsdes parties en cause, puis d’obtenir leconsentement éclairé de ceux-ci;

2) d’assister leurs clients dans l’élaboration de

solutions équitables et mutuellementacceptables qui tiennent compte des besoinsfondamentaux de chacun;

3) de mettre un terme au mandat du client encas de procédure judiciaire litigieuse et des’interdire de le représenter devant lestribunaux pour le même objet.

Ce changement de paradigme dans l’exercice dela profession d’avocat ne va pas sans susciterdiverses interrogations, telles que lepositionnement de l’avocat en droit collaboratifpar rapport à son client et à « la partieadverse », l’importance du droit dans leprocessus collaboratif, l’abandon du privilège dereprésentation devant les tribunaux ou le soucide conseiller et défendre « utilement » sonclient.5

Double représentation

Alors qu’en apparence, lors des négociationscollaboratives, les avocats cherchent àcomprendre les intérêts de l’autre partie en vuede trouver une solution win-win, il est clair quel’avocat collaboratif n’assiste et ne représenteque son/ses propre (s) client(s), respectant par làle principe de l’interdiction de la doublereprésentation, contraire aux règlesdéontologiques.

Intérêt du deal (solution négociée)

Par contre, il est évident que si l’avocat défendtoujours l’intérêt de son client, en droitcollaboratif, il sera fortement guidé par« l’intérêt du deal», cet intérêt étant placé auplus haut par tous les clients dans le cadre duprocessus de droit collaboratif.

Importance du droit

Dans le cadre de la réflexion conduite dans lecadre du processus collaboratif, le syllogismejuridique est bien sûr un facteur important quiest amplement analysé et débattu. Il n’estcependant pas le seul, ce qui rend le processuscollaboratif plus holistique en comparaison avecd’autres procédures.

Représentation judiciaire ensuite d’échec

L’engagement (parfois soumis à une clause

pénale en cas de non respect) de l’avocatcollaboratif de ne pas représenter son clientdevant les tribunaux si un accord ne devait pasêtre trouvé n’est pas contraire aux règlesdéontologiques et est à la libre disposition del’avocat dans le cadre sa profession.

Cette clause est primordiale car c’est uneincitation pour le client à ne pas changerd’avocat auquel il lui faudra réexpliquer lasituation, moyennant une augmentation dutemps et des coûts, et donc de faire sonmaximum pour qu’un accord soir trouvé. Deplus, cet engagement ferme favorise lapoursuite de véritables efforts de négociationen vue d’une solution amiable conjointe.

Confidentialité

La question de la confidentialité desinformations et documents divulgués dans lecadre du processus collaboratif si finalementaucun accord n’est trouvé est fréquemmentposée car, comme en médiation, ce principe estla pierre angulaire du processus. Alors quecertains détracteurs prétendent que cetengagement de confidentialité est fragile, ilimporte de rappeler que les discussions entreavocats (avec ou sans clients) se fontgénéralement « sous les réserves d’usage »,soit de manière strictement confidentielles tantqu’aucun accord n’est trouvé ou que les partiesconviennent d’une divulgation. De plus, il estcommunément admis que le secretprofessionnel de l’avocat est dû non seulementà son client mais également à son adversaire.

Une autre possibilité consiste à faire appel à unmédiateur pour accompagner les parties etleurs avocats, de sorte à transformer leprocessus de droit collaboratif en médiation,processus couvert par ses propres règlesstrictes de confidentialité.

Rémunération

Le processus collaboratif ayant également pourbut de raccourcir le processus de résolutiond’un différend, d’aucuns prétendront qu’ilpourrait avoir pour conséquence un importantmanque à gagner de l’avocat. Or, c’est faire unfaux procès au processus collaboratif lequel,non seulement nécessite un temps importantde préparation et de fixation de stratégie maiségalement une attention de tous les instants

Page 3: Le droit collaboratif: une opportunité pour les avocats ... · respectueux de gestion et de règlement des litiges qui tient ... Importance du droit Dans le cadre de la ... indéfectible

lors des séances de préparation et desréunions conjointes, respectivement pourl’élaboration des accords trouvés et leurexécution.

De plus, il résulte généralement d’un processusde résolution amiable, une fidélisationindéfectible de la clientèle de l’avocat dans lamesure où le client s’est, non seulement,véritablement senti compris, mais égalementque ses intérêts ont été pris en compte, quedes solutions réalistes ont été mises en place etque son avocat et lui-même ont été de vraispartenaires de résolution. Le client seragénéralement tenté de poursuivre cetteexpérience positive lors de la gestion et larésolution d’autres différends, voire lors de lamise en place de nouvelles structures oud’affaires.

De plus, rien n’empêche le client et l’avocat deconvenir d’une prime financière en cas desuccès s’ajoutant aux honoraires (pactum depalmario) étant rappelé que le montant deshonoraires se détermine selon lescirconstances du cas d’espèce, la difficulté etl’importance de l’affaire, l’intérêt du client,l’expérience de l’avocat, les usages en lamatière et l’issue de l’intervention.6

I Nouvelles synergies

L’évolution des mentalités de même que ladifficulté de la situation économique actuelleobligent les avocats à repenser leur professionet son exercice.

Le droit collaboratif leur offre sans nul doutede nouvelles perspectives.

Ainsi, dans la plupart des barreaux, des avocatscollaboratifs se regroupent en associations7 quipoursuivent généralement les buts suivants:

! promouvoir et développer le droit et lapratique collaboratifs;

! créer un groupes de droit et pratiquecollaboratifs constitués d’avocats inscrits auBarreau;

! favoriser l’interdisciplinarité en intégrant despersonnes d’autres professions;

! assurer la formation de base et la formationcontinue des praticiens en droit collaboratif;

! prévoir et soutenir l’échange et le partage dela pratique collaborative par l’intervisionet/ou la supervision.

Des listes d’avocats collaboratifs sontconstituées et disponibles auprès des différentsbarreaux incitant non seulement les clientsmais également les avocats eux-mêmes àrecourir aux services de confrères mus par lesmêmes aspirations de gestion et de résolutionamiable des conflits, ce de manière hautementprofessionnelle et irréprochable.

Le droit collaboratif est décidément uneopportunité à saisir pour les avocats!

Birgit SAMBETH GLASNER, LL.M.Avocate et médiatrice

Altenburger Ltd legal + taxPrésidente de la Commission ADR de l’Ordre des Avocats de Genève

Genève et Zurich, [email protected]

1 Par exemple: Code suisse de déontologie de la Fédérationsuisse des avocats (article 9)

2 Us et Coutumes de l’Ordre des Avocats de Genève (article 7)3 Au bout de quinze ans de pratique en droit de la famille, Stu

Webb a dressé un constat d’insatisfaction professionnellequant à sa pratique judiciaire. Il décida de quitter la pratiquecontentieuse et, ayant expérimenté d’autres méthodes degestion et de règlement des litiges familiaux, il s’est tournévers la pratique dite “collaborative”. Ainsi, il prit la décision dene plus se rendre au tribunal pour représenter et défendreses clients mais de faire de son mieux pour les aider à réglerleurs différends par la négociation. Au cas où celle-ci devaitéchouer ou si l’un des époux souhaitait entamer uneprocédure judiciaire, Stu Webb se désisterait du dossier etrecommanderait à son client un avocat plaideur pour lapoursuite de son affaire.www.youtube.com/watch?v=AAO_JG0xmNw

4 www.droitcollaboratifquebec.ca/fr/pdf/DC_conf_09Nov06ersion13.pdf

5 Me Christophe Imhoos, Président de l’Association de droitcollaboratif, Genève: Le droit collaboratif : une nouvelle formed’exercice de la profession d’avocat? in La Lettre du Conseilde l’Ordre des Avocats de Genève - n° 52 (nov. 2010).

6 Code suisse de déontologie de l’avocat art. 187 L’association suisse romande de droit collaboratif est née en

2009 de l’initiative d’un groupe d’avocats investis dans lapratique de la justice participative et réunit toute personneintéressée à sa pratique www.droitcollaboratif-romand.ch.Peuvent également devenir membres tous professionnelsqualifiés et autorisés à pratiquer selon les standards de leurprofession.

3 " 2013 I Bringing Together the World's Lawyers78