Le Grand Conflit Cosmique

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Le Grand Conflit Cosmique

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  • Ellen White

    Le grand conflit Cosmique

    [2]

    Traduit de l'ouvrage en anglais: The Great Controversy

    Premire dition: 1926

    Rimpressions:

    1. - 1950

    2. - dcembre 1964

    3. - dcembre 1973

    4. - janvier 1975

    5. - janvier 1990

    6. - juin 1992 (20 000 exemplaires)

    7. - aot 2000 (10 000 exemplaires)

    8. - septembre 2006 (3 000 exemplaires)

    Tous droits de reproduction totale

    ou partielle et de traduction rservs.

    ditions Vie et Sant, 1992

    BP 59,77192 Dammarie-ls-Lys Cedex, France

    ISBN: 2-85743-165-1 - ISSN 1158-5080 [3] [4] [5] [6] [7]

    Prface

    Une tragdie des sicles se droule sur notre plante, et cela depuis que celle-ci est habite. Tous les hommes et tous les peuples ont particip

    et participent cette tragdie dont la trame est cache dans tous les vnements relats par lhistoire. Cette grande tragdie, cest le conflit entre la vrit et lerreur, entre la justice et linjustice.

    Malgr la diversit des opinions et des partis, il ny a en ralit dans le monde moral que deux principes, deux armes, deux illustres chefs en

    prsence: le bien et le mal, lEglise de Dieu et le monde, Jsus-Christ et Lucifer.

    A chaque pas des annales de la chrtient, dans tous les pisodes et au cours de tous les conflits quelles rapportent, on voit saffronter ces deux

    principes, ces deux armes, ces deux grands capitaines. Leur prsence se manifeste dans les luttes entre le Trne et lAutel, dans lhistoire des

    guerres [8] de conqute ou de religion, sous les splendeurs ou les turpitudes royales et pontificales. A travers mille piges et mille dtresses, on voit

    reparatre sans cesse, hroque, sainte, pure, lEglise indestructible du Nazaren et de ses premiers aptres. Ainsi, dans cette lutte ardente entre la

    vrit et lerreur, entre le vice et la vertu, se forme peu peu la phalange immortelle des soldats de la Croix.

    Quels seront les prochains dveloppements de ce formidable conflit, et comment y serons-nous personnellement impliqus? Quadviendra-t-il de

    nous lorsque la mort nous jettera dans linconnu redoutable o nous attend le jour du jugement? Selon quelle norme serons -nous jugs, et de quoi

    aurons-nous rendre compte? Pouvons-nous avoir, et quelles conditions, accs une esprance? Cet ouvrage rpond ces questions dont les

    vnements soulignent avec une intensit croissante limportance vitale. Bien que ldition originale de ce livre, intitule The Great Controversy,

    ait t publie aux Etats-Unis la fin du sicle dernier, ses dclarations correspondent dune manire tonnante lactualit. Cet ouvrage, traduit en de nombreuses langues peu aprs sa parution, a t largement diffus dans le monde entier.

    La dtresse de lhumanit, la faillite des religions, le spectre effrayant des rivalits internationales et du suicide universel auquel ils peuvent

    aboutir sont autant de motifs de lire cet ouvrage o brillent, radieuses, la promesse du retour du Christ et lesprance de la vie ternelle sur une

    terre nouvelle o la justice habitera et o il ny aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premires choses auront disparu. Puissent de

    nombreux lecteurs jouir bientt, dans lintimit de leur me, dun avant-got de ce bonheur.

    Les diteurs [9]

  • Introduction

    AVANT le pch, le pre de notre race jouissait d'une communion parfaite avec son Crateur. Mais sa transgression l'a spar de Dieu, et l'humanit tout

    entire est prive de ce prcieux privilge. Nanmoins, grce au plan de la rdemption, les relations entre la terre et le ciel ont pu tre rtablies. Dieu s'est rvl

    aux hommes par son Esprit et a fait resplendir sa lumire sur le monde par l'intermdiaire d'hommes choisis par lui: C'est pousss par le Saint-Esprit que des

    hommes ont parl de la part de Dieu. 2 Pierre 1:21.

    Au cours des vingt-cinq premiers sicles de l'histoire de notre monde, il n'y eut pas de rvlation crite. La lumire de Dieu tait transmise oralement, de

    gnration en gnration. C'est aux jours de Mose que la Parole crite fit son apparition. Les rvlations divines commencrent alors tre consignes dans un

    livre, et ce travail s'est [10] poursuivi durant une priode de seize sicles allant de Mose, historien de la cration et chroniqueur de la lgislation divine, jusqu'

    l'aptre Jean, le narrateur des plus sublimes vrits vangliques.

    La Bible attribue son existence Dieu; et pourtant, elle a t crite par des hommes. En effet, le style de ses diffrents l ivres trahit la personnalit de divers

    crivains. Toutes les vrits qui y sont rvles, quoique inspires de Dieu (2 Timothe 3:16), sont exprimes dans le langage humain. Par le Saint -Esprit,

    l'Etre infini a illumin le coeur de ses serviteurs. Il leur a donn des songes, des visions, des symboles et des images, tout en leur laissant la libert d'exprimer la

    vrit dans leur propre langue.

    Les dix commandements, prononcs par Dieu lui-mme, furent crits de sa propre main. Ils sont donc divins et non humains. Mais la sainte Ecriture, o la

    vrit s'exprime dans le langage des hommes, nous offre une union troite de la divinit et de l'humanit. La mme union s'est retrouve dans la natur e du

    Christ, qui fut la fois Fils de Dieu et Fils de l'homme. On peut donc dire de l'Ecriture comme de Jsus-Christ, qu'elle est la Parole faite chair, et qu'elle a

    habit parmi nous. Jean 1:14.

    Rdigs des poques diffrentes par des hommes de condition sociale, de formation intellectuelle et spirituelle fort divers es, les livres de la Bible prsentent

    de grands contrastes dans le style et la varit des sujets. Les auteurs sacrs diffrent dans leur manire de s'exprimer. Souvent une mme vrit est rendue

    d'une faon plus frappante par l'un que par l'autre. Comme certains d'entre eux envisagent le mme fait ou la mme doctrine d'autres points de vue, des

    lecteurs superficiels ou prvenus peuvent en conclure qu'ils se contredisent alors quepour les esprits rflchis et respectueuxils ne font que se complter.

    Prsente par diffrents auteurs, la vrit apparat sous des aspects varis. Celui-ci est plus spcialement frapp par le ct du sujet se rapportant son

    exprience ou [11] sa capacit de comprhension; celui-l s'attache un aspect tout autre, mais tous les deux, guids par l'Esprit, dcrivent ce qui les a le plus

    impressionnsdiffrence de prsentation mais unit parfaite de toutes les parties, adaptes aux besoins de l'homme dans chaque circonstanc e et exprience

    de la vie.

    Dieu, ayant jug bon de communiquer sa vrit au monde par l'intermdiaire des hommes, a revtu de son Esprit ceux qu'il a choisis cet effet. Il les a dirigs

    dans le choix des sujets et dans la faon de les exposer. Confi des vases de terre, ce trsor n'en est pas moins cleste . Le croyant humble et obissant y

    contemple la gloire de la puissance divine pleine de grce et de vrit.

    C'est par sa Parole que Dieu nous communique les connaissances ncessaires au salut. Nous devons donc l'accepter comme une rvlation infaillible de sa

    volont. Elle est la norme du caractre, le rvlateur de la doctrine et la pierre de touche de l'exprience. Toute Ecriture est inspire de Dieu, et utile pour

    enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli et propre toute bonne oeuvre. 2 Timothe

    3:16, 17. Mais le fait que la volont de Dieu ait t rvle l'homme n'a pas rendu inutile la prsence constante du Saint- Esprit. Au contraire, Jsus a promis

    d'envoyer le Consolateur aux disciples pour leur faire comprendre sa Parole et en graver les enseignements dans leurs coeurs. Et comme le Saint-Esprit est

    l'inspirateur des Ecritures, il est impossible qu'il y ait conflit entre lui et la Parole crite.

    Mais l'Esprit n'est pas donn, et il ne le sera jamais, pour remplacer les Ecritures. Celles-ci dclarent positivement que la Parole est la pierre de touche de tout

    enseignement et de toute vie morale. L'aptre Jean a crit: N'ajoutez pas foi tout esprit; mais prouvez les esprits pour savoir s'ils sont de Dieu, car plusieurs

    faux prophtes sont venus [12] dans le monde. 1 Jean 4:1. Et le prophte Esae: A la loi et au tmoignage! Si l'on ne parle pas ainsi, il n'y aura point d 'aurore pour le peuple. sae 8:20.

    Le Saint-Esprit a t profan par des gens qui, se disant illumins par lui, prtendent pouvoir se passer des Ecritures. Abuss par des impressions qu'ils

    considrent comme la voix de Dieu dans leur me, livrs leurs propres inspirations, privs des directions de la Parole, ils s'garent et se perdent. C'est ainsi

    que le malin triomphe. A l'aide d'extrmistes et de fanatiques, il s'efforce de jeter l'opprobre sur l'oeuvre du Saint-Esprit, et de pousser le peuple de Dieu se

    passer de cette force que le Seigneur lui-mme a mise sa disposition.

    Jsus a laiss ses disciples cette promesse: Le Consolateur, l'Esprit-Saint, que le Pre enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous

    rappellera tout ce que je vous ai dit. Quand le Consolateur sera venu, l'Esprit de vrit, il vous conduira dans toute la vrit... et il vous annoncera les choses

    venir. Jean 14:26; 16:13. La Bible enseigne que, loin d'tre limites aux temps apostoliques, ces promesses appartiennent l'Eglise de Dieu travers tous les

    sicles. Le Sauveur dit en effet ses disciples: Je suis avec vous tous les jours, jusqu' la fin du monde. Matthieu 28:20 . D'autre part, l'aptre Paul affirme que

    les manifestations de l'Esprit ont t donnes l'Eglise pour le perfectionnement des saints, en vue de l'oeuvre du ministre et de l'dification du corps de

    Christ, jusqu' ce que nous soyons tous parvenus l'unit de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, l'tat d'homme fait, la mesure de la stature parfaite

    de Christ. Ephsiens 4:12, 13. Le mme aptre demandait Dieu, en faveur des croyants d'Ephse, de leur donner un esprit de sagesse et de rvlation, dans sa connaissance, et

    dilluminer les yeux de leur coeur, pour qu'ils sachent quelle est l'esprance qui s'attache son appel..., et quelle est envers nous qui croyons [13] linfinie

    grandeur de sa puissance, se manifestant avec efficacit par la vertu de sa force. Ephsiens 1: 17-19. Le ministre de l'Esprit illuminant l'intelligence et ouvrant

    le coeur aux vrits de la Parole de Jsus tait la bndiction que Paul rclamait pour l'glise d'Ephse.

    Aprs la manifestation du Saint-Esprit, au jour de la Pentecte, l'aptre Pierre exhorta la foule se convertir et tre baptise au nom de Jsus- Christ pour

    le pardon des pchs. Et il ajouta: Vous recevrez le don du Saint-Esprit. Car la promesse est pour vous, pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, en

    aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera. Actes des Aptres 2:38, 39.

    En rapport immdiat avec les scnes du grand jour de Dieu, le Seigneur promettait, par le prophte Jol, une manifestation spciale du Saint-Esprit. Jol

    2:28. Cette prophtie, partiellement accomplie le jour de la Pentecte, ne le sera pleinement qu'au moment o la grce divine mettra fin au mandat vanglique.

    L'intensit du grand conflit entre le bien et le mal augmentera jusqu' la fin. De tout temps, la colre de Satan s'est dchane contre l'Eglise du Christ. Mais

    Dieu a rpandu sa grce et son Esprit sur les croyants pour les affermir et leur permettre de triompher des embches du Malin. A mesure que l'Eglise approche

    de sa dlivrance, Satan travaille avec plus de puissance. Car le diable est descendu vers vous, anim d'une grande colre, s achant qu'il a peu de temps.

    Apocalypse 12:12. Il oprera avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers. 2 Thessaloniciens 2:9. Depuis six mille ans, cet tre

    prodigieusement intelligent, autrefois le plus minent des anges, s'est consacr tout entier une oeuvre de sduction et de ruine. Toutes les ressources de son

    habilet nfaste, toute sa subtilit, il les mettra en oeuvre dans son dernier assaut contre le peuple de Dieu.

  • C'est en ce temps de pril que les disciples du Christ devront avertir le monde de son prochain retour, [14] et qu'un peuple devra se prparer tre trouv sans

    tache et irrprhensible. 2 Pierre 3:14. Aussi la grce et la puissance de Dieu ne seront-elles pas moins ncessaires l'Eglise au temps de la fin qu'aux jours

    apostoliques.

    Grce l'illumination du Saint-Esprit, les scnes du conflit sculaire entre le bien et le mal m'ont t prsentes. A diverses reprises, il m'a t donn de

    contempler les pripties de la joute formidable entre Jsus-Christ, le Prince de la vie, l'auteur de notre salut, et Satan, le prince du mal, l'auteur du pch, le

    premier transgresseur de la loi divine. L'inimiti qu'il nourrit contre le Fils de Dieu, il la manifeste contre ses disciples. A travers toute l'histoire de l'humanit,

    nous trouvons chez lui la mme haine des principes de la loi de Dieu, la mme politique mensongre par laquelle l'erreur se prsente sous les couleurs de la

    vrit, les lois humaines sous le manteau de la loi de Dieu, et le culte de la crature sous celui du Crateur. De sicle en sicle Satan s'efforce de dnaturer le

    caractre de Dieu, afin de le faire redouter et har plutt qu'aimer, de discrditer la loi divine et d'annuler son autorit sur les coeurs, et, enfin, de perscuter

    ceux qui osent rsister ses impostures. Ses agissements sont visibles dans l'histoire des patriarches, des prophtes, des aptres, des mar tyrs et des

    rformateurs.

    Cet ennemi redoutable continuera employer la mme tactique au cours du conflit final. Il manifestera le mme esprit et visera le mme but que dans tous les

    sicles prcdents, cette diffrence prs que la lutte prochaine acquerra une intensit qu'elle n'a jamais eue auparavant, et que les piges de Satan seront plus

    subtils et ses assauts plus furieux. Cela dans l'intention de sduire les lus, s'il tait possible. Marc 13:22.

    L'Esprit de Dieu qui m'a rvl les grandes vrits de sa Parole, et les scnes du pass et de l'avenir, m'a ordonn de les faire connatre d'autres en leur

    racontant l'histoire de la grande tragdie des sicles, de faon montrer l'importance de la mle qui s'approche grands [15] pas. Dans cette intention, je me

    suis efforce de choisir et de grouper les pisodes de l'histoire de l'Eglise les plus propres mettre en relief les grandes vrits qui ont t donnes au monde

    diffrentes poques. J'ai montr comment ces vrits ont dchan la colre de l'Adversaire et l'inimiti d'une Eglise mondanise, mais aussi comment elles ont

    t conserves par le tmoignage de ceux qui n'ont pas aim leur vie jusqu' craindre la mort.

    Ces rcits sont comme un prsage de la lutte qui est devant nous. En les considrant la lumire de la Parole de Dieu et par l'illumination du Saint- Esprit,

    on voit tomber le voile qui cache les piges de l'ennemi, et l'on discerne les dangers qu'il faudra viter pour tre trouv sans tache la venue du Seigneur.

    Les grands vnements qui ont marqu les progrs de la rforme pendant les sicles passs relvent de l'histoire; ils sont si universellement connus et

    admis que nul ne peut contester leur authenticit. J'en ai donn des rcits succincts, en rapport avec l'tendue de ce volume, et en me bornant ce qui est

    strictement ncessaire l'intelligence des faits et l'application des principes. L o les scnes retracer se sont trouves rsumes par quelque historien de

    telle faon qu'elles cadraient avec le plan de cet ouvrage, j'ai cit ses propres paroles et indiqu la source; mais je ne m'y suis pas astreinte d'une faon

    absolue, mes citations n'tant pas donnes comme des preuves, mais simplement en vertu de leurs qualits descriptives. Un usage analogue a t fait des

    crits se rapportant l'oeuvre de la rforme notre poque.

    L'objet de cet ouvrage n'est pas tant de prsenter des vrits nouvelles concernant les luttes du pass que d'en dgager les faits et les principes qui ont une

    porte sur les vnements prochains. Considrs comme faisant partie du grand conflit entre la puissance de la lumire et celle des tnbres, tous ces

    vnements acquirent une signification nouvelle. Il s'en dgage un faisceau de lumire [16] qui, dirig sur l'avenir, illumine le sentier des enfants de Dieu

    appelscomme les rformateurs des sicles passs faire connatre la Parole de Dieu et le tmoignage de Jsus-Christ, au pril de ce qu'ils ont de plus

    prcieux ici-bas.

    Rappeler les scnes de la lutte millnaire entre la vrit et l'erreur; dmasquer les piges de Satan et rvler les moyens mis notre disposition pour y

    chapper; offrir une solution satisfaisante au grand problme du mal en projetant sur l'origine et la fin du pch une lumire qui fasse clater la justice et l'amour

    de Dieu dans toutes ses voies l'gard de ses cratures; enfin, mettre en vidence la saintet et l'immutabilit de la loi divine, tel est l'objet de ce livre. La prire

    fervente de l'auteur est que, par ce moyen, bien des lecteurs soient dlivrs de la puissance des tnbres et rendus participants de l'hritage des saints dans la lumire, la louange de celui qui nous a aims et s'est donn lui-mme pour nous.

    Lauteur

    [17]

  • 1 La destruction de Jrusalem

    C'ETAIT au temps de la Pque. De tous les pays environnants, les enfants de Jacob taient accourus dans la ville sainte pour participer leur grande fte

    nationale. Du haut de la colline des Oliviers, Jsus contemplait Jrusalem. C'tait une scne de paix et de beaut. Entours de vignes, de jardins et de gradins

    verdoyants qu'maillaient les tentes des plerins, s'levaient en terrasses les palais somptueux et les imposants remparts de la capitale d'Isral. La fille de Sion

    semblait dire, dans son orgueil: Je suis assise comme une reine, je ne verrai point de deuil. Elle tait alors aussi belle, et elle se croyait aussi sre de la faveur

    divine qu' l'poque o le barde royal chantait: Belle est la colline, joie de toute la terre, ... la ville du grand roi. En face, se dressaient les magnifiques [18] constructions du temple. Sous les rayons du soleil couchant clairant la blancheur neigeuse de ses murailles de marbre, rutilaient les ors des tours, des portes

    et des crneaux. Parfaite en beaut, elle tait l'orgueil de la nation juive. Aucun fils d 'Isral ne pouvait regarder ce tableau sans un frisson de joie et

    d'admiration.

    Mais d'autres penses troublaient le coeur du Matre. Comme il approchait de la ville, Jsus, en la voyant, pleura sur elle. Au milieu de la joie universelle de

    son entre triomphale, tandis que s'agitent autour de lui des branches de palmier, que de joyeux hosannas rveillent les chos des montagnes et que des

    milliers de voix le proclament roi, le Sauveur est soudain envahi d'une douleur mystrieuse. Fils de Dieu, esprance d'Isral, vainqueur de la mort et du

    tombeau, il est saisi, non par un chagrin passager, mais par une douleur si intense que son visage est inond de larmes.

    Jsus ne pleurait pas sur lui-mme, bien qu'il st parfaitement o sa carrire devait aboutir. Il voyait devant lui Gethsman, le lieu de sa prochaine agonie;

    plus loin tait la porte des brebis par laquelle, des sicles durant, des milliers de victimes avaient t menes au sacrific e, et qui allait bientt s'ouvrir pour lui,

    antitype de l'agneau qu'on mne la boucherie. A peu de distance, on distinguait le Calvaire, futur thtre de la crucifixion. Sur le sentier de l' immolation

    expiatoire que Jsus allait bientt fouler, un suaire d'effroyables tnbres l'attendait. Et pourtant, ce n'est pas cett e sombre vision qui le navre cette heure de

    joie universelle. Aucun pressentiment de l'angoisse surhumaine qui l'attend ne vient jeter son ombre sur son esprit dpourvu d'gosme. Jsus pleure sur le sort

    inexorable de Jrusalem; il pleure sur l'aveuglement et l'impnitence de ceux qu'il est venu sauver. [19]

    Plus de mille ans d'histoire se droulaient devant le Sauveur. La faveur et la sollicitude divines dont le peuple lu avait t l'objet repassaient devant ses

    yeux. L, sur la colline de Morija, le jeune Isaac, victime volontaire, emblme des souffrances du Fils de Dieu, s'tait laiss lier sur l'autel. L aussi, l'alliance,

    la glorieuse promesse messianique, avait t confirme au pre des croyants. L encore, la fume du sacrifice offert par David sur l'aire d'Ornan, le Jbusien,

    avait dtourn l'pe de l'ange destructeur. Plus que tout autre lieu sur la terre, Jrusalem avait t honore d'en haut. L'Eternel avait choisi Sion, il l'avait

    dsire pour son sjour. Des sicles durant, les prophtes y avaient fait entendre leurs avertissements. Les sacrificateurs y avaient agit leurs encensoirs, et

    les nuages de l'encens taient monts devant Dieu avec les prires des adorateurs. Chaque jour, le sang des agneaux figurant l'agneau de Dieu y avait t

    vers. Jhovah avait manifest sa puissance dans la nue clatante au-dessus du propitiatoire. L, enfin, l'chelle mystique unissant le ciel la terre, et sur

    laquelle les anges de Dieu montaient et descendaient, avait ouvert aux hommes l'accs au lieu trs saint. Si Isral tait rest fidle son Dieu, Jrusalem et

    subsist toujours. Mais l'histoire de ce peuple favoris entre tous n'avait t qu'une longue srie d'infidlits et d'apostasies. Il avait rsist la grce cleste,

    mconnu et mpris ses privilges.

    Quoique Isral se ft moqu des envoys de Dieu, qu'il et mpris ses paroles et se ft raill de ses prophtes, Jhovah ne s'en tait pas moins manifest lui comme un Dieu misricordieux et compatissant, lent la colre, riche en bont et en fidlit. Maintes fois repousse, la misricorde continuait

    faire entendre ses appels. Dans un amour plus tendre que celui d'un pre [20] pour le fils qu'il chrit, le Dieu de leurs pres avait donn de bonne heure ses

    envoys la mission d'avertir son peuple qu'il voulait pargner. Les appels, les supplications et les rprimandes ayant chou, il leur avait envoy ce qu'il avait de

    plus prcieux au ciel; que dis-je? il leur avait donn le ciel tout entier dans ce seul don!

    C'est lui qui avait transplant d'Egypte en Canaan la vigne d'Isral dont sa main avait cart les nations. Il l'avait entoure d'une haie. Qu'y avait-il encore

    faire ma vigne que je n'aie pas fait pour elle?, s'crie-t-il. Alors qu'elle avait produit seulement des grappes sauvages quand il en attendait des raisins, il tait

    venu elle en personne, esprant encore la sauver de la destruction. Infatigablement, il l'avait laboure, taille, chrie.

    Trois annes durant, le Dieu de gloire avait vcu parmi son peuple, allant de lieu en lieu faisant du bien et gurissant tous ceux qui taient sous l'empire du

    diable, pansant les coeurs meurtris, mettant en libert les captifs, rendant la vue aux aveugles, gurissant les boiteux, purifiant les lpreux, ressuscitant les

    morts et annonant la bonne nouvelle aux pauvres. A tous, sans distinction de classe, il avait adress ce tendre appel: Venez moi, vous tous qui tes fatigus

    et chargs, et je vous donnerai du repos.

    Bien qu'on lui et rendu le mal pour le bien, la haine pour sa bont, il n'en avait pas moins persvr dans sa mission d'amour. Il n'avait repouss aucun de

    ceux qui recherchaient sa grce. Errant et sans abri, repouss et mconnu, il avait vcu pour soulager la souffrance, suppliant les hommes d'accepter le don de

    la vie. Les vagues de la misricorde, repousses par des coeurs obstins, refluaient en ondes d'amour inexprimable. Mais Isral s'tait dtourn de son meilleur

    Ami et de son unique Librateur. Il avait ddaign ses supplications, mpris ses conseils et tourn en drision ses avertissements. [21]

    L'heure de la grce et du pardon s'envolait rapidement; la coupe de la colre de Dieu, si longtemps diffre, tait presque p leine. Les sombres nuages que

    des sicles d'apostasie et de rvolte avaient accumuls, alors gros de menaces, allaient clater sur la nation coupable. Isral rejetait celui qui seul pouvait le

    sauver de la ruine imminente et se prparait le crucifier. Quand le Sauveur sera suspendu au bois, les jours de ce peuple f avoris de Dieu seront rvolus. La

    perte d'une me est une calamit qui clipse tous les gains et les trsors du monde. En contemplant Jrusalem, le Sauveur voit la perte d'une ville, d'une nation

    tout entire; et quelle ville, quelle nation! Celle qui a t l'lue de Dieu, son trsor particulier!

    Les prophtes s'taient laments sur l'apostasie d'Isral et sur les terribles calamits que ses pchs lui prparaient. Jrmie avait souhait que ses yeux

    fussent changs en une source de larmes pour pleurer nuit et jour les morts de la fille de son peuple, ainsi que le troupeau de l'Eternel, emmen en captivit.

    Aussi quel devait tre le chagrin de celui dont le regard prophtiqueembrassant non seulement les annes, mais les sicles contemplait l'pe de l'ange

    destructeur dgaine contre une ville qui avait t si longtemps la demeure de Jhovah!

    Du haut de la colline des Oliviers, du lieu mme que devaient occuper plus tard les armes de Titus, Jsus, les yeux voils de larmes, regarde, travers la

    valle, les portiques sacrs du temple. Une vision terrifiante s'offre ses yeux: il voit une arme trangre entourant la muraille de Jrusalem; il peroit le bruit

    sourd des lgions en marche; il entend monter, de la ville assige, les lamentations des femmes et des enfants demandant du pain; il assiste l'incendie de la

    sainte demeure, de ses palais et de ses tours, bientt transforms en monceaux de ruines fumantes. Franchissant les sicles, son regard voit le peuple de

    l'alliance [22] dispers en tous pays comme des paves sur un rivage dsol. Mais dans les chtiments prts fondre sur Jrusalem, il n'aperoit que les

    premires gouttes de la coupe amre qu'elle devra, au jugement final, vider jusqu' la lie. Aussi la compassion divine clate-t-elle en cette exclamation

    douloureuse:

    Si toi aussi, au moins en ce jour qui t'est donn, tu connaissais les choses qui appartiennent ta paix! Mais maintenant el les sont caches tes yeux. Il

    viendra sur toi des jours o tes ennemis t'environneront de tranches, t'enfermeront, et te serreront de toutes parts; ils te dtruiront, toi et tes enfants au milieu

    de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps o tu as t visite... Jrus alem,

    Jrusalem, qui tues les prophtes et qui lapides ceux qui te sont envoys, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses

    poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu! O nation favorise entre toutes, que n'as-tu connu le temps o tu as t visite!

  • J'ai retenu le bras de l'ange de la justice; je t'ai appele la repentance, mais en vain. Ce ne sont pas seulement des serviteurs, des envoys, des prophtes

    que tu as repousss, rejets, c'est le Saint d'Isral, ton Rdempteur. Si tu pris, toi seule en seras responsable. Et vous ne voulez pas venir moi pour avoir la

    vie!

    C'taient aussi les malheurs de toute la famille d'Adam qui arrachaient au Sauveur ce cri amer. En Jrusalem, Jsus voyait le symbole d'un monde endurci,

    incrdule, rebelle, se prcipitant au-devant des jugements de Dieu. Il lisait l'histoire du pch et de la souffrance humaine, crite dans les larmes et le sang.

    Emu d'une compassion infinie pour les affligs et les malheureux, il aurait voulu les en prserver tous. Mais comment pouvait-il arrter le flot des calamits

    dferlant sur le monde quand, alors qu'il tait prt se livrer [23] la mort pour les sauver, si peu d'mes cherchaient en lui leur unique secours?

    La Majest du ciel en larmes! le Fils du Dieu infini courb par la douleur et secou par d'amers sanglots! Ce spectacle, qui provoq ua dans le ciel un

    saisissement gnral, nous rvle la nature odieuse du pch: il nous montre combien est difficile, mme pour le Tout-Puissant, la tche d'arracher le coupable

    la pnalit de la loi divine. Promenant son regard travers les sicles jusqu' la dernire gnration, Jsus voyait le monde plong dans un garement

    analogue celui qui causa la ruine de Jrusalem. Le grand pch des Juifs a t la rjection du Christ; le grand pch du monde chrtien consistera

    repousser la loi de Dieu, base de son gouvernement dans le ciel et sur la terre, et fouler aux pieds ses prceptes. Alors, des millions d'esclaves du pch et

    de Satan seront condamns la seconde mort, pour avoir, dans un aveuglement inconcevable, mconnu le jour de leur visitation!

    Deux jours avant la Pque, aprs avoir dnonc l'hypocrisie des pharisiens, Jsus, sortant du temple pour la dernire fois, s e retira de nouveau avec ses

    disciples sur le mont des Oliviers. Assis avec eux sur les pentes herbeuses dominant la cit, il contemplait une fois encore ses murailles, ses tours, ses palais.

    Une fois encore, il voyait l'clatante splendeur du temple couronnant, tel un diadme, la colline sacre.

    Mille ans auparavant, le psalmiste avait clbr la faveur que Dieu avait accorde Isral en lisant domicile dans sa sainte demeure: Sa tente est Salem,

    et sa demeure Sion. Il prfra la tribu de Juda, la montagne de Sion qu'il aimait. Et il btit son sanctuaire comme les lieux levs. Le premier temple avait t construit au cours de la priode la plus prospre de l'histoire d'Isral. David avait runi d'immenses trsors son intention. Dieu en avait inspir les plans;

    Salomon, le plus sage des rois [24] d'Isral, avait prsid son rection. Ce temple tait l'difice le plus magnifique que le monde ait jamais vu. Et pourtant,

    parlant du second temple, par le prophte Agge, Dieu avait fait cette dclarat ion: La gloire de cette dernire maison sera plus grande que celle de la

    premire. Je ferai trembler toutes les nations et le dsir de toutes les nations arrivera, et je remplirai cette maison de gloire, dit l'Eternel des armes.

    Dtruit par Nebucadnetsar, le temple de Salomon avait t reconstruit quelque cinq cents ans avant Jsus-Christ, aprs une captivit qui avait dur une vie

    d'homme. Le peuple tait rentr dans un pays dvast et presque dsert. Les vieillards qui avaient yu la gloire du temple de Salomon pleurrent la vue des

    fondations du second temple si infrieures celles du premier. Le sentiment gnral tait rendu par ces paroles du prophte: Quel est parmi vous le survivant

    qui ait vu cette maison dans sa gloire premire? Et comment la voyez-vous maintenant? Telle quelle est, ne parait-elle pas comme rien vos yeux? Puis il

    nonait la promesse selon laquelle la gloire de ce temple serait plus grande encore que celle du premier.

    En effet, le second temple n'avait pas gal le premier en magnificence. Il n'avait pas t consacr, comme le premier, par les signes visibles de la prsence

    divine. Son inauguration n'avait t marque d'aucune manifestation surnaturelle. Aucune nue de gloire n'avait envahi le nouveau sanctuaire. Le feu du ciel

    n'tait pas descendu sur l'autel pour consumer le sacrifice. La shkinah n'avait plus rsid entre les chrubins du lieu trs saint; l'arche, le propitiatoire et les

    tables du tmoignage avaient disparu, et aucune voix cleste ne rpondait plus aux sacrificateurs qui consultaient Dieu.

    Durant des sicles, les Juifs s'taient vainement efforcs de dmontrer comment la promesse de Dieu, faite par le prophte Agge, s'tait ralise. L'orgueil

    et [25] l'incrdulit les aveuglaient sur le sens vritable des paroles du voyant. Ce qui honora le second temple, ce ne fut pas la nue glorieuse de Jhovah,

    mais la prsence personnelle de celui en qui habitait corporellement toute la plnitude de la divinit, c'tait Dieu manifest en chair. C'est quand le Nazaren

    avait enseign et guri dans ses parvis sacrs, que le dsir de toutes les nations tait entr dans son temple. C'est par la prsence de Jsus et par cette

    prsence seule que la gloire du second temple surpassa celle du premier. Mais Isral avait ddaign le don du ciel, et, quand l'humble docteur avait franchi le

    seuil de la porte d'or ce jour-l, la gloire avait abandonn le temple tout jamais. Dj ces paroles du Sauveur s'taient accomplies: Voici, votre maison vous

    sera laisse dserte.

    Effars et consterns l'oue des prdictions du Sauveur touchant la destruction du temple, les disciples voulurent comprendre plus parfaitement le sens de

    ses paroles. Pendant quarante ans, les travaux, l'argent, le gnie des architectes, rien n'avait t pargn pour rendre cet difice sa splendeur premire.

    Hrode le Grand y avait consacr les richesses des Romains et celles de la Jude; l'empereur lui-mme l'avait combl de ses dons. Des blocs de marbre blanc

    de dimensions presque fabuleuses, envoys de Rome, faisaient partie de ses murailles. C'est sur ces puissantes structures que les disciplesrunis autour du Matreappelrent son attention en ces termes: Matre, regarde, quelles pierres, et quelles constructions! Jsus rpondit par cett e parole saisissante: Je

    vous le dis en vrit, il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit renverse.

    Pour les disciples, la destruction de Jrusalem ne pouvait s'accomplir que lors de l'inauguration du rgne universel, personnel et glorieux du Messie pour

    punir les [26] Juifs impnitents et briser le joug des Romains. Et comme Jsus leur avait dclar qu'il viendrait une seconde fois, leur pense, la mention de la

    ruine de Jrusalem, se reporta sur cette seconde venue. De l cette triple question qu'ils lui posrent sur la colline des Oliviers: Dis-nous, quand cela arrivera-t-

    il, et quel sera le signe de ton avnement et de la fin du monde?

    Jsus leur donna une esquisse des vnements les plus saillants qui devaient survenir avant la fin des temps. Ces prd ictions, qui ne furent pas alors

    pleinement comprises, taient destines devenir de plus en plus intelligibles au peuple de Dieu mesure que le besoin s'en ferait sentir. L'avenir tait

    misricordieusement voil aux disciples. S'ils avaient alors nettement saisi la porte de ces deux vnements sinistres: le supplice et la mort du Sauveur, ainsi

    que la destruction de Jrusalem et du temple, ils auraient t glacs d'horreur. Or, la prophtie du Matre avait un double s ens: elle annonait la fois la

    destruction de Jrusalem et les terreurs du grand jour final.

    Aux disciples attentifs, Jsus annonce les calamits qui vont fondre sur Isral apostat, en particulier parce qu'il rejette le Messie et qu'il se prpare le

    crucifier. Des signes indiscutables devront annoncer cette catastrophe terrible et soudaine. Aussi le Sauveur donne-t-il ses disciples cet avertissement: C'est

    pourquoi, lorsque vous verrez l'abomination de la dsolation, dont a parl le prophte Daniel, tablie en lieu saintque celui qui lit fasse attention!alors, que

    ceux qui seront en Jude fuient dans les montagnes. Ds que les tendards des Romains se dresseront dans l'enceinte sacre qui s'tend quelque distance

    des murailles de la ville sainte, les chrtiens devront chercher leur salut dans la fuite. Aussitt que les signes paratront, qu'on se trouve dans la Jude ou

    Jrusalem, il faudra partir sans dlai. Celui qui se trouvera au haut de la maison ne devra pas s'aviser d'y rentrer [27] pour emporter ses objets de prix. Ceux qui

    travailleront dans les champs ou les vignes ne devront pas revenir sur leurs pas pour prendre le vtement dpos durant la chaleur du jour. Ceux qui voudront

    chapper la destruction gnrale n'auront pas un instant perdre.

    Sous le rgne d'Hrode, Jrusalem avait t non seulement embellie, mais on y avait construit des murailles, des tours et des forteresses qui, jointes sa

    situation exceptionnelle, l'avaient rendue apparemment imprenable. Celui qui, au temps du Christ, aurait publiquement annonc sa ruine, aurait t pris, comme

    No, pour un alarmiste ou un dtraqu. Or, Jsus avait dit: Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.

    La colre de Dieu s'tait enflamme contre Jrusalem cause de ses pchs. Son incrdulit obstine rendait sa perte invitable. Par le prophte Miche le

    Seigneur avait dclar: Ecoutez donc ceci, chefs de la maison de Jacob, et princes de la maison d'Isral, vous qui avez en horreur la justice, et qui pervertissez tout ce qui est droit, vous qui btissez Sion avec le sang, et Jrusalem avec l'iniquit! Ses chefs jugent pour des prsents, ses sacrificateurs enseignent pour un

    salaire, et ses prophtes prdisent pour de l'argent; et ils osent s'appuyer sur l'Eternel, ils disent: l'Eternel n'est-il pas au milieu de nous? Le malheur ne nous

    atteindra pas.

  • Ces paroles dcrivaient bien la cupidit et la propre justice des habitants de Jrusalem qui professaient s'attacher strictement l'observation des prceptes

    de la loi de Dieu et en transgressaient tous les principes. Ces derniers hassaient celui dont la puret et la saintet dvoilaient leurs projets criminels. Tout en

    reconnaissant son innocence, ils avaient dclar sa mort ncessaire la scurit de la nation. Si nous le laissons faire, tous croiront en lui, et les Romains

    viendront dtruire et notre ville et notre nation. [28] Ils pensaient, en supprimant le Sauveur, devenir un peuple fort et uni. Ils partageaient ainsi le sentiment du

    nouveau sacrificateur qui prfrait qu'un seul homme mourt pour le peuple et que la nation entire ne pril point.

    Ainsi, les chefs de la nation juive btissaient Sion avec le sang, et Jrusalem avec l'iniquit. Cependant, au moment o ils mettaient mort le Sauveur parce qu'il leur rvlait leurs pchs, ils se considraient, dans leur propre justice, comme les favoris du ciel et comptaient que Dieu les dlivrerait de leurs ennemis.

    C'est pourquoi, cause de vous, Sion sera laboure comme un champ, Jrusalem deviendra un monceau de pierres, et la montagne du temple une sommit

    couverte de bois.

    La misricorde de Dieu fut merveilleuse envers ceux qui mprisrent son Evangile et mirent mort son Fils. Pendant quarante ans, le Seigneur diffra

    l'excution des jugements prononcs sur la ville et sur la nation. La parabole du figuier strile reprsente sa manire d'agir envers le peuple juif. Cet ordre avait

    t donn: Coupe-le: pourquoi occupe-t-il la terre inutilement? Mais la bienveillance divine l'pargnait encore. Nombreux taien t, parmi les Juifs, ceux qui

    ignoraient la nature de l'oeuvre du Sauveur. Les enfants n'avaient pas eu l'occasion de recevoir les enseignements que leurs parents avaient mpriss. Par

    l'intermdiaire des aptres, Dieu fit luire sa lumire sur eux. Ils auraient pu se rendre compte de l'accomplissement des prophties non seulement dans la

    naissance et la vie du Christ mais aussi dans sa mort et sa rsurrection. Ils ne furent pas condamns pour les pchs de leurs parents, mais parce que, aprs

    avoir eu connaissance des lumires confies ceux-ci, ils rejetrent celle qui leur avait t communique. Ils avaient ainsi particip aux pchs de leurs

    parents et combl la mesure de leur iniquit.

    La longue patience de Dieu envers Jrusalem semblait confirmer les Juifs dans leur impnitence. Par leur haine et [29] leur cruaut envers les disciples de

    Jsus, ils rejetrent le dernier appel de la misricorde. Aussi Dieu leur retira-t-il sa protection et les abandonna-t-il Satan et ses anges. La nation fut livre

    entre les mains du chef qu'elle s'tait choisi. Les Juifs avaient ddaign la grce de celui qui leur et assur la victoire sur les mauvais penchants qui taient

    devenus leurs matres. Livrs la violence de leurs passions, ils ne raisonnaient plus. Esclaves des emportements d'une fureur aveugle, ces malheureux se

    livraient des actes d'une cruaut satanique. Dans la famille comme dans l'Etat, dans les classes leves comme dans le bas peuple, on ne rencontrait que

    suspicion, envie, haine, discorde et assassinats. Il n'y avait de scurit nulle part. Amis et intimes se trahissaient mutuellement. Les parents tuaient leurs

    enfants, et les enfants tuaient leurs parents. Les chefs n'avaient aucun empire sur eux-mmes.

    Leurs passions indomptes en faisaient des tyrans. Les Juifs avaient accept de faux tmoignages contre le Fils de Dieu, et maintenant leur vie tait

    constamment menace par des dlateurs. Depuis longtemps, ils avaient dit par leurs actes: Eloignez de notre prsence le Saint d'Isral. Leur voeu tait

    accompli. La crainte de Dieu ne les retenait plus. Satan, matre des autorits civiles et religieuses, tait la tte de la nation.

    Parfois, les chefs des factions ennemies s'entendaient pour piller et torturer leurs malheureuses victimes, puis ils en venaient aux mains et s'entr'gorgeaient

    sans misricorde. La saintet mme du temple ne mettait aucun frein leur frocit. Les adorateurs taient mis mort devant l'autel, et le sanctuaire tait

    souill de cadavres. Nanmoins, dans leur prsomption aveugle et blasphmatoire, les instigateurs de cette oeuvre infernale dclaraient hautement qu'ils

    taient sans inquitude sur le sort de Jrusalem, puisqu'elle tait la ville de Dieu. Pour affermir leur autorit, ils subornrent de faux prophtes qui, au moment

    mme o les lgions romaines assigeaient le temple, [30] proclamrent que la dlivrance divine tait imminente. Jusqu' la fin, la foule demeura convaincue

    que Dieu interviendrait pour confondre les Romains. Mais Isral avait mpris la protection du ciel et se trouvait maintenant sans dfense. Malheureuse

    Jrusalem! Dchire par les factions, elle voyait ses rues arroses du sang de ses enfants massacrs par ses propres mains, t andis que des armes ennemies

    abattaient ses fortifications et dcimaient ses hommes de guerre!

    Toutes les prdictions de Jsus relatives la ruine de Jrusalem s'accomplissaient la lettre. Les Juifs voyaient se ralis er cet avertissement: On vous

    mesurera avec la mesure dont vous mesurez.

    Des signes et des miracles, prsages du dsastre, apparurent. Au milieu de la nuit, une lumire surnaturelle brilla sur le temple et sur l'autel. Au coucher du

    soleil, on vit dans les nuages des chariots et des hommes de guerre prts pour la bataille. Des sacrificateurs qui officiaient de nuit dans le sanctuaire furent

    terrifis par des bruits mystrieux. Le sol trembla, et on entendit de nombreuses voix qui disaient: Partons d'ici. A minuit, la porte orientale, si lourde que vingt

    hommes pouvaient peine la faire tourner sur ses gonds, et ferme par de puissantes barres solidement fixes dans des pierres massives, s'ouvrit d'elle-

    mme.

    Sept annes durant, on entendit un homme annoncer dans les rues de Jrusalem les malheurs qui allaient fondre sur la ville. J our et nuit, on l'entendait

    rpter: Voix du ct de l'Orient; voix du ct de l'Occident; voix du ct des quatre vents; voix contre Jrusalem et contre le temple; voix contre les poux et

    les pouses; voix contre le peuple! Cet tre trange fut emprisonn et battu de verges; mais jamais une plainte ne s'chappa de ses lvres. Sa seule rponse

    aux injures et aux mauvais traitements tait: Malheur, malheur Jrusalem! Malheur, malheur ses habitants! Il ne cessa [31] de faire entendre ses

    avertissements que lorsqu'il fut tu au cours du sige qu'il avait annonc.

    Aucun chrtien ne prit dans la ruine de Jrusalem. Les disciples qui avaient t avertis furent attentifs au signe promis: Lorsque vous verrez Jrusalem

    investie par des armes, avait dit Jsus, sachez alors que sa dsolation est proche. Alors, que ceux qui seront en Jude fuient dans les montagnes, que ceux

    qui seront au milieu de Jrusalem en sortent, et que ceux qui seront dans les champs n'entrent pas dans la ville.

    Une arme romaine, place sous la conduite de Cestius Gallus, avait investi Jrusalem. A peine arrive, alors que tout semblait favoriser une attaque

    immdiate, elle levait le sige. Les assigs, dsesprant du succs, parlaient dj de se rendre, quand le gnral romain battit en retraite sans la moindre

    raison apparente. Dieu, dans sa misricorde, dirigeait les vnements pour le bien de son peuple. Le signe promis avait paru, et l'occasion tait donne aux

    chrtiens sur le qui-vive et tous ceux qui le voulaient d'obir l'ordre du Seigneur. Les choses tournrent de telle faon que ni les Juifs, ni les Romains ne

    s'opposrent leur fuite. Voyant que l'arme se retirait, les Juifs, sortant hors des murs de Jrusalem, se prcipitrent sa poursuite, ce qui donna aux

    chrtiens l'occasion de quitter la ville. La campagne, galement, tait en ce moment-l dbarrasse des ennemis qui auraient pu leur barrer la route, tandis que

    les Juifs se trouvaient enferms dans la ville l'occasion de la fte des Tabernacles. Les chrtiens purent donc s'enfuir sans tre molests. Ils se rfugirent en

    Pre, au-del du Jourdain, dans la ville de Pella.

    Les forces juives qui s'taient jetes la poursuite de Cestius attaqurent son arrire-garde avec tant d'imptuosit qu'elle fut menace d'une complte

    destruction; elles rentrrent triomphalement Jrusalem, charges de butin [32] et n'ayant essuy que des pertes lgres. Mais cet apparent succs les servit

    mal. Il leur inspira un esprit de rsistance obstin qui, lorsque Titus en reprit le sige, attira sur la vi lle des maux indescriptibles.

    Jrusalem avait t investie durant la Pque, alors qu'une multitude de Juifs se trouvaient dans ses murs. Distribues avec s agesse, les provisions auraient

    pu suffire des annes durant. Elles furent dtruites par les factions rivales des dfenseurs, et bientt les habitants se trouvrent rduits une horrible famine.

    Plusieurs rongeaient le cuir de leur ceinture, de leurs sandales et de leur bouclier. Une mesure de bl se vendait un talent. Nombre de gens se glissaient, la

    nuit, hors des murailles pour aller chercher quelques plantes sauvages manger. Les uns taient capturs et livrs la tortur e, tandis que ceux qui

    russissaient rentrer dans la ville taient souvent dpouills des provisions qu'ils avaient si chrement obtenues. Les chefs infligeaient les traitements les plus

    inhumains aux personnes qu'ils souponnaient de dtenir quelque aliment. Souvent, bien nourris eux-mmes, ils visaient se faire des rserves pour l'avenir.

    Des milliers prissaient par la famine et par la, peste.

    Les affections naturelles semblaient teintes. Des maris volaient leurs femmes, et des femmes leurs maris. Des enfants arrachaient la nourriture de la bouche

    de leurs vieux parents. La question du prophte: Une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite? reut cette rponse dans l'enceinte de cette ville perdue: Les

    femmes, malgr leur tendresse, font cuire leurs enfants; ils leur servent de nourriture, au milieu du dsastre de la fille de mon peuple. Alors s'accomplit

    galement la prdiction faite quatorze sicles auparavant: La femme d'entre vous la plus dlicate et la plus habitue la mollesse,

  • qui par mollesse et par dlicatesse n'essayait pas de poser terre la plante de son pied, aura un oeil sans piti pour le mari qui repose sur son [33] sein, pour

    son fils et pour sa fille; elle ne leur donnera rien... des enfants qu'elle mettra au monde, car, manquant de tout, elle en f era secrtement sa nourriture au milieu

    de l'angoisse et de la dtresse o te rduira ton ennemi dans tes portes.

    Pour forcer les Juifs se rendre, les Romains tentrent de les terroriser. Les prisonniers qui rsistaient au moment de leur capture taient battus de verges,

    torturs et crucifis sous les murs de la ville. Il en prissait ainsi journellement des centaines, au point que, dans la valle de Josaphat et sur le Calvaire, les

    croix furent bientt si nombreuses qu'on pouvait peine passer entre elles. Ainsi se ralisait la terrible imprcation prononce par les Juifs devant le tribunal de

    Pilate: Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!

    Titus, rempli d'horreur la vue des monceaux de cadavres qui encombraient les valles, et t heureux de mettre un terme ces scnes abominables et

    d'pargner Jrusalem une partie de ses maux. Saisi d'admiration la vue du temple qu'il contemplait du haut de la colline des Oliviers, il dfendit ses

    soldats de porter la main sur cette merveille. Avant de tenter l'assaut de la forteresse, il supplia les chefs des Juifs de ne pas le contraindre souiller de sang le

    sanctuaire et promit que s'ils consentaient aller combattre ailleurs, aucun soldat romain ne profanerait le temple.

    Dans un appel loquent, Josphe, leur compatriote, les supplia de se rendre et d'assurer ainsi leur salut et celui du lieu sacr. A ce dernier mdiateur humain,

    les Juifs rpondirent par des imprcations et des quolibets. Ils avaient ferm l'oreille la voix du Fils de Dieu; maintenant, toutes les supplications ne faisaient

    que les rendre plus obstins rsister jusqu'au bout. Titus ne russit pas sauver le temple. Un plus grand que lui avait dclar qu'il n'en resterait pas pierre

    sur pierre. [34]

    L'aveugle obstination des chefs juifs et les crimes affreux perptrs dans la ville assige excitrent tel point l'horreur et l'indignation des soldats romains

    que Titus finit par se dcider prendre le temple d'assaut, rsolu toutefois le conserver s'il tait possible. Mais ses ordres furent ngligs. Un soir, peine

    s'tait-il retir dans sa tente que les Juifs, sortant du temple, attaqurent les assaillants. Dans la chaleur du combat, un soldat jeta un brandon allum travers

    le portique. Bientt, les salles boises de cdre qui entouraient le temple furent la proie des flammes. Accourant en hte sur les lieux avec ses lgionnaires,

    Titus donna l'ordre de combattre l'incendie. Il ne fut pas obi. Dans leur rage, les soldats passrent au fil de l'pe un gr and nombre de ceux qui s'taient

    rfugis dans le lieu sacr. Le sang coulait comme de l'eau sur les marches du temple. Des milliers de Juifs prirent. Le bruit de la bataille tait domin par des

    voix qui disaient: I-KabodT c'est--dire: la gloire s'en est alle.

    Titus n'avait pas russi apaiser la fureur de la soldatesque. Pntrant avec ses officiers dans l'intrieur de l'difice sacr, il fut merveill de sa splendeur;

    et comme les flammes n'avaient pas encore atteint le lieu saint, tentant un dernier effort pour le sauver, il conjura ses soldats de combattre les progrs de

    l'incendie. Arm de son bton de de commandement, le centenier Liberalis s'effora d'imposer l'obissance. Mais la prsence mme du gnral en chef ne

    parvint pas arrter la rage des Romains contre les Juifs; rien ne put faire entendre raison des hommes aveugls par le carnage et allchs par l'appt du

    pillage. Voyant l'or tinceler de toutes parts, la lumire sinistre des flammes, les soldats s'imaginrent que des trsors incalculables se trouvaient cachs dans

    le sanctuaire. Aveugls par la fume et les flammes, les officiers durent battre en retraite et abandonner le noble difice son sort.

    Spectacle terrifiant pour les Romains, mais combien plus pour les Juifs! Toute la crte de la colline qui dominait la ville flamboyait comme un volcan. Avec le

    fracas du [35] tonnerre, les btiments, l'un aprs l'autre, s'effondraient dans un brasier dvorant. Les toits de cdre ressemblaient des nappes de flammes.

    Les pinacles dors jetaient des reflets embrass. Des tours s'levaient des colonnes de fume et de flammes dont la lueur clairait les collines avoisinantes.

    Dans l'obscurit, des groupes d'assigs, en proie une angoisse mortelle, suivaient les progrs de l'incendie. Sur les murailles et les minences de la haute

    ville, les assigs, certains atterrs, d'autres exasprs, se livraient au dsespoir ou profraient de vaines menaces. Les cris des soldats romains et les

    hurlements des insurgs prissant dans les flammes se mlaient au crpitement de l'incendie, et les chos de la montagne rpercutaient les lamentations du

    peuple mass sur les hauteurs. Des gens demi morts d'inanition rassemblaient ce qu'il leur restait de forces pour faire ent endre une dernire clameur

    d'angoisse et de dsolation.

    A l'intrieur se droulait un spectacle plus terrifiant encore. Hommes et femmes, jeunes et vieux, insurgs et sacrificateurs, combattants et suppliants taient

    massacrs sans misricorde. Et comme le nombre des tus dpassait celui des gorgeurs, les lgionnaires, poursuivant leur oeu vre d'extermination, devaient

    escalader des monceaux de cadavres.

    Le temple dtruit, la ville ne tarda pas tomber tout entire entre les mains des Romains. Les chefs juifs ayant dlaiss leurs tours imprenables, Titus trouva

    celles-ci abandonnes. Aprs les avoir contemples avec tonnement, il dclara que Dieu seul avait pu les lui livrer; ses machines de guerre auraient t

    impuissantes contre elles. La ville et le temple furent rass; l'emplacement du saint lieu fut labour comme un champ. Au c ours du sige et du massacre, plus d'un million de Juifs avaient perdu la vie. Les survivants furent rduits en captivit, vendus comme [36] esclaves, emmens Rome pour orner le triomphe du

    vainqueur, jets aux btes froces dans les arnes, ou disperss dans toutes les parties de la terre.

    En mettant le comble leur endurcissement, les Juifs avaient forg leurs propres chanes. La destruction de leur nation et tous les maux qui suivirent leur

    dispersion ne furent que le fruit de leurs oeuvres. Le prophte l'avait dit: Ce qui cause ta ruine, Isral, c'est que tu as t contre moi, car tu es tomb par ton

    iniquit. Maints auteurs citent les souffrances du peuple juif comme l'accomplissement d'un dcret divin. Par cette erreur, le grand sducteur s'efforce de

    masquer son oeuvre. C'est cause de leur mpris obstin de la misricorde et de l'amour divins que les Juifs s'taient alin la protection du ciel et que Satan

    avait pu les dominer. Les cruauts inoues dont ils se rendirent coupables durant le sige de Jrusalem dmontrent la faon dont Satan traite ceux qui se

    soumettent lui.

    Nous comprenons peu combien nous sommes redevables au Seigneur de la paix et de la protection dont nous jouissons. C'est la puissance de Dieu qui

    prserve l'humanit de tomber entirement entre les mains de Satan. Les dsobissants et les ingrats feraient bien de le remercier de la patience et de la

    misricorde avec lesquelles il tient en chec la cruaut du Malin. C'est lorsqu'on dpasse les bornes de sa longanimit, qu'i l retire sa protection. Ce n'est pas

    Dieu qui excute la sentence qui suit la transgression. Il se borne abandonner eux-mmes les contempteurs de sa grce, qui rcoltent alors la moisson de

    leurs semailles. Tout rayon de lumire rejet, tout avertissement mpris, toute mauvaise passion caresse, en un mot, toute transgression de la loi de Dieu est

    une semence qui porte srement ses fruits. L'Esprit de Dieu finit par abandonner le pcheur impnitent et le laisse dsarm devant ses propres passions,

    comme devant l'inimiti et la malignit de Satan. [37] La destruction de Jrusalem est un avertissement solennel l'adresse de tous ceux qui restent sourds aux

    offres de la grce divine et qui rsistent aux tendres appels de sa misricorde. Jamais on ne vit tmoignage plus dcisif de la haine de Dieu pour le pch, et de

    la certitude du chtiment qui fondra un jour sur les coupables.

    La prophtie du Seigneur touchant Jrusalem doit avoir un autre accomplissement dont ce nfaste vnement n'est qu'une ple image. Dans le triste sort de

    la cit lue, il faut lire ce qui arrivera un monde qui a rejet la misricorde de Dieu et foul aux pieds sa loi. Sombre est le tableau des souf frances dont notre

    terre a t le tmoin au cours de ses longs sicles de crime. A contempler les consquences de la rjection de l'autorit du ciel, le coeur se serre et l'esprit se

    trouble. Mais une scne plus lugubre encore est cache dans l'avenir. La longue procession de tumultes, de conflits, de rvolutions dont les annales du pass

    sont faites est peu de chose en regard des terreurs du jour de Dieu, jour o l'Esprit, renonant son rle protecteur, abandonnera entirement les pcheurs

    l'explosion des passions et de la fureur humaine et diabolique. Alors, comme jamais auparavant, le monde contemplera les rsu ltats du rgne de Satan.

    En ce jour-l, comme lors de la destruction de Jrusalem, le peuple de Dieu, tous ceux qui se trouveront inscrits dans le livre seront dlivrs. Jsus l'a promis: Il reviendra pour prendre les siens avec lui. Toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l'homme venant sur les nues du ciel

    avec puissance et une grande gloire. Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses lus des quatre vents, depuis une extrmit

    des cieux jusqu' l'autre. Alors, ceux qui ne connaissent pas Dieu et ceux qui n'obissent pas l'Evangile seront dtruits par le souffle de s a bouche et

    anantis par l'clat de son avnement. Comme [38] l'ancien Isral, les mchants se dtruisent eux-mmes: ils sont victimes de

  • leur iniquit. Une vie de pch les aura tellement loigns de Dieu et dgrads que la manifestation de sa gloire sera pour eux un feu consumant. Prenons garde de ne pas ngliger l'enseignement contenu dans les paroles du Sauveur. De mme que Jsus avertit ses disciples de la destruction de

    Jrusalem, et que, pour leur permettre d'y chapper, il leur en annona les prsages certains, il a aussi averti le monde de sa destruction. Il nous a donn des

    signes de l'approche de ce grand jour, afin que tous ceux qui le veulent puissent chapper la colre venir. Il y aura, dit Jsus, des signes dans le so leil,

    dans la lune et dans les toiles. Et sur la terre, il y aura de l'angoisse chez les nations qui ne sauront que faire, au bruit de la mer et des flots. Il a voulu que les

    tmoins des signes avant-coureurs de sa venue sachent qu'elle est proche, la porte. Veillez donc: telle est son exhortation. Ceux qui prennent garde cet

    avertissement ne seront pas laisss dans les tnbres pour que ce jour-l les prenne au dpourvu. Mais pour ceux qui ne veillent pas, le jour du Seigneur

    viendra comme un voleur dans la nuit.

    Le monde aujourd'hui n'est pas mieux prpar recevoir le message pour notre temps que les Juifs ne le furent accueillir l'avertissement du Sauveur

    concernant Jrusalem. A quelque moment qu'il survienne, le jour du Seigneur prendra les mchants au dpourvu. La vie suivra s on cours ordinaire; les

    hommes seront absorbs par leurs affaires, par leur commerce et par l'amour de l'argent; les conducteurs de la pense religieuse exalteront les progrs et les

    lumires du sicle, et les masses seront berces dans une fausse scurit. Alors, tel un voleur qui pntre minuit dans une demeure mal garde, une ruine

    soudaine surprendra les inconscients et les impies, et ils n'chapperont point. [39]

  • 2 La perscution aux premiers sicles

    EN rvlant ses disciples le sort de Jrusalem et les scnes de sa seconde venue, Jsus avait aussi prdit les difficults qu'ils allaient devoir affronter

    depuis le jour o il leur serait enlev jusqu' celui de son retour en puissance et en gloire. Du haut de la colline des Oliviers, le Sauveur voyait venir l'orage qui

    allait fondre sur l'Eglise apostolique. Pntrant plus profondment dans l'avenir, il contemplait les temptes cruelles et dvastatrices qui s'abattraient sur ses

    disciples pendant des sicles de tnbres et de perscution. En quelques phrases succinctes mais d'une signification terrible, il prdit l'attitude hostile des

    grands de la terre l'gard de son Eglise. Ses disciples taient appels suivre le sentier sem d'humiliations, d'opprobres et de souffrances que leur Matre

    avait foul. L'inimiti qui avait clat contre le Rdempteur du monde allait se dchaner aussi contre tous ceux qui croiraient en son nom. [40]

    L'histoire de la primitive Eglise tmoigne de l'accomplissement des paroles du Sauveur et montre les puissances de la terre et de l'enfer ligues contre Jsus-

    Christ dans la personne de ses saints. Le paganisme, prvoyant que, si l'Evangile triomphait, ses temples et ses autels seraient renverss, se disposa

    dtruire le christianisme. Les feux de la perscution s'allumrent. Les chrtiens, dpouills de leurs biens et chasss de leurs demeures, soutinrent un grand

    combat au milieu des souffrances. Ils furent appels endurer les moqueries et le fouet, les chanes et la prison. Une multitude d'entre eux scellrent leur

    tmoignage de leur sang. Nobles et esclaves, riches et pauvres, savants et ignorants furent gorgs sans misricorde.

    Ces perscutions, dont l're s'ouvre sous Nron, vers le temps du martyre de saint Paul, se poursuivirent avec plus ou moins d'intensit pendant des sicles.

    Les chrtiens taient rendus responsables des crimes les plus odieux et considrs comme tant la cause des grandes calamits , telles que les famines, les

    pestes et les tremblements de terre. Alors qu'ils taient devenus les objets de la suspicion et de la haine publiques, de faux tmoins, toujours prts, pour un prix

    honteux, dnoncer des innocents, s'levrent contre eux. Les disciples du Christ taient condamns comme rebelles l' empire, comme ennemis de la

    religion, comme nuisibles la socit. Un grand nombre d'entre eux furent livrs aux btes froces ou brls vifs dans les amphithtres. Quelques-uns taient

    crucifis; d'autres, couverts de peaux de btes froces, taient jets dans l'arne et dchirs par des chiens. Ces supplices constituaient souvent l'attraction

    principale des ftes publiques. Des foules immenses, rassembles pour jouir de ces spectacles, saluaient l'agonie des chrtiens par des clats de rire et des

    applaudissements.

    Dans tous les lieux o ils cherchaient refuge, les disciples du Christ taient traqus comme des fauves. Obligs [41] de se cacher dans des endroits dsols

    et solitaires, ils taient dnus de tout, perscuts, maltraitseux dont le monde n'tait pas digneerrants dans les dserts et les montagnes, dans les

    cavernes et les antres de la terre. Les catacombes donnrent asile des milliers d'entre eux. Sous les collines des environs de Rome, de longues galeries

    avaient t creuses dans le roc. Ces tunnels, qui se croisaient en tous sens, s'tendaient sur des kilomtres en dehors de la ville. Dans ces retraites

    souterraines, les disciples du Seigneur enterraient leurs morts et allaient se rfugier quand ils taient suspects et proscrits. Lorsque l'Auteur de la vie viendra

    rveiller ceux qui ont combattu le bon combat, maints martyrs sortiront de ces lugubres cavernes.

    A travers ces cruelles perscutions, les tmoins de Jsus gardrent la foi. Privs de tout confort, sevrs de la lumire du s oleil dans les sombres mais

    hospitalires profondeurs de la terre, ils ne profraient aucune plainte. Par des paroles de patience et d'esprance, ils s'encourageaient mutuellement endurer

    les privations et la souffrance. La perte des biens de la terre ne pouvait les faire renoncer leur foi. Les preuves et les perscutions ne faisaient que les

    rapprocher de la rcompense et du repos ternels.

    Livrs aux tourments, comme autrefois les serviteurs de Dieu, ils n'acceptrent point de dlivrance, afin d'obtenir une meilleure rsurrection. Ils se

    rappelaient la parole du Matre les prvenant que la perscution endure cause de son nom devait tre pour eux un sujet de joie, parce que leur rcompense

    serait grande dans les cieux; car c'est ainsi que les prophtes avaient t perscuts avant eux. Ils se rjouissaient tel point d'tre jugs dignes de souffrir

    pour la vrit que leurs chants de triomphe dominaient le crpitement des flammes, lorsqu'ils taient sur le bcher. Levant les yeux, ils voyaient par la foi Jsus

    et les [42] saints anges qui les contemplaient avec amour et se rjouissaient de leur fermet. Du ciel leur parvenaient ces paroles: Sois fidle jusqu' la mort, et

    je te donnerai la couronne de vie.

    Les efforts de Satan pour dtruire l'Eglise par la violence taient inutiles. Le grand conflit dans lequel prissaient les disciples du Christ ne s'arrtait pas avec

    la vie de ces fidles tmoins tombs leur poste. Apparemment vaincus, ils taient vainqueurs. Les serviteurs de Dieu pouvaient mourir: l'Evangile continuait

    se rpandre, et le nombre de ses adhrents allait en augmentant. Il pntrait mme dans les rgions demeures inaccessibles aux aigles romaines. Un chrtien

    disait un empereur paen: Condamnez-nous, crucifiez-nous, torturez-nous, broyez-nous. Votre injustice est la preuve de notre innocence... Mais vos cruauts

    les plus raffines ne servent de rien: c'est un attrait de plus que vous ajoutez notre religion. Nous croissons en nombre mesure que vous nous moissonnez:

    le sang des chrtiens est une semence.

    Des milliers de tmoins taient incarcrs et mis mort, mais d'autres entraient dans les rangs et prenaient leur place. Quant ceux qui succombaient pour

    leur foi, leur sort tait scell et ils taient mis par Jsus-Christ au nombre des vainqueurs. Ils avaient combattu le bon combat. La couronne de justice leur tait

    rserve pour le retour du Seigneur. La souffrance rapprochait les disciples les uns des autres et de leur Sauveur. L'exemple de leur vie et le tmoignage de

    leur mort plaidaient si bien en faveur de la vrit, qu'au moment o l'on s'y attendait le moins des sujets de Satan abandonnaient son service pour passer sous

    les tendards de Jsus-Christ.

    Pour mieux russir dans sa guerre contre le gouvernement du ciel, Satan songea alors une tactique nouvelle: dresser sa bannire au sein de l'Eglise

    chrtienne, comptant [43] que s'il pouvait sduire les disciples du Christ et attirer sur eux le dplaisir de Dieu, ils deviendraient pour lui une proie facile.

    A partir de ce moment, le grand adversaire entreprit d'obtenir par la ruse ce qu'il n'avait pu s'assurer par la contrainte. La perscut ion cessa et fut remplace

    par l'appt dangereux de la prosprit et des honneurs temporels. Des idoltres furent amens adhrer partiellement la foi chrtienne, tout en rejetant

    certaines vrits essentielles. Ils prtendaient accepter Jsus comme le Fils de Dieu et croire sa mort et sa rsurrection, mais n'avaient pas conscience de

    leur tat de pch, ni de leur besoin de repentance. Prts faire quelques concessions, ils proposrent aux chrtiens d'en faire autant, de faon se rencontrer

    sur le mme terrain.

    L'Eglise courut alors un pril en regard duquel la prison, la torture, le feu et l'pe eussent t des bienfaits. Certains chrtiens demeurrent inbranlables,

    dclarant que tout compromis leur tait impossible. D'autres se montrrent prts cder ou modifier certains points de leur foi dans l'espoir d'amener ces

    nouveaux croyants une conversion complte. Une heure d'angoisse avait sonn pour les fidles disciples de Jsus-Christ.

    Sous le manteau du christianisme, Satan lui-mme pntrait dans l'Eglise pour la corrompre, en dtournant les esprits de la Parole de vrit.

    La plupart des chrtiens consentirent finalement sacrifier la puret de leur foi. Un accord fut conclu entre le christianisme et le paganisme. Les idoltres se

    donnrent pour convertis et membres de l'Eglise, tout en demeurant attachs leurs divinits et en se bornant remplacer les objets de leur culte par les

    images de Jsus, de Marie et des saints. Le levain de l'idoltrie ainsi introduit dans l'Eglise y poursuivit son oeuvre nfaste. De fausses doctrines, des rites

    superstitieux et des crmonies paennes se glissrent dans le credo et dans le culte chrtiens. L'union des fidles et des idoltres corrompit le christianisme, et

    l'Eglise perdit sa puret et sa puissance. [44] Les disciples du Christ ont toujours t partags en deux catgories: ceux qui tudient avec soin la vie du Sauveur, s'efforant de se corriger de leurs

  • dfauts et de se conformer au vrai Modle, et ceux qui ferment les yeux sur les vrits simples et claires qui dvoilent leurs erreurs. Aux jours les meilleurs,

    l'Eglise n'a pas t compose uniquement de membres sincres et intgres. Le Sauveur avait enseign que les gens vivant sciemment dans le pch ne

    devaient pas tre reus dans l'Eglise. Nanmoins, il s'associa des hommes imparfaits, auxquels il donna l'occasion, grce s on exemple et ses

    enseignements, de voir leurs erreurs et de s'en corriger. En dpit de ses dfauts, Judas fut accueilli au nombre des douze aptres. Jsus voulait lui rvler ce

    qui constitue le caractre chrtien, lui montrer ses erreurs et l'amener, avec le secours de la grce divine, purifier son me en obissant la vrit. Mais au

    lieu de marcher dans la lumire qui brillait misricordieusement sur son sentier, Judas se livrait au pch, et s'exposait aux tentations de Satan. Ses dfauts

    prirent de l'ascendant. Livrant son esprit la puissance des tnbres, s'irritant quand il tait repris, il en vint commettre le crime affreux de trahir son Matre.

    C'est aussi de cette manire que, tout en professant la pit, plusieurs caressent quelque pch, et en viennent har ceux qui troublent leur paix en dnonant

    leurs fautes. Ds qu'ils en auront l'occasion, comme Judas, ils trahiront ceux qui ont os les reprendre pour leur bien.

    Les aptres rencontrrent dans l'Eglise des personnes qui, tout en professant la pit, pratiquaient l'iniquit. Ananias et Saphira prtendaient tout sacrifier

    pour Dieu, alors qu'ils gardaient gostement pour eux une partie de leurs biens. L'Esprit de vrit rvla aux aptres le caractre rel de ces faux chrtiens, et

    les jugements divins purifirent l'Eglise d'une souillure. Cette preuve clatante de la prsence dans l'Eglise d'un Esprit scrutateur et divin frappa de terreur les

    hypocrites. Ils se sparrent des croyants dont la vie tait conforme celle de Jsus. Aussi, lorsque les preuves et la perscution fondirent sur l'Eglise, ceux

    qui [45] taient disposs tout sacrifier pour la vrit voulurent tre disciples du Christ. Ainsi, l'Eglise demeura relativement pure tant que dura la perscution.

    Mais lorsque les difficults prirent fin, des convertis moins sincres et moins fervents s'introduisirent dans la communaut chrtienne, et Satan put y prendre

    pied.

    Mais il n'y a pas d'accord possible entre le Prince de la lumire et celui des tnbres, et il ne saurait y en avoir entre leurs disciples. Quand les chrtiens

    consentirent s'unir aux paens moiti convertis, ils entrrent dans une voie qui devait les entraner de plus en plus loin de la vrit. Satan se rjouit d'tre

    parvenu sduire une aussi forte proportion des disciples de Jsus. Et, son ascendant sur leur esprit augmentant, il les incita perscuter ceux qui

    demeuraient fidles. Nul ne savait mieux combattre la vrit que ceux qui en avaient t prcdemment les dfenseurs; aussi c es chrtiens apostats, joignant

    leurs efforts ceux des demi-paens, s'acharnrent-ils contre les vrits chrtiennes essentielles.

    Ceux qui voulaient demeurer fidles durent soutenir une lutte dsespre pour rsister aux sductions et aux abominations qui, sous le dguisement de

    vtements sacerdotaux, avaient pntr dans l'Eglise. Les saintes Ecritures n'tant plus reconnues en tant que norme de la vrit, la doctrine de la libert de

    conscience fut dnonce comme une hrsie, et ses dfenseurs furent has et proscrits.

    Aprs un conflit long et opinitre, les quelques chrtiens rests fidles dcidrent de rompre avec l'Eglise apostate et idoltre. Se rendant compte que, s 'ils

    voulaient se soumettre la volont de Dieu, la sparation devenait une ncessit, ils n'osrent pas tolrer plus longtemps des erreurs qui eussent t fatales

    leur me et eussent mis en danger la foi de leurs descendants. Par amour pour la paix et l'union, ils taient disposs fair e toutes les concessions compatibles

    avec leur fidlit envers Dieu; mais ils estimaient que la paix elle-mme serait trop onreuse s'ils devaient l'acheter au [46] prix de leurs principes. Si l'unit

    devait tre obtenue au dtriment de la vrit et de la justice, ils prfraient la dissidence et mme la guerre!

    Il faudrait, pour le plus grand bien de l'Eglise et du monde, ressusciter dans le coeur du peuple de Dieu les principes qui animaient ces mes intrpides. On

    constate aujourd'hui une indiffrence alarmante au sujet de doctrines qui sont les piliers de la foi chrtienne. Il n'est pas rare d'entendre dire qu'en dfinitive ces

    doctrines n'ont pas une importance capitale. Cette manire de voir a encourag les agents de Satan au point que les fausses thories et les sductions fatales

    du pass, rpudies au pril de leur vie par les fidles, sont maintenant reues favorablement par des milliers de gens qui se rclament du titre de disciples de

    Jsus-Christ.

    Les premiers chrtiens taient rellement un peuple particulier. Leur conduite irrprochable et leur foi inbranlable const ituaient une censure continuelle qui

    troublait la paix des pcheurs. Bien que peu nombreux, sans fortune, sans position officielle et sans titres honorifiques, ils taient la terreur des transgresseurs

    partout o leur caractre et leur foi taient connus. Aussi taient-ils, comme Abel pour Can, un objet de haine. Le mme esprit qui poussa Can tuer son frre

    animait ceux qui, secouant le joug du Saint-Esprit, mettaient mort le peuple de Dieu. C'est ce mme esprit qui poussa les Juifs rejeter le Sauveur et le

    crucifier. La puret et la saintet du caractre du Christ rvlaient leur gosme et leur corruption morale. Depuis cette poque jusqu' maintenant, les fidles

    disciples ont toujours provoqu l'hostilit et l'opposition de ceux qui aiment et suivent la voie du pch.

    Comment donc l'Evangile peut-il tre qualifi de message de paix? Quand Esae prdit la naissance du Messie, il lui donna le titre de Prince de la paix.

    Quand les anges annoncrent aux bergers la naissance de Jsus, ils chantrent au-dessus des plaines de Bethlhem: [47] Gloire Dieu dans les lieux trs

    hauts, et paix sur la terre parmi les hommes qu'il agre! Il y a contradiction apparente entre ces dclarations et la parole du Christ: Je ne suis pas venu

    apporter la paix, mais l'pe. Mais, bien comprises, les deux dclarations concordent parfaitement. L'Evangile est un message de paix. S'il tait reu et suivi, la

    paix, l'harmonie et le bonheur existeraient sur toute la terre. La religion du Christ unit dans une intime fraternit tous ceux qui l'acceptent. Sa mission tait de

    rconcilier les hommes avec Dieu, et, par consquent, les uns avec les autres. Mais la majeure partie de l'humanit est sous l'empire de Satan, le pire ennemi

    de Jsus. Elle se regimbe contre Dieu parce que les principes de l'Evangile sont en opposition avec ses habitudes et ses aspirations. Elle hait la puret qui

    condamne ses pchs et perscute ceux qui proclament la justice et la saintet. L'Evangile est appel une pe parce que les vrits qu'il apporte soulvent l'animosit et l'opposition.

    Le fait que Dieu laisse les mchants perscuter les justes a t un sujet de perplexit pour les chrtiens faibles en la foi. Certains mme sont tents

    d'abandonner leur confiance en Dieu qui permet que les mchants prosprent et que les justes soient victimes de leur despotisme. Comment un Etre juste et

    misricordieux, dont la puissance est infinie, peut-il tolrer pareille injustice, pareille oppression? Cette question ne doit pas nous proccuper. Dieu nous a

    donn des preuves suffisantes de son amour; et, mme si nous ne comprenons pas ses voies, nous n'avons aucune raison de douter de sa bont. Prvoyant

    les tentations auxquelles ses disciples seraient en butte aux jours d'preuves et de tnbres, le Sauveur leur disait: Souvenez-vous de la parole que je vous ai

    dite: Le serviteur n'est pas plus grand que son matre. S'ils m'ont perscut, ils vous perscuteront aussi. La cruaut des mchants a caus Jsus infiniment

    plus de souffrance qu' ses disciples. Ceux qui sont appels [48] subir le martyre ou la torture ne font que marcher sur les traces du Fils de Dieu.

    Le Seigneur ne tarde pas dans l'accomplissement de la promesse. Il n'oublie ni ne nglige ses enfants; mais il permet aux mchants de se dmasquer, afin

    qu'aucun de ceux qui dsirent faire sa volont ne se mprenne leur sujet. D'autre part, si les justes passent par la fournaise de l'affliction, c'est pour s'y

    purifier; c'est pour que leur exemple convainque le monde de la ralit de la foi et de la pit, et pour que leur conduite difiante condamne les impies et les

    incrdules.

    Dieu permet aux mchants de prosprer et de manifester leur inimiti contre lui, afin que chacun reconnaisse, quand ils auront combl la mesure de leur

    iniquit, que leur destruction est un acte de justice et de misricorde. Le jour approche o tous ceux qui ont transgress sa loi et opprim son peuple recevront

    le salaire de leurs oeuvres; o toute cruaut, toute injustice dont les enfants de Dieu auront souffert sera chtie comme si elle avait t faite Jsus-Christ en

    personne.

    Mais une autre question plus importante encore devrait retenir aujourd'hui l'attention des glises. L'aptre Paul dclare que tous ceux qui veulent vivre

    pieusement en Jsus-Christ seront perscuts. Or, la perscution semble sommeiller. Pourquoi? La seule raison qui puisse tre donne, c'est que l'Eglise,

    ayant accept les maximes du monde, ne provoque plus d'opposition. La religion qui prvaut de nos jours n'est pas caractrise par la puret et la saintet qui

    distinguaient les chrtiens au temps du Christ et des aptres. C'est grce ses compromis avec le pch, l'indiffrence l'gard des grandes vrits de la

    Parole de Dieu et l'absence de pit relle, que le christianisme est apparemment si populaire dans le monde. Que l'Eglise rentre en possession de la foi et de

    la puissance des jours apostoliques, alors on verra l'esprit de perscution renatre et les bchers se

  • rallumer. [49]

  • 3 Lapostasie

    DANS sa seconde ptre aux Thessaloniciens, saint Paul prdit une profonde altration de la pit devant aboutir l'tablissement de la puissance papale. Il

    dclare que le Seigneur ne reviendra pas avant que l'apostasie soit arrive ... et qu'on ait vu paratre l'homme du pch, le fils de la perdition, l'adversaire qui

    s'lve au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu ou de ce qu'on adore, jusqu' s'asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui- mme Dieu. L'aptre

    avertissait encore les croyants en ces termes: Le mystre de l'iniquit agit dj. Il voyait alors s'insinuer dans l'Eglise des erreurs qui prparaient le chemin au

    dveloppement de la papaut.

    Peu peu, modestement et en silence d'abord, puis plus ouvertement mesure qu'il prenait des forces et recevait plus de crdit, ce mystre de l'iniquit

    poursuivait son [50] oeuvre d'garement. Presque imperceptiblement, des coutumes paennes pntrrent dans l'Eglise. La tendance aux compromis et aux

    rapprochements avec le monde fut pour un temps tenue en chec par les cruelles perscutions que l'Eglise endura de la part du paganisme. Mais ds que la

    perscution cessa et que le christianisme eut ses entres dans les cours et dans les palais des rois, l'Eglise changea l'humble simplicit du Christ et de ses

    aptres contre la pompe et l'orgueil des prtres et pontifes paens et substitua la Parole de Dieu les thories et les traditions des hommes. La prtendue

    conversion de l'empereur Constantin, au commencement du quatrime sicle, donna lieu de grandes rjouissances, et le monde, affubl des apparences de

    la pit, pntra dans l'Eglise. Ds lors, la situation s'aggrava rapidement. Le paganisme, apparemment vaincu, tait vainqueur. Ses doctrines, ses crmonies

    et ses superstitions se mlrent la foi et au culte des disciples du Christ.

    Un jour, Satan voulut faire un compromis avec le Christ. Il s'approcha du Fils de Dieu dans le dsert de la tentation et lui offrit tous les royaumes du monde et

    leur gloire, la seule condition qu'il reconnt sa suprmatie comme prince des tnbres. Jsus rprimanda le prsomptueux tentateur et l'obligea se retirer.

    Exerant cette mme tentation sur les hommes, Satan a mieux russi. Dsireuse de s'assurer les largesses et les honneurs du monde, l'Eglise se mit solliciter

    l'appui et les faveurs des grands de la terre. Ayant, de ce fait, rejet Jsus-Christ, elle le remplaa par un reprsentant du prince de ce monde: l'vque de

    Rome.

    Une des doctrines fondamentales de l'Eglise romaine enseigne que le pape, investi d'une autorit suprme sur les vques et les pasteurs de toutes les

    parties du monde, est le chef visible de l'Eglise universelle. On est all plus loin encore: on lui a attribu les titres mmes de la divinit. Appel Seigneur Dieu,

    le Pape, et dclar infaillible, [51] il rclame la vnration de tous les hommes. Satan continue d'exiger, par l'intermdiaire de l'Eglise de Rome, l'hommage qu'i l sollicitait de Jsus dans le dsert, et des multitudes sont prtes le lui rendre.

    Mais ceux qui craignent et honorent Dieu accueillent ces prtentions de la mme manire que notre Seigneur a reu les sollicitations de l'Adversaire lorsqu'i l

    lui dit: Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul. Jamais Dieu n'a laiss entendre, dans sa Parole, qu 'il tablirait un homme quelconque la

    tte de son Eglise. La doctrine de la suprmatie papale est diamtralement oppose l'enseignement des Ecritures. Le pape ne peut avoir sur l'Eglise de Dieu

    qu'une autorit usurpe.

    Les romanistes se sont obstins accuser les protestants d'hrsie et leur reprocher de s'tre volontairement spars de la vritable Eglise. C'est sur eux

    que retombent ces accusations. Ce sont eux qui ont renonc la bannire du Christ et se sont dpartis de la foi qui a t t ransmise aux saints une fois pour

    toutes.

    Les saintes Ecritures donnent aux hommes la possibilit de dcouvrir les impostures de Satan et de rsister sa puissance. C'est cette Parole sainte que le

    Sauveur du monde avait oppose ses attaques. A chaque assaut, Jsus avait prsent le bouclier de la vrit ternelle, en disant: Il est crit. Contre chaque

    suggestion de l'Adversaire, il avait cit la sagesse et l'autorit des Ecritures. Le seul moyen dont Satan disposait pour tablir son ascendant sur les hommes et

    pour affermir celui de l'usurpateur papal, tait donc de maintenir le monde dans l'ignorance du saint Livre. Comme la Bible exaltait la souverainet de Dieu et de

    la vrit, elle devait tre cache et supprime. Telle fut la conclusion logique adopte par l'Eglise de Rome. Des sicles durant, la propagation des Ecritures fut

    interdite. On dfendait au peuple de les lire ou de les possder chez soi, [52] tandis que des prlats et des prtres sans principes les interprtaient de manire

    appuyer leurs prtentions. C'est ainsi que le pape en vint tre presque universellement reconnu comme le vicaire de Dieu sur la terre, et investi d'une autorit

    suprme sur l'Eglise et sur l'Etat.

    Le livre dnonciateur de l'erreur mis de ct, Satan pouvait agir sa guise. La prophtie avait dclar que la papaut esprait changer les temps et la loi.

    Elle ne tarda pas entreprendre cette oeuvre. Pour donner aux convertis du paganisme de quoi remplacer le culte des idoles, et faciliter ainsi leur adhsion au

    christianisme, on introduisit graduellement dans l'Eglise le culte des images et des reliques. Cette idoltrie fut dfinitivement reconnue par un concile gnral.

    Pour masquer cette oeuvre sacrilge, Rome s'enhardit jusqu' effacer de la loi de Dieu le second commandement, qui prohibe le culte des images, et, pour

    rtablir le nombre, partager en deux le dixime.

    Les concessions faites au paganisme ouvrirent la voie un nouvel attentat contre l'autorit du ciel. Par l'intermdiaire de conducteurs peu scrupuleux, Satan

    s'attaqua aussi au quatrime commandement. Il s'agissait d'liminer l'ancien sabbat, le jour que Dieu avait bni et sanctifi, et de lui substituer une fte que les

    paens observaient sous le nom de jour vnrable du soleil. Ce transfert ne fut pas tent ouvertement. Dans les premiers sicles, tous les chrtiens observaient le vrai sabbat. Jaloux de la gloire de Dieu, et convaincus de l'immutabilit de sa loi, ils veillaient avec zle sur ses prceptes sacrs. Aussi Satan

    manoeuvrat-il par ses agents avec une grande habilet. Pour attirer l'attention sur le premier jour de la semaine, on commena par en faire une fte en

    l'honneur de la rsurrection de Jsus-Christ. On y clbra des services religieux, tout en le considrant comme un jour de rcration, tandis que le sabbat

    continuait tre observ comme jour de culte. [53]

    Avant la venue de Jsus, Satan, pour prparer la voie ses desseins, avait pouss les Juifs charger le sabbat de restrictions fastidieuses qui faisaient de

    son observation un devoir dsagrable et pnible. Et maintenant, profitant des prventions dont ce jour tait entour, il le qualifiait de rite judaque. Tandis que

    les chrtiens continuaient observer le dimanche comme un jour de joie, il les poussait manifester leur haine du judasme en faisant du sabbat un jour de

    jene, sombre et triste.

    Dans la premire partie du quatrime sicle, un dit de l'empereur Constantin tablit le dimanche comme jour de fte dans toute l'tendue de l'empire

    romain. Le jour du soleil tant rvr par ses sujets paens et honor par les chrtiens, la tactique de Constantin consistait rapprocher les adhrents des

    deux cultes. Les vques, aiguillonns par l'ambition et la soif du pouvoir, le poussrent activement dans cette voie. Ils comprenaient, en effet, que si le mme

    jour tait observ par les chrtiens et les paens, ces derniers seraient incits embrasser extrieurement le christianisme et contribueraient la gloire de

    l'Eglise. Cependant, si beaucoup de chrtiens pieux taient graduellement amens attribuer un certain degr de saintet au dimanche, ils n'en continuaient

    pas moins considrer avec respect le sabbat de l'Eternel et l'observer conformment au quatrime commandement.

    Dtermin rassembler le monde chrtien sous ses tendards et exercer sa puissance par son vicaire, le pontife altier qui se donnait comme le

    reprsentant du Christ, le grand Sducteur n'avait pas encore achev sa tche. C'est par le moyen de paens demi convertis, de prlats ambitieux et de

    chrtiens mondaniss qu'il parvint ses fins. De grands conciles runissaient de temps en temps les dignitaires de l'Eglise de toutes les parties du monde. A

    chaque concile, on rabaissait le jour divinement institu, et l'on levait le dimanche. La fte paenne f init [54] par recevoir les honneurs d'une institution divine.

    Quant au sabbat de la Bible, il fut qualifi de vestige du judasme, et l'anathme fut prononc contre ses observateurs. En dtournant les hommes de la loi de Dieu, le grand apostat avait russi s'lever au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu ou de ce qu'on adore.

  • Il avait os s'attaquer au seul des prceptes divins qui attire incontestablement l'attention de toute l'humanit sur le Dieu vivant et vrai. Le quatrime

    commandement, en appelant Dieu le Crateur des cieux et de la terre, le distingue de tous les faux dieux. Or, c'est titre de mmorial de la cration que le

    septime jour fut sanctifi comme jour de repos pour la famille humaine. Il tait destin rappeler constamment aux hommes que Dieu est la source de leur

    tre, l'objet de leur vnration et de leur culte. Voil pourquoi Satan s'efforce de dtourner l'homme de la fidlit et de l 'obissance qu'il doit Dieu, et dirige ses

    attaques contre le commandement qui proclame Dieu comme Crateur de toutes choses.

    Aujourd'hui, les protestants assurent que la rsurrection du Christ a fait du dimanche le jour de repos des chrtiens. Mais i ls n'tayent cette affirmation

    d'aucune preuve biblique. Jamais Jsus ni ses aptres n'ont fait un pareil honneur ce jour. L'observation du dimanche comme jour de repos a t engendre

    par le mystre de l'iniquit qui avait dj commenc d'agir au temps de saint Paul. O et quand le Seigneur a-t-il adopt cet enfant de la papaut? Quelle

    raison valable peut-on donner en faveur d'un changement que les Ecritures ne sanctionnent pas?

    Au sixime sicle, la papaut tait solidement tablie. Le sige de son