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REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS FIPF N° 385 JANVIER-FÉVRIER 2013 // DOSSIER // Nahal Tajadod, romancière entre Téhéran et Paris Langue française sans frontières aux Francophonies en Limousin // ÉPOQUE // FranceMobil s’invite dans les écoles allemandes depuis 10 ans Le français langue de spécialité pour l’Europe en Bulgarie // MÉTIER // Adolescences congolaises selon Henri Lopes « Strip-Tease » : la Belgique mise à nu Les Français et le travail entre nécessité et valeurs // MÉMO // 4 fiches pédagogiques dans ce numéro

Le français dans le monde N°385

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Numéro de janvier / février 2013 de la revue Le français dans le monde, revue internationles des professeurs de français

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Page 1: Le français dans le monde N°385

ISSN 0015-9395ISBN 9782090370782

www.fdlm.org

REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAISFIP

F

N° 385 JANVIER-FÉVRIER 2013

// DOSSIER //

Nahal Tajadod, romancière entre Téhéran et Paris

Langue française sansfrontières aux Francophonies en Limousin

// ÉPOQUE //

FranceMobil s’invite dans les écoles allemandesdepuis 10 ans

Le français langue de spécialité pour l’Europe en Bulgarie

// MÉTIER //

Adolescences congolaises selon Henri Lopes « Strip-Tease » : la Belgique mise à nu

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Les Français et le travailentre nécessité et valeurs

// MÉMO //

4 fiches pédagogiques dans ce numéro

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ÉPOQUE6. PortraitNahal Tajadod ou le jeu de la vérité

8. FestivalLangue française sans frontières

10. ÉconomieLa France pousse les feux de la compétitivité

12. Regard« En apprenant, l’enfant se confronte à ses limites »

14. TendanceQu’est-ce qu’on lui offre ?

15. SportLes mille et une voies

16. Portrait de francophoneXinghao Chen, le français en vadrouille

MÉTIER20. L’actu

22. Focus« L’approche historique permet un recul réflexifsur les technologies »

24. Mot à motDites-moi Professeur…

26. ClésLa notion de lexique (1)

28. EnquêteFormation FLE : quel diplôme choisir ?

30. ExpérienceEnseigner le thème de l’Europe en classe delangue

32. Entretien« L’obsession d’être compris par tous »

Le français dans le monde sur Internet : http://www.fdlm.org

Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 2013 1

SommaireMétier / Savoir-faire Les fiches pédagogiques à télécharger

Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français - www.fipf.org, éditée par CLE International – 9 bis, rue Abel–Hovelacque – 75013 Paris Tél. : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax. 33 (0) 1 45 87 43 18 – Service abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax. 33 (0) 1 40 94 22 32 – Directeur de la publication Jean-Pierre Cuq (FIPF) Rédacteur en chef Sébastien Langevin Conseiller de la rédaction Jacques Pécheur (Institut français) Secrétaire de rédaction Clément Balta Relations commerciales Sophie Ferrand Conception graphique miz’enpage - www.mizenpage.com – Commission paritaire : 0417T81661. 52e année. Imprimé par IME, Baume-les-Dames (25110). Comité de rédaction Dominique Abry, Isabelle Gruca, Valérie Drake, Pascale de Schuyter Hualpa, Sébastien Langevin, Chantal Parpette, Manuela Pinto, Nathalie Spanghero-Gaillard. Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de M. Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie : Jean-Marc Berthon (MAEE), Jean-Pierre Cuq (FIPF),Pascale de Schuyter Hualpa (Alliance française), Raymond Gevaert (FIPF), Michèle Jacobs-Hermès (TV5), Xavier North (DGLFLF), Soungalo Ouedraogo (OIF), Jacques Pécheur (Institut français),Nadine Prost (MEN), Fabienne Lallement (FIPF), Vicky Sommet (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).

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Dossier

● Graphe : choisir

● Festival : La langue française

sans frontières

● Économie : La France pousse

les feux de la compétitivité

● Poésie : Avenue du Maine

● Clés : La notion de lexique

● Nouvelle : La cafetière

● Test et jeux

fiches pédagogiques à télécharger sur :www.fdlm.org

numéro 385

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Non, le laboratoire de langues n’est pas mort !

FICHES PÉDAGOGIQUESPages 69 à 76

INTERLUDES4. GrapheChoisir

18. PoésieMax Jacob : « Avenue du Maine »

42. NouvelleThéophile Gautier : « La cafetière »

56. BDComment changer le monde ?

66. Test et jeuxLes superstitions

Les Français et le travailentre nécessité et valeurs

« Les Français placent le travail en tête de leurs valeurs » ..........48Travailler, pour quoi faire ?........................................................50Politiques managériales et inconfort des salariés......................52Mon métier, ma passion............................................................54

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34. Savoir-faireNon, le laboratoire de langues n’est pas mort !

36. ReportageApprendre le français, un jeu d’enfants !

38. InnovationÀ l’écoute du club des professionnels du FLE

40. RessourcesDessine-moi une idée

MÉMO58. À écouter60. À lire64. À voir

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Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 20132

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De nouvelles fiches pédagogiquesComme vous le constaterez dans ce numéro (p. 69 à 76), les fiches pédagogiquesretrouvent une place de choix dans les pages de la revue. Même si des fiches onttoujours été présentes, et le resteront, sur le site fdlm.org, vous en retrouverezdésormais quatre supplémentaires dans chaque numéro. Des séquences péda-gogiques réalisées par des professeurs de français : envoyez-nous vos fiches, ellesseront peut-être publiées dans un prochain numéro du Français dans le monde.La revue étant faite par des professeurs de français pour des professeurs de fran-çais, n’hésitez pas non plus à partager vos expériences en classe et vos trouvaillesdidactiques dans des articles qui prendront place dans la partie « Métier ».Pour nous envoyer ces propositions de fiches ou d’articles (d’une longueurde 6 000 signes, espaces compris), une seule adresse : [email protected].

Les abonnements numériquesVous découvrirez courant janvier 2013 une offre d’abonnement inédite sur lesite fdlm.org : l’abonnement entièrement numérique. Avec cette toute nouvelleformule, vous pourrez consulter et télécharger tous les deux mois votre revue enformat numérique, sur ordinateur ou sur tablette.Deux avantages principaux : un abonnement à prix réduit, et la certitude de re-cevoir votre revue en temps et heure, où que vous soyez dans le monde. Papierou numérique, à vous de choisir votre Français dans le monde.

Bonne année 2013 en français avec Le français dans le monde !Sébastien Langevin - Rédacteur en chef

Le français dans le monde en 2013L’année 2013 qui débute apporte son lot de nouveautés au Français dans le monde.

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interlude //

4 Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 2013

Le « plus » audio surwww.fdlm.orgespace abonnés

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CHOISIR

« Choisis tes ennemis ; mais laisse les amis te choisir. »André Gide, Conseils au jeune écrivain

« Choisir ! c’est l’éclair de l’intelligence. Hésitez-vous?… tout est dit, vous vous trompez. »Honoré de Balzac, L’Illustre Gaudissart

« La vérité, c’est une agonie qui n’en finit pas.La vérité de ce monde, c’est la mort. Il fautchoisir, mourir ou mentir. »Céline, Voyage au bout de la nuit

« On doit choisir entres’écouter parler et se faire entendre. »Frédéric Dard, Les Pensées de San-Antonio

La fiche pédagogiqueà télécharger sur :www.fdlm.org A 2

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5Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 2013

« Choisir le dialogue, celaveut dire aussi éviter lesdeux extrêmes que sont le monologue et la guerre.»Tzvetan Todorov, Nous et les autres

« Les coupables, il vaut mieuxles choisir que les chercher. »Marcel Pagnol, Topaze

« La chance de notre génération,c’est qu’on peut choisir qui on va aimer toute sa vie. Ou toutel’année. Ça dépend des couples. »Faïza Guène, Kiffe kiffe demain

« Le jardinier peut décider de ce qui convient aux carottes, mais nul ne peut choisir le bien des autres à leur place. »Jean-Paul Sartre, Le Diable et le bon Dieu

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Texte par Sophie PatoisPhotos par Stéphane Beaujean

époque // Portrait

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ou le jeu de la vérité

Iranienne d’origine etParisienne d’adoption, Nahal

Tajadod a choisi le moderomanesque pour dénoncer

sans complaisance les abus durégime islamiste. Saisissant

de vérité sur la condition faiteaux femmes en Iran, son

dernier livre, Elle joue, a paru cet automne.

Installée à Paris depuis trente-cinq ans, Nahal Tajadod re-vendique à juste titre unedouble culture. Jusqu’à pré-sent elle navigue entre la ca-

pitale française et Téhéran. « J’ai lachance de pouvoir quitter l’Iran, maisjusqu’à quand ?», s’inquiète-t-elle.Persane et belle, assurément, elleconfie : « Je ne peux pas me départa-ger… Je sais qu’ici on me présentecomme l’Iranienne tandis qu’en Iran,je suis la francophone qui vit en Franceet écrit en français… » Née à Téhéranen 1960, dans une famille franco-phone et érudite (son père a traduitVictor Hugo en persan, sa mère était

une spécialiste de Roumi, le grandpoète perse), Nahal Tajadod suit na-turellement la voie de la connais-sance. En 1977, elle entre aux« langues O’ » à Paris, où elle étudie lechinois. « J’ai reçu une formation aca-démique, souligne-t-elle. J’ai un doc-torat en chinois et j’ai longuement tra-vaillé sur les rapports entre l’Iran et laChine, c’est-à-dire pour résumer surtoutes les religions non chinoises intro-duites en Chine par les Iraniens,comme le zoroastrisme et le mani-chéisme. » Elle publie alors de stu-dieux ouvrages, à l’image de Mani, leBouddha de lumière, catéchisme ma-nichéen chinois, à destination d’unpublic confidentiel. Heureusement, Nahal Tajadodécoute les conseils de sa mère, spé-cialiste des langues préislamiques.Celle-ci l’incite à écrire une biogra-phie de Roumi, très peu connu enFrance. Elle opte pour une version ro-mancée et démarre ainsi, avec la pu-blication en 2004 de Roumi le brûlé

Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 2013

Nahal TajadodNahal Tajadod en 5 dates 25 février 1960 : Naissance à Téhéran(Iran). 1977 : Arrivée à Paris. Institut national deslangues et civilisations orientales (Inalco). 1993 : Traduction avec Mahin Tajadod etJean-Claude Carrière du Livre de Chams de Tabriz, de Mawlânâ Djalal al-Din Rumi.2007 : Passeport à l’iranienne. Reçoit la grande médaille de la francophonie.2012 : Elle joue.

« Je suis convaincue quec’est grâce à l’éducation et aux femmes que l’Iran va s’en sortir. »

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une carrière plus médiatique… Car,à sa grande surprise, La biographieromancée du grand mystique séduitet, traduite en persan, devient un vraibest-seller en Iran ! « Je n’en revenaispas. Là-bas, vous trouvez au moinsdeux cents ouvrages sur Roumi… »

Passeport pour le succèsDans la foulée, l’éditeur Laurent Laf-font lui commande un livre sur l’Irancontemporain. « J’avais pris beaucoupde notes sur les blogs qui devenaient àla mode et qui fleurissaient un peu par-tout. J’avais dans l’esprit d’en faire unlivre. Et puis, lors d’un séjour à Téhé-ran, j’ai eu cette histoire de passeport àrenouveler que je n’arrivais pas à obte-nir, je faisais rire tout le monde en ra-contant mes péripéties et les démêléskafkaïens auxquels j’étais confron-tée… J’ai fini par l’écrire et c’est devenuPasseport à l’iranienne, qui a plu toutde suite à mon éditeur et a conquis lepublic. » Dès lors, libérée du carcan« académique » comme elle dit joli-

ment, la romancière qui sommeillaiten elle s’éveille et saisit avec Deboutsur la terre (publié en 2010), l’his-toire de son pays natal marqué par larévolution de 1979 (arrivée de Kho-meiny et établissement du régime is-lamiste). Sa mère, disparue lors del’écriture de Roumi le brûlé, y figureen première place sous les traits del’héroïne Ensiyeh. Mais témoigner ettransmettre ce qui l’attache à sa terred’origine va bien au-delà d’une af-faire de famille, comme le montreson dernier ouvrage, Elle joue, plusgravement ancré dans l’Iran d’au-jourd’hui. La rencontre avec Golshifteh Fara-hani, comédienne internationale-ment connue, exilée en France, est àl’origine de ce livre. « Elle incarne unegénération qui est née sous la révolu-tion et n’a connu que le régime isla-miste. Je l’ai rencontrée à Paris, elle am’a intriguée. Tout à coup, en plein mi-lieu d’une conversation anodine, elleprononçait une phrase comme “Ma

grand-mère s’est immolée”  ! J’aivoulu en savoir plus et je lui ai proposéde travailler ensemble à partir de sonhistoire. Je ne voulais ni d’une biogra-phie, ni d’un entretien. Je ne savais passi cela fonctionnerait. Je craignaisaussi de nous mettre en danger. »Jouant, comme Sheyda son héroïne(largement inspirée de Golshifteh),avec le réel et l’imaginaire, Nahal Ta-jadod trace non seulement un por-trait de femme peu ordinaire, maissoulève aussi à sa façon le voile detoutes les femmes iraniennes. « Il fautsavoir, s’exclame avec fougue la ro-mancière, qu’il y a 70 % de femmesdans les universités iraniennes. Oncompte seize réalisatrices dans le ci-néma, cinq cents éditrices… À cause dela situation économique, de l’embargoet de la dévaluation de la monnaie, lesfemmes sont obligées de travailler. Jesuis persuadée qu’une femme qui tra-vaille et gagne son argent ne peut pasêtre soumise. Même dans les milieuxtraditionnels, il y a des féministes. Jesuis convaincue que c’est grâce à l’édu-cation et aux femmes que l’Iran va s’ensortir. »

Le jeu de la vérité Plaidoyer pour la liberté de création,pour le jeu, vital et essentiel, de la co-médienne et de l’artiste en général,Elle joue permet à son auteur des’amuser à mettre en perspective

l’Iran de sa jeunesse, vécu en mini-jupe et sans foulard. Et décrit une na-tion qui, malgré la censure, ne peutempêcher la modernité de transpirerà chaque coin de rue. Sans dogmatisme et avec une au-thentique empathie pour ses compa-triotes, Nahal Tajadod offre ainsi unevision véritable de son pays d’origine,sévère mais juste. Un écho plus in-time aussi, entre deux femmes d’unemême trempe, mère et fille liées parune force similaire. « Sheyda pour-tant me rappelle ma mère, écrit NahalTajadod dans le roman. Elle a l’âged’être ma fille, elle pourrait aussi êtrema mère. Son combat est le sien : unefemme dans un monde d’hommes.Jusqu’à l’âge de treize ans, ma mèreétait habillée en soldat, en chef detribu, par décision paternelle. (…)Toute sa vie, elle garda dans son atti-tude une force particulière, une vi-gueur, une virulence qui la différen-ciait de toutes les autres femmes. » Jeu de miroir, transmission, héri-tage ? Nahal Tajadod, par ce récit au-thentique et singulier, se distingue,elle aussi, sans conteste. ■

Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 2013

« Témoigner ettransmettre ce quil’attache à sa terred’origine va bien au-delàd’une histoire de famille. »

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Par Sarah Nuyten

époque // Festival

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sans frontièresLa 29 e édition du festival desFrancophonies en Limousins’est tenue du 27 septembre

au 6 octobre 2012 à Limoges.Dix jours de manifestationsartistiques multiculturelles,

autour d’une thématique : la langue française.

N’était pas loin le tempsoù le quartier grouillaitde vie et d’allégresse… »Sous un petit chapi-teau de style baroque,

plein de couleurs et de miroirs, la lec-ture de Lambeaux d’Anarchipel com-mence. La nouvelle, écrite par le car-diologue et auteur comorienAnssoufouddine Mohamed, parle dela vie des habitants d’Anjouan, auxComores, mais aussi de la maladie.Avec lenteur, une comédienne dé-clame le texte, très littéraire. En fond,une musique tantôt africaine et en-jouée, tantôt angoissante. « Pourquoipenses-tu encore à nous en ces temps desauve-qui-peut collectif ? Va-t’en tou-

bib ! » À la fin de la lecture, l’auteurprend la parole pour répondre auxquestions, devant une petite cinquan-taine de personnes. Beaucoup sontdes habitués des Francophonies.Parmi eux, Christine, ancienne comé-dienne et metteur en scène : « Ces lec-tures, c’est ce que je préfère dans le festi-val, explique-t-elle. On est tout prochede l’écrivain et du comédien, c’est très in-time. Et contrairement à une pièce dethéâtre, une grande place est laissée à

l’imaginaire de chacun. » Pour les au-teurs comme Anssoufouddine aussi,ces lectures sont une source de satis-faction. « Cela donne vie à mes mots. Jetrouve que c’est une forme bien adaptéeaux textes que j’écris, juge l’écrivain co-morien. Plus globalement, participeraux Francophonies en Limousin offreune visibilité à mon travail d’auteur.C’est une chance. »Lectures, pièces de théâtre, débats,spectacles de danse, expositions dephotographies, concerts… Le toutgravitant autour de la question dufrançais. « La langue a toujours été aucœur de ce festival, raconte NadineChausse, responsable de la Maisondes auteurs (voir encadré). La franco-phonie, c’est la richesse d’une langue vi-vante déclinée en langues multiples, une

Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 2013

« La francophonie, c’est la richesse d’une languevivante déclinée en languesmultiples, une langue à plusieurs visages. »

Langue française

Lecture de Lambeauxd’Anarchipel, du ComorienAnssoufouddine Mohamed.

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© Sarah Nuyten

Salia Sanou

La fiche pédagogiqueà télécharger sur :www.fdlm.org B1

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en France, il y a toujours une langue ma-ternelle autre que le français dans lespays qui le parlent. C’est aussi ce frotte-ment entre les langues qui est au cœurdu festival.  » Un partage entre lesidiomes, mais aussi entre les artistes.

« C’est un cadeau »Dans une salle obscure de l’opéra-théâtre de Limoges, cinq danseursavancent par saccades, se déhan-chent, virevoltent. Avec eux surscène, un musicien, une comédienneet un funambule. Et en toile de fond,une image projetée qui évolue, tra-vaillée en direct par un plasticien.L’homme qui a créé et orchestre cespectacle intitulé Au-delà des fron-tières s’appelle Salia Sanou. À la foisdanseur et chorégraphe, il vient duBurkina Faso et c’est un des chou-chous des Francophonies. « Il existeune très belle relation d’amour entre ce

festival et moi, explique-t-il. La plu-part de mes créations sont passés parici, et c’est un vrai cadeau pour l’artisteque je suis. »Dans son dernier spectacle, le choré-graphe cherche à illustrer le conceptde frontière. Frontière physique,mais aussi frontière psychologique :« C’est une séparation nette entre lespays et les gens. Elle est liée à la géo-graphie, mais également aux diffé-rences de cultures, de pays, de couleurde peau. » Pour gommer ces fron-tières, il y a l’art de la scène, commeici, où les genres se mélangent. Et il ya aussi la francophonie : « À Limoges,on décloisonne les territoires, souffleSalia. On se retrouve tous ensemble,d’où qu’on vienne, et on partage. »L’an prochain, les Francophonies fête-ront leurs trente ans. Trente ans de re-gards croisés et d’échanges, désor-mais bien au-delà des mots. ■

Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 2013

Le photographe malgache Pierrot Men devant l'un des clichés de son exposition « 47 portraits d'insurgés ».

Au-delà des frontières, spectacle créé par le Burkinabé Salia Sanou

© Sarah Nuyten

© Marc Ginot © Marc Ginot

Depuis 1988, les Francophonies en Limou-sin accueillent toute l’année des auteurs delangue française en résidence d’écriture.Pour une durée de un à trois mois, ceux-cisont hébergés dans la Maison des auteurs,une bâtisse située en plein centre-ville de Li-moges, dans un jardin qui jouxte les bu-reaux du festival. Cette structure se veut àla fois lieu de résidence, d’initiative et decréation littéraires, mais aussi de repérage.Chaque année, la Maison des auteurs re-çoit un grand nombre de textes, envoyésdes quatre coins du monde. Un comité delecture – composé d’écrivains, de comé-

diens, de metteurs en scène ou encored’universitaires – étudie les projets en jan-vier, mai et octobre, puis opère une sélec-tion. La Maison des auteurs a ainsi vu pas-ser entre ses murs plus de cent-cinquanteauteurs francophones venus d’Afrique,d’Amérique du Nord, du Proche-Orient, d’Eu-rope ou de l’océan Indien. La Maison desauteurs est directement rattachée au festi-val des Francophonies. Elle en est unesource d’inspiration essentielle, mais re-présente aussi un vivier d’auteurs, puisquechaque année, certains des écrivains en ré-sidence participent au festival.

La Maison des auteurs

langue à plusieurs visages, à plusieursodeurs, à plusieurs histoires aussi. Ici,on cherche à l’interroger, à tester ses pos-sibilités et ses limites. » Ainsi, pendantdix jours, sont rassemblés des artistesvenus du monde entier : Québec, Bel-gique, Madagascar, Cameroun,Suisse, Congo, Algérie, Burkina Faso,Togo, Canada ou encore Guinée-Conakry.

Le partage comme maître-mot Côté public, le festival accueille chaqueannée environ 20 000 visiteurs, à Li-moges et dans une quinzaine d’autresvilles et villages de la région. « On a dé-centralisé l’événement, afin que celui-cisoit accessible au plus grand nombre,ex-plique Marie-Agnès Sevestre, la direc-trice du festival. Au départ, il est vraique le festival est intimement lié aux let-

tres, notamment parce que la Maisondes auteurs en est le réacteur nucléaire.Nous proposons des performances trèspointues, comme par exemple les lec-tures, mais il y a aussi des spectacles ac-cessibles au grand public, dans plusieursdomaines artistiques. Le principal, c’estd’avoir une curiosité pour la création ausens large. » Les Francophonies en Limousin visentà être une plateforme d’échange entre

les artistes, le public et surtout leslangues. Car aux yeux de Marie-AgnèsSevestre, la francophonie est « une ma-nière d’entendre les autres langues là oùle français est parlé. » Ainsi, certainsspectacles sont bilingues : « Mis à part

« À Limoges, ondécloisonne les territoires.On se retrouve ensemble,d’où qu’on vienne, et onpartage. »

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époque // économie

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Si l’on en croit l’organisa-tion internationale, le«pacte de compétitivité »rendu public le 6 novem-bre 2012 par le Premier

ministre Jean-Marc Ayrault est une«étape importante » mais encore in-suffisante au regard des mesuresstructurelles jugées nécessaires poursortir de la récession.

Coût du travail et déficitEn gros, il faudrait faire des coupesclaires dans la dépense publique ets’attaquer aux 35 heures. « Même si les

travailleurs sont très productifs enFrance, par heure travaillée, ils ne tra-vaillent pas assez par rapport aux autrespays de l’OCDE ! », estime le chef éco-nomiste de l’OCDE, Pier Carlo Padoan.Car, pour cette institution acquise aulibéralisme économique, la producti-vité est la clé de la compétitivité, dontla perte entraîne une décote écono-mique difficile à rattraper. De fait, onindique de source officielle qu’on tra-vaille en France environ 1 585 heurespar personne et par an pour unemoyenne mondiale de 1 902 heures. En outre, le coût du travail serait bientrop élevé dans l’Hexagone. En avril2012, l’office européen de statistiques

Eurostat a publié une enquête souli-gnant qu’en Allemagne, le coût ho-raire de la main-d’œuvre était de 30,1euros, contre 34,2 euros en France.

Sachant que, entre 2001 et 2011, lecoût horaire s’est accru de 19,4 %outre-Rhin et de 39,2 % en France(voir tableau ci-dessus).

Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 2013

Par Marie-Christine Simonet

« On travaille en Franceenviron 1 585 heures par personne et par anpour une moyenne mon-diale de 1 902 heures. »

© Marijan Murat/dpa/Corbis

22 septembre 2012 : François Hollande et AngelaMerkel lors de la commémoration des 50 ans dutraité de l’Élysée conclu entre la France etl’Allemagne.

La France pousseles feux de la compétitivité

Le gouvernement françaispeut bien donner des gages debonne conduite économique,

ils ne sont pas encoresuffisants. Tel est du moins

l’avis de l’OCDE, qui a épinglé,le 27 novembre dernier, la politique économique

de la France.

© Lemasson/Globepix

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault en visite à l’Institut de recherche technologiqueJules-Verne, près de Nantes, en octobre dernier.

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Nombre de pays africains ont posé les fon-dements d’une croissance durable, es-time l’Intitute of International Finance (IFF).Depuis 2007, la croissance de l’Afriquesud-saharienne est de 4,7 % par an.

Les États-Unis deviendront le 1er produc-teur mondial de pétrole vers 2020, et ex-portateur net de brut vers 2030, suite àl’essor des hydrocarbures non conven-tionnels, prédit l’AIE.

406 milliards de dollars. Tel est le montantattendu par la Banque mondiale des trans-ferts d’argent des migrants vers les paysen développement en 2012. C’est unehausse de 6,5 % sur 2011.

Dubaï va construire un complexe touris-tique et commercial au beau milieu du dé-sert. Il comprendra un hôtel de luxe et unparc d’attraction. Le calendrier n’a pas en-core été précisé.

en bref

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11Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 2013

Un diamant histo-rique exception-nel de 76,02 ca-rats, l’ArchiducJoseph, a battuplusieurs recordsmondiaux de prix. Il a été vendu en no-vembre aux enchères parChristie’s pour 21,47 millions de dollars.

miques et sociaux avec la dernière im-patience... et beaucoup de méfiancepar l’agence de notation. « Le bilanpassé des gouvernements (français,ndlr) depuis vingt ans sur la mise enœuvre effective des mesures est médio-cre », assure-t-elle.La plus emblématique des mesures cen-sées revigorer la compétitivité de laFrance est un crédit d’impôts octroyé aux

entreprises, s’élevant à 10 milliardsd’euros en 2013, puis à 5 milliards cha-cune des deux années suivantes, desorte que le crédit atteindra 20 mil-liards d’euros à partir de 2015. Appli-qué sur les salaires allant de 1 à 2,5Smic (1 425 à 3 562 euros), il repré-senterait alors pour ces rémunérations6 % du coût du travail. Dans la ligne demire gouvernementale, le renouveauindustriel français et une embellie surle front de l’emploi. L’OCDE estime que ce pacte de com-pétitivité va dans le bon sens, maisqu’il n’est qu’un premier pas. Il fautaller plus loin et pour cela, « réformerla fiscalité française en baissant lescharges sociales » préconise l’organi-sation. De même, « la dépense pu-blique doit être réduite ». Si elle confirme la prédiction de crois-sance en 2013 des autorités fran-çaises, soit 0,3 % (avec un taux dechômage de 10,7 % contre 9,9 % en2012), elle juge trop ambitieux lesobjectifs gouvernementaux de ré-duction de 3 % des déficits « dans lescirconstances défavorables actuelles ».L’OCDE prévoit un déficit de 3,4 % duPIB en 2013 et de 2,9 % en 2014. ■

C’est ce qui expliquerait en grande par-tie que, dans un contexte de conjonc-ture mondiale dégradée, la France aitenregistré un déficit extérieur record de73 milliards d’euros en 2011 (2 % duPIB), une croissance faible et une haussedrastique des demandeurs d’emploi.Parallèlement, la part du pays dans lecommerce mondial ne cesse de s’effri-ter depuis le début de la décennie : sesexportations représentaient 6,3 % dutotal mondial en 1990, 4,7 % en 2000et seulement 3,3 % en 2011. À titred’exemple, l’Allemagne a connu uneévolution inverse, avec 8,4 % de partsdu marché global en 2011 (+2% parrapport à 2000). Selon le Trésor fran-çais, le nombre d’entreprises exporta-trices peine à décoller des 90000(données 2010), contre 364000 en Al-lemagne et 184000 en Italie.

Premier pasEt voilà que la note souveraine de laFrance vient d’être dégradée parl’agence de notation Moody’s, de AAAà AA1. Dans ces conditions, c’est peudire que le « pacte de compétitivité »lancé par le gouvernement était at-tendu par tous les acteurs écono-

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Sortie de réces-sionpour la zone euro en 2013 mais avecune croissance au point mort (+ 0,1 %) etun chômage approchant les 12 %, un ni-veau record. La croissance chinoise a étéde 7,5 % en 2012.

© Shutterstock

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Longtemps psychothérapeutheen centre médico-psycho-péda-gogique, Martine Menès est psy-chanalyste, membre de l’Écolede psychanalyse des forums duchamp lacanien.

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époque // Regard

« En apprenant,

La préface de Serge Boimarerecommande votre livre, L’Enfantet le savoir, aux enseignants qui,face à l’échec scolaire, finissentpar douter de leurs compétencespédagogiques. Est-ce pour les enseignants quevous l’avez écrit ?Martine Menès : Plus qu’aux seulsenseignants, le livre s’adresse à tousceux qui travaillent avec des enfantset qui s’intéressent à la question durapport au savoir. Car le débat mé-diatique développé à l’heure actuellecontre la psychanalyse a entraîné ducôté du public une forte méconnais-sance et une grave incompréhen-

sion. Les facteurs qui relèvent de l’in-conscient sont aujourd’hui mis decôté au profit d’approches neurolo-giques ou cognitivistes. On a ten-dance à réduire l’enfant à un ensem-ble de troubles : troubles du compor-tement, dysorthographie, dyslexie,etc. Les méthodes comportementa-listes n’abordent que les points dedifficultés, là où nous regardons lesujet dans sa globalité.

Le sous-titre de votre livre posela question : « D’où vient le désird’apprendre ? »Il n’est donc pas inné ?M. M. : Le désir de savoir vient dudésir tout court, qui, lui, est inné. Lenourrisson vient au monde avec undésir, une appétence à appréhenderce qui l’entoure. Les bébés regardent,attrapent, saisissent le monde. Ledésir de connaître existe d’emblée. Ils’organise peu à peu en désir de sa-voir. L’enfant commence par intério-riser les expériences qu’il vit. Puisvers l’âge de deux-trois ans, il va s’in-téresser à ce qui n’est pas percepti-ble. C’est à cette période qu’il peutcommencer à avoir des peurs – dunoir, de rester seul… Il réalise que la

Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 2013

l’enfant se confronte à ses limites »

« Les facteurs qui relèventde l’inconscient sontaujourd’hui mis de côté au profit d’approchesneurologiques oucognitives. »

Pour aider les élèves endifficulté à l’école,

il faut libérer un désird’apprendre souvent entravé,

nous explique MartineMenès, auteur de

L’Enfant et le savoir.

Propos recueillis par Alice Tillier

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« L’enfant commence à parler sans avoirbesoin d’explication sur le fonctionne-ment de sa langue (la syntaxe), sans enconnaître les règles de fonctionnement(la grammaire) et pas davantage le sensdes mots d’usage qu’il devine peu à peuselon le contexte, dans la répétition deleur apparition et de l’acte qui l’accom-pagne. Il vérifie par essais et erreurs lapertinence des associations qu’il fait.Les mots s’apprennent non commedans une encyclopédie ou un diction-naire, mais dans l’interaction avec lesautres. Ce premier apprentissage par in-tégration est rendu possible parce qu’ilest alimenté par le désir de faire comme

le parent, de maîtriser l’échange, depouvoir demander. L’enfant attrape lemot entendu, l’articule, le reproduit àl’occasion, jusqu’à obtenir la confirma-tion de son sens… ou la révélation de laconfusion qu’il a faite.Ce qui est compris dans l’intimité dufoyer ne le sera pas à l’extérieur. Il fautdonc que le bébé abandonne l’usagemétonymique de la langue, typique desdébuts du langage, mais nécessitant la‘‘traduction’’ des proches pour être com-pris par tout le monde. »

Martine Menès, L’Enfant et le savoir. D’où vient ledésir d’apprendre ?, Seuil, 2012, p. 139-140.

extrait

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vie a un début et donc une fin. Danscette phase « métaphysique », l’en-fant s’interroge sur l’existence, lamort, la sexualité. Cette explosion decuriosité existentielle se termine, à6-7 ans, par ce qu’on appelle à justetitre l’âge de raison, avec une grandepoussée de refoulement, car il estdifficile de vivre si l’on a constam-ment l’angoisse de la mort. Et c’est àcet âge-là que l’école propose l’accèsà des connaissances universelles :

l’enfant s’est suffisamment autono-misé par rapport à ses préoccupa-tions dans sa famille pour pouvoirs’intéresser à autre chose.

Avec, comme préalable à tousces apprentissages, la languematernelle apprise à la maison…M. M. : La langue est en effet le sup-port de tous les apprentissages. Maisen réalité, la langue maternelle nes’apprend pas. L’enfant l’attrape, la langue entre en lui, sous forme desons, et le bébé met ces sons les uns à la suite des autres. Ce qu’on a en-tendu entre 0 et 3 ans constitue un bagage inconscient : certains rêventdans une langue étrangère qu’ilsn’ont jamais apprise, tout simplementparce qu’ils ont eu une nounou quileur a parlé dans cette langue ! L’ap-prentissage de l’écriture permet dansun second temps de découper cettechaîne musicale en mots.

Pourquoi est-il parfois difficiled’apprendre ?M. M : Apprendre suppose de ne passavoir. Il faut accepter un manque,quelque chose de l’ordre de la défail-lance. En apprenant, on se confronteà ses limites. Un certain nombre dejeunes, plus aujourd’hui peut-êtredans un contexte culturel où laconsommation est devenue une va-leur, sont au contraire dans la toute-puissance. Or le désir, l’illusion detoute-puissance va à l’encontre de la

réflexion sur le sens de ce que l’onfait, qui est nécessaire pour fairesiennes les connaissances.

Ce désir de toute-puissance est-ilde plus en plus répandu ?M. M :C’est difficile à dire, la questionne se posait pas en ces termes il y acinquante ans, beaucoup d’enfantss’arrêtaient au certificat d’études.Mais il est vrai que les structures fa-miliales ont été mises à mal, avec cequi soutenait la transmission des in-terdits : la fonction paternelle au senslarge, incluant les maîtres. À la placese sont multipliés les petits maîtres,les grands frères, les gourous detoutes sortes, qui encouragent à toutsauf au sens critique.

Le désir de savoir a-t-ilimpérativement besoin d’êtrestimulé ?M. M. : Bien sûr il faut que l’environ-nement fasse un minimum de propo-sitions. Mais si rien de grave ne viententraver le désir, l’enfant va tout seulvers le savoir. À l’heure actuelle, on atendance à tomber dans un excès : lesenfants sont sur-stimulés, gavés de sa-voir. Pour laisser la place à la nais-sance d’une envie de faire, de créer, ilfaut un peu d’espace pour l’ennui. ■

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« Apprendre suppose de nepas savoir. Il faut accepterun manque, quelque chosede l’ordre de la défaillance.En apprenant, on seconfronte à ses limites. »

Inhibition, angoisse, doute, mais aussipsychose, autisme, paranoïa : autant detroubles qui peuvent se manifester chezles enfants dans le cadre de l’école etqui traduisent des blocages dans l’ap-prentissage. Pour mieux les compren-dre, la psychanalyste Martine Menès in-vite à regarder de plus près la questiondu rapport au savoir et du désir d’ap-prendre, qui s’enracine dans la plus pe-tite enfance : nécessité vitale pour lenourrisson, l’apprentissage se tourne

progressivement vers la sphère intellec-tuelle. À travers de nombreux exemplestirés du vécu de patients qu’elle a ac-compagnés, ainsi que des passages lit-téraires particulièrement éclairants(L’Élégance du hérisson de Muriel Bar-bery, La Pluie d’été de Marguerite Duras),Martine Menès met en relief certains re-noncements au savoir qui peuvent dé-router enseignants ou parents, pourmieux aider les enfants à dépasser leursblocages. ■ A. T.

Comprendre les blocagescompte rendu

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Par Jean-Jacques Paubel

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Qu’est-ce

M ariage, anniver-saire de ma-riage, anniver-saire tout court(surtout les di-

zaines symboliques), méga teufcomme on dit maintenant... difficiled’échapper au cadeau commun.Surtout que le mode d’emploi esttrès simple : un proche envoyé enéclaireur va s’enquérir auprès de la,du ou des récipiendaires de ce quileur ferait plaisir entre la petite es-capade en amoureux, le barbecuesophistiqué, l’intégrale de la Saisonn+1 de la série x, y ou z, sans ou-blier l’objet improbable qui laisserachacun interdit devant ce qu’il ré-vèle d’insondable chez le, la ou lesintéressés… Et voilà, c’est parti : nereste plus qu’à faire circuler l’infor-mation, à récupérer chèques et es-pèces (les cartes de crédit ne sontpas autorisées) et le jour dit à dépo-ser le tout dans une boîte à chaus-sures transformée pour la circons-tance en chalet suisse.Ça c’est pour la version disons artisa-nale du cadeau commun. Car forceest de constater que jouer les collec-teurs de fonds pour un cadeau com-mun est rarement une partie de plai-sir. Relances auprès des donateurs

potentiels, calculs à gogo, récupéra-tion de chèques, pièces et billets,perte de temps voire d’argent sontgénéralement au programme. Or sil’on ouvre aujourd’hui la page deGoogle à l’entrée cadeau commun,on tombe tout de suite sur une sériede sites de Leetchi.com (tout lemonde ne peut pas s’appeler Orangeou Apple) à Bankeez.com en passantpar cadeaucommun.com qui vousoffre facilités, conseils pour, je cite,« collecter de l’argent facilement entoute occasion ». Et au cas où vousmanqueriez d’imagination sur lesoccasions, ces sites ne manquent pasd’en dresser la liste : « anniversaire,cotisations, dons, mariage, nais-sance, pot de départ, vacances » etmême «  cadeau commun  », enquelque sorte le cadeau communpour le cadeau commun… Là, laboucle est bouclée.

Simple et flexibleMais pourquoi cet engouement pourle cadeau commun ? Sur ce point, ilfaut s’en remettre à l’explication del’économiste Todd Kaplan : « Le ca-deau commun présente une séried’avantages : la coordination (vousévitez les doublons), une meilleure in-formation sur ce que souhaite la per-sonne, plus de moyens. Mais ce queveulent les gens en vous donnant un

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époque // Tendance

Au temps du cadeaucommun : commode certesmais peut-être un peu trop

commun…

cadeau, c’est envoyer un signal : à quelpoint ils vous connaissent, la valeurqu’ils accordent à votre relation… »Car il s’agit bien d’une nouvelle éco-nomie qui ne pouvait échapper à In-ternet et au commerce en ligne. Ceque vendent ces sites, c’est de la sou-plesse. « Nous avons voulu proposerune solution très simple et extrême-ment flexible », expliquent RaphaëlCompagnion et Pierre Larivière,créateurs de Bankeez.com. La plate-forme lancée par ces deux ex-finan-ciers de Lehman Brothers permet eneffet de multiples utilisations, depuisle simple remboursement entre par-ticuliers à la cagnotte à financer pourun achat commun en passant par lessouscriptions permettant par exem-ple à une association de collecter descotisations. On est décidément bien loin de la re-cherche attentive qui au bout ducompte, dans l’acte d’offrir, signaitun pacte de reconnaissance et decomplicité partagée. Reste en cestemps de frénésie compulsive propreà la période des fêtes de Noël à mé-diter le conseil – qui est aussi le titrede son livre – de cet autre écono-miste, Joel Waldfogel, «  Why youshouldn’t buy presents for the holi-days », autrement dit : « Pourquoivous ne devriez pas offrir de cadeauxpour les fêtes »… ■

qu’on lui offre ?

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époque // sport

D ans une œuvre de fiction lorsquela fin de l’histoire ne coïncide pasavec la résolution de l’intrigue, cequi est souvent le cas des séries àsuspense, les Anglo-Saxons par-

lent de cliffhanger. Littéralement, ce mot signifie« qui est suspendu à la falaise ». La vie de Patrick Edlinger recoupait cette doubledéfinition. Sa passion de l’escalade libre – le fa-meux « solo », à mains nues et sans matériel nisoutien – le plaçait tout à la fois au bord de l’abîmeet dans une suspension perpétuelle, une quêtetoujours inachevée des sommets. « Ce qui est inté-ressant dans le solo, c’est le fait que ta vie soit en dan-ger, assurait-il. (…) L’escalade ce n’est pas un sport,c’est un mode de vie. J’y trouve tous les besoins qu’onpeut avoir en tant qu’être humain. »En 1982 un court film-documentaire de Jean-PaulJanssen, La Vie au bout des doigts, lui est consacré.Certains ont peut-être encore en mémoire cecorps fin et sculpté, ne tenant qu’à un auriculaireagrippé nonchalamment à la pierre, lien minus-cule entre la montagne et le vide. On découvrealors ce fou grimpant aux allures de baba-cool,sorte de Borg des pitons, bandeau rouge sur cri-nière dorée qui lui vaudra le surnom d’« Angeblond ». Un ange passe, donc.

HagiographieEdlinger est le héros et la voix off du film, égrenantsa philosophie au gré des ascensions. « Ce qui estpour moi le plus important en escalade, c’est aussi lafaçon dont tu passes. L’intérêt c’est d’essayer d’être leplus esthétique, le plus harmonieux possible. C’estune expression corporelle au même titre que ladanse, sauf que la chorégraphie éditée par les prisesest un opéra vertical.  » Formule poétique quiévoque l’un de ses frères de paroi, Patrick Ber-

hault, disparu après une chute en 2004, et inven-teur du concept de « danse-escalade ». Mais Opéravertical est aussi le titre de l’autre réalisation deJanssen qui a participé à forger la légende. « Pa-trick affirmait des valeurs inhabituelles pourl’époque, raconte ce dernier. La beauté de la nature,la joie du risque, l’esprit du vertige. Il n’a fallu queces quelques images pour que le mythe s’installe. »Depuis une chute en 1995, l’escalade n’était plusune activité exclusive. Il avait ouvert un gîte dansle Verdon, non loin de ces falaises calcaires qu’ilavait si intimement hantées. Mais rien n’avait puremplacer l’ivresse des hauteurs. « C’est le bascule-ment des gens de l’extrême lorsqu’ils reviennent surterre. Ils ont vécu des choses tellement pleines, desémotions si pures que l’angoisse de ne plus les revivreest forte », explique Gilles Chapaz, qui préparait unfilm sur la vie du grimpeur.

Une biographie doit également paraître avantl’été. L’auteur, Jean-Michel Asselin, insiste sur lepionner. « C’est grâce à lui qu’aujourd’hui il y a desmilliers de pratiquants. Il a révolutionné l’escaladesur le plan mondial en rendant populaire un sportqui était alors très confidentiel. » Patrick Edlinger aouvert la voie, on ne saurait mieux dire. De multi-ples voies. Happant au passage un flot d’aficiona-dos fascinés par cette soif des grands espaces,cette sérénité vertigineuse à fleur de roche. Autantde points de suspension apportés au cliffhanger. ■

Par Clément Balta

Il devait célébrer les 30 ans de La Vieau bout des doigts, le documentairequi l’a révélé. Le grimpeur PatrickEdlinger est mort le 16 novembredernier, à l’âge de 52 ans.

La Vie au bout des doigts :http://www.youtube.com/watch?v=NDcaPJXQAFEOpéra vertical : http://www.passiongrimpe.com/viewvideo/134/inconnu.html

infos en +

Les mille

« Je souhaite à tous les êtres, quelle quesoit leur activité, de la vivre pleinement enhomme libre », dit P. Edlinger en préface de la bio qui lui est consacrée.

et une voies

© DR

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Texte et photos par Barbara Guicheteau

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Xinghao Chen,Responsable du département

francophone d’une agence de voyage chinoise,

le Shanghaien XinghaoChen a fait du français son

visa pour l’emploi. La Chine, pays de tous lesrecords... Sur ce territoiregrand comme dix-sept foisla France et riche d’unemultitude de dialectes, la

notion de langue étrangère est touterelative. Au quotidien, le ShanghaienXinghao Chen, responsable d’uneagence de voyage, jongle ainsi avecpas moins de quatre langues, domes-tiques et internationales.

Le mandarin tout d’abord (ou pu-tonghua en pinyin1), standard offi-ciel de Fuzhou à Harbin, en passantpar Pékin. Son dialecte natal ensuite,le shanghaien, de rigueur en famille.L’anglais, incontournable pour quitravaille dans le secteur du tourisme.Et enfin, le français, sa botte secrète.Son poste actuel, il le doit en effet àsa maîtrise parfaite de la langue deMolière. En charge de Mosaicvoyages, le département franco-phone de l’agence Shanghai EastTravel, il traite directement avec sesclients expatriés, originaires del’Hexagone, mais aussi de Suisse, deBelgique ou encore du Québec. À l’occasion, il les escorte même enexpédition, à Shanghai, en Chine et

au-delà, dans toute l’Asie. Tibet, Viet-nam, Birmanie, Cambodge… peuimporte la destination. Pour Xin-ghao Chen (Alain de son prénomfrançais), « l’essentiel est de sortir dessentiers battus du tourisme ».

Bagage culturelEn globe-trotter averti, il prend doncsoin d’éviter les lieux communs. Une dé-marche qu’il attribue pour partie à sonséjour en France, de 2001 à 2004. « J’yai découvert le plaisir de voyager, de grat-ter derrière la photo souvenir ». Au pas-sage, il intègre un certain nombre de va-leurs propres aux Français. Un bagageculturel qui lui permet aujourd’hui desaisir rapidement la demande de sesclients, voire d’anticiper leurs besoins.

Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 2013

le français en vadrouille

« Son poste actuel, il le doit à sa maîtriseparfaite de la langue de Molière. »

époque // Portrait de francophone (6/6)

Accompagnant un groupe de Français au Tibet,

devant le palais du Potala, à Lhassa.

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À Shanghai, chacun loue d’ailleursson professionnalisme, légitimé parun partenariat durable avec le Cerclefrancophone, association de réfé-rence de la communauté expatriée.« Chaque nationalité a ses habitudesen voyage », sourit-il. Et en l’occur-rence, « les Français aiment bien pren-dre leur temps, aller au fond deschoses. Pas question de les bousculer ».

Trois ans en FranceEn 2001, quand il débarque à Lyon,Xinghao Chen est loin de se douter dece qui l’attend. La France, il n’enconnaît que les clichés d’usage. « Au-jourd’hui encore, les Chinois l’associentau chic, à l’élégance, au romantisme. »Une réputation séduisante pour unétudiant de 22 ans. D’autant que « lesfrais de scolarité et de logement restentabordables pour un petit budget ».Sa première année, il la consacre àl’apprentissage de la langue au seind’un institut privé. Un mauvais sou-venir : « Nous restions entre Chinois,avec un programme très cadré. » Tropen tout cas pour le jeune homme,qui rêve de sortir de sa commu-nauté. Dont acte la deuxième année.Sur les bancs de l’Alliance française

de Lyon, il rencontre des étudiantsoriginaires du monde entier, décou-vre la culture de son pays d’accueil etaméliore sa pratique du français, no-tamment à l’oral. « Pour un Chinois, lepremier obstacle est la prononciation.Une fois celle-ci acquise, tout roule. »L’écrit lui résiste un peu plus long-temps, pour cause « de règles de conju-gaison et de grammaire parfois com-plexes  ». Ses bêtes noires  ? Sanshésiter, « le subjonctif et les verbes irré-guliers ». En compensation, certainsrituels lui facilitent la tâche : « le di-manche, j’allais faire un tour sur lemarché pour acheter un saucisson etun livre d’occasion », étranger de pré-férence, mais en version française. À force de lecture et de travail, leShanghaien intègre la faculté d’éco-nomie de Lyon II, à la rentrée 2003.Déjà titulaire en Chine d’un bac +4en import-export, il y valide en un anune maîtrise, mention assez bien. Etde confier, rétrospectivement : « Mestrois années passées en France restentles plus riches de ma vie. »

L’aventure touristiqueDe retour en Chine, fin 2004, Xin-ghao Chen souhaite valoriser son ex-

périence lyonnaise en intégrant uneentreprise francophone. Sa premièrecandidature est la bonne : quelquessemaines après ses retrouvailles avecson pays natal, il rejoint l’équipe duSofitel à Shanghai. Mais l’hôtellerie se révèle rapide-ment un peu trop routinière pour lejeune diplômé, avide de décou-

vertes. Une proposition d’uneagence de voyage tombe alors à pic.En 2005, il se lance dans l’aventuretouristique, en tant que spécialistede la langue française. Huit ans plustard, il est toujours fidèle au poste.Les restructurations de la maisonn’ont pas eu raison de sa motivation.Au contraire. Au sein du navire EastTravel, le département francophonejouit aujourd’hui d’une certaine au-tonomie, avec un nom propre – Mo-saic Voyages – et une offre de ser-vices ad hoc. Autonomie justifiée par

le nombre de Français établis àShanghai, près de 16 000 selon uneestimation du consulat général, « cequi en fait la première concentrationde ressortissants en Asie ». En témoin privilégié, Xinghao Chenne se lasse pas d’étudier les mœurs deses contemporains. « Professionnelle-ment, je fais office de trait d’union entreles cultures francophones et asiatiques.C’est un poste d’observation passion-nant  !  » Ce recul lui a permis deconstater l’évolution considérable deses compatriotes : « La Chine changetrès vite. » Trop vite ? « Je me sens chi-nois à 100 % et j’adore mon quotidien àtoute vitesse à Shanghai, mais je n’éludepas le fait de repartir un jour vivre àl’étranger. »De tous les territoires fran-cophones, le Québec a sa préférence,question de « qualité de vie »pour sa fa-mille. Père d’un petit garçon de deuxans, Xinghao Chen aimerait lui ensei-gner le français. Sa femme s’y est déjàmise. Et de faire le vœu suivant : « Quisait, un jour, on parlera peut-être fran-çais en famille ? » ■

Le français dans le monde // n° 385 // janvier-février 2013

1. Le pinyin est le système de transcription des

sinogrammes en caractères latins.

« Professionnellement, je fais office de traitd’union entre les cultures francophones et asiatiques. »