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LE JOURNAL DE BORD DUN NAVIRE NEGRIER DOCUMENT Journal de bord du « Patriote » Doc. 13 p. 167 EXERCICE 1. Les étapes du périple 1. Repérer toutes les escales du navire et les reporter sur le fond de carte avec les dates. 2. Le but de certaines escales est précisé. L’indiquer sur la carte. 3. Calculer la durée de chaque étape. Relever les difficultés rencontrées. 4. Pourquoi la direction des vents semble-t-elle si importante ? Essayer de repérer les vents dominants. Chercher leurs noms et les indiquer sur la carte (Voir le manuel de géographie). EXERCICE 2. Le sort des esclaves pendant le voyage 1. Relever le nombre d’esclaves qui meurent au cours des différentes étapes. Établir le total et calculer le pourcentage de pertes. 2. Relever les maladies à l’origine des décès et le nombre de morts pour chacune. Certains esclaves sont-ils plus vulnérables que d’autres ? 3. Chercher des explications à l’origine de ces maladies. Que peut-on penser des vivres embarqués par le navire ? 4. Les esclaves semblent-ils bien traités ? Que penser de l’attitude du capitaine à leur égard ? EXERCICE 3. Les aléas du commerce 1. Pourquoi « Le Patriote » se rend-il en Inde ? Indiquer la raison sur la carte. 2. Où et quand le capitaine du « Patriote » achète-t-il des esclaves ? D’où proviennent ces esclaves ? 3. Combien d’esclaves sont vendus et où ? Qui sont les acheteurs ? 4. Pourquoi l’escale de la Martinique est-elle abrégée ? 5. Quelles marchandises « Le Patriote » ramène-t-il en France ? D’où proviennent-elles ? 6. Peut-on penser que le voyage a été très rentable ? (Comparer avec le document concernant la vente des esclaves de l’expédition d’un autre navire bordelais nommé aussi « Le Patriote » [doc. 20 p. 176]) Comprendre la traite négrière atlantique Fiche réalisée par Corinne et Philippe Gardey

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LE JOURNAL DE BORD D’UN NAVIRE NEGRIER

DOCUMENT Journal de bord du « Patriote » Doc. 13 p. 167

EXERCICE 1. Les étapes du périple 1. Repérer toutes les escales du navire et les reporter sur le fond de carte avec les

dates. 2. Le but de certaines escales est précisé. L’indiquer sur la carte. 3. Calculer la durée de chaque étape. Relever les difficultés rencontrées. 4. Pourquoi la direction des vents semble-t-elle si importante ? Essayer de repérer les

vents dominants. Chercher leurs noms et les indiquer sur la carte (Voir le manuel de géographie).

EXERCICE 2. Le sort des esclaves pendant le voyage 1. Relever le nombre d’esclaves qui meurent au cours des différentes étapes. Établir le

total et calculer le pourcentage de pertes. 2. Relever les maladies à l’origine des décès et le nombre de morts pour chacune.

Certains esclaves sont-ils plus vulnérables que d’autres ? 3. Chercher des explications à l’origine de ces maladies. Que peut-on penser des vivres

embarqués par le navire ? 4. Les esclaves semblent-ils bien traités ? Que penser de l’attitude du capitaine à leur

égard ?

EXERCICE 3. Les aléas du commerce 1. Pourquoi « Le Patriote » se rend-il en Inde ? Indiquer la raison sur la carte. 2. Où et quand le capitaine du « Patriote » achète-t-il des esclaves ? D’où proviennent

ces esclaves ? 3. Combien d’esclaves sont vendus et où ? Qui sont les acheteurs ? 4. Pourquoi l’escale de la Martinique est-elle abrégée ? 5. Quelles marchandises « Le Patriote » ramène-t-il en France ? D’où proviennent-elles ? 6. Peut-on penser que le voyage a été très rentable ? (Comparer avec le document

concernant la vente des esclaves de l’expédition d’un autre navire bordelais nommé aussi « Le Patriote » [doc. 20 p. 176])

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Éléments de correction Exercice 1. Les étapes du périple Voir le diaporama sur le cédérom. Exercice 2. Le sort des esclaves pendant le voyage 1. Le voyage est une hécatombe car, sur 216 esclaves embarqués à l’île de France, 152 seulement sont vendus par le capitaine lors des différentes escales. Ces 64 morts représentent 29,6 % de la cargaison, soit près de trois fois la mortalité moyenne de la fin du XVIIIe siècle (11 %). Les premiers esclaves meurent trois jours après le départ de l’île de France. Le navire perd 17 esclaves dans sa descente le long des côtes d’Afrique orientale. Avec 8 morts, l’escale du Cap est particulièrement meurtrière. Les plus faibles sont les premières victimes car 8 étaient déjà malades à leur embarquement. 9 des 10 enfants qui succombent durant le voyage ne résistent pas à cette première partie du transport. Au moment où « Le Patriote » entreprend « la traversée du milieu » il a déjà perdu 11,6 % de sa cargaison. Or la traversée de l’Atlantique est éprouvante. Du 14 avril au 4 mai 1790, date d’arrivée à l’île de l’Ascension, il meurt pratiquement un esclave par jour (15 morts). Le 2 mai, le chirurgien, lui-même, tombe malade. Du 5 mai au 10 juin, date d’arrivée à Saint-Domingue, on constate encore plus d’un décès tous les deux jours (22 morts). 2. Le tableau suivant indique les causes de ces décès pour les 62 cas répertoriés.

Causes des décès Nombre Scorbut 25 Scorbut et fièvres 9 Scorbut et dysenterie 5 Fièvres 5 Dysenterie 3 Ulcères 3 Épilepsie 3 Malade sans précision 3 Poitrine 2 Dysenterie et fièvre 1 Scorbut et diarrhées 1 Aucune indication 2

Total 62 3. En dehors de trois cas d’épilepsies et de 5 cas pour lesquels les causes de décès ne sont pas indiquées, la mortalité est essentiellement liée au scorbut et à ses complications (45 cas au moins). Le scorbut est en effet une maladie qui commence par un affaiblissement psychique et physique (« langueurs »), des hémorragies des muqueuses du nez et des gencives. Les dents se déchaussent alors jusqu'à tomber. Les complications les plus fréquentes sont des diarrhées qui font songer à la dysenterie et des ulcères. Les sujets atteints meurent

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d’épuisement ou de complication infectieuse respiratoire (pneumonie, pleurésie). C’est une maladie liée à une déficience alimentaire en vitamine C. Elle fait des ravages dans tous les équipages jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Sans en connaître vraiment les causes, les capitaines avaient tout de même constaté que de larges provisions en fruits et légumes frais, y compris les légumes à feuilles vertes, diminuaient l’incidence de cette pathologie. Le capitaine du « Patriote » semble avoir connu ces principes. Les vivres qu’il embarque à Bourbon comme au Cap « tant pour l’Équipage que pour Les Noirs » comportent de la viande fraîche : du bœuf mais aussi 6 canards, 2 oies, 2 moutons, un cochon. On y trouve aussi des fruits et légumes. On repère du chou et du persil riches en vitamine C (100 à 200 mg /100 g). Mais les provisions sont aussi composées de raisins, figues, poires, pommes, salade et autres « herbages », ainsi que des carottes, des poireaux, des raves, des blettes et du céleri qui contiennent de la vitamine C en moindre quantité (5 à 20 mg/100 g). Pourtant les résultats ne sont pas à la hauteur. La maladie a frappé avant le Cap des individus déjà malades, fatigués et soumis au froid humide de la cale souvent inondée durant cette première partie du voyage, tous facteurs favorisant le scorbut. 4. Rien n’est dit des châtiments subis en général par les esclaves, ce qui ne veut pas dire que le capitaine ne les employait pas mais qu’il jugeait inutile de les faire figurer sur le livre de bord. « Les Noirs étaient dignes de la plus grande compassion » écrit le capitaine au pire moment du voyage le long des côtes d’Afrique. Il s’inquiète de ceux qui ont le mal de mer ou qui souffrent du froid et de l’humidité. Ce qui le mine constamment c’est son impuissance à soulager les malades : « Ce qui était le plus affligeant c’est que nous ne pouvions leur procurer la chaleur, qui leur fut devenue bien nécessaire à pareilles maladies » ou du « soulagement ». Bien sûr, quand il craint qu’ils ne tombent tous malades, il est difficile de faire la part entre la compassion et la crainte de perdre une cargaison précieuse. Cette attitude « humanitaire » ne l’empêche pas d’abuser de son pouvoir et de prendre aussi du bon temps quand la traversée devient plus calme. Le 27 mai 1790 il indique ainsi : « À 11 heures ¾ je fis monter une assez jolie négresse, dans ma chambre je passai deux heures avec elle et l’exploitai deux fois ; c’était la première femme que j’avais vue depuis mon départ de France ». Exercice 3. Les aléas du commerce 1. « Le Patriote » se rend en Inde, dans le comptoir français de Pondichéry sur la côte de Coromandel puis dans la possession anglaise de Calcutta pour y acheter des produits des Indes. Le 27 mars 1790, le journal mentionne certaines de ces marchandises : « quatre Balles de toile écrue fine », qui seront vendues au Cap. 2. Les esclaves sont tous embarqués lors du séjour à l’île de France entre le 6 décembre 1790 et le 12 février 1791. Rien n’est dit sur les opérations de traite proprement dite. « Le Patriote » n’a fait aucune escale sur les côtes d’Afrique et a selon toute vraisemblance fait ses achats auprès de marchands d’esclaves de Port-Louis. Deux provenances sont indiquées quand le capitaine mentionne les décès : 39 d’Anjouan et 18 de Goa. Nous n’avons malheureusement aucun décompte total. Anjouan est l’île principale des Comores impliquée dans le trafic régional des esclaves vers les Mascareignes. Tout un commerce lie aussi Goa, possession portugaise, à l’île de France. Certains négociants de Port-Louis trouvent plus lucratif d’aller en Inde échanger une cargaison de marchandises d’Europe contre des esclaves africains plutôt que d’aller sur les côtes du Mozambique.

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3. Ventes des esclaves Nombre

Total des noirs embarqués 216 Vendus au cap de Bonne Espérance 14 Vendus à Saint-Pierre de la Martinique 20 Vendus aux Cayes Saint-Louis à Saint-Domingue 118 Total des ventes 152 Total des morts 64 Total des morts en % 29,6

Les acheteurs :

- au Cap, deux acheteurs achètent dix noirs et trois négresses ; - à la Martinique, c’est l’intendant de Foulon qui fait l’acquisition de 20 noirs ou

négresses à lui tout seul ; - aux Cayes Saint-Louis, cinq acheteurs privilégiés viennent directement choisir 32

esclaves à bord. Il s’agit d’« habitants », qui peuvent être des planteurs, et du boulanger. Les 86 autres sont débarqués et vendus à terre où le capitaine s’installe et tient « magasin ». L’escale dure 6 mois, le temps de vendre tous les esclaves ainsi qu’une partie des marchandises des Indes et d’acheter la cargaison de retour.

4. « Le jeudi 3 juin 1790, à 10 heures du matin, il se passa à terre un soulèvement terrible. Les gens de couleur libres, s’armèrent contre les Blancs. Il y eut beaucoup de monde de tué de part et d’autre. » Il s’agit d’une allusion très claire au début des troubles révolutionnaires aux Antilles françaises. Il y avait eu une première révolte d’esclaves en 1789. Le climat d’agitation était comparable à celui de Saint-Domingue. En juin 1790, des petits Blancs de Saint-Pierre utilisent la rhétorique révolutionnaire pour dénoncer l’aristocratie des planteurs et rejeter les prétentions égalitaires des libres de couleur. Ils massacrent des gens de couleur de la ville. Joints aux planteurs, les gens de couleur s’insurgent alors contre la capitale commerciale. 5. En dehors des ventes d’esclaves, rien n’est indiqué des opérations commerciales du « Patriote ». Il n’y a que quelques allusions. À la Martinique, le journal indique la vente de « marchandises à grand prix ». Il s’agit des marchandises achetées aux Indes. Il faut attendre le 24 janvier 1791 pour que le journal de bord fasse clairement mention de « marchandises coloniales » et de « marchandises de l’Inde » qui prenaient l’eau dans la cale. Il n’y a cependant aucun détail quant à leur composition. Les marchandises coloniales des Antilles sont, pour l’essentiel, composées de sucre, café et indigo. Les marchandises de l’Inde sont en général des cotonnades (indiennes), des soieries, des épices, des drogues, des cauris (coquillages utilisés pour acheter des esclaves). Une partie est vendue aux Antilles, l’autre est écoulée à Bordeaux. 6. Plusieurs indices permettent de douter de la grande rentabilité de cette expédition :

- la durée totale du voyage du 10 octobre 1788 au 17 février 1791 atteint 2 ans et 4 mois, ce qui est long, même pour un voyage jusqu’aux Indes ;

- le nombre d’esclaves embarqués (216) pour un navire de 312 tonneaux est faible ; - les pertes sont très importantes : 64 soit 29,6 % du total.

Cependant, l’expédition comporte aussi un commerce classique avec les Indes dont nous ignorons pratiquement tout, même si nous savons que certaines de ces marchandises ont été perdues.

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