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1 Le film : Lʼhonneur dʼun capitaine Réalisation : Pierre Shoendoerffer Année : 1982 Durée : 1h57 Synopsis Lors dʼun débat télévisé sur la guerre dʼAlgérie au début des années quatre-vingts, le professeur Paulet dénonce les méthodes du capitaine Caron, tué au combat en 1957. La veuve du capitaine, Patricia décide dʼintenter un procès en diffamation à Paulet. Elle est représentée par une amie, la jeune avocate Maître Valouin et par son oncle, bâtonnier. Le professeur Paulet est défendu par Maître Gillard. Le procès passe au crible les dix-neuf jours de commandement de Caron, dont Paulet prétend quʼils ont commencé par lʼexécution dʼun traître algérien. Les anciens de la compagnie se succèdent à la barre et lʼon apprend que le capitaine nʼest arrivé à la tête du bataillon que le lendemain de lʼexécution, afin de rétablir lʼordre. Dix-huit jours et non dix-neuf jours, souligne lʼavocate Valouin : Caron nʼest donc pas responsable. Lʼattention se porte alors sur une opération menée par Caron lors de laquelle trois fellaghas ont été faits prisonniers et exécutés. Patricia et ses avocats démontrent que lʼexécution est lʼeffet dʼun malentendu. Ne sʼavouant pas vaincu, le professeur Paulet met le capitaine en cause en dénonçant la disparition dʼun villageois proche des fellaghas. Là non plus, la culpabilité de Caron nʼest pas prouvée, et le professeur est finalement condamné pour diffamation. Patricia a sauvé « lʼhonneur dʼun capitaine », mais les dernières images du film viennent nuancer tout cela. La guerre dʼAlgérie Dossier pédagogique préparé par Joëlle Saunière, membre de Mémoire 2000 Le terme officiel du conflit qui opposait lʼAlgérie à la France était, jusquʼau18

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Le film : Lʼhonneur dʼun capitaine

Réalisation : Pierre Shoendoerffer Année : 1982 Durée : 1h57

Synopsis Lors dʼun débat télévisé sur la guerre dʼAlgérie au début des années quatre-vingts, le professeur Paulet dénonce les méthodes du capitaine Caron, tué au combat en 1957.

La veuve du capitaine, Patricia décide dʼintenter un procès en diffamation à Paulet. Elle est représentée par une amie, la jeune avocate Maître Valouin et par son oncle, bâtonnier. Le professeur Paulet est défendu par Maître Gillard.

Le procès passe au crible les dix-neuf jours de commandement de Caron, dont Paulet prétend quʼils ont commencé par lʼexécution dʼun traître algérien. Les anciens de la compagnie se succèdent à la barre et lʼon apprend que le capitaine nʼest arrivé à la tête du bataillon que le lendemain de lʼexécution, afin de rétablir lʼordre. Dix-huit jours et non dix-neuf jours, souligne lʼavocate Valouin : Caron nʼest donc pas responsable. Lʼattention se porte alors sur une opération menée par Caron lors de laquelle trois fellaghas ont été faits prisonniers et exécutés. Patricia et ses avocats démontrent que lʼexécution est lʼeffet dʼun malentendu. Ne sʼavouant pas vaincu, le professeur Paulet met le capitaine en cause en dénonçant la disparition dʼun villageois proche des fellaghas. Là non plus, la culpabilité de Caron nʼest pas prouvée, et le professeur est finalement condamné pour diffamation. Patricia a sauvé « lʼhonneur dʼun capitaine », mais les dernières images du film viennent nuancer tout cela.

La guerre dʼAlgérie

Dossier pédagogique préparé par Joëlle Saunière, membre de Mémoire 2000 Le terme officiel du conflit qui opposait lʼAlgérie à la France était, jusquʼau18

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octobre1999 : les « événements dʼAlgérie ». A cette date, la France a accepté de considérer quʼil sʼagissait bien dʼune « guerre ». La guerre dʼAlgérie est un conflit qui se déroule de 1954 à 1962, essentiellement sur le territoire du département français d'Algérie, avec également des répercussions en France métropolitaine. Elle oppose l'État français à des indépendantistes algériens, principalement réunis sous la bannière du Front de libération nationale (FLN). Cette période de combats armés et d'échanges diplomatiques est désignée en Algérie, et à l'époque par les partisans de l'indépendance, sous le terme de « Révolution algérienne ». L'expression de révolution algérienne peut cependant également englober, dans le vocabulaire du pouvoir algérien, les réformes appliquées dans le pays après l'indépendance de 1962. La guerre d'Algérie, qui est aussi une double guerre civile, entre les communautés d'une part et à l'intérieur des communautés d'autre part, entraîne de graves crises politiques jusqu'en France métropolitaine, avec pour conséquences le retour au pouvoir de Charles de Gaulle et la chute de la Quatrième République, remplacée par la Cinquième République. Après avoir donné du temps à l'armée pour qu'elle utilise tous les moyens à sa disposition pour écraser définitivement l'insurrection, De Gaulle penche finalement pour l'indépendance en tant que seule issue possible au conflit, ce qui conduit une fraction de l'armée française à se rebeller et entrer en opposition ouverte avec le pouvoir. Le conflit débouche, après les Accords d'Évian du 19 mars 1962, sur l'indépendance de l'Algérie, le 5 juillet de la même année, et entraîne l'exode de la population des Européens d'Algérie, dit Pieds-Noirs, ainsi que le massacre de plusieurs dizaines de milliers de musulmans pro-français. Les hommes Lʼenvoi en masse des conscrits (service militaire obligatoire pour les hommes à cette époque) pour participer à la dernière guerre coloniale, sʼest soldé par : 30 000 morts français 300 000 morts algériens Le premier contingent de 1954 était de 100 000 hommes appelés et rappelés. Fin 1956 : 355 000 hommes 1958 : 380 000 hommes.

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Au total, on estime à près de 2 millions, le nombre de soldats métropolitains appelés en Algérie de 1954 à 1962.1 La torture La torture est l'imposition volontaire de sévices d'ordre physique ou psychologique qui vise à faire souffrir un individu. Lorsque la torture précède l'exécution d'une condamnation à mort il est plutôt question de supplice, qui rend la mort longue et douloureuse sous forme de châtiment. La torture est aussi un moyen employé pour obtenir des aveux ou terroriser des populations ou des organisations, en ciblant des membres d'un groupe de personnes particulier, afin que les autres restent passifs de peur d'être victimes à leur tour. Les actes de torture produisent le plus souvent des séquelles physiques (ex : mutilations) et psychologiques (ex : traumatismes). Du point de vue du tortionnaire (ou bourreau), qui tient la victime à sa merci, torturer peut répondre à des pulsions sadiques ou simplement s'inscrire dans la soumission à l'autorité (expérience de Milgram) ou encore un simple amusement. La Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée le 10 décembre 1948 par l'ONU, est le premier texte international à déclarer illégale la torture, dans son article 5 : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Les quatre Conventions de Genève adoptées en 1949 et leurs Protocoles additionnels (1977) prohibent la torture (qui ne s'identifie pas, malgré les ressemblances et les zones d'indiscernabilité, à la notion de « peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant »). D'autres textes internationaux ou régionaux l'ont, dans les années suivantes, interdite également. Le premier est la Convention européenne des droits de l'homme, adoptée en 1951 par le Conseil de l'Europe, qui est le premier traité interdisant la torture (article 3). La « gégène » Sorte de dynamo électrique utilisée par les militaires français en Algérie pour extorquer des aveux et des renseignements

                                                                                                               1 Sources : :Jean Peyrot, président de lʼassociation des professeurs dʼhistoire et géographie  

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La torture en Algérie Pendant la guerre d'Algérie, la torture a été pratiquée sur les populations algérienne et française par les forces coloniales (l'armée française, ses supplétifs harkis, l'OAS, les barbouzes, les forces de police et des colons eux-mêmes) dans des proportions qui, selon l'historien Pierre Vidal-Naquet 2 , concerneraient des centaines de milliers d'Algériens3.

Elle a aussi été employée à une moindre échelle et de manière non systématique sur des harkis et des pieds noirs par le FLN et l'ALN . L'ouvrage La Guerre d'Algérie4, sous la direction des historiens Benjamin Stora et Mohammed Harbi, la thèse de doctorat de Raphaëlle Branche5 consacrée à la torture et l'armée durant la guerre d'Algérie ou encore l'ensemble des travaux sur la torture en Algérie de Pierre Vidal-Naquet lʼattestent. La tendance générale consiste à vouloir inventer un faux parallélisme entre les crimes des uns et ceux des autres, comme indiqué dans les sources précitées. La torture policière existait déjà largement en Afrique du Nord avant lʼinsurrection de 1954, comme en témoigne la mise en garde lancée, dès cette date, par l'écrivain François Mauriac. Elle avait été systématiquement utilisée lors de la colonisation du pays, notamment lors de la campagne du général Bugeaud. Elle fut consacrée et institutionnalisée comme arme de guerre par l'armée, qui a reçu tous les pouvoirs, lors de la « bataille d'Alger ». Ce fut en 1957, un « point de non-retour » à cet égard. Toutefois, le passage à une guerre totale et à la systématisation de la torture précède l'année 1957, correspondant, selon la thèse de Raphaëlle Branche, à lʼarrivée à la tête de lʼétat-major dʼAlger du général Raoul Salan en décembre 1956. Une loi d'amnistie a été votée le 31 juillet 1968 et couvre l'ensemble des infractions commises en Algérie. Cette loi prévoit dans son article 1 que “sont amnistiées de plein droit toutes infractions commises en relation avec les événements d'Algérie” et dans son article 2 “sont réputées commises en relation avec la guerre d'Algérie toutes infractions commises par des militaires servant en Algérie”. Cette loi empêche les victimes de poursuivre au pénal, mais théoriquement pas au civil, bien que cette interprétation de la loi ait été remise en cause par divers juristes, dont William Bourdon. Celui-ci estime que cette loi “s'oppose aux principes du droit international selon lesquels l'amnistie ne peut être accordée aux

                                                                                                               2 La Torture dans la République : essai d'histoire et de politique contemporaine (1954-1962), Pierre Vidal-Naquet, 1972. 3 La Raison d'État, Textes publiés par le Comité Audin, La Découverte, 2002. 4 La guerre dʼAlgérie, Benjamin Stora et Mohammed Harbi, Robert Laffont, 2004. 5 La Torture et l’armée pendant la guerre d'Algérie, 1954-1962, Paris, Gallimard, 2001.

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auteurs de violations des droits de l'homme les plus graves tant que les victimes n'ont pas obtenu justice par une voie de recours efficace”.