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Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

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Page 1: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques
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Page 3: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Critères de classification des connectivites

L. Arnaud, Z. Amoura

Les connectivites sont des maladies auto-immunes non spécifiques d’organes. Cette appellation témoigned’une atteinte souvent multiviscérale et protéiforme, qui rend le diagnostic de ces affections parfoisdifficile. Ces critères obéissent à des regroupements symptomatiques et résultent d’une analyse statistiqueétablie le plus souvent à partir d’un recrutement rhumatologique. Certains critères ont été certainementsurévalués aux dépens d’autres. De plus, il s’agit avant tout de critères de classification ayant pour objectifde permettre la constitution de séries homogènes de patients lors d’études cliniques, et non de critèresdiagnostiques individuels. Ceux-ci peuvent donc ne pas s’appliquer à un patient donné et le sens cliniquedu médecin doit toujours prévaloir.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Connectivites ; Critères de classification ; Lupus systémique ;Syndrome de Gougerot-Sjögren primitif ; Myosites ; Sclérodermie

Plan

■ Introduction 1■ Critères de classification des connectivites 1

Critères de classification du lupus systémique 3Critères de classification du syndrome de Gougerot-Sjögrenprimitif 3Critères de classification des myosites inflammatoires primitives 3Critères de classification de la sclérodermie systémique 3Critères de classification du syndrome de Sharp 5

� IntroductionLe terme connectivite (ou collagénose, selon l’ancienne termi-

nologie) désignait initialement un ensemble d’affections ayantcomme dénominateur commun des modifications anatomo-pathologiques du tissu conjonctif. Même si les conceptionsphysiopathologiques ont considérablement évolué et ne mettentplus au premier plan les anomalies du tissu collagène, le termede connectivite a été consacré par l’usage et désigne habituelle-ment la polyarthrite rhumatoïde – qui ne sera pas abordée ici –le lupus érythémateux systémique (LES), les myopathies inflam-matoires primitives (dermatomyosite, polymyosite et myosite àinclusion), la sclérodermie systémique, le syndrome de Gougerot-Sjögren primitif et les connectivites mixtes. Ces maladies doiventêtre distinguées des dystrophies congénitales du tissu conjonctif(maladie de Marfan, maladie d’Ehlers-Danlos, élastorrhexie, etc.)avec lesquelles elles n’ont aucune parenté.

� Critères de classificationdes connectivites

Les connectivites sont des maladies auto-immunes non spé-cifiques d’organes. Cette appellation témoigne d’une atteintesouvent multiviscérale, qui rend le diagnostic de ces affectionsparfois difficile.

“ Point fort

Les manifestations cliniques des connectivites sont sou-vent polymorphes, ce qui peut rendre le diagnostic de cesaffections particulièrement complexe.

Devant le caractère protéiforme des signes cliniques, il estapparu nécessaire aux cliniciens d’essayer de regrouper les patientsayant un même groupe de symptômes sous un même diagnostic.C’est là l’intérêt essentiel des critères de classification. Il est impor-tant de préciser que ces critères résultent d’une analyse statistiqueétablie le plus souvent à partir d’un recrutement rhumatologique,et que certains critères ont été certainement surévalués aux dépensd’autres. De plus, il s’agit avant tout de critères de classifica-tion ayant pour objectif de permettre la constitution de sérieshomogènes de patients lors d’études cliniques, et non de cri-tères diagnostiques. Ceux-ci peuvent donc ne pas s’appliquer àun patient donné et le sens clinique du médecin doit toujoursprévaloir.

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Tableau 1.Critères de classification du lupus systémique.

Critères Description complémentaire

Éruption malaire en aile de papillon Érythème malaire fixe, plan ou en relief, tendant à épargner le sillon nasolabial

Éruption de lupus discoïde Placards érythématheux surélevés avec des squames kératosiques adhérentes et des bouchons cornésfolliculairesCicatrices atrophiques pouvant apparaître sur des lésions anciennes

Photosensibilité Éruption cutanée résultant d’une réaction inhabituelle au soleil, à l’interrogatoire du patient ouobservée par un médecin

Ulcérations buccales ou nasopharyngées Ulcérations orales ou nasopharyngées, habituellement douloureuses, observées par un médecin

Polyarthrite non érosive Arthrite non érosive touchant au moins deux articulations périphériques, caractérisée par douleur,augmentation de volume, ou épanchement articulaire

Pleurésie ou péricardite Pleurésie : épanchement pleural patent ou histoire convaincante de douleurs pleurales ou frottementpleural entendu par un clinicienPéricardite : documentée sur un ECG ou frottement péricardique ou mise en évidence de l’épanchement

Atteinte rénale Protéinurie supérieure ou égale à 0,5 g/j ou supérieure à trois croix en l’absence de quantificationpossible, ou cylindres urinaires (globules rouges, hémoglobine, leucocytes, cellules tubulaires ou mixtes)

Atteinte neurologique Convulsions : en l’absence de cause médicamenteuse ou de désordres métaboliques (insuffisance rénale,acidose, déséquilibre électrolytique)Psychose : en l’absence de cause médicamenteuse ou de désordres métaboliques (insuffisance rénale,acidose, déséquilibre électrolytique)

Atteinte hématologique Anémie hémolytique avec hyper-réticulocytoseLeucopénie (inférieure à 4 000 leucocytes/mm3) trouvée à au moins deux reprisesLymphopénie (inférieure à 1 500 lymphocytes/mm3) à au moins deux reprisesThrombopénie (inférieure à 100 000 plaquettes/mm3) en l’absence de cause médicamenteuse

Désordre immunologique Anticorps anti-ADN positifPrésence d’anticorps anti-SmPrésence d’anticorps antiphospholipides (taux sérique anormal d’Ig ou IgM anticardiolipine), présenced’un anticoagulant circulant lupique ou fausse sérologie syphilitique positive depuis au moins 6 mois etconfirmée par la négativité du test de Nelson ou du FTA

Présence de facteurs antinucléaires à un titreanormal en l’absence de médicaments inducteurs

Titre anormal d’anticorps antinucléaires en immunofluorescence ou technique équivalente à n’importequel moment de l’évolution, en l’absence de médicaments inducteurs

Quatre critères simultanés ou successifs sont nécessaires pour poser le diagnostic avec une sensibilité de 95 % et une spécificité de 75 %.ECG : électrocardiogramme ; Ig : immunoglobuline ; FTA : Fluorescent Treponemal Antibody Test ; ADN : acide désoxyribonucléique.

Tableau 2.Critères de classification du syndrome de Gougerot-Sjögren primitif.

Symptômes oculaires Réponse positive à au moins une des questions suivantes :Avez-vous eu les yeux secs de facon quotidienne, gênante et persistante depuis plus de 3 mois ?Avez-vous la sensation récidivante d’avoir du sable ou du gravier dans les yeux ?Utilisez-vous des larmes artificielles plus de 3 fois/j ?

Symptômes buccaux Réponse positive à au moins l’une des questions suivantes :Avez-vous eu quotidiennement une sensation de bouche sèche depuis plus de 3 mois ?Avez-vous eu à l’âge adulte un gonflement des glandes salivaires persistant ou récidivant ?Utilisez-vous souvent des liquides pour vous aider à avaler des aliments solides ?

Atteinte oculaire Signes objectifs d’atteinte oculaire définis par une réponse positive à au moins l’un des deux tests suivantsTest de Schirmer (inférieur ou égal à 5 mm en 5 min)Test au rose bengale supérieur ou égal à 4 (score de Van Lijsterveld)

Atteinte buccale Atteinte objective et évidente des glandes salivaires définie par au moins un test positif parmi les trois suivants :Scintigraphie salivaire montrant une captation retardée, une concentration réduite ou une sécrétion réduite du traceurSialographie parotidienne montrant des ectasies canaliculaires sans signes d’obstructionDébit salivaire sans stimulation inférieur ou égal à 1,5 ml en 15 min

Données histopathologiques Score focal ≥ 1 sur la biopsie des glandes salivaires accessoires. Le score focal est défini par le nombre de foyers sur 4 mm2

de tissu glandulaire. Un foyer est défini par l’agglomération d’au moins 50 cellules mononuclées

Autoanticorps Présence d’au moins un type des anticorps sériques suivants nécessaire :Anti-SSA (Ro)Ou anti-SSB (La)

Critères d’exclusion Antécédent de radiothérapie cervico-facialeInfection par le virus de l’hépatite C ou le VIHLymphome préexistantSarcoïdoseRéaction du greffon contre l’hôte (GVH)Prise d’anticholinergique (après une période dépassant 4 fois la demi-vie du médicament)

Le diagnostic de syndrome deSjögren primaire est définilorsque :

4 des 6 critères sont présents, dont au moins le critère histopathologique (critère V) ou le critère autoanticorps (critère VI)Si 3 critères des 4 critères objectifs sont présents (critères III, IV, V, VI)Le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire est porté devant la présence de l’item I ou II associé à 2 desitems (III, IV ou V)

VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; GVH : Graft Versus Host Disease.

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Tableau 3.Critères de classification des myosites inflammatoires primitives.

Critères cliniques

Critères d’inclusionDébut généralement après 18 ans (postpuberté), début peut survenir chez l’enfant dans la DM et dans les myosites non-spécifiquesCaractéristiques du déficit moteur : bilatéral, symétrique, proximal > distal, fléchisseurs de nuque > extenseurs de nuqueRash caractéristique de DM : éruption liliacée (± œdémateuse) des paupières supérieures, signe de la manucure, éruption érythématosquameuse de la faced’extension des MCP et IPP, coude, genoux (papules et signes de Gottron), érythème des zones photosensiblesCritères d’exclusionDéficit moteur évocateur de myosite à inclusions [4] : déficit asymétrique et sélectif, touchant préférentiellement les biceps, cubitaux antérieurs etfléchisseurs des doigts, quadriceps et tibiaux antérieursDéficit des muscles oculomoteurs, dysarthrie isolée, atteinte préférentielle des extenseurs de nuque par rapport aux fléchisseurs de nuque.Myopathie toxique, endocrinopathie (hypo- ou hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie), amylose, histoire familiale de dystrophie musculaire ou deneuropathie motrice proximale)

Élévation des enzymes musculaires (CPK)

Autres critères paracliniques

ÉlectromyographieCritères d’inclusionAbondance de l’activité de fibrillation de reposNombreux potentiels spontanés provenant de fibres musculaires isolées, potentiels de fibrillation, potentiels lents de dénervation, salvespseudomyotoniquesLors de la contraction volontaire : réduction de la durée, et accessoirement de l’amplitude des potentiels d’unité motrice (PUM), présence d’indentationssur les phases montantes et descendantes des PUMCritères d’exclusionSalves myotoniques suggérant une dystrophie myotonique ou une chanelopathieAnalyse morphométrique montrant une augmentation de la durée ou de l’amplitude des PUMDiminution du recrutement des PUMIRM musculairePrésence d’hypersignaux intramusculaires (œdème) diffus ou focaux, en séquence gadolinium, fat-sat T2 ou STIRAutoanticorps spécifiques des myosites dans le sérum

Biopsie musculaire

Infiltrat inflammatoire T endomysial entourant et envahissant des fibres musculaires non nécrotiques (tunnellisation myocytaire)Lymphocytes T CD8+ entourant mais sans envahissement, des fibres musculaires non nécrotiques ou expression myocytaire diffuse du complexe MHC-IAtrophie périfasciculaireDépôts du complexe d’attaque membranaire MAC dans les capillaires musculaires, ou réduction de la densité capillaire, ou inclusions tubuloréticulairesdans les cellules endothéliales en microscopie électronique, ou expression du MHC-I par les fibres périfasciculairesInfiltrat inflammatoire T périvasculaire, périmysialInfiltrats inflammatoires dispersés T CD8+ entourant mais sans envahissement, des fibres musculaires non nécrotiquesNécrose musculaire prédominante sur le plan histologique. Les cellules inflammatoires sont rares sans infiltrat périmysial ou périvasculaire net. Des dépôtsdu complexe d’attaque membranaire MAC dans les capillaires musculaires ou des capillaires en tuyau de pipe en microscopie électronique sont possibles,en règle sans inclusions tubuloréticulaires dans les cellules endothélialesVacuoles bordées, fibres rouges déchiquetées (RRR), fibres cytochrome oxydase négatives, suggérant une myosite à inclusionsDépôts du complexe d’attaque membranaire MAC dans le sarcolemme de fibres musculaires non-nécrotiques, et autres éléments en faveur d’unedystrophie musculaire en immunopathologie

DM : dermatomyosite ; CPK : créatine phosphokinase ; IRM : imagerie par résonnance magnétique ; PUM : potentiels d’unité motrice ; STIR : short TI inversion-recovery ; RRR :ragged red fibers ; MAC : complexe d’attaque membranaire ; MHC : major histocompatibility complex.

“ Point fort

Les critères de classifications des connectivites sont utilisésen recherche clinique pour constituer des séries homo-gènes de patients, il ne s’agit donc pas à proprement parlerde critères diagnostiques.

Critères de classification du lupus systémiqueLes critères actuellement utilisés sont ceux publiés de

l’American College of Rheumatology, qui ont été révisés en 1997(Tableau 1) [1].

Critères de classification du syndromede Gougerot-Sjögren primitif

Les critères actuellement utilisés sont ceux proposés en 2002par le groupe de consensus américano-européen (Tableau 2) [2].

Critères de classification des myositesinflammatoires primitives

Différents groupes de critères sont utilisés. Les anciens critèresde Bohan et Peter, qui dataient de 1975, sont progressivementremplacés par les critères de l’European Neuromuscular Centre [3],qui ont été présentés en 2003 (Tableau 3).

Les différents types de myosite inflammatoire sont défi-nis en fonction de combinaison des critères précédents(Tableau 4) [4].

Critères de classification de la sclérodermiesystémique

Les principaux critères de classification de la sclérodermiesystémique sont ceux, déjà anciens, de l’American College ofRheumatology (Tableau 5) [5].

Ces critères étant peu sensibles, il a été plus récem-ment proposé de distinguer plusieurs sous-types de scléro-dermie systémique, en particulier pour les formes débutantes(Tableau 6) [6].

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Tableau 4.Différents types de myosite inflammatoire.

Polymyosite Polymyosite certaineTous les critères cliniques à l’exception du rash cutanéÉlévation des enzymes musculaires CPKCritères de biopsie musculaire incluant a, et excluant c, d, h, iPolymyosite probableTous les critères cliniques à l’exception du rash cutanéÉlévation des enzymes musculaires CPKAutres critères paracliniques (1 des 3)Critères de biopsie musculaire incluant b, et excluant c, d, g, h, i

Dermatomyosite Dermatomyosite certaineTous les critères cliniquesCritères de biopsie musculaire incluant cDermatomyosite probableTous les critères cliniquesCritères de biopsie musculaire incluant d ou e, ou élévation des enzymes musculaires CPK, ou autres critèresparacliniques (1 des 3)Dermatomyosite amyopathiqueRash typique de DM : érythème liliacé héliotrope des paupières, signe de la manucure, papules de GottronBiopsie cutanée objectivant une réduction de la densité capillaire, des dépôts de MAC dans les artérioles etcapillaires de la jonction dermo-épidermiquePas de déficit moteur musculaireTaux normaux de CPKEMG NormalBiopsie musculaire, si elle est faite, montrant l’absence de critères caractéristiques de DM certaine ou probableDermatomyosite possible sine dermatitisTous les critères cliniques à l’exception du rash cutanéÉlévation des enzymes musculaires CPKAutres critères paracliniques (1 des 3)Critères de biopsie musculaire incluant c ou d

Myosite non spécifique Tous les critères cliniques à l’exception du rash cutanéÉlévation des enzymes musculaires CPKAutres critères paracliniques (1 des 3)Critères de biopsie musculaire incluant e ou f, et excluant les autres critères

Myopathie nécrosante dysimmunitaire Tous les critères cliniques à l’exception du rash cutanéÉlévation des enzymes musculaires CPKAutres critères paracliniques (1 des 3)Critères de biopsie musculaire incluant g, et excluant les autres critères

Myosite à inclusions cf. [4]

DM : dermatomyosite ; CPK : créatine phosphokinase ; EMG : électromyogramme ; MAC : complexe d’attaque membranaire.

Tableau 5.Critères de classification de la sclérodermie systémique.

Critère majeur Sclérodermie proximale : modification sclérodermique typique de la peau (tendue, épaissie, indurée, ne prenant pas le godet),touchant la face, le cou, le tronc ou la partie proximale des membres supérieurs ou inférieurs

Critères mineurs SclérodactylieCicatrice déprimée d’un doigt ou ulcération de l’extrémité d’un doigtFibrose pulmonaire des bases

Le diagnostic de sclérodermie systémique est posé devant un critère majeur ou deux critères mineurs.

Tableau 6.Sous-types de sclérodermie systémique, en particulier pour les formes débutantes.

Sclérodermies systémiqueslimitées (lSSc)

Phénomène de Raynaud documenté objectivement+- soit une anomalie à la capillaroscopie (dilatation capillaire et/ou zone avasculaire)- soit présence d’Ac spécifiques de sclérodermieSi le phénomène de Raynaud est uniquement subjectif, l’association d’anomalies capillaroscopiques et d’autoanticorps àun titre > 1/100 est nécessaire pour définir la sclérodermie limitée

Sclérodermies systémiquescutanées limitées (lcSSc)

Si la sclérose cutanée ne remonte pas au-dessus des coudes et des genoux et épargne le tronc

Sclérodermies systémiquescutanées diffuses (dcSSc)

Si la sclérose cutanée remonte au-dessus des coudes ou des genoux ou atteint le tronc

ISSc : sclérose systémique cutanée limitée ; IcSSc : sclérodermie systémique à extension cutanée limitée ; dcSSc : sclérodermie cutanée diffuse ; Ac : anticorps.

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Tableau 7.Critères de classification du syndrome de Sharp.

Critères majeurs Présence d’anticorps anti-RNP à un taux élevéPhénomène de Raynaud

Critères mineurs SynoviteMyositeDoigts boudinés

Le diagnostic est posé avec deux critères majeurs et deux critères mineurs.

Critères de classification du syndromede Sharp

Même si différents jeux de critères existent, ceux habituelle-ment utilisés ont été proposés par Kahn (Tableau 7) [7].

� Références[1] Hochberg MC. Updating the American College of Rheumatology revi-

sed criteria for the classification of systemic lupus erythematosus.Arthritis Rheum 1997;40:1725.

[2] Vitali C, Bombardieri S, Jonsson R, Moutsopoulos HM, Alexan-der EL, Carsons SE, et al., European Study Group on ClassificationCriteria for Sjogren’s Syndrome. Classification criteria for Sjogren’ssyndrome: a revised version of the European criteria proposed bythe American-European Consensus Group. Ann Rheum Dis 2002;61:554–8.

[3] Hoogendijk JE, Amato AA, Lecky BR, Choy EH, Lund-berg IE, Rose MR, et al. 119th ENMC International Work-shop: Trial design in adult idiopathic inflammatory myopathies,with the exception of inclusion body myositis. 10-12 October2003, Naarden, The Netherlands. Neuromuscul Disord 2004;14:337–45.

[4] Griggs RC, Askanas V, DiMauro S, Engel A, Karpati G, Men-dell JR, et al. Inclusion body myositis and myopathies. Ann Neurol1995;38:705–13.

[5] Subcommittee for Scleroderma Criteria of the American RheumatismAssociation Diagnostic and Therapeutic Criteria Committee. Prelimi-nary criteria for the classification of systemic sclerosis (scleroderma).Arthritis Rheum 1980;23:581–90.

[6] LeRoy EC, Medsger Jr TA. Criteria for the classification of earlysystemic sclerosis. J Rheumatol 2001;28:1573–6.

[7] Kahn MF, Appelbom T. Syndrome de Sharp et connectivite mixte. In:Kahn MF, Peltier AP, editors. Maladie systémique. Paris: Flammarion;1991. p. 545-46.

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Lupus érythémateux systémique

L. Arnaud, Z. Amoura

Prototype de la maladie auto-immune non spécifique d’organe, le lupus érythémateux systémique (LES)est un syndrome caractérisé cliniquement par l’association de manifestations protéiformes et biologique-ment par la présence presque constante d’anticorps dirigés contre divers constituants du noyau (anticorpsantinucléaires). Le LES survient 85 fois sur 100 chez la femme, généralement en période d’activité ova-rienne. Les atteintes organiques sont multiples, et la maladie évolue par poussées entrecoupées de périodesde rémission. On distingue des formes bénignes ambulatoires, principalement cutanéoarticulaires etdes formes viscérales graves. Le LES étant une maladie chronique, il justifie un traitement de fond : lesantimalariques de synthèse. L’intensité du traitement des poussées est adaptée à la gravité de la mala-die : le traitement des poussées cutanéoarticulaires repose sur l’aspirine, les autres anti-inflammatoiresnon stéroïdiens (AINS) et les antimalariques de synthèse. Le traitement des atteintes viscérales passepar une corticothérapie générale, souvent associée à un immunosuppresseur. La surveillance biologiquecomporte des examens usuels dont la recherche régulière d’une protéinurie et le dosage répété des anti-corps anti-ADN natifs et du complément (CH50, C3, C4). La réapparition d’anomalies immunologiquesaprès une période de normalisation fait craindre une exacerbation clinique. Le pronostic du LES s’estconsidérablement amélioré au cours de la dernière décennie, le taux de survie à 10 ans étant d’environ93 %. La mortalité résulte soit du LES ou d’un syndrome des antiphospholipides (SAPL) associé, soit decomplications favorisées par le traitement : infections notamment opportunistes, athérosclérose accéléréeet néoplasies.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Lupus systémique ; Manifestations cliniques du lupus

Plan

■ Introduction 1■ Signes cliniques et éléments du diagnostic 2

Manifestations générales 2Manifestations dermatolologiques 2Manifestations rhumatologiques 3Manifestations rénales 4Manifestations neuropsychiatriques 4Manifestations cardiaques 4Manifestations vasculaires 4Manifestations respiratoires 5Manifestations hépato-gastro-entérologiques 5Manifestations ophtalmologiques 5

■ Anomalies biologiques 5Protéines de l’inflammation 5Manifestations hématologiques 5Anomalies sérologiques 5

■ Situations particulières au cours du lupus 6Grossesse 6Lupus induits 6

■ Diagnostic 6■ Évolution et pronostic 6

■ Traitement 7Éducation du patient lupique 7Principales modalités thérapeutiques 7Cas particuliers 8

■ Surveillance clinique et biologique du lupus 8■ Conclusion 8

� IntroductionPrototype de la maladie auto-immune non spécifique d’organe,

le lupus érythémateux systémique (LES) est un syndrome caracté-risé cliniquement par l’association de manifestations protéiformeset biologiquement par la présence presque constante d’anticorpsdirigés contre divers constituants du noyau (anticorps antinu-cléaires). En l’absence de données épidémiologiques francaises, onestime en France l’incidence à approximativement trois à quatrenouveaux cas annuels pour 100 000 et la prévalence à 35 pour100 000 (inférieure au seuil de 1 pour 2 000 définissant lesmaladies rares). Le LES survient 85 fois sur 100 chez la femme,généralement en période d’activité ovarienne. Le LES pédiatriquereprésenterait 5 % à 10 % environ de l’ensemble des LES. Un méde-cin généraliste a toutes les chances d’en rencontrer plusieurs cas

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au cours de son exercice. La première étape est la confirmationdu diagnostic. Cette prise en charge initiale du patient atteint deLES est ainsi souvent assurée en ambulatoire. Compte tenu de larareté de la maladie et de l’impact pronostique de la précocité dela prise en charge, il est préférable de faire confirmer le diagnosticpar un collègue hospitalier ayant l’expérience du LES (centres deréférence, centres de compétences, et leurs réseaux de correspon-dants). Les recommandations francaises relatives au diagnosticet au traitement du lupus systémique sont synthétisées dans unprotocole national de diagnostic et de soins (PNDS) dédié [1].

“ Point important

Le lupus systémique est une maladie polymorphe, quitouche surtout, mais pas exclusivement, la femme enpériode d’activité ovarienne.

� Signes cliniques et élémentsdu diagnostic

Les atteintes organiques sont multiples. Elles sont résuméesdans le Tableau 1 [2].

Manifestations généralesLes signes généraux sont la fièvre, l’asthénie, l’amaigrissement,

avec parfois une splénomégalie ou des adénopathies périphé-riques lors des poussées marquées.

Tableau 1.Fréquence relative des manifestations cliniques du lupus au stade ini-tial et au cours de l’évolution de la maladie sur 1 000 patients (d’aprèsCervera [2]).

Stadeinitial (%)

Au cours del’évolution (%)

Rash malaire 40 58

Lupus discoïde 6 10

Ulcérations orales 11 24

Photosensibilité 29 45

Arthrites 69 84

Sérites (pleurésie,péricardite)

17 36

Néphropathie 16 39

Atteinte neurologique 12 27

Syndrome de Raynaud 18 34

Livedo reticularis 5 14

Myosite 4 9

Fièvre 36 52

Atteinte pulmonaire 3 3

Syndrome sec 5 16

Adénomégalie 7 12

Chorée 1 2

Thromboses 4 14

Thrombopénie 9 22

Anémie hémolytique 4 8

Manifestations dermatolologiquesLes manifestations dermatologiques, fréquentes et variées

(Fig. 1), ont un intérêt diagnostique majeur. On distingue leslésions suivantes.

Lésions lupiques « spécifiques »

Certaines lésions lupiques sont dites « spécifiques » du fait d’unehistologie évocatrice de lupus. Elles prédominent sur les zonesexposées en raison de leur fréquente photosensibilité.

Lésions aiguësLes lésions aiguës, d’évolution parallèle à celle des poussées de

LES, sont les suivantes :• l’érythème en « loup » ou vespertilio, plus ou moins squameux,

typique par sa localisation, sur les joues et le nez, respectantrelativement les sillons nasogéniens, s’étendant souvent sur lefront, les orbites, le cou dans la zone du décolleté. L’œdème,parfois important, peut gêner l’ouverture des yeux. L’atteinteest parfois diffuse, avec des lésions morbilliformes, papuleuses,eczématiformes ou bulleuses. Sur le dos des doigts, les lésionslupiques atteignent surtout les zones interarticulaires ;

• les lésions buccales érosives de lupus aigu doivent être recher-chées.Toutes ces lésions ont une évolution parallèle à celle des pous-

sées systémiques. Elles régressent sans cicatrice en dehors d’unepossible hyperpigmentation séquellaire chez le sujet à peau pig-mentée.

Lésions subaiguësLes lésions subaiguës, dont l’évolution est indépendante des

poussées de LES, sont fortement associées à la présence d’anticorpsanti-SSA/Ro (7 % à 21 % des LES). Elles prédominent dans la moitiésupérieure du corps et sont de type annulaire ou psoriasiforme. Leslésions disparaissent le plus souvent sans cicatrice avec parfois unehypochromie séquellaire. Le lupus érythémateux cutané subaigupeut être induit par des médicaments.

Lésions chroniquesLes lésions chroniques (laissant des cicatrices) comprennent :

• le lupus discoïde, le plus fréquent (10 % à 20 % des LES) : plaquesbien limitées associant trois lésions élémentaires : érythème par-couru de fines télangiectasies, squames plus ou moins épaissess’enfoncant en clou dans les orifices folliculaires, atrophie cica-tricielle définitive. Elles sont souvent multiples et symétriques,surtout localisées au visage sur l’arête du nez, les pommettes,avec parfois une disposition en « aile de papillon », les régionstemporales et l’ourlet des oreilles, et sur le cuir chevelu avec alo-pécie cicatricielle définitive. L’atteinte palmoplantaire peut êtreérosive, très douloureuse, particulièrement résistante aux traite-ments, invalidante sur le plan fonctionnel, gênant la marche encas de lésions plantaires et empêchant toute activité manuelleen cas de lésions palmaires. L’atteinte unguéale est rare, àl’origine de dystrophies pseudolichéniennes. Les lésions buc-cales simulent un lichen cliniquement et histologiquement ;

• le lupus tumidus : un ou plusieurs placards nettement saillants,arrondis ou ovalaires, de teinte rouge violacé, à bords netscomme « tracés au compas », de consistance œdémateuse, sanshyperkératose folliculaire visible à l’œil nu ;

• le lupus engelure : simule cliniquement des engelures, persis-tant cependant au-delà de la saison froide ;

• la panniculite : nodules ou plaques infiltrées de taille variable,évoluant vers une lipoatrophie en cupule permettant un diag-nostic rétrospectif ;

• les lésions lupiques non spécifiques :◦ lésions vasculaires secondaires à une atteinte vasculaire

inflammatoire (lésions urticariennes) ou thrombotique(livedo, nécrose cutanée extensive),

◦ lésions non vasculaires : l’alopécie diffuse (non cicatriciellecontrairement à l’atteinte discoïde) est la plus fréquente,contemporaine des poussées de LES ou survenant 3 moisaprès, pouvant donner un cuir chevelu clairsemé, disparais-sant progressivement après traitement.

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A B

C D

Figure 1. Principales manifestations dermatologiques du lupus systémique.A. Lupus érythémateux aigu (atteinte digitale), caractérisé par l’atteinte préférentielle des régions interarticulaires.B. Lupus érythémateux subaigu, caractérisé par son aspect annulaire à contours polycycliques avec un centre hypopigmenté.C. Lupus discoïde avec atrophie cicatricielle.D. Lupus érythémateux aigu (vespertilio), caractérisé par son aspect érythémateux, maculopapuleux et squameux, plus ou moins œdémateux, à bordureémiettée.

“ Point important

Les manifestations dermatologiques sont très fréquentesau cours du lupus systémique. Elles sont polymorphes, etpeuvent ou non témoigner d’une poussée de la maladie.

Manifestations rhumatologiquesLes manifestations articulaires sont fréquentes (plus de 80 % des

cas) et souvent inaugurales. Il s’agit le plus souvent :• d’arthralgies ;• d’arthrites vraies :

◦ aiguës, le plus souvent polyarthrite touchant surtout lespetites articulations des mains (métacarpophalangiennes,interphalangiennes proximales), les poignets, les genoux etles chevilles, parfois associées à des ténosynovites (le plussouvent des fléchisseurs),

◦ chroniques, beaucoup plus rarement (polyarthrites ou plusrarement oligoarthrites), habituellement non destructrices,

◦ rares, arthropathies déformantes liées à des lésions capsu-laires et ligamentaires se traduisant par des subluxationsréductibles des doigts appelées rhumatisme de Jaccoud.

Les manifestations osseuses, généralement plus tardives que lesatteintes articulaires, sont de deux types :• ostéonécroses aseptiques, touchant les têtes épiphysaires

surtout des fémurs et des humérus. Elles peuvent être asympto-matiques, découvertes systématiquement lors d’une IRM. Ellespeuvent être liées à la corticothérapie, ou au lupus per se,notamment en cas de syndrome des antiphospholipides ;

• ostéopathie fragilisante (ostéoporose) parfois fracturaire, secon-daire à une corticothérapie et à d’autres facteurs (carenceen vitamine D, apport insuffisant en calcium, réduction del’activité physique, ménopause précoce induite par un immu-nosuppresseur).Concernant les manifestations musculaires, les myalgies diffuses

sont assez fréquentes alors qu’une myosite confirmée histologi-quement est beaucoup plus rare.

“ Point important

Les manifestations articulaires sont très fréquentes au coursdu lupus systémique. Bien qu’invalidantes, ces manifes-tations n’occasionnent que rarement la survenue d’unrhumatisme déformant (à la différence de la polyarthriterhumatoïde non traitée).

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Manifestations rénalesL’atteinte rénale survient souvent lors des premières années. La

fréquence de cette atteinte rénale est estimée par les paramètresbiologiques usuels à 40 % des patients.

Le plus souvent, les manifestations cliniques initiales de cetteatteinte rénale sont assez pauvres, et c’est la surveillance systéma-tique des urines, par recherche d’une protéinurie, au minimumà chaque consultation par bandelette urinaire, qui permet de larévéler. Plus rarement, certains signes cliniques (asthénie impor-tante, œdème des membres inférieurs, hypertension artérielle)motivent la réalisation d’une bandelette urinaire et d’examensbiologiques.

Classiquement, l’atteinte rénale survient dans les premièresannées et revêt une importance pronostique majeure. Elle peutaussi être tardive : la recherche répétée d’une protéinurie s’imposetout au long de l’évolution. La biopsie, réalisée par voie per-cutanée ou transjugulaire, est indiquée devant une protéinuriesupérieure à 0,5 g/j. L’étude histologique montre des anomaliesprincipalement glomérulaires, mais aussi tubulo-interstitielles etparfois vasculaires. Les lésions actives, susceptibles de régressersous traitement, sont distinguées des lésions inactives, irréver-sibles. La classification de l’Organisation mondiale de la santé(OMS)/International Society of Nephrology reconnaît six classes.L’évolutivité du lupus tend à diminuer quand la néphropathieaboutit, malgré le traitement, à une insuffisance rénale terminale,cette éventualité étant devenue assez rare. Les taux de survie enhémodialyse sont bons et les récidives de néphropathie lupiqueaprès transplantations rares.

“ Point important

• Les manifestations rénales sont assez fréquentes aucours du lupus (environ 40 % des patients). Il existe sixclasses de néphropathies lupiques, de pronostic différent.La recherche répétée d’une protéinurie (à l’aide d’unesimple bandelette urinaire) s’impose tout au long del’évolution.• La biopsie, réalisée par voie percutanée ou transjugu-laire, est indiquée devant une protéinurie supérieure à0,5 g/j.

Manifestations neuropsychiatriquesLes manifestations neurologiques sont fréquentes, mais extrême-

ment hétérogènes dans leur expression clinique : 19 syndromesont été définis par le collège américain de rhumatologie (12 syn-dromes neurologiques centraux et sept syndromes neurologiquespériphériques).

Parmi les atteintes centrales les plus sévères, on distingue sché-matiquement :• crises comitiales (15 %) de tous types, dépourvues de significa-

tion péjorative quand elles sont isolées (associées à la présenced’anticorps antiphospholipides). Elles peuvent précéder lesautres manifestations systémiques de plusieurs années, posantalors le problème d’un lupus induit par les anticomitiaux ;

• manifestations focales dominées par les accidents vascu-laires cérébraux constitués ou transitoires, essentiellementischémiques et fortement associés à la présence d’anticorpsantiphospholipides. En l’absence de traitement, ils comportentun risque majeur de récidive à court ou à moyen terme ;

• manifestations diffuses : troubles mnésiques et cognitifs fré-quents, mais généralement mineurs, troubles de conscienced’importance variable.De nombreux syndromes psychiatriques, parfois graves et révéla-

teurs et pouvant comporter un risque suicidaire, ont été rapportés.L’expression psychiatrique la plus typique du neurolupus semanifeste précocement dans l’histoire de la maladie, est parfoisrévélatrice du lupus, et peut associer syndrome hallucinatoire,

syndrome délirant et syndrome confusionnel chez un sujetjeune ayant éventuellement d’autres signes de poussée lupique.Des syndromes catatoniques, des troubles de la personnalité ouobsessionnels compulsifs ont été également décrits. Les mani-festations directement liées au LES doivent être distinguées descomplications psychiatriques de la corticothérapie et des étatsanxiodépressifs de rencontre. Une éventuelle induction du lupuspar les traitements psychotropes, en particulier phénothiazines,est évoquée quand les troubles psychiques précèdent de longuedate les autres manifestations du LES. Attribuer des troublespsychiatriques au LES peut être difficile, en particulier lorsqueles symptômes sont exclusivement psychiatriques. La symp-tomatologie est peu typique. L’origine iatrogène des troublespsychiatriques est à évoquer de principe en sachant que cesmanifestations surviennent dans les 15 premiers jours de trai-tement dans plus de 50 % des cas. Les éléments en faveur del’imputabilité des corticoïdes dans les troubles psychiatriquessont principalement la dose utilisée (plus de 0,5 mg/kg parjour d’équivalent prednisone) et la chronologie (instaurationdu traitement ou augmentation récente des doses). Les dosessupérieures à 60 mg/j s’associent à des troubles psychologiqueschez 30 % à 57 % des patients. Les symptômes psychotiquescomme les hallucinations visuelles ou auditives et les épi-sodes maniaques sont beaucoup moins fréquents que l’anxiété,l’insomnie ou l’irritabilité. Les autres traitements utilisés dansle LES ne sont qu’exceptionnellement associés à des manifes-tations psychiatriques isolées : chloroquine ou mycophénolatemofétil.

Manifestations cardiaquesL’atteinte des trois tuniques est possible :

• péricardite ;• myocardite ;• valvulopathie mitrale ou aortique à type d’épaississement diffus

ou localisé (endocardite de Libman-Sacks), fortement associéeà la présence d’antiphospholipides (APL) ;

• insuffisance coronarienne rare, résultant de thromboses dansle cadre d’un syndrome des antiphospholipides (SAPL) et/oud’une athérosclérose accélérée par la corticothérapie prolongéeet/ou par un contrôle insuffisant du LES.

“ Point important

La péricardite est une manifestation clinique fréquentedu lupus systémique. Elle ne doit pas être confondueavec les autres causes de douleurs thoraciques, en par-ticulier l’embolie pulmonaire, qui doit être d’autant plusfacilement évoquée qu’il existe des anticorps antiphospho-lipides associés.

Manifestations vasculairesOn distingue les manifestations vasculaires suivantes :

• le phénomène de Raynaud fréquent (35 %), mais rarementcompliqué ;

• l’hypertension artérielle souvent présente en cas de gloméru-lopathie grave, de forte corticothérapie, voire de microthrom-boses intrarénales ;

• les thromboses veineuses, artérielles, ou microvasculaires, par-fois révélatrices, fortement associées à la présence d’anticorpsantiphospholipides et spontanément récidivantes dans le cadred’un SAPL :◦ les atteintes veineuses concernant surtout les veines pro-

fondes des membres, mais avec une relative prédominancepour les sièges atypiques (veines sus-hépatiques, surréna-liennes, membres supérieurs, etc.),

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◦ les atteintes artérielles affectant principalement les vaisseauxintracrâniens, mais comportant aussi des infarctus viscérauxde gravité variable.

Manifestations respiratoiresLes manifestations respiratoires peuvent toucher tous les

compartiments du système respiratoire (plèvre, parenchyme pul-monaire, voies aériennes, circulation pulmonaire et muscles res-piratoires), mais les atteintes pleurales dominent. On distingue :• l’atteinte pleurale avec ou sans épanchement (pleurite

« sèche »), manifestation respiratoire la plus fréquente. Elle peutêtre asymptomatique ou donner une douleur thoracique, unetoux sèche, de la fièvre et une dyspnée. Une pleurésie estobservée dans 25 % des cas, uni- ou bilatérale, exsudative etlymphocytaire (devant faire éliminer une embolie pulmonaireet/ou une infection) ;

• plus rarement, l’hypertension pulmonaire : sa prévalence estestimée entre 2,8 % et 14 % au diagnostic en fonction des sérieset des critères diagnostiques. Dans les séries où le diagnosticd’hypertension pulmonaire (HTP) est porté après cathétérismedroit, il s’agit, pour la moitié des cas, d’une hypertension arté-rielle pulmonaire (HTAP) alors qu’une cause secondaire estidentifiée pour l’autre moitié : postembolique, cause cardiaquegauche. L’HTAP est une complication grave du LES [3] ;

• les atteintes pulmonaires parenchymateuses de traduction cli-nique inconstante : toux, dyspnée, parfois hémoptysie ouanomalies auscultatoires. La survenue d’une pneumopathie aucours d’un LES traité impose d’écarter une origine infectieuse,notamment tuberculeuse. Ces atteintes parenchymateusespeuvent être :◦ pneumopathies interstitielles diffuses chroniques, râles cré-

pitants à l’auscultation, l’hippocratisme digital y est rare,◦ pneumopathie lupique aiguë,◦ hémorragie intra-alvéolaire (HIA),◦ le syndrome des poumons rétractés ou shrinking lung syn-

drome, rare, mais caractéristique du LES. Sa physiopathologieest complexe et encore mal élucidée, combinant vraisembla-blement une atteinte du nerf phrénique, des adhérences pleu-rales et une myosite diaphragmatique. L’atteinte diaphrag-matique est souvent bilatérale et responsable d’une dyspnéeprogressive, avec orthopnée, et des douleurs bibasales d’allurepleurale. Une fièvre et une toux sont plus rares. L’examenclinique peut mettre en évidence une diminution de mur-mure vésiculaire des bases, une diminution de l’ampliationthoracique ou une respiration abdominale paradoxale.

Manifestations hépato-gastro-entérologiquesLes manifestations hépato-gastro-entérologiques sont rarement

spécifiques de la maladie, plus souvent conséquence des traite-ments : hépatomégalie, dysphagie, douleurs abdominales, parfoisaccompagnées de nausées, voire de vomissements. Elles relèventde causes variées (ulcère gastroduodénal, péritonite, infarctusmésentérique, pancréatite, etc.). L’approche diagnostique doitdonc être indépendante de la maladie lupique. Une corticothéra-pie est susceptible de gommer les signes péritonéaux. Certainesmanifestations sont toutefois liées à l’activité spécifique de lamaladie :• ascite dans le cadre d’une sérite, témoignant de l’activité de la

maladie lupique ;• pancréatite aiguë pouvant survenir au cours d’une poussée

lupique inaugurale, notamment dans les formes pédiatriques ;• entérite ou « vascularite » mésentérique lupique ;• thromboses des vaisseaux digestifs dans le cadre du SAPL : syn-

drome de Budd-Chiari, thrombose mésentérique ou porte ;• hépatopathie : hépatite lupique dont l’individualisation est dis-

cutable ;• stéatohépatite (corticoïdes), hépatite médicamenteuse (acide

acétylsalicylique, anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS],statines, méthotrexate, azathioprine, léflunomide, etc.), cho-lestase, atteinte vasculaire (foie cardiaque, péliose, hyperplasienodulaire régénérative, artérite, etc.).

Manifestations ophtalmologiquesOn distingue :

• les atteintes oculaires diverses : rétinite dysorique latente etaspécifique, neuropathie optique, thrombose artérielle ou vei-neuse rétinienne, uvéites, épisclérites, sclérites ;

• l’association à un syndrome sec oculaire dans le cadre d’unsyndrome de Gougerot-Sjögren ;

• le risque de toxicité oculaire des amino-4-quinoléines pratique-ment nul quand les règles de prescription et de surveillance sontrespectées.

� Anomalies biologiquesProtéines de l’inflammation

Les poussées comportent généralement une élévation du fibri-nogène et de l’orosomucoïde alors qu’une baisse de l’haptoglobinetraduit une hémolyse associée. La C reactive protein (CRP) restepeu élevée, sauf en cas de sérite (péricardite, pleurite, etc.) oud’infection concomitante. Une hypergammaglobulinémie poly-clonale isolée peut entraîner une élévation durable de la vitessede sédimentation (VS) dans un lupus calme, notamment en casde syndrome de Gougerot-Sjögren associé.

“ Point important

Sauf sérite (péricardite, pleurite.) ou infection concomi-tante, la CRP reste peu élevée en cas de poussée lupique. Lediagnostic de poussée de lupus systémique ne doit donc enaucun cas être réfuté devant la normalité de ce paramètre.

Manifestations hématologiquesLes manifestations hématologiques peuvent concerner les trois

lignées :• une anémie inflammatoire accompagne les poussées mar-

quées. Une anémie hémolytique auto-immune à test deCoombs positif immunoglobuline G (IgG)-complément(5-10 %), souvent corticosensible, est parfois révélatrice. Lesautres causes d’anémie (carence martiale, insuffisance rénale,érythroblastopénie, hypothyroïdie associée, microangiopathiethrombotique, syndrome d’activation macrophagique, etc.)sont plus rares ;

• une leucopénie modérée, résultant d’une lymphopénie T et par-fois d’une neutropénie est fréquente ;

• une thrombopénie périphérique (15 % à 25 %) accompagneparfois les poussées et peut précéder le LES. Souvent latente, par-fois responsable d’un simple purpura, rarement d’hémorragiesviscérales, cette thrombopénie, liée à la présence d’anticorpsantiplaquettaires, n’est pas toujours corticosensible ;

• les troubles de l’hémostase sont dominés par la présence d’unanticoagulant circulant de type lupique (25 %).

Anomalies sérologiquesLes anomalies sérologiques sont dominées par la présence de

facteurs antinucléaires (FAN).Les FAN sont généralement dépistés par immunofluorescence

indirecte sur cellules Hep2. Leur présence à titre élevé est pratique-ment constante au cours du LES, mais elle est peu spécifique, carégalement retrouvée dans d’autres connectivites, certaines hépa-topathies et hémopathies, voire chez certains sujets sains. Aucours du LES, divers aspects de fluorescence sont possibles :• homogène : le plus fréquent, évocateur si le titre est supérieur à

1/500 ;• périphérique : rare, mais plus spécifique ;

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• moucheté : lié à la présence d’anticorps dirigés contre un ou plu-sieurs antigènes nucléaires solubles. Cet aspect s’observe aussidans d’autres connectivites ;

• nucléolaire : rare dans le LES, plus fréquent dans la sclérodermie.La présence de FAN ne constituant qu’un test d’orientation, il

est indispensable de préciser leur spécificité.La recherche d’anticorps anti-acide désoxyribonucléique (ADN)

bicaténaire (ou natif) par le test radio-immunologique de Farr,immunofluorescence sur Crithidia luciliae ou test enzyme linkedimmunosorbent assay (Elisa), est un examen moins sensible (70 % à85 %) que l’étude des FAN, mais beaucoup plus spécifique du LES,dont il constitue l’élément-clé du diagnostic biologique. En outre,le test de Farr est bien corrélé à l’existence d’une atteinte rénalegrave et à l’évolutivité du LES.

Les anticorps spécifiques d’antigènes nucléaires solubles (anti-corps anti-extractible nuclear antigens [ENA] ou extrait de cellulesthymiques [ECT]) sont détectés par immunoprécipitation, Elisaou Blot. On en distingue divers types, parfois associés :• anticorps anti-Sm, peu fréquents (20 %), mais hautement spé-

cifiques ;• anticorps anti-Ro/SSA, et anticorps anti-La/SSB plus rares,

dirigés contre des antigènes nucléaires et cytoplasmiques, ren-contrés au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren et/ou duLES, notamment dans le lupus subaigu et le lupus néonatal ;

• anticorps antiribonucléoprotéines (anti-RNP), présents dans30 % des LES et constamment par définition dans le syndromede Sharp (une forme de connectivite mixte).Divers autoanticorps distincts des FAN sont souvent ren-

contrés : facteur rhumatoïde (20 %), anticorps antihématies,antiplaquettes, antilymphocytes, antipolynucléaires, anticorpsantiphospholipides.

L’hypocomplémentémie, fréquente, peut relever de deux méca-nismes :• une consommation du complément activé par les complexes

immuns, circulants ou tissulaires, entraînant lors des pousséesune chute du CH50 et des fractions C3 et C4, liée statistique-ment aux atteintes rénales graves ;

• un déficit constitutionnel de l’une des fractions du complé-ment.

“ Point important

La présence de facteurs antinucléaires (FAN) est prati-quement constante au cours du lupus systémique. Larecherche d’anticorps anti-ADN bicaténaire (ou natif) parle test radio-immunologique de Farr, immunofluorescencesur Crithidia luciliae ou test Elisa, est un examen moins sen-sible (70 % à 85 %) que l’étude des FAN, mais beaucoupplus spécifique du LES, dont il constitue l’élément clé dudiagnostic biologique.

� Situations particulièresau cours du lupusGrossesse

Le risque de poussée lupique maternelle est important si lamaladie est évolutive au début de la grossesse ou s’il existe unenéphropathie. À l’inverse, la grossesse est autorisée si le lupusest en rémission depuis plus de 6 mois, avec une fonction rénalenormale ou peu altérée.

Les risques pour le fœtus sont divers. La présence d’APL chez lamère expose au risque d’avortements itératifs ou de mort fœtale.Le lupus néonatal (bloc auriculoventriculaire complet, éruptioncutanée néonatale transitoire) est lié à la présence maternelled’anticorps anti-Ro/SSA. Enfin, les risques de prématurité, deretard de croissance et de mortinatalité sont accrus chez les enfantsde mère lupique.

Lupus induitsLes lupus induits sont secondaires à l’administration prolongée

de certains médicaments, essentiellement isoniazide, phéno-thiazines, quinidine, certains anticonvulsivants, bêtabloqueurs,minocycline, interféron � et anti-tumor necrosis factor (TNF). Lesestroprogestatifs sont souvent responsables de poussées lupiqueset/ou de thromboses. Les lupus induits associent des signesgénéraux d’importance variable et des manifestations rhuma-tologiques, pleuropulmonaires et/ou péricardiques. Les atteintescutanées, rénales et neurologiques sont rares, de même que la pré-sence d’anticorps anti-ADN natif et d’une hypocomplémentémie.L’arrêt du médicament inducteur fait généralement régresser lesmanifestations cliniques en quelques semaines, la rétrocession desanomalies biologiques étant plus lente.

� DiagnosticDes critères de classification ont été élaborés en 1982 par

l’Association américaine de rhumatologie [4] puis révisés en 1997(Tableau 2) [5]. Il ne s’agit toutefois que d’une analyse statistiqueétablie à partir d’un recrutement rhumatologique et certains cri-tères ont été certainement surévalués aux dépens d’autres. Cetteanalyse peut donc ne pas s’appliquer à un patient donné et lesens clinique du médecin doit toujours prévaloir. Plusieurs cri-tères de classification du LES peuvent être observés dans un SAPLréellement primaire.

“ Point important

Les critères de classification du lupus ne sont pas des cri-tères diagnostiques. De fait, le sens clinique du médecindoit toujours prévaloir.

� Évolution et pronosticLe LES évolue par poussées entrecoupées de périodes de

rémission. On oppose des formes bénignes ambulatoires, prin-cipalement cutanéoarticulaires et des formes viscérales graves.L’activité de la maladie s’atténue après la ménopause. La sur-veillance biologique comporte des examens usuels dont larecherche régulière d’une protéinurie et le dosage répété desanticorps anti-ADN et du complément (CH50, C3, C4). Laréapparition d’anomalies immunologiques après une période denormalisation fait statistiquement craindre une exacerbation cli-nique.

Le pronostic du LES s’est considérablement amélioré, le tauxde survie à 10 ans étant d’environ 93 %. La maladie est plussévère en cas de début pédiatrique, chez les sujets à peau noireet dans le sexe masculin. La mortalité résulte soit du LES ou d’unSAPL associé, soit de complications favorisées par le traitement :infections notamment opportunistes, athérosclérose accélérée etnéoplasies.

“ Point important

Le lupus est une maladie chronique qui évolue par pous-sées entrecoupées de périodes de rémission. Le plussouvent, l’activité de la maladie s’atténue après la méno-pause. La surveillance clinique et biologique doit êtreréalisée régulièrement au cours du suivi de cette maladie.

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Tableau 2.Critères de classification du lupus proposés par l’American Rheumatism Association en 1982 révisés en 1997 (Hochberg) [5].

1. Éruption malaire en « aile de papillon » : érythème malaire fixe, plan ou en relief, tendant à épargner le sillon nasolabial

2. Éruption de lupus discoïde : placards érythématheux surélevés avec des squames kératosiques adhérentes et des bouchons cornés folliculairesCicatrices atrophiques pouvant apparaître sur des lésions anciennes

3. Photosensibilité : éruption cutanée résultant d’une réaction inhabituelle au soleil, à l’interrogatoire du patient ou observée par le clinicien

4. Ulcérations buccales ou nasopharyngées : ulcérations orales ou nasopharyngées, habituellement douloureuses, observées par un clinicien

5. Polyarthrite non érosive : arthrite non érosive touchant au moins deux articulations périphériques, caractérisée par : douleur, augmentation de volume,ou épanchement articulaire

6. Pleurésie ou péricardite :– pleurésie : épanchement pleural patent ou histoire convaincante de douleurs pleurales ou frottement pleural entendu par un clinicien– péricardite : documentée sur un ECG ou frottement péricardique ou mise en évidence de l’épanchement

7. Atteinte rénale : protéinurie supérieure ou égale à 0,5 g/j ou supérieure à 3 croix en l’absence de quantification possible ou cylindres urinaires (globulesrouges, hémoglobine, leucocytes, cellules tubulaires ou mixtes)

8. Atteinte neurologique :– convulsions : en l’absence de cause médicamenteuse ou de désordres métaboliques (insuffisance rénale, acidose, déséquilibre électrolytique)– psychose : en l’absence de cause médicamenteuse ou de désordres métaboliques (insuffisance rénale, acidose, déséquilibre électrolytique)

9. Atteinte hématologique :– anémie hémolytique avec hyperréticulocytose– leucopénie (inférieure à 4 000 leucocytes/mm3) trouvée à au moins deux reprises– lymphopénie (inférieure à 1 500 lymphocytes/mm3) à au moins deux reprises– thrombopénie (inférieure à 100 000 plaquettes/mm3) en l’absence de cause médicamenteuse

10. Désordre immunologique :– anticorps anti-ADN positif– présence d’anticorps anti-Sm. Fausse sérologie syphilitique positive depuis au moins 6 mois et confirmée par la négativité du test de Nelson ou du FTA

11. Présence de facteurs antinucléaires à un titre anormal en l’absence de médicaments inducteurs : titre anormal d’anticorps antinucléaire enimmunofluorescence ou technique équivalente à n’importe quel moment de l’évolution, en l’absence de médicaments inducteurs du lupus

ECG : électrocardiogramme ; ADN : acide désoxyribonucléique ; FTA : fluorescent treponemal antibody.

� TraitementLe lupus évolue par poussées entrecoupées de rémission. Ces

notions doivent toujours être présentes à l’esprit pour déterminerla prise en charge thérapeutique du patient lupique. Le caractèreaigu de la maladie, lié à une atteinte organique précise et qui peutavoir des conséquences graves, nécessite une intervention thé-rapeutique rapide et spécifique afin de contrôler la poussée dela maladie (par exemple : atteinte du système nerveux central setraduisant par des crises comitiales). Le caractère chronique dulupus nécessite l’éducation du patient, des évaluations régulièreset la reconnaissance précoce des signes d’évolutivité. Des modi-fications adaptées du traitement permettent ainsi de prévenir oude contrôler les poussées évolutives à des stades très précoces (parexemple, protection solaire, contraception adaptée).

Éducation du patient lupiqueSouvent négligée à tort, l’éducation du malade et de sa famille

est un élément important de la prise en charge thérapeutique. Elleporte en particulier sur les points suivants :• connaissance des symptômes de la maladie, en précisant les

signes d’alarme qui doivent conduire à une consultation. Toutemodification ou aggravation de la symptomatologie doit moti-ver une consultation ;

• profil évolutif du LES qui doit être expliqué au patient et lesobjectifs thérapeutiques qui en découlent. Le patient doit pou-voir reconnaître seul les signes cliniques avant-coureurs de lapoussée évolutive et consulter ;

• planification des examens de routine ;• effets indésirables possibles des traitements prescrits, risques de

l’arrêt intempestif du traitement ;• sensibilisation au respect du calendrier vaccinal ;• nocivité du tabac : facteur de risque cardiovasculaire, interfé-

rence avec l’efficacité de l’hydroxychloroquine et augmenta-tion de l’activité du LES ;

• mise en garde des risques d’une exposition au soleil. Protectionvestimentaire. Nécessité d’une photoprotection passive (évi-tement de l’exposition solaire directe ou indirecte) et active

(application toutes les 2 à 3 heures d’un écran solaire d’indicetrès élevé sur les régions découvertes, y compris hors de lapériode estivale) ;

• précision des règles de maniement et de surveillance d’un éven-tuel traitement par antivitamine K ;

• information diététique personnalisée : régime pauvre en sel etlimité en glucides en cas de corticothérapie ;

• encouragement quant à l’activité physique d’entretien quandles circonstances le permettent. La grossesse devant être pro-grammée, une contraception efficace est nécessaire et estévoquée dès la première consultation. Elle est strictementindispensable quand un traitement tératogène est administré(cyclophosphamide, méthotrexate, thalidomide) ;Un cadre associatif dédié est souvent utile, en particulier pour

aider certains malades à sortir de leur isolement.Enfin le LES est une affection chronique qui ouvre les droits à

une prise en charge au titre des affections de longue durée (ALD21).

Principales modalités thérapeutiquesMême si les indications sont à adapter à chaque cas, il est pos-

sible de dégager des grandes lignes thérapeutiques. Le LES étantune maladie chronique, il justifie un traitement de fond : les anti-malariques de synthèse. L’hydroxychloroquine (Plaquenil®) estemployée à la dose de 400 mg/j si la fonction rénale est normale.Le mode d’action des antimalariques est mal connu, mais leurefficacité au long cours sur l’activité du LES est bien démontrée.

L’intensité du traitement des poussées est adaptée à la gravitéde la maladie.

Le traitement des poussées cutanéoarticulaires repose surl’aspirine, les autres AINS et les antimalariques de synthèse.À l’inverse, une atteinte cutanée résistante aux antimala-riques n’est pas une indication à la corticothérapie générale,mais justifie une thérapeutique dédiée, notamment par lethalidomide.

Le traitement des formes viscérales repose sur la cortico-thérapie. Dans les poussées graves, celle-ci est débutée par laperfusion de 1 g de méthylprednisolone (Solu-Médrol®) par voieveineuse en 90 minutes après vérification de la kaliémie et de

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l’électrocardiogramme (ECG). Ces « bolus » sont délivrés pen-dant 3 jours consécutifs, puis relayés par une corticothérapieorale.

La prednisone (Cortancyl®) est le corticoïde de référence.La posologie est de 1 mg/kg par jour dans les formes graves(glomérulonéphrite proliférative diffuse, thrombopénie, anémiehémolytique) et de 0,5 mg/kg par jour dans les sérites. Lesmesures d’accompagnement visent à prévenir certains effetssecondaires, notamment l’accélération de l’athérogenèse. Unediététique excluant le sodium et restreignant les apports glu-cidiques et caloriques est couplée à un strict contrôle desparamètres tensionnels, glucidiques et lipidiques. Une supplé-mentation potassique est associée aux fortes doses de corticoïdes.L’utilisation raisonnée des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)a réduit les complications digestives. L’ostéoporose est atténuéepar l’adjonction de vitamine D, de calcium et de bisphospho-nates. Les risques infectieux étant majorés par la corticothérapie,le dépistage et le traitement des foyers bactériens latents sontsystématiques, ainsi que la prophylaxie d’une éventuelle anguillu-lose si le contexte le justifie. La vaccination antigrippale estrecommandée [6].

La posologie d’attaque est prescrite pour une durée de 3 à 6semaines. La régression, progressive, se fait par diminution de10 % de la dose antérieure tous les 10 à 15 jours. Une corticothéra-pie d’entretien (0,10 à 0,20 mg/kg par jour) est souvent maintenueplusieurs années, associée à l’hydroxychloroquine. Le sevrageéventuel doit prendre en compte le risque potentiel d’insuffisancesurrénale.

L’emploi des traitements immunosuppresseurs est limité auxformes viscérales graves ou corticodépendantes en raison de leursrisques (hypoplasie médullaire et infections à court terme, stérilitéet oncogenèse possible à long terme) [7, 8].

Divers agents sont utilisés : mycophénolate mofétil (Cellcept®)2 à 3 g/j, cyclophosphamide (Endoxan®) 0,5 à 0,8 g/m2 par voieintraveineuse discontinue, azathioprine (Imurel®) 2 à 3 mg/kg parjour per os. Dans le traitement des glomérulonéphrites proliféra-tives, l’adjonction d’un immunosuppresseur à la corticothérapieaméliore le pronostic rénal. Le schéma traditionnel (perfusionmensuelle de cyclophosphamide pendant 6 mois puis trimes-trielle pendant 2 ans) tend à être remplacé par d’autres protocolesrelayant rapidement le cyclophosphamide par l’azathioprine ou lemycophénolate mofétil, voire n’utilisant que ce dernier. La duréede l’immunosuppression est de deux ans, voire plus. Enfin, leméthotrexate est employé dans certaines formes articulaires résis-tantes.

“ Point important

La stratégie thérapeutique utilisée au cours du lupus sys-témique dépend du type d’atteintes cliniques observées.

Cas particuliersThrombopénie périphérique

Les thrombopénies sévères corticorésistantes sont traitées parhydroxychloroquine, danazol ou dapsone, mais surtout splé-nectomie précédée d’une vaccination antipneumococcique. Lesperfusions de fortes doses d’immunoglobulines sont utiles dansles situations d’urgence, mais leur effet est transitoire.

GrossesseLes risques de poussée lupique gravidique justifient pour cer-

tains l’introduction systématique d’une faible corticothérapieou sa majoration préventive. Aujourd’hui, l’hydroxychloroquineest généralement poursuivie. La surveillance multidisciplinaireporte notamment sur la pression artérielle, les données échogra-phiques et vélocimétriques, et les contrôles biologiques répétés

(en particulier créatininémie, protéinurie, uricémie, transami-nases, plaquettes, glycémie, anticorps anti-ADN et dosages ducomplément en prenant en compte son élévation gravidique phy-siologique).

ContraceptionLa grossesse devant être programmée, une contraception effi-

cace est indispensable. Les estroprogestatifs sont formellementcontre-indiqués en cas de poussée récente, d’atteinte viscéralemême éteinte, d’antécédent de thrombose ou de biologie anti-phospholipide positive. Une corticothérapie fait souvent récuserle stérilet en raison du risque infectieux et d’une efficacité peut-être amoindrie. La contraception repose donc essentiellementsur les micropilules progestatives, l’acétate de chlormadinone(Luteran®) ou l’acétate de cyprotérone (Androcur®).

� Surveillance cliniqueet biologique du lupus

Le médecin généraliste, par sa connaissance de la sympto-matologie lupique, doit reconnaître les signes avant-coureursd’une poussée lupique (arthralgies, éruption, etc.), ce qui permetd’intervenir précocement.

La fréquence des consultations varie en fonction de la sévé-rité initiale, du type d’atteinte viscérale et/ou de la survenued’événements intercurrents. Un examen clinique est nécessaireà chaque modification de traitement. De manière générale, la fré-quence recommandée de l’examen clinique est tous les 3 à 6 moisen période de quiescence, mais plus rapprochée, mensuelle, en casde lupus évolutif, notamment en cas d’atteinte viscérale grave.L’examen clinique de suivi est identique à celui réalisé lors del’évaluation initiale. La fréquence des consultations est adaptée àl’évolutivité clinique. Un bilan des complications et des atteintesviscérales est réalisé à chaque consultation (recherche de protéi-nurie par bandelette urinaire au minimum à chaque consultation,et à long terme tous les 3 mois).

Le praticien doit connaître les effets indésirables des trai-tements. Nous insisterons sur la surveillance ophtalmologiquenécessaire lors de la prescription d’antipaludéens de synthèse etsur le rôle de la corticothérapie prolongée dans l’accélération del’athérogenèse, car le pronostic lointain du lupus est en grandepartie conditionné par le risque vasculaire.

� ConclusionLe lupus n’est plus une maladie mortelle puisque la survie à

20 ans dépasse maintenant 90 %. Dans l’immense majorité descas, il s’agit d’une affection bénigne permettant une vie normaleau prix d’un modeste traitement d’entretien. Le rôle du médecingénéraliste est primordial, aux côtés du médecin interniste, dansla prise en charge de la maladie lupique.

� Références[1] Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) sur le lupus érythé-

mateux systémique. Haute Autorité de Santé. http://www.has-sante.fr.[2] Cervera R, Khamashta MA, Font J, Sebastiani GD, Gil A, Lavilla P.

Systemic lupus erythematosus: clinical and immunologic patterns ofdisease expression in a cohort of 1,000 patients. The European WorkingParty on Systemic Lupus Erythematosus. Medicine 1993;72:113–24.

[3] Arnaud L, Agard C, Haroche J, Cacoub P, Piette JC, Amoura Z. Pulmo-nary arterial hypertension in systemic lupus erythematosus. Rev MedInterne 2011;32(11):689–97.

[4] Tan EM, Cohen AS, Fries JF. The 1982 revised criteria for theclassification of systemic lupus erythematosus. Arthritis Rheum1982;25:1271–7.

[5] Hochberg MC. Updating the American College of Rheumatology revi-sed criteria for the classification of systemic lupus erythematosus.Arthritis Rheum 1997;40:1725.

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[6] Mathian A, Devilliers H, Krivine A, Costedoat-Chalumeau N, HarocheJ, Boutin-Le Thi Huong D, et al. Factors influencing the efficacyof two injections of a pandemic 2009 influenza A (H1N1) non-adjuvanted vaccine in systemic lupus erythematosus. Arthritis Rheum2011;63(11):3502–11.

[7] Arnaud L, Amoura Z. Biotherapy of systemic lupus erythematosus.Rev Med Interne 2010;31(suppl3):S296–303.

[8] Arnaud L, Zahr N, Costedoat-Chalumeau N, Amoura Z. Theimportance of assessing medication exposure to the definition ofrefractory disease in systemic lupus erythematosus. Autoimmun Rev2011;10:674–8.

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3 j  Chapter Title 1165

Étiologie et pathogénie

Les événements qui conduisent à la production d’aPL ne sont pas connus. Il est probable que des facteurs génétiques jouent un rôle. Un certain nombre de cas familiaux de SAPL ont été signalés ; cependant, des gènes spécifiques qui contribuent à la production d’aPL et au SAPL n’ont pas encore été identifiés.

Bien que l’on ait cru initialement que les aPL étaient dirigés contre des phospholipides anioniques, comme la cardiolipine et la phosphatidylsérine, les principales cibles de ces autoanticorps sont maintenant considérées comme étant certaines protéines plasmatiques liant des phospho-lipides. Les deux principaux antigènes semblent être la β2 glycoprotéine I (β2-GPI) et la prothrombine. La β2-GPI est une glycoprotéine plasmatique normale de fonction physiologique inconnue. Le déficit constitutionnel de β2-GPI n’est pas associé à un phénotype de la maladie. Cette protéine peut interagir avec certaines autres molécules (par exemple le facteur de coagulation XI, des lipoprotéines de basse densité oxydées) et des cellules (par exemple les cel-lules endothéliales vasculaires, des monocytes, des cellules

apoptotiques). La prothrombine, bien sûr, joue un rôle clé dans la coagulation du sang.

La recherche suggère que les aPL ne sont pas simplement des marqueurs de cette affection, mais jouent un rôle impor-tant dans la physiopathologie de l’hypercoagulabilité et de l’avortement. Par exemple, on a montré qu’un certain nom-bre d’anticorps monoclonaux et polyclonaux dirigés contre la β2-GPI agissaient comme des facteurs procoagulants et provoquaient des avortements dans des modèles animaux. De nombreux mécanismes ont été proposés. Certains aPL inhibent les voies normales de l’anticoagulation, en particu-lier celle de la protéine C. En outre, les aPL peuvent se lier aux cellules endothéliales vasculaires ou aux monocytes du sang et les activer, leur donnant un phénotype procoagulant, notamment l’expression du facteur tissulaire et des molécu-les d’adhérence intercellulaire. Les modèles animaux suggè-rent également que les effets pathologiques des aPL nécessitent l’activation du système du complément.

Il est probable que les aPL sont des facteurs de risque de thrombose, c’est-à-dire qu’ils causent ou contribuent à un état d’hypercoagulabilité, mais ne sont pas eux-mêmes le déclencheur immédiat d’un événement thrombotique.

Introduction

Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est l’association de thromboses, de morbidité de la grossesse ou d’avortement à des autoanticorps ayant une spécificité apparente pour les phospholipides anioniques. D’autres manifestations cliniques comprennent une thrombopénie, un livedo réticulaire, une forme de cardiopathie valvulaire (endocardite de Libman-Sacks), des ulcères cutanés et certains problèmes neurologiques non liés à un accident vasculaire cérébral (AVC). Des anticorps antiphospholipides (aPL) sont produits par environ un tiers des patients atteints de lupus érythémateux disséminé (LED), et environ un tiers de ceux-ci (10 à 15 % des patients atteints de LED) ont une ou plusieurs manifestations cliniques du SAPL. Celui-ci peut également se manifester comme un syndrome primaire en l’absence de lupus ou d’autres maladies auto-immunes. Le SAPL primaire est une forme relativement fréquente de thrombophilie acquise dans la population générale, responsable de 15 à 20 % des cas de thromboembolie veineuse, de près d’un tiers d’AVC chez des sujets de moins de 50 ans et de 10 à 15 % d’avortements récurrents.

Syndrome des antiphospholipides

Robert A.S. Roubey

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Chez les individus avec aPL, les anticorps sont présents en permanence dans la circulation, mais un événement throm-botique ne se produit que rarement, voire jamais, et dans un site vasculaire particulier.

Tableau clinique

Les tableaux cliniques du SAPL sont variés et dépendent de manifestations cliniques particulières.

Thrombose

La thrombose, manifestation clinique majeure du SAPL, a été trouvée dans presque tous les sites vasculaires. Les sites les plus courants de thrombose veineuse sont les veines profondes et superficielles des membres inférieurs. L’embolie pulmonaire survient dans près de la moitié des cas de thrombose veineuse profonde. L’AVC est la forme la plus courante de thrombose artérielle dans le SAPL. La thrombose est probablement le processus physiopatholo-gique responsable d’un certain nombre d’autres manifes-tations cliniques du SAPL (par exemple la thrombose et l’infarctus placentaire entraînant une fausse couche, et une thrombose des vaisseaux sanguins dermiques aboutissant à des ulcères cutanés).

Fausse couche et morbidité

Le type d’avortement le plus étroitement associé aux aPL est la mort fœtale survenant à partir de la fin du premier trimestre. Des pertes plus précoces (gestation de moins de 10 semaines) surviennent également ; toutefois, l’associa-tion statistique est faible en raison de la forte incidence de ces pertes précoces dans la population générale. Différents types de morbidité de la grossesse sont également associés aux aPL. Il s’agit notamment d’un retard de croissance fœtale, d’oligoamnios, de prééclampsie et d’éclampsie, de détresse fœtale, d’accouchement prématuré et d’événe-ments thrombotiques maternels durant la période post-partum.

Manifestations cutanées

Les patients avec aPL ont souvent un livedo réticulaire, un réseau de marbrures sous-cutanées de coloration bleu-rouge. Certains auteurs distinguent le livedo réticulaire (figure 152.1) et le livedo racémeux (figure 152.2). Ce dernier est plus ouvert, a un aspect de stries et pourrait avoir une signification pathologique plus importante. Le syndrome de Sneddon, l’association de livedo et d’AVC, s’accompagne d’aPL dans de nombreux cas.

Figure 152.1 Livedo réticulaire. Figure 152.2 Livedo racémeux.

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Des ulcères et des nécroses de la peau associés à des aPL ont également été décrits.

Thrombopénie

Chez les patients lupiques, une thrombopénie survient chez environ 40 % des patients avec aPL et chez seulement 10 % des patients sans aPL. Les aPL sont également détec-tés chez environ un tiers des patients atteints de thrombo-pénie auto-immune chronique. La diminution des plaquettes en cas de SAPL est généralement modérée, n’entraînant pas d’hémorragie. Fait intéressant, le petit nombre de plaquettes ne semble pas protéger les patients atteints du SAPL contre les thromboses.

Valvulopathie

Les végétations verruqueuses non infectieuses de l’endo-cardite de Libman-Sacks sont associées à des aPL chez des

patients avec et sans LED (figure 152.3). Ces végétations peuvent emboliser, provoquant des événements ischémi-ques tels que des AVC.

Manifestations neurologiques

Comme indiqué, l’AVC est la manifestation neurologique majeure du SAPL et sa répétition peut aboutir à une démence due à de multiples infarctus. Des accidents isché-miques transitoires peuvent également se produire. Certaines manifestations neurologiques qui ne sont pas clairement liées à un AVC peuvent également accompa-gner des aPL, bien que les données factuelles soient moins convaincantes que pour les AVC. Il s’agit notamment de myélite transverse, de syndromes de type sclérose en pla-ques, de chorée et de dysfonctionnement cognitif.

Maladie « catastrophique »

Le SAPL « catastrophique » est caractérisé par des throm-boses multiples survenant en quelques jours ou semaines,

Figure 152.3 Endocardite de Libman-Sacks.

Oreillette gauche

Oreillettegauche

Ventriculegauche

Végétations verruqueusesde la valve mitrale

Septum interventriculaire

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généralement dans de petits vaisseaux qui approvisionnent plusieurs organes importants (cœur, poumons, reins, cer-veau, foie), aboutissant à un dysfonctionnement grave ou à l’insuffisance d’un système d’organes. Des thromboses des gros vaisseaux, comme une thrombose veineuse pro-fonde, sont moins fréquentes. Plusieurs centaines de cas de SAPL catastrophique ont été rapportés. Environ la moitié des patients ont des antécédents de LED, de SAPL ou des deux ; dans l’autre moitié, le syndrome catastrophique est la première manifestation du SAPL. Le SAPL catastrophi-que est mortel dans près de 50 % des cas. Les principales causes de décès sont cardiaques (infarctus du myocarde, microthrombus du myocarde, bloc cardiaque) et pulmo-naires (syndrome de détresse respiratoire aiguë, embolie). Des événements déclenchants (par exemple infection, intervention chirurgicale, traumatisme ou retrait d’un médicament anticoagulant) sont identifiables dans de nom-breux cas.

Diagnostic différentiel

Lorsque l’on envisage le diagnostic du SAPL chez un patient atteint de thrombose, il est important de considérer d’autres causes de thrombophilie (résumées dans l’encadré 152.1).

Des fausses couches à répétition devraient être évaluées par un obstétricien spécialisé dans les risques élevés ou par un endocrinologue de la reproduction et par un expert en stérilité pour que des causes anatomiques, hormonales, métaboliques et chromosomiques puissent être exclues. Des troubles thromboemboliques héréditaires (voir l’enca-dré 152.1) peuvent également se compliquer de fausses couches récurrentes.

Le SAPL catastrophique peut imiter plusieurs affec-tions, notamment le purpura thrombotique thrombocyto-pénique et une vasculite lupique.

Démarche diagnostique

Le diagnostic de SAPL repose sur la démonstration d’une production persistante d’un ou plusieurs aPL chez un patient ayant des antécédents de thrombose ou de fausses couches à répétition. Le diagnostic de SAPL fondé sur d’autres manifestations cliniques (en l’absence de throm-bose ou de perte de grossesse) est plus controversé. Les critères de consensus international pour la classification définitive du SAPL sont utiles pour les essais cliniques, mais ont peu d’utilité pratique dans les soins aux patients individuels.

Tests de laboratoire pour les aPL

Anticorps anticardiolipine

Le test ordinaire des anticorps anticardiolipine convient encore pour la détection en première ligne des aPL. La persistance d’anticorps anticardiolipine de classe IgG (immunoglobuline G) ou IgM, à titre moyen ou élevé, est étroitement associée à des manifestations cliniques de SAPL. Des résultats de tests positifs de manière transitoire et des titres faibles d’anticorps sont plus difficiles à inter-préter. Des anticorps anticardiolipine de classe IgA peu-vent également accompagner un SAPL, mais c’est relativement rare.

Lupus anticoagulant

Les anticoagulants lupiques sont des anticorps détectés sur la base de leur activité inhibitrice sur la coagulation induite par des phospholipides. La détection implique un ou plu-sieurs tests de dépistage. Les plus courants comprennent le test de temps de céphaline activée, optimisé pour la détection des anticoagulants lupiques (TCA lupus) et le temps de venin de vipère Russell dilué (dRVVT, dilute Russell viper venom time). Si l’un de ces tests est prolongé, deux types de tests de dépistage sont effectués. Une étude de mélange permet d’exclure un déficit en facteur de coa-gulation. Le mélange du plasma du patient avec un plasma normal corrige une carence en facteur, mais pas un anti-coagulant lupique. Le deuxième type de test de confirma-tion est la démonstration de la dépendance des phospholipides, c’est-à-dire qu’un excès de phospholipides corrige la prolongation du test de coagulation.

Dosage immunologique des anticorps dirigés contre des protéines

Comme nous l’avons vu, la plupart des aPL sont dirigés contre la β2-GPI et la prothrombine, et non contre les phos-pholipides chargés négativement. Chez les patients atteints du SAPL, la plupart des anticorps détectés dans les tests anticardiolipine sont spécifiques de la β2-GPI. Les dosages des anticoagulants lupiques détectent certains anticorps anti-β2-GPI et des anticorps contre la prothrombine. Des trousses d’immunoessais pour le dosage des anti-corps anti-β2-GPI sont disponibles et semblent être plus

Encadré 152.1 Causes de thrombophilie

Héréditaires

Mutation de Leiden du facteur VMutation du gène de la prothrombineDéficit en protéine CDéficit en protéine SDéficit en antithrombineHyperhomocystéinémie

Acquises

Malignité, syndromes myéloprolifératifsTraumatisme, chirurgie, cathéters vasculairesGrossesseImmobilisationContraceptifs oraux, hormonothérapie substitutive,

tamoxifèneInsuffisance cardiaque congestiveMaladies inflammatoires de l’intestinMaladie de BehçetSyndrome néphrotiqueSyndromes d’hyperviscosité

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spécifiques des manifestations cliniques du SAPL que les tests anticardiolipine classiques. À l’heure actuelle, les dosages des anticorps anti-β2-GPI sont considérés comme des tests de deuxième ligne qui doivent être utilisés si le test anticardiolipine initial et les tests des anticoagulants lupiques sont négatifs ou non concluants. Des techniques de dosage des anticorps antiprothrombine (certains utili-sant une combinaison de prothrombine et de phosphati-dylsérine) sont en cours d’élaboration.

Anticorps contre d’autres phospholipides

La recherche d’anticorps dirigés contre divers phospholi-pides (par exemple le phosphatidylinositol, l’acide phos-phatidique, la phosphatidylcholine) est controversée. En général, ces tests sont peu standardisés, et la signification clinique de leurs résultats n’a pas été établie chez des patients sans anticorps anticardiolipine, sans anticoagulant lupique, et sans anti-β2 GPI.

Les recommandations pour les dosages d’aPL sont résu-mées dans l’encadré 152.2.

Soins et traitement

Traitement optimal

Prévention de la récurrence de thromboses

Une anticoagulation à long terme, plutôt qu’une immuno-suppression, est le pilier de la thérapie. L’usage de warfa-rine avec une cible INR (international normalized ratio) élevée de 3,0 à 4,0 a été recommandé précédemment. Plus récemment, un essai randomisé a suggéré qu’un INR cible de 2,0 à 3,0 était adéquat, et de nombreux experts dans le domaine ont adopté cette recommandation. Une anticoa-gulation à de l’héparine non fractionnée ou de bas poids moléculaire peut être appliquée à certains cas. En général, l’anticoagulation se poursuit pour une période de temps indéfinie. Bien sûr, à long terme, l’anticoagulation générale comporte un risque important de complications hémorra-

giques, et la décision de lancer un tel traitement doit être prise sur des bases individuelles ; il faut tenir compte de l’âge du patient, de sa capacité d’observance thérapeu-tique et des comorbidités. Chez certains patients, les tests de détection des aPL peuvent devenir négatifs après des mois ou des années. Dans ces cas, on ignore s’il est prudent de mettre fin à l’anticoagulation.

Prévention des fausses couches

Chez les femmes ayant eu une fausse couche liée à des aPL, les chances de succès d’une grossesse ultérieure non traitée ne sont que d’environ 20 %. Un traitement par aspirine à faible dose, seul, augmente le taux de réussite de manière significative, à environ 40 %. Le traitement par l’héparine et l’aspirine à faible dose est encore plus efficace, augmen-tant les chances à environ 80 %.

Les candidates au traitement sont les femmes dont les titres d’aPL sont moyens ou élevés et persistants avec des antécédents d’une ou plusieurs fausses couches (gestation de > 10 semaines) ou des antécédents de thrombose. Les femmes ayant connu des fausses couches précoces (gesta-tion de < 10 semaines) ou ayant de faibles titres d’aPL risquent moins un avortement subséquent, et la décision de traitement est plus difficile.

Pour les femmes avec un SAPL obstétrical sans antécé-dents de thrombose, les traitements typiques sont des minidoses ou de faibles doses d’héparine non fractionnée (5000 à 10 000 unités toutes les 12 h) ou des doses pro-phylactiques d’héparine de bas poids moléculaire. L’anticoagulation est appliquée autour du moment de l’ac-couchement, mais est aussi recommandée durant la période postpartum (6 semaines) pour prévenir la thrombose maternelle.

aPL asymptomatiques

Sauf contre-indication, l’aspirine à faible dose est recom-mandée pour les personnes asymptomatiques produisant des aPL, notamment les femmes ayant des antécédents obstétricaux de SAPL et qui ne sont pas enceintes. Cette recommandation n’est pas solidement basée sur des don-nées probantes, mais l’aspirine à faible dose est de nature à diminuer le risque de thrombose, a une faible incidence d’effets indésirables et coûte peu.

Autres agents thérapeutiques

Chez les patients atteints de LED et produisant des aPL, l’hydroxychloroquine semble réduire le risque de throm-bose. Le rôle d’agents antiplaquettaires, tels que le clopi-dogrel, est inconnu dans le SAPL. Le traitement au rituximab dans un petit nombre de cas de SAPL a donné des résultats mitigés. Les immunoglobulines intraveineu-ses (IgIV) ont été utilisées dans plusieurs cas de fausse couche, réfractaires à l’héparine et l’aspirine. Cependant, dans un petit essai randomisé, les IgIV ne se sont pas avé-rées bénéfiques. En plus d’abaisser la cholestérolémie, les inhibiteurs de la HMG-CoA réductase (statines) ont un

Encadré 152.2 Recommandations quant aux dosages des aPL

Tests de première ligne

Anticorps anticardiolipine (IgG, IgM)Anticoagulant lupiqueTests de dépistage (par ex., TCA lupus, dRVVT)Tests de confirmationMélange de plasmasDémonstration de la dépendance aux phospholipides

Tests de deuxième ligne

Anticorps anticardiolipine (IgA)Anticorps anti-β2-GPI (IgG, IgM, IgA)

Tests expérimentaux

Antiprothrombine, antiprothrombine-phosphatidylsérine

Non recommandé

Anticorps dirigés contre d’autres phospholipides

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certain nombre d’effets vasculaires bénéfiques. Dans des modèles animaux de SAPL, les statines ont montré une certaine efficacité.

Éviter les erreurs de traitement

Compte tenu des risques considérables de l’anticoagula-tion à long terme, il est particulièrement important d’iden-tifier soigneusement les patients qui produisent clairement des aPL et qui requièrent un tel traitement. Idéalement, la présence des aPL, soit l’anticoagulant lupique ou un titre moyen ou élevé d’anticardiolipine ou d’anticorps anti- β2-GPI, devrait être confirmée à deux reprises ou plus, au moins à 2–3 mois d’intervalle. Des précautions doivent également être prises pour assurer que la recherche des anticoagulants lupiques soit complète et comprenne aussi les tests de confirmation nécessaires. Un TCA de routine prolongé seul n’est pas une preuve suffisante pour établir la présence d’un anticoagulant lupique. Enfin, les dosages d’anticorps dirigés contre des phospholipides multiples ne sont pas recommandés et, s’ils sont effectués, leurs résultats doivent être interprétés avec prudence. Comme dit plus haut, la plupart de ces tests ne sont pas bien standardisés et leur utilité, si les tests ordinaires antiphospholipides sont négatifs, est discutable.

Futures directions

La recherche est en train d’éclairer rapidement les méca-nismes immunologiques des aPL et la physiopathologie de l’hypercoagulabilité associée. L’élucidation de ces mécanis-mes pourrait suggérer des approches thérapeutiques efficaces, mais surtout beaucoup plus sûres qu’une anticoa-gulation totale. Par exemple, un agent tolérogène des lym-phocytes B spécifiques de la β2-GPI a été développé et sera peut-être en mesure de diminuer spécifiquement les taux d’autoanticorps anti-β2-GPI.

Ressources supplémentaires

SAPL Foundation of America. Accessible à http : //apsfa.org. Consulté le 17 mars 2007.

Cette organisation à but non lucratif fournit des informations et un soutien aux patients.

Antiphospholipid Syndrome Collaborative Registry (APSCORE). Accessible à http://www.apscore.org. Consulté le 17 mars 2007.

APSCORE est un registre national lancé par les National Institutes of Health. Le site web contient des informations pour les médecins et les patients.

Hughes Syndrome Website. Accessible à http://www.hughes-syndrome.org/overview.htm. Consulté le 17 mars 2007.

Ce site est une source d’intérêt général fournissant des renseignements sur le syndrome des antiphospholipides.

Rare Thrombotic Disease Consortium. Accessible à http://www.rared-iseasesnetwork.epi.usf.edu/rtdc/index.htm. Consulté le 21 mai 2007.

La section « Information pour les médecins » contient des commentaires pertinents sur le syndrome des antiphospholipides en général et sur le type dit « catastrophique ».

Données probantes

1. Crowther MA, Ginsberg JS, Julian J, et al. A comparison of two intensities of warfarin for the prevention of recurrent thrombosis in patients with the antiphospholipid antibody syndrome. N Engl J Med 2003 ; 349 : 1133-8. PMID : 13679527.

Les auteurs décrivent un essai randomisé important de la warfarine dans la prévention de la thrombose en cas de SAPL.

2. Derksen RHWM, Khamashta MA, Branch DW. Management of the obstetric antiphospholipid syndrome. Arthritis Rheum 2004 ; 50 : 1028-39. PMID : 15077285.

Il s’agit d’une excellente revue basée sur des données probantes.3. Miyakis S, Lockshin MD, Atsumi T, et al. International consensus

statement on an update of the classification criteria for definite antiphospholipid syndrome (APS). J Thromb Haemost 2006 ; 4 : 295-306. PMID : 16420554.

Bien que les critères eux-mêmes soient d’une utilité clinique limitée, cette déclaration de consensus résume un vaste corpus de données factuelles sur les manifestations cliniques du SAPL.

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Syndrome de Gougerot-Sjögren

P.-Y. Hatron

Le syndrome de Gougerot-Sjögren est une exocrinopathie auto-immune caractérisée par l’associationd’une kératoconjonctivite sèche, d’une xérostomie, et de manifestations systémiques de nature immuno-inflammatoire. La présence d’anticorps antinucléaires est fréquente, notamment de type anti-SSA et SSB.La biopsie de glandes salivaires accessoires est l’élément clé du diagnostic. Outre le traitementsymptomatique du syndrome sec, la corticothérapie et les immunosuppresseurs peuvent être indiquésdans les formes sévères avec manifestations extraglandulaires. À long terme, le risque de lymphome estplus élevé que dans la population générale.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Syndrome de Gougerot-Sjögren ; Syndrome sec ; Xérostomie ; Xérophtalmie parotidite ;Syndrome de Mikulicz

Plan

¶ Introduction 1

¶ Syndrome de Gougerot-Sjögren primitif 1Circonstances de découverte 1Manifestations glandulaires 2Manifestations extraglandulaires 3Signes biologiques 4Formes évolutives 4Diagnostic 4

¶ Syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire 5

¶ Traitements 5Traitements symptomatiques du syndrome sec 5Traitements des manifestations systémiques 5

¶ Conclusion 6

■ IntroductionLe syndrome de Gougerot-Sjögren est une maladie auto-

immune systémique caractérisée par une infiltration lymphoïdedes glandes exocrines, affectant principalement les glandeslacrymales et salivaires, et responsable d’un tarissement dessécrétions et d’un syndrome sec.

Il faut d’emblée opposer le syndrome de Gougerot-Sjögrenprimitif du syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire ouassocié. Dans le syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire, lesyndrome sec s’associe à une autre connectivite achevée. Enpratique, il est souvent au second plan de la symptomatologie,derrière les manifestations systémiques de la connectiviteprincipale. Pour autant, le syndrome de Gougerot-Sjögrenprimitif, dans la majorité des cas, ne se limite pas à un syn-drome sec isolé : il s’associe le plus souvent à des manifestationsextraglandulaires, parfois graves, susceptibles de mettre en jeu lepronostic vital, justifiant un traitement spécifique, et qui fontde lui une véritable connectivite autonome.

■ Syndrome de Gougerot-Sjögrenprimitif

La prévalence de la maladie reste imprécise, selon les critèresdiagnostiques utilisés. C’est en tout cas la connectivite la plusfréquente, avec une prévalence se situant entre 0,5 % et 3 % à4 % de la population adulte [1], l’incidence annuelle a étéestimée à 4 pour 100 000 habitants.

La prépondérance féminine de la maladie est nette avec unsex-ratio de neuf femmes pour un homme. La maladie peutsurvenir à tout âge, mais c’est le plus souvent vers 45-50 ansqu’apparaissent les premiers symptômes. Elle débute en règlegénérale de façon très insidieuse, souvent de façon monosymp-tomatique, ce qui conduit à un retard diagnostique qui a étéestimé à au moins 8 années [2].

Circonstances de découverteDans les cas les plus simples, l’attention est d’emblée attirée

vers les glandes exocrines : c’est la constatation progressived’une sécheresse oculaire et/ou buccale. Il peut également s’agird’épisodes de tuméfaction des glandes salivaires principales etnotamment des parotides, ou plus rarement des glandeslacrymales.

Le début extraglandulaire de la maladie est beaucoup plustrompeur et concerne au moins un quart des cas. Il peut s’agird’une polyarthrite non érosive, d’un phénomène de Raynaudd’apparition récente, ou encore de signes de vascularite avecpurpura vasculaire et parfois neuropathie périphérique. Cesmanifestations systémiques peuvent précéder de plusieursannées les premiers signes fonctionnels de syndrome sec, sourcede retard diagnostique.

La maladie est parfois totalement latente, et c’est la décou-verte fortuite d’anomalies biologiques qui peut conduire audiagnostic, comme une élévation de la vitesse de sédimentationsecondaire à une hypergammaglobulinémie polyclonale.

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Manifestations glandulairesL’ensemble des glandes exocrines est concerné, siège d’un

infiltrat de cellules lymphocytaires et plasmocytaires, avec, pourterme évolutif une destruction parenchymateuse et la constitu-tion d’un syndrome sec.

Cette inflammation glandulaire peut s’exprimer cliniquementpar la survenue d’épisodes de fluxion des glandes salivairesprincipales (Fig. 1) : parotide et/ou sous-maxillaires, plusrarement des glandes lacrymales. Ces tuméfactions peuvent êtrechroniques, ou au contraire évoluer par poussées successives.Elles sont parfois très volumineuses et douloureuses. Cesépisodes de fluxion glandulaire sont un témoin d’évolutivité dela maladie, et concernent 20 % à 40 % des patients [3, 4].

L’expression clinique du syndrome sec prédomine au niveaubuccal et ophtalmique, cependant, l’ensemble des glandesexocrines peut être atteint. Ce syndrome sec est historiquementle maître symptôme de la maladie, mais il est cependantinconstant et très variable dans son intensité, parfois mêmed’une latence clinique totale, n’étant dépisté que par lesexplorations paracliniques appropriées. Il n’y a aucune relationentre la sévérité de ce syndrome sec et l’évolutivité systémiquede la maladie appréciée sur le nombre et la gravité des manifes-tations extraglandulaires.

Kératoconjonctivite sèche

Le patient se plaint d’une sensation de corps étranger et desable intraoculaire, puis de photophobie, de brûlures ophtalmi-ques. Parfois, il décrit une baisse de l’acuité visuelle avec unesensation de voile dans les yeux.

Les signes physiques s’observent dans les syndromes secs déjàsévères : les conjonctives sont rouges et enflammées, la fré-quence du clignement augmentée. Le matin, les culs-de-sacpalpébraux sont les sièges de sécrétions épaisses, collantes,parfois purulentes. L’hyposécrétion lacrymale peut être la sourcede complications ophtalmologiques : blépharites, ou plus graves,heureusement rares : ulcération de la cornée ou perforationcornéenne.

Explorations de la fonction lacrymale

Le test de Schirmer peut être réalisé au cabinet du médecin.Il consiste à insérer dans le cul-de-sac conjonctival une bande-lette de papier-filtre graduée. On considère qu’il existe unehyposécrétion lacrymale si moins de 5 mm de la bandelette ontété humectés par les larmes au bout de 5 minutes. Certainsfacteurs intercurrents sont cependant susceptibles de causer undéficit lacrymal transitoire (fièvre, déshydratation, etc.). Laspécificité de ce test est loin d’être parfaite.

Le test au rose Bengale, plus spécifique, réalisé par lesophtalmologistes, permet de révéler les premières lésions dekératoconjonctivite sèche par l’examen au biomicroscope après

instillation de ce colorant vital qui se fixe sur les cellules mortesdes zones sèches de la conjonctive et de la cornée. D’autrescolorants peuvent être utilisés, comme le vert de lissamine oula fluorescéine. Le temps de rupture du film lacrymal (break uptime), de réalisation facile, mesure la stabilité du film lacrymal.

Xérostomie

La xérostomie se manifeste par une sensation de bouchesèche, pâteuse, gênant parfois l’élocution et la déglutition desaliments secs. Elle oblige le patient à la prise répétée de gorgéesde liquides lors des repas, et même parfois la nuit. Cettexérostomie est parfois douloureuse, responsable de brûluresbuccales et de glossodynies. À l’examen, les muqueuses jugalessont ternes, vernissées, la langue dépapillée, lisse (Fig. 2). Cariesprécoces, intolérance des prothèses, stomatite et candidosebuccale sont les principales complications de la bouche sèche.

Explorations de la xérostomie

Les explorations de la xérostomie sont en pratique au nombrede trois : sialographie, scintigraphie, biopsie de glandes salivairesaccessoires.

La sialographie met en évidence les sialectasies, avec unaspect microponctué ou pseudokystique de la glande. Il s’agitcependant d’un examen invasif, de réalisation technique parfoisdifficile. Elle est de plus en plus remplacée par la sialo-imageriepar résonance magnétique (sialo-IRM) qui semble un examen degrande sensibilité [5]. En pratique, elle est surtout réalisée dansle cadre du bilan d’une parotidite ou d’une sous-maxillite.

La scintigraphie a l’avantage d’être un examen fonctionnelcapable d’apprécier la dynamique de la sécrétion salivaire. Lesrésultats sont souvent exprimés en quatre stades de gravitécroissante selon la classification de Schall.

La biopsie de glandes salivaires accessoires est l’examenprimordial, apportant deux ordres de renseignements :• l’importance des altérations glandulaires, de l’altération des

canicules salivaires, de la déplétion acineuse, de la fibroseréactionnelle ;

• la mise en évidence de la lésion caractéristique de la maladie :l’infiltration de la glande par des lymphocytes et plasmocytess’organisant en nodules ou follicules avec parfois de véritablescentres germinatifs [6]. Plusieurs classifications de ces aspectsanatomopathologiques ont été proposées, la plus utilisée estcelle de Chisholm en quatre stades qui ne prend en compteque le degré de l’infiltration cellulaire inflammatoire : lesstades 3 et 4 sont très caractéristiques de la maladie, maisnon pathognomoniques (Fig. 3).

Atteintes des autres glandes endocrines

Le syndrome sec peut s’étendre à d’autres tissus : muqueusegénitale, sécheresse de la peau, des voies aériennes supérieures(xérorhinie, gorge sèche), des voies aériennes inférieures(laryngotrachéite, syndrome obstructif des petites voies aérien-nes responsable de toux chroniques), des muqueuses digestives(œsophagite et gastrite atrophique, insuffisance pancréatiqueexocrine).

Figure 1. Parotidite au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren(SGS).

Figure 2. Xérostomie.

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Manifestations extraglandulairesFréquentes, parfois graves, les manifestations extraglandulai-

res touchent environ 70 % des patients. Très schématiquement,elles sont la conséquence de deux types de mécanisme : exten-sion de l’infiltrat lymphocytaire à d’autres épithéliums, etmanifestations extraépithéliales, avec notamment lésions devascularite.

PolyarthriteLa polyarthrite est certainement la plus fréquente de ces

manifestations (50 % des cas). Il s’agit d’une polyarthrite distale,bilatérale et symétrique, mais, à la différence de la polyarthriterhumatoïde, d’évolution non érosive.

Phénomène de RaynaudLe phénomène de Raynaud, présent chez 30 % environ des

patients, est d’apparence banale, sauf en cas de cryoglobuliné-mie où il peut alors se compliquer de nécrose pulpaire.

Vascularite systémiqueC’est l’une des complications les plus graves de la maladie :

elle peut se limiter à un purpura vasculaire d’évolution chroni-que qu’on observe volontiers en cas d’hypergammaglobulinémiepolyclonale à un taux élevé (purpura hyperglobulinémique deWaldenström). Elle peut être beaucoup plus sévère avec mono-névrite multiple (Fig. 4), purpura nécrotique. Dans la plupartdes cas, ces vascularites graves sont la conséquence d’unecryoglobulinémie mixte [7] (Fig. 5). Cette vascularite compliqueplus volontiers les syndromes de Gougerot-Sjögren avec anti-corps anti-SSA/Ro.

Atteinte neurologique

Système nerveux périphérique

Son atteinte concerne 10 % à 30 % des patients. La polyneu-ropathie axonale sensitivomotrice est la plus fréquente,d’expression sensitive prédominante. La neuronopathie sensitivepure est plus rare, avec abolition des réflexes ostéotendineux, etest volontiers associée à une atteinte du système nerveuxautonome avec pupille d’Adie. La mononévrite multiples’observe en règle en cas de cryoglobulinémie. Une atteinte desnerfs crâniens peut également s’observer, touchant notammentles V, VII et VIII.

Atteinte du système nerveux central

De fréquence très diversement appréciée, l’atteinte du systèmenerveux central est probablement rare, inférieure à 5 % [3]. Sesmanifestations sont très diverses, diffuses, ou focales donnantparfois des tableaux de pseudosclérose en plaques ou de myéliteaiguë ou chronique (Tableau 1). L’imagerie par résonancemagnétique nucléaire peut montrer un aspect d’encéphalopa-thie démyélinisante.

Atteinte pulmonaireLa trachéobronchite et le syndrome obstructif des petites

voies aériennes sont la conséquence de l’exocrinopathie. Toux

sèche, infection bronchopulmonaire récidivante, hypersensibi-lité bronchique en sont les manifestations.

Une pneumopathie interstitielle survient chez 10 % environdes patients. La plus fréquente est la pneumonie lymphocytaire

Figure 3. Biopsie de glande salivaire accessoire : stade IV de Chisolm(avec l’aimable autorisation du professeur A. Janin).

Figure 4. Mononévrite multiple au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS).

Figure 5. Vascularite cutanée au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS).

Tableau 1.Manifestations neurologiques centrales.

Diffuses

Méningoencéphalite

Troubles cognitifs, démence

Épilepsie

Manifestations psychiatriques

Focales ou multifocales

Type AVC

Type SEP

Myélites aiguës

Myélites chroniques

Névrites optiques

Syndromes extrapyramidaux

AVC : accident vasculaire cérébral ; SEP : sclérose en plaques.

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interstitielle, sous-groupe de la pneumopathie interstitielle nonspécifique (nonspecific interstitial pneumonia – NSIP). Elle se révèlepar une toux, une dyspnée, un syndrome restrictif, des imagesinfiltratives réticulonodulaires, parfois kystiques à la radiogra-phie de thorax. Cette pneumopathie est le plus souvent de bonpronostic [8].

Pneumopathie interstitielle fibrosante, pneumonie organisée,maladie kystique pulmonaire sont beaucoup plus rares.

Atteinte rénale

Touchant 5 % des patients, la néphropathie est également laconséquence d’une infiltration lymphocytaire du tissu intersti-tiel. L’expression la plus fréquente de cette néphropathieinterstitielle est une acidose tubulaire distale, compliquée parfoisd’hypokaliémie sévère, de néphrocalcinose et d’insuffisancerénale. Plus rarement, il s’agit d’une tubulopathie proximale.Elle s’observe en règle générale chez des patients présentant unehypergammaglobulinémie polyclonale de taux élevé. Lesatteintes glomérulaires à type de glomérulonéphrite proliférativesont plus rares et sont associées à la présence d’une cryo-globulinémie.

Des adénopathies superficielles sont retrouvées dans moins de10 % des cas. Elles peuvent être la conséquence d’une hyper-plasie folliculaire banale, mais doivent faire craindre la survenued’un lymphome.

Enfin, la fatigue est un symptôme fréquent au cours dusyndrome de Gougerot-Sjögren, touchant un malade sur deux,s’accompagnant parfois d’arthromyalgies diffuses, réalisant untableau proche de la fibromyalgie [9].

Signes biologiques

Anomalies de la numération-formule sanguine

Une leuco- ou une lymphopénie est fréquente, la thrombo-pénie est beaucoup plus rare.

Bilan inflammatoire

La vitesse de sédimentation est souvent élevée en raisond’une hypergammaglobulinémie polyclonale qu’on observedans près de 60 % des cas. Le plus souvent, il n’y a pas desyndrome inflammatoire : les protéines de l’inflammation et enparticulier la protéine C réactive (CRP) sont à taux normal, saufen cas de vascularite ou de polyarthrite. Une cryoglobulinémieest retrouvée dans 10 % à 15 % des cas environ.

Autoanticorps

Un facteur rhumatoïde est présent chez 40 % des patients.Les facteurs antinucléaires sont retrouvés chez trois patients

sur quatre [3, 4]. Il s’agit en règle générale d’anticorps anti-SSA/Ro (40 % à 50 %) et/ou d’anticorps anti-SSB (25 % à 30 %).En cas de grossesse, les anti-SSA/Ro exposent au risque de blocauriculoventriculaire congénital.

Formes évolutivesLe syndrome de Gougerot-Sjögren est une connectivite le plus

souvent de lente évolutivité, et dont les manifestations restentsouvent stables pendant de nombreuses années. On peut trèsschématiquement distinguer deux profils évolutifs :• une forme chronique « épithéliale », qui se limite à un

syndrome sec une fatigue et des arthromyalgies diffuses ;• une forme évolutive « extraépithéliale » avec nombreuses

manifestations extraglandulaires : purpura, neuropathiepériphérique, néphropathie, pneumopathie, poussées deparotidite et, sur le plan biologique, la présence d’anticorpsantinucléaires de type SSA, d’une cryoglobulinémie, d’unehypocomplémentémie caractérise ces formes évolutives,susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital.Au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren, le risque de

lymphome est de 16 à 44 fois supérieur à celui de la population

normale [10, 11]. Certains signes cliniques et biologiques doiventalerter : survenue d’adénopathies superficielles, de splénoméga-lie, apparition d’une dysglobulinémie monoclonale et/ou d’unediminution du taux de gammaglobuline, élévation brutale destaux de b-2-microglobuline. Ce risque de lymphome concerneenviron 5 % des patients. Parotidites, purpura, cryoglobuliné-mie, hypocomplémentémie, notamment de la fraction C4 sontles facteurs prédictifs de survenue de cette complication [11, 12]

(Fig. 6). Il s’agit le plus souvent de lymphomes B, de la zonemarginale. Ils peuvent être de localisation ganglionnaire ouextraganglionnaire.

Très exceptionnellement, une connectivite d’une autre naturepeut venir s’associer secondairement au syndrome de Gougerot-Sjögren : lupus érythémateux, sclérodermie, etc.

DiagnosticEn pratique, l’établissement du diagnostic doit se faire en

trois temps :• rechercher un défaut de sécrétions lacrymales et salivaires ;• écarter les autres causes de syndrome sec et/ou de tuméfac-

tion des glandes salivaires ;• rechercher des arguments en faveur de l’origine auto-

inflammatoire par :C l’existence d’autres manifestations viscérales de nature

« auto-immune » ;C la présence de marqueurs auto-immuns de la maladie :

facteur rhumatoïde, facteur antinucléaire.Enfin, la biopsie de glandes salivaires accessoires tient une

place essentielle dans ce diagnostic en mettant en évidencel’infiltrat lymphoplasmocytaire caractéristique [6]. Celui-ci n’esttoutefois pas pathognomonique : il pourrait s’observer danscertaines infections virales (virus de l’immunodéficiencehumaine [VIH], hépatite C) au cours de la réaction du greffoncontre l’hôte.

“ Point important

Autres causes de parotidomégalie• Virus (oreillons, VIH, Epstein-Barr virus [EBV],cytomégalovirus [CMV])• Sarcoïdose• Amylose• Hyperlipémie• Alcoolisme• Anorexie• Acromégalie• Lithiase salivaire• Tumeurs, lymphomes

Figure 6. Lymphome de la parotide au cours d’un syndrome deGougerot-Sjögren (SGS).

Page 27: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

■ Syndrome de Gougerot-Sjögrensecondaire

Le syndrome de Gougerot-Sjögren peut être associé à diversesconnectivites ou maladies auto-immunes d’organes (Tableau 3).La fréquence réelle du syndrome de Gougerot-Sjögren au coursde ces différentes connectivites est très diversement appréciée enfonction des critères diagnostiques retenus. Par exemple aucours de la sclérodermie, le syndrome sec est un symptômepropre de la maladie lié à la fibrose des glandes salivaires.L’association à un authentique syndrome de Gougerot-Sjögrenest beaucoup plus rare.

■ Traitements

Traitements symptomatiques du syndromesec

Les traitements locaux par substituts lacrymaux utilisant dessolutions de haute viscosité (povidone, gel de carbomère, acidehyaluronique, etc.) sont toujours indiqués en cas de xérophtal-mie symptomatique. Il faut éviter les produits avec conserva-teurs, irritants, et préférer les flacons monodose ou les systèmesfiltrant le conservateur. Dans les formes plus sévères, l’opérationdes points lacrymaux par la pose de clous méatiques amélioresouvent les patients.

La xérostomie est plus difficile à traiter : des substitutssalivaires en spray ont été commercialisés (Artisial®). Unestimulation locale de la sécrétion salivaire par bonbons acidulésou chewing-gums sans sucre peut être conseillée. L’hygiènebuccodentaire à la prévention des caries est de premièreimportance.

Il faut bien sûr contre-indiquer toute substance à actionatropinique ou parasympatholytique.

La seule molécule agissant par voie générale, disponible enFrance, et ayant fait la preuve de son efficacité dans le traite-ment du syndrome sec, est le chlorhydrate de pilocarpine. Ilpeut être prescrit soit sous forme de Salagen®, mais le médica-ment n’est pas pris en charge, soit sous forme de préparationmagistrale. La posologie efficace est de 5 mg trois à quatre foispar jour. Il est contre-indiqué dans l’asthme non équilibré et leglaucome à angle fermé. Son principal effet secondaire est unehypersudation.

Traitements des manifestations systémiquesLes antipaludéens de synthèse (Plaquenil®) sont indiqués et

souvent efficaces en cas de polyarthrite non érosive.Le recours à une corticothérapie à dose dégressive est parfois

nécessaire en cas de tuméfaction volumineuse récidivante etdouloureuse des glandes salivaires. La corticothérapie estégalement indiquée au cours de manifestations extraglandulairesgraves : vascularite, pneumopathie interstitielle, néphropathie

“ Point important

Autres causes de syndrome sec• Médicaments (psychotropes, anticholinergiques)• Vieillissement• Certains syndromes anxiodépressifs• Affections du système nerveux central [SNC] (maladiede Parkinson, sclérose en plaques [SEP], etc.)• Radiothérapie cervicofaciale• Sarcoïdose• Sclérodermie• Amylose• GVH (graft versus host – maladie du greffon contrel’hôte)• Infections par le virus de l’hépatite C (VHC), VIH, humanT-cell leukemia virus 1 [HTLV1]Les critères diagnostiques américano-européens [13] sontmaintenant utilisés par la plupart des équipes, même si onpeut leur reprocher de ne pas prendre en compte lesmanifestations viscérales (Tableau 2).

Tableau 2.Critères du syndrome de Gougerot-Sjögren du groupe de consensusaméricano-européen.

1. Symptômes oculaires

Au moins un des trois critères ci-dessous :

– sensation quotidienne, persistante et gênante d’yeux secs depuisplus de 3 mois

– sensation fréquente de « sable dans les yeux »

– utilisation de larmes artificielles plus de trois fois par jour

2. Symptômes buccaux

Au moins un des trois critères ci-dessous :

– sensation quotidienne de bouche sèche depuis plus de 3 mois

– à l’âge adulte, épisodes récidivants ou permanents de gonflementparotidien

– consommation fréquente de liquides pour avaler les aliments secs

3. Signes objectifs d’atteinte oculaire

Au moins un des deux tests ci-dessous positifs :

– test de Schirmer < 5 mm/5 min

– score de Van Bijsterveld > 4 (après examen au vert de Lissamine)

4. Signes objectifs d’atteinte salivaire

Au moins un des trois tests ci-dessous positifs :

– scintigraphie salivaire

– scintigraphie parotidienne

– flux salivaire sans stimulation < 1,5 ml/15 min

5. Signes histologiques

Sialadénite avec focus score > 1 sur la biopsie de glandes salivairesaccessoires (focus score = nombre de foyers par 4 mm2 de tissuglandulaire, un foyer étant défini par l’agglomérat d’au moins50 cellules mononuclées)

6. Autoanticorps

Présence d’anticorps anti-SSA (Ro) ou anti-SSB (La)

Syndrome de Gougerot-Sjögren : 4/6 critères avec au moins le critère5 ou 6 présent

Il existe des critères d’exclusion qui sont les suivants :

– antécédents d’irradiation cervicale

– infection par le VHC ou le VIH

– lymphome préexistant

– sarcoïdose

– réaction du greffon contre l’hôte

– utilisation de médicaments anticholinergiques (après une périodedépassant de quatre fois la demi-vie)

VHC : virus de l’hépatite C ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.

Tableau 3.Connectivites et maladies auto-immunes associées au syndrome deGougerot-Sjögren.

Connectivites

Polyarthrite rhumatoïde

Lupus érythémateux disséminé (avec anti-SSa/Ro)

Sclérodermie

Syndrome de Sharp

Dermatomyosite (rare)

Maladies auto-immunes

Cirrhose biliaire primitive

Hépatites chroniques actives

Thyropathie auto-immune

Anémie de Biermer

Purpura thrombopénique et anémie hémolytique auto-immune (rare)

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sympathique grave. Les manifestations neurologiques périphéri-ques peuvent se limiter au seul traitement symptomatique.Dans les formes plus sévères, on peut recourir à la corticothéra-pie ou encore aux immunoglobulines polyvalentes, notammentdans les neuronopathies sensitives.

En cas de manifestations neurologiques centrales graves, ona recours à la corticothérapie à forte dose éventuellement sousforme d’embols de méthylprédnisolone, associée aux immuno-suppresseurs, et notamment au cyclophosphamide.

Enfin, en cas de vascularite grave liée à une cryoglobulinémiemixte, de remarquables succès ont été obtenus grâce aux anti-CD20 (Mabthera®). Cette molécule est actuellement en coursd’évaluation dans le traitement des formes sévères de lamaladie.

■ ConclusionLe syndrome de Gougerot-Sjögren est une connectivite

fréquente, de diagnostic souvent difficile par le caractèreinsidieux de ses manifestations et sa lente évolutivité. Sescomplications sont cependant parfois redoutables, même s’il nemet que rarement en jeu le pronostic vital. Le rôle du médecinest d’abord de tenter de soulager les patients de leurs symptô-mes souvent pénibles, et de repérer les formes évolutives et chezces dernières l’apparition d’éventuelles complications.

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community-based study of prevalence and impact. Br J Rheumatol1998;37:1069-76.

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Pour en savoir plusMariette X. Le syndrome de Gougerot-Sjogren. In: Traité des maladies

systémiques. Paris: Médecine-Sciences Flammarion; 2008.Sjogren syndrome. Rheum Dis North Am 2008;34:833-1044.Amarasena R, Bowman S. Sjögren’s syndrome. Clin Med 2007;7:53-6.Papiris SA, Tsonis IA, Moutsopoulos HM. Sjögren’s Syndrome. Semin

Respir Crit Care Med 2007;28:459-71.

“ Points forts

• Il n’y a pas de corrélation entre la sévérité du syndrome sec et la gravité systémique de la maladie.• Les patients avec tuméfactions parotidiennes, purpura, hypergammaglobulinémie, anticorps anti-SSA et/ou SSB,cryoglobulinémie, sont à risque de développer une forme systémique sévère, et sont à surveiller étroitement.• 5 % des patients atteints de syndrome de Gougerot-Sjögren développent un lymphome. Les tuméfactions parotidiennes, lepurpura, la cryoglobulinémie, l’hypocomplémentémie sont des facteurs prédictifs d’une telle évolution.

.

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Myosites

P. Cherin

On distingue, au sein des myopathies inflammatoires primitives, trois affections principales : lespolymyosites (PM), les dermatomyosites (DM) et les myosites à inclusions (IBM). PM et DM semanifestent par un déficit moteur proximal, évoluant sur plusieurs semaines à plusieurs mois, avecélévation des enzymes musculaires (créatines phosphokinases). La DM est cliniquement caractérisée parune atteinte cutanée à type d’érythro-œdème photosensible et un début soit infantile soit à l’âge adulte,alors que la PM n’affecte que l’adulte. Certaines atteintes des DM/PM doivent être systématiquementrecherchées du fait de leur gravité : troubles de déglutition, atteinte respiratoire de mécanisme variable(pneumopathie de déglutition, pneumopathie interstitielle, syndrome restrictif), myocardite. Deuxexamens complémentaires, en dehors de la biopsie, sont particulièrement utiles : l’imagerie parrésonance magnétique musculaire révélant des aspects inflammatoires et la détection d’anticorpsspécifiques antisynthétases (PM avec pneumopathie interstitielle), et anti-Mi-1 et -2 dans les DM. DM etPM s’individualisent par leurs caractéristiques histologiques et physiopathologiques : infiltratslymphocytaires B et CD4 périvasculaires et dépôt de complément à l’origine d’une vasculopathie d’originehumorale dans la DM ; infiltrats lymphocytaires endomysiaux CD8 responsables d’un processuscytotoxique à médiation cellulaire dans la PM. L’expression par les myocytes des human leukocyteantigen de classe I et la production de cytokines jouent un rôle essentiel dans la physiopathologie desdeux myosites. PM et DM peuvent s’associer à un cancer, une collagénose (syndrome dechevauchement). Certaines PM sont secondaires à une infection virale (virus de l’immunodéficiencehumaine ou human T-cell lymphoma virus 1). Le traitement repose sur la corticothérapie,éventuellement associée aux immunosuppresseurs ou aux immunoglobulines intraveineuses.© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Polymyosite (PM) ; Dermatomyosite (DM) ; Myopathie inflammatoire ; Biopsie musculaire ;Autoanticorps ; Corticoïdes ; Immunoglobulines intraveineuses

Plan

¶ Introduction 1

¶ Polymyosites 2Épidémiologie 2Terrain génétique et facteurs favorisants 2Manifestations cliniques 2Examens complémentaires (hors biopsie musculaire) 3Histo-immunologie 4Nouveaux critères diagnostiques 4Formes secondaires ou associées 4Diagnostic différentiel 6Pronostic 6Traitement 6

¶ Dermatomyosites 7Épidémiologie 7Terrain génétique et facteurs favorisants 7Manifestations cliniques 7Examens complémentaires 8Histo-immunologie 8Nouveaux critères diagnostiques 8Formes secondaires ou associées 8Diagnostic différentiel 8

Pronostic 9Traitement 9

¶Myosites à inclusions 9Épidémiologie 9Manifestations cliniques 9Examens complémentaires 9Histo-immunologie 9Formes cliniques 10Diagnostic différentiel 10Pronostic 10Traitement 10

¶ Conclusion 10

■ IntroductionOn distingue, au sein des myosites (ou myopathies inflam-

matoires) primitives, trois groupes principaux, selon les aspectscliniques et immunohistochimiques : les polymyosites (PM), lesdermatomyosites (DM) et les myosites à inclusions (IBM)(Tableau 1). Ces trois affections, d’un grand polymorphismeclinique et évolutif, ont en commun une atteinte inflammatoiredysimmunitaire des muscles striés [1, 2]. Dans les deux dernières

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décennies, de nombreux travaux ont permis de dégager descritères cliniques, pathologiques, pathogéniques solides indivi-dualisant chacune des affections (PM, DM et IBM) [2]. Les PM etles DM, à l’exception de l’atteinte cutanée propre à la DM,partagent la plupart de leurs manifestations cliniques, mais leurpathogénie diffère.

Les myosites semblent résulter, comme bon nombre demaladies auto-immunes, d’une activation immunitaire chroni-que suivant une exposition environnementale, sur un terraingénétique prédisposé. Des progrès considérables ont été réalisésces dernières années dans la compréhension et la prise encharge de ces maladies.

■ Polymyosites

ÉpidémiologieLes PM sont des connectivites rares dont l’incidence annuelle

est estimée entre cinq et dix cas par million d’habitants et laprévalence de six à sept cas pour 100 000 personnes. Un caractèresaisonnier a été rapporté, notamment dans certains sous-groupesde myosites aux États-Unis. Les PM touchent préférentiellementla femme avec un sex-ratio de 2 pour 1. Elles peuvent survenir àn’importe quel âge, mais touchent principalement l’adulte [2, 3].Les formes de l’enfant sont exceptionnelles.

Terrain génétique et facteurs favorisantsLa PM pourrait être liée à une activation immunitaire chro-

nique suivant une exposition environnementale, sur un terraingénétique prédisposé. De rares observations ont été publiées,relatant des cas de PM ou de DM survenant soit chez desjumeaux homozygotes, soit dans une même fratrie soit à deuxgénérations successives (parent/enfant). Plus fréquemment,d’autres affections auto-immunes sont retrouvées dans lesfamilles des patients, et des associations à certains haplotypeshuman leukocyte antigen (HLA) ont été décrites. Les haplotypesB8, DR3 sont plus représentés dans les PM et DM de raceblanche. D’autres associations avec les antigènes HLA ont étéobservées : dans le contexte des PM non compliquées avec B7 et

DRw6 chez les PM de sujets africains ; dans les PM avecanticorps antisynthétases avec DR3, DRw6, DRw52 et DQa4 ;dans les PM avec anticorps anti-signal recognition particle (SRP)avec DR5, DRw52 et DQa3 et lors des PM induites par laD-pénicillamine avec DR4, B18, B35. Les principaux facteursenvironnementaux sont développés (cf. infra).

Manifestations cliniquesLa faiblesse se développe habituellement sur plusieurs semai-

nes à plusieurs mois [2].Le déficit moteur est typiquement de type myogène, tou-

chant la musculature striée de façon bilatérale, symétrique etnon sélective [2]. Il débute et prédomine sur les muscles proxi-maux, notamment sur les ceintures scapulaire et surtoutpelvienne et sur les muscles cervicaux (fléchisseurs de nuque).

L’intensité de la faiblesse musculaire est variable d’un sujet àun autre allant d’une simple gêne fonctionnelle à une paralysieflasque rendant le sujet grabataire. Les myalgies, observées dans25 % à 70 % des myosites, sont rarement au premier plan. Undéficit moteur des muscles distaux tardif et discret est noté dans25 % à 30 % des cas. Le déficit des muscles abdominaux, dudiaphragme et des muscles intercostaux participe aux manifes-tations respiratoires.

Les troubles œsopharyngés (25 % à 30 % des cas) résultent del’atteinte de la musculature striée du pharynx et de la partiesupérieure de l’œsophage et se traduisent par une dysphonie,une dysphagie, voire des troubles de la déglutition et des faussesroutes conditionnant le pronostic vital. Ils doivent être recher-chés de façon systématique et répétée. La musculature oculairen’est jamais intéressée.

L’atrophie musculaire, les contractures et l’hyporéflexie sontrares au cours des myosites. Une anomalie des réflexes ostéoten-dineux (ROT) s’observe principalement dans les formes sévères ettardives de la maladie. Il n’existe pas, sauf association fortuite, designe neurologique périphérique ou central. Leur présence doitfaire évoquer soit une IBM, soit une myosite au cours d’uneconnective, notamment au cours d’un syndrome de Sjögren.

Les manifestations articulaires sont notées chez 15 % à 30 %des patients atteints de myosite pure. Il s’agit essentiellementd’arthralgies inflammatoires, oligoarticulaires, intéressant

Tableau 1.Principales caractéristiques des polymyosites, dermatomyosites, myosites à inclusion.

Polymyosites Dermatomyosites Myosite à inclusions

Âge de début Adulte Enfant ou adulte Adulte de plus de 50 ans

Distribution Ceintures Ceintures Proximale et distale

Atteinte musculaire Non sélective Non sélective Sélective (quadriceps, jambiers antérieurs,fléchisseurs des doigts)

Manifestations cutanées Absentes Présentes Absentes

Association virale VIH, HTLV-I, coxsackies Absentes Exceptionnelle : VIH, HTLV-1

Association cancer Oui Oui (adulte) Non

Autoanticorps spécifiques Antigènes cytoplasmiques,antisynthétases, anti-SRP

Antigènes nucléaires anti-Mi-1 et Mi-2 Non

Biopsie Lésions endomysiales Lésions périmysiales Lésions endomysiales

Nécrose, régénération Nécrose, régénération Nécrose, régénération

Atrophie périfasciculaire Vacuoles bordées

Infiltrats périmyocytaires Infiltrats périvasculaires Infiltrats périmyocytaires

CD8, macrophages B, CD4 et macrophages CD8, macrophages

Pas de microangiopathie Microangiopathie Pas de microangiopathie

Expression diffuse HLA-I HLA-I périfasciculaire Expression focale HLA-I

Dépôts capillaires C5b-9 Dépôts amyloïdes

Mécanismes Immunité cellulaire cytotoxiquedirigée contre le myocyte

Immunité humorale contreles capillaires → ischémie myocytes

1. Immunité cellulaire cytotoxique

2. Processus dégénératif

VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; HTLV-1 : human T-cell lymphoma virus-1 ; SRP : signal recognition particle ; HLA : human leukocyte antigen.

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principalement les poignets, genoux, épaules, interphalangien-nes proximales et métacarpophalangiennes. Les arthrites sontexceptionnelles sauf dans le cadre du syndrome des antisynthé-tases (surtout avec les anticorps anti-PL7 et PL12).

L’atteinte cardiaque est probablement sous-estimée au coursdes myosites primitives [2]. Sa fréquence est diversementappréciée selon les critères retenus : elle concernerait de 30 % à70 % des patients, s’exprimant le plus souvent seulement pardes anomalies purement électriques (troubles du rythme diverset/ou parfois de la conduction) ; soit beaucoup plus rarement,par une vascularite coronaire ou intramyocardique, par unemyocardite inflammatoire ou une péricardite, ou par unprolapsus de la valve mitrale. De fait, une symptomatologieclinique cardiaque ne s’observe que dans 10 % à 15 % desmyosites, mais peut être responsable de morts subites.

Des manifestations pulmonaires surviennent dans 15 % à45 % des myosites et peuvent être sous-tendues par différentsmécanismes [2]. La pneumopathie de déglutition, secondaire àl’atteinte pharyngée, est notée dans 10 % à 20 % des cas, etreprésente la seconde cause de mortalité après les cancers. Unehypoventilation est notée dans 4 % à 8 % des cas par faiblesse desmuscles respiratoires, mais une atteinte diaphragmatiqueinfraclinique semble très fréquente [4]. Elle peut être responsabled’images d’atélectasie. La pneumopathie interstitielle diffuses’observe chez 10 % à 15 % des patients. Elle est inauguraledans 50 % des cas, précédant parfois de plusieurs mois les signesmusculaires et/ou cutanés [2, 5]. Elle s’observe dans 50 % à 70 %des syndromes des antisynthétases, qui associent au cours d’unePM, pneumopathie interstitielle, arthrites, phénomène deRaynaud et hyperkératose desquamante et fissurée des mains. Letableau peut être particulièrement brutal et bruyant avecdypsnée fébrile, toux sèche, image radiologique diffuse réticulo-nodulaire. En règle générale la présentation est moins parlanteavec un tableau de dyspnée progressive, voire même totalementinfraclinique révélée par la radiographie systématique. Sasurvenue aggrave le pronostic de la myosite. Il existe différentssous-types histologiques de pneumopathie interstitielle dans lecadre du syndrome des antisynthétases : principalement pneu-mopathie organisée (COP) (ex-bronchiolitis obliterans organizingpneumonia [BOOP]), pneumopathie interstitielle non spécifique(PINS) ou pneumopathie interstitielle usuelle (UIP), plusexceptionnellement dommage alvéolaire diffus (DAD) responsa-ble d’un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA). Lepronostic de ces pneumopathies interstitielles et leur réponsethérapeutique varient selon le type histologique de pneumopa-thie interstitielle. D’autres complications pulmonaires sontpossibles (pneumopathies infectieuses [germes opportunistes] oupneumopathie iatrogène [méthotrexate]).

Les autres manifestations sont exceptionnelles au cours desPM : néphropathies glomérulaires (< 1 %), atteinte des muscleslisses du tube digestif (gastroparésie, atteinte de la motilité dugrêle devant faire rechercher une maladie cœliaque associée,etc.), rétinopathie ischémique. Les signes généraux sont absentsou discrets. Leur présence doit faire suspecter une formeassociée ou secondaire de PM.

Examens complémentaires (hors biopsiemusculaire)

Les examens complémentaires ont plusieurs objectifs :• confirmer la souffrance musculaire (testing musculaire,

créatine phosphokinase [CPK], électromyogramme [EMG],imagerie par résonance magnétique [IRM] musculaire) ;

• orienter vers une affection inflammatoire (biologie, IRMmusculaire) ;

• rechercher une complication, notamment pulmonaire oucardiaque, souvent silencieuse.La vitesse de sédimentation est augmentée chez 50 % à 60 %

des patients, généralement de façon modérée. L’hyperleucocy-tose à polynucléaires neutrophiles est également inconstante.

L’élévation des enzymes musculaires (créatine kinase [CK] ouCPK, aldolase, lactate déshydrogénase [LDH], transaminases)témoignent de la nécrose musculaire. La CPK représentel’enzyme la plus spécifique. Les enzymes musculaires sont

élevées dans 75 % à 85 % des PM/DM. L’isolement des isoen-zymes MM ou MB des CPK ne permet pas de différencier uneéventuelle atteinte myocardique (les fibres musculaires en coursde régénération sécrètent l’isoenzyme MB) [2].

Les facteurs rhumatoïdes sont positifs dans 20 % des PM/DM.Les facteurs antinucléaires et anticytoplasmiques sont présentsdans 30 % à 50 % des cas. Il peut s’agir d’anticorps nonspécifiques des PM/DM, dirigés contre les protéines musculairesou d’autres cibles (comme les anticorps anti-ribonucleoprotein[RNP], anti-PM-Scl, anti-SSA et anti-SSB, anticorps anti-Ku),également présents dans d’autres affections auto-immunes, etparticulièrement dans les syndromes de chevauchement, où cesanticorps semblent plus fréquents (77 %) que dans les DM(62 %) ou les PM (40 %) [2].

Il s’agit ensuite d’anticorps beaucoup plus spécifiques demyosite qui peuvent être divisés en deux groupes majeurs aucours des PM, constituant des entités « clinico-épidémio-immunologiques » [2] :• des anticorps anticytoplasmiques dirigés contre les enzymes

aminoacyl-acide ribonucléique de transfert (ARNt)-synthétasesqui permettent de fixer chaque acide aminé à son ARNt lors dela synthèse protidique. Il s’agit des anticorps anti-JO1 (histidyl-ARNt), PL7 (thréonyl-ARNt), PL12 (alanine-ARNt), OJ (isoleucil-ARNt), EJ (glycyl-ARNt) et KS (asparaginyl-ARNt). Ces anticorpssont rencontrés dans 10 % à 30 % des PM constituant lesyndrome anti-JO1 ou antisynthétase. Il semblerait exister unecorrélation entre le titre des anticorps anti-JO1 et certainesmanifestations cliniques au cours des PM ;

• les anticorps anticytoplasmiques anti-SRP. Ces anticorps anti-SRP sont notés dans 5 % des myosites associées à unemyocardite. Ce sous-groupe, peu sensible à la thérapeutique,semble de mauvais pronostic (25 % de survie à 5 ans).L’EMG permet de mettre en évidence des anomalies très

évocatrices dans les territoires cliniquement atteints en faveurdu caractère myogène du déficit ; au repos : abondance del’activité de fibrillation, nombreux potentiels spontanés prove-nant de fibres musculaires isolées, de potentiels de fibrillation,potentiels lents de dénervation, et salves pseudomyotoniques ;et lors de la contraction musculaire : réduction de la durée et del’amplitude des potentiels d’unité motrice, avec présenced’indentations sur les phases montantes et descendantes despotentiels d’unité motrice. Il objective par ailleurs un signenégatif important : l’absence d’atteinte neurogène associée.

Les radiographies articulaires sont normales sans déformationou destruction ostéoarticulaire, même en cas d’arthrite réelle,sauf chez les patients ayant un syndrome antisynthétase avecanticorps anti-PL7 et PL12.

L’électrocardiogramme (ECG) peut mettre en évidence uneatteinte cardiaque infraclinique fréquente, avec des anomaliesdu segment ST, des troubles de conduction auriculoventricu-laire, notamment bloc de branche, déviation de l’axe électrique,troubles du rythme, généralement supraventriculaires. Lestroubles de conduction peuvent être responsables de mortsubite. Ils justifient l’exploration du faisceau de His devant ladécouverte de toute anomalie de conduction à l’ECG systéma-tique. L’échocardiographie peut objectiver une valvulopathie,une cardiomyopathie dilatée, ou une péricardite.

La radiographie thoracique systématique recherche descomplications pulmonaires infracliniques de la myosite. Ladécouverte d’un syndrome interstitiel justifie des investigationspulmonaires. Les explorations fonctionnelles respiratoiresmontrent un syndrome principalement restrictif souventprécédé d’une altération de la capacité pulmonaire de diffusionpour le monoxyde de carbone (DLCO). Le lavage bronchoalvéo-laire montre, dans les formes aiguës évolutives, une hypercellu-larité faite essentiellement de polynucléaires neutrophiles ou delymphocytes, et alors accessibles à une thérapeutique puis à unstade tardif séquellaire, d’éosinophiles puis de macrophages. Labiopsie pulmonaire peut être utile pour classer la pneumopathieinterstitielle. Mais c’est surtout le scanner thoracique hauterésolution qui permet d’orienter le diagnostic de pneumopathieinterstitielle et son sous-type, et de suivre, avec les épreuvesfonctionnelles respiratoires, l’atteinte pulmonaire.

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L’examen tomodensitométrique (TDM) des masses musculai-res objective, sur des coupes musculaires transversales, unedisparition de la structure normale avec remplacement dumuscle par un signal graisseux et/ou une amyotrophie.

L’IRM musculaire, avec les séquences gadolinium, fat-satT2 et/ou inversion-récupération (STIR) [6, 7], permet de mettre enévidence des anomalies évocatrices de PM et de DM, et princi-palement des hypersignaux multifocaux ou diffus, au sein dutissu musculaire et prédominant au niveau de la partie proxi-male des membres, en séquences pondérées T2 [6, 7]. Au coursdes PM, les séquences pondérées en écho de spin T1 montrentune infiltration graisseuse et une atrophie musculaire modéréeavec un aspect festonné du fascia (signe du « drapeau ») ; lesséquences T2 révèlent une inflammation en rapport avec del’œdème (plus de 70 % des cas), intéressant préférentiellementles muscles proximaux de manière symétrique sous la forme delésions focales ou diffuses. L’IRM musculaire permet éventuelle-ment de guider une biopsie musculaire, et de suivre ces patientsafin de différencier évolutivité ou rechute et myopathie cortiso-nique en cas de doute diagnostique [5]. La spectroscopie coupléeà l’IRM montre des anomalies des taux de phosphatesorganiques.

Histo-immunologieLa biopsie musculaire chirurgicale d’un muscle proximal

permet d’affirmer le diagnostic. Elle est indispensable avant touttraitement pour :• poser le diagnostic de myosite et éliminer une autre affection

musculaire ;• la classer dans le groupe des myopathies inflammatoires.

Certaines anomalies histologiques sont communes aux PM etDM, d’autres sont plus spécifiques et permettent désormais deles distinguer histologiquement. Les anomalies musculairescommunes associent typiquement : des foyers de nécrosesfocales des fibres musculaires ; des foyers de régénération desfibres musculaires, à différents stades de régénération ; desinfiltrats inflammatoires à cellules mononucléées. Le siège desnécroses cellulaires et des infiltrats inflammatoires, la présenceéventuelle de lésions endothéliales et le type de cellulesmononucléées varient selon le type de myosite.

Dans la PM, les infiltrats inflammatoires prédominent dansles régions endomysiales périnécrotiques, sans topographievasculaire, avec rareté des cellules B et CD4+, mais prédomi-nance de cellules cytotoxiques T CD8+ et de macrophages [6, 8].Les lymphocytes CD8+ entourent et détruisent focalement lesfibres musculaires dans les zones non nécrotiques, avec unaspect de tunnellisation centromyocytaire.

Les myocytes expriment de manière diffuse le complexe majeurd’histocompatibilité (CMH) de classe I [6, 8], ce qui semble, enexpérimentation animale, le mécanisme initiateur principal dudéclenchement de la maladie. Il n’existe pas de microangiopathie,de dépôts d’immunoglobulines (Ig), de complexes immuns, ni delésions ischémiques myocytaires comme dans la DM. La destruc-tion des myocytes serait liée au phénomène d’exocytose granu-laire et à la libération de perforine par les lymphocytescytotoxiques CD8 situés au contact des myocytes [6]. Ces résultatsconfirment l’atteinte primitive des fibres musculaires, médiée parun mécanisme cellulaire cytotoxique, électivement dirigé contreles myofibrilles, dans les PM de l’adulte.

Nouveaux critères diagnostiquesLes critères diagnostiques des PM et DM jusqu’alors les plus

utilisés, et en premier lieu ceux de Bohan et Peter de 1975 [1],sont désormais dépassés. En effet, de nombreuses autres affec-tions musculaires proches des myopathies inflammatoiresprimitives ont été individualisées depuis, telles que : les IBM, lesdystrophinopathies, sarcoglycanopathies, calpaïnopathies etdysferlinopathies. De fait, les critères diagnostiques précédentsne permettaient pas de différencier ces myopathies d’authenti-ques PM et DM, dont elles peuvent tout à fait mimer lescaractéristiques, cliniques et/ou histologiques, et dont la priseen charge thérapeutique est pourtant radicalement différente.

Les progrès immunopathogéniques, une meilleure définitiondes paramètres électromyographiques et immunologiques etl’émergence d’outils diagnostiques, désormais disponibles enpratique clinique au cours des PM et des DM (IRM musculaire,autoanticorps spécifiques des myosites) ont permis unemeilleure définition des myosites primitives. Un consensusaméricano-européen a permis l’élaboration de nouveaux critèresdiagnostiques des PM et DM intégrant l’ensemble de cesnouvelles connaissances (Tableaux 2, 3) [7]. Finalement, cescritères, plus rigoureux et spécifiques des PM et DM, devraient,dorénavant, permettre de les distinguer des autres myopathiesinflammatoires ou génétiques connues [7]. Ce groupe a égale-ment permis de valider les critères internationaux et consen-suels d’évaluation de l’évolutivité et de traitement des PM etDM, établis par l’International Myositis Assessment and ClinicalStudies Group (IMACS) [9].

Formes secondaires ou associées

CancerUne association entre PM et pathologie tumorale est retrou-

vée dans 15 % à 20 % des myosites [10]. Elle est plus fréquenteaprès 40 ans. Cette association ne vaut que pour les PM aiguëset isolées, car elle n’est pas retrouvée pour les syndromes dechevauchement et les PM chroniques. La PM précède l’appari-tion du cancer dans 70 % des cas. Le délai moyen entre lasurvenue des deux affections est le plus souvent inférieur à1 an, mais peut dépasser les 2 ans. Les cancers mammaires,utérins et ovariens chez la femme, tumeurs épithéliales bron-chiques, prostatiques et digestives, et dans une moindre mesure,les lymphomes non hodgkiniens chez l’homme prédominent [2].L’absence fréquente de parallélisme évolutif entre les patholo-gies musculaires et tumorales ne permet pas de considérer lesmyosites comme des syndromes paranéoplasiques [2]. Aussi,toute myosite chez un adulte de plus de 40 ans impose un bilancarcinologique répété à 6, 12 et 18 mois, incluant systématique-ment radiographie de thorax, échographie prostatique ouendovaginale, mammographie, prostate specific antigen (PSA) ouCa-125 et colonoscopie. D’autres investigations peuvent sediscuter en fonction de points d’appel éventuels. L’existenced’une dysphagie doit nécessairement faire pratiquer unefibroscopie œsogastrique avant d’attribuer ce symptôme à lamyosite [11]. Il faut noter la fréquence des cancers du cavumdans certaines régions (Chine du Sud, Maghreb).

Connectivite associéeL’association à une connectivite caractérise les syndromes de

chevauchement qui représentent 10 % à 20 % de l’ensemble desmyosites. Sclérodermie, syndrome de Goujerot-Sjögren, lupusérythémateux systémique (LES), polyarthrite rhumatoïde,thyroïdites et cirrhose biliaire primitive sont, dans l’ordre, lesprincipales affections rencontrées [2]. Les caractéristiqueshistologiques de la myosite lupique sont indiscernables de cellesd’une DM primaire. Dans la série de Bohan, ces syndromes dechevauchement, individualisés dans un groupe séparé, repré-sentaient 21 % des cas de myopathies inflammatoires et sesingularisaient par une prédominance féminine (9/10), un âgede début plus bas de survenue (35 ans), la fréquence élevée desarthralgies, de la sclérodactylie, du syndrome de Raynaud et desmyalgies [2]. Ces quatre symptômes sont trouvés dans l’associa-tion sclérodermie-myosite qui peut également comporter unecalcinose et une atteinte myocardique. Cette scléromyositesemble d’assez bon pronostic. La présence de quelques infiltratsinterstitiels, sans nécrose et/ou régénération chez un patientatteint de collagénose mais ne présentant pas de signes défici-taires, ne permet pas de parler de syndrome de chevauchement.

VirusL’intervention de certains entérovirus, notamment coxsackie

B ou A9, ou virus Echo dans le déclenchement des myosites aété évoquée, principalement chez des sujets atteints d’hypo-gammaglobulinémie. Cependant, la recherche par polymerasechain reaction (PCR) du génome d’entérovirus n’a jamais permis

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de confirmer cette hypothèse. De façon plus significative, desPM peuvent être observées au cours d’infections par les rétrovi-rus, virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et/ou l’humanT-cell lymphoma virus-1 (HTLV-1).

L’infection par le virus VIH peut induire une PM ayant lesmêmes critères cliniques (déficit proximal, myalgies) et histolo-giques (infiltration CD8, expression des antigènes du complexeHLA de classe I) que ceux de la PM idiopathique [2]. La chrono-logie entre l’infection par le VIH et la survenue de la PM est trèsvariable, cette dernière pouvant se manifester tardivement,

Tableau 2.Nouveaux critères diagnostiques des polymyosites et dermatomyositesproposés par l’European Neuromuscular Center (ENMC) [7].

I. Critères cliniques

Critères d’inclusion

a. Début généralement après 18 ans (postpuberté), début peut survenirchez l’enfant dans la DM et dans les myosites non spécifiques

b. Caractéristiques du déficit moteur : bilatéral, symétrique,proximal > distal, fléchisseurs de nuque > extenseurs de nuque

c. Rash caractéristique de DM : éruption liliacée (± œdémateuse)des paupières supérieures, signe de la manucure, éruption érythémato-squameuse de la face d’extension des MCP et IPP, coude, genoux (papu-les et signes de Gottron), érythème des zones photosensibles

Critères d’exclusion

a. Déficit moteur évocateur de myosite à inclusions (Griggs et al., AnnNeurol 1995;38:705-13) : déficit asymétrique et sélectif, touchantpréférentiellement les biceps, cubitaux antérieurs et fléchisseursdes doigts, quadriceps et tibiaux antérieurs

b. Déficit des muscles oculomoteurs, dysarthrie isolée, atteinte préféren-tielle des extenseurs de nuque par rapport aux fléchisseurs de nuque

c. Myopathie toxique, endocrinopathie (hypo- ou hyperthyroïdie,hyperparathyroïdie), amylose, histoire familiale de dystrophiemusculaire ou de neuropathie motrice proximale

II. Élévation des enzymes musculaires CPK

III. Autres critères paracliniques

1. Électromyographie

Critères d’inclusion

- Abondance de l’activité de fibrillation de repos. Nombreux potentielsspontanés provenant de fibres musculaires isolées, potentiels de fibrilla-tion, potentiels lents de dénervation, salves pseudomyotoniques

- Lors de la contraction volontaire : réduction de la durée,et accessoirement de l’amplitude des PUM, présence d’indentations surles phases montantes et descendantes des PUM

Critères d’exclusion

- Salves myotoniques suggérant une dystrophie myotoniqueou une chanelopathie

- Analyse morphométrique montrant une augmentation de la duréeou de l’amplitude des PUM

- Diminution du recrutement des PUM

2. IRM musculaire : présence d’hypersignaux intramusculaires (œdème)diffus ou focaux, en séquence gadolinium, fat-sat T2 ou STIR

3. Autoanticorps spécifiques des myosites dans le sérum

IV. Biopsie musculaire

a. Infiltrat inflammatoire T endomysial entourant et envahissantdes fibres musculaires non nécrotiques (tunnellisation myocytaire)

b. Lymphocytes T CD8+ entourant, mais sans envahissement, des fibresmusculaires non nécrotiques ou expression myocytaire diffusedu complexe MHC-I

c. Atrophie périfasciculaire

d. Dépôts du complexe d’attaque membranaire MAC dans les capillairesmusculaires, ou réduction de la densité capillaire, ou inclusions tubulo-réticulaires dans les cellules endothéliales en microscopie électronique,ou expression du MHC-I par les fibres périfasciculaires

e. Infiltrat inflammatoire T périvasculaire, périmysial

f. Infiltrats inflammatoires dispersés T CD8+ entourant,mais sans envahissement, des fibres musculaires non nécrotiques

g. Nécrose musculaire prédominante sur le plan histologiqueLes cellules inflammatoires sont rares sans infiltrat périmysial ou péri-vasculaire net. Des dépôts du complexe d’attaque membranaire MACdans les capillaires musculaires ou des capillaires en « tuyau de pipe »en microscopie électronique sont possibles, en règle sans inclusionstubuloréticulaires dans les cellules endothéliales

h. Vacuoles bordées, fibres rouges déchiquetées (ragged red fibers [RRR]),fibres cytochrome-oxydase négatives, suggérant une myositeà inclusions

i. Dépôts du complexe d’attaque membranaire MAC dans le sarcolemmede fibres musculaires non nécrotiques, et autres éléments en faveurd’une dystrophie musculaire en immunopathologie

DM : dermatomyosite ; MCP : métacarpophalangiennes ; IPP : interpha-langiennes proximales ; CPK : créatines phosphokinases ; IRM : imagerie parrésonance magnétique ; STIR : séquence d’inversion-récupération ; MHC-I :major histocompatibility complex-I ; PUM : potentiel d’unité motrice.

Tableau 3.Diagnostic des myosites, polymyosites et myosites à inclusion en fonctiondes nouveaux critères proposés par l’European Neuromuscular Center(ENMC) (cf. Tableau 2).

Myosite à inclusions : voir critères définis par Griggs et al. (Ann Neurol1995;38:705-13)

Polymyosite

Polymyosite certaine

1. Tous les critères cliniques à l’exception du rash cutané

2. Élévation des enzymes musculaires CPK

3. Critères de biopsie musculaire incluant a, et excluant c, d, h, i(cf. Tableau 2)

Polymyosite probable

1. Tous les critères cliniques à l’exception du rash cutané

2. Élévation des enzymes musculaires CPK

3. Autres critères paracliniques (un des trois)

4. Critères de biopsie musculaire incluant b, et excluant c, d, g, h, i(cf. Tableau 2)

Dermatomyosite

Dermatomyosite certaine

1. Tous les critères cliniques

2. Critères de biopsie musculaire incluant c (cf. Tableau 2)

Dermatomyosite probable

1. Tous les critères cliniques

2. Critères de biopsie musculaire incluant d ou e, ou élévationdes enzymes musculaires CPK, ou autres critères paracliniques (un destrois) (cf. Tableau 2)

Dermatomyosite amyopathique

1. Rash typique de DM : érythème liliacé héliotrope des paupières, signede la manucure, papules de Gottron

2. Biopsie cutanée objectivant une réduction de la densité capillaire,des dépôts de MAC dans les artérioles et capillaires de la jonctiondermoépidermique

3. Pas de déficit moteur musculaire

4. Taux normaux de CPK

5. EMG normal

6. Biopsie musculaire, si elle est faite, montrant l’absence de critèrescaractéristiques de DM certaine ou probable

Dermatomyosite possible sine dermatitis

1. Tous les critères cliniques à l’exception du rash cutané

2. Élévation des enzymes musculaires CPK

3. Autres critères paracliniques (un des trois)

4. Critères de biopsie musculaire incluant c ou d (cf. Tableau 2)

Myosite non spécifique

1. Tous les critères cliniques à l’exception du rash cutané

2. Élévation des enzymes musculaires CPK

3. Autres critères paracliniques (un des trois)

4. Critères de biopsie musculaire incluant e ou f, et excluant les autrescritères (cf. Tableau 2)

Myopathie nécrosante dysimmunitaire

1. Tous les critères cliniques à l’exception du rash cutané

2. Élévation des enzymes musculaires CPK

3. Autres critères paracliniques (un des trois)

4. Critères de biopsie musculaire incluant g, et excluant les autrescritères (cf. Tableau 2)

CPK : créatines phosphokinases ; MAC : complexe d’attaque membranaire ;EMG : électromyogramme ; DM : dermatomyosite.

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comme à l’inverse révéler l’infection au VIH. Cette PM est demécanisme plus immunologique que directement viral car onne décèle pas en microscopie électronique, de particules viralesdans les fibres musculaires ou les cellules lymphoïdes, etseulement de manière occasionnelle des antigènes viraux, pardiverses techniques d’immunohistochimie, tandis que lesrecherches en PCR du VIH ne s’avèrent parfois positives quedans les cellules lymphoïdes ou dans les septa endomysiaux,mais non dans le muscle [2]. L’affection répond aux corticoïdeset aux perfusions d’Ig. La PM associée à l’infection au VIH doitêtre distinguée des autres atteintes musculaires du syndrome del’immunodéficience acquise (sida) :• myosites infectieuses ;• myopathie mitochondriale due à l’azidothymidine (AZT) ;• myopathie à bâtonnets ;• diffuse infiltrative lymphocytosis syndrome, associant adénopa-

thies, splénomégalie, hypertrophie des glandes salivaires,hyperlymphocytose CD8 circulante et myosite dans un quartdes cas ;

• cachexie du sida ;• exceptionnels lymphomes musculaires.

Toutefois, la PM associée au VIH et la myopathie à l’AZT sontsouvent associées. Le virus HTLV-1 induit une PM, égalementmédiée par les lymphocytes cytotoxiques. Elle affecte préféren-tiellement la population des Caraïbes où la présence du virus estendémique. L’association à une myélite est fréquente etcaractéristique.

La toxoplasmose survient préférentiellement chez le sujetimmunodéprimé et peut affecter le muscle sous forme d’unePM. La présence de kystes toxoplasmiques dans le muscle esttrès évocatrice mais inconstante. De rares observations de PMont été rapportées au cours d’une maladie de Lyme, delégionelloses [2].

ToxiquesDe nombreuses observations de PM déclenchées par certains

médicaments, principalement D-pénicillamine et cimétidine, desantalgiques (pentazocine), des statines, des implants dermiquesde silicone ou de collagène, ainsi que certains facteurs toxiques(colles au cyanoacrylate, exposition à la silice) ont été rappor-tées. Toutefois la D-pénicillamine semble constituer le principalmédicament inducteur de PM [2].

Autres

Polymyosite avec déficience en cytochrome oxydase(complexe IV de la chaîne respiratoire)

Cette forme de PM, discutée, s’individualise par les caractèressuivants : âge de survenue tardif (autour de 60 ans), évolutionlente, déficit quadricipital avec amyotrophie au premier plan,présence d’un pourcentage élevé (jusqu’à près de 30 %) de fibresdépourvues de cytochrome oxydase, délétions de l’acidedésoxyribonucléique (ADN) mitochondrial en PCR, mauvaiseréponse au traitement immunosuppresseur. L’infiltrat inflam-matoire est celui de toute PM. Le tableau est ainsi plus proched’une IBM, mais il n’y a pas de vacuoles bordées.

Polymyosite à éosinophiles

Cette forme, rare, se traduit par un déficit musculaire doulou-reux, proximal ou diffus, un érythème cutané parfois photosen-sible et une altération sévère de l’état général. Elle s’intègregénéralement dans le cadre d’un syndrome hyperéosinophiliqueavec atteinte pluriviscérale : cardiaque (souvent prédominante),pulmonaire, cutanée, hématologique (anémie). La biopsiemontre une nécrose des fibres avec infiltrats inflammatoiresriches en éosinophiles. Le pronostic est sévère avec une morta-lité élevée.

Myosite de la « graft versus host » (GVH)

C’est une PM due à l’agression par les lymphocytes dudonneur des muscles du receveur, survenant à la phase chroni-que de GVH, 3 mois à plus de 4 années après une transplanta-tion de moelle osseuse. D’autres manifestations sont associées(cutanées, digestives, syndrome sec). La survenue de myosite

après greffe autologue a été exceptionnellement rapportée. Surle plan immunohistologique, l’expression musculaire d’antigè-nes HLA de classe II est particulière à cette myosite.

Diagnostic différentiel• L’IBM est une myopathie chronique indolore, sans atteinte

cutanée, corticorésistante pouvant simuler une PM au débutde l’affection.

• La myosite granulomateuse s’observe principalement au coursde la sarcoïdose, exceptionnellement dans la maladie deCrohn et la myasthénie avec thymome. On peut en rappro-cher les myosites au cours d’autres maladies dysimmunitaires(LES, maladie de Goujerot-Sjögren, sclérodermie, etc.).

• La myosite nodulaire focale est caractérisée par des collectionsmiliaires de cellules inflammatoires périvasculaires au débutlocalisées puis disséminées. Elle se traduit par des massesmusculaires douloureuses, en règle du mollet ou de la cuisse,d’extension rapide. Elle s’observe au cours de PM ou dediverses connectivites.

• Certains médicaments, notamment hypocholestérolémiants(fibrates et inhibiteurs de la 3-hydroxy-3-méthylglutaryl-coenzyme A [HMG-CoA] réductase), la colchicine, la zido-vudine, les antimalariques, les stéroïdes, peuvent êtreresponsables de myopathies médicamenteuses.

• Enfin, le diagnostic peut parfois hésiter dans les formesprécoces avec certaines dystrophies musculaires, surtout lesdysferlinopathies à expression musculaire diffuse, ou unemyopathie thyroïdienne.

PronosticAvant l’ère de la corticothérapie, les myosites constituaient

un groupe d’affections particulièrement graves, dont les taux desurvie spontanée étaient inférieurs à 40 % [2]. Les deux princi-pales causes de mortalité sont le cancer et le sepsis [2]. Enl’absence de pathologie tumorale sous-jacente, les myosites del’adulte constituent désormais des affections de pronosticrelativement favorable, avec des taux actuels de survie à 5 ansde l’ordre de 90 %. Les facteurs de mauvais pronostic sont :l’existence d’une pathologie tumorale associée, l’âge élevé,l’ethnie noire, une dysphagie, une atteinte cardiaque, unepneumopathie interstitielle ou une faiblesse des musclesrespiratoires accessoires, un début brutal et très fébrile, laprésence d’anticorps antisynthétases ou anti-SRP, une thérapeu-tique initiale inadéquate. Une récupération complète n’estcependant observée que dans 30 % à 50 % des patients, avecévolution fréquente vers la chronicité et/ou persistance d’undéficit fonctionnel variable. L’absence de réponse thérapeutiquedoit conduire à remettre en doute le diagnostic (cf. infra). Si lestraitements ont transformé le pronostic, la morbidité qu’ilsentraînent est élevée [12].

La survenue d’une grossesse au cours d’une myosite évolutivepeut être à l’origine d’une exacerbation de la maladie, et decomplications maternofœtales à type d’avortement spontané, demortalité néonatale et d’accouchement prématuré. À l’opposé,une myosite peut se révéler au début d’une grossesse et peutévoluer alors sur un mode suraigu.

Traitement

CorticoïdesLa corticothérapie à forte dose (1 mg/kg/j de prednisone)

associée aux mesures hygiénodiététiques usuelles (notammentprévention de l’ostéoporose par les bisphosphonates) constituele traitement de première intention, active dans plus de 70 %des PM [13, 14]. L’efficacité clinique est lente (3 à 6 semaines),l’amélioration pouvant mettre jusqu’à 3 mois pour se dessiner.Une augmentation de la posologie à 1,5 voire 2 mg/kg/j sembleinutile dans les PM de l’adulte. Ces fortes doses doivent êtremaintenues jusqu’à la régression de l’ensemble des signescliniques et la nette diminution (voire pour certains auteurs lanormalisation) du taux des enzymes musculaires. Une décrois-sance lente de la corticothérapie peut alors être entreprise, en

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limitant au maximum celle-ci à 10 % de la dose prescrite tousles 15 jours, guidée par la récupération motrice et le taux desenzymes musculaires. Cette décroissance est poursuivie jusqu’àla dose minimale efficace, qui doit être maintenue plusieursmois. La survenue d’une rechute clinique aux testings muscu-laires répétés justifie la réascension des doses de prednisone,sachant qu’il faut toujours se poser la question d’une rechute del’affection initiale ou de l’existence d’une autre myopathie,notamment cortisonique [13, 14]. En revanche, de simplesfluctuations des taux des CPK ne justifient pas systématique-ment une modification de la thérapeutique en cours.

Les bolus de méthylprednisolone, précédant la corticothérapieorale, même s’ils sont fréquemment utilisés en pratique clini-que, n’ont jamais fait la preuve absolue de leur intérêt. En casde résistance primitive ou secondaire, d’intolérance ou dedépendance aux corticoïdes, différentes alternatives thérapeuti-ques peuvent être proposées.

ImmunosuppresseursLes immunosuppresseurs sont actuellement les plus employés

en seconde intention, notamment azathioprine et méthotrexate,dont l’efficacité n’a été rapportée dans la littérature qu’au coursd’études ouvertes non comparatives. Le recours à l’azathioprinepour traiter des PM corticorésistantes semble parfois utile au vudes améliorations rapportées dans environ 50 % des cas danscertaines études ouvertes. Les doses utilisées sont généralementde 2 à 3 mg/kg/j per os. La tolérance est bonne, sous réserved’une surveillance attentive, notamment hématologique,digestive, hépatique et infectieuse. Le méthotrexate a égalementété crédité d’une efficacité dans 50 % à 70 % des cas dans desétudes ouvertes, l’amélioration ne survenant souvent qu’au boutde 6 à 12 semaines, mais pouvant être supérieure à celle induitepar l’azathioprine, dans certains sous-groupes de myositesassociées aux antisynthétases. L’administration s’effectue parinjection hebdomadaire intramusculaire ou intraveineuse ouéventuellement per os à la posologie moyenne de 0,3 à 0,4 mg/kg/semaine, soit de l’ordre de 15 à 40 mg/semaine selon lacorpulence du sujet. Le bien-fondé de la coprescription systé-matique de folates doses pour doses dans les jours suivant laprise de méthotrexate n’a pas été validé mais semble probable.En cas de résistance au méthotrexate en utilisation usuelle,certains auteurs ont montré l’intérêt, dans de petites étudesouvertes, de l’association méthotrexate et azathioprine faibledose, ou du méthotrexate intraveineux forte dose associé à laleucovorine. Le cyclophosphamide a été crédité de quelquessuccès, notamment en association avec la prednisone dans letraitement des myosites compliquées de pneumopathies inters-titielles. Plusieurs études ouvertes sur de faibles effectifs ontmontré l’intérêt de la ciclosporine, efficace dans 50 % à 70 %des myosites corticorésistantes.

Immunoglobulines intraveineuses (Ig i.v.)L’intérêt des Ig i.v. dans les myosites corticorésistantes est

désormais bien établi [15], ces perfusions étant efficaces dans60 % à 70 % des PM. Les Ig i.v. sont utilisées à la dose de 2 g/kg/cure mensuelle pendant au moins six cures, puis de manièredégressive [15]. Les Ig i.v. sont actuellement proposées enalternative aux immunosuppresseurs, ou en cas d’échec de ceux-ci. Leur tolérance est excellente, mais leur prescription doit êtreréfléchie compte tenu de l’origine biologique humaine des Igi.v. et de leur coût. Leur efficacité en première intention semblemoindre.

Autres thérapeutiquesLes nouveaux immunosuppresseurs (mycophénolate mofétil,

tacrolimus, fludarabine...) et certaines biothérapies (inhibiteursdu tumor necrosis factor-a [TNF-a] [anticorps monoclonaux anti-TNF-a et agonistes des récepteurs solubles du TNF-a] et anti-CD20) ont été tentés avec succès dans quelques observations ouséries ouvertes, incitant à la réalisation d’études contrôlées.

La survenue de troubles de déglutition impose l’arrêt del’alimentation par voie orale, une alimentation entérale ouparentérale et une surveillance dans une unité disposant de

moyens de réanimation. La prévention des pneumopathiesd’inhalation, la kinésithérapie (passive et douce lors despoussées inflammatoires, puis active) et l’ergothérapie sontindispensables dans ce contexte.

L’activité physique précoce (programme d’entraînementmusculaire contre résistance trois fois par semaine), au contrairede ce que beaucoup ont cru, est indispensable et très bénéfiquedans les myopathies inflammatoires. L’exercice physique permetnon seulement un gain en termes de force musculaire, maisaméliore également la microvascularisation musculaire et réduitle processus inflammatoire et fibrosant périmyocytaire [16].

■ Dermatomyosites

ÉpidémiologieLes DM sont des connectivites rares dont l’incidence annuelle

est estimée entre cinq et dix cas par million d’habitants et laprévalence de six à sept cas pour 100 000 personnes. Uncaractère saisonnier a été rapporté, notamment dans certainssous-groupes de myosites aux États-Unis. Les DM touchentpréférentiellement la femme avec un sex-ratio de 2 pour 1. Ellespeuvent survenir à n’importe quel âge avec deux discrets pics defréquence : l’enfant entre 5 et 14 ans et l’adulte dans la 5e ou6e décennie [1, 2]. La DM semble plus fréquente que la PM [11].

Terrain génétique et facteurs favorisantsLa DM pourrait résulter d’une activation chronique du

système immunitaire induite, sur un terrain génétique prédis-posé, par un stimulus environnemental (ou endogène dans lecas des DM associées à des cancers). En effet, plusieurs étudesont mis en évidence une fréquence significativement accrued’antigènes HLA dans les DM, notamment DR3 et B8, ainsi queles antigènes DR7, DQA1*0201, DRw53 en cas de DM avecanticorps anti-Mi-2. Les principaux facteurs environnementauxsont développés (cf. infra).

Manifestations cliniquesLa survenue de manifestations cutanées caractérise la DM [1,

2]. Elles peuvent précéder parfois de plusieurs mois ou années lamyosite. Il s’agit essentiellement d’un érythro-œdème, photo-sensible et prédominant sur les zones découvertes (visage, faceantérieure du cou, épaules, face d’extension des membres).L’érythème orbitaire en « lunettes » (coloration liliacée prédo-minant sur les paupières supérieures) est quasi patho-gnomonique.

Les papules de Gottron sont présentes dans 30 % des cas,sous forme de plaques érythémateuses ou violacées, de la facedorsale des articulations interphalangiennes et métacarpopha-langiennes, plus rarement aux coudes et genoux. Ces papules deGottron peuvent persister après une poussée évolutive de lamaladie. Enfin, l’érythème périunguéal, douloureux à la pres-sion (signe de la manucure), est très évocateur de DM.

L’œdème cutané peut parfois prédominer.D’autres manifestations cutanées sont possibles : vascularite

(surtout dans les formes infantiles, pouvant aboutir à desulcérations et nécroses cutanées) et papules leucocytoclasiques,photosensibilisation, hémorragies en « flammèches », érythèmelichénoïde du dos et des épaules, atteinte muqueuse. Unsyndrome de Raynaud, en règle modéré, est présent dans 10 %à 15 % des PM/DM et peut parfois précéder la maladie deplusieurs années. Il peut s’accompagner d’un aspect scléroder-miforme des doigts au cours des DM associées à une scléroder-mie (scléro-DM). La calcinose universelle est une complicationredoutable qui s’observe quasi exclusivement chez l’enfant, oùelle serait notée dans 30 % à 50 % des cas. Elle peut survenirchez les enfants guéris de leur maladie musculaire. Il s’agit decalcifications sous-cutanées, siégeant soit au sein des muscles,soit au voisinage des articulations (notamment coude etgenoux), se traduisant par des dépôts crayeux, fermes et indurésà la palpation [17]. Ces calcifications apparaissent en moyenne6 mois à 7 ans après le début de la maladie musculaire. Ces

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calcifications siègent dans les tissus conjonctifs et graisseux,dans les tissus interstitiels aponévrotiques, dans les tendons etles fascias, plus exceptionnellement dans les fibres musculaireselles-mêmes. Il s’agit de dépôts granuleux de calcium (cristauxd’apatite ou d’hydroxyapatite), entourés d’une réaction inflam-matoire chronique à corps étranger et d’une fibrose. La physio-pathologie est méconnue. Cette calcinose diffuse respecte lesviscères et est indépendante du squelette, ce qui permet de ladistinguer des myosites ossifiantes et des calcifications métasta-tiques. Initialement asymptomatique, elle est uniquementvisible sur les radiographies (image ovalaire allongée en « os deseiche »). Cette calcinose peut devenir rapidement invalidante,réalisant un blindage sous-cutané pierreux des membres. Cesnodules peuvent s’ulcérer, se fistuliser à la peau, entraînantl’extériorisation d’un liquide crayeux blanchâtre.

Le déficit moteur touche la musculature striée de façonbilatérale, symétrique et non sélective. Il est comparable à celuides PM : déficit de type myogène, prédominant sur les musclesproximaux (ceintures scapulaire, pelvienne et muscles cervi-caux). Le début est souvent plus aigu que dans les PM [1, 2].

L’existence de manifestations neurologiques associées, saufcirconstances fortuites, doit faire évoquer, soit une vascularitecompliquant la DM, soit une connectivite associée.

Les troubles œsopharyngés, les manifestations articulaires,cardiaques, pulmonaires, etc. sont superposables à ceux observésdans la PM.

Examens complémentairesLa vitesse de sédimentation est augmentée chez 50 % à 60 %

des patients, généralement de façon modérée. L’élévation desenzymes musculaires (CK ou CPK surtout, mais aussi aldolase,LDH, transaminases), témoignant de la nécrose musculaire, estnotée dans 75 % à 85 % des DM.

Les facteurs rhumatoïdes sont positifs dans 20 % des DM. Lesfacteurs antinucléaires et anticytoplasmiques sont présents dans30 % à 50 % des cas. Il peut s’agir d’anticorps non spécifiquesdes PM/DM, dirigés contre les protéines musculaires ou d’autrescibles (comme les anticorps anti-RNP, anti-PM-Scl, anti-SSA etanti-SSB, anticorps anti-Ku), également présents dans d’autresaffections auto-immunes [2].

Il peut aussi s’agir d’anticorps antinucléaires beaucoup plusspécifiques des DM appelés anti Mi-1 et anti Mi-2, dirigés contreune protéine de 220 kDa du complexe nucléaire. Ces anticorpss’observeraient dans 5 % à 10 % de DM classiques très cortico-sensibles et d’un excellent pronostic [2]. Les anticorps antisyn-thétases sont rares au cours des DM (5 % à 10 %).

Les autres examens complémentaires peuvent mettre enévidence diverses anomalies déjà décrites (cf. supra). À l’IRM, ladistribution des lésions de DM, qui sont caractérisées par uneinflammation sans infiltration graisseuse, est similaire à celle desPM ; d’autres anomalies peuvent être relevées, comme l’exis-tence de calcifications sous-cutanées ou de collectionsliquidiennes [5].

Histo-immunologieLa biopsie musculaire chirurgicale proximale permet d’affir-

mer le diagnostic. En dehors des anomalies musculaires com-munes aux PM/DM (foyers de nécroses focales des fibresmusculaires, foyers de régénération, infiltrats inflammatoiresmononucléés), les anomalies histologiques musculaires des DMconstituent typiquement des zones de myolyse d’origineischémique avec atrophie périfasciculaire, micro-infarctus etvacuoles ischémiques à l’emporte-pièce. Les lésions et lesinfiltrats inflammatoires se situent essentiellement dans lesrégions périvasculaires avec nette prédominance des lymphocy-tes B et des lymphocytes CD4+ par rapport aux cellules CD8+.Dans les zones d’infiltrats périvasculaires à prédominance B etT CD4+, on observe de façon caractéristique des lésions descellules endothéliales capillaires avec destruction capillaireendomysiale, raréfaction de la trame vasculaire, aboutissant àune diminution du nombre de capillaires, artérioles et veinules.Il existe par ailleurs des microthrombus des petits vaisseauxintramusculaires, avec dépôts intravasculaires de complexes

immuns IgG/IgM et/ou C3 et surtout du complexe d’attaquemembranaire (MAC) du complément C5b-9 [2]. Les myocytessont le siège de lésions ischémiques avec atrophie myocytairepérifasciculaire (inconstante mais pathognomonique), de micro-infarctus et de vacuoles ischémiques à l’emporte-pièce, témoi-gnant d’une atteinte primitive des capillaires médiée par unmécanisme humoral et responsable d’une ischémie musculaireà prédominance périfasciculaire où l’expression du CMH declasse I est prédominante. La sensibilité et la spécificité del’expression du CMH de classe I au niveau des myocytes est,respectivement, 78 % et 95 % dans les DM. D’autres tissus quele muscle sont concernés : peau, rein, poumon, cœur, appareildigestif.

Nouveaux critères diagnostiquesComme pour les PM, l’ENMC a permis l’élaboration de

nouveaux critères diagnostiques, reposant sur les nouvellesdonnées cliniques, immunologiques et histologiques des DM [7]

(Tableaux 2, 3).

Formes secondaires ou associéesUne association entre DM et pathologie tumorale est retrou-

vée dans 20 % à 30 % des cas [10]. Elle est plus fréquente après40 ans. Il n’a pas été démontré que les syndromes de chevau-chement et les DM de l’enfant avaient une significationnéoplasique (même si quelques observations de DM avec cancerchez l’adolescent ont été publiées).

La DM précède l’apparition du cancer dans 70 % des cas. Ledélai moyen entre la survenue des deux affections est le plussouvent inférieur à 1 an. Les cancers mammaires, utérins etovariens chez la femme, et les tumeurs épithéliales bronchiques,prostatiques et digestives chez l’homme prédominent. L’absencefréquente de parallélisme évolutif entre les pathologies muscu-laire et tumorale ne permet pas de considérer les myositescomme des syndromes paranéoplasiques. Le cancer représente lapremière cause de décès des DM de l’adulte, imposant uneenquête étiologique exhaustive devant la découverte d’unemyosite après 40 ans [2]. Ce bilan comporte dans tous les cas unexamen clinique complet comprenant un examen gynécologi-que et un toucher rectal, les examens biologiques et hématolo-giques habituels, une radiographie thoracique associée à unemammographie et une échographie abdominopelvienne (etendovaginale) chez la femme de plus de 40 ans. Le dosage decertains marqueurs sérologiques tumoraux, notamment Ca-125,peut être utile. D’autres investigations peuvent se discuter enfonction de points d’appel éventuels. L’existence d’une dyspha-gie doit nécessairement faire pratiquer une fibroscopie œsogas-trique avant d’attribuer ce symptôme à la myosite.

L’association à une connectivite est observée de manièreanalogue aux PM.

Un facteur déclenchant médicamenteux ou rétroviral sembleplus rarement observé dans les DM.

Un certain nombre de patients ne développe jamais demanifestations musculaires, malgré l’existence de lésionscutanées typiques de DM caractérisant la DM amyopathique(DMA), ou DM sans myosite [2]. D’individualisation plusrécente, la DMA est définie par l’existence de lésions cutanéescaractéristiques associées à une histologie typique, évoluantdepuis au moins 2 ans sans myosite clinique associée. La DMApeut être associée à une pathologie tumorale avec, pour certainsauteurs, une fréquence des néoplasies associées comparable àcelle des DM classiques. Une pneumopathie interstitielle demauvais pronostic peut également compliquer une DMA. Letraitement de la DMA repose principalement sur l’hydroxychlo-roquine et les traitements locaux.

Diagnostic différentielLa myosite granulomateuse s’observe principalement au cours

de la sarcoïdose, exceptionnellement dans la maladie de Crohnet la myasthénie avec thymome. La PM à éosinophiles se traduitpar un déficit musculaire douloureux, proximal ou diffus, unérythème cutané parfois photosensible et une altération sévère

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de l’état général. Elle s’intègre généralement dans le cadre d’unsyndrome hyperéosinophilique avec atteinte cardiaque prédo-minante. La biopsie montre une nécrose des fibres avec infiltratsinflammatoires riches en éosinophiles. Le LES peut poserquelques problèmes diagnostiques du fait de nombreusessimilarités concernant l’atteinte cutanée ou musculaire.

PronosticAvant l’ère de la corticothérapie, les myosites constituaient

un groupe d’affections particulièrement graves, dont les taux desurvie spontanée étaient inférieurs à 40 %. En l’absence depathologie tumorale sous-jacente, les myosites de l’adulteconstituent désormais des affections de pronostic relativementfavorable, avec des taux de survie à 5 ans actuels de l’ordre de90 %. Les facteurs pronostiques sont similaires à ceux de la PM.Là aussi, les séquelles fonctionnelles à type de déficit résiduelsont observées chez 30 % à 50 % des patients.

Chez l’enfant, les vascularites de la DM peuvent être respon-sables de complications gravissimes à type de perforations ouhémorragies. L’évolution des calcinoses étendues est générale-ment péjorative. L’évolution se fait dans la majorité des cas versl’aggravation progressive ou au mieux la stabilisation malgré lesdifférentes thérapeutiques, responsable d’une invaliditérésiduelle.

TraitementLe traitement des DM et l’utilisation de la corticothérapie, des

immunosuppresseurs et des Ig intraveineuses sont identiques àla prise en charge de la PM [14]. De même, la réadaptationmusculaire précoce à l’effort est indispensable, ayant les mêmesbénéfices que dans les PM [14, 16].

Concernant les Ig intraveineuses dans les DM corticorésistan-tes, leur efficacité est estimée à 60 %-70 % des cas [14, 15]. Ellessont utilisées à la dose de 2 g/kg/cure mensuelle. Les Ig intra-veineuses sont actuellement proposées en alternative auximmunosuppresseurs, ou en cas d’échec de ceux-ci. Leurtolérance est excellente, mais leur prescription doit être réfléchiecompte tenu de leur origine biologique humaine et de leur coût.L’amélioration clinique des DM sous Ig intraveineuses s’accom-pagne d’une réduction des dépôts intravasculaires du C5bC9, del’expression du CMH-I par les myocytes et d’une augmentationde la densité vasculaire aux biopsies réalisées après Ig intravei-neuses [18]. L’efficacité des Ig intraveineuses semble moindre enpremière intention. Leur intérêt a également été mis en évi-dence dans les complications cutanées sévères des DM.

L’hydroxychloroquine peut être utile dans les lésions cuta-nées de DM, mais ne possède aucune action sur les manifesta-tions musculaires. La créatine semble favoriser le gainmusculaire.

De multiples traitements ont été tentés sans succès dans lescalcinoses de l’enfant. Les poussées inflammatoires peuvent êtreparfois en partie contrôlées par les anti-inflammatoires nonstéroïdiens, la colchicine et certains bisphosphonates. En fait,seule la chirurgie plastique peut être utile dans les formesulcérées ou volumineuses.

■ Myosites à inclusionsLes IBM constituent des maladies musculaires inflammatoires

lentement progressives, résistantes aux thérapeutiques classi-ques. Elles sont caractérisées sur le plan histologique par desvacuoles bordées (ou cernées) intracytoplasmiques. Ces vacuolessont visibles à l’intérieur des fibres musculaires et contiennentdes inclusions éosinophiliques, constituées en microscopieélectronique de filaments de 15 à 20 nm de diamètre. Ondistingue deux types d’IBM : les IBM sporadiques, d’origineinflammatoire, touchant le sujet de plus de 50 ans, et les IBMhéréditaires, non inflammatoires, à transmission autosomiquerécessive ou dominante, touchant le sujet jeune, forme quenous n’abordons pas dans cet article.

ÉpidémiologieLes IBM sporadiques touchent le plus souvent l’homme (sex-

ratio de 3 pour 1), généralement à l’âge adulte, le plus souventaprès 50 ans, où elle constitue la principale myopathie inflam-matoire des sujets âgés. Ces myosites semblent survenir sur unterrain génétique prédisposé. En effet, il existe une associationsignificative avec certains haplotypes HLA, notamment DR3,DR52 et DQ2.

Manifestations cliniquesLe déficit moteur des IBM est de type myogène, prédominant

sur les muscles proximaux, notamment les ceintures scapulaireet surtout pelvienne et les muscles cervicaux. Certaines mani-festations cliniques peuvent cependant orienter vers cettemyopathie [19].

Le tableau associe typiquement un déficit et une atrophiemusculaire d’installation progressive, voire insidieuse, bilatérale,souvent asymétrique, déficit à la fois proximal et distald’emblée, alors que le déficit distal est généralement tardif aucours des PM et DM. Le caractère asymétrique de la distributionet l’atteinte sélective de certains muscles sont parfois évoca-teurs : atteinte du tibial antérieur et du quadriceps aux membresinférieurs, fléchisseurs du poignet et des doigts, palmaires,biceps et triceps aux membres supérieurs.

Les myalgies et une dysphagie sont notées dans 15 % à 20 %des cas. La dysphagie est plus fréquente dans les formestardives. Des manifestations viscérales semblent exceptionnelles,en dehors de quelques cardiomyopathies ou de pneumopathiesde déglutition par atteinte du carrefour pharyngolaryngé. Letableau peut être en fait tout à fait superposable à celui d’unePM classique, expliquant les retards diagnostiques et la confu-sion fréquente pour un non-expert entre les deux maladies.

Examens complémentairesLes enzymes musculaires (notamment CPK ou aldolase) sont

soit normales, soit le plus souvent modérément augmentées. Lesyndrome inflammatoire est le plus souvent absent (70 % descas) ou modéré. Il n’existe pas de manifestations spécifiques dedysimmunité. En revanche, il existe dans certaines séries desautoanticorps divers, retrouvés dans 40 % des myosites àinclusion sporadiques.

L’EMG montre un tracé de type myogène ou plus rarementmixte, témoignant d’un processus neurogène associé. Lesvitesses de conduction nerveuse sont normales.

Le scanner et surtout l’IRM musculaire des muscles proxi-maux mais également distaux (fléchisseurs profonds des doigts)constituent une aide appréciable au diagnostic et au suivithérapeutique. L’IRM objective des hypersignaux témoins duprocessus inflammatoire sous-jacent.

Histo-immunologieLe diagnostic des IBM sporadiques repose sur la biopsie

musculaire, qui met en évidence en microscopie optique leslésions spécifiques : dans le cytoplasme des cellules musculaires,sont objectivées des vacuoles bordées de 3 à 30 µm de diamètrecontenant des granulations éosinophiles [19]. Dans les formessporadiques, il existe aussi des infiltrats inflammatoires prédo-minant dans l’endomysium et les régions périvasculaires,envahissant les fibres musculaires non nécrotiques, constituéesprincipalement de macrophages et de lymphocytes T CD8+.

D’autres anomalies sont aussi présentes : anomalies de tailledes fibres musculaires avec présence de fibres hypertrophiques,augmentation du nombre de capillaires musculaires. On observerarement des foyers de nécrose et de régénération, à l’inverse desPM et DM. Ces anomalies peuvent ne pas être trouvées enhistologie standard. Il faut alors savoir effectuer de nouvellescoupes du bloc musculaire, voire pratiquer une nouvelle biopsie.La microscopie électronique met en évidence des structurestubulofilamentaires de 15 à 20 nm de diamètre à l’intérieur de cesvacuoles, rectilignes, curvilignes, et correspondant aux granula-tions éosinophiles. Ces inclusions filamentaires intracytoplasmi-ques et/ou intranucléaires permettent d’affirmer le diagnostic.

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Formes cliniquesUne association avec des maladies auto-immunes est notée

chez 10 % à 15 % des sujets ayant une IBM sporadique, enparticulier le LES, le syndrome de Gougerot-Sjögren, la scléro-dermie, le purpura thrombopénique idiopathique, voired’authentiques DM. Il n’existe pas d’association significativeavec une pathologie tumorale, à l’inverse des PM et DM.

Diagnostic différentielLa myopathie à inclusions héréditaire présente le même profil

clinique, biologique et évolutif que la forme sporadique, maiselle débute à un plus jeune âge et a un caractère familial.Plusieurs types de myopathies à inclusions héréditaires ont étérapportés avec un mode de transmission autosomique récessif,le plus fréquent, et un mode autosomique dominant. Lesanomalies histologiques observées en microscopie optique et enmicroscopie électronique sont superposables à celles rencontréesdans les formes sporadiques, à l’exception des infiltrats inflam-matoires de cellules mononucléées, absents dans les myopathiesà inclusions héréditaires.

En fait, le principal diagnostic différentiel des IBM sporadi-ques est la PM, ce qui justifie de remettre en cause le diagnosticdevant un tableau atypique ou corticorésistant de PM.

PronosticL’évolution spontanée s’effectue généralement vers une aggra-

vation progressive et lente jusqu’à une perte majeure de l’auto-nomie fonctionnelle en 10 à 15 ans. Tous les musclessquelettiques, proximaux puis distaux, membres inférieurs puissupérieurs, sont atteints au fur et à mesure de l’évolution,remplacés progressivement par du tissu graisseux et conjonctif.L’apparition de troubles de déglutition par atteinte pharyngée etœsophagienne peut précipiter l’évolution péjorative de la mala-die. Certaines observations de stabilisations spontanées ou soustraitement ont été rapportées, mais sont le plus souventtransitoires.

TraitementActuellement, aucune thérapeutique spécifique n’a montré

son efficacité dans les différentes formes d’IBM, qu’il s’agisse decorticoïdes, plasmaphérèses, immunosuppresseurs, irradiationcorporelle totale ou hormonothérapie. Quelques succès modérésont parfois été notés avec l’association corticoïdes-méthotrexateou corticoïdes-Ig intraveineuses, notamment en cas de troublesde la déglutition associés. Des protocoles thérapeutiquesnouveaux sont en cours d’étude.

Le traitement le plus simple et le plus efficace actuellement,comme pour la sarcopénie, repose sur l’exercice physique réguliercontre résistance (au moins 60 minutes trois fois par semaine)d’intensité modérée progressivement croissante. L’exercicephysique permet une augmentation de la masse musculaire, de laforce musculaire, une réduction de la masse grasse, une augmen-tation de la vascularisation locale, de la synthèse protéique localeet des facteurs hormonaux anabolisants, notamment growthhormone [GH] et insulin-like growth factor (IGF).

■ ConclusionLes myosites constituent les plus fréquentes des myopathies

acquises après les myopathies toxiques. Si le diagnostic est faciledevant des signes cutanés évocateurs de DM, il faut aussi savoirévoquer le diagnostic devant une faiblesse musculaire proximalesubaiguë, et rechercher des anomalies aux examens complé-mentaires (CPK, EMG, IRM musculaire) afin de confirmerl’authenticité de la myopathie, permettant de réaliser unebiopsie musculaire chirurgicale d’un muscle proximal. L’atteinte

pharyngée, la pneumopathie interstitielle et le cancer associé(chez l’adulte de plus de 40 ans surtout) doivent alors êtrerecherchés systématiquement dans ce contexte.

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“ Points forts

• Les PM et DM sont des affections dysimmunitairescaractérisées par une atteinte inflammatoire des musclessquelettiques.• Elles se traduisent cliniquement par l’existence d’undéficit moteur de type myogène, c’est-à-dire à début etprédominance proximaux (ceintures scapulaire etpelvienne). La présence d’une éruption cutanéecaractéristique définit la DM.• L’existence d’une atteinte de la musculature pharyngéeresponsable d’une dysphagie et à l’origine de faussesroutes et pneumopathies de déglutition conditionne lepronostic à court terme, justifiant une surveillance enréanimation.• Quinze pour cent à 20 % des myosites de l’adulte(notamment DM) sont associés à un cancer.• Le traitement repose sur la corticothérapie(prednisone : 1 mg/kg/j) prolongée, éventuellementassociée à des agents immunosuppresseurs en cas derésistance ou dépendance.• Les IBM, dont l’atteinte musculaire est évocatrice,associent vieillissement prématuré du tissu musculaire etréaction dysimmunitaire associée. Leur traitement reposesur la rééducation musculaire régulière.

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Sclérodermie systémique

É. Hachulla

La sclérodermie systémique est une maladie primitivement microcirculatoire qui s’accompagne d’uneaccumulation de collagène et qui touche avec prédilection la peau, le tube digestif, le poumon. Laconséquence en est la sclérose qui, au niveau de la peau, a donné son nom à la maladie. Le phénomènede Raynaud est le symptôme clinique le plus constant. L’importance de l’extension cutanée permet declasser la maladie en formes limitées ou diffuses. La pneumopathie infiltrante et l’hypertension artériellepulmonaire sont les deux principales causes de décès justifiant un dépistage systématique reposant surl’échocardiographie et les épreuves fonctionnelles respiratoires. Si la maladie n’a pas encore detraitement curatif, les traitements symptomatiques, les vasodilatateurs pulmonaires, les inhibiteurs del’enzyme de conversion, les inhibiteurs calciques, les immunosuppresseurs ont notablement améliorél’espérance et la qualité de vie.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Sclérodermie systémique ; Ulcère digital ; Crise rénale ; Fibrose pulmonaire ;Hypertension artérielle pulmonaire

Plan

¶ Introduction 1

¶ Épidémiologie 1

¶ Physiopathologie 1

¶ Manifestations cliniques 2

¶ Éléments du diagnostic 2Capillaroscopie périunguéale 2Manométrie œsophagienne 2Biologie 3Explorations cardiopulmonaires 3

¶ Classification des sclérodermies 3

¶ Formes cliniques ou association 4

¶ Évolution et pronostic 4

¶ Diagnostic différentiel 4

¶ Traitement 5Traitement immunosuppresseur 5Médicaments agissant sur le métabolisme du collagène 5Traitement symptomatique 5

¶ Conclusion 5

■ IntroductionLa sclérodermie systémique (ScS) touche avec prédilection la

femme entre 45 et 64 ans. Cette connectivite a une distributionmondiale. Sa prévalence exacte reste encore mal connue avecune disparité importante entre les régions et les pays. Ladiversité des formes cliniques et l’existence de formes sansatteinte cutanée (sclérodermie systémique sine scleroderma)témoignent de la complexité de la maladie dont les atteintesviscérales s’expriment aussi de manière très hétérogène d’un

patient à l’autre dans sa localisation et sa sévérité. Ceci expliquela grande variabilité du pronostic, allant de formes limitéesd’allure bénigne (mais à haut risque d’hypertension artériellepulmonaire [HTAP]) aux formes rapidement mortelles enquelques mois.

■ ÉpidémiologieLa ScS atteint la femme plus de deux fois sur trois. L’âge de

début se situe entre 40 et 50 ans. La prévalence de la maladievarie selon les pays et les méthodes diagnostiques employées,elle est en France de l’ordre de 150 cas pour 100 000 habitantsadultes [1], ce qui représente environ 6 000 patients.

S’il semble parfois exister une certaine prédisposition généti-que, certains toxiques sont incriminés comme l’exposition à lasilice, à certains solvants, à l’utilisation de silicone. La scléro-dermie induite par la silice est actuellement reconnue commeune maladie professionnelle, qu’elle soit ou non associée à unesilicose pulmonaire (syndrome d’Erasmus).

■ PhysiopathologiePlusieurs hypothèses physiopathologiques sont incriminées

qui ne sont pas exclusives [2].La participation immunologique est évidente comme en

témoigne l’infiltration lymphocytaire T constituée de cellules Tactivées sécrétant différentes cytokines toxiques pour l’endothé-lium vasculaire. L’activation lymphocytaire B explique lafréquence des autoanticorps associés.

La participation endothéliale n’est plus à démontrer, l’atteintevasculaire prédomine sur les capillaires et les artérioles, l’activa-tion des cellules endothéliales est précoce et aboutit à lamicroangiopathie sclérosante. L’activation et la dégranulationmastocytaires souvent observées dans les tissus biopsiés partici-pent vraisemblablement à l’activation de la cellule endothéliale.

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L’activation fibroblastique aboutit à l’accumulation decollagène source de fibrose tissulaire. C’est essentiellement letransforming growth factor b (TGFb) synthétisé par les cellulesmonocytaires qui favorise la prolifération fibroblastique et lasynthèse du collagène. Il stimule aussi la production de plateletderivated growth factor (PDGF). Ce PDGF est vasoconstricteur etchimiotactique pour les fibroblastes. Des anticorps stimulant lerécepteur du PDGF provoquant la génération de formes réacti-ves de l’oxygène ont été retrouvés chez des patients atteints deScS et pourrait constituer une piste thérapeutique. Le tumornecrosis factor a (TNFa) semble aussi intervenir, au moins audébut de la maladie, par son effet mitogène pour les fibroblasteset cytotoxique pour la cellule endothéliale.

■ Manifestations cliniquesLe phénomène de Raynaud, les mégacapillaires, la sclérodac-

tylie sont les signes révélateurs dans la majorité des cas.Le phénomène de Raynaud (Fig. 1) est habituellement le

premier signe de la maladie, présent dans plus de 80 % des cas.Il précède de plusieurs mois à plusieurs années les autres signesde la maladie. Il est rare qu’un phénomène de Raynaud surve-nant à l’adolescence soit le premier signe d’une ScS.

La sclérose cutanée débute en général au niveau des doigts ets’infiltre progressivement ; les doigts se boudinent et parfois serétractent.

L’extension de la sclérose cutanée va déterminer le type desclérodermie, soit la sclérose reste en aval des coudes ou desgenoux et l’on parle alors de ScS cutanée limitée, soit la scléroses’étend au-delà des coudes et des genoux vers les racines desmembres ou touche le tronc et l’on parle alors de ScS cutanéediffuse. Les formes limitées représentent en France deux tiers àtrois quarts des cas.

D’autres signes cutanés sont très évocateurs de la maladie :survenue d’une ulcération digitale (Fig. 2, 3), essentiellementpulpaire (un patient sur deux au cours de l’évolution de lamaladie), survenue d’ulcérations en regard des calcificationssous-cutanées bien visibles sur les radiographies de mains(Fig. 4), télangiectasies qui peuvent toucher les mains (Fig. 5),le visage, la langue, les lèvres.

Les signes digestifs sont particulièrement fréquents, essentiel-lement le reflux gastro-œsophagien, parfois une gastroparésie,une constipation, un syndrome de malabsorption, une inconti-nence anale.

Des atteintes viscérales peuvent survenir, qu’il s’agisse deformes cutanées diffuses ou limitées. C’est essentiellement le casau cours des 5 premières années d’évolution de la maladie :pneumopathie infiltrante, crise rénale sclérodermique avec

insuffisance rénale aiguë et hypertension artérielle rénovascu-laire. L’HTAP est une complication classiquement plus tardive,mais qui peut aussi s’observer dès les 5 premières annéesd’évolution de la maladie.

D’autres atteintes sont possibles : syndrome sec, troubles de lalibido, péricardite, atteinte myocardique.

■ Éléments du diagnostic

Capillaroscopie périunguéaleLa microangiopathie caractérise la sclérodermie, elle est

observée précocement au lit de l’ongle. Les capillaires sontdiminués en nombre, les hémorragies sont fréquentes, le signele plus caractéristique est la présence de mégacapillaires parfoisvisibles à l’œil nu (Fig. 6) qui ne sont pourtant pas pathogno-moniques, observés parfois dans le syndrome de Sharp ou ladermatomyosite.

Manométrie œsophagienneC’est un examen très utile au diagnostic dans les formes

atypiques, l’atonie du tiers inférieur de l’œsophage et ladiminution de la pression du sphincter du bas œsophage sontobservées dans plus de 90 % des cas et peuvent précéder lessignes cutanés.Figure 1. Phénomène de Raynaud en phase syncopale.

Figure 2. Cicatrice déprimée d’une ulcération pulpaire.

Figure 3. Nécrose digitale sévère.

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BiologieLes ScS s’accompagnent dans deux tiers des cas environ

d’anticorps antinucléaires à taux significatif (supérieur ou égalà 1/160). Il peut s’agir d’anticorps antinucléolaires, d’anticorpsanticentromères ou d’anticorps anti-Scl 70 (antitopo-isomérase 1).

Explorations cardiopulmonairesElles sont parfois une aide au diagnostic, toujours un argu-

ment pronostique.L’échocardiographie permet d’étudier la fonction systolique et

diastolique ventriculaire gauche, et également de mesurer lavitesse de fuite tricuspidienne [3]. Les patients ayant une fuitetricuspidienne à plus de 3 m/s ou entre 2,8 et 3 m/s avec unedyspnée inexpliquée sont suspects d’être porteurs d’une HTAP etdoivent bénéficier d’un cathétérisme cardiaque droit pourconfirmer le diagnostic et en évaluer la gravité.

Les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) à l’effort sontutiles pour quantifier l’importance du syndrome restrictif lié àune pneumopathie interstitielle présente plus d’une fois surdeux. Elles permettent aussi chez le sujet asymptomatiqued’évaluer la capacité de diffusion de monoxyde de carbone (DL/CO) précocement altérée dans les pathologies interstitielles ouen cas d’HTAP primitive.

Le scanner thoracique en coupes fines permet très précoce-ment avant les premiers signes cliniques de dépister les atteintesinterstitielles (aspects de « verre dépoli », aspects en « nidd’abeilles » plus tardifs témoins d’une évolution fibrosante)(Fig. 7).

Le lavage bronchoalvéolaire peut montrer une alvéolitelatente, mais il n’a pas vraiment d’intérêt pronostique et n’estplus pratiqué de manière systématique.

Les examens complémentaires nécessaires à l’évaluation despatients atteints de ScS sont réunis dans le Tableau 1.

■ Classification des sclérodermiesOn distingue deux principales formes de ScS : les formes où

l’atteinte cutanée est diffuse touchant le tronc et les membreset les formes limitées où l’atteinte cutanée est limitée aux

Figure 4. Calcifications sous-cutanées distales et acro-ostéolyse en ra-diographie standard.

Figure 5. Télangiectasies palmaires au cours d’un CREST syndrome.

Figure 6. Ectasies capillaires à la sertissure de l’ongle ici bien visibles àl’œil nu.

Figure 7. Aspect scanographique d’une pneumopathie infiltranted’évolution fibrosante.

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extrémités. La frontière entre ces deux entités n’est pas toujourstrès précise, on a l’habitude de considérer comme diffuses lesformes remontant au-dessus du coude ou au-dessus du genou,mais certains auteurs en font des formes intermédiaires s’il n’ya pas d’atteinte du tronc. Les critères diagnostiques reconnusunanimement sont ceux de la Société Américaine de Rhumato-logie définis en 1980 [4] (Tableau 2).

Plus récemment de nouveaux critères de classification pourles ScS limitées ont été proposés en introduisant la notion deScS sans atteinte cutanée (ScS sine scleroderma) [5] (Tableau 3).Il pourrait s’agir selon les cas d’une forme particulière ou d’uneforme de début de ScS. Le CREST syndrome (Calcifications,Raynaud, atteinte oEsophagienne, Sclérodactylie, Télangiecta-sies) correspond à une forme particulière de ScS cutanée limitée.

L’approche physiopathologique de la maladie permet demieux comprendre que, quelle que soit la forme cutanée de ScS,la maladie ne se limite pas à un phénomène de Raynaud ou àune atteinte cutanée. Pratiquement tous les organes peuvent

être concernés, notamment le rein, le cœur, le tube digestif, lesarticulations et les muscles. L’atteinte du système nerveuxcentral est exceptionnelle.

■ Formes cliniques ou associationLes ScS à début aigu peuvent être œdémateuses et sont

volontiers corticosensibles mais utiliser des doses de corticoïdesde plus de 15 mg/j, d’équivalent de prednisone, expose aurisque de crise rénale sclérodermique.

Il existe des formes de chevauchements qui associent scléro-dermie et cirrhose biliaire primitive (syndrome de Reynolds),sclérodermie et thyroïdite de Hashimoto, sclérodermie etpolyarthrite rhumatoïde, sclérodermie et myopathie inflamma-toire, sclérodermie et lupus érythémateux systémique, scléro-dermie et syndrome de Gougerot-Sjögren.

Les ScS liées à l’exposition à la silice donnent lieu à desindemnisations (Tableau 4). Des états sclérodermiques ont étérapportés après exposition aux résines époxy, au trichloréthy-lène, aux solvants organiques, au benzène, au perchloréthylèneet à la métaphénylènediamine.

■ Évolution et pronosticLa survie globale des patients atteints de ScS est de l’ordre de

75 à 80 % à 5 ans, 55 % à 10 ans, 35 à 40 % à 15 ans et 25 à30 % à 20 ans. Ce pronostic varie selon l’extension cutanée : lasurvie à 10 ans est proche de 90 % dans les formes cutanéeslimitées, de l’ordre de 60 à 65 % dans les formes cutanéesdiffuses. L’atteinte pulmonaire conditionne aussi le pronosticpuisque la survie à 5 ans est supérieure à 90 % en l’absenced’atteinte pulmonaire interstitielle et de l’ordre de 70 % en casd’atteinte interstitielle. En cas d’HTAP, la survie est inversementcorrélée à la sévérité de l’HTAP, actuellement de l’ordre de 50 %à 3 ans.

■ Diagnostic différentielLes états sclérodermiformes peuvent s’observer en cas de

réaction de greffon contre l’hôte, dans la fasciite à éosinophiles

Tableau 1.Examens complémentaires.

Si la sclérodermie est suspectée mais non évidente cliniquement, lediagnostic passe par :

- capillaroscopie périunguéale

- anticorps antinucléaires et anti-Scl 70

- manométrie œsophagienne

- thorax, EFR, scanner thoracique en coupes fines

Si la sclérodermie est typique cliniquement, le bilan d’extensiondoit comprendre :

- fibroscopie œsogastrique si symptômes

- thorax, EFR, scanner thoracique en coupes fines

- ECG, voire échocardiographie (contrôle des pressions pulmonaires)

- fonction rénale et bandelette urinaire

EFR : épreuve fonctionnelle respiratoire ; ECG : électrocardiogramme.

Tableau 2.Critères de classification des ScS [4].

Critères majeurs

Sclérodermie proximale : modification sclérodermique typique de lapeau qui est tendue, épaissie, indurée, ne prenant pas le godet, touchantla face, le cou, le tronc ou la partie proximale des membres supérieurs ouinférieurs

Critères mineurs

Sclérodactylie

Cicatrice déprimée d’un doigt ou ulcération de l’extrémité d’un doigt

Fibrose pulmonaire des bases

Le diagnostic est retenu s’il y a un critère majeur ou deux critèresmineurs

Tableau 3.Classification des ScS limitées [5].

Sclérodermie systémique limitée (ou sine scleroderma)

Phénomène de Raynaud documenté objectivement par l’examen clini-que, le test au froid ou le test de Nielsen ou équivalent

+

- soit une anomalie capillaroscopique (dilatation capillaire et/ou zonesavasculaires)

- soit présence d’anticorps spécifiques de la sclérodermie systémique(anticentromère, antitopo-isomérase I, antifibrillarine, anti-PM-Scl, an-tifibrilline ou anti-RNA polymérase I ou III à un titre ≥ 1/100

Sclérodermie systémique cutanée limitée

En plus des critères précédents, les patients ont une infiltration cutanéedistale en aval des coudes et des genoux (l’épaississement de la peaupeut toucher les doigts, les mains, les avant-bras, les pieds, les orteils, lecou et la face en l’absence d’infiltration cutanée des bras, du thorax, del’abdomen, du dos et des cuisses)

Tableau 4.Travaux exposant à l’inhalation des poussières renfermant de la silice libre.

Travaux de forage, d’abattage, d’extraction et de transport de mineraisou de roches renfermant de la silice libre

Concassage, broyage, tamisage et manipulation effectués à sec, de mine-rais ou de roches renfermant de la silice libre

Taille et polissage de roches renfermant de la cilice libre

Fabrication et manutention de produits abrasifs, de poudres à nettoyerou autres produits renfermant de la silice libre

Travaux de ponçage et sciage à sec de matériaux renfermant de la silicelibre

Travaux dans les mines de houille

Extraction, refente, taillage, lissage et polissage de l’ardoise

Utilisation de poudre d’ardoise (schiste en poudre) comme charge encaoutchouterie ou dans la préparation de mastic ou aggloméré

Extraction, broyage, conditionnement du talc

Utilisation du talc comme lubrifiant ou comme charge dans l’apprêt dupapier, dans certaines peintures, dans la préparation de poudre cosméti-que, dans les mélanges de caoutchouterie

Fabrication de carborundum, du verre, de la porcelaine, de la faïence etautres produits céramiques, des produits réfractaires

Travaux de fonderie exposant aux poussières de sables, décochage, ébar-bage et dessablage

Travaux de meulage, polissage, aiguisage effectués à sec au moyen demeules renfermant de la silice libre

Travaux de décapage ou de polissage au jet de sable

Travaux de construction, d’entretien et de démolition exposant à l’inha-lation de poussières renfermant de la silice libre

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(syndrome de Shulman), le syndrome éosinophilie-myalgie lié àl’intoxication au L-tryptophane que l’on retrouve encore enFrance dans les produits diététiques utilisés par les adeptes de lamusculation. Le syndrome de Werner (forme particulière dusyndrome de vieillissement précoce) et la chéiroarthropathiediabétique peuvent donner une sclérodactylie parfois piégeante.

■ Traitement [6]

Il n’y a pas de thérapeutique spécifique actuellement connuemais certains médicaments doivent être évités.

Traitement immunosuppresseurLa corticothérapie par voie générale est utile dans les formes

aiguës œdémateuses mais a été incriminée dans le déclenche-ment des crises aiguës sclérodermiques, essentiellement en casd’utilisation de doses supérieures à 15 mg/j d’équivalent deprednisone. Elle peut être efficace sur les atteintes musculairesou articulaires invalidantes.

Les immunosuppresseurs donnent des résultats décevantsmais le cyclophosphamide semble pouvoir freiner l’évolutiondes atteintes pulmonaires interstitielles évolutives. On utilise enFrance volontiers le cyclophosphamide par voie intraveineuse.Après un traitement d’attaque de 6 à 12 mois, un relais parazathioprine est conseillé. Le mycophénolate mofétil mérited’être évalué dans cette forme clinique.

La ciclosporine et l’interféron c ont amélioré les signescutanés dans certains cas mais au prix d’une tolérance souventmédiocre et d’un effet viscéral non évalué.

La photochimiothérapie corporelle (prélèvement de leucocy-tes par leucaphérèse et réinjection après irradiation par les UVA)améliore l’état cutané mais n’a pas d’effet démontré sur lesatteintes viscérales.

L’autogreffe de moelle est en cours d’évaluation dans lesformes graves.

Médicaments agissant sur le métabolismedu collagène

La colchicine bloque partiellement la sécrétion de collagènepar les fibroblastes mais elle ne paraît pas avoir d’impact surl’évolution de la maladie.

La D-pénicillamine (Trolovol®) freine la formation du colla-gène. Beaucoup d’auteurs s’accordent à lui reconnaître un effetsur la sclérose cutanée et les atteintes viscérales seraient moinsfréquentes chez les patients traités. Son emploi nécessite unesurveillance attentive de la numération - formule sanguine

(NFS), de la fonction hépatique et de la bandelette urinaire. Ellepeut induire certaines maladies auto-immunes (lupus, pemphi-gus, dermatomyosite, thyroïdite, anémie auto-immune).

Traitement symptomatique

Phénomène de Raynaud et ulcérations digitalesVasodilatateurs : Praxilène® 1 à 2 fois/j, Torental® 1cp 2 à

3 fois/j, Fonzylane® 150 mg 2 à 3 fois/j, Bitildiem® 90 mg à120 mg 1 à 2 fois/j, Monotildiem® 200 mg 1 fois/j. Le LosartanCozaar®, un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II peutaussi améliorer le phénomène de Raynaud des patientssclérodermiques.

L’apparition d’ulcérations digitales nécessite des soins locauxavec pansements vaselinés, parfois traitement antibiotiqueantistaphylococcique et utilisation de prostacycline : l’iloprost(Ilomédine®) qui se donne par perfusions sur 6 heures dans lesformes plus sévères. On l’utilise en cures de 5 à 20 jours. Sonusage est hospitalier. Les antalgiques sont utiles et nécessaires encas de douleurs. La sympathectomie cervicale simple n’est plussouvent proposée car son effet est temporaire.

Le bosentan, un antagoniste des récepteurs de l’endothélineutilisé par voie orale, peut être prescrit chez les patients ayantdes ulcères digitaux multiples et sévères pour prévenir larécidive de nouveaux ulcères.

Sclérose cutanéeLa kinésithérapie doit être largement prescrite pour éviter les

enraidissements articulaires et lutter contre la rétraction desdoigts.

Calcinose sous-cutanéeLes inhibiteurs calciques pourraient diminuer l’évolutivité des

calcifications sous-cutanées. On propose par exemple le Bitil-diem® 120 mg 2 fois/j. Leur effet apparaît modeste. En cas decalcifications importantes ulcérées et inflammatoires, unnettoyage chirurgical peut permettre une cicatrisation rapide.

Hypertension artérielle pulmonaireEn cas d’HTAP primitive, un traitement par antivitamines K

(AVK) doit être prescrit pour limiter les thromboses in situ. Lesinhibiteurs calciques à fortes doses n’ont pratiquement plusd’indication au cours de la ScS avec HTAP et pourraient mêmeêtre délétères par un effet inotrope négatif. En cas de dyspnéede classe II ou III NYHA, le bosentan, un antagoniste desrécepteurs de l’endothéline 1 par voie orale, peut être donné enpremière ligne en l’absence de fibrose pulmonaire sévère.D’autres médicaments par voie orale sont aujourd’hui aussidisponibles comme les inhibiteurs de la phosphodiestérase detype 5 (sildénafil). D’autres antagonistes des récepteurs del’endothéline sont aujourd’hui aussi disponibles commel’ambrisentan ou le sitaxsentan. En cas de dyspnée de classe IVNYHA, l’époprosténol (prostacycline par voie veineuse) est letraitement de référence.

Atteinte rénaleEn cas de crises rénales aiguës sclérodermiques, l’urgence est

à l’hémodialyse et à l’administration d’inhibiteurs d’enzyme deconversion qui ont complètement transformé le pronostic.

Atteinte œsophagienneEn cas de reflux gastro-œsophagien ou d’œsophagite, on

propose les inhibiteurs de la pompe à protons que l’on conseilleau long cours à plus faible posologie (exemple : Eupantol®

20 mg/j au long cours).

■ ConclusionLe phénomène de Raynaud constitue souvent le premier

symptôme des ScS. En dehors de la forme aiguë, souventœdémateuse, d’évolution rapide en quelques semaines ou

“ Points forts

C’est le tableau clinique, la capillaroscopie et la biologie(anticorps antinucléaires) qui permettent dans la plupartdes cas de porter le diagnostic de ScS.Le scanner thoracique en coupes fines, les EFR etl’échocardiographie sont nécessaires pour l’inventaire desatteintes viscérales.La fibroscopie œsogastrique doit être systématique en casde signes digestifs hauts car l’œsophagite peptique esttrès fréquente avec risque d’ulcérations et d’endo-brachyœsophage.L’échocardiographie et les EFR doivent être réalisées demanière annuelle selon les recommandations inter-nationales pour dépister précocement la survenue d’uneHTAP qui touche environ 10 % des patients.

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quelques mois, la ScS s’installe progressivement en plusieursannées. La sclérodactylie ou les ulcérations pulpaires sontsouvent les premiers signes pathologiques. Les mégacapillairessouvent visibles à l’œil nu doivent être confirmés par capilla-roscopie. Les anticorps anti-Scl 70 ou anticentromères sont trèsfréquents et renforcent le diagnostic. Le traitement est biensouvent symptomatique reposant sur les vasodilatateurs, lesinhibiteurs de pompe à protons. Quelle que soit la formecutanée de ScS, qu’elle soit limitée ou diffuse, des complicationsviscérales peuvent survenir : pneumopathie infiltrante, hyper-tension artérielle pulmonaire, atteinte digestive. La crise rénalesclérodermique, complication précoce essentiellement desformes diffuses, a vu son pronostic considérablement améliorépar les inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Les pneumopa-thies infiltrantes évolutives peuvent être traitées par immuno-suppresseurs. La survenue d’une HTAP reste une complicationredoutable nécessitant un dépistage annuel par échocardiogra-phie et EFR. Le développement de nouvelles classes thérapeuti-ques dans cette indication ouvre l’espoir d’une amélioration del’espérance de vie.

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Pour en savoir plusFrancès C, Allanore Y, Cabane J, Carpentier P, Dumontier C, Hachulla E,

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Launay D, Humbert M, Hachulla E. Hypertension artérielle pulmonaire asso-ciée à la sclérodermie systémique. Presse Med 2006;35(12Pt2):1929-37.

Plus d’images (bibliothèque d’images du Club Rhumatismes et Inflamma-tion) : http://www.cri-net.com/base_image/default.asp.

Plus d’informations sur la sclérodermie systémique : http://www.eustar.org/index.php?module=ContentExpress&func=display&ceid=35&meid=-1.

http://www.rhumatismes.net/index.php?id_bro=14&p=8&rub=les100q.

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Polychondrite atrophiante

T. Papo

La polychondrite atrophiante est responsable de l’inflammation récidivante de nombreux cartilages(oreille, nez, arbre trachéobronchique, articulations...). Elle peut comporter des complications viscéralesmenaçantes, principalement respiratoires et cardiovasculaires. L’origine de cette maladie rare resteinconnue, même si une auto-immunité anticartilage est régulièrement mise en évidence. Une associationà différentes pathologies rhumatologiques ou systémiques est possible. Chez le sujet âgé atteint depolychondrite, une dysmyélopoïèse est particulièrement fréquente. Si la prise en charge médicale reposeessentiellement sur la corticothérapie générale, le recours aux immunomodulateurs et la stratégie desactes (pneumologie interventionnelle, chirurgie) fait l’objet d’une expertise spécialisée.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Chondrite ; Épisclérite ; Trachéomalacie ; Valvulopathie ; Myélodysplasie

Plan

¶ Introduction 1

¶ Physiopathologie 1

¶Manifestations cliniques 1Chondrites 1Manifestations extrachondritiques 2

¶Manifestations biologiques 3

¶ Diagnostic 3

¶ Évolution 4

¶ Traitement 4

■ IntroductionLa polychondrite atrophiante (PCA) est une connectivite rare

caractérisée par l’inflammation récidivante des cartilages del’oreille, du nez, du larynx et de l’arbre trachéobronchique. Elletouche également les deux sexes. Elle survient le plus souventchez l’adulte entre 40 et 50 ans, avec une légère prédominanceféminine, mais également aux âges extrêmes (de 6 à 87 ans) dela vie [1-3].

Décrite pour la première fois en 1923, la polychondrite alongtemps été considérée comme une affection exception-nelle [4]. En fait, sa fréquence paraît sous-estimée même sil’incidence annuelle est faible, évaluée à 3,5 cas par milliond’habitants.

■ PhysiopathologieLa pathogénie de la polychondrite est mal connue. L’inflam-

mation est principalement périchondrale. Divers argumentsindirects suggèrent l’intervention d’un mécanisme immunolo-gique : susceptibilité accrue chez les sujets porteurs du HLA-DR4, fréquente association à certaines maladies dysimmunitaires(angéite, lupus érythémateux, syndrome de Gougerot-Sjögren,

polyarthrite rhumatoïde, dysthyroïdies, diabète, observationdans le contexte d’une restauration immunitaire sous trithérapiepour une infection par le virus de l’immunodéficience humaine,cirrhose biliaire primitive, spondylarthrite ankylosante, rectoco-lite hémorragique), mise en évidence de dépôts d’immunoglo-bulines et de complément au sein des lésions chondritiques,présence d’anticorps anticartilage dirigés notamment contre lescollagènes II, IX et XI, élévation élective de certaines cytokines(MCP-1, MIP-1, interleukine 8) qui stimulent la lignéemonocyte-macrophage, réponse lymphocytaire T spécifique depeptides du collagène II et enfin efficacité fréquente descorticoïdes [5]. La réactivité humorale anti-collagène de type II,présent dans le cartilage articulaire, serait moins spécifique quela réponse anticorps anti-collagènes IX et XI, abondants dans lecartilage du pavillon de l’oreille. Il est intéressant de noter quechez l’homme, le simple piercing pourrait entraîner une véritablepolychondrite.

■ Manifestations cliniquesLe mode de début de la PCA est très variable, tant dans son

rythme d’installation que dans la nature des manifestationsinaugurales. La survenue des chondrites est parfois différée deplusieurs mois ou années par rapport aux premiers signes,notamment articulaires ou oculaires, dont elle permet alors lediagnostic. Exceptionnellement, la maladie se révèle par unefièvre prolongée isolée. Le délai diagnostique moyen, évalué àpartir du symptôme initial, est de l’ordre de 3 ans.

ChondritesLa mise en évidence des chondrites, caractéristiques de la

PCA, est indispensable au diagnostic. Leur apparition est le plussouvent subite. Elles ne sont pas toujours signalées spontané-ment par le malade, car souvent transitoires, et doivent êtresystématiquement recherchées par l’interrogatoire. Elles évo-luent en deux phases : après une ou plusieurs poussées inflam-matoires peut survenir une atrophie définitive des piècescartilagineuses.

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La chondrite du pavillon de l’oreille (85 % des cas) estpathognomonique (Fig. 1). Au stade aigu, elle réalise unetuméfaction uni- ou bilatérale, chaude, rouge ou violacée,douloureuse spontanément et au moindre contact. Toute lapartie cartilagineuse de l’oreille (hélix, anthélix, tragus, conduitauditif externe) peut être atteinte. En revanche, le lobule, noncartilagineux, est toujours respecté, ce qui différencie lachondrite d’une périchondrite infectieuse.

La rétrocession survient spontanément en quelques jours ousemaines. La fréquence des récidives est très variable. Au staded’atrophie, inconstant, le pavillon prend un aspect anormale-ment lisse voire flasque lié à la disparition du relief cartilagi-neux normal. Exceptionnellement, un certain degré decalcification peut s’observer. La biopsie du cartilage auriculaire,pratiquée lors d’une poussée, est évocatrice quand elle montrel’association d’un infiltrat inflammatoire et de lésions dégéné-ratives marquées du cartilage.

La chondrite nasale (65 % des cas) réalise au stade aigu unetuméfaction nasale moins inflammatoire que celle du pavillon,rarement accompagnée de rhinorrhée ou d’épistaxis. Le staded’atrophie, qui peut lui succéder ou survenir d’emblée sansinflammation préalable, entraîne une déformation acquisedéfinitive en « selle » résultant de l’effondrement de la cloisoncartilagineuse. La comparaison avec des documents photogra-phiques antérieurs permet parfois d’authentifier une minimedéformation débutante.

Les chondrites de l’arbre respiratoire, moins fréquentes (55 %des cas) mais potentiellement graves, surviennent plus volon-tiers chez la femme. L’obstruction des voies aériennes est liée à :• l’inflammation bronchique qui réduit la lumière ;• la destruction progressive du cartilage laryngotrachéal

responsable d’un collapsus dynamique à la phase précoce dela maladie ;

• une fibrose cicatricielle qui fixe définitivement la sténose.La paralysie d’une corde vocale aggrave parfois l’obstruction.

L’atteinte de l’arbre respiratoire est souvent diffuse, parfoisasymptomatique et dépistée uniquement par les épreuvesfonctionnelles respiratoires (EFR). La chondrite de l’espaceglottique et sous-glottique, de la trachée, s’accompagne quasiconstamment de signes cliniques. Le collapsus trachéal peut êtrebrutal et entraîner un arrêt respiratoire mortel.

L’atteinte des cartilages du larynx se traduit par des douleursspontanées ou provoquées par la palpation sus-thyroïdienne, etsurtout par une dysphonie ou une aphonie qui ne doivent pasêtre banalisées, et, encore une fois, activement recherchées àl’anamnèse. Elle aboutit parfois à la constitution d’une sténoseirréversible responsable d’une dyspnée à prédominance inspira-toire. La survenue de poussées ultérieures peut nécessiter unetrachéotomie. L’atteinte de la trachée et/ou des bronchesproximales s’associe à l’atteinte laryngée ou survient isolément.Elle entraîne une dyspnée expiratoire parfois accompagnée dedouleurs, de toux et d’infections bronchopulmonaires répétéeset éventuellement sévères. Fait notable, la paroi postérieure dela trachée paraît préservée.

La principale complication est l’apparition d’une insuffisancerespiratoire obstructive résultant de sténoses fixées définitiveset/ou d’une chondromalacie responsable d’un collapsus expira-toire trachéobronchique dynamique [6]. Les phénomènesd’obstruction peuvent se compliquer en distalité de dilatationdes bronches, comportant son propre potentiel de complica-tions (surinfection...).

Les lésions sont quantifiées et visualisées par les EFR avecétude de la courbe débit-volume, la scintigraphie de ventilation,la tomodensitométrie (TDM) en mode hélicoïdal avec recons-truction dans l’espace, voire l’imagerie par résonance magnéti-que (IRM). Le scanner thoracique hélicoïdal multi-barettesutilisant un protocole spécifique d’acquisition dynamique desvolumes expiratoires permettrait un dépistage de grandesensibilité de troubles expiratoires précoces [7].

Une banale infection bronchique ou un geste endoscopiquemalencontreux peuvent précipiter la survenue d’une insuffi-sance respiratoire aiguë. La fibroscopie bronchique fait l’objetd’un double message, apparemment contradictoire. Elle estcontre-indiquée du fait du risque d’asphyxie lié à la trachéoma-lacie ou à une sténose sous-glottique sous-évaluée. En réalité, lafibroscopie trachéobronchique est probablement le meilleurexamen pour faire le bilan des lésions sténosantes. Ni lescanner, même en haute résolution, ni l’IRM ne remplacentcomplètement la fibroscopie dans la discussion thérapeutiquemédicochirurgicale. Une nouvelle technique d’échoendoscopiebronchique visualiserait clairement la disparition du cartilage.La fibroscopie peut donc être effectuée, après un bilan systéma-tique comprenant au minimum des EFR et un scanner trachéo-bronchique hélicoïdal, par un opérateur averti et surtout munides moyens de réaliser une trachéotomie en urgence.

Les chondrites des cartilages costaux (35 % des cas) provo-quent des douleurs pariétales souvent responsables d’erreursdiagnostiques. La constitution d’un volet thoracique estexceptionnelle.

La place de l’imagerie fonctionnelle par TEP-scanner utilisantle fluorodesoxyglucose est à l’étude dans le bilan d’extension etd’évolutivité des chondrites.

Manifestations extrachondritiquesLes atteintes extrachondritiques, très diverses, occupent

souvent l’avant-scène du tableau clinique et peuvent inaugurerla maladie.

Des signes généraux sont présents lors des poussées sévères :fièvre, anorexie, amaigrissement parfois massif.

Les manifestations rhumatologiques (de 70 % à 85 % des cas)évoluent souvent indépendamment des chondrites. Parfoissimples arthralgies, elles réalisent en règle une oligoarthrite ouune polyarthrite intermittente, asymétrique, migratrice, nonnodulaire, non érosive et non déformante touchant notammentles tibiotarsiennes, les poignets, les interphalangiennes proxi-males des doigts, les métacarpophalangiennes, les genoux et lescoudes. Une monoarthrite aiguë spécifique peut simuler uneatteinte septique ou microcristalline. Les atteintes chondro-,cléïdo- ou manubriosternales, périarticulaires et axiales (cervi-calgies ou lombalgies inflammatoires) ne sont pas rares. Unesymphysite, une atteinte temporomandibulaire, sont possibles.La présence de lésions radiologiques érosives voire franchementdestructrices doit faire discuter l’association avec un autrerhumatisme inflammatoire chronique.

Figure 1. Chondrite nasale (pied de marmite) séquellaire et auriculaireactive.

“ Point fort

La chondrite de l’arbre respiratoire aboutit parfois à uneinsuffisance respiratoire obstructive résultant de sténosesdéfinitives et/ou d’une chondromalacie responsable d’uncollapsus expiratoire trachéobronchique. La fibroscopiebronchique est contre-indiquée.

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Les manifestations audiovestibulaires (40 % des cas) sontdominées par la surdité de perception, d’importance variable,uni- ou bilatérale, de survenue brutale et généralement nonrégressive, de mécanisme hypothétiquement vasculaire. Elle doitêtre distinguée d’une hypoacousie de transmission résultantd’une atteinte (obstruction, surinfection ou collapsus) duconduit auditif externe ou de l’oreille moyenne. On peut aussiobserver des syndromes vestibulaires périphériques générale-ment réversibles. La présence de telles manifestations au coursd’une connectivite inclassée suggère l’éventualité d’une PCA.

Les manifestations oculaires, fréquentes (60 % des cas) maisrarement sévères, sont dominées par l’épisclérite (Fig. 2), lasclérite et la conjonctivite. D’autres atteintes ont été signalées :kératite parfois perforée, uvéite antérieure, rétinopathie, névriteoptique et cataracte non cortico-induite. La survenue d’uneexophtalmie peut être liée à une sclérite postérieure, mais doitaussi faire discuter le diagnostic de pseudotumeur inflammatoiredans le cadre d’une granulomatose de Wegener.

Les manifestations cardiovasculaires (20 % des cas) compor-tent des valvulopathies (principalement insuffisance aortiquepar dilatation de l’anneau plus que par lésion des valvules), destroubles du rythme et de la conduction, des anévrismes quisiègent préférentiellement sur l’aorte thoracique initiale (6 %des cas) et des sténoses des gros troncs artériels. Une aortitethoracoabdominale sans valvulopathie, une péricardite, unemyocardiopathie ischémique ou inflammatoire sont plus rares.

En outre, certaines PCA sont intriquées avec une vascularitecutanée ou systémique parfois très proche de la périartéritenoueuse.

Les manifestations dermatologiques (de 20 % à 40 % des cas)résultent souvent d’une telle vascularite (purpura infiltré,livedo). D’autres atteintes (aphtose uni- ou bipolaire, hypoder-mites, phlébites superficielles) ont conduit à l’individualisationd’un « MAGIC syndrome » (mouth and genital ulcers with infla-med cartilages), qui semble en fait beaucoup plus proche de laPCA que de la maladie de Behçet.

Les rares manifestations rénales, le plus souvent à type deglomérulonéphrite nécrosante pauci-immune avec proliférationépithéliale, s’observent généralement dans les PCA intriquées àune angéite systémique.

Les atteintes neurologiques sont rares, qu’elles soient péri-phériques ou centrales : hémiplégie, syndrome cérébelleux,méningoencéphalite aseptique, atteinte limbique, myélite,diplégie faciale.

■ Manifestations biologiquesUn grand syndrome inflammatoire accompagne habituelle-

ment les poussées : élévation majeure de la protéine C-réactive(CRP), hyperfibrinémie, anémie inflammatoire et hyperleucocy-tose à polynucléaires neutrophiles. Une vitesse de sédimentationnormale ne doit pas toutefois faire récuser le diagnostic. Lecomplément est normal ou élevé. La recherche de facteursantinucléaires est rarement positive à un titre significatif enl’absence de lupus associé. À l’inverse, la présence de facteursrhumatoïdes (15 % des cas) ne témoigne que rarement del’intrication avec une polyarthrite rhumatoïde. L’intérêt dia-gnostique de la sérologie auto-immune est limité, la recherched’anticorps anti-collagène de type II étant très peu spécifique etcelle d’anticorps anticartilage par immunofluorescence indirectepeu sensible. La présence d’anti-neutrophil cytoplasmic antibodies(ANCA) donnant surtout une fluorescence périnucléaire estparfois rencontrée. Plus récemment, une réponse anticorps anti-matrilline a été observée chez certains patients, de spécificité etde sensibilité encore inconnues.

Certaines polychondrites sont associées à un syndromemyélodysplasique (anémie « réfractaire » arégénérative macro-cytaire nécessitant des transfusions régulières, neutropénie et/outhrombopénie) en particulier chez le sujet âgé de sexe masculin,au pronostic péjoratif. La fréquence des syndromes myéloproli-fératifs semble également accrue.

■ DiagnosticLe diagnostic de la PCA, souvent porté avec retard, est

principalement clinique, l’histologie n’ayant qu’un rôled’appoint dans les formes débutantes, atypiques ou frustes.Michet a établi des critères majeurs (chondrite auriculaire,nasale ou laryngotrachéale) et des critères mineurs (inflamma-tion oculaire, hypoacousie, syndrome vestibulaire, arthrite« séronégative »), la présence de deux critères majeurs ou d’uncritère majeur et de deux mineurs permettant de retenir lediagnostic (Tableau 1) [8].

Devant une inflammation du pavillon de l’oreille, reconnaîtrel’existence d’une chondrite n’offre guère de difficultés. Lecontexte permet d’écarter d’autres affections : traumatisme(otohématome), brûlure, piqûre d’insecte, gelure ou goutteauriculaire tophacée. Le diagnostic d’infection, souvent évoquépar excès, repose sur les circonstances (geste chirurgical, plaie,dermatose préalable, otite chronique) et sur l’aspect des lésions :non-respect du lobule, présence d’adénopathies satellites. Unefièvre très élevée, l’existence d’une collection liquidienne et lecaractère hyperalgique n’excluent pas l’éventualité d’unechondrite. Les dermatoses, qui ne touchent que le revêtementcutané, sont reconnues facilement, sauf dans quelques situa-tions (engelures, hématodermie responsable d’une infiltrationdermique profonde) justifiant la pratique d’une biopsie.

Figure 2. Épisclérite.

▲ Attention

L’apparition d’une polychondrite chez le sujet âgé doitfaire rechercher une dysmyélopoïèse acquise parfoispréexistante.

Tableau 1.Critères de Michet pour le diagnostic de polychondrite atrophiante : deuxcritères majeurs ou un critère majeur plus deux critères mineurs.

Critères majeurs Critères mineurs

Chondrite auriculaire Inflammation oculaire (conjonctivite,kératite, épisclérite, uvéite)

Chondrite nasale Hypoacousie

Chondrite laryngotrachéale Syndrome vestibulaire

Polyarthrite séronégative

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Devant une déformation nasale en « selle » acquise (ce quiélimine l’exceptionnelle syphilis congénitale), non traumatique,survenant dans un contexte inflammatoire, deux diagnosticsdoivent être évoqués : la polychondrite et la granulomatose deWegener. Bien que les aspects histologiques de ces affectionssoient différents, de nombreuses similitudes cliniques etbiologiques (notamment glomérulopathie et présence d’anti-corps dirigés contre le cytoplasme des polynucléaires danscertaines polychondrites) rendent parfois leur distinction trèsdifficile (Tableau 2).

■ ÉvolutionL’activité et l’évolutivité de la polychondrite peuvent être

appréciées par la clinique, les tests biologiques usuels (CRP,hémogramme) et une évaluation morphologique (IRM, TDMhaute résolution, écho-Doppler cardiaque...) ou fonctionnelle(EFR) séquentielle. Le monitorage des réponses humorales etcellulaires, contre les collagènes ou la matriline 1, le dosagesérique du macrophage inhibiting factor ou des glycosaminoglyca-nes urinaires ne sont pas de pratique courante.

L’évolution se fait par poussées successives dont la fréquenceet la sévérité sont extrêmement variables. Dans notre expé-rience, la grossesse ne pose pas de problème, qu’il s’agisse del’évolutivité de la polychondrite chez la mère ou de pathologiefœtale [9]. Les formes mineures de polychondrite sont rares, etla majorité des patients sont porteurs d’une affection chronique,douloureuse, entraînant divers handicaps auxquels viennents’ajouter les effets secondaires de thérapeutiques lourdes. Desrémissions parfois très prolongées peuvent survenir spontané-ment ou sous l’influence du traitement. Bien que le pronostics’améliore, probablement en raison du diagnostic des formesfrustes et du traitement plus précoce des manifestations graves,il demeure sévère, le taux de survie à 5 ans ne dépassant pas75 % dans les grandes séries. La mort résulte le plus souventd’une atteinte spécifique (respiratoire ou vasculaire), d’unedysmyélopoïèse associée ou d’une infection, surtout pulmonaired’ailleurs favorisée par le traitement.

■ TraitementLe traitement de la polychondrite, mal codifié en raison de

la rareté de la maladie, repose sur la corticothérapie.Dans les formes sévères (chondrite laryngée et/ou trachéobron-

chique, angéite systémique), il obéit aux mêmes règles que celuides connectivites graves : la corticothérapie est rapidemententreprise sous la forme de bolus de méthylprednisolone, puisrelayée par la prednisone dont la posologie initiale (1 mg kg-1 j-1)est progressivement réduite après 4 semaines.

Les limites de cette corticothérapie (échec, forte corticodé-pendance, mauvaise tolérance) ou l’existence d’une atteinteartérielle patente justifient le recours aux immunosuppresseurs,généralement azathioprine ou cyclophosphamide, dont lesindications doivent cependant rester limitées en raison durisque spontané d’hémopathie myéloïde. Le méthotrexate, àune dose hebdomadaire située entre 15 et 20 mg, peut égale-ment être utilisé. Le nombre de patients traités par ciclosporine,D-pénicillamine, échanges plasmatiques, perfusions d’immuno-globulines à fortes doses, anticorps monoclonaux anti-CD4 ouanti-CD20, médicaments anti-tumor necrosis factor (infliximab ouadalimumab plus qu’étanercept), inhibiteur du récepteur del’interleukine 1 ou autogreffe de cellules souches hépatopoïéti-ques, est trop faible pour évaluer l’intérêt de ces modesd’immunomodulation [10]. La dapsone (Disulone®), proposée enraison de son efficacité dans certains modèles de polychondriteexpérimentale, n’a pas confirmé les espoirs qu’elle avait suscités.Elle est parfois employée en complément de la corticothérapie,à des posologies croissant progressivement jusqu’à 100 ou200 mg/j, associée à une supplémentation en acide folique. Sesfréquents effets secondaires hématologiques (methémoglobiné-mie et anémie hémolytique doses-dépendantes) nécessitent unesurveillance régulière.

Le traitement de première intention des formes mineures faitappel aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, à la dapsone,parfois à la colchicine ; leur efficacité étant limitée, il estsouvent nécessaire de leur associer une faible corticothérapie,que l’on tente par la suite de réduire et si possible d’arrêter.

Certaines atteintes justifient un geste local, souvent chirurgi-cal : trachéotomie définitive, reconstruction laryngotrachéale,tube de Montgomery, « attelle » de maintien en Gore-Tex®,stents bronchiques métalliques autoexpansifs, chirurgie arté-rielle, voire plastie nasale dont les résultats sont bons sil’affection est durablement stabilisée [11]. Le traitement desvalvulopathies est parfois complexe, en particulier pour l’insuf-fisance aortique, associant à la prothèse valvulaire le remplace-ment de l’aorte ascendante avec réimplantation descoronaires [12].

Les risques liés à l’anesthésie ne doivent pas être sous-estimés en présence de lésions de l’arbre respiratoire.

Enfin, l’existence d’une ectasie de l’aorte ascendante peutfaire proposer un traitement bêtabloqueur pour ralentir saprogression, par analogie avec la maladie de Marfan où l’intérêtd’un tel traitement a été démontré.

■ Références[1] Piette JC, Papo T. Polychondrite chronique atrophiante. In: Kieffer E,

Godeau P, editors. Maladies artérielles non athéroscléreuses del’adulte. Paris: AERCV; 1994. p. 335-42.

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Tableau 2.Diagnostic différentiel des chondrites.

Chondrite auriculaire Périchondrite infectieuse : otite chroniqueexterne

Mastoïdite, surtout à pyocyanique

Mycobactériose (lèpre)

Chondrodermatite chronique nodulaire del’hélix

Hématodermie (leucémie lymphatiquechronique)

Calcifications du pavillonde l’oreille

Maladie d’Addison

Ochronose

Acromégalie

Hyperparathyroïdie

Hypersensibilité familiale au froid

Chondrite nasale Périchondrite infectieuse

Syndrome de Silverman, traumatismes

Granulomatose de Wegener

Syphilis congénitale

“ Point fort

Le traitement des formes sévères de polychondrite reposesur la corticothérapie.

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Page 50: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

[6] Ernst A, Rafeq S, Boiselle P, Sung A, Reddy C, Michaud G, et al.Relapsing polychondritis and airway involvement. Chest 2008:Nov18[epub ahead of print].

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Page 51: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Granulomatose de Wegener

D. Lê Thi Huong

La granulomatose de Wegener est une vascularite systémique rare, touchant le sujet d’âge moyen,associant une angéite aiguë circonférentielle artériolaire et veinulaire à un granulome nécrotique àcellules géantes. Les lésions touchent préférentiellement les voies aériennes supérieures, le poumon et lesreins mais la maladie touche également la peau, les yeux, les articulations, le système nerveuxnotamment périphérique, le cœur. L’hyperleucocytose neutrophile, l’anémie inflammatoire, lathrombocytose et l’élévation des protéines de l’inflammation sont la règle dans les formes diffuses. Lesanticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) sont présents dans plus de 90 % descas, plus fréquents dans les formes diffuses que dans les formes localisées, à un taux plus élevé en phaseactive qu’en phase de rémission, sans toutefois que l’évolution de leur taux ne permette de prédire unerechute. Le traitement repose sur l’association d’une corticothérapie à un traitementimmunosuppresseur, où le cyclophosphamide paraît le plus efficace mais dont le risque oncogène à longterme conduit à proposer des traitements séquentiels utilisant un autre immunosuppresseur dès larémission obtenue. Le taux de survie se situe aux environs de 85 % à 1 an. La principale cause de décès estl’infection, surtout dans les deux premières années de traitement. La part de la pathologiecardiovasculaire et néoplasique augmente avec l’amélioration du pronostic. Un décès sur cinq est encorelié aux conséquences de l’insuffisance rénale.© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Granulomatose de Wegener ; Anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles ;Cyclophosphamide

Plan

¶ Introduction 1

¶ Épidémiologie 1

¶ Physiopathogénie 1

¶Manifestations cliniques 1

¶ Biologie 2

¶ Traitement et pronostic 2

¶ Conclusion 3

■ IntroductionLa granulomatose de Wegener est une vascularite systémique

associant une angéite aiguë circonférentielle artériolaire etveinulaire à un granulome nécrotique à cellules géantes. Leslésions touchent préférentiellement les voies aériennes supé-rieures, le poumon et les reins.

■ ÉpidémiologieC’est une maladie rare : sa prévalence est de l’ordre de 2 à

3 pour 100 000 habitants et son incidence de 1 pour100 000 habitants [1]. Il existe un gradient nord-sud avec uneincidence annuelle de 13/million d’habitants en Norvège et

4,9/million d’habitants en Espagne et également une augmen-tation de fréquence puisque l’incidence annuelle est passée de5,2 à 12/million d’habitants en Norvège entre 1984 et 1998.

■ PhysiopathogénieLes anticorps dirigés contre le cytoplasme des polynucléaires

neutrophiles (ANCA), notamment ceux dirigés contre la protéi-nase 3 (PR3), ont un intérêt étiopathogénique et diagnostiquebien qu’ils n’apparaissent pas dans les critères habituellementutilisés de classification des vascularites systémiques [2].

La cause de la granulomatose de Wegener est inconnue maisle rôle déclenchant de l’infection est vraisemblable car elleprécéderait une poussée dans 45 % des cas et elle pourraitexpliquer une prédominance saisonnière (printemps, hiver) ; leportage nasal chronique de staphylocoque à coagulase positives’accompagne d’une fréquence significativement plus élevée derechutes ; un antibiotique, le cotrimoxazole, paraît efficace dansle traitement de certaines formes limitées de granulomatose deWegener et dans la prévention des rechutes. L’existence d’uneprédisposition génétique reste discutée, les formes familialesétant exceptionnelles [3].

■ Manifestations cliniquesLa granulomatose de Wegener peut être observée à tous les

âges de la vie mais l’âge moyen lors du diagnostic se situe entre

Page 52: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

40 et 50 ans, avec une légère prédominance masculine [4]. Ledélai diagnostique moyen est de 1 an mais en fait extrêmementvariable, plus long dans les formes sans atteinte rénale oùl’évolution est volontiers insidieuse, parfois entrecoupée derémissions de plusieurs mois, voire de plusieurs années. Ledébut est généralement marqué par des symptômes naso-sinusiens ou respiratoires d’allure banale, dont l’évolutionrécidivante, le caractère résistant aux traitements antibiotiquesmais sensible à une courte corticothérapie, l’association à dessignes généraux, à une atteinte viscérale doivent attirer l’atten-tion. Ailleurs, l’évolution peut se faire sur un mode aigu avecl’installation en quelques semaines d’une atteinte diffusepouvant conduire à la dialyse.

L’atteinte oto-rhino-laryngologique (ORL) (70 % à 100 % descas) est généralement la plus précoce. Elle consiste en unerhinite généralement sanglante, une sinusite et/ou une otite,plus rarement un granulome des cordes vocales ou une sténosesous-glottique. L’atteinte pulmonaire (70 % à 100 % des cas) estasymptomatique dans 10 % à 30 % des cas. Les anomaliesradiologiques les plus caractéristiques sont des opacités nodulai-res de taille variable, multiples, évoluant vers l’excavation. Lesinfiltrats, un syndrome interstitiel pouvant traduire unehémorragie intrapulmonaire, un épanchement pleural peuabondant, des atélectasies, des sténoses bronchiques sontpossibles. L’atteinte rénale (46 % à 90 % des cas) définit lesformes « diffuses », par opposition aux formes « localisées ». Elleprécède exceptionnellement les manifestations respiratoires.Dans la moitié des cas, elle est responsable d’une glomérulo-néphrite rapidement progressive. La protéinurie est générale-ment modérée, associée à une hématurie et une leucocyturie.L’hypertension artérielle est rare. La biopsie rénale montre uneglomérulonéphrite pauci-immune avec une prolifération extra-capillaire focale et en immunofluorescence, des dépôts glomé-rulaires de fibrinogène, rarement une angéite nécrosante ou ungranulome épithélioïde. Des polyarthralgies ou une polyarthrites’observent dans la moitié des cas. L’exophtalmie et l’épiscléritesont les manifestations oculaires les plus typiques. Sont égale-ment possibles : conjonctivite, kératite, névrite optique, uvéite,vascularite rétinienne, dacryocystite. L’atteinte cutanée estvariable : purpura, papules, ulcérations, vésicules, nodules,pustules, ulcérations muqueuses, syndrome de Raynaud, gingi-vite hypertrophique, pyoderma gangrenosum. La biopsie d’unelésion permet facilement le diagnostic de vascularite. L’atteinteneurologique se traduit par une mono- ou une multinévrite, undéficit neurologique central par vascularite ou phlébite céré-brale, rarement une hémorragie cérébrale. L’atteinte cardiaqueest rare, se traduisant le plus souvent par des troubles durythme, une péricardite, moins fréquemment par une endocar-dite, une myocardite, des troubles de conduction, un infarctusmyocardique. D’autres manifestations ont été plus rarementdécrites : pseudotumeurs granulomateuses de siège variable,atteinte abdominale, musculaire, génito-urinaire, endocrinienne,adénopathies, splénomégalie, phlébites.

■ BiologieL’hyperleucocytose neutrophile, l’anémie inflammatoire, la

thrombocytose et l’élévation des protéines de l’inflammationsont la règle dans les formes diffuses. Les ANCA sont présentsdans plus de 90 % des cas, plus fréquents dans les formesdiffuses que dans les formes localisées, à un taux plus élevé enphase active qu’en phase de rémission, sans toutefois quel’évolution de leur taux permette de prédire une rechute [2]. Ilssont très spécifiques, responsables d’une fluorescence diffuse etfinement granuleuse du cytoplasme en immunofluorescence etsont essentiellement dirigés contre la PR3 des granules azuro-philes. En pratique, devant un patient suspect de granulomatosede Wegener, il faut savoir repérer une atteinte infracliniqueORL, pulmonaire, neurologique ou rénale en proposant unscanner des sinus et un examen ORL, un scanner thoracique,un électromyogramme et l’analyse répétée du sédiment urinaireet de la protéinurie. La présence d’ANCA à titre élevé avec unespécificité anti-PR3 est un argument de poids pour le diagnos-tic ; en revanche, leur négativité ne doit pas faire rejeter le

diagnostic, en particulier devant une forme d’allure « limitée ».L’histologie reste un élément diagnostique puissant et souventindispensable car, comme souvent dans les granulomatosessystémiques, le diagnostic peut se discuter aux confins desinfections à germes intracellulaires et des néoplasies. Cependant,la preuve histologique peut être difficile à obtenir car lesbiopsies associent rarement la triade caractéristique et il peutêtre nécessaire de les multiplier ou de faire appel à la chirurgie.

■ Traitement et pronosticLe traitement repose dans les formes diffuses sur l’association

de corticoïdes (1 mg/kg/j) et d’immunosuppresseurs dont le plusefficace est le cyclophosphamide oral (2 mg/kg/j) [2]. Sa toxicitévésicale l’a fait proposer par voie intraveineuse en bolusprescrits toutes les 3 à 4 semaines (0,5 à 1 g/m2). Son risqueoncogène [5] a conduit à proposer des schémas séquentiels : leremplacement, après l’obtention de la rémission par le cyclo-phosphamide, par un autre immunosuppresseur. Parmi eux,l’azathioprine est aussi efficace en traitement d’entretien que lecyclophosphamide oral [6]. Le rituximab en traitement d’attaquesemble avoir une efficacité similaire au cyclophosphamide oralet est à prescrire en cas de contre-indication au cyclophospha-mide compte tenu de son coût [7]. Ont également été proposésle méthotrexate, le mycophénolate mofétil et le léflumide.L’étanercept permet de maintenir la rémission mais avec unrisque oncogène élevé qui conduit à le proscrire dans cetteindication [8]. Dans les formes ne mettant pas en jeu le pronos-tic vital, le méthotrexate (25 mg/semaine) ou l’azathioprine(2,5 mg/kg/j) peuvent être proposés en première intention. Dansles formes sévères, la corticothérapie est généralement débutéepar des bolus de méthylprednisolone. Le remplacement ducyclophosphamide intraveineux par sa forme orale peut êtresuffisant en cas d’échec primaire. En cas d’inefficacité, on peutfaire appel aux immunoglobulines intraveineuses à fortes doses,aux bolus de cyclophosphamide rapprochés, aux échangesplasmatiques, éventuellement aux inhibiteurs du tumor necrosisfactor (TNF). Les sténoses trachéobronchiques volontiers résis-tantes au traitement médical peuvent bénéficier d’injectionslocales de corticoïdes, de plastie chirurgicale ou de laserendobronchique. Le cotrimoxazole (Bactrim Forte® 2 compri-més/j) a été proposé dans le traitement de formes localisées, ouen traitement d’entretien. Son efficacité a été démontrée dansla prévention des rechutes et il a l’intérêt de prévenir lapneumocystose qui est plus fréquente au cours des granuloma-toses de Wegener qu’au cours d’autres maladies systémiques.Cependant, son efficacité reste bien inférieure à celle desimmunosuppresseurs comme le méthotrexate. En pratique, lesindications thérapeutiques sont discutées cas par cas et relèventde services spécialisés.

Autrefois mortelle, la granulomatose de Wegener a vu sonpronostic transformé par le traitement immunosuppresseurséquentiel habituellement prescrit pour une durée d’au moins18 mois. Il est cependant difficile de parler de guérison car desrechutes peuvent survenir, même des années après l’obtentiond’une rémission, ce qui justifie une surveillance prolongée. Lamorbidité résiduelle liée à la maladie est importante : 86 % despatients demeurent symptomatiques alors que la maladie estéteinte en raison d’une insuffisance rénale chronique, d’unehypoacousie, d’une déformation nasale, d’une sténose trachéaleou d’une baisse d’acuité visuelle [9]. Les rechutes accroissentprobablement le nombre des séquelles. Actuellement, le taux desurvie se situe aux environs de 85 % à 1 an. Le pronostic estessentiellement fonction de l’existence d’une insuffisance rénaleinitiale, de l’âge et du caractère diffus ou non de la vascularite.La principale cause de décès est l’infection, rançon du traite-ment corticoïde et immunosuppresseur, surtout dans les deuxpremières années de traitement. La part de la pathologiecardiovasculaire et néoplasique augmente avec l’amélioration dupronostic qui autorise l’expression tardive des effets secondairesde ces traitements. Un décès sur cinq est encore lié aux consé-quences de l’insuffisance rénale.

Page 53: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

■ ConclusionLa granulomatose de Wegener reste une des vascularites

systémiques les plus graves, où l’indication et le choix destraitements mettent en balance la menace viscérale, voire vitaleà court terme, et les effets secondaires et notamment oncogènesdes traitements et les séquelles de la maladie à long terme. Cecijustifie, en plus du risque élevé de rechutes, une surveillanceextrêmement prolongée.

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Pour en savoir plusKahn MF, Peltier AP, Meyer O, Piette JC. Granulomatose de Wegener. In:

Maladies et syndromes systémiques. Paris: Flammarion; 2000.p. 741-62.

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Page 54: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Maladie de Takayasu

É. Hachulla, M. Lambert, M. Pérez-Cousin, V. Queyrel, S. Morell-Dubois, D. Launay,P.-Y. Hatron

La maladie de Takayasu est une aortoartérite non spécifique entraînant une sténose progressive desartères de grand et moyen calibres (aorte et ses branches principales, artère pulmonaire). L’atteinte laplus classique est la sténose des artères sous-clavières qui peut expliquer la disparition du pouls radial. Lasténose des artères rénales peut se compliquer d’une hypertension artérielle rénovasculaire, la sténose desartères digestives d’un angor digestif. Les méthodes d’imagerie non invasives permettent aujourd’hui engénéral d’en faire le diagnostic sans que la biopsie artérielle soit réalisée. La corticothérapie est la pierreangulaire du traitement, parfois associée à des immunosuppresseurs. Dans certains cas un geste derevascularisation est nécessaire.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Maladie de Takayasu ; Aortite ; Sténose sous-clavière ; Hypertension rénovasculaire ;Anévrisme aortique

Plan

¶ Introduction 1

¶ Épidémiologie 1

¶ Présentation clinique 1Phase préocclusive 1Phase occlusive 2

¶ Diagnostic 2Examen biologique 2Échodoppler artériel 2Scintigraphie pulmonaire 2Explorations vasculaires radiologiques 2Examen histologique 2

¶ Étiologie 3

¶ Diagnostic différentiel en pratique clinique 4

¶ Évolution et pronostic 4

¶ Traitement 5

¶ Conclusion 5

■ IntroductionLa maladie de Takayasu est une artérite inflammatoire de

l’aorte, de ses principales branches et des artères pulmonairesqui aboutit au développement de sténoses, de thromboses etparfois d’anévrismes artériels. Au cours de la maladie deTakayasu, la limitante élastique serait une des cibles du proces-sus inflammatoire. La survenue d’une sténose, d’une occlusionou d’un anévrisme des artères de gros et moyens calibres faitpartie des critères diagnostiques de la maladie.

■ ÉpidémiologieInitialement décrite au Japon, la maladie de Takayasu est

ubiquitaire mais s’observe avec une plus grande fréquence enAsie, en Amérique du Sud et dans les pays du pourtour médi-terranéen. Elle est loin d’être exceptionnelle en France. Certainsantigènes d’histocompatibilité seraient associés à un risque plusélevé de la maladie, l’antigène HLA (human leucocyte antigen)DR4/DQW3 par exemple paraît associé aux formes plus sévères,tandis que d’autres seraient plutôt protecteurs. Les prédisposi-tions génétiques et les origines ethniques conditionnent lasymptomatologie : l’atteinte rétinienne, fréquente au Japon, estexceptionnelle en France, les formes ectasiantes sont plus rareschez nous. La maladie de Takayasu est une maladie de la femmejeune huit fois sur dix ; elle débute souvent avant 20 ans. Ledélai entre les premiers symptômes et le diagnostic est engénéral de l’ordre de 1 à 4 ans.

■ Présentation cliniqueLa maladie évolue classiquement en deux phases : la phase

préocclusive, puis la phase occlusive [1].

Phase préocclusiveElle est peu bruyante, passe volontiers inaperçue, peut donner

un tableau pseudogrippal et rassembler des signes divers telsque :• asthénie, fièvre, amaigrissement, sueurs nocturnes ;• arthralgies, myalgies, voire polyarthrite ;• épanchement pleural ou péricardique ;• érythème noueux, hypodermite nodulaire, ulcérations cuta-

nées, rash ;• épisclérite, uvéite ;• insuffisance cardiaque.

Page 55: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Cette phase préocclusive peut durer plusieurs mois, les signesdisparaissant ensuite.

Phase occlusiveLa phase occlusive (ou vasculaire) survient en moyenne 6 à

7 ans plus tard, mais elle évolue parfois d’un seul tenant,donnant à des degrés divers les signes rassemblés dans leTableau 1.

Selon la topographie de l’atteinte artérielle, il est habituel dedistinguer quatre types différents de maladies de Takayasu :• type I : atteinte limitée à la crosse de l’aorte ;• type II : atteinte de l’aorte descendante et portion thoracique

et abdominale ;• type III : type I + type II ;• type IV : atteinte des artères pulmonaires, quelle que soit

l’atteinte de la grande circulation.

■ DiagnosticLa présentation clinique est évocatrice du diagnostic de

Takayasu lorsqu’il s’agit d’une femme jeune avec asymétrietensionnelle, souffle sous-clavier, diminution, voire disparitiondu pouls radial (maladie des femmes sans pouls). En phasepréocclusive, le diagnostic est difficile, les signes vasculaires sontencore absents ou infracliniques. Il peut s’agir d’un syndromeinflammatoire isolé. Le diagnostic peut être évoqué fortuitementdevant la découverte d’épaississement des parois vasculaires del’aorte ou de ses branches sur une échographie ou un scannerréalisé à titre systématique.

Examen biologiqueOn observe un syndrome inflammatoire avec augmentation

de la vitesse de sédimentation (VS) et de la protéine C réactivedans seulement un cas sur deux, surtout en phase préocclusive.Lorsque le syndrome inflammatoire est patent, il permetd’adapter et de guider le traitement.

Échodoppler artérielSa place est déterminante pour le diagnostic et le suivi de la

maladie. Il permet d’évoquer le diagnostic d’artérite inflamma-toire lorsque existe un épaississement hypoéchogène de la paroivasculaire, en l’absence d’athérome.

Cet épaississement va permettre de suivre l’évolution soustraitement. Les artères à explorer de manière systématique sontles carotides primitives et leur bifurcation, les artères sous-clavières et vertébrales, l’aorte thoracique ascendante, qui peutêtre examinée par échographie transthoracique ou transœso-phagienne, l’aorte abdominale et ses branches, rénale, digestiveet iliofémorale. On y recherche des aspects sténosants, plusrarement ectasiants.

Scintigraphie pulmonaireSouvent asymptomatique, la découverte d’anomalies de

perfusion pulmonaire par scintigraphie constitue un examennon invasif d’une grande rentabilité diagnostique dans cecontexte artériel inflammatoire (Fig. 1). Elle est anormaleenviron une fois sur deux montrant des défauts de perfusionsegmentaires.

Explorations vasculaires radiologiquesL’angioscanner et l’angio-imagerie par résonance magnétique

(ARM) ont aujourd’hui remplacé l’artériographie [2]. Le bilanvasculaire doit être complet, explorant l’ensemble de l’aortethoracique et abdominale ainsi que ses principales branches,vaisseaux à destinée encéphalique, artères digestives, artèresrénales. On peut ainsi retrouver les épaississements vasculaires,les sténoses, souvent effilées et régulières, évocatrices d’artériteinflammatoire (Fig. 2 à 8). L’artériographie conventionnellen’est envisagée que si se discute un geste endovasculaire.

Examen histologiqueSi l’on réalise la biopsie d’une artère sous-clavière axillaire

atteinte, on trouve, à l’examen histologique, une panartériteprédominant dans l’adventice et la média. La vascularite estsegmentaire et souvent multifocale [3]. À l’ouverture du vaisseau,l’intima est épaissie, boursouflée. La panartérite prédomine dansla média et dans l’adventice qui est le siège d’un infiltratinflammatoire constitué de cellules mononucléées, parfois decellules géantes avec des images d’élastophagie, et s’accompagned’une fibrose mutilante qui prédomine dans la partie externe dela média et de l’adventice. L’intima est épaissie, sans infiltratinflammatoire, la limitante élastique interne est respectéecontrairement à la maladie de Horton. La limitante élastique

Tableau 1.Manifestations de la phase vasculaire ou occlusive de la maladie deTakayasu.

Atteinte des troncs aortiques et supraortiques

La sténose axillo-sous-clavière est la forme la plus classique, donnantune claudication intermittente du bras, une asymétrie tensionnelle, unediminution des pouls périphériques jusqu’à la disparition totale dupouls radial et du pouls cubital. Le phénomène de Raynaud est possible.On observe parfois un vol sous-clavier.

L’atteinte, plus rare, des carotides est source d’ischémie cérébrale et réti-nienne, entraînant une dilatation veineuse, des microanévrismes, puisdes anastomoses artérioveineuses, source d’ischémie ou d’hémorragiesrétiniennes.

Atteinte des artères viscérales

La sténose uni- ou bilatérale des artères rénales provoque une hyperten-sion artérielle rénovasculaire. L’atteinte du tronc cœliaque et de la mé-sentérique supérieure est source de douleurs abdominales et d’épisodesdiarrhéiques.

Manifestations cardiaques

L’atteinte de l’ostium des coronaires est responsable d’un angor, parfoisd’infarctus. On peut observer dans certains cas une insuffisance aorti-que, une insuffisance mitrale ou une insuffisance cardiaque droite ougauche multifactorielle.

Atteinte de l’artère pulmonaire et de ses branches (50 % des cas)

Souvent asymptomatique lorsqu’elle s’exprime, l’atteinte des artèrespulmonaires donne des signes variables : dyspnée, toux, hémoptysie,tableau embolique, voire insuffisance cardiaque droite. L’obstructioncomplète d’une artère pulmonaire est possible.

Figure 1. Scintigraphie pulmonaire de perfusion : obstruction com-plète de l’artère pulmonaire gauche sans perfusion du pulmonaire enregard.

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Page 56: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

externe est en revanche souvent fragmentée. Il n’y a pas denécrose fibrinoïde et habituellement pas de thromboseluminale.

Le diagnostic de maladie de Takayasu peut être guidé par lescritères de classification proposés par Ishikawa modifiés parSharma en 1996 [4] (Tableau 2).

■ ÉtiologieSi la tuberculose ou les antécédents de tuberculose sont

retrouvés dans près de 50 % des patients ayant une maladie deTakayasu en Orient ou au Moyen-Orient, cette association estbeaucoup plus rare en France et rien ne démontre la relation decausalité.

L’hypothèse auto-immune sur terrain génétique prédisposantest l’hypothèse retenue actuellement par la plupart des auteurs,ce que suggère également l’association possible à d’autresmaladies auto-immunes comme le lupus érythémateux systémi-que, la sclérodermie, la sarcoïdose, la maladie de Crohn ouencore la spondylarthrite ankylosante. Selon les populations, lamaladie survient avec prédilection dans certains sous-groupesHLA. Les monocytes et les lymphocytes T paraissent jouer un

Figure 2. Épaississement de la paroi de la crosse de l’aorte vue enangioscanner.

Figure 3. Épaississement de la paroi de l’aorte descendante vue enangioscanner.

Figure 4. Thrombose de la portion terminale de l’artère sous-clavièredroite vue en angio-IRM (imagerie par résonance magnétique).

Figure 5. Sténoses serrées de l’artère mésentérique supérieure et dutronc cœliaque vues en angio-IRM (imagerie par résonance magnétique).

Figure 6. Sténoses serrées des artères rénales vues en angio-IRM (ima-gerie par résonance magnétique).

Page 57: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

rôle important dans la physiopathologie de la maladie. Lesinfiltrats cellulaires retrouvés dans les parois vasculaires sontriches en lymphocytes T cd et ab et natural killers. La découverted’anticorps anticellules endothéliales chez certains maladesalimente cette hypothèse auto-immune, sans pouvoir pourl’instant confirmer leur caractère pathogène.

■ Diagnostic différentielen pratique clinique

Discuter le diagnostic sous-entend de revoir les aortites et lessténoses sous-clavières d’autre origine.

Les étiologies des aortites en dehors de la maladie deTakayasu sont les suivantes :• maladie de Horton ;• syndromes de Cogan ;• maladie de Behçet ;• périartérite noueuse ;• maladie de Buerger ;• sarcoïdose ;

• lupus érythémateux systémique ;• spondylarthropathie ;• polyarthrite rhumatoïde ;• maladie du tissu élastique ;• infections (syphilis tertiaire, anévrisme mycotique, salmonelle

non typhique).Les étiologies des sténoses ou thromboses des artères sous-

clavières ou axillaires en dehors de la maladie de Takayasu sont :• l’athérome ;• la maladie de Horton ;• le syndrome de la traversée thoracobrachiale.

■ Évolution et pronosticLa survie moyenne est globalement bonne (90 % de survie à

5 ans) [5]. Les éléments de mauvais pronostic sont la rétinopa-thie ischémique qui est rare en France, l’insuffisance aortique,les anévrismes artériels et l’hypertension artériellerénovasculaire.

La grossesse n’est pas un facteur aggravant la maladie. Lesrisques d’hypertension, d’éclampsie et de perte fœtale sont plus

Figure 7. Dilatation anévrismale de l’aorte descendante vue enangioscanner.

Figure 8. Ectasie de l’aorte ascendante vue en angioscanner.

Tableau 2.Critères diagnostiques d’Ishikawa modifiés par Sharma en 1996 [4].

Trois critères majeurs

Sténose ou occlusion de la portion moyenne de l’artère sous-clavièregauche en artériographie

Sténose ou occlusion de la portion moyenne de l’artère sous-clavièredroite en artériographie

Symptômes caractéristiques d’une durée d’au moins 1 mois : claudica-tion, abolition d’un pouls ou asymétrie tensionnelle, fièvre, cervicalgies,amaurose, troubles visuels, syncope, dyspnée, palpitations

Dix critères mineurs

VS > 20 mm/h

Sensibilité des artères carotides à la palpation

PA brachiale > 140/90 mmHg ou PA poplitée > 160/90 mmHg

Insuffisance aortique ou dilatation de l’anneau aortique

Lésion des artères pulmonaires

Sténose ou occlusion de la portion moyenne de la carotide gauche enartériographie

Sténose ou occlusion du tiers distal du tronc brachiocéphalique en arté-riographie

Lésion de l’aorte thoracique descendante en artériographie

Lésion de l’aorte abdominale en artériographie

Lésion coronarienne avant 30 ans en l’absence de dyslipidémie ou dia-bète

VS : vitesse de sédimentation ; PA : pression artérielle.

“ Points forts

C’est le contexte clinique et les explorations d’imagerievasculaire qui permettent aujourd’hui de porter lediagnostic de maladie de Takayasu. L’histologie n’est plusnécessaire au diagnostic.L’échodoppler artériel des troncs supra-aortiques et sous-claviers permet d’évoquer le diagnostic d’artériteinflammatoire par la mise en évidence d’un épais-sissement hypoéchogène de la paroi vasculaire,circonférentiel, en l’absence de lésion d’athérome.La scintigraphie de ventilation-perfusion est anormaleenviron une fois sur deux.L’angioscanner et l’angio-IRM permettent de faire uneévaluation complète de l’aorte thoracique et abdominale,de ses principales branches à destinée céphalique,digestive et rénale.

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importants en cas d’atteinte de l’aorte abdominale et des artèresrénales. Une prise en charge énergique de l’hypertensionartérielle est essentielle, limitant ainsi aussi le risque d’hémor-ragie cérébrale.

■ TraitementIl n’y a pas, à ce jour, de consensus thérapeutique de la

maladie de Takayasu [6]. S’il existe une tuberculose évolutive,elle doit être traitée, s’il existe des antécédents tuberculeux, uneprophylaxie par isoniazide est nécessaire si une corticothérapieest instituée.

Les corticoïdes peuvent être prescrits à la dose initiale de 0,5à 1 mg/kg, à posologie dégressive, pour une durée totale de 12à 18 mois. Cette prescription n’est pas systématique. La corti-cothérapie est d’autant plus utile et efficace que le diagnostic dela maladie est porté tôt, en phase préocclusive ou occlusive, austade d’épaississement des parois vasculaires. Si la VS est élevéeinitialement, elle sert de guide pour la thérapeutique. Lorsqu’ilexiste un épaississement pariétal échographique, il constitue unexcellent élément de surveillance et de pronostic. Nous avonspu observer à plusieurs reprises les parois vasculaires quireprenaient une épaisseur normale après quelques semaines ouquelques mois de traitement corticoïde. Le scanner par tomo-graphie à émission de positons (TEP-scan) peut apporter deséléments d’évolutivité qui peuvent aider à guider le traitement(Fig. 9).

Lorsque la corticothérapie est insuffisante ou qu’il existe unseuil de corticodépendance supérieur à 15 mg/24 h, un traite-ment de 2e ligne s’impose. Le méthotrexate à la dose de 0,3 mg/kg/semaine est aujourd’hui souvent utilisé de premièreintention. L’azathioprine, le mycophénolate mofétil sont desalternatives possibles. Les formes résistantes peuvent fairediscuter les anti-tumor necrosis factor (TNF) en s’assurant del’absence de tuberculose évolutive associée. Les anticorpsmonoclonaux anti-interleukine 6 (IL6) bientôt disponibles dansla polyarthrite rhumatoïde pourraient être une alternativeintéressante à évaluer.

Des gestes de revascularisation sont possibles en cas d’isché-mie sévère (sténose axillaire, coronaire ou rénale), soit par

angioplastie, soit par revascularisation chirurgicale. Les anévris-mes vasculaires doivent être opérés ou couverts en cas de risquede rupture. L’insuffisance aortique sévère est une indicationchirurgicale incontestable.

Un traitement symptomatique d’accompagnement est tou-jours nécessaire. La pression artérielle doit être équilibrée et ilfaut corriger les facteurs de risque cardiovasculaire.

■ ConclusionLa maladie de Takayasu est une maladie rare qu’il faut

évoquer chez un homme ou une femme jeune chez qui l’ondécouvre une sténose axillaire. L’échodoppler artériel est d’unintérêt diagnostique majeur, montrant l’épaississement hypoé-chogène des parois vasculaires. Les corticoïdes sont proposéssurtout en phase préocclusive ou à la période initiale de laphase occlusive. En l’absence de réponse thérapeutique, unesténose résiduelle symptomatique peut bénéficier d’une angio-plastie. Le pronostic de la maladie reste bon, avec une surviesupérieure à 90 % à 5 ans.

Figure 9. Fixation de l’aorte ascendante au TEP-scan, reflet de l’évolu-tivité de la maladie de Takayasu.

“ Points forts

La survie globale à 5 ans est de l’ordre de 90 %.L’hypertension artérielle rénovasculaire, les anévrismes etl’insuffisance aortique sont des critères de sévérité.La corticothérapie est le traitement de référence, lesimmunosuppresseurs sont parfois aussi nécessaires.

“ Points essentiels

Maladie de Takayasu : mises en gardeLes sténoses ou thromboses sous-clavières rendent lamesure de la pression artérielle aux membres supérieursimprécise ou impossible. En cas de thrombose ou desténose bilatérale des artères sous-clavières, la pressionartérielle doit être prise aux membres inférieurs.Il faut penser au diagnostic de maladie de Takayasu dès laphase préocclusive, surtout chez une femme de la 2e ou 3e

décennie qui présente les manifestations suivantes :érythème noueux, altération de l’état général, fièvre,arthromyalgies, manifestations oculaires à type d’uvéite etd’épisclérite.Les sténoses ou thromboses des artères rénales peuventêtre à l’origine d’hypertension artérielle maligne avecdéfaillance cardiaque.Les sténoses multiples des artères pulmonaires peuventaboutir à un tableau d’hypertension artérielle pulmonairegrave.La maladie de Takayasu peut être à l’origine d’infarctuspulmonaire dont l’évolution peut se faire vers l’excavationavec le risque d’hémoptysie et de greffe aspergillaire.Le diagnostic de maladie de Takayasu ne fait actuellementplus appel à l’histologie mais aux explorations vasculairesscanographiques, IRM et échocardiographiques.Le traitement corticoïde souvent prolongé doit êtreassocié aux mesures adjuvantes : régime pauvre en sel eten sucres rapides, mesures de prévention de l’ostéoporoseet correction des facteurs de risque cardiovasculaires.

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Pour en savoir plusPlus d’images (bibliothèque d’images du Club Rhumatismes et Inflamma-

tion) : http://www.cri-net.com/base_image/default.asp.Plus d’informations sur la maladie de Takayasu : http://www.

medicinenet.com/takayasu_disease/article.htm.http://vasculitis.med.jhu.edu/typesof/takayasu.html.

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Maladie de Behçet

D. Saadoun, B. Wechsler

La maladie de Behçet est une vascularite décrite en 1937 par Behçet, dermatologue turc. Elle comportaitinitialement une triade associant aphtose buccale, aphtose génitale et uvéite. Depuis, lasymptomatologie s’est enrichie de multiples localisations viscérales : neurologiques, vasculaires,digestives et exceptionnellement rénales. De diagnostic essentiellement clinique, ses critères de diagnosticou de classification permettent un diagnostic avec une sensibilité de 91 % et une spécificité de 96 %. Lesrisques de la maladie de Behçet sont liés à une mortalité accrue en cas d’atteinte artérielle, et à unemorbidité importante liée aux séquelles potentielles des atteintes oculaires et/ou neurologiques. Letraitement repose sur la colchicine, et comme dans les autres vascularites sur la corticothérapie et lesimmunosuppresseurs dans les formes sévères.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Vascularite ; Aphtose buccale ; Aphtose génitale ; Uvéite

Plan

¶ Introduction 1

¶ Pathogénie 1

¶Manifestations cliniques 2Manifestations cutanéomuqueuses 2Atteinte articulaire 2Atteinte musculaire 2Manifestations oculaires 2Manifestations neurologiques 3Atteinte vasculaire 3Manifestations gastro-intestinales 3Atteinte pulmonaire 4Atteinte rénale 4Atteinte testiculaire ou épididymaire 4

¶ Diagnostics différentiels 4

¶ Traitement 4

¶ Conclusion 5

■ IntroductionLa maladie de Behçet (MB) est une vascularite décrite en

1937 par Behçet, dermatologue turc. Elle comportait initiale-ment une triade associant aphtose buccale, aphtose génitale etuvéite. De diagnostic essentiellement clinique, ses critères declassification permettent un diagnostic avec une sensibilité de91 % et une spécificité de 96 % [1].

Observée avec prédilection dans les pays du bassin méditer-ranéen et au Japon, elle est en fait ubiquitaire et les cas françaisautochtones sont fréquents, en faisant une des vascularites lesplus rencontrées, bien que sous-estimée [2].

La MB survient généralement entre 18 et 40 ans. Les cas àdébut infantile sont de plus en plus fréquemment rapportés [3].Après l’âge de 50 ans, la survenue d’une première poussée estexceptionnelle et le diagnostic de MB doit être retenu avec la

plus grande réserve. Le sex-ratio est à prédominance masculinepour les formes symptomatiques (7/10) mais s’annule dans desétudes épidémiologiques regroupant les formes peu symptoma-tiques [2]. La grossesse semble sans influence réelle sur la MB ;de même, la MB n’a pas d’influence sur la grossesse. Il atoutefois été décrit quelques cas d’éruptions le plus souventtransitoires chez le nouveau-né [4]. Le pronostic à long terme estsévère, essentiellement au plan fonctionnel, mais meilleur chezla femme : à 20 ans, 25,6 % des hommes sont dépendantsversus 8,2 % des femmes [5].

■ PathogéniePlusieurs agents infectieux ont été impliqués dans la patho-

génie de la MB, essentiellement les streptocoques et les virusherpès compte tenu des ulcérations muqueuses constatées chezces patients [6, 7]. De plus, l’existence de formes familiales [8] etla forte association avec les antigènes HLA B5 de classe I, etparticulièrement B51 [9], suggèrent l’importance du terraingénétique chez ces patients. Chez les individus HLA B51, le

“ Points forts

Maladie de Behçet : critères internationaux 1990• Sensibilité : 91 % ; spécificité : 96 %.• Ulcérations orales récurrentes récidivant plus de troisfois en 12 mois et deux des manifestations suivantes :C ulcérations génitales récurrentes ;C lésions oculaires ;C lésions cutanées ;C test pathergique positif.

• Critères applicables uniquement en l’absence d’autresexplications cliniques.

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risque de développer une MB est de 1,5 à 16 fois supérieur àcelui des individus non porteurs de l’allèle. Plus récemment, desétudes génétiques turcs et japonaises ont montré des loci desusceptibilité au niveau de l’interleukine (IL) 23R-IL12RB2 et del’IL10 [10, 11]. De nombreux effecteurs immunitaires ont étéimpliqués, en particulier les lymphocytes T Th1 et cd, lespolynucléaires neutrophiles, et les cellules natural killer [12, 13].L’inflammation histologique est constituée d’un infiltratpérivasculaire de lymphocytes T CD45RO+ et de polynucléairesneutrophiles [14].

■ Manifestations cliniquesLa MB évolue par poussées, sans parallélisme strict entre les

lésions cutanéomuqueuses et viscérales. Les manifestationsinflammatoires sont rares ; une fièvre est rarement présente etdoit alors faire rechercher une atteinte vasculaire, notammentartérielle, sous-jacente.

Manifestations cutanéomuqueusesElles sont fondamentales à objectiver (Fig. 1).Les aphtes buccaux existent dans 98 % des cas et sont exigés

dans les critères internationaux ; il s’agit d’ulcérations doulou-reuses, isolées ou multiples, parfois précédées d’une vésiculeéphémère ; de quelques millimètres à 1 cm de diamètre, à bordsnets, l’ulcération est tapissée d’un enduit « beurre frais », sonpourtour est inflammatoire et douloureux. Ils siègent sur la faceinterne des lèvres, des joues, le sillon gingivolabial, le pourtourde la langue, le frein, le plancher buccal, le palais, les amygdaleset le pharynx. L’évolution se fait vers la guérison sans cicatriceet sans adénopathie. On ne peut les différencier de l’aphtosebuccale banale, mais leur nombre, leur répétition, l’invaliditéqu’ils entraînent, doivent inquiéter.

Les aphtes génitaux existent dans 60 % à 65 % des cas et sonttrès évocateurs de la MB. Ils siègent chez l’homme sur lescrotum, plus rarement sur la verge ou dans l’urètre ; chez lafemme, sur la vulve, le vagin et le col. Ils peuvent être soitdisséminés et douloureux, soit totalement latents. Les aphtesgénitaux laissent des cicatrices dépigmentées permettant undiagnostic rétrospectif.

Les aphtes peuvent également siéger sur l’œsophage, l’esto-mac, l’intestin, entraînant exceptionnellement des perforations,et la marge anale.

Les autres manifestations cutanées comportent érythèmenoueux, papules, vésicules, pustules, purpura, mais les lésionsles plus caractéristiques sont la pseudofolliculite, pustule noncentrée par un follicule pileux, et l’hyperréactivité cutanéeaspécifique aux agressions de l’épithélium, qu’ils s’agissentd’injection, de site de perfusion, d’éraflure superficielle oud’intradermoréaction à des antigènes variés.

L’hypersensibilité est à l’origine du pathergy test, critèrecardinal, qui est considéré comme positif lorsqu’une papule ouune pustule est obtenue 24 à 48 heures après la piqûre de laface antérieure de l’avant-bras par une aiguille de 21G(8/10 mm).

Atteinte articulaireElle est précoce, parfois inaugurale, pouvant précéder de

plusieurs années les autres manifestations. Il s’agit d’arthralgieset/ou d’oligoarthrites inflammatoires généralement fixes,siégeant sur les articulations porteuses (genoux, chevilles).L’évolution est récidivante et asymétrique. Les formes polyarti-culaires sont rares (2 %). Les radiographies sont normales, toutau plus existent des érosions ostéocartilagineuses ou de minimespincements. Les destructions articulaires sont exceptionnelles.La ponction articulaire met en évidence un liquide visqueux,inflammatoire, riche en cellules notamment en polynucléaires.

Atteinte musculaireElle est rare mais indiscutable et peut s’associer aux manifes-

tations articulaires. Elle s’exprime essentiellement par desmyalgies diffuses ou prédominant dans les muscles proximaux ;une myosite vraie est possible. Les créatines phosphokinasessont exceptionnellement élevées, et doivent alors faire discuterles myopathies et les exceptionnelles rhabdomyolyses secondai-res au traitement par la colchicine essentiellement rapportées encas d’insuffisance rénale associée.

Manifestations oculairesElles viennent au troisième rang par leur fréquence et

conditionnent le pronostic fonctionnel, d’autant que la bilaté-ralisation des lésions peut être rapide (2 ans en moyenne) [15].Elles se caractérisent par des poussées récidivantes d’inflamma-tion endo-oculaire associée à une destruction progressive dutissu rétinien.

A B

C D

Figure 1.A. Aphtes buccaux.B, C. Aphtes génitaux.D. Pseudofolliculite.

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Les chambres antérieure et/ou postérieure de l’œil peuventêtre touchées.

L’uvéite antérieure à hypopion fut la première décrite. Parfoisquiescente, elle peut n’être visible qu’à l’examen à la lampe àfente. C’est une uvéite non granulomateuse. Elle exposeparticulièrement aux synéchies cristalliniennes et à l’hypertonieoculaire par troubles de l’écoulement de l’humeur aqueuse.Cette atteinte est inconstante et régresse rapidement soustraitement, voire spontanément.

En cas d’atteinte oculaire, l’uvéite postérieure est pratique-ment constante. Il s’agit de vascularites occlusives et nécrosan-tes associées à un Tyndall vitréen.

Le pronostic de ces atteintes oculaires est sévère. Les lésionsrégressent incomplètement sous traitement et évoluent parpoussées. Elles conduisent à des complications majeures :cataracte, hypertonie oculaire et cécité par atteinte du segmentpostérieur. Sous couvert d’une observance thérapeutiqueparfaite, la prise en charge par des équipes spécialisées sachantutiliser corticothérapie et immunosuppresseur, et organiser unsuivi régulier, a diminué l’incidence de la cécité (16 % de perteoculaire à 6 ans dont 2 % de novo chez nos patients d’origineautochtone, suivis régulièrement) [16].

Manifestations neurologiquesElles sont observées dans 20 % des cas en moyenne (4 % à

42 % selon les séries) [17]. Elles sont extrêmement variées et fonttoute la gravité de la maladie du fait des séquelles fonctionnel-les qu’elles entraînent. Le délai diagnostique reste encoreimportant, 14 mois en moyenne, justifiant d’évoquer plussystématiquement le diagnostic devant une atteinte neurologi-que inflammatoire et/ou récidivante.

Les manifestations cliniques, parfois précédées par fièvre etcéphalées, sont dominées par les méningoencéphalites, lesparalysies des nerfs crâniens et les signes pyramidaux.

En cas d’atteinte neurologique, la ponction lombaire met enévidence une méningite lymphocytaire dans la majorité des cas.

L’imagerie en résonance magnétique, bien que non spécifi-que, montre des hypersignaux diffus très évocateurs notammentlorsqu’ils siègent sur le tronc cérébral (Fig. 2).

Le pronostic, encore sévère, est amélioré par les traitementscorticoïdes (bolus de méthylprednisolone) et immunosuppres-seurs, et vraisemblablement par leur rapidité d’administration.Des récupérations cliniques ad integrum sont possibles dans les

cas vus précocement. Dans certaines séries, à 4 ans, près de20 % des patients sont handicapés et la mortalité significativeen grande partie liée aux complications de décubitus.

Atteinte vasculaireElle est très évocatrice de la MB.Les thromboses veineuses surviennent dans près de 30 % des

cas.Les thromboses veineuses superficielles sont fugaces et

migratoires, et retrouvées à l’interrogatoire ; les érythèmesnoueux, qui ont tendance à être étagés sur le trajet veineux,peuvent être considérés comme des formes dégradées dethromboses.

Les thromboses veineuses profondes peuvent toucher tous lestroncs veineux. L’originalité tient au calibre des troncs touchés :iliofémorale, territoire cave supérieur et/ou cave inférieur(syndrome de Hughes-Stovin en association avec des anévrismespulmonaires) et à certaines localisations : thrombose des veinessus-hépatiques (syndrome de Budd-Chiari) ; thromboses veineu-ses cérébrales dont la sémiologie est stéréotypée (céphalées,œdème papillaire bilatéral et élévation de la pression du liquidecéphalorachidien) [18]. Leur visualisation est plus facile depuisles séquences angiographiques de l’imagerie en résonancemagnétique. Elles impliquent une anticoagulation prolongée.Leur pronostic sous traitement est bon. La cécité est dans notreexpérience exceptionnelle et survient lorsque le diagnostic dephlébite n’est pas porté, lorsque le patient n’est pas compliantou quand l’œdème papillaire n’est pas efficacement contrôlé.

Les thromboses veineuses, souvent récidivantes, sont parfoisrévélatrices ou tout au moins sont l’occasion de porter lediagnostic de MB.

Les atteintes artérielles (Fig. 3) sont actuellement mieuxreconnues et observées dans 3 % à 5 % des cas selon les séries.Cette fréquence est vraisemblablement sous-estimée si l’on tientcompte de données autopsiques où l’atteinte artérielle estobservée chez un malade sur trois [19]. Il peut s’agir de throm-boses ou d’anévrismes, véritables « aphtes artériels », souventmultiples, siégeant sur les vaisseaux pulmonaires, l’aorte, lesartères périphériques et alors plus souvent aux membresinférieurs qu’aux membres supérieurs.

Les atteintes artérielles pulmonaires (Fig. 3A) sont les plusgraves, marquées par des hémoptysies. Le pronostic, extrême-ment sévère avec une mortalité estimée à 60 % à 5 ans, s’estamélioré avec une survie de 80 % à 5 ans depuis une meilleurereconnaissance de cette complication et l’introduction destraitements médicaux, puis de la mise systématique sousimmunosuppresseurs [20].

Le pronostic des atteintes artérielles reste sévère [21] : dansnotre expérience, l’atteinte artérielle est la principale cause dedécès.

Les atteintes cardiaques touchent les trois tuniques [22] :myocardite, dont on peut rapprocher les troubles du rythme ;endocardite avec valvulopathie aortique ou mitrale, endocardi-tes fibroblastiques parfois compliquées de thrombus intracavi-taires ; les péricardites, qui peuvent être inaugurales, volontiersrécidivantes. Elles ont été également décrites associées à unecoronaropathie. L’atteinte coronaire est en effet possible avecanévrismes et thromboses compliqués d’infarctus myocardique,d’hémopéricarde et/ou de mort subite.

Des anomalies de la microcirculation ont pu être décrites encapillaroscopie (pétéchies, dystrophies capillaires, etc.). Ellesn’ont aucune spécificité.

Manifestations gastro-intestinalesElles ressemblent aux lésions de la rectocolite hémorragique

et de la maladie de Crohn, posant des problèmes nosologiquesdifficiles. Ainsi, la fréquence est diversement appréciée, allant de30 % dans les séries japonaises à moins de 5 % dans les sériesturques [23], rejoignant là notre expérience.

La symptomatologie fonctionnelle est aspécifique. Il n’a pasété décrit d’aspect endoscopique ni histologique spécifique ;toutefois, l’étendue en profondeur des lésions, souvent peunombreuses (moins de cinq), de forme ovale et de localisation

Figure 2. Imagerie par résonance magnétique cérébrale : hypersignauxdu tronc cérébral.

.

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iléocæcale est en faveur de la MB [24]. À la différence de lamaladie de Crohn, on ne note jamais de granulome sur lesbiopsies. Quelques cas de pancréatite ont été rapportés.

Atteinte pulmonaireElle consiste essentiellement en des infiltrats, avec ou sans

pleurésie, accompagnés d’hémoptysies (Fig. 3A). Il faut cepen-dant éliminer une pathologie embolique, vasculaire pulmonaireou une surinfection à germes opportunistes favorisée par lestraitements avant d’en accepter l’autonomie. Dans quelques cas,une vascularite a été mise en évidence.

Atteinte rénaleElle est exceptionnelle et dominée par la néphropathie

amyloïde, survenant en règle chez des malades non contrôlés etaprès de nombreuses années d’évolution.

Atteinte testiculaire ou épididymaireElle est rapportée par divers auteurs et a même fait partie de

certains sets de critères diagnostiques. Elle serait un facteur demauvais pronostic.

Devant une suspicion clinique du diagnostic, il n’existeaucun critère biologique d’appoint. Le groupage dans le systèmeHLA n’a qu’un intérêt académique. Les anomalies biologiquesretrouvées sont aspécifiques et/ou anecdotiques : hyperleucocy-tose à polynucléaires neutrophiles ; syndrome inflammatoire,notamment dans les atteintes vasculaires.

La biopsie cutanée d’une intradermoréaction au sérumphysiologique permet d’observer une vascularite avec dépôts decomplément ; il ne s’agit toutefois pas d’un test diagnostique.

■ Diagnostics différentielsLe caractère uniquement clinique du diagnostic implique

l’élimination des autres diagnostics en fonction de la présenta-tion clinique.

Notamment, une aphtose buccale peut se rencontrer de façonbanale dans la population ; en revanche, l’aphtose bipolaire est

plus évocatrice. Des lésions muqueuses peuvent se rencontrerdans les carences vitaminiques, les hémopathies, le lupus, lesmaladies bulleuses, le sida, la prise de nicorandil et la maladiede Crohn.

Une uvéite récidivante doit faire écarter la sarcoïdose, lamaladie de Crohn, la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada, lesuvéites infectieuses, tout en sachant qu’il existe des uvéitesidiopathiques.

L’atteinte veineuse doit faire écarter un syndrome desantiphospholipides et les diverses thrombophilies. Celles-cipeuvent parfois être associées en fonction de leur fréquencepropre dans la population générale.

Enfin, les formes neurologiques posent le problème dudiagnostic de sclérose en plaques dont le diagnostic, là encoreclinique, repose sur les données d’imagerie par résonancemagnétique et le caractère quasiment neurologique pur de lasclérose en plaques.

L’atteinte artérielle doit faire écarter les artérites infectieuseset la maladie de Takayasu.

La polychondrite pose quant à elle des problèmes particuliersdu fait de forme empruntant la sémiologie des deux infections(mouth and genital inflammatory cartilage syndrom).

■ TraitementIl repose comme dans les autres vascularites sur la corticothé-

rapie. Les risques de la MB sont liés à une mortalité accrue encas d’atteinte artérielle, et une morbidité importante liée auxséquelles potentielles des atteintes oculaires et/ouneurologiques [21].

De nombreux outils thérapeutiques sont disponibles [25-28].L’atteinte oculaire, lorsqu’elle touche le segment postérieur,

justifie la mise sous azathioprine (2,5 mg/kg/j) et sous corticoï-des [15, 16]. En cas d’échec, d’autres immunosuppresseurspeuvent être utilisés : le cyclophosphamide (en bolus intravei-neux mensuels : 750 mg à 1 g). L’interféron (alpha 2a ou 2b) afait l’objet de nombreuses publications signalant son intérêt,notamment dans des uvéites réfractaires [29, 30]. Les doses sontde 3 à 6 millions trois fois par semaine. Le taux de rechute àl’arrêt reste élevé (supérieur à 40 %) et justifie des traitements

A B

C D

Figure 3. Anévrismes.A. Pulmonaire.B, C. Aortiques.D. Fémoropoplités.

Page 64: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

prolongés. Plus récemment, l’efficacité des anti-tumor necrosisfactor a été rapportée, essentiellement l’infliximab aux doses de5 mg/kg par perfusion [31]. Il s’agit comme l’interféron alphad’un traitement très efficace dans les formes sévères.

L’atteinte vasculaire relève également des corticoïdes et desimmunosuppresseurs qui sont indispensables en cas d’atteinteartérielle ou des gros troncs veineux.

Le traitement anticoagulant dans les atteintes vasculaires restediscuté [32]. L’anticoagulation nous semble indispensable devantune phlébite récente, une atteinte des gros troncs veineux(Budd-Chiari), une thrombophlébite cérébrale et dans certainesatteintes artérielles.

L’atteinte articulaire relève prioritairement de la colchicine.L’atteinte neurologique justifie comme l’atteinte oculaire de

traitements immunosuppresseurs. Quelques publicationsfont état de l’efficacité des anti-TNF dans les formesneurologiques [33].

L’atteinte cutanée ne pose de problèmes que lorsqu’elle estisolée, car sinon elle est contrôlée par le traitement systémique.Elle répond en règle à la colchicine et aux traitements locaux.

Lorsqu’une corticothérapie est initiée, elle doit être poursuivieaux doses d’attaque au moins 4 semaines et diminuée selon lesmodalités habituelles de 10 % environ tous les 8 jours. Si lacorticorésistance est exceptionnelle, la corticodépendance estfréquente.

Par analogie à son action dans l’aphtose banale, la colchicineest très employée. Une publication récente en a démontrél’efficacité, chez la femme et sur les éléments dermatologi-ques [34]. Dans notre expérience, la prescription continue decolchicine aux doses de 1 à 2 mg/24 heures est active dans lesformes articulaires et dans les formes cutanéomuqueuses endiminuant le nombre, l’importance et la répétition des lésions.

■ ConclusionLa MB mérite d’être évoquée de principe au même titre que

les divers autres processus systémiques devant une uvéite, uneuvéoméningite et/ou une méningoencéphalite, d’autant que leprocessus est sévère et/ou récidivant, et que le patient estoriginaire d’une zone de forte endémicité. Évoquer le diagnosticdoit faire rechercher la présence des critères de classification,notamment des signes cutanéomuqueux ; les cicatrices scrotaleset/ou des anomalies ophtalmologiques asymptomatiquesréalisant un argument fort de diagnostic rétrospectif.

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“ Points essentiels

• La MB survient généralement entre 18 et 40 ans.• Les aphtes buccaux de la MB ne peuvent êtredifférenciés de l’aphtose buccale banale.• Les risques de la MB sont liés à une mortalité accrue encas d’atteinte artérielle, et une morbidité importante liéeaux séquelles potentielles des atteintes oculaires et/ouneurologiques.• Le traitement repose sur la colchicine, et comme dansles autres vascularites sur la corticothérapie et lesimmunosuppresseurs dans les formes sévères.

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Maladie de Horton. Pseudopolyarthriterhizomélique

J. Desblache

La maladie de Horton (MH), autrement appelée artérite à cellules géantes, artérite temporale ouencore artérite du sujet âgé, est une vascularite touchant les artères de gros et moyen calibre avecune prédilection pour les branches crâniennes issues de l’arc aortique et notamment de la carotideexterne ainsi que de l’artère ophtalmique. Sa traduction clinique est le reflet de l’inflammation de laparoi artérielle et de son oblitération progressive. La présentation sous forme de céphalées temporalesest la plus habituelle. La complication principale est une cécité irréversible par ischémie de la tête dunerf optique. De facon quasi-constante les symptômes sont accompagnés d’un syndrome inflammatoireavec une accélération de la vitesse de sédimentation notamment. La biopsie d’artères temporales estun élément-clé, incontournable du diagnostic, et doit être réalisée précocement sans retarder la mise enroute des corticoïdes. Sa caractérisation histologique est une infiltration artérielle composée de cellulesinflammatoires et notamment de cellules géantes plurinucléées. Son incidence évaluée de 6 cas à 22 caspour 100 000 habitants par an en fait la vascularite la plus fréquente. Elle concerne en règle généralela personne âgée (et plus particulièrement la femme dans 70 % des cas) et demeure exceptionnelleavant 50 ans. La pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) est, littéralement, un rhumatisme inflammatoireprédominant aux ceintures scapulaires et pelviennes associé à la maladie de Horton (MH) dans 40 % descas, la nature exacte de cette association demeure largement inconnue. D’un point de vue thérapeutiquela corticosensibilité est la règle et aucune autre molécule à ce jour n’a fait la preuve de sa supériorité parrapport aux corticoïdes. La corticothérapie est une urgence afin de prévenir la complication principale quiest l’apparition d’une cécité irréversible par ischémie de la tête du nerf optique.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Maladie de Horton ; Artérite à cellules géantes ; Pseudopolyarthrite rhizomélique ; Céphalées ;Syndrome inflammatoire ; Biopsie d’artère temporale ; Corticothérapie

Plan

■ Introduction 2■ Historique 2■ Épidémiologie 2■ Étiologies 2

Âge et athérosclérose 2Sexe 2Génétique et HLA-DR4 2Facteurs environnementaux et infections virales 2

■ Étiopathogénie 2■ Aspects cliniques de la maladie de Horton 3

Signes généraux 3Signes crâniens 3Complication oculaire 3Localisations artéritiques extracrâniennes 4Manifestations cliniques rares : l’atteinte cardiothoracique 4

■ Aspects cliniques de la pseudopolyarthrite rhizomélique 4Signes rhumatismaux 4Signes généraux 4

■ Biologie du Horton 4Syndrome inflammatoire 4Perturbations du bilan hépatique 4Immunologie 5

■ Examens complémentaires 5Biopsie d’artère temporale : BAT 5Échodoppler 5Examens d’imagerie 5

■ Traitement 5Corticothérapie 5Mesures adjuvantes 6Antiagrégants et anticoagulants 6Immunosuppresseurs et immunomodulateurs 6

■ Évolution et pronostic 6

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� IntroductionLa maladie de Horton (MH) est la vascularite la plus fré-

quente [1, 2]. Également appelée artérite à cellules géantes ouartérite temporale, elle touche les personnes âgées de plus de50 ans dans un tableau classique de céphalées sur fond de syn-drome inflammatoire. Cependant des présentations plus frustressont possibles.

La pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) est une entité dis-tincte, fréquemment associée à la MH mais pouvant égalementdemeurer isolée.

Elle se présente sous la forme d’un rhumatisme inflammatoiretouchant avec prédilection les ceintures pelviennes et scapulaires.

� HistoriqueLa première description d’artérite temporale est le fait de Jona-

than Hutchinson qui publie le cas en 1890 d’un malade âgé de80 ans se présentant à lui dans un tableau de céphalées tempo-rales gênant le port du chapeau. La description est faite d’uneartère temporale érythémateuse et hyperpulsatile dont l’évolutionnaturelle va vers un aspect de corde indurée avec abolition dupouls [3].

En 1932, Horton, Magath et Brown décrivent deux autres casd’une nouvelle maladie semblant se limiter aux artères temporaleset baptisée « artérite temporale » pour la première fois. En France,en 1934, Paviot décrit un cas isolé affectant les artères temporalesmais également les carotides. En 1935, Barnard décrit le cas autop-sique d’une patiente ayant présenté des signes d’artérite temporaleavant de devenir aveugle. Le compte rendu confirme la présencede cellules géantes infiltrant les carotides mais également les coro-naires ; ce cas est à l’origine de l’appellation « artérite à cellulesgéantes » adoptée par Gilmour puis Robertson en 1941.

Le terme d’artérite crânienne est prononcé en 1946 par Kil-bourne et Wolff après constatation sur leur série du nombred’atteinte cérébrale et ophtalmologique.

Les premiers tableaux de PPR sont décrits par Bruce en 1888faisant état de cinq cas de « goutte rhumatismale sévère » chezdes sujets âgés souffrant de douleurs musculaires et articulairesgénéralisées.

Cette affection sera décrite sous la forme d’un syndrome àl’origine de diverses appellations des années 1940 aux années1950 : secondary fibrositis, periarthrosis humeroscapularis, peri-extraarticular rheumatism, myalgic syndrom of the aged, anarthritic rheu-matoid disease, etc. avant de prendre le nom de pseudopolyarthriterhizomélique chez Forestier et polymyalgia rheumatica chez Bar-ber en 1957.

Le lien entre PPR et MH n’a pas été reconnu immédiatement.Plusieurs cas faisant part de cette association sont rapportés desannées 1940 à la fin des années 1950.

En 1964, Hamrin confirme la présence histologique d’artériteà cellules géantes sur les biopsies d’artère temporale de patientssouffrant de PPR sans signe crânien [4].

� ÉpidémiologieL’incidence de la MH a été évaluée entre 6 et 22 nouveaux cas

pour 100 000 habitants par an selon des études menées en Loire-Atlantique ou au Danemark [1, 2], soit 3 000 à 5 000 cas nouveauxpar an en France.

L’incidence semble plus basse dans le Sud de l’Europe, en Israëlou en Arabie Saoudite. Aux États-Unis la maladie est inhabi-tuelle dans les états du Sud ou chez les Noirs. À titre d’exemples,l’incidence annuelle est de 29 pour 100 000 habitants en Nor-vège [5], de 18,8 pour 100 000 dans le Minnesota [6] et de 10,1 pour100 000 en Espagne [7].

Ces chiffres semblent en augmentation, mais il faut tenircompte du vieillissement de la population, et d’une meilleureconnaissance de l’affection par les cliniciens.

Il existe une prédominance féminine avec 2 à 3 femmesatteintes pour un homme peut-être en rapport aux données démo-graphiques de cette tranche d’âge.

Quelques études suggèrent l’existence de pics d’incidence sai-sonniers, parfois superposables aux pics observés dans certainesmaladies infectieuses respiratoires.

La PPR partage la même distribution que la MH en termes desexe et d’âge. Son incidence annuelle est estimée à 52,5 pour100 000 habitants dans le Minnesota [8] et autour de 13,5 pour100 000 à Lugo, en Espagne [9].

La MH et la PPR sont deux maladies distinctes mais touchentla même population et sont fréquemment associées. Ainsi 40 %à 60 % des patients atteints de MH présentent des symptômes dePPR et entre 9 % et 20 % des patients atteints de PPR ont égalementune MH [10].

� ÉtiologiesL’étiopathogénie de la MH demeure largement méconnue.

Âge et athéroscléroseLa MH autrement baptisée artérite du sujet âgé est excep-

tionnelle avant 50 ans. L’âge moyen au diagnostic est de75 ans [6]. Cette relation épidémiologique pourrait traduire unlien avec un des nombreux mécanismes du vieillissementtissulaire.

Jusqu’ici le tabagisme (risque relatif [RR] × 13 chez la femmeau-delà de 10 paquet-année [PA]) et la présence d’une maladieartérielle périphérique (RR × 5) ont été rapportés comme pouvantfavoriser la survenue de la MH [11].

SexeIl existe une prépondérance féminine nette de 2 à 3 femmes

atteintes pour un homme.L’impact des grossesses antérieures paraît être un facteur pro-

tecteur [12].

Génétique et HLA-DR4Un terrain génétique prédisposant est suspecté devant

l’association entre HLA-DR4 et MH [13] mais également du fait decertains cas d’agrégation familiale.

Facteurs environnementaux et infectionsvirales

Un facteur déclenchant infectieux a été recherché depuis la des-cription de variations d’incidences annuelles et cycliques dans leMinnesota [8] et du caractère saisonnier de celles-ci en France [1],en Écosse et en Israël. La survenue simultanée de pics d’infectionsrespiratoires et de pics d’incidence de MH a été observée au Dane-mark [14].

Si les données épidémiologiques sont séduisantes concernantl’hypothèse infectieuse, en revanche celles-ci ne sont pas confor-tées par les analyses microbiologiques.

� ÉtiopathogénieL’artérite à cellules géantes fait intervenir initialement les

lymphocytes T, ces derniers étant activés après présentation anti-génique par les cellules dendritiques.

La nature de cet antigène à l’origine de la cascade inflammatoireest inconnue.

L’activation des lymphocytes T conduit à la productiond’interferon � permettant la prolifération et la différentiation desmacrophages en cellules géantes multinucléées.

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Page 68: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Les macrophages activés au sein de la paroi artérielle sécrètentalors des cytokines inflammatoires (IL-1 ; IL-6) ainsi que des métal-loprotéases participant au stress oxydatif à l’origine de lésionsendothéliales.

Les macrophages sont également à l’origine de la sécrétion defacteurs de croissance dont le platelet derived growth factor (PDGF)et fibroblast growth factor (FGF) aboutissant à la prolifération et àla migration de myofibroblastes et à l’épaississement de la mediaainsi que le vascular endothelial growth factor (VEGF) contribuant àla néo angiogenèse et à l’épaississement de l’intima à l’origine del’oblitération luminale.

Le rôle de l’IFN � à l’origine de l’obstruction luminalea été mis en exergue dans les études de Cornelia Weyandau vu de l’expression plus importante de son ARNm ausein des biopsies d’artères temporales positives prélevées chezdes patients ayant présenté une complication visuelle isché-mique [15].

Bien qu’il n’ait jamais été retrouvé d’agent infectieux dans laparoi artérielle, le processus immunopathologique local décritdans ses travaux n’est pas incompatible avec « l’hypothèse infec-tieuse ». Cependant cette cascade immunitaire pourrait égalementdécouler de la présentation d’autres antigènes environnemen-taux, toxiques, médicamenteux ou auto-antigènes...

� Aspects cliniques de la maladiede Horton

La maladie, dans sa forme classique, associe céphalées, mani-festations rhumatismales et altération plus ou moins fébrile del’état général. Mais des formes insidieuses sont possibles, domi-nées par des signes généraux aspécifiques ou des localisationsplus subtiles (toux chronique, manifestations visuelles intermit-tentes, etc.). Parfois la maladie se révèle brutalement par sacomplication principale, à savoir une cécité, le plus souventdéfinitive, avec a posteriori le constat de signes précurseursnégligés.

Signes générauxUne altération de l’état général possiblement fébrile est notée

dans 50 % des cas et responsable d’un amaigrissement variablemais parfois conséquent dans certaines formes pseudonéopla-siques. Il est important de noter que dans 10 % à 15 % des casces signes généraux sont isolés [16].

Signes crâniensCéphalées

Les céphalées sont révélatrices de la maladie dans 60 % à 80 %des cas [17].

Il s’agit de céphalées récentes, inhabituelles, pulsatiles oudécrites comme lancinantes avec des paroxysmes douloureux surun fond parfois continu.

Leur localisation est typiquement temporale, uni- ou bilatérale.

Hyperesthésie du cuir cheveluPrésentée initialement par le signe du chapeau chez Hutchinson

en 1890 [3], puis par le signe du peigne ou encore de l’oreiller (causerare d’insomnies), elle est responsable d’une douleur au moindreeffleurement, en regard de l’artère temporale pathologique.

Artères temporales (Fig. 1)

Leur palpation retrouve, lorsqu’elles sont pathologiques audoigt, un cordon induré, tortueux, parfois nodulaire. Au diag-nostic 69 % des patients présentent des artères temporalesdouloureuses et près de 40 % ont une abolition du pouls [18].

Dans des stades ischémiques tardifs une nécrose du scalp peutsurvenir.

Figure 1. Artère temporale pathologique au cours d’une maladie deHorton.

Autres signes fonctionnels crâniensIls sont symptomatiques de la localisation anatomique de

l’artérite crânienne et de sa prédilection pour les branches dérivéesdes carotides.• Claudication de la mâchoire. Dans 30 % des cas une crampe

est notée, survenant en fin de repas, au décours d’efforts demastication, et s’amendant à l’arrêt de ceux-ci. Il s’agit d’unvéritable « angor massetérien » secondaire à la sténose inflam-matoire d’une artère faciale ou d’une de ses branches (artèremaxillaire interne). Une forme sévère en est le trismus cortico-sensible.

• Claudication de la langue. En rapport à une sténose de l’artèrelinguale, elle est symptomatique sous la forme de glossalgies,survenant habituellement en cours de repas, au décours demouvements physiologiques de la langue. Des cas de nécroselinguale sont décrits.

• Artérite occipitale et céphalées occipitales.• Artérite auditive interne et surdité de perception acquise.• Autres artérites orales à l’origine d’ischémie palatine, du plan-

cher buccal, du versant muqueux des lèvres, des joues, etc.• Septum nasal.

Complication oculaireElle est inaugurale ou vient plus tard dans l’évolution natu-

relle de l’artérite crânienne dans près de 15 % des cas [19]. Sacaractéristique est d’être brutale et, le plus souvent, irréversibled’où la nécessité d’en connaître les signes précurseurs, et de leuraccorder de l’importance au cours d’un interrogatoire soigneux etpolicier.

Signes précurseursIls sont fugaces, parfois négligés même par le patient. Ils repré-

sentent pourtant de véritables signes d’alerte imposant alors lamise en œuvre d’un traitement efficace.

Les signes le plus souvent retrouvés sont une amaurose décritecomme un voile devant les yeux en rapport à une claudicationvasculaire du nerf optique, une limitation douloureuse des mou-vements oculaires voire une paralysie oculomotrice ou un ptosispar atteinte ischémique des muscles orbitaires, parfois des hallu-cinations.

Complications ischémiques ophtalmologiquesNévrite optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA)

Il s’agit de la complication ischémique oculaire la plus fréquente(60 %) en rapport à une occlusion des artères ciliaires courtes pos-térieures.

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Cliniquement on retrouve une baisse d’acuité visuelle brutale àœil blanc et indolore. L’examen ophtalmologique objective unemydriase aréflexique avec au champ visuel un scotome altitudinalinférieur. Le fond d’œil met en évidence un œdème papillaire avechémorragies péripapillaires en flammèches.

Occlusion de l’artère centrale de la rétine ou d’une brancheDans près de 20 % des cas, on observe une cécité unilatérale

avec une mydriase aréflexique et au fond d’œil une macula rougecerise accompagnée d’un œdème rétinien ischémique.

Névrite optique rétrobulbaire (NORB)Observée dans 10 % des cas, il s’agit d’une névrite ischémique

par atteinte de la portion postérieure du nerf optique. Le fondd’œil est le plus souvent normal.

Un scotome central ou cæcocentral peut être observé au champvisuel ainsi qu’une dyschromatopsie d’axe rouge/vert.

Autres complications ophtalmologiquesParalysies oculomotrices par lésion ischémique de la muscula-

ture extrinsèque oculaire.Ischémie aiguë du segment antérieur de l’œil par atteinte des

artères ciliaires postérieures longues avec un tableau d’œil rougeet douloureux associé à un œdème voire une ulcération de cornée.

Cécité corticale par atteinte vertébrobasilaire ou occipitale.

Localisations artéritiques extracrâniennesAorte et troncs supra-aortiques

La MH est une cause classique d’aortite, en effet 10 % à 15 %des patients présentent une aortite, caractérisée par un épaissis-sement inflammatoire, concentrique, des parois de l’aorte et desgros troncs artériels supra-aortiques [20].

Histologiquement il s’agit d’aortites granulomateuses avec pré-sence de cellules géantes plurinucléées.

Cette atteinte peut être symptomatique, à l’origine de douleursthoraciques pouvant parfois mimer la symptomatologie d’unePPR.

Un syndrome de l’arc aortique est parfois noté, lorsque la sté-nose inflammatoire a une répercussion hémodynamique d’aval,avec une clinique d’insuffisance carotidienne ou vertébrobasilaireà l’origine d’accidents cérébraux hémodynamiques, un acrosyn-drome vasculaire tardif, une claudication du membre supérieurvoire un authentique vol sous-clavier. Les accidents vasculairescérébraux constitués le sont la plupart du temps dans le territoirevertébrobasilaire. L’artérite intracrânienne est rare dans la MH.

L’aortite doit être recherchée systématiquement à l’examen cli-nique par la palpation des pouls radiaux, la recherche d’uneasymétrie tensionnelle, d’un souffle vasculaire.

À terme l’aortite se complique d’anévrisme ou de dissectionaortique dans près de 18 % des cas [20]. Un souffle d’insuffisanceaortique pourra traduire la survenue d’un anévrisme de l’aortethoracique ascendante avec dilatation de l’anneau aortique.

Autres localisations artéritiquesElles sont plus rares et doivent faire reconsidérer soit le diagnos-

tic de MH en cas d’atteinte isolée, soit sa réelle imputabilité sur unterrain athéromateux cortico-induit et sénescent. Des atteintes desartères des membres inférieurs, des artères mésentériques, coro-naires, spléniques, rénales ou encore mammaires ont été décrites.

Manifestations cliniques rares : l’atteintecardiothoraciqueManifestations respiratoiresToux

Une toux sèche est notée, rarement (< 10 %) mais parfois defacon inaugurale et isolée pouvant alors égarer le diagnostic [21].

L’hypothèse d’une vascularite (de l’artère maxillaire interneavec atteinte pharyngée ou encore des petites artères de laparoi bronchique) ou d’une maladie infectieuse déclenchantes’opposent. Cette toux rebelle et irritative est constamment corti-cosensible.

Épanchements pleurauxPlus rares il s’agit d’exsudats discrets, volontiers bilatéraux.

Manifestations cardiaquesIl s’agit essentiellement de péricardites corticosensibles.Des syndromes coronariens aigus inflammatoires ont été décrits

mais l’imputabilité de la MH est toujours délicate à prouver surterrain athéromateux.

D’autres atteintes (cardiomyopathie hypertrophique granulo-mateuse, myocardites) sont encore plus rares.

� Aspects cliniquesde la pseudopolyarthriterhizoméliqueSignes rhumatismaux

Les manifestations articulaires concernent essentiellement lesceintures, scapulaires et pelviennes, et peuvent intéresser le rachiscervical.

Il s’agit d’arthralgies d’horaire inflammatoire particulièrementinvalidantes, à l’origine d’impotence fonctionnelle.

La symptomatologie articulaire peut être isolée, formant alorsun tableau de PPR « pure », ou accompagner la MH dans 40 % descas [22].

Les principaux diagnostics différentiels sont cités dans leTableau 1.

Signes générauxIls sont identiques à ceux accompagnant la MH.

� Biologie du HortonSyndrome inflammatoire

Le syndrome inflammatoire est un élément majeur, quasi obli-gatoire du diagnostic de MH, observé chez plus de 95 % despatients, affectant la vitesse de sédimentation (VS) ; généralementaccélérée pour plus de 50 mm à la première heure ; et la protéine-C-réactive (CRP) [23]. Cependant une VS normale n’écarte pas pourautant le diagnostic de MH, certaines séries rapportant jusqu’à25 % de MH à VS non accélérée [24].

La procalcitonine ne semble pas élevée au cours de la MH etdoit faire écarter d’autres diagnostics, notamment d’ordre infec-tieux [25].

L’interleukine 6 semblerait être un marqueur biologique inté-ressant dans le diagnostic et le suivi de la MH, mais son utilisationreste encore limitée en pratique courante [26].

Les autres anomalies biologiques découlent du syndromeinflammatoire chronique (anémie, thrombocytose, hyper-alpha2,etc.).

La normalisation rapide de ces paramètres inflammatoires estla règle à l’initiation de la corticothérapie.

Perturbations du bilan hépatiqueUne élévation des phosphatases alcalines et des gamma-GT sous

la forme d’une cholestase anictérique est rapportée classiquementdans 20 % des MH avec l’hypothèse d’une atteinte hépatique gra-nulomateuse ou vascularitique.

Ces anomalies du bilan hépatique ne doivent cependant empê-cher ou limiter le bilan étiologique, notamment paranéoplasique,l’élévation des PAL pouvant traduire, en dehors d’une hépatopa-thie chronique, une dissémination métastatique osseuse pouvants’exprimer sous la forme d’un tableau de PPR parfois bien trom-peur.

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Tableau 1.Diagnostics différentiels de la PPR.

PPR à VS normale HypothyroïdieTendinopathies (coiffe des rotateurs, etc.)Rhumatisme à hydroxyapatiteRétraction capsulaire bilatéraleAlgodystrophie (rhumatisme gardénalique)OstéomalacieFibromyalgie, etc.

PPR à VS accélérée Affections musculaires :- myopathies inflammatoires (polymyosite,dermatomyosite, etc.)- fasciite avec éosinophilie (syndrome deShulman)- syndrome myalgique avec éosinophilie(tryptophane)Autres rhumatismes inflammatoires :- polyarthrite rhumatoïde du sujet âgé à débutrhizomélique- RS3PE- spondylarthropathiesConnectivites et autres vascularites :- périartérite noueuse- lupus- vascularite à ANCA- maladie de Still de l’adulte, Behcet, etc.Rhumatismes microcristallins(chondrocalcinose, etc.)Maladies infectieuses :- endocardite subaiguë (Osler)- tuberculose- maladie de Lyme- VIH, etc.Maladies hématologiques :- lymphome- myélome- douleurs blastiques leucémiquesNéoplasiesAmylose

PPR : pseudopolyarthrite rhizomélique ; VS : vitesse de sédimentation ;ANCA : anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles ; VIH : virusde l’immunodéficience humaine.

ImmunologieL’apport des outils d’immunologie n’est d’aucune contribution

dans le diagnostic positif de MH si ce n’est par leur négativité écar-tant un diagnostic différentiel (vascularites à ANCA, polyarthritesrhumatoïdes à début rhizomélique, etc.).

La présence d’anticorps anticardiolipines a été rapportée danscertaines formes de Horton à localisation artérielle extracépha-lique ou de « PPR arteritica » ce qui n’a pas été confirmé dansd’autres travaux leur conférant un statut réactionnel aux lésionsendothéliales sans surexpression thrombotique [27].

� Examens complémentairesBiopsie d’artère temporale : BAT

Examen indispensable au diagnostic de MH, elle peut cepen-dant être normale dans 25 % des cas [6]. La BAT est réalisée le plussouvent de facon unilatérale, guidée par la clinique, emportantau minimum 1 cm d’artère. Il semblerait cependant que la réali-sation de biopsies bilatérales systématiques, du fait de l’atteinteartérielle typiquement segmentaire et focale, permette un gaindiagnostique de 12,7 % [28].

L’examen anatomopathologique retrouve typiquement uneartérite granulomateuse avec cellules géantes multinucléées maiségalement un infiltrat inflammatoire polymorphe à cellulesmononucléées et polynucléaires prédominant aux dépens demédia. Il est important de recherche une rupture de la limitanteélastique interne. Une prolifération fibreuse de l’intima avec obli-

tération et thrombose peut se voir. La fibrose est non spécifiqueet banale dans d’autres situations (« artérite séquellaire », artério-sclérose, etc.). La présence de cellules géantes n’est cependant pasun élément obligatoire au diagnostic.

La biopsie doit être réalisée au plus vite après l’initiation –souvent urgente – de la corticothérapie. En effet, le traitementne doit pas être retardé afin de prévenir les complications isché-miques, mais, contrairement aux idées recues, la corticothérapiea bien un effet sur les résultats histologiques. Il a été démon-tré qu’au décours d’une semaine de corticoïdes le taux de « BATnégatives » augmente de facon significative. Cependant réaliser labiopsie peut être utile même après plusieurs semaines de corti-coïdes, du fait de la persistance parfois d’infiltrat inflammatoireou de cellules géantes.

La BAT peut parfois identifier une microvascularite des petitsvaisseaux périphériques, les vasa vasorum, au cours de PPR« isolées » dont l’apport diagnostique et pronostique mérite d’êtreprécisé [29].

ÉchodopplerEntre les mains d’un utilisateur expérimenté, le Doppler peut

apporter certains arguments diagnostiques, notamment la des-cription d’un halo hypoéchogène au sein de la paroi artérielle,traduisant l’œdème inflammatoire avec parfois amincissementpariétal, sténose ou occlusion. Malgré une spécificité de 91 % etune bonne valeur prédictive positive cet examen ne dispense nul-lement de la réalisation de la biopsie d’artère temporale.

Examens d’imagerieTomodensitométrie et imagerie par résonancemagnétique (IRM)

Un scanner avec injection de produit de contraste peut êtreutile, notamment dans le cadre du diagnostic d’aortite thoracique,en visualisant un épaississement circonférentiel de la paroi arté-rielle voire une dilatation anévrismale. En IRM un aspect d’aortitese traduit par un épaississement de paroi supérieur à 3 mm, unhypersignal pariétal en T2 (œdème) et une prise de contraste(inflammation) en séquence T1. Il n’existe actuellement pas derecommandation concernant la surveillance morphologique aor-tique en termes de dépistage ou de surveillance systématique, nide parallèle entre un aspect d’aortite radiologique et l’activité cli-nique ou biologique de la maladie.

Tomographie par émission de positons (TEP)La TEP peut permettre de visualiser une fixation du traceur

sur les artères intéressées par un processus inflammatoire, notam-ment l’aorte et les troncs supra-aortiques dans la MH. Son apportpeut être important dans les formes frustres avec signes générauxdominants. Sa place exacte dans la panoplie diagnostique restecependant à définir.

� TraitementCorticothérapie

Les corticoïdes constituent le traitement de référence de la MH.En effet la MH ainsi que la PPR sont particulièrement cortico-

sensibles et une guérison ou du moins une rémission prolongéesans traitement est tout à fait possible.

Le traitement doit être commencé sans délai, dès la suspiciondiagnostique et sans attendre la réalisation de la biopsie ou laconfirmation histologique, pour prévenir la survenue d’une cécitéirréversible.

La posologie initiale ainsi que le schéma thérapeutique a faitl’objet de plusieurs études ces dernières années, comparant desprises multiples quotidiennes, une dose unique matinale ouencore une double dose orale un jour sur deux sans véritable dif-férence en termes d’efficacité sauf dans le groupe traité un joursur deux voyant les symptômes réapparaître le jour sans corti-

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coïdes [30]. Des bolus de 240 mg ou 1 g de methylprednisolonerelayés par une corticothérapie orale à 0,7 ou 0,5 mg/kg/j deprednisone à la phase aiguë de la maladie ont été essayés avecdes taux de rémission superposables mais sans réel bénéfice entermes de dose cumulative recue à un an ni en termes d’effetssecondaires [31].

Une posologie d’attaque de 0,7 mg/kg/j de prednisoneest habituellement employée dans la MH, et ce jusqu’àdisparition des signes cliniques et normalisation des mar-queurs inflammatoires, permettant alors une décroissance lentejusqu’au sevrage possible la plupart du temps en 18 mois à24 mois [32].

Au cours de la PPR des posologies de l’ordre de 0,4 mg/kg/jà 0,5 mg/kg/j de prednisone sont recommandées. Des dosesjournalières plus faibles (10 mg/j de prednisone) ou une décrois-sance plus rapide sont associés à un risque de rechute plusgrand [33].

Le traitement des formes avec complications oculaires n’est pascodifié, la plupart des auteurs proposent la réalisation de bolus decorticoïdes à haute dose par voie parentérale associés à un traite-ment anticoagulant sans preuve cependant en termes d’efficacité.La cécité complète, de survenue fréquemment inaugurale, esthabituellement irréversible quelle que soit la thérapeutiqueappliquée.

Mesures adjuvantesL’ostéoporose est le risque principal du fait de la distribution

d’âge et de sexe de la MH mais également de la corticothérapie.Une supplémentation vitaminocalcique associée à l’utilisationd’un bis-phosphonate (alendronate ou risedronate) représenteactuellement le meilleur traitement préventif de l’ostéoporosecortico-induite.

Antiagrégants et anticoagulantsAspirine

Son intérêt réside dans son action anti-inflammatoire surmodèles animaux (diminution de l’expression d’IFN gamma dansle mur artériel chez la souris) corroborée en pathologie humainepar une diminution significative des complications ischémiquesartérielles chez des patients présentant, pour la plupart, des fac-teurs de risque vasculaire [32].

AnticoagulantsLeur utilité a été très peu étudiée au cours de la MH. Cependant

le syndrome inflammatoire et le caractère sténosant de l’artérite,notamment aux dépens des artères ophtalmiques et ciliaires,plaident en faveur de l’utilisation d’héparine à la phase initiale.Les résultats de l’étude menée par l’équipe de G. Hoffman vontdans le sens de l’utilisation d’héparine de bas poids moléculaire àdose curative la première semaine ou les deux premières semainesde traitement corticoïdes [34].

Immunosuppresseurs et immunomodulateursAucun immunosuppresseur à ce jour n’a fait la preuve de son

efficacité dans la MH, ni en termes d’épargne cortisonique ni entermes de diminution des effets secondaires.

Le méthotrexate, qui a été l’immunosuppresseur le mieux testédans la MH, n’a pas permis d’observer de diminution d’incidencedes rechutes, ni de réduire la dose cumulative de corticoïdes, niles effets secondaires [35].

Les autres immunosuppresseurs (ciclosporine, cyclophospha-mide, azathioprine ou hydroxychloroquine) ont été étudiés sansplus de succès.

Les anti-TNF ne semblent pas non plus concernés du fait del’absence de preuve dans la littérature et l’absence de rôle patho-gène du TNF dans la physiopathologie de la MH [36].

D’autres biothérapies (anti-récepteur de l’IL6, etc.) sont àl’étude.

� Évolution et pronosticLa mortalité de la MH ne semble pas différente de celle de la

population générale, quand celle-ci est appariée par âge et parsexe [37]. Les excès de mortalité démontrés dans certaines étudessont faibles et semblent en rapport aux facteurs de risque vascu-laire préexistants [38].

Le pronostic est lié aux évènements cardiovasculaires (cardio-pathie ischémique et accidents vasculaires cérébraux), infectieuxet digestifs (perforation colique sous corticoïdes) [23].

L’incidence des rechutes de MH varie selon les études entre 39 %et 80 % par année, en fonction notamment de la posologie initiale,de la rapidité de décroissance cortisonique et de la durée de trai-tement [36, 37]. Une décroissance trop rapide a été mise en évidencecomme facteur de risque de rechute chez les patients atteints dePPR [33].

L’incidence de la cécité au cours du suivi varie quant à elle de3 % à 10 % par an [37].

Une complication caractéristique de la MH est l’apparitiond’anévrisme de l’aorte thoracique avec un risque relatif de 17comparativement à la population générale et un délai médian de69 mois (mais pouvant s’étendre de 3 mois à 12 ans), souventà distance du diagnostic alors que la maladie semble contrôléevoire en rémission [39]. L’examen anatomopathologique des piècesopératoires révèle classiquement une aortite à cellule géante.

Des sténoses artérielles des troncs supra-aortiques ont étédécrites dans le suivi de la cohorte de la Mayo Clinic chez 13 %des patients [22].

“ Points essentiels

• La MH est la vascularite la plus fréquente et touche lespersonnes âgées au-delà de 50 ans.• Le syndrome inflammatoire est quasi-constant et obli-gatoire (95 % des cas).• Une connaissance des signes classiques mais égalementdes formes frustres ou limitées est importante afin de pré-venir les complications ischémiques.• La cécité par névrite optique ischémique est la plupartdu temps irréversible.• La biopsie d’artères temporales est un élément-clé dudiagnostic et doit être réalisée de facon précoce sans retar-der la corticothérapie.• La corticothérapie est une urgence et doit être débutéedès la suspicion diagnostique afin de prévenir la survenued’une cécité irréversible.• La corticothérapie demeure le traitement de référence.

Remerciements : Pr Duhaut, Dr Schmidt.

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Fièvres récurrentes héréditaires

V. Hentgen, G. Grateau

Quatre maladies héréditaires se présentant sous forme d’accès inflammatoires intermittents ont étéreconnues et maintenant bien caractérisées dans leurs aspects cliniques et génétiques. Le chef de file de cegroupe reste la fièvre méditerranéenne familiale, une maladie qui affecte des milliers de maladesoriginaires du Bassin méditerranéen. Mais la fièvre méditerranéenne familiale n’est plus seule au sein desmaladies inflammatoires récurrentes héréditaires. Trois autres entités clinicogénétiques ont maintenantété bien définies : la fièvre intermittente secondaire à des mutations du récepteur de type 1A du tumornecrosis factor (TNF) appelée TRAPS (TNFRSF1A associated periodic syndrome), le syndromed’hyperimmunoglobulinémie D, et une dernière entité regroupant le syndrome de Muckle-Wells,l’urticaire familiale au froid et le syndrome chronic infantile neurological cutaneous and articular(CINCA). Le diagnostic repose d’abord sur l’origine des malades, sur une analyse précise des signescliniques, et sur le mode de transmission génétique, récessif ou dominant. Ces données suffisent dans lagrande majorité des cas à orienter le clinicien vers le bon diagnostic, qui est ensuite étayé par l’étudebiochimique et génétique, en sachant que l’interprétation de certaines variations de séquences dugénome est délicate. Un diagnostic précis est crucial car le traitement de ces affections est différent. Seulela fièvre méditerranéenne familiale répond à un traitement simple qui est la colchicine. Le traitement desautres affections n’est pas codifié, mais doit faire appel à d’autres traitements : corticoïdes et inhibiteur decytokines.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Fièvre récurrente héréditaire ; Fièvre méditerranéenne familiale ; Récepteur du TNF ; Cryopyrine ;Mévalonate kinase ; Amylose

Plan

¶ Introduction 1

¶ Fièvre méditerranéenne familiale 2Épidémiologie 2Clinique 2Génétique et diagnostic 2Physiopathologie 3Traitement 3

¶ Fièvre héréditaire périodique liée au récepteur de type 1adu TNF (TRAPS) 3

Épidémiologie 3Accès inflammatoire du TRAPS 4Génétique et physiopathologie 4Traitement 4

¶ Syndrome de fièvre périodique avec hyperimmunoglobulinémieD ou déficit en mévalonate kinase 4

Épidémiologie 4Accès inflammatoire du syndrome d’hyperIgD 4Génétique, diagnostic et mécanismes 4

¶ Syndrome de Muckle-Wells, urticaire familiale au froidet syndrome CINCA 5

Épidémiologie 5Aspects cliniques 5Génétique, diagnostic et mécanismes 5Traitement 5

¶ Démarche diagnostique 5

¶ Amylose 6

¶ Conclusion 6

■ Introduction

Les fièvres héréditaires intermittentes constituent un groupede maladies inflammatoires dont la plus fréquente est la fièvreméditerranéenne familiale (FMF), aussi dénommée maladiepériodique. Trois autres entités sont maintenant distinguées dela FMF par des caractéristiques cliniques et génétiques : la fièvreintermittente liée au récepteur de type 1A du tumor necrosisfactor (TNFRSF1A pour TNF receptor superfamily 1A), dénomméeTRAPS pour TNFRSF1A associated periodic syndrome, le syndromede fièvre périodique avec hyperimmunoglobulinémie D ouhyperimmunoglobulinemia D periodic fever syndrome (HIDS), et lesyndrome de Muckle-Wells et ses variants : l’urticaire familialeau froid ou familial cold urticaria (FCU) renommée familial coldautoinflammatory syndrome (FCAS) et le syndrome chronicinfantile neurological cutaneous and articular (CINCA)(Tableau 1) [1]. Le démembrement génétique des fièvres inter-mittentes héréditaires a commencé en 1997 quand le gène encause dans la FMF a été découvert par clonage positionnel [2, 3].Les défauts génétiques des trois autres entités ont été depuis

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caractérisés. Ces quatre maladies héréditaires s’intègrentmaintenant dans le cadre plus vaste des syndromes auto-inflammatoires, que l’on peut définir comme des maladiesinflammatoires essentiellement déterminées par une anomaliegénétique sans anomalie de l’auto-immunité, et dont elles sontle prototype. Les autres syndromes auto-inflammatoires actuel-lement caractérisés, et qui répondent à la définition sus-citée,syndromes de Blau, de Majeed et PAPA, ne seront pas abordésici.

■ Fièvre méditerranéenne familiale

ÉpidémiologieLa FMF est la plus connue et certainement la plus fréquente

des maladies inflammatoires récurrentes héréditaires. Elle atteintles populations turques, arabes de l’Est et de l’Ouest, arménien-nes, juives sépharades, mais aussi juives ashkénazes, kurdes,druzes, libanaises, italiennes et grecques. C’est une maladieautosomique récessive de grande fréquence dans ces popula-tions, notamment chez les Juifs sépharades et les Arméniens, oùla fréquence des porteurs à l’état hétérozygote d’une mutationdu gène MEFV (pour MEditerranean FeVer), responsable de laFMF, est supérieure à 1/5. Cette prévalence élevée rend comptede la transmission pseudodominante couramment observéedans ces populations et explique pourquoi le mode de transmis-sion génétique de la FMF a été longtemps discuté.

CliniqueLa FMF dans sa forme typique commence tôt dans la vie,

dans deux tiers des cas avant l’âge de 5 ans. Les accès aigus sontcaractéristiques de la maladie, et si la fièvre y est quasi cons-tante, elle est rarement isolée. Le plus souvent, il existe dessignes d’inflammation aiguë d’une séreuse, dans l’ordre defréquence décroissante le péritoine (90 %), la plèvre (50 %), lasynoviale articulaire (30 %), la vaginale testiculaire (10 %) et lepéricarde (1 %). L’accès aigu abdominal est souvent impression-nant et en présence d’un premier accès, la suspicion de périto-nite peut conduire à l’intervention chirurgicale en urgence. De

nombreux signes cutanés ont été décrits au cours de la FMF, leplus fréquent est une plaque érythémateuse évoquant unérysipèle des membres inférieurs, particulièrement à la cheville,et décrit sous le nom de pseudoérysipèle. L’atteinte articulaireaiguë intéresse les grosses articulations, genou, hanche, cheville.L’accès aigu dure de quelques heures à 72 heures et se résoutspontanément. Il n’y a habituellement qu’un seul organetouché lors d’un accès. Il n’y a pas de périodicité stricto sensudes accès qui reviennent sans aucune régularité et avec unefréquence très variable d’un sujet à l’autre et d’une tranche devie à l’autre pour un sujet donné. La topographie des manifes-tations inflammatoires change aussi d’une période à une autre,par exemple atteinte articulaire dans l’enfance, pour laquelle ona souvent porté à tort le diagnostic de rhumatisme articulaireaigu, puis douleurs thoraciques dans l’adolescence, et douleursabdominales à l’âge adulte. Il n’y a habituellement pas de signeclinique en dehors des accès aigus. Cependant, certainesmanifestations de la maladie peuvent se prolonger au-delà des72 heures habituelles, c’est le cas des arthrites, et de myalgiestrès intenses qui peuvent durer plusieurs semaines. Chez unmalade sur 100 environ, l’atteinte articulaire évolue sur unmode chronique et destructeur, particulièrement à la hanche [4,

5]. Beaucoup plus rare est la péritonite chronique avec ascite.D’autres signes ont été plus rarement décrits au cours de la

FMF : purpura vasculaire, vascularite d’artères de moyen ou groscalibre, notamment responsable d’hématome périrénal, ménin-gite récurrente, anomalies oculaires.

Génétique et diagnosticLe gène MEFV code une protéine de 781 acides aminés qui a

été dénommée pyrine (du nom grec de la fièvre : pyros), par leconsortium international, et marénostrine (du nom latin de lamer Méditerranée : mare nostrum) par le consortium français.

Plus de 70 mutations ont, à ce jour, été identifiées dont lamajorité sont situées dans l’exon 10 du gène MEFV et dans unerégion de la protéine qui contient un domaine appelé B30-2 (ouPRY-SPRY), qui définit à lui seul toute une famille de protéinesqui portent son nom. La plupart des mutations entraînent lasubstitution d’un acide aminé. Quatre de ces mutations repré-sentent au moins 80 % des mutations des sujets atteints de FMF

Tableau 1.Caractéristiques des quatre principales maladies inflammatoires récurrentes héréditaires.

FMF MAPS TRAPS CAPS

Mode de transmission récessif récessif dominant dominant

Âge de début < 20 ans enfance variable enfance/néonatal

Durée de l’accès 1-4 jours 3-7 jours souvent plus de 1 semaine,voire plusieurs semaines

variable

Douleur abdominale très fréquente (séreuse) fréquente fréquente rare

Douleur thoracique pleurésie unilatérale inhabituelle fréquente rare

Signes cutanés rare (< 5 %) pseudoérysipèledes membres inférieurs

très fréquents (> 90 %)polymorphes

fréquents : pseudoérysipèlen’épargnant pas les membressupérieurs

urticaire/érythème

Atteinte articulaire monoarthrite arthralgies arthrite/déformation

Autres signes péricardite, scrotite, arthrite céphalées,adénopathies cervicales

myalgies

œdème orbitaire

surdité

sensibilité au froid

retard mental, méningite,dysmorphie, papillite

Amylose oui non oui oui

Traitement colchicine prophylactique simvastatine

anti-IL1

corticoïdes

anti-TNF

corticoïdes

anti-IL1

Site chromosomique 16p13.3 12q24 12p13 1q44

Gène MEFV MVK TNFRS1A CIAS1

Protéine marénostrine/pyrine mévalonate kinase récepteur du TNF de type 1A cryopyrine

FMF : fièvre méditerranéenne familiale : MKD : mevalonate kinase deficiency ; MAPS : MKD associated periodic fever syndrome ; MEFV : MEditerranean FeVer ; TNF : tumor necrosisfactor ; TNFRSF1A : TNF receptor superfamily 1A ; TRAPS : TNFRSF1A associated periodic syndrome; CAPS : CIAS1 associated periodic syndrome ; IL : interleukine.

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dans les populations les plus touchées. Le diagnostic de FMFrepose sur un faisceau d’arguments cliniques complété depuispeu d’un diagnostic génétique. Les signes cliniques ne sont passpécifiques et c’est pourquoi différents jeux de critères ont étéproposés pour le diagnostic clinique de FMF (Tableau 2). Cescritères ont une sensibilité et une spécificité médiocres et il estrecommandable de demander un diagnostic génétique chez desmalades qui ne remplissent pas les critères diagnostiques.L’analyse génétique peut ainsi confirmer un diagnostic trèsprobable selon les critères cliniques, mais aussi permettre undiagnostic plus précoce de formes frustes. Rappelons que la FMFest virtuellement absente des populations occidentales et que larecherche de mutations du gène MEFV n’a pas d’intérêt dans cespopulations [6]. L’analyse des données cliniques de certainsmalades ayant un phénotype typique et sans mutation, assortiede données de génétique formelle suggère qu’il existe un autregène responsable d’un phénotype de type FMF dans les popu-lations méditerranéennes [7].

Physiopathologie

MEFV n’est exprimé que dans les polynucléaires neutrophilescirculants et à un moindre degré dans les monocytes. Larégulation du gène MEFV est encore mal connue. In vitro,l’expression de MEFV est ainsi accrue par l’interféron c, l’inter-féron a, la colchicine et le TNF, qui régule l’expression de MEFVpar l’intermédiaire du facteur de transcription NFjB [8]. Unenouvelle piste vient de s’ouvrir pour la compréhensionde la physiopathologie de la FMF : l’apoptose. La protéine

marénostrine/pyrine contient dans sa partie N-terminale undomaine appelé maintenant domaine pyrine/PyD. Ce domainea une structure tridimensionnelle similaire au domaine de mort(death domain, DD), au domaine effecteur de mort (death effectordomain, DED) et au domaine de recrutement de caspase (caspaserecruitment domain, CARD). Il est présent dans plusieurs protéi-nes et définit ainsi une nouvelle famille, dénommée pyrine/PyD. Les domaines pyrine engagent des interactionshomotypiques protéine/protéine. C’est ainsi que par sondomaine pyrine, marénostrine/pyrine peut interagir avec ledomaine PyD porté par la protéine ASC qui intervient lors del’apoptose des polynucléaires et aussi dans une voie de l’inflam-mation faisant éventuellement intervenir le facteur NFjB etconduisant à la production d’interleukine [9] (IL) 1. La perti-nence de ces données n’est pas établie, car dans les expériencesmenées jusqu’ici, la présence des mutations, qui sont situéesdans la région de la protéine opposée au domaine pyrine, nemodifie pas le comportement de la pyrine. Des données récen-tes suggèrent que d’autres types d’interactions existent à partirdu domaine PRY-SPRY, directement avec la protéine caspase 1.

Traitement

De nombreux traitements sont utilisés au cours de l’accèsinflammatoire : paracétamol, anti-inflammatoires non stéroï-diens, morphinique, corticostéroïdes, augmentation de la dosede colchicine. Mais il n’y a pas de stratégie antalgique biendéfinie dans cette indication. En revanche, l’efficacité de lacolchicine comme traitement préventif des accès est maintenantbien établie. La posologie de la colchicine dans cette indicationest variable. La dose de 1 mg/j est souvent suffisante pourprévenir les accès, mais des doses supérieures sont parfoisnécessaires, jusqu’à 2,5 mg/j. La colchicine permet aussi dans laplupart des cas de prévenir l’amylose mais la déterminationindividuelle de la dose nécessaire à la prévention de l’amyloseest impossible [10]. La mesure régulière de l’inflammationinfraclinique qui existe dans la FMF pourrait aider à déterminerla dose de colchicine nécessaire à la maîtrise plus continue del’inflammation, en particulier chez l’enfant [11]. Les dosagessanguins, plasmatiques et intracellulaires ne sont pas depratique courante et leur aide à la détermination d’une dosethérapeutique reste discutée. Une faible proportion de maladessont considérés comme « résistants » à la colchicine. Même sicette résistance n’est pas facile à définir, cela a conduit à essayerd’autres médicaments, soit comme traitement curatif de l’accèsinflammatoire, soit comme traitement préventif. L’interféronalpha a ainsi été utilisé, sans efficacité clinique évidente, dansces indications [12]. La prise de la colchicine pendant la grossesseest un sujet encore débattu ; la tendance est de considérer queles risques de toxicité pour l’enfant sont négligeables [13].Lorsque l’amylose est installée, le traitement par colchicine peutencore faire disparaître les signes cliniques d’atteinte rénale,même lorsqu’il existe un syndrome néphrotique. La transplan-tation rénale reste le meilleur traitement de l’amylose de la FMF,mais si la colchicine prévient assez bien la récidive de l’amylosesur le transplant, l’évolution peut se faire vers une extension del’amylose, en particulier au cœur et au tube digestif [14]. Latransplantation rénale reste une bonne indication en casd’amylose de la FMF, notamment par rapport à l’hémodialysechronique où la colchicine est plus difficile à manier et l’amy-lose plus évolutive.

■ Fièvre héréditaire périodique liéeau récepteur de type 1a du TNF(TRAPS)

ÉpidémiologieLe TRAPS a été initialement reconnu dans une famille

d’origine irlandaise, comme le suggère le terme de fièvre

Tableau 2.Jeux de critères validés pour le diagnostic de fièvre méditerranéennefamiliale (FMF).

A. Critères de Tel Hashomer

Critères majeurs

1. Épisodes fébriles récurrents avec péritonite, arthrite ou pleurésie

2. Amylose de type AA sans cause identifiée

3. Réponse favorable à un traitement continu par colchicine

Critères mineurs

1. Épisodes fébriles récurrents

2. Pseudoérysipèle

3. FMF chez un parent du premier degré

B. Critères simplifiés de Livneh et al.

Critères majeurs

1-4. Accès typiques :

1. péritonite (généralisée)

2. pleurésie (unilatérale) ou péricardite

3. monoarthrite (hanche, genou, cheville)

4. fièvre isolée

5. Accès abdominal incomplet

Critères mineurs

1-2. Accès incomplet touchant un ou plus des sites suivants :

1. thorax

2. articulation

3. Douleurs des membres inférieurs à l’effort

4. Réponse favorable à un traitement par colchicine

A.SelonlescritèresdeTelHashomer,undiagnostic« défini » requiertdeuxcritèresmajeurs,ouuncritèremajeuretdeuxcritèresmineurs.Undiagnostic« probable »requiert un critère majeur et un critère mineur. Les patients classés « définis » ou« probables » sont considérés comme atteints de FMF. B. Selon les critèressimplifiésdeLivnehetal., lediagnosticdeFMFrequiertaumoinsuncritèremajeurou au moins deux critères mineurs. Les accès typiques sont définis commerécurrents (au moins trois du même type), fébriles (température rectale supérieureou égale à 38 °C), et courts (entre 12 et 72 h). Les accès incomplets sont définiscommedesaccèsdouloureuxet récurrentsquidiffèrentdesaccès typiquesparuneou deux caractéristiques, comme : 1) température normale ou inférieure à 38 °C ;2) durée inférieure ou supérieure (mais pas inférieure à 6 h ou supérieure à1 semaine) ; 3) pas de signe de péritonite pendant l’accès abdominal ; 4) caractèrelocalisé des accès abdominaux ; 5) arthrite de localisation autre que spécifiée. Lesévénements qui ne répondent pas aux définitions des accès typiques ouincomplets ne sont pas pris en compte.

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hibernéenne familiale (familial hibernian fever), du latin hiber-nia : l’Irlande. Des mutations du gène TNFRSF1A responsablesdu TRAPS ont été décrites plus récemment dans d’autrespopulations, y compris méditerranéenne, noire-américaine etjaponaise [15-17]. Bien que peu de données épidémiologiquessoient disponibles, il est certain que le TRAPS est une maladiebeaucoup moins fréquente que la FMF.

Accès inflammatoire du TRAPS

Les accès du TRAPS se manifestent pour la première foisdurant l’enfance ou l’adolescence. Les poussées inflammatoiresdu TRAPS associent habituellement fièvre, manifestationsabdominales, atteinte cutanée et musculoarticulaire. L’accès secaractérise classiquement par sa durée prolongée d’une àplusieurs semaines. Les manifestations abdominales sont ledeuxième signe le plus fréquent. Habituellement, il s’agit dedouleurs abdominales violentes, qui peuvent évoquer unabdomen chirurgical ; le substrat anatomique des douleurs n’estpas connu. La majorité des malades souffrent de manifestationscutanées variées lors des poussées de la maladie : maculesmigrantes, plaques érythémateuses confluentes. Les plusspécifiques sont des lésions de pseudocellulite, touchant lesmembres (inférieurs comme supérieurs) ou le tronc. Auxmembres, ces lésions débutent à la racine et migrent enquelques heures ou jours vers l’extrémité du membre atteint,avant de disparaître. Un œdème périorbitaire est aussi caracté-ristique de cette variété de syndrome auto-inflammatoire.

Les manifestations musculoarticulaires sont souvent prédo-minantes lors de l’accès inflammatoire. L’atteinte musculaire secaractérise par une douleur localisée à un groupe musculaire.Cette douleur accompagne habituellement les lésions dermato-logiques de type pseudocellulite. L’atteinte articulaire est moinsspécifique : arthralgies diffuses, plus rarement arthrites aiguës.D’autres signes cliniques moins fréquents peuvent s’observer :adénopathies satellites des lésions cutanées, une conjonctiviteaseptique accompagnant ou non l’œdème périorbitaire, desdouleurs thoraciques. Les accès de TRAPS peuvent être moinsspectaculaires, et dans de rares cas la fièvre peut manquer [18].

Génétique et physiopathologie

Le gène responsable de cette affection code le récepteur detype 1A du TNF. Les mutations connues portent pour la plupartd’entre elles sur les cystéines de la partie extracellulaire duTNFRSFA. La découverte de mutations du gène TNFRSF1Apermet ainsi d’affirmer le diagnostic de TRAPS. Cependant, ilexiste des variations de la séquence codante du gène TNFRSF1A,P46L et R92Q, qui semblent se comporter de façon variable enfonction des sujets. La variation P46L se comporte ainsiessentiellement comme un polymorphisme peu délétère et lamutation R92Q comme une mutation à faible pénétrance.

Les mécanismes de la maladie ne sont pas encore parfaite-ment élucidés. Le clivage de la partie externe du récepteurmembranaire conduit normalement à la libération de la formesoluble, dont l’action principale est de limiter, en le captant,l’action du TNF circulant. Certaines mutations induisent undéfaut de clivage du récepteur soluble, mais la plupart affectentle repliement du récepteur dans son parcours intracellulaire [15].Un défaut de repliement empêche ainsi le récepteur de gagnerla membrane. Dans ces cas, il existe un relatif déficit de laforme soluble du récepteur laissant sans opposition le TNFexercer son action pro-inflammatoire.

Traitement

Chez certains patients, les corticoïdes permettent d’atténuerles symptômes sans pour autant prévenir les poussées. L’effet dutraitement semble s’atténuer avec le temps avec apparitiond’une corticodépendance. L’emploi d’agents inhibiteurs du TNFest a priori parfaitement logique dans le TRAPS. L’étanercept,une molécule de fusion du récepteur soluble de type 2 du TNF

avec une immunoglobuline (Ig) inhibe l’action du TNF enmimant l’action du récepteur soluble. Elle semble donc a prioriparfaitement désignée pour être utilisée dans le TRAPS. Desessais cliniques avec l’étanercept, et avec d’autres anti-TNF, sonten cours avec des résultats préliminaires variables, mais au fondplutôt décevants compte tenu des espoirs fondés sur cette classede médicaments [19]. L’anakinra, un inhibiteur du récepteur del’IL1, pourrait aussi être utilisé dans le TRAPS [20].

■ Syndrome de fièvre périodiqueavec hyperimmunoglobulinémie Dou déficit en mévalonate kinase

Épidémiologie

Le syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D (syndromed’hyperIgD, hyperimmunoglobulinemia D syndrome ou HIDS) oufièvre périodique hollandaise (periodic fever Dutch type) (MIM260920) a été isolé au sein des fièvres héréditaires par Van derMeer et al. en 1984 chez des malades hollandais, atteints d’unefièvre récurrente et ayant une élévation des IgD sériques [21]. Cesyndrome a depuis été surtout décrit en Europe de l’Ouest. Ilexiste aussi dans des populations d’origine méditerranéenne [22].

Accès inflammatoire du syndromed’hyperIgD

La maladie commence presque toujours dans l’enfance,souvent au cours de la première année de vie [21]. Les accèsinflammatoires durent typiquement 7 jours et reviennent toutesles 4 à 8 semaines ; la fièvre est majeure, atteignant au moins39 °C, accompagnée de signes focaux dans deux tiers à troisquarts des cas : douleurs abdominales, diarrhée, vomissement,arthralgies ou arthrites. Probablement plus spécifiques parrapport aux trois autres variétés de fièvres héréditaires sontl’hépatosplénomégalie et surtout la présence d’adénopathiescervicales douloureuses (94 % des cas). Le déclenchement desaccès par les infections virales et les vaccinations est assezcaractéristique du syndrome d’hyperIgD. La définition de cetteaffection a reposé sur l’existence, aussi bien pendant qu’entreles accès, d’une forte élévation des IgD sériques (supérieure à100 mU/ml ou 140 mg/l). En réalité, il semble maintenant quel’élévation des IgD sériques ne soit probablement pas d’unegrande spécificité et puisse s’observer dans de nombreusesmaladies infectieuses, tumorales et inflammatoires dont, entreautres, la FMF et le TRAPS [17]. En outre, l’élévation des IgDsériques n’est pas d’une sensibilité totale, car plusieurs observa-tions bien documentées sur le plan biochimique et génétiqueont été rapportées avec des IgD sériques normales et que cemarqueur est absent le plus souvent chez l’enfant.

Génétique, diagnostic et mécanismes

Le gène responsable du syndrome d’hyperIgD code uneenzyme de la voie du cholestérol, la mévalonate kinase (MVK).Le déficit complet en MVK était connu comme étant la caused’une maladie pédiatrique, l’acidurie mévalonique (dénomina-tion qui met en exergue l’apparition dans l’urine d’un métabo-lite normalement absent, l’acide mévalonique, qui est le substratde l’enzyme). Cette variante du déficit comporte en plus desaccès inflammatoires typiques du syndrome d’hyperIgD, unretard de croissance, une dysmorphie, des lésions oculaires et degraves troubles neurologiques. Le syndrome d’hyperIgD seprésente donc comme une forme clinique et biochimiquemodérée de l’acidurie mévalonique [23, 24]. Ces deux entités sontréunies sous le terme générique de déficit en MVK ou MKD(mevalonate kinase deficiency), ou de MAPS, par analogie avec lesautres acronymes (pour MKD associated periodic fever syndrome).La mise en évidence du déficit enzymatique, par mesure de

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l’élimination urinaire du substrat dans l’urine (augmentée encas de déficit) ou de l’activité enzymatique dans les lymphocy-tes (diminuée) affirme le diagnostic. La recherche de mutationcomplète la mise en évidence biochimique de la maladie. Lesmécanismes intimes de l’inflammation créée par ce troublemétabolique sont encore mal compris. Comme pour tout déficitenzymatique, on peut faire l’hypothèse que la maladie est crééepar l’accumulation du substrat, le mévalonate, ou par un déficitd’un des nombreux composés en aval. Les arguments expéri-mentaux favorisent la deuxième hypothèse, mais l’efficacité,quoique modeste, obtenue avec la simvastatine (qui bloque lasynthèse de cette voie en amont du mévalonate) en traitementcontinu suggère que la première hypothèse ne peut complète-ment être exclue [25, 26].

Les médicaments anti-inflammatoires usuels, corticostéroïdes,colchicine, anti-inflammatoires non stéroïdiens, sont générale-ment peu actifs sur cette variété d’inflammation. Des donnéespréliminaires rapportent un effet favorable de l’étanercept [27]. Sil’inflammation emprunte la voie de l’IL1 comme le suggèrentles données expérimentales, l’anakinra pourrait aussi être utilisédans cette indication [25].

■ Syndrome de Muckle-Wells,urticaire familiale au froidet syndrome CINCA

Épidémiologie

Ces trois entités, décrites indépendamment, ont cependantdes caractéristiques cliniques communes et sont maintenantreliées par la génétique. Toutes trois sont en effet liées à desmutations du gène CIAS1 (Cold Induced Auto-inflammatorySyndrome 1), et par analogie avec l’acronyme TRAPS, on emploieparfois le terme de CAPS (CIAS1 associated periodic syndrome) oude cryopyrinopathies pour les regrouper.

Aspects cliniques

Le syndrome de Muckle-Wells est défini comme l’associationd’une urticaire, d’une amylose essentiellement rénale et d’unesurdité neurosensorielle [28]. Il est transmis sur le mode autoso-mique dominant. Les accès inflammatoires cliniques compor-tent, en plus de l’urticaire, qui définit la maladie, une atteintearticulaire comprenant des arthralgies ou des arthrites et dessignes oculaires à type de conjonctivite [28]. D’autres signes ontété décrits, qui suggèrent une hétérogénéité clinique de cesyndrome [29].

L’urticaire au froid familiale (familial cold urticaria ou FCU) estcaractérisée par la survenue retardée de quelques heures aprèsune exposition à une ambiance froide d’une urticaire associée àdes arthralgies, une conjonctivite et une fièvre modérée [30]. Lanature inflammatoire de cette variété d’urticaire a conduit à larenommer familial cold auto-inflammatory syndrome (FCAS).

L’acronyme CINCA est défini par « chronic infantile neurologi-cal cutaneous and articular » [31]. Dans la littérature anglaise, cesyndrome est aussi dénommé NOMID pour « neonatal onsetmultisystemic inflammatory disease ». L’âge de début est trèsprécoce puisque l’atteinte cutanée survient habituellement dèsles premiers jours de vie sous la forme d’un érythème diffus detype urticarien mais non prurigineux. Les signes neurologiquesassocient une méningite chronique amicrobienne à polynu-cléaires neutrophiles et un retard mental qui apparaît progres-sivement pendant l’enfance. L’atteinte articulaire est latroisième caractéristique de ce syndrome, avec des arthralgies oudes arthrites, avec atteinte du cartilage de conjugaison pouvantconduire à une arthropathie grave dans l’enfance. L’atteinteophtalmique comprend des conjonctivites, des uvéites, unpseudo-œdème papillaire et une atrophie optique, pouvant

entraîner une cécité. L’atteinte auditive se présente sous formed’une surdité neurosensorielle bilatérale progressive. Unedysmorphie faciale est quasi constante, d’importance variable.

Génétique, diagnostic et mécanismes

Le gène associé au syndrome de Muckle-Wells, à l’urticairefamiliale au froid (FCAS), et au syndrome CINCA a été nomméCIAS1 et code une protéine [32] appelée cryopyrine/PYPAF1/NALP3. La racine « cryo » fait référence au fait que des muta-tions de ce gène ont été trouvées dans l’urticaire familiale aufroid. Le domaine pyrine, aussi présent dans la protéine codéepar CIAS1, justifie l’emploi de la racine « pyros ». Plus de vingtmutations dans le gène CIAS1 sont actuellement connues etsont associées au syndrome de Muckle-Wells, à l’urticairefamiliale au froid et au syndrome CINCA [32-35]. La découverted’une mutation de CIAS1 permet d’affirmer le diagnostic évoquépar la clinique. Les données acquises depuis la découverte deCIAS1, qui a permis de réunir ces trois syndromes sous le nomde CAPS (CIAS1 associated periodic syndrome), montrent qu’ilexiste un continuum phénotypique et génotypique de ces troissyndromes. La forme la plus bénigne est le FCAS, et la forme laplus grave le CINCA. Certains malades ont des signes cliniquespartagés entre deux formes contiguës et certaines mutationségalement associées à des formes contiguës [35]. Au sein d’unemême famille, on peut observer aussi des phénotypesdifférents [36].

La protéine cryopyrine contient aussi, dans sa partieN-terminale, un domaine pyrine (PyD) de 90 acides aminés, undomaine appelé NACHT ou NBS (nucleotide binding site), impli-qué dans la liaison aux nucléotides et dans l’oligomérisation desprotéines et un domaine riche en répétition de leucine (leucinrich repeat, LRR). Les données actuelles impliquent la cryopyrine,tout comme la pyrine, dans la modulation de l’apoptosecellulaire et de la réponse inflammatoire. Comme pour lapyrine, l’essentiel reste à faire pour élucider les mécanismes dela maladie et définir le rôle physiologique de la cryopyrine.

Traitement

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ont peu d’effet. Lacolchicine a parfois un effet sur l’atteinte articulaire du syn-drome de Muckle-Wells. Son efficacité pour prévenir l’amylosen’est pas prouvée dans ces affections. Le recours à la corticothé-rapie est souvent nécessaire de façon intermittente ou continue,sans influencer le cours de la maladie. Plus récemment, uninhibiteur spécifique de l’IL1, l’anakinra, a montré une efficacitéspectaculaire sur les signes cliniques et sanguins de l’inflamma-tion, et sur la protéinurie secondaire à l’amylose, chez deuxmalades atteints de syndrome de Muckle-Wells [37]. L’anakinrasemble prometteur dans les autres formes de CAPS [38].

■ Démarche diagnostique

Le diagnostic précis d’une de ces quatre maladies est évoquésur l’origine ethnique, la nature des signes cliniques quiaccompagnent la fièvre au cours des accès (douleurs abdomina-les, articulaires, éruption, atteinte oculaire, adénopathies), lemode de transmission génétique récessif ou dominant, ensachant qu’une présentation sporadique n’est pas exception-nelle, et le diagnostic est confirmé par les données biochimiqueset génétiques. Ainsi, l’absence d’origine méditerranéenneélimine le diagnostic de FMF [6]. Les trois autres maladies sontprésentes dans toutes les populations. Les douleurs abdominalesfébriles restent le signe clinique le plus fréquent, et le plusbanal, qui doit faire évoquer le diagnostic de FMF. Les accèsdouloureux peuvent être négligés et la fièvre parfois modérée ;il est précieux de doser la protéine C réactive (CRP) et lespolynucléaires neutrophiles au cours d’un accès douloureux afin

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d’établir son caractère inflammatoire. Les deux jeux de critèrescliniques de diagnostic ont des indices informationnels médio-cres et c’est tout l’intérêt de la génétique de pouvoir préciser lediagnostic en présence de signes cliniques parfois frustes. Uneconduite à tenir en cas de suspicion de FMF est proposée dansla Figure 1. L’expérience acquise avec les autres maladies estplus modeste et ne permet pas de proposer un algorithmediagnostique précis. À titre d’exemple, la Figure 2 montre unarbre décisionnel de stratégie diagnostique chez l’enfant.Certains points peuvent toutefois être d’ores et déjà soulignés.La découverte d’une mutation du gène TNFRSF1A, associée auTRAPS, est exceptionnelle, mis à part les polymorphismes R92Qet P46L de signification discutée, en l’absence de caractèrefamilial dominant. Il en va différemment pour le diagnostic desaffections liées à CIAS1, en raison de la fréquence des néomu-tations. Pour ce groupe, la suspicion clinique requiert laprésence d’une urticaire, constante, et d’au moins un des signescliniques suivants : surdité pour le syndrome de Muckle-Wells,sensibilité au froid pour l’urticaire familiale au froid. Lediagnostic de CINCA se pose en présence d’un érythèmenéonatal rapidement suivi des signes articulaires, neurologiqueset de la dysmorphie faciale caractéristique. Le début du syn-drome d’hyperIgD est toujours dans l’enfance, le plus souventdans les 2 premières années de vie, et la présence d’uneélévation des IgD, même si elle n’est ni spécifique, ni parfaite-ment sensible, peut jouer un rôle d’orientation diagnostique.Toutefois, chez l’enfant, l’élévation des IgD manque le plussouvent. Le diagnostic d’une fièvre récurrente peut être difficile

au début, en particulier chez l’enfant, car les signes focauxévocateurs peuvent manquer ou être fugaces. Le diagnostic desyndrome de Marshall ou syndrome PFAPA (fièvre périodique,aphtes, pharyngite et adénopathies) est souvent évoqué, mais sadéfinition est purement clinique et lorsqu’on fait cette hypo-thèse diagnostique, celui de fièvre héréditaire devrait êtreévoqué, notamment le syndrome d’hyperIgD (Tableau 3). Untravail récent regroupant des enfants et des adultes suggèrequ’en présence d’une suspicion de fièvre récurrente héréditaire,l’analyse clinique est pertinente dans le choix du gène à tester(au maximum de deux gènes) et qu’en l’absence de mutationdétectée dans cette première phase, il est inutile de rechercherdes mutations dans les gènes responsables de syndromesauto-inflammatoires [39].

■ Amylose

L’amylose des fièvres récurrentes héréditaires est une amyloseinflammatoire. Le rein en est le principal organe cible, les autresorganes atteints préférentiellement sont le tube digestif, lathyroïde et le cœur. La cardiopathie est toutefois rare, ets’observe essentiellement chez les patients dont l’amyloseévolue depuis longtemps. Les dépôts amyloïdes sont formés dela protéine AA (d’où vient le nom d’amylose AA), qui dérive parclivage protéolytique de la protéine serum amyloid A (SAA), dontla concentration sérique est multipliée par un facteur de 10 à1 000 au cours de la réaction inflammatoire. Toutes les variétésde fièvre héréditaire s’accompagnent d’une réaction inflamma-toire majeure pendant les accès avec élévation de la SAA sériqueet de la CRP. L’essentiel des données actuelles sur les facteurs desusceptibilité à l’amylose au cours des fièvres récurrenteshéréditaires provient des études concernant l’amylose de laFMF [40]. Tous les malades atteints de FMF ne développent pasd’amylose. Si la survenue d’une amylose est globalementdépendante de la durée et de l’intensité de la réaction inflam-matoire, il est bien établi depuis de nombreuses années que laprévalence de l’amylose est variable suivant les groupes ethni-ques. Ces données ont suggéré que des facteurs génétiques et/ouenvironnementaux participent à la survenue de l’amylose dansla FMF. Plusieurs facteurs génétiques ont été identifiés : le sexe,le génotype MEFV et le génotype du gène SAA1 qui code un desvariants circulants de la protéine SAA. Dans l’ère qui a précédél’introduction de la colchicine, on savait déjà que l’amyloseétait absente chez les Arméniens vivant en Californie, alors quesa prévalence était de l’ordre de 25 % chez les Arméniens vivantdans le Caucase. En l’absence d’étude génétique de ces deuxpopulations, il n’est pas possible de conclure à la nature dufacteur en cause, génétique ou environnemental, dans cettedifférence. L’amylose peut compliquer les autres variétés defièvres héréditaires. Son incidence est mal connue en dehors dela FMF. Au cours du TRAPS, la survenue de l’amylose pourraitêtre associée aux formes les plus graves, qui sont plus fréquentesen cas de mutation portant sur une cystéine. Plus récemment,certains malades atteints du syndrome d’hyperIgD ont déve-loppé une amylose AA [41]. Le diagnostic de fièvre héréditairedoit être évoqué chez tout malade atteint d’une amylose AAsans maladie inflammatoire clairement définie.

■ Conclusion

Les différentes formes de fièvres héréditaires sont maintenantmieux identifiées et diagnostiquées. L’analyse clinique précisepermet d’orienter avec discernement les recherches génétiqueset d’obtenir un diagnostic précis, y compris chez l’enfant. Undiagnostic précis n’est pas seulement nosologique, il estnécessaire pour une prise en charge appropriée de ces affections,car leurs traitements sont différents.

Fièvre récurrente chez un maladed'origine méditerranéenne

Critères de Tel Hashomer/critères de Livneh

Génétique MEFV

2 mutations

FMF

Colchicine

Test à lacolchicine

Autre fièvrerécurrente

Test à lacolchicine

1 mutation

Positif

FMF

Positif

FMF-like ?

Négatif

0 mutation

Oui Non

Figure 1. Arbre décisionnel. Les jeux de critères cliniques pour lediagnostic de fièvre méditerranéenne familiale (FMF) sont médiocres et nepermettent pas de poser un diagnostic de certitude. Celui-là fait appel à lagénétique. En présence de signes cliniques, l’existence de deux mutationsdans le gène MEFV (MEditerranean FeVer) permet de porter le diagnosticde certitude de FMF. Dans les autres cas, la clinique prime, et en particulierle traitement d’épreuve par colchicine, qui doit être interprété avecprécaution, garde sa place là où la génétique trouve ses limites.

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Fièvre récurrenteCritères cliniques de PFAPA

Élevée

Positive

PositivePositive

CAPS

Négative

Fièvre récurrente inexpliquée

Négative

HIDS

TRAPS

Génétique TNFRSF1AGénétique CIAS1

Dosage MVKGénétique MVK

Éruption cutanée ? Rythme circadien ?Autres caractères du CAPS ?

Œdème orbitaire, myalgies, éruptioncutanée ? Autres caractères du TRAPS ?

Normale

PFAPA

Poussées provoquéespar les vaccinations ? Autres caractères du HIDS ? Mévalonaturie pendant les accès

Non

Non

Oui

Oui

Oui Non

Figure 2. Arbre décisionnel. Chez un malade d’origine non méditerranéenne, la fièvre méditerranéenne familiale (FMF) n’existe quasiment pas, et lediagnostic d’une fièvre récurrente doit être guidé par les signes cliniques. L’arbre décisionnel présenté montre surtout que le diagnostic doit être guidé par lessignes cliniques. Si le premier gène testé n’est pas le bon, les chances de trouver une mutation dans un deuxième gène sont très faibles. Le diagnostic de fièvrepériodique, aphtes, pharyngite et adénopathies (PFAPA) nécessite d’éliminer une acidurie mévalonique. TNF : tumor necrosis factor ; TNFRSF1A : TNF receptorsuperfamily 1A ; TRAPS : TNFRSF1A associated periodic syndrome; CAPS : CIAS1 associated periodic syndrome ; HIDS : hyperimmunoglobulinemia D periodic feversyndrome ; MVK : mévalonate kinase.

Tableau 3.Critères cliniques de syndrome de Marshall.

I. Fièvre récurrente périodique avec un âge de début précoce (moins de5 ans)

II. Présence d’au moins un des trois signes suivants, en l’absence detoute atteinte des voies respiratoires supérieures :

• stomatite aphteuse

• adénopathies cervicales

• pharyngite

III. Présence de marqueurs d’inflammation pendant les accès

IV. Exclusion d’une neutropénie cyclique, ainsi que des autres maladiespouvant expliquer une fièvre récurrente

V. Enfant totalement asymptomatique en dehors des accès

VI. Développement psychomoteur et croissance normale

“ Points forts

• Les causes de fièvres récurrentes sont très nombreuses.Les formes génétiques apparaissent comme un sous-groupe étiologique rare, mais crucial à reconnaître. Lediagnostic repose sur la population d’origine, le mode detransmission génétique et la nature des signes cliniques.• La FMF est une maladie fréquente dans les populationsdu Bassin méditerranéen. Elle reste méconnue, alors que lacolchicine en est un traitement simple et d’efficacité trèsremarquable.• Les formes sporadiques sont possibles, particulièrementpour les maladies de transmission récessive, et au sein desformes dominantes pour le syndrome CINCA.

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“ À retenir

• Fièvre récurrente et douleurs abdominales chez unmalade d’origine méditerranéenne = FMF.• Fièvre récurrente, douleurs abdominales, myalgies etrash = TRAPS.• Fièvre récurrente, douleurs abdominales, adénopathiescervicales douloureuses et rash = HIDS.• Urticaire récidivante et surdité = Muckle-Wells.• Urticaire récidivante induite de façon retardée par lefroid = FCAS.• Érythème subintrant à début néonatal = CINCA.

.

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Histiocytoses langerhansiennes

C. Veyssier-Belot

Les histiocytoses langerhansiennes résultent de la prolifération clonale d’histiocytes ayant lescaractéristiques des cellules de Langerhans immatures. Ces cellules sont alors présentes dans différentsorganes et responsables des différentes formes cliniques de la maladie, de type localisée oumultisystémique. Ces maladies sont rares, de forme surtout pédiatrique. Les formes localisées sont le plussouvent de bon pronostic malgré le risque de certaines séquelles de type auditif, stomatologique, osseuxou d’un diabète insipide. Les formes multisystémiques sont de pronostic réservé. Le traitement des formesdisséminées relève de centres spécialisés. La centralisation des informations concernant cette maladierare a permis de réaliser des protocoles thérapeutiques qui améliorent la survie.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Histiocytoses ; Cellules de Langerhans

Plan

¶ Introduction 1

¶ Histiocytes et cellules de Langerhans 1

¶ Histiocytoses langerhansiennes : fréquence,classification, causes 2

¶ Signes cliniques, biologiques et radiologiques 2

¶ Critères diagnostiques 3

¶ Formes cliniques 3

¶ Évolution, pronostic et séquelles 4

¶ Traitements 4

¶ Rôle du médecin généraliste 4Pour le diagnostic 4Pour le suivi 4

¶ Conclusion 5

■ IntroductionLes histiocytoses langerhansiennes sont des maladies rares qui

touchent le jeune enfant et parfois l’adulte. Elles résultent de laprolifération clonale d’histiocytes. Leurs manifestations clini-ques sont très diverses selon la forme de la maladie, localisée àdiffuse, limitée à un organe (monosystémique) ou étendue àplusieurs organes. Le diagnostic définitif repose sur l’étudehistologique des lésions qui ont été prélevées, et sur le faisceaudes arguments cliniques, biologiques et radiologiques qui ontmotivé ces prélèvements histologiques. Les résultats permettentla classification de la maladie, le recours à des avis spécialisés etla décision thérapeutique qui peut aller de l’abstention théra-peutique à l’allogreffe.

■ Histiocytes et cellulesde Langerhans

L’histiocyte (Fig. 1), cellule issue de la moelle osseuse,correspond à un macrophage présent à l’état quiescent dans letissu conjonctif. Cette cellule dérive du monocyte sanguin etgagne le tissu conjonctif après la traversée de la paroi vasculairepar diapédèse. Elle s’établit dans différents organes et sous l’effetde différentes cytokines, elle peut être activée et présenter alorsdes fonctions de phagocytose et de présentation antigénique.Les histiocytes activés, suivant leur localisation tissulaire, sontles macrophages du foie (cellules de Küppfer), du poumon(macrophages alvéolaires), de l’os (ostéoclastes), etc. La prolifé-ration maligne de ces histiocytes est connue sous le nom de

Figure 1. Muqueuse gingivale normale. Cellules de Langerhans : im-munomarquage par un anticorps anti-CD1a.

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leucémie myélomonocytaire aiguë ou chronique. En cas deprolifération avec activité phagocytaire, on parle de syndromed’activation macrophagique.

Les cellules de Langerhans sont des cellules appartenant à lafamille des cellules dendritiques qui sont localisées dans lesépithélia des muqueuses buccale, anale, bronchique, du thymuset de la zone corticale des ganglions. Ce sont des cellules quidérivent aussi des monocytes sanguins puis migrent vers lesépithélia afin de jouer le rôle de cellules « sentinelles » del’organisme. Au sein de l’épithélium, ces cellules vont interna-liser l’antigène puis migrer vers la zone T paracorticale desganglions lymphatiques où s’effectue la présentation antigéni-que aux lymphocytes T. Les cellules de Langerhans présententdes caractéristiques morphologiques (dendrites) (Fig. 1), phéno-typiques (expression de l’antigène membranaire CD1a et demolécules human leukocyte antigen [HLA] de classe II) et ultra-structurales (granules de Birbeck intracytoplasmiques observésau microscope électronique à transmission [1, 2]).

L’histiocytose langerhansienne est caractérisée par la présenceau sein de biopsies tumorales d’histiocytes présentant descaractéristiques de la cellule de Langerhans (antigène CD1a etgranules de Birbeck). Les anatomopathologistes parlent aussi delésions granulomateuses à cellules de Langerhans, car cescellules siègent parfois au sein d’un granulome d’aspectinflammatoire.

■ Histiocytoses langerhansiennes :fréquence, classification, causes

Les histiocytoses sont des maladies rares de l’enfant et del’adulte jeune, touchant un peu plus souvent l’homme que lafemme [3]. L’incidence chez l’enfant est d’un pour 200 000,tandis que leur prévalence et leur incidence sont inconnueschez l’adulte. Trois formes cliniques ont été décrites initiale-ment : une forme unifocale, touchant surtout l’os, appeléegranulome éosinophile, une forme multifocale d’évolutionchronique rassemblant des localisations osseuses crâniennes, undiabète insipide et une exophtalmie appelée maladie de Hand-Schüller-Christian et une forme multifocale de pronosticredoutable appelée maladie de Letterer-Siwe. Des similitudesphénotypiques et ultrastructurales entre les cellules de Lange-rhans et les cellules tumorales provenant de ces trois formes demaladies ont conduit à abandonner le nom d’histiocytose X auprofit de celui d’histiocytose langerhansienne (Fig. 2). Cetteterminologie comportant les trois formes cliniques est actuelle-ment moins utilisée. On décrit désormais cette maladie selonqu’elle est localisée (un seul organe atteint) ou disséminée (deuxorganes atteints ou plus) [4].

Parmi les causes possibles de ces maladies, une proliférationréactionnelle en réponse à un antigène ou à une infection viralea été supposée, mais le virus ou l’antigène en cause n’ont pasété mis en évidence jusqu’à présent. Aucun argument ne permetde suspecter une maladie génétique (pas d’association connueavec un groupe HLA et très peu de cas familiaux décrits). En

revanche, les histiocytoses langerhansiennes sont dues à uneprolifération clonale de cellules de Langerhans immatures [5].On note aussi un raccourcissement des télomères des cellules deLangerhans des histiocytoses langerhansiennes par rapport auxcellules de Langerhans réactionnelles bénignes [6]. Ce raccour-cissement des télomères (qui sont des complexes nucléoprotéi-ques qui protègent l’extrémité des chromososmes) s’observeaussi dans les lésions cancéreuses et dysplasiques. Ces anomalies(prolifération clonale, télomères raccourcis) ne signifient pasforcément qu’il s’agit d’une prolifération maligne, mais justi-fient l’utilisation de la chimiothérapie et de la radiothérapiedans le traitement de certaines formes d’histiocytoseslangerhansiennes.

■ Signes cliniques, biologiqueset radiologiques

On distingue les formes monosystémiques des formes dissé-minées (multisystémiques) (Tableau 1).

Dans les formes limitées à un organe, on précise si l’atteinteest monofocale ou multifocale. Cette description s’applique enparticulier à l’atteinte osseuse [7]. En cas d’atteinte systémique,les formes de mauvais pronostic sont celles comportantl’atteinte de certains organes : foie, rate, poumons, moelleosseuse.

Les atteintes localisées comportent surtout les atteintesosseuses, cutanées, pulmonaires, ganglionnaires ou parfois undiabète insipide isolé.

Parmi les formes localisées, les localisations osseuses sont lesplus fréquentes. Elles consistent en une atteinte des os plats et

Granulomeéosinophile

(Hand, 1893)

Maladie deLetterer-Siwe(1924/1933)

Maladie deHand-Schüller-Christian

(1893/1915/1920)

Histiocytoses X(Lichtenstein, 1959)

Histiocytoseslangerhansiennes

(Histiocyte Society, 1987)

Figure 2. Nomenclature des histiocytoses.

Tableau 1.Classification des différentes formes d’histiocytose langerhansienne [4].

Maladiene touchantqu’un seul organe

Unifocale Maladie osseuse isolée unifocale

Localisation cutanée isolée

Localisation ganglionnaire isolée

Multifocale Localisations osseuses multifocales

Localisations cutanées disséminées

Adénopathies multiples

Maladiedisséminée

Risquemodéré

Maladie disséminée (au moins deuxorganes atteints) sans atteinte médul-laire, splénique, hépatique, pulmo-naire, ganglionnaire ou pulmonaire

Risque élevé Maladie disséminée (au moins deuxorganes atteints) comprenant uneatteinte médullaire, splénique, hépa-tique, pulmonaire, ganglionnaire oupulmonaire

“ Points essentiels

Signes cliniques• Douleurs osseuses par atteinte des os plats.• Tuméfaction osseuse, fracture.• Complications dentaires, auditives.• Exophtalmie.• Diabète insipide.• Atteinte pulmonaire asymptomatique (radiologique),douleurs thoraciques, dyspnée, pneumothorax.• Atteinte cutanée (éruption maculeuse ou papuleuse) etmuqueuse.• Adénopathies.• Hépatosplénomégalie.• Pancytopénie.

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médians (os du bassin, côtes, mandibule, maxillaire, mastoïde,vertèbres) ou plus rarement des os longs, qui se manifeste pardes douleurs osseuses, l’apparition d’une tuméfaction ou lasurvenue d’une fracture. La radiographie montre une lacuneosseuse sans aucune densification périphérique. La radiographiecomplète du squelette permet parfois de découvrir d’autreslésions asymptomatiques, la maladie étant alors limitée ausquelette mais multifocale.

Satellites des localisations osseuses du crâne, des atteintes del’audition, des complications dentaires ou une exophtalmiepeuvent survenir. Des otites répétées peuvent ainsi compliquerune atteinte mastoïdienne ou de l’os temporal et évoluer versune surdité. Une atteinte mandibulaire, plus fréquente que celledu maxillaire, peut provoquer chez l’enfant des troubles de lacroissance des maxillaires et/ou une mobilité dentaire anormale.Chez l’adulte, il peut exister une mobilité anormale d’une ou deplusieurs dents, une expulsion spontanée des organes dentairesou une fracture spontanée de la mandibule. Par ailleurs, unetuméfaction gingivale ou une ulcération muqueuse peuventapparaître, résultant de l’extension du granulome aux tissusmous avoisinants [3]. Une exophtalmie volontiers bilatérale maisparfois asymétrique peut apparaître à la suite à l’infiltration desos orbitaires ou de la cavité orbitaire. Cette exophtalmie peut secompliquer de cécité par compression du nerf optique.

Parmi les localisations isolées, on note aussi la survenue d’undiabète insipide secondaire à une infiltration hypothalamiqueou posthypophysaire. Le diabète insipide s’accompagne parfoisd’un déficit d’une ou de plusieurs hormones antéhypophysaires,qui se manifeste par une aménorrhée, une hypothyroïdie ou destroubles de la croissance générale.

L’atteinte cutanéomuqueuse est fréquente. Présente chez untiers environ des patients ayant une atteinte osseuse multifocale,elle peut aussi exister de manière isolée et poser des problèmesde diagnostic différentiel : une éruption maculeuse rouged’aspect séborrhéique parfois similaire à l’eczéma a été rappor-tée, et des ulcérations persistantes périorificielles (anale etvulvaire), buccales ou axillaires de diagnostic et de traitementdifficiles ont été décrites chez l’adulte. Au cours de la formedisséminée de la maladie, l’atteinte cutanée consiste en uneéruption étendue papuleuse de couleur jaune orangé ou brunepréférentiellement située sur le tronc, le visage et le cuirchevelu.

L’atteinte pulmonaire isolée est une localisation classique del’histiocytose langerhansienne localisée de l’adulte jeune,masculin et fumeur le plus souvent (cf. infra).

L’atteinte ganglionnaire est le plus souvent inguinale oucervicale, satellite d’une ulcération cutanée périnéale ou d’unelésion de la muqueuse buccale.

Au cours de ces formes cliniques, l’examen recherche descomplications osseuses ou infiltratives localisées au massif facialen particulier, ainsi que des signes pour un diabète insipide oudes lésions cutanées.

Les atteintes disséminées sont les plus rares (10 % des cas) etles plus graves. Les organes cibles sont alors le foie, la rate, lamoelle osseuse et une atteinte pulmonaire diffuse.

Au cours de ces formes cliniques, l’examen recherche unehépatomégalie, une splénomégalie, des adénopathies, uneauscultation pulmonaire anormale, et une altération de l’étatgénéral. L’atteinte cutanée étendue est alors présente dans 80 %des cas. Ces formes touchent surtout l’enfant de moins de2 ans.

Il n’existe aucune anomalie biologique spécifique. Dans lesformes graves, on note une pancytopénie par infiltrationmédullaire, une cytolyse hépatique avec parfois des critèresd’insuffisance hépatocellulaire, des signes de défaillancemultiviscérale (acidose métabolique, insuffisance rénale).

La fréquence relative des différentes manifestations cliniquestelle qu’elle a pu être évaluée par une étude rétrospective sur10 ans des cas d’histiocytoses pédiatriques en France estrapportée dans le Tableau 2 [3].

Les principaux examens permettant d’évaluer l’extension dela maladie sont rapportés en encadré.

■ Critères diagnostiquesLe diagnostic est évoqué devant certains signes cliniques

(Tableau 2). La confirmation du diagnostic nécessite une biopsiequi met en évidence des histiocytes ayant des caractéristiquesspécifiques aux cellules de Langerhans, qu’elles soient morpho-logiques (cellules dendritiques), membranaires (expression del’antigène CD1a) ou intracytoplasmiques (présence de granulesde Birbeck) (Tableau 3).

■ Formes cliniquesLe granulome éosinophile désigne une lésion osseuse lytique

isolée qui peut ne pas évoluer davantage ou au contraires’accompagner d’autres lésions osseuses, cutanéomuqueuses oudentaires.

Tableau 2.Signes cliniques : série pédiatrique de 348 patients [3].

Atteinteinitiale (%)

Atteinte au coursde la maladie (%)

Os 40 40

Nez, bouche, oreille, mastoïde 13 15

Peau 36 39

Insuffisance hépatique 5 5

Insuffisance médullaire 6 6

Atteinte pulmonaire 9,5 12,5

Insuffisance respiratoire 4 4

Adénopathies 8,5 11

Atteinte neurologique 4 6

Diabète insipide 10 16

Tableau 3.Critères diagnostiques [2].

Diagnostic probable Signes cliniques compatibles avec le diagnosticd’histiocytose langerhansienne

À partir du résultat des biopsies (cutanée, os-seuse), examen en microscopie optique mon-trant des cellules qui présentent les caractéris-tiques morphologiques de la cellule deLangerhans

Diagnostic certain Immunomarquage positif pour l’antigène demembrane CD1a

et/ou

Examen en microscopie électronique mon-trant la présence de granules de Birbeck intra-cytoplasmiques

“ Point fort

Bilan d’extension• Radiographie thoracique ou scanner thoracique.• Radiographie du squelette complet.• Bilan biologique : numération formule sanguine, bilanhépatique, hémostase.• Échographie abdominale ou scanner abdominal.• Consultation d’oto-rhino-laryngologie, de stomato-logie, d’ophtalmologie.• Épreuves fonctionnelles respiratoires.• Éventuellement, lavage bronchoalvéolaire, endoscopiedigestive, biopsie médullaire, recherche d’un diabèteinsipide, scanner orbitaire, imagerie par résonancemagnétique cérébrale.

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La maladie dite de Hand-Schüller-Christian associe uneexophtalmie bilatérale, un diabète insipide et des lésionsosseuses lytiques du crâne. Elle représente une forme d’histio-cytose multifocale d’évolution chronique. Cette seule triadeclinique n’est en fait présente que chez 30 % des patientspuisqu’il existe fréquemment des lésions supplémentairescutanées, dentaires et de la sphère oto-rhino-laryngologiqueassociées.

La maladie dite de Letterer-Siwe survient le plus souvent chezle nourrisson et le petit enfant. Cette maladie, d’évolutionrapidement fatale, associe des lésions cutanées diffuses, unehépatosplénomégalie et une insuffisance médullaire, parfoisassociée à une insuffisance hépatique et/ou pulmonaire [3, 4].

L’histiocytose pulmonaire est une forme d’histiocytose décritechez l’adulte jeune, caucasien, fumeur dans 95 % des cas [4]. Elleest asymptomatique dans 20 % des cas environ. Elle peut aussise traduire par une fatigue avec essoufflement à l’effort ou parla survenue spontanée d’un pneumothorax. Cette maladie peutaussi être asymptomatique et découverte fortuitement devantdes anomalies radiologiques telles qu’un syndrome interstitiel etdes opacités nodulaires multiples de taille variable (de quelquesmillimètres à 1 cm), dont certaines apparaissent excavées. Laradiographie pulmonaire peut également montrer parfois unaspect réticulé qui témoigne de l’évolution fibrosante de lamaladie, dont l’évolution extrême donne l’image dite en« rayon de miel ». Le scanner thoracique en coupes fines est unélément important du diagnostic et montre des nodules pleinsou excavés d’aspect spiculé et la présence de kystes dontl’étendue fait toute la gravité de la maladie. Le scanner suffitpour certains à affirmer le diagnostic dans un contexte cliniqueévocateur, tandis que d’autres préconisent un lavage broncho-alvéolaire et/ou des biopsies L’évolution est imprévisible, allantde la régression spontanée et complète des lésions à la fibrosepulmonaire étendue avec insuffisance respiratoire terminale.Aucun traitement n’a fait la preuve de son efficacité. L’arrêt dutabac est recommandé mais il n’est pas non plus prouvé queson arrêt influence l’évolution de la maladie.

■ Évolution, pronostic et séquellesL’évolution de la maladie localisée est le plus souvent

imprévisible. Des guérisons spontanées sont possibles. Desséquelles sont à redouter [8].

Le mauvais pronostic à court et moyen termes est lié àl’extension de la maladie. Les formes les plus graves sontmultiviscérales. Elles surviennent le plus souvent avant l’âge de2 ans (mais l’âge jeune lui-même n’est pas un critère de gravité).La menace sur le pronostic vital repose plus sur la détériorationde la fonction d’un organe (insuffisance hépatocellulaire,insuffisance respiratoire, pancytopénie et ses complications) quesur le nombre d’organes atteints. À long terme, le pronostic

dépend essentiellement des séquelles laissées par la maladie oupar son traitement [9, 10]. Les patients ont parfois une otitechronique, voire une surdité, des problèmes dentaires, destroubles de croissance ou un diabète insipide. Les séquellespeuvent aussi être dues à la fibrose résiduelle pulmonaire(insuffisance respiratoire) [8]. Par ailleurs, chez les patients quisurvivent plus longtemps, certaines atteintes particulièrespeuvent survenir comme un syndrome cérébelleux invalidantou une cholangite sclérosante. On estime que 70 % des patientsavec une forme multisystémique ont des séquelles contre 25 %des patients ayant une forme monosystémique [4].

■ TraitementsLes traitements sont aussi divers que les formes cliniques de

la maladie. Ils relèvent d’un avis spécialisé. Ils comportent desoptions variées, allant de l’abstention thérapeutique avecsurveillance à la polychimiothérapie, parfois suivie d’allogreffe.

En cas de lésion osseuse limitée, on propose une surveillanceou un traitement local chirurgical de curetage-excision oud’injection locale de corticoïdes. Des lésions osseuses multifoca-les douloureuses peuvent se traiter par corticothérapie généraleou chimiothérapie (vinblastine).

En cas de lésion cutanée, un traitement corticoïde local oul’application de préparations à base de moutardes azotées (encas de lésions étendues) sont proposés. Une PUVAthérapie estparfois efficace.

Les atteintes ganglionnaires localisées sont traitées parrésection chirurgicale ou corticothérapie par voie générale.

En cas de maladie multifocale, le traitement repose surl’association de plusieurs molécules suivant des protocoles detraitement établis de façon internationale compte tenu de larareté de la maladie [11]. Une réponse favorable de la maladie àun traitement intensif de courte durée de 6 semaines est ungage de meilleur pronostic des formes disséminées [11]. Leschimiothérapies comportent la vinblastine, la 6 mercaptopurine,parfois le méthotrexate et une corticothérapie générale. Dans20 % des cas environ, le patient présente une forme multisys-témique de mauvais pronostic car résistant aux traitements etune allogreffe peut être proposée [4].

■ Rôle du médecin généraliste

Pour le diagnosticSans perdre de vue la rareté de ces maladies, il faut savoir les

évoquer devant certaines situations cliniques comme la surve-nue d’un pneumothorax spontané, une otite traînante etrécidivante, des lésions cutanées atypiques. L’histiocytose estaussi un diagnostic à suspecter devant une lacune osseuse ou unsyndrome interstitiel pulmonaire inexpliqués.

Pour le suiviLes guérisons spontanées ou après traitement existent, mais il

est nécessaire de rester vigilant car une récidive de la maladie

“ Points essentiels

Formes cliniques• Disparition de l’appellation « histiocytose X » au profitde « histiocytose langerhansienne ».• Forme clinique de lésion osseuse lytique isolée :granulome éosinophile.• Forme clinique de l’atteinte pulmonaire isolée :histiocytose pulmonaire.• Forme clinique chronique d’atteinte céphalique(associant diabète insipide, exophtalmie et lésions lytiquesdu crâne) (ancienne maladie de Hand-Schüller-Christian).• Forme clinique aiguë multifocale et multisystémique(ancienne maladie de Letterer-Siwe).

“ Points essentiels

Traitements• Forme localisée (cutanée, muqueuse, osseuse,ganglionnaire) : traitement local.• Forme généralisée : traitement général (polychimio-thérapie).• Séquelles à traiter : diabète insipide en premier lieu,séquelles osseuses.

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est toujours possible. En cas de séquelles, le traitement au longcours le plus fréquent est l’hormone antidiurétique nécessaire autraitement du diabète insipide. Dans le cas de l’histiocytosepulmonaire, une aide au sevrage tabagique est très souventnécessaire. Dans le cas plus difficile de maladie multifocale, lespatients sont exposés aux complications du traitement parcorticoïdes et de la chimiothérapie. Il faut garder en mémoireque le risque théorique de leucémie secondaire de 2 % à 5 %après certains traitements (par étoposide) justifie une sur-veillance prolongée des patients.

■ ConclusionLes histiocytoses langerhansiennes regroupent des maladies

très hétérogènes dans leurs manifestations cliniques, leurévolution et leurs traitements. Certains signes cliniques commela survenue d’un pneumothorax spontané ou une mobilitédentaire récente chez un patient jeune peuvent sembler banalsmais doivent faire évoquer le diagnostic. Les traitements sontaussi variés que les formes cliniques, allant de l’abstentionthérapeutique à la greffe de moelle. Les séquelles sont fréquen-tes. Une surveillance prolongée est rendue nécessaire par lerisque de récidive, par l’apparition possible d’effets secondairesdes traitements et par la prise en charge des séquelles de lamaladie.

■ Références[1] Schmitt D, Dezutter-Dambuyant C, Staquet MJ, Thivolet J. La cellule

de Langerhans. Cellule dendritique de l’épiderme et des muqueuses.Med Sci (Paris) 1989;5:103-11.

[2] Geissmann F, Émile JF, Donadieu J, Andry P, Thomas C, Brousse N.Aspects cliniques et physiopathologiques de l’histiocytoselangerhansienne. Une prolifération clonale de cellules dendritiques deLangerhans. Hématologie 1997;3:33-44.

[3] The French Langerhans’cell Study Group. A multicenter retrospectivesurvey of Langerhans’cell histiocytosis: 348 cases observed between1983 and 1993. Arch Dis Child 1996;75:17-24.

[4] Chang KL, Snyder DS. Langerhans cell histiocytosis. Cancer Treat Res2008;142:383-98.

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[6] Bechan GI, MeekerAK, De MarzoAM, Racke F, Jaffe R, Sugar E, et al.Telomere length shortening in Langerhans cell histiocytosis. BrJ Haematol 2008;140:420-8.

[7] Kilpatrick SE, Wenger DE, Gilchrist GS, Shives TC, Wollan PC,Unni KK. Langerhans’cell histiocytosis (histiocytosis X) of bone. Aclinicopathologic analysis of 263 pediatric and adult cases. Cancer1995;76:2471-84.

[8] Willis B, Ablin A, Weinberg V, Zoger S, Wara WM, Matthay KK.Disease course and late sequelae of Langerhans’cell histiocytosis:25-year experience at the University of California, San Francisco.J Clin Oncol 1996;14:2073-82.

[9] Imashuku S, Shioda Y, Kobayashi R, Hosoi G, Fujino H, Seto S, et al.The Japan LCH group. Neurodegenerative central nervous systemdisease as a late sequelae of Langerhans cell histiocytosis. Report fromthe Japan LCH study group. Haematologica 2008;93:615-8.

[10] Lau LM, Stuurman K, Weitzman S. Skeletal Langerhans cellhistiocytosis in children: permanent consequences and health-relatedquality of life in long-term survivors. Pediatr Blood Cancer 2008;50:607-12.

[11] Gadner H, Grois N, Potschger U, Minkov M, Arico M, Braier J, et al.Improved outcome in multisystem Langerhans cell histiocytosis isassociated with therapy intensification. Blood 2008;111:2556-62.

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Page 87: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Fibroses systémiques

C. Chapelon-Abric

Les fibroses systémiques sont des affections de topographies diverses, qui ont en commun une mêmeévolution dans le temps avec une phase inflammatoire, puis fibroblastique, puis scléreuse. Les plusfréquentes sont les fibroses rétropéritonéales, la panniculite mésentérique et la mésentérite rétractile, lesfibroses médiastinales et les thyroïdites de Riedel. Toutes ces fibroses peuvent s’associer entre elles.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Fibroses systémiques ; Fibroses rétropéritonéales ; Médiastinite ; Panniculite mésentérique ;Recherche d’une néoplasie

Plan

¶ Fibroses rétropéritonéales 1Étiologie des FRP 1Clinique 1Conduite à tenir 2Indications principales du traitement chirurgical 2Indications du traitement médical 2

¶ Fibroses médiastinales 3Clinique 3Paraclinique 3Conduite à tenir 3

¶ Panniculites mésentériques et mésentérites rétractiles 3

¶ Thyroïdite de Riedel 3

■ Fibroses rétropéritonéalesLes fibroses rétropéritonéales (FRP) [1-3] représentent la

localisation la plus fréquente des fibroses systémiques. Cettepathologie rare, observée dans moins d’un cas pour 10 000, secaractérise par une transformation progressive du tissu rétropé-ritonéal en une nappe sclérofibreuse et rétractile, centrée sur lesgros vaisseaux. Elle s’étend des hiles rénaux au promontoire, oùelle prédomine (Fig. 1). Toutes les structures rétropéritonéales,abdominales, pelviennes et thoraciques peuvent être intéresséespar la fibrose.

Étiologie des FRPLes FRP relèvent de multiples causes. Les causes tumorales et

médicamenteuses (par réaction d’hypersensibilité ou par effetvasoconstricteur) doivent être recherchées systématiquement.Plus rarement, il peut s’agir d’une cause vasculaire, traumatique,inflammatoire (pathologie abdominopelvienne sous-jacente),infectieuse ou réactionnelle. Quand tout ceci a été éliminé, il estpossible de poser le diagnostic de FRP idiopathique, dontl’origine est probablement une réaction immunoallergique à laplaque d’athérome.

CliniqueLes FRP s’observent majoritairement chez les hommes, entre

40 et 60 ans [1].

Le stade initial se caractérise par une symptomatologiedouloureuse, associée à des signes généraux parfois extrême-ment sévères et des troubles digestifs non spécifiques. Lesdouleurs sont modérées, continues, uni- ou bilatérales, de siègeprincipalement abdominal, dorsal ou à la base des flancs. Ellespeuvent irradier vers la région périombilicale, les quadrantsabdominaux inférieurs, les cuisses. L’examen clinique est le plussouvent négatif ou révèle une masse abdominale indolore dansla région ombilicale ou hypogastrique, parfois pulsatile, devantfaire suspecter un anévrisme inflammatoire [2].

À un stade chronique, les signes résultent de l’extension dela fibrose. Ils sont dominés par les douleurs, les signes urinairesassociés à un syndrome inflammatoire biologique. Les douleurssont permanentes ou spastiques, associées à une dysurie, uneanurie permanente ou à éclipse. L’insuffisance rénale, présente

L1 L1

L2 L2

L3 L3

L4 L4

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Figure 1. Localisation de la fibrose rétropéritonéale.

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dans près de 50 % des cas, est à l’origine de nausées, d’anorexieet d’une hypertension artérielle. L’extension aux organes devoisinage entraîne des signes vasculaires, abdominaux, pelviensou thoraciques.

La FRP peut s’associer à de multiples pathologies, dontcertaines relèvent du même mécanisme fibrosant (fibrosemédiastinale, thyroïdite de Riedel, etc.), alors que d’autresaffections sont observées par association ou coïncidence,comme une granulomatose, une connectivite.

Examens paracliniquesUn syndrome inflammatoire est présent dans plus de 70 %

des cas, associé à une anémie normochrome normocytairesecondaire. L’insuffisance rénale s’associe parfois à une hématu-rie et/ou une protéinurie. Un dosage systématique des lactico-déshydrogénases (LDH), Ca 125, antigène carcinoembryonnaire(ACE) doit être réalisé afin d’éliminer une cause néoplasique.

Certains examens (urographie intraveineuse, urétéropyélogra-phie rétrograde, cavographie, artériographie) ne sont plusréalisés de première intention et ont été largement supplantéspar le scanner et/ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM)(Fig. 2). Ces examens précisent l’épaisseur de la fibrose, sonétendue et ses rapports avec les structures adjacentes. Ilsrecherchent une organomégalie, une masse abdominale oupelvienne. L’échographie et le scanner peuvent guider un gestebiopsique et permettent de suivre l’évolution sous traitement.L’IRM procure les mêmes renseignements, mais sans injectionde produit de contraste, élément important chez ces patientssouvent insuffisants rénaux. Cependant, ces examens nepermettent pas de différencier une FRP d’une localisationrétropéritonéale de la maladie d’Erdheim-Chester.

Des biopsies peuvent s’avérer nécessaires, soit guidées parl’échographie ou le scanner, soit réalisées lors d’une laparoscopie.Elles devraient être systématiques, mais en réalité la négativitédu bilan étiologique et l’évolution sous traitement permettentrétrospectivement de les éviter. En revanche, il ne doit persisteraucun doute quant à une cause tumorale (Tableau 1).

Conduite à tenirPoser le diagnostic de FRP impose de transférer le patient en

milieu hospitalier chirurgical (vasculaire ou urologique) oumédical. Cette affection, bénigne histologiquement (en dehorsdes coulées néoplasiques), est responsable d’un décès dans 15 %à 20 % des cas.

La décision thérapeutique est fonction :• des menaces que la FRP fait peser sur le pronostic vital et/ou

sur la vitalité d’un organe ;

• de la cause de la FRP (le traitement des FRP néoplasiquesrepose sur celui du cancer primitif : une FRP iatrogène peutrégresser à l’arrêt du traitement) ;

• de la présence de facteurs de mauvais pronostic (âge élevé etinsuffisance rénale).

Indications principales du traitementchirurgical• Anévrisme inflammatoire ;• insuffisance rénale rapidement évolutive, hydronéphrose

sévère ou sepsis ;• indication diagnostique avec exploration complète de la

cavité péritonéale et rétropéritonéale avec multiples biopsiesprofondes.

Indications du traitement médicalLa corticothérapie est efficace sur tous les signes cliniques et

le syndrome inflammatoire dans un délai de 7 à 10 jours. Lesconditions du succès sont :• une posologie initiale élevée (supérieure ou égale à 0,5 mg/kg/j) ;• une phase d’attaque de 4 à 6 semaines ;• une diminution lente pendant une durée minimale de

6 mois ;• une durée de la dose d’entretien de 5 mg/j pendant au moins

1 an.Les indications sont :

• des manifestations systémiques prédominantes sans compli-cations vasculaires ou urologiques sévères ;

• les formes urologiques sans altération de la fonction rénaleou sepsis ;

• en pré- et postopératoire d’un geste chirurgical, le plussouvent urologique ;

• en cas de contre-indication à la chirurgie ;• au cours de certaines fibroses médicamenteuses très inflam-

matoires.Des bolus de Solumédrol® peuvent précéder la corticothérapie

per os et, en cas d’échec, un autre immunosuppresseur peut êtreproposé.

La surveillance clinique, biologique, morphologique de cespatients doit être prolongée, des rechutes étant possibles très àdistance de la phase aiguë (10 à 12 ans).

En cas d’échec ou d’intolérance, d’autres immunosuppresseursont été tentés avec succès comme l’azathioprine, le cyclophos-phamide, le méthotrexate, le mycophénolate mofétil. Letamoxifène (par ses effets, entre autres, inhibiteurs sur lesfacteurs de croissance des fibroblastes) à raison de 20 mg/j peutêtre proposé, soit en monothérapie dans les formes peu sévères,soit associé à la corticothérapie en cas de corticodépendance oude corticorésistance.

Figure 2. Tomodensitométrie (TDM) d’une fibrose rétropéritonéale.

Tableau 1.Causes des fibroses rétropéritonéales.

Causesabdominopelviennes

Appendicite, iléite régionale, colite ulcé-reuse, diverticulite colique, ischémie mé-sentérique, rupture utérine

Extravasation de liquide Urines au cours d’urétérite ou de pyélo-néphrite, de chyle ou suc pancréatique

Produits étrangers Prothèses aorto-iliaques, formol au coursd’injection intravésicale, baryte, asbestose

Causes infectieuses Histoplasmose, tuberculose, syphilis, bru-cellose, infection fungique, schistoso-miase, actinomycose

Causes traumatiques Traumatisme externe et surtout chirurgical

Radiothérapie

Causes hémorragiques

Page 89: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

■ Fibroses médiastinalesLes fibroses médiastinales (FM) [1, 4] sont rares et représentent

moins de 10 % des masses médiastinales isolées. Elles siègentpréférentiellement dans le médiastin antérosupérieur. Leprocessus granulomateux, puis fibreux, peut entraîner uneobstruction vasculaire et/ou aérienne. La fibrose peut s’associerà une fibrose pulmonaire, à des ganglions médiastinaux. Lesmécanismes physiopathogéniques sont soit une réactiond’hypersensibilité retardée à une infection, soit une réactionimmunoallergique.

Les FM surviennent surtout chez les hommes jeunes. Il fautrechercher systématiquement une cause infectieuse (histoplas-mose en zone d’endémie et tuberculose principalement), unenéoplasie, une cause médicamenteuse. Dans de nombreux cas,la FM est idiopathique.

CliniqueUn syndrome cave supérieur révèle la fibrose dans 60 % des

cas, avec œdème cervicocéphallique, circulation collatérale,turgescence des jugulaires et céphalées. L’atteinte vasculairepulmonaire se traduit par des hémoptysies, une insuffisancecardiaque. L’atteinte trachéobronchique sténosante n’estsymptomatique que lorsque la trachée est obstruée de plus de75 %. La dysphagie par atteinte œsophagienne est rarementrévélatrice de fibrose.

ParacliniqueLa tomodensitométrie (TDM) et l’IRM sont les examens de

choix permettant de différencier les formes localisées calcifiéesdes formes diffuses. L’IRM renseigne sur la perméabilitévasculaire.

Conduite à tenirDans la majorité des cas, une intervention chirurgicale est

nécessaire, à but diagnostique et thérapeutique. La corticothé-rapie semble, au cours des FM, avoir peu d’intérêt. Quelques casde succès ont été rapportés avec le tamoxifène.

■ Panniculites mésentériqueset mésentérites rétractiles

Les fibroses mésentériques sont l’expression de lésionsinflammatoires et nécrotiques du mésentère, soit aiguës ousubaiguës (panniculite mésentérique), soit chroniques etcompliquées de fibrose (mésentérite rétractile) [1, 5]. Elless’observent surtout chez les hommes, âgés en moyenne de55 ans. Cette affection très rare entraîne des douleurs abdomi-nales souvent périombilicales, des troubles du transit associésfréquemment à un amaigrissement et à un état subfébrile. Lorsde l’examen, il existe une masse abdominale périombilicale sanscontours nets, non pulsatile.

Un syndrome inflammatoire est fréquent. Les explorationsdigestives révèlent une compression extrinsèque. Le scannerabdominal montre des masses, surtout à la racine du mésentère,bien limitées, hétérogènes, hypodenses. L’IRM fournit desrenseignements superposables et ne permet pas d’éviter lalaparotomie.

Après des poussées, l’évolution de la panniculite mésentéri-que est, en principe, spontanément favorablement. Une sur-veillance est nécessaire du fait de l’association possible avec unlymphome et de l’évolution vers la mésentérite rétractile.

La mésentérite rétractile survient chez des patients ayant unpassé de douleurs abdominales et de troubles du transit. Lessignes sont des douleurs violentes, iliaques, avec parfois untableau occlusif ou subocclusif révélateur. L’examen révèle uneou des masses molles, élastiques, mal délimitées et peu doulou-reuses, paraombilicales ou situées dans la fosse iliaque. Le transitdu grêle montre des anses rétrécies, dentelées, sténosées.L’échographie et le scanner notent des masses hétérogènes etrecherchent une FRP associée. En dehors de quelques succèsobtenus par la corticothérapie plus ou moins associée à de lacolchicine, l’évolution est le plus souvent défavorable. Lesépisodes occlusifs se succèdent, imposant des traitementssymptomatiques : résection d’anses occluses, antibiothérapie,mesures diététiques de l’entéropathie exsudative. Des succès ontété rapportés avec la progestérone et le tamoxifène.

■ Thyroïdite de RiedelCette thyroïdite fibreuse invasive [1, 6], extrêmement rare,

s’exprime essentiellement par une augmentation rapide duvolume de la thyroïde, souvent sur un goitre ancien. Lathyroïde devient très dure et adhérente aux structures adjacen-tes. Des signes de compression des organes de voisinage sontfréquents. Il n’existe, en principe, pas de syndrome inflamma-toire. Le bilan thyroïdien est, dans la majorité des cas, normal,mais une hypothyroïdie, et moins souvent une hyperthyroïdie,ont été décrites. Des anticorps antithyroïdiens sont observésdans près de 70 % des cas.

L’échographie montre une masse hypoéchogène qui s’étendaux structures adjacentes. Le scanner et l’IRM confirment lalésion et ses rapports. Cette thyroïdite s’associe fréquemmentavec une autre fibrose.

Le traitement chirurgical, souvent difficile du fait d’adhéren-ces, permet dans le même temps d’éliminer un cancer ou unlymphome. La corticothérapie a donné quelques résultatsintéressants.

■ Références[1] Chapelon-Abric C. Fibroses systémiques. In: Traité des maladies et

syndromes systémiques. Paris: Flammarion Médecine-Sciences; 2008.p. 1159-68.

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[4] Rossi SE, McAdams HP, Rosado-de-Christenson ML, Franks TJ,Galvin JR. Fibrosing mediastinitis. Radiographics 2001;21:737-57.

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[6] Moulik PK, Al-Jafari MS, Khaleeli AA. Steroid responsiveness in acase of Riedel’s thyroiditis and retroperitoneal fibrosis. Int J Clin Pract2004;58:312-5.

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Page 90: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Amyloses

K. Stankovic, M. Colombat, G. Grateau

Les amyloses forment un groupe de maladies définies par une accumulation dans l’espace extracellulaired’une substance pathologique dont on sait maintenant qu’elle correspond à la voie finale commune dumétabolisme anormal de certaines protéines. L’amylose, maladie de surcharge, est aussi une maladie durepliement des protéines conduisant à un agrégat où la conformation bêta prédomine. En présence d’uneamylose, une approche diagnostique rigoureuse et systématique est nécessaire pour établir son typeprécis : immunoglobulinique, inflammatoire, héréditaire, sénile ou localisée. Cette démarche repose sur laprise en compte des antécédents familiaux, l’analyse clinique et la nature des organes atteints, larecherche d’un composant monoclonal, l’étude histologique et immunohistochimique des dépôts, et lapratique de tests génétiques. La majorité des typages peut être réalisée par la plupart des centres. Pourune minorité des cas, un avis spécialisé est requis, et bénéficie de la présence des centres de références demaladies rares et des centres de compétence associés. La prise en charge des malades atteints d’amylosea considérablement évolué depuis quelques années. Longtemps privées de véritable traitement, la quasi-totalité des amyloses multisystémiques bénéficient maintenant de traitements plus efficaces et enconstante évolution. C’est notamment le cas de la plus fréquente, l’amylose immunoglobulinique, dont lepronostic s’est considérablement amélioré au cours de la dernière décennie.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Amyloses ; Diagnostic ; Rouge Congo ; Immunohistochimie ; Immunoglobuline

Plan

¶ Introduction 1

¶ Quand évoquer une amylose ? 1

¶ Comment l’affirmer ? 2Biopsie de glandes salivaires accessoires 2Biopsie rectale 2Aspiration de graisse sous-cutanée abdominale 3

¶ Quel est le type de l’amylose ? 3Contexte clinique 3Techniques de mise en évidence d’une immunoglobulinemonoclonale entière ou d’une chaîne légère kappa ou lambda 3Examen immunohistochimique des dépôts 3Analyse génétique 4Analyse protéomique 4

¶ Quelle est l’extension de l’amylose ? 4

¶ Grandes formes d’amyloses 4Amylose AL 4Amylose AA 5Amyloses héréditaires 5Amylose sénile 5Amyloses localisées 5

■ IntroductionLes amyloses forment un vaste groupe de maladies ayant en

commun la lésion élémentaire qui les définit : l’accumulation

dans l’espace extracellulaire d’une substance pathologique auxpropriétés tinctoriales spécifiques [1]. Longtemps réduite à deuxformes, primitive et secondaire, la classification des amyloses aété bouleversée par l’analyse biochimique qui a permis undémembrement de ses constituants et l’élaboration d’uneclassification biochimique [2]. On sait maintenant que l’amyloseest la voie finale commune du métabolisme anormal de nom-breuses protéines qui n’ont, en dehors de cette aberration,aucun point commun structural ou fonctionnel [3]. Cetteclassification doit être, au moins pour les formes les pluscourantes, toujours à l’esprit du clinicien car c’est elle quigouverne en grande partie la nature des signes cliniquesrencontrés, l’enquête étiologique et le traitement qui doit êtreadapté à chaque variété.

Le clinicien n’est confronté, à titre diagnostique, qu’à unsous-groupe de ces maladies : celles pour lesquelles les lésionsd’amylose sont l’essentiel de la maladie et sont directementresponsables des signes cliniques observés. Ces maladies ont leplus souvent une expression multisystémique et ce sont ellesqui sont essentiellement évoquées dans ce texte. Les maladiesdu système nerveux central qui comportent des lésions d’amy-lose sont exclues.

■ Quand évoquer une amylose ?Il n’existe pas ou peu de signes cliniques spécifiques des

amyloses alors que l’amylose est une affection multisystémiqueet peut donc quasiment toucher tous les organes [1].

Le diagnostic est ainsi généralement évoqué en présenced’une association de signes survenant dans un contexte clinique

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susceptible d’entraîner une amylose généralisée. À l’inverse,quand ce contexte est présent, l’amylose doit être suspectée àtitre systématique dès qu’un signe clinique compatible estprésent. Ce contexte peut être celui d’une amylose immunoglo-bulinique ou amylose AL, d’une amylose de l’inflammation ouamylose AA, ou de la principale variété d’amylose héréditaire,l’amylose de la transthyrétine ou ATTR.

En pratique, le diagnostic d’amylose se pose donc souventdans des contextes très différents et la présentation clinique desgrandes variétés d’amylose est relativement spécifique, avec desdifficultés liées toutefois aux cas où le contexte et les signescliniques eux-mêmes ne permettent pas d’emblée unedistinction.

Les signes rénaux sont les plus fréquents mais également lesmoins spécifiques. Ainsi, la protéinurie est le principal mode dedécouverte des amyloses généralisées. L’atteinte rénale estprogressive, la protéinurie évolue vers un syndrome néphrotiqueet se complète d’une insuffisance rénale évolutive.

Les principaux signes cardiaques, qui font toute la gravité dela maladie, sont les troubles du rythme et de la conduction,ainsi que l’insuffisance cardiaque. D’autres signes sont plusrares, par exemple embolie artérielle, angor. Les signes digestifssont variés : œsophagiens (dysphagie) ; gastriques (vomisse-ments) ; intestinaux (diarrhée, pseudo-obstruction ou occlusion,perforation) ; des hémorragies digestives sont égalementpossibles. L’hépatomégalie est fréquente. En revanche, unemaladie hépatique grave avec hypertension portale, ascite,ictère, rupture du foie, est rare, comme l’est l’hyposplénisme.L’atteinte du nerf périphérique est avant tout une neuropathiesensitive alors que les signes moteurs sont plus tardifs ; laneuropathie végétative (troubles fonctionnels digestifs, impuis-sance sexuelle, hypotension orthostatique, troubles de lasudation et mictionnels) est assez caractéristique. Outre lepurpura en « lunettes », l’amylose peut donner de nombreuxsignes cutanés : macules, papules et nodules voire bulles, lésionssclérodermiformes et unguéales. Les signes respiratoires sontprobablement sous-estimés ; tous les symptômes (toux, hémop-tysie, dyspnée) peuvent être révélateurs, en fonction de lalocalisation des dépôts (bronchique, médiastinale, pleurale ouparenchymateuse). Les signes fonctionnels otorhinolaryngéspeuvent révéler une localisation aux voies aérodigestivessupérieures, et en particulier une dysphonie peut être un signed’atteinte laryngée.

Plusieurs segments de l’œil et de ses annexes peuvent êtreatteints et manifester les signes fonctionnels oculairescorrespondants.

Les signes rhumatologiques sont assez rares : arthropathiedéformante des épaules, des genoux ; des lésions osseuseslytiques favorisant des fractures sont possibles. Une hématuriepeut être un signe d’amylose vésicale.

■ Comment l’affirmer ?

Une fois le diagnostic clinique d’amylose évoqué, il fauts’efforcer d’en faire le diagnostic histologique [4]. S’il est parfoispossible de le suspecter dès les colorations usuelles comme letrichrome de Masson, les techniques spécifiques sont toujoursindispensables pour l’affirmer.

La plus spécifique est la coloration par le rouge Congo : enlumière polarisée, la substance amyloïde colorée par le rougeCongo apparaît vert-jaune (dichroïsme) (Fig. 1).

La thioflavine T, en fluorescence, marque l’amylose avec uneexcellente sensibilité. Elle est donc utile en cas de dépôts defaible taille, mais manque de spécificité. L’examen en microsco-pie électronique n’est pas utilisé en diagnostic de routine, maisil permet de visualiser l’aspect fibrillaire caractéristique quidistingue le dépôt d’amylose d’autres variétés d’agrégatsfibrillaires. La présence du composant amyloïde P dans tous lesdépôts d’amylose, alors qu’il est absent dans d’autres variétés dedépôts protéiques, peut être objectivée avec les anticorps anti-composant P.

L’examen immunohistochimique avec des anticorps spécifi-ques des diverses protéines amyloïdes est nécessaire pour lediagnostic de variété (cf. infra).

Le geste diagnostique le moins invasif possible doit toujoursêtre proposé en première intention. Quand l’organe atteint estfacilement accessible à une biopsie (c’est le cas essentiellementdes lésions cutanées), la preuve du diagnostic est rapidementapportée. Dans les autres situations, la stratégie diagnostiquerepose sur la présence fréquente de dépôts d’amylose silencieuxdans des tissus facilement accessibles. Ces tissus sont le tubedigestif, la graisse sous-cutanée et les glandes salivaires ; lestechniques employées sont respectivement : la biopsie rectale,l’aspiration de la graisse sous-cutanée abdominale et la biopsiede glandes salivaires accessoires labiales.

Biopsie de glandes salivaires accessoires

C’est actuellement la technique la plus courante, peu doulou-reuse, simple, ne nécessitant pas de suture (ou faite avec unesuture minime) et sensible pour les trois grandes variétésd’amylose multisystémique.

Biopsie rectale

Faite au cours d’une rectoscopie, elle doit comporter de lasous-muqueuse, beaucoup plus riche en vaisseaux que lestuniques muqueuse et musculaire muqueuse. Il est probable que

A

B

Figure 1.A. Coloration rouge vif des dépôts amyloïdes par le rouge Congo (× 20).B. Analyse du rouge Congo en lumière polarisée montrant une biréfrin-gence jaune-vert caractéristique des dépôts amyloïdes (× 20).

.

.

Page 92: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

la biopsie digestive haute obtenue par gastroduodénoscopiefournisse des informations semblables à celles de la biopsierectale.

Aspiration de graisse sous-cutanéeabdominale

Elle consiste à ponctionner et aspirer à l’aide d’une aiguillemontée sur une seringue la graisse sous-cutanée de l’abdomendans la région sous-ombilicale. La ponction doit ramener dutissu entourant les lobules graisseux, car c’est là que siègent lesdépôts amyloïdes. Cette technique a des performances diagnos-tiques intéressantes mais peut soulever des difficultés d’inter-prétation dues surtout à la possibilité de résultats faussementpositifs. C’est pourquoi cette technique requiert un coupleclinicien-anatomopathologiste convaincu et entraîné. La plupartdes travaux sur cette technique émanent d’une seule équipe.

Il n’existe pas d’étude comparant de façon rigoureuse ces troistechniques entre elles. En pratique, elles peuvent être considé-rées comme équivalentes et cumulées si besoin chez un mêmemalade, car elles sont peu agressives.

En revanche, lorsque ces trois techniques de première inten-tion ne font pas la preuve de l’amylose, un prélèvement directde l’organe atteint doit être proposé. La biopsie rénale restesouvent faite, car les signes rénaux sont les plus fréquents, etelle est très performante. La biopsie hépatique est un examenconsidéré jadis comme à haut risque hémorragique. Il estprobable que les accidents hémorragiques décrits étaient liés àdes anomalies de la coagulation ; cependant, il est recommandéd’éviter la biopsie hépatique par voie transpariétale quand lediagnostic d’amylose est suspecté. La biopsie de nerf périphéri-que est un geste douloureux et de sensibilité variable, car lesdépôts d’amylose dans le nerf sont très épars. La biopsieendomyocardique est un examen exceptionnellement réalisé, àréserver aux formes cardiaques pures.

■ Quel est le type de l’amylose ?Le diagnostic d’amylose ne doit pas se limiter à l’affirmation

de la présence de substance amyloïde dans les tissus. Il doitcomporter la détermination de la nature de la protéine amy-loïde, car de ce diagnostic de variété dépend en fin de comptele traitement à proposer au malade. Conformément à la classi-fication biochimique, trois grandes variétés d’amylose générali-sée peuvent être rencontrées et doivent donc êtresystématiquement évoquées : l’amylose AL, l’amylose AA etl’amylose ATTR qui comprend la principale forme d’amylosehéréditaire et une des variétés d’amylose sénile.

La stratégie qui permet de déterminer ce diagnostic de variétéa été établie au cours de ces dernières années [5, 6]. Elle reposeessentiellement sur les éléments suivants :• le contexte clinique et la nature des organes atteints ;• les examens qui mettent en évidence une immunoglobuline

monoclonale et ses fragments ;• l’examen immunohistochimique des dépôts ;• l’analyse génétique.

Contexte cliniqueIl recouvre les éléments suivants : l’âge du patient, l’existence

d’une maladie inflammatoire chronique, d’une immunoglobu-line monoclonale ou d’une prolifération lymphoplasmocytaire,le caractère familial de la maladie avec une transmission de typedominant.

Techniques de mise en évidenced’une immunoglobuline monoclonaleentière ou d’une chaîne légère kappaou lambda

Elles ont changé : l’immunoélectrophorèse a été remplacéepar l’immunofixation qui a une sensibilité supérieure. De plus,

une technique récente permet de détecter et de quantifier enroutine les chaînes légères libres dans l’urine et surtout dans lesérum. Cette mesure, couplée à l’immunofixation, a encoreamélioré les performances de la détection et quantification d’uncomposant monoclonal et donc de l’amylose AL [7].

Examen immunohistochimique des dépôtsIl doit être réalisé dans tous les cas, même lorsque le diagnos-

tic de variété est déjà suggéré avec une forte probabilité par lecontexte, la clinique et les premiers examens. L’immunohisto-chimie permet d’étudier la fixation sur les dépôts amyloïdesd’anticorps dirigés contre la plupart des protéines amyloïdesconnues. Pour la caractérisation des amyloses généralisées, il estnécessaire d’étudier les anticorps anti-protéine AA, anti-chaîneslégères d’immunoglobuline j et k et anti-TTR, qui reconnaissentla majorité des dépôts amyloïdes (Fig. 2, 3).

Les anticorps anti-protéine AA et anti-TTR du commercepeuvent être utilisés sur des prélèvements fixés, en immunope-roxydase [8]. En revanche, l’étude de la fixation des anticorpsanti-chaînes légères d’immunoglobuline n’est fiable, en immu-nofluorescence, que sur des prélèvements congelés. En outre,même sur des prélèvements congelés, certaines chaînes légères

Figure 2. Amylose AL k. Immunofluorescence directe sur coupescongelées montrant un marquage des dépôts amyloïdes par l’anticorpsanti-k (× 10).

Figure 3. Amylose TTR. Expression modérée de la protéine TTR parles dépôts amyloïdes, immunomarquage réalisé sur coupes déparaffinées(× 20).

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Page 93: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

ne sont pas reconnues par les anticorps usuels. Dans de nom-breux cas, l’interprétation est délicate. En particulier, il peutexister des faux positifs par adsorption non spécifique desanticorps par les dépôts amyloïdes. Les anticorps dirigés contreles protéines amyloïdes impliquées dans les formes plus raresd’amyloses principalement héréditaires (chaîne Aa du fibrino-gène, apolipoprotéine AI, AII, lysozyme, gelsoline, LECT2) nesont utiles que pour les laboratoires spécialisés.

Analyse génétique

Elle permet le diagnostic des formes héréditaires et reposeessentiellement sur la mise en évidence d’une mutation, le plussouvent ponctuelle, de la protéine amyloïde. Cette mutation estle plus souvent détectée sur l’acide désoxyribonucléique géno-mique, plus rarement par l’analyse de la protéine plasmatique.

Analyse protéomique

L’ensemble des données cliniques, histologiques, immuno-histochimiques et génétiques permet dans la grande majoritédes cas de déterminer avec un fort degré de certitude le type del’amylose. Cependant, dans les cas où le diagnostic est indéter-miné, des techniques d’analyse protéomique le peuvent excep-tionnellement ; elles restent actuellement du domaine de larecherche.

■ Quelle est l’extensionde l’amylose ?

Parallèlement à l’enquête étiologique, il convient d’évaluerl’extension de l’amylose (Tableau 1). Cette démarche est d’abordclinique et comporte la réalisation de quelques examenscomplémentaires destinés à apprécier l’atteinte par l’amylose surdes données morphologiques ou fonctionnelles. Il n’est habi-tuellement pas nécessaire de faire une biopsie de chaque organesuspect d’être lésé. Cela se discute au cas par cas, en particulierpour la biopsie rénale lorsque d’autres lésions que l’amylosesont possibles, notamment dans un contexte de maladielymphocytaire B.

■ Grandes formes d’amyloses

Amylose AL

C’est la plus fréquente des amyloses généralisées. Son inci-dence est estimée à dix cas par million d’habitants par an, auxÉtats-Unis d’Amérique comme en France. Le diagnostic peutêtre facile lorsque sont présents plusieurs signes cliniquesévocateurs comme : purpura facial en « lunettes » ; macroglos-sie ; syndrome du canal carpien ; syndrome néphrotique ;neuropathie sensitive et végétative ; syndrome hémorragiquepar déficit en facteur de la coagulation sanguine (facteur IX et

X). L’atteinte des organes suivants est aussi bien plus fréquentedans l’amylose AL que dans d’autres formes : os et articulation ;poumon ; atteinte ganglionnaire. Ailleurs, le diagnostic d’amy-lose AL est plus difficile au début, car les signes généraux sontau premier plan (asthénie, anorexie, amaigrissement) ou lessignes d’atteinte d’organe peu spécifiques (dyspnée, hémorragiedigestive, hépatomégalie, splénomégalie). C’est dans ces cas quele diagnostic est fait avec retard comme pour la plupart desmaladies rares.

La prise en charge de l’amylose AL a considérablement évoluéau cours des dernières années, grâce à trois éléments :• la mesure des chaînes légères d’immunoglobulines libres dans

le sérum qui non seulement a amélioré le diagnostic, maisaussi permet de suivre l’évolution de la réponse thérapeutiqueà court terme, essentielle pour le pronostic [9] ;

• la découverte que les troponines et le brain natriuretic peptide(BNP), et sa fraction terminale NT-pro BNP, sont des bonsmarqueurs de l’atteinte cardiaque, et qu’ils ont un impactpronostique considérable [10] ;

• le troisième progrès concerne la thérapeutique. Depuis letravail de Kyle en 1997, l’association melphalan-prednisoneétait le traitement de référence de l’amylose AL, mais le tauxde réponse était faible et la survie globale médiocre [11]. Destraitements plus puissants ont ainsi été proposés, calqués surles traitements du myélome. Actuellement, l’éventail théra-peutique va de l’association melphalan et dexaméthasone àun traitement intensif comprenant une autogreffe de cellulesouche hématopoïétique [12, 13]. Les derniers médicamentsutilisés dans le myélome, thalidomide et lénalidomide,bortezomib (un inhibiteur du protéasome), ont donné desrésultats préliminaires très encourageants [14, 15].

“ Point fort

Les marqueurs cardiaques (troponines et BNP), le dosagedes chaînes légères d’immunoglobulines dans le sang etl’association melphalan-dexaméthasone ont transformé laprise en charge de l’amylose AL.

“ Point fort

Lorsque le diagnostic d’amylose est évoqué, une partie dela biopsie doit être congelée pour un examenimmunohistochimique fiable avec les anticorps anti-chaînes légères d’immunoglobuline.

Tableau 1.Comment évaluer l’extension de l’amylose ?

Examen clinique

Examens complémentairessystématiques

Rein Protéinurie, créatininémie,échographie

Cœur Radiographie thoracique,électrocardiogramme,échographie cardiaque

BNP on NT-pro BNP,troponines

Tube digestif Électrophorèse des protidessériques

Foie Enzymes hépatiques,échographie

Rate Échographie, NFS

Hémostase TP, TCA

Surrénale Cortisol

Examens complémentairesà discuter en fonctionde la clinique

Cœur Holter

TD Manométrie,malabsorption

Nerf Examen électrique

Œil Fond d’œil, lampe à fente

NFS : numération formule sanguine ; TP : taux de prothrombine ; TCA : temps decéphaline activateur ; TD : tube digestif ; BNP : brain natriuretic peptide.

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Amylose AA

L’épidémiologie de l’amylose AA a changé. De façon générale,on perçoit une diminution de son incidence dans les paysoccidentaux [16]. Les maladies inflammatoires chroniques restentla cause prédominante de l’amylose AA, mais certaines infec-tions notamment respiratoires chroniques et des tumeurs,notamment la maladie de Castleman, sont aussi impliquées.

La présentation clinique de l’amylose AA reste essentiellementrénale, et la recherche de protéinurie doit faire partie de lasurveillance de toute maladie inflammatoire chronique. L’amy-lose AA est encore trop souvent détectée en présence d’uneprotéinurie de grande abondance.

La mesure régulière de la protéine SAA, qui cumule lesqualités de protéine de l’inflammation de cinétique similaire àcelle de la CRP et de précurseur direct de la protéine amyloïdeAA, a montré que la survenue de l’amylose au cours desmaladies inflammatoires chroniques était proportionnée àl’intensité et à la durée de l’inflammation [17].

Le traitement de l’amylose AA est fondé sur la maîtrise del’inflammation chronique. Il varie donc en fonction de lamaladie inflammatoire. Les médicaments modernes de l’inflam-mation (notamment les biothérapies qui inhibent le tumornecrosis factor et l’interleukine 1) ont ainsi probablement uneffet préventif sur la formation de l’amylose AA. Dans les cas oùl’amylose est diagnostiquée en présence de signes cliniques, cesmédicaments sont dans certains cas capables d’entraîner leurrégression [18, 19].

Amyloses héréditaires

Ce sont des maladies génétiques de transmission dominanteautosomique, où la mutation ponctuelle porte sur la protéineamyloïde. Elles méritent d’être diagnostiquées de façon précisecar leur traitement est spécifique, mais elles restent souventconfondues avec l’amylose AL [20]. La variété d’amylose hérédi-taire la plus fréquente est l’amylose de la transthyrétine ATTRqui existe aussi sans mutation sous la forme de l’amylose« sénile » [21, 22]. Les autres variétés d’amyloses héréditaires,toutes à tropisme rénal prédominant, sont les amyloses dufibrinogène (AFib), les amyloses des apolipoprotéines A1 et A2(AApoA1 et AApoA2) et l’amylose du lysozyme (ALys) [23].

Plus que la distinction amylose AL/amylose AA, distinguerl’amylose AL des formes héréditaires et de l’amylose sénile de latransthyrétine constitue maintenant la difficulté diagnostiquemajeure des amyloses.

Amylose sénile

Elle était considérée encore récemment comme une entitéessentiellement cardiaque, trouvée à l’autopsie chez les sujets deplus de 85 ans [24]. Elle est maintenant reconnue comme unecause d’insuffisance cardiaque et de syndrome du canal carpienchez des sujets âgés de plus de 65 ans [25]. Son diagnostic estrarement fait par la biopsie endomyocardique ; la preuve del’amylose sénile peut être apportée par un prélèvement lorsd’une intervention pour syndrome du canal carpien.

Amyloses localisées

De rares formes d’amyloses, essentiellement de nature immu-noglobulinique et en rapport avec une prolifération plasmocy-taire locale, sont localisées à certains organes : le bas appareilurinaire (vessie, urètre, uretère, pénis) et les voies aériennessupérieures (larynx et arbre trachéobronchique) [26, 27].

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[21] Benson MD, Kincaid JC. The molecular biology and clinical features ofamyloid neuropathy. Muscle Nerve 2007;36:411-23.

“ Point fort

Les formes héréditaires d’amylose doivent être évoquéessystématiquement pour ne pas être confondues avecl’amylose AL.

.

Page 95: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

[22] Pitkanen P, Westermark P, Cornwell 3rd GG. Senile systemicamyloidosis. Am J Pathol 1984;117:391-9.

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Pour en savoir plusNational amyloidosis centre : www.ucl.ac.uk/medicine/amyloidosis/

nac/index.html.Familial Amyloidotic Polyneuropathy World Transplant Registry.

www.fapwtr.org.International Myeloma Foundation. http://myeloma.org/main.jsp.Groningen Unit for Amyloidosis Research and Development. http:

//amyloid.nl/.Amylose infos : http://amylose.net/.Association française contre l’amylose : www.amylose.asso.fr.Association Leyla. http://www.leyla-asso.com/fr_association.php.http://amyloid.nl/.Centre de référence des amyloses AL : www.cr.amylose-al.fr.Centre de référence des neuropathies amyloïdes familiales :

www.neuropathies-amyloides.fr.

Page 96: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Hémochromatoses et autres surchargeshépatiques en fer

Y. Deugnier, F. Lainé, C. Le Lan, E. Bardou-Jacquet, A.-M. Jouanolle, P. Brissot

Les surcharges en fer peuvent être génétiques ou acquises. Les surcharges génétiques sont rares. Elles serépartissent en (i) surcharges hémochromatosiques qui procèdent d’une même physiopathologie par undéfaut de production ou d’action de l’hepcidine lié à une atteinte du gène de l’hepcidine ou d’un desgènes impliqués dans sa régulation (HFE, hémojuvéline, récepteur de la transferrine 2), présentent, de cefait, un phénotype commun (surcharge des parenchymes, notamment hépatique, pancréatique etcardiaque, et augmentation de la saturation de la transferrine) et correspondent à un groupe d’affectionslargement dominé par l’hémochromatose HFE, elle-même quasi exclusivement liée à l’homozygotie pourla mutation C282Y ; et (ii) surcharges non hémochromatosiques liées à un trouble de la sortie cellulairedu fer par atteinte des gènes de la ferroportine ou de la céruloplasmine. Les surcharges acquises, bien plusfréquentes, sont le fait d’affections hématologiques (dysmyélopoïèses, porphyrie cutanée tardive),métaboliques (syndrome métabolique) ou hépatiques (virose C, maladie alcoolique du foie) impactant lemétabolisme du fer. L’hyperferritinémie est le mode d’expression biologique le plus commun de l’excès defer. Elle ne saurait toutefois être synonyme de surcharge en fer et, encore moins, d’hémochromatose.L’imagerie par résonance magnétique (IRM) et les outils de génétique moléculaire en autorisentactuellement un diagnostic étiologique précis et non vulnérant. Les saignées demeurent le traitement deréférence des hémochromatoses. Le recours à une chélation orale par le déférasirox permet de contrôlerles surcharges d’origine hématologique.© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hémochromatose ; HFE ; Hepcidine ; Ferroportine ; Hyperferritinémie

Plan

¶ Introduction 1

¶ Surcharges génétiques 2Hémochromatoses 2Surcharges en fer non hémochromatosiques 6

¶ Surcharges acquises 7Apport excessif en fer 7Syndrome métabolique 7Maladies chroniques du foie 7Maladies hématologiques 7

¶ Diagnostic pratique 8Dosage de la ferritinémie 8Écarter une hyperferritinémie sans excès de fer 8Engager le diagnostic étiologique en fonction de la saturationde la transferrine 9

¶ Conclusion 9

■ Introduction

Les noms de Trousseau (1865), Troisier (1871) et von Reckin-ghausen sont associés aux premières descriptions cliniques del’hémochromatose. Sheldon (1935) fut le premier à émettrel’hypothèse d’un trouble inné du métabolisme du fer. Ceconcept fut ensuite largement débattu jusqu’à la découverte, en1975, par Simon et al., d’une association génique entre le gène

de l’hémochromatose et le locus HLA-A sur le bras court duchromosome 6 [1] puis la démonstration, par ces mêmes auteurs,du mode de transmission autosomique récessif de la maladie [2].Il fallut attendre 1996 pour que Feder et al. [3] identifient legène en cause et la mutation C282Y majoritairement impliquée.Notre connaissance du métabolisme du fer s’est ensuite consi-dérablement enrichie avec la découverte de l’hepcidine, molé-cule clé de la régulation du fer systémique via son action sur laferroportine, et l’identification de nombreux gènes impliquésdans l’homéostasie systémique et cellulaire du fer et sapathologie [4].

Les surcharges en fer peuvent être génétiques ou acquises. Lessurcharges génétiques (Tableau 1) sont rares. Elles se répartissenten : surcharges hémochromatosiques, qui procèdent d’unemême physiopathologie par défaut de production ou d’actionde l’hepcidine, présentent, de ce fait, un phénotype commun etcorrespondent à un groupe d’affections largement dominé parl’hémochromatose HFE ; et surcharges non hémochromatosi-ques dont la physiopathologie et le phénotype sont plus variés.Les surcharges acquises, bien plus fréquentes, sont le fait d’affec-tions hématologiques, métaboliques ou hépatiques impactant lemétabolisme du fer. Une telle classification demeure toutefoisschématique, facteurs génétiques et acquis pouvant s’associerpour moduler l’expression clinicobiologique des surcharges enfer.

L’hyperferritinémie est le mode d’expression biologique leplus commun de l’excès de fer. Elle ne saurait toutefois êtresynonyme de surcharge en fer et, encore moins, d’hémo-chromatose. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) et les

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outils de génétique moléculaire qui procèdent des découvertesrécentes en autorisent actuellement un diagnostic étiologiqueprécis et non vulnérant.

■ Surcharges génétiques

Hémochromatoses

Les hémochromatoses résultent d’une carence absolue ourelative en hepcidine par atteinte du gène même de l’hepcidineou d’un des gènes impliqués dans la cascade moléculaireaboutissant à la synthèse de l’hepcidine.

Cette carence est à l’origine d’une hyperabsorption digestiveet d’une fuite macrophagique du fer, lesquelles conduisent àune hypersaturation de la transferrine par augmentation du ferplasmatique. Ainsi apparaît une forme particulière de fercirculant, le fer non lié à la transferrine (FNLT), qui est leresponsable direct de la surcharge en raison de l’avidité desparenchymes à son égard [5]. Le phénotype hémochromatosiqueest donc caractérisé par une augmentation de la saturation dela transferrine et une surcharge parenchymateuse en fer delocalisation essentiellement hépatique, endocrine et cardiaque.La quasi-totalité des tableaux hémochromatosiques sont le faitde l’atteinte du gène HFE, les hémochromatoses non HFEdemeurant exceptionnelles (Tableau 1).

Hémochromatose HFE

Épidémiogénétique [6-18]

La mutation C282Y (ou p.Cys282Tyr) du gène HFE est lamutation majoritairement en cause dans l’hémochromatoseHFE.

Dans les populations d’origine européenne, sa fréquenceallélique moyenne est de 6,2 % avec de grandes disparités selonun gradient décroissant nord → sud et ouest → est (12,5 % enIrlande → 0 % en Europe du Sud). La prévalence de l’homo-zygotie C282Y qui en est déduite (0,38 %, soit 1 sur 260 indi-vidus) est nettement supérieure à celle de la maladiehémochromatosique, quel que soit le critère de définitionphénotypique retenu. Une telle discordance témoigne de lafaible pénétrance clinique de ce génotype. Cette dernière a été

récemment évaluée à 1 % chez les femmes et à 28 % chez leshommes dans une large cohorte australienne [19]. L’homozygotieC282Y apparaît donc comme une condition nécessaire maisnon suffisante au développement d’une hémochromatose HFE,ce qui suggère l’existence de cofacteurs, génétiques ou acquis,susceptibles d’en moduler l’expressivité [20]. De tels cofacteurspeuvent impacter :• l’excès de fer lui-même en agissant sur la synthèse d’hepci-

dine comme certains polymorphismes géniques [21, 22], laconsommation d’alcool [23] ou le syndrome métabolique [24] ;

• l’expression hépatique de la maladie comme les polymor-phismes sur les gènes du transforming growth factor beta 1 [25],du toll-like receptor 4 [26], de la manganèse superoxide dismu-tase et de la myélopéroxydase [27], l’alcool [28] et le syndromemétabolique [29].Dans les populations non caucasiennes, la mutation C282Y

est exceptionnelle et toujours associée à l’haplotype caucasienancestral, ce qui suggère qu’elle est apparue sur cet haplotypechez un individu d’Europe du Nord pour se diffuser ensuite auxautres régions du monde. Son apparition daterait de – 4 000 anset renvoie donc plus au temps des Celtes qu’à celui desVikings [30]. Le fait qu’en une si courte période la mutationC282Y soit devenue aussi fréquente indique qu’elle a puconférer un avantage sélectif aux sujets atteints, soit en lesprotégeant de la carence en fer, soit en leur procurant unerésistance particulière à quelque épidémie.

Histoire naturelle et expression clinique

Cinq stades peuvent être décrits à la maladie [31], plus dans lebut d’aider à la prise en charge d’un patient donné que danscelui de documenter l’histoire naturelle de l’hémochromatosecar, celle-ci n’étant pas linéaire, le passage d’un stade à l’autren’est pas la règle (Fig. 1). Le stade 1 correspond à une simpleprédisposition génétique, les stades 1 et 2 à une expressionbiologique sous forme d’une élévation de la saturation de latransferrine, soit isolée (stade 1), soit associée à une ferritinémiesupérieure à 200 µg/l chez la femme et à 300 µg/l chezl’homme, et les stades 3 et 4 à une expression clinique suscep-tible d’engager soit le pronostic fonctionnel (stade 3 : asthénie,arthralgies, etc.), soit le pronostic vital (stade 4 : atteinteshépatique, endocrinienne, cardiaque, etc.). Quoi qu’il en soit,les formes peu exprimées sont aujourd’hui la règle en raison du

Tableau 1.Principales surcharges génétiques en fer.

Surcharges génétiques en fer Type Gène(chromosome)

Transmission Début Saturationde la transferrine

Principaux signes

Surcharges hémochromatosiques

Hémochromatoses de l’adulte 1 HFE

(6p21.3)

Récessive Adulte Augmentée

++

Articulations, foie (cirrhose,cancer)

3 Récepteur de latransferrine 2 (7q22)

Récessive Adulte Augmentée

++

Foie

4B SLC40A1(ferroportine)

Dominante Adulte Augmentée

++

Foie (surchargehépatocytaire)

Hémochromatoses juvéniles 2A Hémojuvéline

(1p21)

Récessive Adulte jeune Augmentée

++

Cœur, foie (cirrhose),glandes

2B Hepcidine (19q13.1) Récessive Adulte jeune Augmentée

++

Cœur, foie (cirrhose),glandes

Surcharges non hémochromatosiques

Maladie de la ferroportine (aussidénommée « hémochromatosede type 4 »)

SLC40A1 (2q32) Dominante Adulte Normale ou peu élevée Foie (surchargekupfférienne)

A(hypo)céruloplasminémie Céruloplasmine(3q23q25)

Récessive Adulte Normale ou abaissée Système nerveux central

.

.

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caractère de plus en plus précoce du diagnostic lié à unemeilleure connaissance de la maladie, à la fréquence des bilansbiologiques systématiques et à la mise en œuvre des enquêtesfamiliales. Toute forme majeure d’hémochromatose chez unsujet homozygote C282Y doit faire rechercher un cofacteuracquis ou génétique de surexpression (Fig. 1).

Atteinte hépatique [32]. Avant le stade de cirrhose, l’hépato-mégalie est un signe commun. Elle prédomine volontiers enlobe gauche. La biologie hépatique est normale ou peu pertur-bée, l’anomalie la plus fréquente étant une augmentation, aumaximum d’un facteur 3, du taux sérique des alanine amino-transférases (ALAT) chez près de la moitié des patients noncirrhotiques.

En l’absence de cofacteurs hépatoxiques, le développementd’une cirrhose intervient pour des concentrations hépatiques enfer supérieures à 300 µmol/g [33, 34]. Il s’agit d’une fibroseannulaire qui respecte l’architecture vasculaire et dont latraduction se limite longtemps à une volumineuse hépato-mégalie prédominant en lobe gauche et, dans deux tiers des cas,à une cytolyse modérée en ALAT. Cette cirrhose se compliquerarement d’une insuffisance hépatocellulaire ou d’une hyper-tension portale, sauf en cas d’association à une autre cause demaladie chronique du foie [35]. Les homozygotes C282Y quiboivent plus de 60 g (voire 40 g) d’alcool pur par jour présen-tent un risque de cirrhose multiplié par un facteur 9 par rapportaux autres homozygotes [28].

La complication majeure de la cirrhose hémochromatosiquedemeure la survenue d’un cancer primitif du foie qui rendcompte du décès de 30 % à 45 % des patients hémochroma-tosiques dans les séries les plus récentes [36]. Il s’agit, dans plusde 80 % des cas, d’un carcinome hépatocellulaire et, dans lesautres cas, d’un cholangiocarcinome ou d’une tumeur mixte [37,

38]. Ces tumeurs n’ont pas de caractéristiques cliniques oubiologiques particulières. Le risque d’un patient cirrhotique dedévelopper un cancer primitif du foie a été estimé 200 foissupérieur à celui de la population générale. Il persiste après ladésaturation dès lors qu’une cirrhose est installée. Des facteursde risque additionnels existent. Ce sont le sexe masculin, l’âgesupérieur à 50 ans, les stigmates d’une infection virale B ou Cet la présence, sur la biopsie initiale, de foyers hépatocytairesdépourvus de fer [39]. Plus de la moitié des patients qui présen-tent de tels foyers évoluent vers un carcinome hépato-cellulaire [40].

Atteintes extrahépatiques. Signes généraux. La fatigue est undes premiers symptômes de la maladie. Elle concerne plus de lamoitié des patients et motive fréquemment un bilan martialdans l’hypothèse d’une carence martiale. Dans ce contexte,l’augmentation des paramètres sériques en fer est souvent malinterprétée et le retard au diagnostic peut atteindre 10 ans [41].

Signes cutanéophanériens [42]. La mélanodermie, classiquementgrisâtre, est un signe fréquent. Elle prédomine au niveau deszones découvertes, des organes génitaux et des cicatrices. Elle

Facteurs modificateurs

Stade 0 Stade 1

Prédisposition génétique Expression biochimique Expression clinique

ArthropathieAsthénie

Homozygotie C282Y

Autres génotypes HFE

Hétérozygotie composite

CHCCardiopathie

DiabèteCirrhose

Stade 3 Stade 4Stade 2

Génétiques

Régime (thé), alcoolSurpoids

Médicaments (IPP)

Excès de fer Lésions viscérales

Alcool, obésité,stéatose, etc.

Polymorphismes TGF-β1, MnSOD

Toll-like receptor, etc.

SexeDigénisme (HFE/HJV/HAMP)

Polymorphismes BMP, HAMP, etc.

Acquis

FerritineSat Tf

Figure 1. Histoire naturelle de l’hémochromatose HFE. BMP : bone morphogenic protein ; HAMP : human antimicrobial polypeptide = gène de l’hepcidine ;HJV : gène de l’hémojuvéline ; MnSOD : manganèse superoxide dismutase ; Sat Tf : saturation de la transferrine ; TGF : transforming growth factor ; CHC :carcinome hépatocellulaire ; IPP : inhibiteurs de la pompe à protons.

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serait liée plus à des dépôts mélaniques situés dans la basale del’épiderme qu’à la présence de fer, laquelle n’est retrouvée qu’auniveau et autour des glandes sudoripares. Icthyose, leuconychie(coloration blanche des ongles), platonychie (aplatissement desongles) voire koïlonychie (incurvation à type de creusement desongles) sont des signes classiques de même qu’un aspect glabrechez l’homme.

Atteinte articulaire [43]. Volontiers révélateurs, notamment chezla femme, les signes articulaires exposent, comme l’asthénie, àun retard diagnostique de plusieurs années [41] et engagentgravement le pronostic fonctionnel [44]. Selon les séries, leurprévalence varie de 28 % à 81 %. Les petites articulationsdistales sont particulièrement concernées et, notamment, lesmétacarpophalangiennes et les interphalangiennes proximalesdes deuxièmes et troisièmes doigts dont l’atteinte se traduit parle signe évocateur de la poignée de main douloureuse. D’autresarticulations peuvent être touchées dont les poignets, leschevilles et, plus rarement, les hanches, les genoux et lesépaules. Les symptômes consistent en des arthralgies de rythmeplutôt inflammatoire, évoluant par poussées avec, dans 5 % à10 % des cas, des accès aigus pseudogoutteux correspondant àla précipitation de cristaux de pyrophosphate de calcium. Dansles formes évoluées, les articulations sont déformées et l’impo-tence fonctionnelle peut devenir majeure. Radiologiquement,diminution de l’espace articulaire, ostéopathie sous-chondralekystique, sclérose, ostéophytose s’associent diversement. Deslésions de chondrocalcinose sont présentes dans 4 % à 38 % descas. Bien qu’il ait été démontré que le fer accélère la nucléationdes cristaux de pyrophosphate de calcium et inhibe leurdégradation, la physiopathologie de l’atteinte articulaire del’hémochromatose demeure mystérieuse d’autant que :• il n’y a aucun parallélisme entre son intensité et l’importance

de la surcharge ;• les phlébotomies ont peu d’impact sur son évolution. L’inter-

vention d’autres facteurs, notamment génétiques, est doncsoupçonnée dont une anomalie du métabolisme de laparathormone [45].Atteinte osseuse [46]. Il s’agit d’une ostéopénie fréquente et, en

règle, latente qui :• est responsable de fractures rachidiennes, le plus souvent

asymptomatiques, chez 2 % à 18 % des patients ;• s’inscrit au-dessous du seuil ostéodensitométrique fracturaire

dans 9 % à 45 % des cas [47].Il est difficile de faire la part de la surcharge en fer, de

l’hépatopathie et de l’hypogonadisme dans son développement.Atteintes endocriniennes. Dominées par le diabète et l’atteinte

hypophysaire, elles témoignent toujours d’une affection évo-luée. On distingue :• le diabète [48], qui n’est plus présent que dans moins de 20 %

des cas au moment du diagnostic et révélateur dans moins de2 % des cas. C’est un élément pronostique indépendantmajeur de la maladie, la survie des hémochromatosiquesdiabétiques étant clairement amputée alors que celle dessujets hémochromatosiques non diabétiques est quasi identi-que à celle de la population générale. Son mécanisme estdouble par insulinorésistance d’origine hépatique et, à unmoindre degré, musculaire et par insulinopénie secondaire àla destruction des cellules bêta pancréatiques par la surcharge.L’intervention de facteurs additionnels, en particulier géné-tiques, reste discutée ;

• l’atteinte antéhypophysaire [49], qui se traduit principalementpar un hypogonadisme qui, chez l’homme, est présent dans12 % à 38 % des cas au moment du diagnostic et s’exprime,cliniquement, par une diminution de la libido, voire uneimpuissance, une atrophie testiculaire et une dépilation et,biologiquement, par une diminution de la testostéronémie.Les cas de panhypopituitarisme, d’hypothyroïdie, d’hypo-sécrétion de human growth hormone (HGH) et d’insuffisancesurrénalienne attribuables à l’hémochromatose HFE demeu-rent exceptionnels.

Atteinte cardiaque [50]. L’atteinte cardiaque est rare. Dans sesformes évoluées, elle se traduit par :• des troubles du rythme cardiaque à type de fibrillation

auriculaire, de tachycardie supraventriculaire paroxystique, deflutter auriculaire ou de bloc auriculoventriculaire ;

• une insuffisance cardiaque congestive avec gros cœur radio-logique, dysfonction systolique globale en échocardiographieet hyposignal cardiaque en IRM.Le plus souvent, elle se limite à des anomalies échocardio-

graphiques associant hyperéchogénicité cardiaque, augmenta-tion de volume du ventricule gauche sans épaississementpariétal et diminution de la fraction d’éjection ventriculairegauche.

Diagnostic

Suspecté devant la perturbation du bilan martial sérique et,plus particulièrement, une augmentation de la saturation de latransferrine, le diagnostic d’hémochromatose est à présentfacilement posé par la recherche de la mutation C282Y.

Bilan martial sérique. Sidérémie et saturation de la transferrine.Une sidérémie supérieure à 30 µmol/l et une saturation de latransferrine au-delà de 50 % sont la règle au cours de l’hémo-chromatose. Il s’y associe une hypotransferrinémie de l’ordre de1,5 à 1,9 g/l. Dans les formes les plus exprimées, la sidérémieexcède volontiers 35 µmol/l alors que la saturation de latransferrine est rapidement totale. Il faut toutefois connaître :• les importantes variations circadiennes de ces paramètres

dont le taux est maximum le matin et décroît, parfois de plusde 30 %, au fil de la journée [51] ;

• la possibilité de faux négatifs en cas de syndrome inflamma-toire [52] ou de syndrome métabolique [24] associé ;

• les fréquents faux positifs en rapport avec une lyse cellulaire(cytolyse hépatique, hémolyse, myolyse, etc.) et/ou unemaladie hépatique (élévation de la saturation de la transfer-rine par déficit de synthèse hépatique de la transferrine).La saturation de la transferrine n’en demeure pas moins le

meilleur test d’orientation diagnostique. À tel point qu’enl’absence de syndrome inflammatoire et hors la situation d’undépistage systématique, la normalité de la saturation de latransferrine permet d’écarter le diagnostic avec une quasi-certitude [6, 52].

Ferritinémie. Le taux de ferritine sérique est bien corrélé austock en fer de l’organisme. Au cours de l’hémochromatose, ildépasse volontiers 500 µg/l chez la femme et 1 000 µg/l chezl’homme. Il peut cependant être normal dans les formes non oufaiblement surchargées. Les faux positifs de ce dosage sontfréquents : consommation excessive d’alcool, syndrome poly-métabolique, lyse cellulaire, syndrome inflammatoire et syndro-mes d’activation macrophagique, tumeurs, thésaurismosesmacrophagiques (maladie de Gaucher) et mutations sur le gènede la L ferritine avec ou sans cataracte associée [53].

Autres tests sériques. Le dosage du récepteur soluble de latransferrine qui donne un reflet fidèle du stock martial, notam-ment en cas de syndrome inflammatoire associé, est exception-nellement utile à la prise en charge de l’hémochromatosique.Les dosages du fer non lié à la transferrine et de sa formepotentiellement toxique, le labile plasma iron (LPI), qui apparaîtlorsque la saturation de la transferrine excède 75 %, demeurentdu domaine de la recherche clinique [54].

Recherche de la mutation C282Y. En situation de suspicionde surcharge en fer, cette recherche est indiquée si – et seule-ment si – la saturation de la transferrine est élevée. Elleimplique l’obtention d’un consentement écrit et la délivrancedu résultat par le médecin prescripteur. Le test repose sur unepolymerase chain reaction (PCR) qui, lorsque les amorces sontcorrectement choisies et les conditions techniques – notammentde température – respectées, conduit à un résultat très fiable [55].L’homozygotie C282Y permet d’affirmer le diagnostic d’hémo-chromatose HFE.

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Bilan préthérapeutique

Le diagnostic d’hémochromatose HFE implique la réalisationd’un bilan préthérapeutique comportant :• un examen clinique allant à la recherche des diverses mani-

festations de la maladie ;• une détermination de la glycémie à jeun ;• un électrocardiogramme.

D’autres examens peuvent s’avérer nécessaires en fonction ducontexte.

Biopsie hépatique. Chez l’homozygote C282Y, la biopsiehépatique n’a plus d’intérêt que pronostique dans le butd’identifier une éventuelle cirrhose dont la présence modifieraitla prise en charge ultérieure en raison du risque de carcinomehépatocellulaire qui lui est associé. Il a été démontré [56] que leshomozygotes C282Y, dont le foie n’était pas augmenté devolume, la ferritinémie inférieure à 1 000 µg/l et les aspartateaminotransférases (ASAT) normales, n’avaient jamais de fibroseen pont ni de cirrhose. La biopsie hépatique est donc réservéeà ceux qui ne réunissent pas ces trois critères et dont la moitiés’avère présenter une cirrhose (ou une fibrose en pont). Il estvraisemblable que, dans un proche avenir, la validation demarqueurs biochimiques, tel le dosage sérique de l’acidehyaluronique [57] ou physiques, telle l’élastométrie, conduira àréduire davantage l’indication de la biopsie hépatique chezl’hémochromatosique.

Imagerie par résonance magnétique hépatique. La quanti-fication exacte de la charge hépatique en fer n’est plus unenécessité chez l’homozygote C282Y, sauf :• en présence de cofacteurs susceptibles de majorer la ferritiné-

mie afin d’affirmer la réalité de la surcharge ;• en cas de surcharge massive chez un sujet de plus de 45 ans

afin de dépister un éventuel nodule dépourvu de fer (et doncen hypersignal relatif) de caractère (pré)-néoplasique [58].Ostéodensitométrie osseuse. En raison de la fréquence de

l’ostéoporose au cours de l’hémochromatose, il est recommandéde réaliser une ostéodensitométrie osseuse chez les sujetshémochromatosiques, notamment les femmes de plus de40 ans.

Autres examens. Les autres examens (dosage sérique de latestostérone, échocardiographie, radiographies articulaires, etc.)ne sont envisagés qu’en cas de symptomatologie d’appel.

Traitement [59]

Traitement de la surcharge. Phlébotomies. Elles demeurent letraitement de référence de l’hémochromatose, car elles sontbien tolérées et efficaces.

La conduite à tenir est la suivante. Il s’agit de phlébotomies de5 à 7 ml/kg (sans dépasser 550 ml par saignée). Elles sonthebdomadaires dans une première phase, dite d’attaque, dedéplétion ou d’induction, jusqu’à l’obtention d’une ferritinémieinférieure à 50 µg/l. Cette phase peut durer de quelquessemaines à plus de 2 ans, en fonction de l’importance de lasurcharge initiale. Elle doit être suivie d’une phase d’entretienqui dure à vie et consiste en des soustractions dont le rythmeest individualisé de façon à maintenir la ferritinémie inférieureà 50 µg/l. Une phlébotomie tous les mois à tous les 4 moissuffit alors, sachant que :• pendant la grossesse, le traitement est suspendu ;• au moment de la ménopause, le rythme et/ou le volume des

phlébotomies doivent être ajustés aux nouvelles conditionsphysiologiques ;

• chez les sujets âgés, il est d’usage de réduire le volumeunitaire des soustractions à 200-250 ml.Concernant les indications, la mise en œuvre du traitement

déplétif est recommandée dès lors que la ferritinémie excède200 µg/l chez la femme et 300 µg/l chez l’homme. Jusqu’à cesseuils, il est possible de se contenter d’une simple surveillance.

La tolérance est en règle excellente pour peu que l’on varie lespoints de ponction et que l’on prenne soin de faire abondam-ment boire le sujet à chaque phlébotomie. Elle est suivie par laprise de la pression artérielle avant et après chaque soustractionsanguine et une numération-formule sanguine mensuelle ou

bimensuelle pendant la phase de déplétion et avant chaquesaignée pendant la phase d’entretien. Une hémoglobinémieinférieure ou égale à 11 g/dl contre-indique la soustractionsanguine.

L’efficacité est suivie sur l’évolution de la ferritinémie,demandée tous les mois en début de traitement d’attaque, puistoutes les deux saignées lorsque ce taux est passé au-dessous de300 µg/l chez l’homme ou 200 µg/l chez la femme.

Les résultats sont les suivants :• vis-à-vis de la survie, il est clairement démontré que les sujets

diagnostiqués et traités avant le stade des complicationsviscérales (cirrhose, cardiomyopathie et diabète) ont uneespérance de vie identique à celle de la population géné-rale [60] ;

• vis-à-vis des atteintes viscérales, l’asthénie et la mélanodermies’atténuent progressivement pour disparaître [42].L’hépatomégalie et la cytolyse régressent de même que,

lorsqu’elles existent, les varices œsophagiennes [35]. Unerégression de la fibrose d’au moins deux stades Métavir soustraitement déplétif a été récemment rapportée chez deux tiersdes homozygotes présentant une fibrose stade 3 et un tiers deshomozygotes présentant une cirrhose sur leur biopsie ini-tiale [61]. La question reste toutefois posée du risque résiduel decancer du foie chez ces patients. L’atteinte cardiaque répondparticulièrement bien au traitement déplétif et n’est pas, bien aucontraire, une contre-indication à des phlébotomies volumi-neuses et rapprochées [50]. Les manifestations articulaires sontpeu influencées par les phlébotomies et, une fois déclarées,paraissent évoluer pour leur propre compte. Il en va de mêmepour le diabète insulinorequérant alors que, dans 50 % des cas,les troubles mineurs de la glycorégulation régressent avecl’élimination de la surcharge [48]. Quant à l’hypogonadisme, ils’améliore rarement sous l’effet des seules phlébotomies [49].

Concernant les mesures associées, il n’est pas certain qu’unrégime pauvre en fer soit, à long terme, bénéfique. La consom-mation de thé qui réduit l’absorption intestinale de fer peut êtreconseillée, car elle permettrait l’espacement des phléboto-mies [62]. La constatation d’une macrocytose peut motiver lamise sous acide folique.

Traitement des complications. Complications hépatiques.Leurs traitements sont les mêmes que dans toute hépatopathiechronique. Un sevrage total en boissons alcoolisées pendant laphase initiale de déplétion est recommandé, mais rien n’indiqueque, par la suite et en l’absence de fibrose, la reprise d’uneconsommation raisonnable soit préjudiciable. La transplantationhépatique peut être indiquée en cas :• de maladie hépatique terminale, le plus souvent alors dans le

cadre d’une hémochromatose compliquée d’alcoolisme oud’une infection virale ;

• d’un carcinome découvert lors du dépistage systématique misen place chez tout patient cirrhotique. La survie post-transplantation de ces sujets pourrait être inférieure à celledes patients transplantés pour une autre cause de maladie dufoie, les décès intervenant surtout par complications cardio-vasculaires et infectieuses, surtout lorsque le traitementdéplétif n’a pas été entrepris avant le remplacementhépatique [63-65].Complications extrahépatiques. Les complications extrahé-

patiques réclament une prise en charge classique. Certainesprécautions doivent toutefois être prises. La supplémentationvitaminique C doit être évitée en début de traitement déplétifdans la mesure où elle pourrait précipiter une décompensationcardiaque en mobilisant le fer de façon massive. Le traitementde l’hypogonadisme peut faire appel aux androgènes dès lorsque leur administration se fait par voie transcutanée et à dosesphysiologiques, les autres formes d’androgénothérapie étantsuspectées d’aggraver le risque de cancer hépatique.

Dépistage [66]

Dépistage familial. La maladie est transmise selon un modeautosomique récessif. Un sujet malade (= homozygote) naîtdonc, le plus souvent, du mariage entre deux hétérozygotes.

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Toutefois, en raison de la fréquence de la mutation au sein dela population générale, les mariages entre un hétérozygote et unhomozygote ne sont pas rares (transmission pseudodominante).

Sujets concernés et modalités. Adultes apparentés au premierdegré (c’est-à-dire parents, fratrie et descendants). Le dépistagedoit être phénotypique (à savoir recherche de signes cliniqueset biologiques de surcharge en fer) et, si possible, génotypique(à savoir recherche de la mutation C282Y, laquelle est mainte-nant, dans ce cadre, remboursée par la Sécurité sociale). En effet,d’une part, les anomalies du bilan martial sont fréquentes endehors de l’hémochromatose et, d’autre part, l’expressivité de lamaladie est très variable, notamment chez la femme nonménopausée qui, dans 30 % des cas, a une saturation de latransferrine encore normale, voire basse. Le risque est donc,d’un côté, d’attribuer à tort à une hémochromatose des pertur-bations clinicobiologiques d’une autre nature et, de l’autre, defaussement rassurer un(e) authentique homozygote. D’après laloi française, seul le probant est habilité à contacter ses appa-rentés pour les engager à bénéficier d’un dépistage. C’est direl’importance de sa bonne information initiale sur la maladie,son traitement et l’enjeu d’un diagnostic précoce. Le rôle dumédecin qui a en charge la procédure est bien évidemmentprimordial.

Concernant les enfants du probant, il est recommandé soitd’attendre l’âge de 18 ans pour engager le dépistage (l’hémo-chromatose HFE est une affection de l’âge adulte), soit deproposer une recherche de la mutation C282Y au conjoint afinde préciser leur risque d’être homozygotes.

Conséquences thérapeutiques. On distingue :• l’homozygotie C282Y. Les recommandations édictées en France

sous l’égide de la Haute Autorité de santé rejoignent cellesémises aux États-Unis et en Europe. Si la ferritinémie estinférieure à 200 µg/l chez la femme ou 300 µg/l chezl’homme, une simple surveillance est proposée, tous les 3 ans,tant que la saturation de la transferrine demeure normale,puis tous les ans lorsqu’elle est augmentée. Au-delà de cestaux, un traitement déplétif est mis en œuvre ;

• l’hétérozygotie C282Y. En l’absence d’anomalie du bilanmartial, le sujet peut être rassuré et libéré de toute sur-veillance, car il n’est pas à risque de développer unehémochromatose-maladie. En cas d’élévation de la saturationde la transferrine et/ou de la ferritinémie, un bilan diagnos-tique est mis en œuvre qui peut déboucher sur le diagnosticd’hétérozygotie composite ou de surcharge non hémochro-matosique. En cas d’hétérozygotie composite, un courtprogramme de phlébotomies peut être engagé et suivi d’unesimple surveillance. Le génotypage du conjoint est souhaita-ble de façon à dépister un éventuel risque d’homozygotiedans la descendance ;

• l’absence de mutation C282Y. Si le bilan martial est normal, lesujet doit être rassuré et libéré de toute surveillance. En casd’élévation de la saturation de la transferrine et/ou de laferritinémie, un bilan diagnostique est mis en œuvre.Dépistage de masse. L’hémochromatose répond aux critères

qui sont habituellement retenus pour justifier un dépistagesystématique : forte prévalence de l’anomalie génétique qui lasous-tend, longue phase présymptomatique, gravité potentielle,disposition d’outils diagnostiques non vulnérants et perfor-mants, existence d’un traitement efficace et rapport coût-bénéfice avantageux des stratégies de dépistage phénotypiquejusqu’à présent testées. À ce jour, aucun pays n’a toutefois misen œuvre un tel dépistage, les réticences tenant, outre auxaspects économiques et logistiques du problème, à la crainted’un impact psychosocial négatif (risque de discriminationgénétique), à la faible pénétrance de la maladie et à la difficultéde choisir entre les stratégies phénotypique et génotypique. Lesrecommandations actuelles sont :• de diffuser auprès du public et des médecins une large

information sur les signes précoces de la maladie ;• d’effectuer, à la moindre suspicion, un dosage de la saturation

de la transferrine ;• de mener à bien l’enquête dans la famille de tout probant.

Hémochromatoses non HFE [67]

Hémochromatoses de l’adulte

L’atteinte du gène du récepteur 2 de la transferrine induit untableau tout à fait superposable à celui de l’hémochromatoseHFE [68, 69] en lien avec une hypohepcidinémie non stimulablepar l’apport de fer [70].

Certaines formes exceptionnelles de maladie de la ferropor-tine (cf. ci-après), au cours desquelles la mutation du gène dela ferroportine rend la protéine insensible à l’action de l’hepci-dine, créent les conditions d’un relargage massif de fer dans lesecteur plasmatique et résultent en un tableau hémochromato-sique parfois sévère [71].

Hémochromatoses juvéniles

Transmises sur un mode autosomique récessif, les hémochro-matoses juvéniles s’expriment, parfois bruyamment, chezl’adolescent ou le jeune adulte, par une insuffisance gonado-trope, une insuffisance cardiaque et une cirrhose qui, en règle,répondent bien à un vigoureux traitement par phlébotomieséventuellement associé à une chélation. Sur le plan génétique,on en distingue deux types, l’un lié à l’atteinte du gène del’hepcidine [72] et l’autre secondaire à celle du gène del’hémojuvéline [73].

Hémochromatoses infantiles

Concernant les types d’(hypo-)transferrinémie héréditaire [74],une dizaine de cas en ont été rapportés. La carence en transfer-rine est responsable d’une surcharge parenchymateuse en fer etd’une anémie hypochrome et microcytaire nécessitant destransfusions qui aggravent la surcharge. Plusieurs mutations/polymorphismes ont été décrites comme potentiellement encause dans cette affection pour laquelle on dispose d’un modèlemurin.

Quant à l’hémochromatose néonatale [75], il s’agit d’un cadrehétérogène caractérisé par une hépatite congénitale responsabled’une insuffisance hépatique précoce et associée à une surchargeen fer hépatique et extrahépatique massive. La cause en seraitune allo-immunisation maternelle et non une anomalie primi-tive du métabolisme du fer.

Surcharges en fer non hémochromatosiques

Les surcharges en fer non hémochromatosiques sont le fait detroubles héréditaires du métabolisme du fer et de surchargesacquises dites secondaires.

Troubles héréditaires du métabolisme du fer

Les troubles héréditaires du métabolisme du fer sont liés àune anomalie de l’excrétion cellulaire du fer.

Maladie de la ferroportine

La ferroportine assure la sortie cellulaire du fer. Elle estparticulièrement abondante au niveau des macrophages.L’hepcidine en règle l’activité en en modulant l’internalisation.

Deux formes de surcharge en fer liées à l’atteinte du gène dela ferroportine sont décrites, toutes deux de transmissionautosomique dominante [76, 77]. La forme A, la moins excep-tionnelle, résulte d’une altération de la fonction d’excrétion dela ferroportine. Elle est à l’origine d’une surcharge caractériséepar :• l’absence ou la pauvreté de son expression clinique ;• une hyperferritinémie avec saturation de la transferrine

normale ou peu augmentée ;• la prédominance macrophagique des dépôts sidériques

expliquant l’hyposignal splénique en IRM [78] ;• parfois, une moins bonne tolérance des saignées que dans

l’hémochromatose HFE. La forme B qui résulte en un tableautypique d’hémochromatose a été évoquée plus haut [71].

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Acéruloplasminémie héréditaire

Cette affection autosomique récessive est responsable d’undéficit en céruloplasmine, lequel est à l’origine du blocage del’oxydation du fer, donc de sa sortie cellulaire. Il en résulte unesurcharge parenchymateuse en fer touchant le foie [79], lepancréas (diabète) et le système nerveux central (rétinitepigmentaire, syndrome extrapyramidal et troubles des fonctionssupérieures jusqu’à la démence [80]). Biologiquement, la maladieréalise un tableau d’hyperferritinémie à fer sérique et saturationde la transferrine bas, associé à un effondrement de la cérulo-plasminémie. Elle se révèle à l’âge adulte, généralement par untableau neurologique et/ou un diabète. Les soustractionssanguines induisent rapidement une anémie, si bien que le seulespoir thérapeutique réside dans l’administration d’un chélateurdu fer [79]. Une forme dégradée de la maladie a été décrite sousle terme d’hypocéruloplasminémie héréditaire [81].

■ Surcharges acquises

Apport excessif en ferL’apport régulier et prolongé de fer peut être responsable

d’une surcharge viscérale en fer comme cela a été démontréchez des coureurs cyclistes professionnels massivement supplé-mentés en fer [82].

Syndrome métaboliqueDécrite chez des sujets non alcooliques d’âge mûr, essentiel-

lement masculins [83, 84], l’hépatosidérose dysmétabolique estdéfinie par l’association :• d’une surcharge hépatique en fer inexpliquée ;• d’un contexte dysmétabolique associant surpoids (avec

répartition androïde des graisses) et/ou hypertension artérielleet/ou dyslipidémie (hypertriglycéridémie, essentiellement)et/ou intolérance aux hydrates de carbone, voire diabète noninsulinodépendant.La biologie fonctionnelle hépatique est normale ou peu

perturbée (hyper-cGT isolée ou associée à une discret courantcytolytique en ALAT). L’hyperferritinémie est souvent plusimportante que ne le voudrait la seule surcharge, laquelle est, enrègle, discrète (de l’ordre de 100 µmol/g). Histologiquement, ils’agit d’une surcharge mixte, hépatocytaire et mésenchyma-teuse, avec prédominance périportale de sa composante paren-chymateuse [85]. Dans la moitié des cas coexiste une stéatose,voire une hépatite stéatosique et, dans 10 % à 15 % des cas, unefibrose en pont ou une cirrhose. Les mutations HFE ne semblentpas en cause bien que la prévalence de l’hétérozygotie compo-site C282Y-H63D soit augmentée chez ces patients [86]. Untraitement déplétif est d’ordinaire engagé après démonstrationde la réalité de la surcharge par la biopsie ou l’IRM et ladésaturation obtenue rapidement après la soustraction de 1,5 à3 g de fer par des saignées espacées de 10 à 15 jours [87]. Lemécanisme de la surcharge est encore mal compris mais untrouble primitif de la synthèse de l’hepcidine apparaît peuvraisemblable [88].

Maladies chroniques du foie [89]

Hépatopathies non cirrhotiques

Au cours des hépatopathies non cirrhotiques, l’hyper-ferritinémie et, à moindre degré, l’élévation de la sidérémie etde la saturation de la transferrine sont fréquentes. Ces anoma-lies témoignent, en règle, de la seule activité nécrotico-inflammatoire quelle qu’en soit la cause mais aussi, parfois,d’une authentique surcharge en fer. Celle-ci est alors modérée(de l’ordre de 100 µmol/g) et mixte, hépatocytaire et kupffé-rienne. À son origine est évoquée, tout au moins pour ce quiconcerne l’alcool [90] et le virus de l’hépatite C [91], une inhibi-tion de la synthèse d’hepcidine par le facteur causal de l’hépa-topathie. L’effet aggravant de la surcharge vis-à-vis de

l’évolution de la maladie, et notamment de la fibrose, estpossible, mais non clairement démontré. La déplétion martialen’améliore pas la réponse prolongée au traitement antiviral dansl’hépatite C chronique, mais la ferritinémie est un facteurprédictif indépendant de cette réponse [92].

Cirrhose

Toute cirrhose est susceptible de se compliquer d’une sur-charge en fer progressive jusqu’à en imposer, à un stade évoluéde la maladie, pour une hémochromatose [93-95]. Cette surchargeest en effet essentiellement parenchymateuse mais, contraire-ment à celle de l’hémochromatose, elle se distribue de façontrès hétérogène d’un nodule à l’autre et respecte le tissu fibreux,les vaisseaux et les canaux biliaires. Les mutations HFE n’ontpas d’implication significative dans la constitution de ce type desurcharge [96] dont le mécanisme ferait plutôt intervenir, outrel’étiologie de la cirrhose (cf. ci-dessus), une moindre synthèse dela transferrine et de l’hepcidine par insuffisance hépatocellu-laire [97] et l’augmentation du fer non lié à la transferrine qui enrésulte [54]. L’excès hépatique de fer serait un facteur de risqueindépendant de survenue du carcinome hépatocellulaire chezles malades ayant une cirrhose alcoolique et/ou liée au syn-drome métabolique, mais non chez les malades ayant unecirrhose virale C [98].

Maladies hématologiques

Porphyrie cutanée tardive [89]

La porphyrie cutanée tardive (PCT) est liée à une diminutionde l’activité de l’uroporphyrinogène décarboxylase. Cetteenzyme de la chaîne de synthèse de l’hème est inactivée defaçon réversible par un processus fer-dépendant. La PCT estmarquée par des signes cutanés à type de photosensibilité, defragilité épidermique et de bullose. L’expression clinique de lamaladie requiert l’intervention de cofacteurs tels l’alcool, laprise d’œstrogènes, une hépatopathie ou le fer. De fait, unehépatosidérose mixte et, en règle, peu marquée est retrouvéedans 60 % à 70 % des cas de PCT. Les mutations HFE semblentconférer une susceptibilité particulière vis-à-vis de la PCT sansqu’une relation entre l’une et/ou l’autre des mutations et lacharge hépatique en fer n’ait pu être démontrée. Une dysrégu-lation de la synthèse d’hepcidine pourrait toutefois être encause dans la genèse de l’excès hépatique de fer [99]. Quoi qu’ilen soit, la déplétion martiale par soustractions sanguinesrégulières conduit à l’extinction des manifestations cutanées dela maladie, même chez les patients indemnes de surchargehépatique en fer.

Dysérythropoïèses

Les dysérythropoïèses – quelle qu’en soit la cause (thalassé-mies, anémies sidéroblastiques héréditaires ou acquises, anémiedysérythropoïétique congénitale) – peuvent induire, avant toutetransfusion, une surcharge en fer par diminution de la synthèsed’hepcidine en lien avec la production médullaire de growthdifferentiation factor 15 [100]. Ce type de surcharge mime biolo-giquement et histologiquement l’hémochromatose, si bien quele diagnostic n’en est parfois fait que devant l’apparition d’uneanémie après quelques soustractions sanguines. La responsabilitédes mutations HFE dans sa constitution n’est pas patente.

Le plus souvent, le diagnostic hématologique est connu et lepatient traité par transfusions quand se démasque le problèmede la surcharge en fer. Au cours de la thalassémie majeure quidemeure la cause la plus fréquente de surcharge secondaire enfer, l’hyperabsorption de fer et les besoins transfusionnels (enmoyenne 200 à 300 ml/kg par jour, soit 0,25 à 0,40 mg defer/kg par jour) concourent à la constitution précoce de lasurcharge. Celle-ci se manifeste par une hépatomégalie avecfibrose puis cirrhose, un retard de croissance et une cardiomyo-pathie, cause principale du décès de ces jeunes patients. Tous lesmarqueurs sériques de charge en fer sont augmentés. Le traite-ment repose sur des mesures diététiques visant à limiter l’apport

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et l’absorption du fer (consommation de thé) et, surtout, leschélateurs, au premier rang desquels le déférasirox administrableper os et d’efficacité équivalente à celle de la déféroxamine.

■ Diagnostic pratique (Fig. 2)

Dosage de la ferritinémie

Il faut réaliser un dosage de la ferritinémie qui, normale oudiminuée, permet d’écarter toute suspicion de surcharge en fer.

Écarter une hyperferritinémie sans excèsde fer

Causes prédominantes

Quatre causes, parfois intriquées, prédominent. Il convient deles considérer avant toute autre démarche car, du fait de leurextrême prévalence dans la population générale, elles rendentcompte de la quasi-totalité des cas d’hyperferritinémie identifiésdans le cadre d’un bilan systématique.

Syndrome inflammatoire

Toute inflammation, qu’elle soit générale ou tissulaire, estsusceptible d’élever la ferritinémie parfois de façon majeurecomme dans le syndrome d’activation macrophagique ou lamaladie de Still. Dans cette situation, sidérémie et saturation dela transferrine sont habituellement diminuées et la C reactiveprotein (CRP) augmentée.

Lyses cellulaires

Toute cytolyse, quelle qu’en soit l’origine, hépatique, muscu-laire, et, à un moindre degré, globulaire rouge ou médullaire,s’accompagne d’une élévation de la ferritinémie proportionnelleà l’importance de la destruction cellulaire. L’interprétationd’une hyperferritinémie nécessite donc de disposer égalementd’un dosage des taux sériques des ASAT (muscle et foie) et desALAT (foie) ainsi que d’une numération sanguine.

Consommation excessive d’alcool

L’alcool est susceptible d’augmenter la ferritinémie par unmécanisme direct d’induction de sa synthèse et par deuxmécanismes indirects, l’un par toxicité cellulaire (cytolyse) etl’autre par diminution de la production d’hepcidine. La déter-mination précise de la consommation quotidienne d’alcool faitdonc partie de l’enquête étiologique d’une hyperferritinémie.Lorsque cette consommation est excessive, il convient d’effec-tuer un test de sevrage, dans la mesure où cela s’avère possible :la ferritinémie diminue significativement, voire se normalisedans les 15 jours qui suivent l’arrêt de l’alcool.

Syndrome métabolique

Une hyperferritinémie – en règle modérée, c’est-à-dire del’ordre de 500 µg/l – est fréquente au cours du syndromemétabolique. Son taux est proportionnel au degré d’insulino-résistance. L’interprétation d’une hyperferritinémie nécessitedonc une bonne connaissance du terrain métabolique (indice demasse corporelle, tour de taille, pression artérielle, bilanslipidique et glucidique, etc.). Cette hyperferritinémie s’associe,dans la moitié des cas, à une stéatose ou à une stéatohépatiteresponsables d’une hyperéchogénécité hépatique.

HémochromatoseHFE

FerroportineCéruloplasmine

L ferritine

CHF normale

HSDAlcool

CHFaugmentée

Hémochromatose non HFEMutations HFE rares

Autresgénotypes

HomozygotieC282Y

Hyperferritinémie

SAT > 45 % (× 2) SAT < 45 %

HFEIRM

Biopsiedu foie

SAT Tf

AlcoolInflammation

CytolyseDysmétabolisme

C282Y/H63DCirrhose

Dysmyélopoïèse

Figure 2. Arbre décisionnel. Algorithme diagnostique des hyperferritinémies. CHF : concentration hépatique en fer ; HSD : hépatosidérose dysmétabolique ;SAT Tf : saturation de la transferrine.

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Autres causes possibles

Les autres causes d’hyperferritinémie sans surcharge en fersont plus rares et d’identification aisée du fait de leur contexteclinique : hyperthyroïdie, pathologie cancéreuse connue,thésaurismose (maladie de Gaucher) ou mutation du gène de laL ferritine avec cataracte, etc.

Engager le diagnostic étiologique enfonction de la saturation de la transferrine

En dehors des tableaux patents qui se résument aux anémieschroniques nécessitant des transfusions répétées et aux surchar-ges iatrogènes par supplémentation excessive en fer ou envitamine C, la démarche étiologique s’appuie sur la valeur,vérifiée, du coefficient de la saturation de la transferrine.

Saturation de la transferrine augmentée

La discussion est orientée par le contexte.

En cas de maladie chronique et évoluée du foie

Le diagnostic est vraisemblablement celui de surchargesecondaire à l’état de cirrhose.

En cas d’anémie macrocytaire chez un sujet âgé

La probabilité d’une dysérythropoïèse compensée est grande.

Autres cas

Dans les autres cas, la recherche de la mutation C282Y estrecommandée :• si le patient est homozygote C282Y, le diagnostic d’hémo-

chromatose HFE est posé ;• si le patient n’est pas homozygote, il convient d’apprécier la

réalité et l’importance de la surcharge en fer par IRM oubiopsie hépatique, avant de discuter :C si le patient est hétérozygote pour la mutation C282Y :

– une hétérozygotie composite, le plus souvent avec H63D,devant une faible surcharge,

– une hétérozygotie composite avec une exceptionnellemutation familiale devant une forte surcharge,

C si le patient est indemne de la mutation C282Y :– une hémochromatose juvénile par mutation du gène de

l’hémojuvéline ou du gène de l’hepcidine face à untableau phénotypique sévère chez un sujet jeune,

– une hémochromatose par mutation du gène codant pourle récepteur de la transferrine 2 classique, voire uneexceptionnelle maladie de la ferroportine de type B faceà un tableau classique d’hémochromatose chez unadulte.

Saturation de la transferrine normale ou basse

La saturation de la transferrine normale ou basse se discuteici, après avoir démontré la réalité et l’importance de lasurcharge par IRM ou biopsie hépatique :• devant une faible surcharge :C avec des anomalies métaboliques : une hépatosidérose

dysmétabolique, éventualité la plus fréquente,C avec des manifestations cutanées (bullose, cicatrices

dépigmentées, etc.) : une porphyrie cutanée tardive ;• devant une surcharge modérée ou forte :C avec des symptômes neurologiques : une a- ou hypocéru-

loplasminémie héréditaire,C avec l’existence d’autres cas de surcharge en fer dans la

famille : une maladie de la ferroportine de type A.

■ Conclusion

Un examen clinique complet prenant notamment en compteles paramètres biométriques, l’appréciation correcte de laconsommation d’alcool et la prescription de quelques examensbiologiques simples (NFS, ASAT, ALAT, CRP, saturation de latransferrine, etc.) permettent le diagnostic étiologique de laplupart des cas d’hyperferritinémie, lesquels, au quotidien,relèvent rarement d’une hémochromatose HFE et exceptionnel-lement d’une autre anomalie génétique du métabolisme du fer.Une telle démarche est indispensable pour identifier au mieuxles cas d’hyperferritinémie susceptibles de tirer bénéfice d’uneenquête de génétique moléculaire. Les progrès réalisés dans lacompréhension du mécanisme des surcharges en fer laissentespérer l’avènement, à côté des saignées et de la chélation orale,de traitements médicamenteux ciblés sur les différentes protéi-nes de régulation du métabolisme systémique et cellulaire dufer.

Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyrightpeut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré.

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“ Points essentiels

• Les causes les plus fréquentes d’hyperferritinémie sont :C le syndrome inflammatoire ;C la consommation d’alcool ;C le syndrome métabolique ;C les cytolyses.

Elles doivent être évoquées et traitées avant d’aller plusavant dans le diagnostic étiologique.• Un examen clinique complet prenant notamment encompte les paramètres biométriques, l’appréciationcorrecte de la consommation d’alcool et la prescription dequelques examens biologiques simples (NFS, ASAT, ALAT,CRP, saturation de la transferrine, etc.) permet lediagnostic étiologique de la plupart des cas d’hyper-ferritinémie.• Le phénotype hémochromatosique est caractérisé parune élévation de la saturation de la transferrine sous-tendue par un déficit en hepcidine. En pratique, il est,dans l’immense majorité des cas, le fait d’unehomozygotie C282Y sur le gène HFE. Avant d’envisager legénotypage d’un autre gène (récepteur de latransferrine 2, hémojuvéline, hepcidine, ferroportine,etc.), il est important de vérifier la saturation de latransferrine, la réalité de l’excès de fer par l’IRM, la biopsiehépatique ou la quantité de fer soustraite par des saignéeshebdomadaires, et d’exclure les causes acquises desurcharge en fer.

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Sarcoïdose

C. Chapelon-Abric

La sarcoïdose est une granulomatose multisystémique du sujet jeune. Cette maladie bénigne évolue dansla majorité des cas favorablement avec ou sans traitement. Certains patients présentent des localisationsgraves qui peuvent menacer le pronostic vital. Dans de tels cas, une corticothérapie doit être prescrite. Lasurveillance prolongée est nécessaire.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Granulomatose multisystémique ; Radiographie pulmonaire ;Explorations fonctionnelles respiratoires ; Atteinte cardiaque ; Atteinte neurologique

Plan

¶ Introduction 1

¶ Circonstances de découverte 1

¶ Signes cliniques 1Atteinte médiastinopulmonaire 1Atteinte ganglionnaire 2Manifestations articulaires 2Atteinte hépatosplénique 2Atteinte cutanée 2Atteinte oculaire 2Atteinte osseuse 2Atteinte neuromusculaire 2Atteinte cardiaque 3Atteintes des glandes exocrines 3Atteinte rénale 3

¶ Examens paracliniques 3Biologie 3Examens morphologiques 3Examens histologiques 3

¶ Évolution 3

¶ Traitement 4Modalités thérapeutiques 4Indications thérapeutiques 4Conseils nécessaires 4

■ IntroductionLa sarcoïdose est une granulomatose multisystémique tou-

chant l’adulte jeune. Elle se caractérise par la formation degranulomes immunitaires, structures complexes, composées demonocytes/macrophages et lymphocytes T. Ces granulomes sontla conséquence d’une réaction immunitaire exagérée. Ilspeuvent s’observer dans tous les organes, mais principalementau niveau des ganglions en particulier médiastinaux, le paren-chyme pulmonaire, la peau et les yeux. L’étiologie reste incon-nue mais interviennent, à un moment donné, des facteursenvironnementaux spécifiques sur un terrain génétiqueprédisposé.

Cette affection peu fréquente, 10 cas pour 100 000, s’observedans les deux sexes, préférentiellement chez les sujets de racenoire, entre 25 et 45 ans.

■ Circonstances de découverte [1, 2]

Dans près de la moitié des cas, la sarcoïdose est découvertefortuitement lors d’une radiographie thoracique. Lorsqu’elle estsymptomatique, les signes les plus habituels sont respiratoires(19 %), ou généraux (15 %). Dans moins de 10 % des cas, lamaladie peut se révéler par un syndrome de Löfgren (lymphomehilaire bilatéral et érythème noueux) (9 %), des arthralgies(6 %), des signes cutanés (4 %), des troubles oculaires (4 %) etune atteinte parotidienne (1 %).

■ Signes cliniques [1-3]

Le polymorphisme clinique de cette maladie explique lagrande diversité des signes observés d’un malade à un autre etchez un même malade dans le temps. L’expression clinique vaaussi être conditionnée par le sexe, la race et l’âge. La multipli-cité des localisations impose un examen clinique complet lorsdu bilan initial, mais également lors du suivi en particulier lorsde la décroissance des traitements.

Les signes généraux sont fréquents, le plus souvent modérésqu’il s’agisse d’une fièvre, d’un amaigrissement, d’une asthénie.L’intradermoréaction à la tuberculine est négative dans 75 %des cas.

Atteinte médiastinopulmonaireCette localisation est présente dans la très grande majorité des

cas, rarement à l’origine de dyspnée, toux, ou douleurs thoraci-ques. La classification radiologique permet d’apprécier le type del’atteinte thoracique, son pronostic et parfois l’ancienneté de lamaladie :• stade 0 : radiographie normale• stade I : lymphome hilaire bilatéral, grossièrement symétri-

que, non compressif, même lorsque les adénopathies sontvolumineuses ;

• stade II : apparition de lésions micronodulaires ou réticulo-micro-nodulaires des deux champs pulmonaires ;

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• stade IIA : lésions parenchymateuses associées à la persistancedu lymphome hilaire ;

• stade IIb : lésions parenchymateuses sans adénopathiemédiastinale ;

• stade III : lésions parenchymateuses suggérant un processusde fibrose et/ou lésions d’emphysème (Fig. 1).Ces stades radiologiques ont un intérêt pronostique. Les

stades I sont de meilleur pronostic que les stades II et III.Le scanner met en évidence des anomalies parenchymateuses

parfois mal visibles sur la radiographie pulmonaire : nodulespérivasculaires ou situés dans les septa interlobulaires et lesespaces sous-pleuraux ; épaississement des parois vasculaires oubronchiques et des septa ; images en verre dépoli. Au stade defibrose débutante, il existe des opacités linéaires irrégulières péri-broncho-vasculaires des hiles vers la périphérie.

Les explorations fonctionnelles respiratoires avec mesure de laDLCO (diffusion libre du monoxyde de carbone) sont indispen-sables pour suivre l’évolution. Lorsqu’elles sont anormales, ilexiste en principe un syndrome restrictif (diminution desvolumes, de la compliance, de la PaO2, de la PaCO2) associé àune baisse de la capacité de transfert du monoxyde de carbone.L’endoscopie bronchique avec biopsies systématiques coupléesau lavage bronchioloalvéolaire (LBA) complète les investigationspneumologiques. L’atteinte bronchique est quasi constante, leplus souvent asymptomatique découverte lors des biopsies. Dansle LBA, il existe typiquement une hypercellularité avec hyper-lymphocytose supérieure à 15 % et un rapport CD4/CD8 élevé.Ce rapport est moins élevé chez les fumeurs. Il peut êtreégalement inversé, sans que cela ne porte préjudice sur le profilévolutif. Enfin, la présence de polynucléaires neutrophiles est letémoin de lésions de fibrose.

Atteinte ganglionnaireLes adénopathies, qu’elles soient périphériques ou profondes,

sont très fréquentes. Les adénopathies superficielles sontsouvent asymptomatiques, fermes et indolores, non inflamma-toires, de taille variable. Elles peuvent siéger au niveau de toutesles aires. Des adénopathies profondes peuvent être révélatrices,morphologiquement identiques à celles d’un lymphome.L’évolution de l’atteinte ganglionnaire est en règle favorable,avec ou sans traitement.

Manifestations articulairesLes arthralgies et arthrites s’intègrent le plus souvent dans le

cadre du syndrome de Löfgren, dont elles partagent l’évolutionfavorable. Elles touchent surtout les grosses articulations(principalement chevilles, genoux, poignets), de façon symétri-que, fugace, migratrice et de rythme inflammatoire. Ce n’estqu’au stade rare d’arthrite chronique que les radiographiesosseuses se modifient et que la biopsie synoviale peut retrouverun granulome sarcoïdien.

Atteinte hépatospléniqueL’hépatosplénomégalie est le plus souvent asymptomatique.

Le scanner abdominal confirme leur présence et révèle fré-quemment, dans les parenchymes hépatique et splénique, desnodules hypodenses.

Atteinte cutanéeUn érythème noueux est observé dans 17 % des cas. En

dehors de cette manifestation non spécifique, il peut exister uneréelle infiltration granulomateuse cutanée à l’origine d’un grandpolymorphisme. Les lésions les plus fréquentes sont les sarcoï-des, qui prédominent au niveau du visage et sur la partiesupérieure du thorax (Fig. 2), le lupus pernio, l’angiolupoïde etles cicatrices chéloïdiennes. Toutes ces lésions sont accessiblesaux biopsies. Les lésions cutanées spécifiques évoluent favora-blement, avec ou sans traitement, ou deviennent chroniques.

Atteinte oculaireL’atteinte visuelle est fréquente, observée dans plus de 25 %

des cas. Elle se traduit le plus souvent par une uvéite antérieureet/ou postérieure. L’uvéite peut s’intégrer dans le syndromed’Heerfordt (uvéite antérieure, hypertrophie parotidiennebilatérale, paralysie faciale périphérique).

Cette atteinte est parfois asymptomatique, justifiant unexamen ophtalmologique systématique. Le pronostic fonction-nel repose sur la présence de synéchies, mais surtout surl’existence d’une uvéite postérieure qui, non traitée et localiséeprès de la macula, peut provoquer une cécité.

Atteinte osseuseLes localisations osseuses sont rares, notées dans moins de

15 % des cas, le plus souvent latentes et indolores. Elles siègentsurtout au niveau des os tubulaires des extrémités (90 % descas). Les tissus en regard sont, en principe, normaux. Radiolo-giquement, il existe des formes lytiques à grandes bulles ; desformes kystiques circonscrites cystoïdes et des formes diffusesmicrogéodiques.

Atteinte neuromusculaire [4]

Les localisations neurologiques s’observent, par ordre defréquence décroissante, au niveau des méninges, du systèmenerveux central, des nerfs crâniens, du système nerveux péri-phérique et des muscles. L’atteinte méningée est le plus souventasymptomatique, caractérisée par une hypercellularité à prédo-minance lymphocytaire, une hyperprotéinorachie avec parfoisune augmentation des gammaglobulines, une élévation del’enzyme de conversion de l’angiotensine du liquide céphalora-chidien (LCR). L’atteinte du système nerveux central (SNC) peuts’observer à tous les niveaux responsable, principalement, detroubles psychiques, d’hydrocéphalie, de crises comitiales. Lesmanifestations neuroendocriniennes, bien que rares, doiventévoquer le diagnostic. L’atteinte d’un ou de plusieurs nerfscrâniens est souvent associée à d’autres signes neurologiques. La

Figure 1. Atteinte réticulonodulaire bilatérale de stade III.Figure 2. Sarcoïdes.

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paralysie du nerf facial, en règle périphérique, est la plusclassique. Les neuropathies périphériques sont le plus souventsensitivomotrices symétriques ou à type de multi-mono-névrites, en particulier du cubital et du sciatique poplitéexterne. Les myopathies sarcoïdosiques, avec enzymes muscu-laires normales, surviennent préférentiellement chez les femmesménopausées. Les formes pseudo tumorales et nodulaires sonttrès rares.

L’électromyogramme (EMG), les potentiels évoqués visuels etauditifs et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébraleet médullaire cervicale (prescrits en fonction des signes clini-ques) confirment l’atteinte neurologique, apprécient sa gravité,tentent de préciser l’origine sarcoïdosique des lésions par larecherche d’une atteinte multifocale. Dans certains cas, desbiopsies musculaires, neuromusculaires, médullaires, méningées,voire cérébrales stéréotaxiques, sont nécessaires. L’évolutionsous corticoïdes est variable.

L’atteinte méningée et celle des nerfs crâniens sont de bonpronostic ; l’évolution de l’atteinte centrale est en règle favora-ble, associée aux traitements spécifiques. L’évolution desneuropathies périphériques et surtout des atteintes musculairesde type myopathie est moins bonne.

Atteinte cardiaque [5]

Les circonstances de découverte et les signes cliniques dessarcoïdoses cardiaques sont non spécifiques. La mort subite,parfois révélatrice, est fréquente, par troubles du rythmeventriculaire grave, ou par bloc auriculoventriculaire du troi-sième degré. Des signes d’insuffisance cardiaque congestive, leplus souvent chronique, sont observés dans plus d’un tiers descas de sarcoïdoses cardiaques. L’atteinte péricardique est le plussouvent asymptomatique. L’électrocardiogramme est pathologi-que dans près de 50 % des cas des sarcoïdoses. Les troubles dela conduction sont les plus fréquents ainsi que ceux du rythmeventriculaire. Toute anomalie, même transitoire, impose unHolter ECG (électrocardiogramme) sur 24 heures et en cas dedoute une étude électrophysiologique du faisceau de His.L’échocardiographie peut révéler une atteinte asymptomatiqueou confirmer une suspicion lors de la découverte d’anomaliesseptales, d’un épaississement des parois ventriculaires avecdiminution de la fraction d’éjection, d’une dilatation ventricu-laire ou d’un trouble de la relaxation ventriculaire gauche. Lascintigraphie au thallium est pathologique dans 17 % à 32 %des sarcoïdoses et dans 75 % des cas de sarcoïdoses cardiaques.Elle révèle des hypofixations localisées ou une hétérogénéitédiffuse qui régressent sous dypiridamole, ou lors de la redistri-bution et ne sont pas aggravées par l’effort.

Les risques majeurs sont la mort subite et l’insuffisancecardiaque résistante aux traitements. La corticothérapie doit êtreinstituée dès les premiers signes cliniques et/ou électriques. Lesthérapeutiques cardiologiques appropriées doivent toujours êtreprescrites.

Atteintes des glandes exocrinesLa parotidomégalie, souvent bilatérale, peut être très volumi-

neuse, mais le plus souvent non douloureuse et recouverted’une peau normale. Elle peut, par compression, entraîner uneparalysie faciale périphérique. L’atteinte des glandes salivairesaccessoires et lacrymales est fréquente lors des études histologi-ques et doit être recherchée par un test au sucre et un test deSchirmer au rose de Bengale.

Atteinte rénaleL’atteinte rénale spécifique, sans l’intermédiaire d’une

altération du bilan calcique, avec insuffisance rénale estobservée chez moins de 1 % des cas. Il s’agit d’une néphropa-thie interstitielle granulomateuse avec protéinurie absente oumodérée, insuffisance rénale corticosensible, leucocyturieaseptique, hématurie microscopique. L’atteinte rénale répondaux fortes doses de corticoïdes.

Les autres localisations sont tout à fait exceptionnelles.

■ Examens paracliniques

BiologieDes anomalies non spécifiques sont fréquentes : hypergam-

maglobulinémie, élévation des immunoglobulines sériques,syndrome inflammatoire, augmentation des phosphatasesalcalines et des gamma GT, hyperuricémie.

Des modifications non spécifiques mais plus évocatrices :élévation du lysozyme et surtout élévation de l’enzyme deconversion de l’angiotensine, hypercalciurie et hypercalcémiepar hyperproduction de calcitriol (éventuellement dosable).

Examens morphologiquesLes examens morphologiques, en dehors des explorations

pulmonaires, doivent être discutés au cas par cas, en fonctionde la localisation.

La scintigraphie au gallium, examen onéreux, non spécifiqueet de réalisation difficile, peut être intéressante lors de sarcoïdo-ses atypiques, sans preuve histologique sur des examens simples.La diffusion du processus granulomateux ainsi mise en évidencepeut être évocatrice (image en panda) et peut éventuellementconduire à un geste biopsique non prévu (ponction biopsiehépatique [PBH], glandes lacrymales).

Examens histologiquesLa recherche d’une preuve histologique doit être systématique

et envisagée par ordre d’agressivité croissante. En pratique, sontproposées des biopsies d’un élément facilement accessible(ganglion périphérique, lésion cutanée), des biopsies bronchi-ques, une biopsie des glandes salivaires accessoires. En cas denégativité, se discutent des gestes plus lourds, comme uneponction biopsie hépatique, une médiastinoscopie.

L’ensemble de ces paramètres clinique, radiologique, biologi-que et histologique permet de retenir le diagnostic (Tableau 1).

■ ÉvolutionL’évolution de la sarcoïdose est fonction du stade à laquelle

elle est découverte, des localisations, mais aussi de leur activitérespective.

La sarcoïdose peut être découverte :• alors qu’elle est inactive ou en voie de guérison spontanée,

imposant alors une simple surveillance ;• alors qu’elle est active et évolutive, conduisant alors à

rechercher l’extension du processus granulomateux, et à

“ Points forts

Critères diagnostiques• Éléments cliniques et radiologiques évocateurs.• Absence de cause pouvant induire une granulomatose(particules anorganiques, tuberculose).• Preuve histologique.• Atteinte de plusieurs organes.• Particularités immunologiques :C dépression de l’hypersensibilité retardée (intra-

dermo-réaction [IDR] négative ou anergie tuber-culinique) ;

C augmentation du rapport CD4/CD8 dans lesorganes atteints ;

C hyperactivité des cellules B.• Indices d’activité :C enzyme de conversion augmentée ;C fixation diffuse lors de la scintigraphie au gallium.

• Perturbation du bilan phosphocalcique.

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déterminer, en fonction des localisations, les risques fonc-tionnels ou vitaux et donc de décider éventuellement d’unethérapeutique ;

• alors qu’elle est chronique et stable, en particulier pour lesatteintes pulmonaires, ganglionnaires et cutanées, justifiantaussi une simple surveillance.La décision thérapeutique doit tenir compte de tous ces

éléments, sans oublier qu’il s’agit d’une maladie bénigne dontle pronostic spontané en dehors de quelques localisations estfavorable dans 70 % des cas.

■ Traitement [6]

Modalités thérapeutiquesAnti-inflammatoires non stéroïdiens : Voltarène®, Indocid®.Plaquenil® : 2 à 3 cp par jour, indiqué surtout dans les formes

articulaires, cutanées ou en association avec la corticothérapieen vue d’une épargne cortisonique.

Corticoïdes +++ :• par voie générale : prednisone. La corticothérapie est toujours

débutée à une dose d’attaque qui varie entre 0,5 et 1 mg/kg/jpendant 1 à 3 mois. Si l’évolution est favorable, la posologieest ensuite diminuée très progressivement. La durée dutraitement est au minimum de 12 mois. Dans les formesgraves, des bolus de Solu-Médrol® peuvent être proposés.

• par voie locale : en cas d’atteinte oculaire, nasale, cutanée.Les autres immunosuppresseurs indiqués en cas de corticoré-

sistance ou de corticodépendance sont : méthotrexate, cyclo-phosphamide, mycophénolate mofétil, azathioprine, anti-TNF(tumor necrosis factor) alpha, etc.

Indications thérapeutiques

Indications formelles non discutablesde la thérapie

Elles concernent toute localisation susceptible de menacer lepronostic vital ou fonctionnel : atteintes cardiaque, neurologi-que, rénale, atteinte pulmonaire rapidement évolutive, uvéitepostérieure, hypercalcémie.

Indications non systématiquesde la corticothérapie

Elles concernent les localisations ne menaçant pas le pronos-tic vital mais altèrant la qualité de vie :• signes généraux sévères, persistants, ou atteinte articulaire

résistante aux anti-inflammatoires non stéroïdiens ;• atteinte cutanée inesthétique, résistante au Plaquenil® ;• aggravation d’une atteinte pulmonaire au cours des bilans ou

évolution vers une polynucléose lors du LBA.

Conseils nécessairesEn dehors du régime sans sel, pauvre en sucres imposé par la

corticothérapie, les patients doivent :• éviter l’exposition solaire ;• arrêter le tabac ;• éviter les aliments riches en calcium, ou les traitements avec

du calcium ou de la vitamine D ;• surseoir à une intervention chirurgicale (cicatrices chéloï-

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[6] Baughman RP, Costabel U, du Bois RM. Treatment of sarcoidosis. ClinChest Med 2008;29:533-48.

Tableau 1.Fréquence des localisations et manifestations des sarcoïdoses.

Médiastinopulmonaire 90 %

Ganglionnaires 70 %

Articulaires : arthralgies 50 %

Hépatosplénomégalie 15/30 %

Peau 25 %

Ophtalmologie 25 %

Os 5/15 %

Neurologique 5/15 %

Glandes exocrines 6/9 %

Cardiaque 5 %

Rénale 1 %

Oto-rhino-laryngologique < 1 %

Plèvre < 1 %

Digestive < 1 %

Génito-urinaire < 1 %

Glandes endocrines < 1 %

.

Page 112: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Maladie de Whipple

J. Le Scanff, I. Durieu

La maladie de Whipple (MW) est une maladie rare due à une bacille à Gram positif nommé Tropherymawhipplei de prévalence encore inconnue. Les manifestations cliniques de la MW sont multiples et nonspécifiques. Trois grands tableaux cliniques peuvent cependant être individualisés : la MW classiquepolyviscérale responsable d’un amaigrissement, de diarrhées et d’une malabsorption et de signesarticulaires, l’endocardite à hémocultures négatives et les formes neurologiques isolées. Grâce à unedémarche rigoureuse basée sur les données cliniques, histologiques (coloration à l’acide périodique deSchiff), immunohistochimiques et la recherche d’acide désoxyribonucléique bactérien par polymerasechain reaction, le diagnostic de maladie de Whipple doit être un diagnostic de certitude et conduire à untraitement antibiotique adapté et efficace.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Maladie de Whipple ; Tropheryma whipplei ; Diagnostic de la maladie de Wipple ;Traitement de la maladie de Wipple

Plan

¶ Introduction 1

¶ Épidémiologie 1

¶ Physiopathologie 1Micro-organisme 1Habitat, source et transmission de Tropheryma whipplei 2Hôte 2

¶ Description clinique 2Symptômes gastro-intestinaux 2Atteinte du système nerveux central 2Atteinte articulaire 2Endocardites 2Autres signes 2Signes biologiques 3

¶ Diagnostic 3Diagnostic histopathologique 3« Polymerase chain reaction » 3Immunohistochimie 3Microscopie électronique et culture 3Diagnostic différentiel 3

¶ Évolution et traitement 3

¶ Conclusion 3

■ Introduction

La maladie de Whipple est une maladie multisystémique raredue à la bactérie Tropheryma whipplei (Tw). La première descrip-tion anatomoclinique a été faite en 1907 [1]. Sa prévalence

exacte n’est pas connue. Environ 1 000 cas ont été rapportésjusqu’ici et l’incidence annuelle serait inférieure à 1 par milliond’habitants [2]. Connue dans le monde entier, elle sembletoucher plus fréquemment les hommes de 50 ans et les agricul-teurs [3]. Sa rareté, ainsi que le polymorphisme et la faiblespécificité des manifestations cliniques expliquent un retarddiagnostique souvent important. L’évolution spontanée de lamaladie est longue, marquée par des épisodes de rémission et derechutes pouvant aller jusqu’au décès en l’absence de traite-ment. Le premier isolement d’une souche de Tw a été effectuéen 2000 [4], permettant une meilleure connaissance de labactérie et une amélioration des techniques diagnostiquesouvrant de nouvelles perspectives pour la prise en chargethérapeutique de la maladie.

■ Épidémiologie [2-10]

Les séries de la littérature sont rares. On peut cependantretenir une prédominance masculine (86 %), presque exclusive-ment chez des Caucasiens. Aucun caractère familial n’a pu êtremis en évidence mais le contexte environnemental sembleexister avec une forte proportion d’agriculteurs (36 %) ou desujets en contact avec la terre et les animaux.

■ Physiopathologie [2-5]

Micro-organismeLa culture de cette bactérie sur fibroblastes humains a permis

sa caractérisation. Les analyses phylogénétiques l’ont classéeparmi les bactéries à Gram positif, proche de deux espècespathogènes chez l’homme, Actinomyces pyogenes et Rothia

Page 113: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

dentocariosa et d’autres bactéries de l’environnement. La culturea permis le séquençage entier de son génome réalisé sur deuxsouches distinctes. L’analyse du génome a montré la présencede gènes répétés facilitant les réarrangements génomiques de Twet pouvant permettre de modifier l’expression de protéinesmembranaires, ce qui permettrait à la bactérie d’échapper àl’immunité de l’hôte. La survie de la bactérie dans l’environne-ment s’explique par sa grande capacité de résistance etd’adaptation.

Habitat, source et transmissionde Tropheryma whipplei

Tw est un germe ubiquitaire mais ni sa source ni sa transmis-sion ne sont encore bien établies. Des études basées parpolymerase chain reaction (PCR) ont montré la présence de l’acidedésoxyribonucléique (ADN) de Tw dans des eaux d’égouts oudans les eaux stagnantes des communautés rurales et dans lesselles d’êtres humains. De plus, une association entre maladiede Whipple et infection à Giardia lamblia, protozoaire présentdans l’environnement et occupant probablement la même nicheécologique, a été rapportée, suggérant une transmission féco-orale de Tw.

HôteUn concept concernant la physiopathologie de la maladie de

Whipple est que dans certaines populations, beaucoup depersonnes sont exposées à Tw mais que la maladie ne sedéveloppe que chez certains patients fragilisés par un déficitimmunitaire. L’hypothèse d’une prédisposition génétique a eneffet été discutée. Bien qu’aucun facteur de risque génétiquen’ait encore été identifié, cette hypothèse se base sur la plusgrande fréquence de la maladie chez les hommes caucasiens etl’importante proportion de porteurs sains de Tw. Différentesanomalies immunologiques ont été rapportées chez des patientsatteints de maladie de Whipple mais les données restentcontradictoires. Aucun déficit de l’immunité humorale n’a puêtre identifié chez les malades. En revanche, des anomalies del’immunité cellulaire sont fréquemment retrouvées, en particu-lier des anomalies qualitatives et quantitatives des macrophages.Une diminution de production d’interleukine 12 et d’interférongamma par les monocytes périphériques a été mise en évidencechez des patients atteints de maladie de Whipple.

■ Description clinique [2, 3, 5-14]

La maladie de Whipple a longtemps été considérée commepurement digestive. En réalité, les manifestations cliniques sontmultiples et non spécifiques. Environ 15 % des patients neprésentent pas de signes digestifs. La fréquence des principalesmanifestations cliniques est rapportée dans le Tableau 1.

Symptômes gastro-intestinauxLa triade classique de la maladie de Whipple associe diar-

rhées, perte de poids et signes biologiques de malabsorption ;peuvent être présentes une lymphadénopathie abdominale avecdouleurs abdominales, une ascite chez 5 % des patients et unehémorragie digestive occulte dans environ 20 à 30 % des cas.

Atteinte du système nerveux central [11]

L’atteinte de système nerveux central est la plus sévère aucours de la maladie car elle peut conduire à des séquelles malgréun traitement adapté. Elle est notée chez 10 à 40 % despatients. Une altération cognitive avec syndrome démentiel, destroubles de la conscience, de la mémoire, une confusion sont lesplus fréquemment rapportés. Il peut exister des troubles del’oculomotricité à type d’ophtalmoplégie supranucléaire pro-gressive. Un quart des patients avec atteinte du système nerveux

central présentent des myoclonies. Une atteinte de l’hypothala-mus est possible avec polydipsie, hyperphagie, troubles de lalibido et troubles du sommeil. La ponction lombaire estanormale dans plus de la moitié des cas montrant une hyper-protéinorachie avec formule lymphocytaire. Des granulationsacide périodique de Schiff (PAS)-positives et la PCR à la recher-che d’ADN bactérien sont positives dans la moitié des cas mêmesi la cytochimie du liquide céphalorachidien (LCR) est normale.L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale est unexamen sensible pour détecter des hypersignaux en séquenceT2 touchant par ordre de fréquence décroissante le cortexfrontal, les ganglions de la base, la substance blanche périven-triculaire, l’hypothalamus et le cortex temporal et pariétal.

L’œil peut également être atteint dans la maladie de Whippleavec la survenue d’uvéites (antérieure et postérieure surtout), dekératites, de rétinite et de papillite.

Atteinte articulaire [12]

Dans 65 à 90 % des cas, le diagnostic de maladie de Whippleest posé devant une symptomatologie articulaire associant desarthrites et/ou des arthralgies migratrices. Il s’agit de polyarth-rite le plus souvent mais des oligoarthrites sont possibles. Plusrarement, il s’agit d’un tableau de polyarthrite séronégativechronique et destructrice dont le diagnostic différentiel princi-pal est la polyarthrite rhumatoïde. De rares cas d’infections surprothèses, de spondylarthropathie ont été rapportés. Desmyalgies et des crampes peuvent être présentes.

Endocardites [13, 14]

Tw peut être responsable d’endocardite à hémoculturesnégatives. Dans ce cas, les manifestations cliniques extracardia-ques de maladie de Whipple sont souvent absentes ou alorsprécèdent de plusieurs années le diagnostic (arthralgies). Letableau clinique est proche de celui de la fièvre Q ou d’unebartonellose et le syndrome inflammatoire est rare. Le diagnos-tic nécessite le plus souvent une chirurgie valvulaire cardiaque.

Plus de la moitié des patients atteints de maladie de Whippleclassique présentent une péricardite ; les myocardites sont plusrares.

Autres signesLes autres signes fréquents pouvant révéler une maladie de

Whipple peuvent être un amaigrissement isolé, des adénopa-thies superficielles, une fièvre prolongée ou récurrente inexpli-quée. Les atteintes pulmonaires à type d’épanchement pleural,d’infiltrats parenchymateux ou d’adénopathies médiastinalesgranulomateuses touchent 30 à 40 % des patients atteints demaladie de Whipple multiviscérale.

Les symptômes plus rares de maladie de Whipple associenthyperpigmentation cutanée, nodules sous-cutanés, hypothyroï-die, orchite et épididymite.

Tableau 1.Caractéristiques épidémiologiques et cliniques des patients atteints demaladie de Whipple systémique à partir de sept séries de la littératurepubliées depuis 1960 [2].

Caractéristiques cliniques Nombre/nombre total (%)

Sexe masculin 770/886 (86 %)

Signes articulaires 244/335 (87 %)

Diarrhées 272/335 (81 %)

Amaigrissement 223/240 (93 %)

Fièvre 128/335 (38 %)

Adénopathies 174/335 (52 %)

Mélanodermie 99/240 (41 %)

Signes neurologiques 33/99 (33 %)

Signes oculaires 6/99 (6 %)

Épanchement pleural 26/190 (14 %)

Page 114: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Signes biologiques

Les anomalies biologiques les plus constantes sont un syn-drome inflammatoire souvent marqué ; à un stade plus avancé,un tableau de malabsorption avec anémie, hypoalbuminémie ethypocalcémie est habituel dans la forme multiviscérale.

■ Diagnostic [2, 3, 5, 15-18]

Diagnostic histopathologique

L’analyse anatomopathologique avec la coloration au PASréalisée sur biopsies diverses, classiquement sur des biopsiesduodénales mais aussi sur biopsies ganglionnaires, hépatiques,synoviales, cérébrales et sur différents liquides de ponction(LCR, liquide synovial...) recherche la présence de macrophagescontenant du matériel PAS positif. On peut parfois mettre enévidence la présence de corps bacilliformes à Gram positifextracellulaires.

« Polymerase chain reaction »

L’extraction d’ADN bactérien, son amplification et l’identifi-cation par PCR de Tw sur divers milieux biologiques et histolo-giques, est une méthode sensible et spécifique mais ne doit êtreréservée qu’en cas de forte suspicion de maladie de Whipple etréalisée dans des laboratoires spécialisés expérimentés. En effet,une PCR isolée positive chez un patient ne suffit pas à poser lediagnostic de maladie de Whipple car de faux positifs ont étérapportés dans la littérature (problème du portage sain, pro-blème de technique et de contamination).

Immunohistochimie

L’immunohistochimie avec des anticorps polyclonaux dirigésspécifiquement contre la bactérie peut être réalisée sur prélève-ments biologiques ou histologiques et de manière rétrospectivesur prélèvements fixés. Elle est plus sensible et spécifique que lacoloration PAS mais reste encore peu utilisée en pratiquecourante.

Microscopie électronique et culture

La microscopie électronique et la culture bactérienne sont destechniques longues et réservées à des laboratoires spécialisés. Parconséquent, elles ne sont pas recommandées en pratiquecourante.

En conclusion, le diagnostic de maladie de Whipple doit êtreun diagnostic de certitude grâce à une démarche diagnostiquerigoureuse. Celle-ci est résumée dans la Figure 1.

Diagnostic différentiel

Les principaux diagnostics différentiels sur le plan cliniquesont la tuberculose systémique, les hémopathies lymphoïdes, lasarcoïdose et l’histoplasmose systémique. Le traitement antitu-berculeux améliore généralement partiellement ou totalementles symptômes mais s’accompagne de rechute à l’arrêt dutraitement. Sur le plan histopathologique, la présence degranulations à PAS positives n’est pas spécifique de maladie deWhipple et peut se rencontrer au cours des infections à Myco-bacterium avium complex. Dans ce cas, le germe est générale-ment identifié lors de la mise en culture.

■ Évolution et traitement [2, 3, 5]

En l’absence de traitement antibiotique adapté, la maladie deWhipple peut être mortelle. Chez certains patients traités de

manière adéquate, la diarrhée disparaît rapidement en moins de1 semaine. Les arthralgies, en revanche, régressent un peu pluslentement en 2 à 3 semaines. Quant aux signes neurologiques,leur régression s’observe généralement plus de 3 semaines aprèsle début de traitement. De plus, des séquelles sont fréquemmentobservées.

Après l’arrêt du traitement, les rechutes surviennent chez 2 à35 % des patients, particulièrement au niveau cérébral.

Le suivi du patient est primordial et doit être poursuivi à vie.Des gastroscopies de contrôle sont conseillées à 6 et 12 moispuis tous les ans après la mise en route du traitement. Lacoloration PAS peut rester positive plusieurs années. La PCR senégative plus rapidement et semble être un bon examen desuivi pour évaluer l’efficacité du traitement.

Il n’y a pas de consensus concernant le traitement antibioti-que de la maladie de Whipple. Le traitement recommandé encas de maladie de Whipple systémique est le cotrimoxazole peros associé à une supplémentation folique pendant 1 à 2 ansprécédé par un traitement intraveineux par streptomycine,pénicilline G ou ceftriaxone pendant 15 jours. En cas d’allergieau cotrimoxazole, le traitement d’entretien peut être réalisé avecla doxycycline en association avec un traitement parhydroxychloroquine.

En cas de maladie de Whipple avec atteinte neurologique, letraitement fait appel à la doxycycline, l’hydroxychloroquine etle cotrimoxazole en association pendant au moins 1 an, voirejusqu’à disparition de l’ADN bactérien et négativation del’immunohistochimie sur biopsies duodénales.

■ Conclusion

La maladie de Whipple est une maladie systémique rarepotentiellement grave en l’absence de traitement. Le traitementrecommandé fait appel à une antibiothérapie d’attaque injecta-ble pendant 15 jours puis un traitement oral prolongé sur 1 à2 ans. La réponse au traitement est favorable dans la grandemajorité des cas. Les rechutes sont possibles même après untraitement prolongé. Grâce à une démarche diagnostiquerigoureuse confrontant les données cliniques, biologiques,histologiques, les résultats de la PCR et de l’immunohistochi-mie, le diagnostic de maladie de Whipple peut être actuelle-ment posé avec certitude et conduire à une prise en chargeadaptée. La surveillance de la tolérance du traitement et del’absence de rechute après traitement est indispensable.

“ Points forts

• Maladie rare mais sévère• Un diagnostic à évoquer devant des situations variées :maladie systémique de sémiologie très variable, la maladiede Whipple doit être évoquée parmi les diagnosticsdifférentiels des entérites chroniques, des arthriteschroniques, des fièvres prolongées, des méningo-encéphalites chroniques et des endocardites à hémo-cultures négatives• Maladie bactérienne due à Tropheryma Whipplei• Lésions histologiques caractéristiques contenant desmacrophages à inclusions PAS positives• Diagnostic moléculaire par PCR sur divers milieuxhistologiques et biologiques couplé aux données del’immunohistochimie• Traitement : antibiothérapie prolongée• Évolution favorable sous traitement, rechutesfréquentes

.

Page 115: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

■ Références[1] Whipple GH. A hitherto undescribed disease characterized

anatomically by deposits of fat and fatty acids in the intestinal andmesenteric lymphatic tissues. Bull Johns Hopkins Hosp 1907;18:382-91.

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Gastroscopie avec biopsies duodénales et jéjunales (> 5 biopsies) et histologie(en 1re intention)

PAS positif PAS négatif

PCR et/ouimmunohistochimie*

PCR et/ouimmunohistochimie*

1 test positif 2 tests négatifs 2 tests positifs 1 test positif 2 tests négatifs

Maladie deWhipple certaine

Diagnosticpossible à confirmer

Maladie deWhipplecertaine

Diagnosticpossible

Autrelocalisationde la maladiede Whipple ?

Prélèvements multiples selon les signesd'appel cliniques (LCR,adénopathies, liquide articulaire,moelle osseuse, valve cardiaque, etc.

Coloration PAS, PCR ouimmunohistochimie

2 ou 3tests positifs

1 seul testpositif

Maladie deWhippleconfirmée

Diagnosticpossible

)

Figure 1. Arbre décisionnel. Démarche diagnostique en cas de suspicion de maladie de Whipple [5]. PAS : acide périodique de Schiff ; PCR : polymerase chainreaction ; LCR : liquide céphalorachidien. * Confirmation par d’autres outils diagnostiques.

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Page 116: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

[15] Le Scanff J, Gaultier JB, Vital Durand D, Durieu I, Celard M, Benito Y,et al. False positive PCR detections of Tropheryma whipplei indiagnostic samples are rare. Rev Med Interne 2008 [Epub ahead ofprint].

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Pour en savoir plus

Vital Durand D, Gérard A, Rousset H. Maladie de Whipple. In: Godeau P,editor. Traité de médecine. Paris: Flammarion; 2004. p. 230-3.

http://ifr48.timone.univ-mrs.fr/Fiches/Whipple.html.http://www.microbes-edu.org/etudiant/trophe.html.http://ifr48.free.fr/recherche/domaine_expertise/medecin/diag_whippleM.

htm.http://www.WhipplesDisease.net/index.html.http://www.uni-heidelberg.de/presse/news/2302bakt.html.http://cri-cirs-wnts.univ-lyon1.fr/Polycopies/HepatoGastro/HepatoGastro-

3.html.

Page 117: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Cryoglobulinémies

D. Sène, D. Saadoun, P. Cacoub

Les cryoglobulines sont des immunoglobulines qui précipitent au froid. Elles sont classées encryoglobulines monoclonales (type I) et en cryoglobulines mixtes (type II et type III). Elles peuvent être àl’origine de vascularites à complexes immuns (vascularites cryoglobulinémiques) parfois sévères, avecatteinte multiviscérale comprenant le plus souvent une atteinte cutanée, neurologique et rénale. Sur leplan biologique, le caractère symptomatique des cryoglobulinémies est associé à un effondrement de lafraction C4 du complément sérique et du CH50 avec une fraction C3 le plus souvent normale. Lescryoglobulinémies de type I sont toujours associées à des hémopathies B malignes telles le myélome malinet les lymphomes B, et leur traitement rejoint celui de la cause. Les cryoglobulinémies mixtes sontmajoritairement liées à l’infection chronique par le virus de l’hépatite C, et secondairement auxconnectivites et aux lymphomes B. Le traitement des vascularites associées aux cryoglobulinémies mixtesliées au virus de l’hépatite C repose d’abord sur l’éradication virale avec l’association de l’interféron alphapégylé et de la ribavirine. L’adjonction du rituximab (anti-CD20), molécule dont l’efficacité a récemmentété démontrée au cours des vascularites cryoglobulinémiques, peut être proposée dans les formes sévères.Le rituximab peut également être recommandé en première ligne dans le traitement des vascularitescryoglobulinémiques non associées au virus de l’hépatite C en association avec des corticoïdes. Dans lesformes sévères, des échanges plasmatiques ou l’introduction d’un immunosuppresseur peuvent êtrediscutés.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Cryoglobuline ; Vascularite cryoglobulinémique ; Hépatite C ; Lymphoprolifération B ; Rituximab

Plan

¶ Introduction 1

¶ Diagnostic biologique, classifications et cadres étiologiques 1Diagnostic biologique des cryoglobulinémies 1Classification des cryoglobulines 2Diagnostic étiologique des cryoglobulinémies 2

¶ Cryoglobulinémies mixtes 3Cryoglobulinémies mixtes et infection par le VHC 3Cryoglobulinémies mixtes non liées au VHC 6

¶ Cryoglobulinémies de type I 6

¶ Conclusion 6

■ IntroductionLes cryoglobulines, véritables complexes immuns précipitant

au froid, sont à l’origine de vascularites cryoglobulinémiquesqui font partie des vascularites systémiques touchant lesvaisseaux de petit calibre (artériole, capillaire, veinule). Lesmanifestations viscérales sont polymorphes, avec une atteintepréférentielle de la peau, des articulations, du système nerveuxpériphérique et du rein. Il faut garder en mémoire qu’unecryoglobulinémie est une anomalie biologique qui, dans denombreux cas, peut rester asymptomatique.

■ Diagnostic biologique,classifications et cadresétiologiques

Une cryoglobulinémie est définie par la présence persistantedans le sang d’immunoglobulines (Ig) anormales, de caractèremonoclonal ou polyclonal, précipitant à basse température et sedissolvant lors du réchauffement [1, 2]. Les cryoglobulinesdoivent être distinguées des autres cryoprotéines : cryofibrino-gène, complexe protéine C réactive-albumine, agglutininesfroides.

Diagnostic biologiquedes cryoglobulinémies

Le diagnostic de cryoglobulinémie repose sur des techniquesimmunochimiques, examens de laboratoire particulièrementcontraignants du fait de particularités conditionnant la stratégiede recherche et la qualité de l’analyse :• certaines cryoglobulines sont peu abondantes et leur mise en

évidence nécessite un prélèvement d’au moins 10 ml desang ;

• ces cryoglobulines sont des Ig précipitant à une températureinférieure à 37 °C. Ceci impose, dès le prélèvement et jusqu’àl’identification finale, le respect de règles strictes de manipu-lation thermique.

Page 118: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

La mise en évidence des cryoglobulinémies nécessite destechniques sensibles et spécifiques afin d’optimiser leur recher-che, de préciser leur taux et de les typer correctement. Dixmillilitres de sang, au minimum, sont prélevés au lit du maladedans un tube sec préalablement réchauffé à 37 °C [1]. Lesprélèvements sont transportés au laboratoire dans des boîtescalorifugées. Après centrifugation à 37 °C, le sérum est décantédans des tubes qui sont secondairement placés à + 4 °C pendant7 jours. La présence ou l’absence de cryoglobuline est détermi-née selon l’aspect visuel des tubes. La recherche d’une cryoglo-buline est considérée négative si aucun précipité n’est apparu aufond du tube à l’œil nu après un délai de 7 jours à + 4 °C(Fig. 1). Une fois la cryoglobulinémie détectée, il faut compléterl’analyse par deux étapes indispensables :• le dosage quantitatif en mg/l (appelé cryocrite ou cryopréci-

pité), en sachant que la plupart des équipes utilisent un seuilde positivité supérieur à 50 mg/dl ;

• le typage immunochimique, par immunofixation ou de façonplus performante par immunoempreinte (Western-blot), quipermet le classement de la cryoglobuline et une orientationétiologique (cf. infra).Des anomalies du complément relativement spécifiques sont

observées : diminution des composants précoces (C1q, C2, C4)et du CH50, concentration normale du C3, et composantstardifs (C5 et C9). Une activité facteur rhumatoïde est souventretrouvée, liée à la présence dans certaines cryoglobulinémiesd’une IgM avec activité anti-IgG. Sur l’électrophorèse etl’immunoélectrophorèse, on retrouve une hypergammaglobuli-némie polyclonale ou un pic monoclonal.

Classification des cryoglobulinesDepuis 1974, la classification de Brouet est la plus utilisée ;

elle repose sur une analyse immunochimique des cryoglobulinespermettant d’en définir trois types : les cryoglobulinémiesmonoclonales (type I), les cryoglobulinémies mixtes (CM) (typesII et III) [2].

Cryoglobulinémies de type I (monoclonales)

Elles représentent de 6 % à 25 % des cryoglobulinémies, etsont constituées d’une immunoglobuline monoclonale uni-que [2, 3]. Il s’agit le plus souvent d’une IgM, parfois d’une IgG,rarement d’une IgA, voire de rarissimes chaînes légères libresmonoclonales (Fig. 2). Elles sont généralement abondantes(> 1 g/l), et leur cryoprécipitation est rapide sous forme defloculat gélatineux ou cristallin.

Cryoglobulinémies mixtes (type II et type III)

Elles se définissent par la présence de plusieurs Ig. Elles sontréparties en type II et type III.

Les CM de type II représentent de 25 % à 62 % des cas [3] etsont composées de deux types d’Ig, l’une monoclonale et lesautres polyclonales.

Les CM de type III sont retrouvées dans 32 % à 50 % descas [3]. Elles sont caractérisées par des complexes d’IgG polyclo-nales et d’IgM polyclonales, plus rarement des IgA polyclonales.Leur taux est souvent faible et leur cryoprécipitation est pluslente (Fig. 2).

Diagnostic étiologiquedes cryoglobulinémies

L’orientation étiologique d’une cryoglobulinémie est engrande partie déterminée par son type immunochimique. Pourles cryoglobulinémies de type I, le raisonnement est facile carelles sont toujours associées à une hémopathie lymphoïde Bmaligne sécrétrice d’une Ig monoclonale cryoprécipitante. Enrevanche, pour les CM type II et type III, les pathologiescausales ou associées sont particulièrement diverses, comprenantde nombreuses infections (virales, bactériennes, fungiques,

Figure 1. Détection d’une cryoglobuline : un tube témoin négatif àgauche et quatre tubes positifs à droite avec une concentration croissantede cryoprécipité jaunâtre au fond du tube.

“ Point fort

Procédures de recherche d’une cryoglobuline• Prélèvement au lit du malade dans un tube secpréalablement réchauffé à 37 °C• Transport au laboratoire dans des boîtes calorifugées(37 °C)• Centrifugation à 37 °C puis conservation des sérumsdans des tubes à + 4 °C pendant 7 jours• Lecture optique : présence ou absence de cryoprécipité• Si recherche positive, dosage quantitatif et typageimmunochimique

Figure 2. Typage immunochimique de cryoglobulines par immunoblot(types I, II ou III). Immunoblots de cryoglobulines révélés par des sérumsanti-chaînes lourdes (c, a, µ) et anti-chaînes légères (j, k) d’immunoglo-bulines (Ig) humaines. Les flèches indiquent les immunoglobulines (Ig)monoclonales. I. Cryoglobuline de type I monoclonale pure (IgGj).II.Cryoglobuline mixte de type II (IgMj monoclonale associée à des IgG, IgAet IgM polyclonales). III. Cryoglobuline mixte de type III (IgG, IgA et IgMpolyclonales).

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parasitaires), des connectivites, des néoplasies et des hémopa-thies lymphoïdes B (Tableau 1). Pour les CM, les causes princi-pales à rechercher prioritairement sont une infection par levirus de l’hépatite C (VHC), une hémopathie lymphoïde Bsurtout pour les types II, et une connectivite (notammentsyndrome de Gougerot-Sjögren et lupus). Malgré une explora-tion large, dans quelques cas l’enquête étiologique restenégative, et l’on parle alors de cryoglobulinémies mixtes (de10 % à 30 % de l’ensemble des cas) [4, 5].

■ Cryoglobulinémies mixtes

Cryoglobulinémies mixtes et infectionpar le VHC

Historique

L’association cryoglobulinémie et hépatopathie a fait l’objetde plusieurs publications dans les années 1970 et 1980. L’étio-logie de ces cryoglobulinémies n’était habituellement pasconnue. Après le clonage du VHC en 1989 et la mise à disposi-tion de tests sérologiques de dépistage en 1990, les premièresobservations d’infection par le VHC chez les patients présentantune cryoglobulinémie mixte « essentielle » ont été rapportées.Les études ultérieures incluant des cohortes importantes depatients montreront que 56 % à 95 % des patients avec une CMdite « essentielle » présentent des anticorps anti-VHC dans leursérum, avec dans presque la totalité des cas de l’acide ribonu-cléique (ARN) viral VHC dans le sérum et dans le cryopréci-pité [6, 7]. Réciproquement, le suivi prospectif de cohortes depatients infectés par le VHC a montré la présence d’une CMdans le sérum de 36 % à 55 % des patients [8-10].

Physiopathologie

Les mécanismes physiopathologiques ont été les mieuxétudiés au cours des cryoglobulinémies liées au VHC. Plusieursfacteurs épidémiologiques, cliniques et biologiques sont forte-ment associés à la production d’une CM : le sexe féminin, uneconsommation d’alcool supérieure à 50 g/j, un génotype 2 ou3, une fibrose hépatique extensive, la présence d’une stéa-tose [11]. Le caractère symptomatique de la CM (vascularite) estsignificativement associé à l’âge avancé, une plus longue duréed’infection, et surtout aux caractéristiques de la CM (type II,isotype IgM kappa, taux sériques élevés).

L’immunité humorale est à l’origine de la production d’anti-corps anti-VHC et d’IgM à activité facteur rhumatoïde (IgM-FR), associés au sein du complexe immun que forme lacryoglobuline à des lipoprotéines de faible densité et des virionsencapsidés à haut titre (de 20 à 1 000 fois plus élevée que dansle sérum) [7].

L’immunité cellulaire lymphocytaire B est impliquée dans laproduction des anticorps (anti-VHC, IgM-FR), la coopérationlymphocyte B-lymphocyte T et probablement un rôle directdans les lésions de glomérulonéphrite. La CM de type II estcaractérisée par une prolifération oligoclonale ou monoclonalede lymphocytes B dans le foie et la moelle osseuse, le plussouvent sécrétant une IgM-FR, une prolifération liée en partie àune pression de sélection favorisée par la stimulation antigéni-que chronique, notamment la glycoprotéine d’enveloppe E2 oula protéine NS3 du VHC [12]. Le VHC, virus hépatotrope etlymphotrope, peut se répliquer au sein des lymphocytes B. Ilinteragit avec le lymphocyte B via l’engagement de la gpE2 avecle récepteur CD81 exprimé par les lymphocytes B et considérécomme un des récepteurs du VHC [13]. Certains mécanismesfont intervenir des mutations chromosomiques, en particulier latranslocation (14,18) qui favorise la surexpression du facteurantiapoptique et pro-prolifératif Bcl-2. Cette translocation estretrouvée chez 71 % à 86 % des patients VHC positifs cryoglo-bulinémiques contre 16 % à 37 % des patients VHC posi-tifs non cryoglobulinémiques, et 0 % à 3 % des hépatopathieschroniques non VHC [14, 15]. Il faut également noter que lestaux sériques de BLyS/Baff (B lymphocyte stimulator), cytokinemajeure de la prolifération, la différenciation et la productiond’Ig des lymphocytes B dont les mécanismes d’action passentpar l’expression de Bcl-2, sont augmentés chez les patients ayantune vascularite cryoglobulinémique [16].

L’immunité cellulaire lymphocytaire T semble jouer unrôle particulièrement important dans les lésions tissu-laires (nerveuses, cutanées) induites par la vascularitecryoglobulinémique-VHC : infiltrat cellulaire T dans leslésions [17, 18] ; déficit quantitatif en lymphocytes T régulateurs(CD4+ CD25+ FoxP3+ ) [19] ; augmentation de la production parles hépatocytes des cytokines TH1 (tumor necrosis factor alpha,

Tableau 1.Pathologies causales ou associées à la production de cryoglobulines.

Hémopathies malignes lymphoïdes B (cryoglobulines type I ou II)

Myélome multiple

Maladie de Waldenström

Plasmocytome

Lymphome B non hodgkinien

Leucémie lymphoïde chronique

Leucémie à tricholeucocytes

Maladies systémiqueset/ou auto-immunes(cryoglobulines type IIou III)

Syndrome de Gougerot-Sjögren

Lupus érythémateux disséminé

Dermatopolymyosite

Sclérodermie

Thyroïdite auto-immune

Cirrhose biliaire primitive

Hépatites auto-immunes

Maladie cœliaque

Périartérite noueuse

Granulomatose de Wegener

Purpura rhumatoïde

Polyarthrite rhumatoïde

Maladie de Behçet

Sarcoïdose

Pemphigus vulgaire

Fibrose endomyocardique

Fibrose pulmonaire idiopathique

Maladies infectieuses(cryoglobulines typeII ou III)

Virales Hépatites chroniques C

Hépatites chroniques B

Virus de l’immunodéficience hu-maine (VIH)

Hépatite virale aiguë A

Virus d’Epstein-Barr

Cytomégalovirus

Adénovirus

Bactériennes Endocardite subaiguë

Surinfection de shunt atrioventri-culaire

Syphilis

Maladie de Lyme

Brucellose

Fièvre boutonneuse méditerra-néenne

Glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique

Lèpre lépromateuse

Parasitaireset fungiques

Paludisme

Splénomégalie tropicale

Toxoplasmose

Leishmaniose viscérale

Schistosomiase

Echinococcose

Coccidioïdomycose

Autres (cryoglobulines type IIou III)

Glomérulonéphrite extracapillaire

Cancers : sein, nasopharynx, œso-phage

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interféron gamma, interleukine 2) et diminution de la produc-tion des cytokines TH2 (IL4, IL10) [20, 21] ; hyperexpressiongénique et protéique intratissulaire de métalloprotéases (MMP-1,MMP-7, MMP-9).

Le rôle du VHC via le système immunitaire semble clair. Enrevanche, un rôle direct du VHC lui-même est plus douteux :pas de lien démontré avec le génotype ou la charge virale ;présence d’ARN du VHC au sein de certaines lésions nerveusesmais sans brin négatif et donc sans réplication in situdémontrée [18].

Manifestations cliniques des cryoglobulinémiesmixtes liées au VHC

Il convient de ne pas confondre l’anomalie biologique(positivité de la recherche de cryoglobuline) avec les manifesta-tions cliniques de vascularite cryoglobulinémique. La majoritédes patients infectés par le VHC ayant une CM sont asympto-matiques, alors que de 13 % à 30 % d’entre eux peuventprésenter des symptômes dont le substratum anatomique estune vascularite des petits vaisseaux (artérioles, capillaires,veinules).

Manifestations cutanées

Les manifestations cutanées sont la conséquence directed’une vascularite des vaisseaux de petit calibre (vasculariteleucocytoclasique). Le symptôme principal est le purpuravasculaire, présent chez 30 % à 100 % des patients présentantune cryoglobulinémie symptomatique [8] (Fig. 3). Souventrévélateur et intermittent, il survient volontiers au cours despériodes hivernales et débute toujours aux membres inférieurs,pouvant s’étendre progressivement jusqu’à l’abdomen. Il estinfiltré, non prurigineux, d’aspect pétéchial ou papulaire,rarement nécrotique. Les poussées purpuriques peuvent êtredéclenchées par l’orthostatisme, les efforts prolongés, l’exposi-tion au froid, voire un traumatisme.

Plus rarement, l’atteinte cutanée peut correspondre à desulcères supramalléolaires associés au purpura, un syndrome deRaynaud pouvant se compliquer d’ulcérations digitales ou d’unevascularite urticarienne.

Manifestations rhumatologiques

Il s’agit principalement d’arthralgies touchant les grossesarticulations, bilatérales et symétriques, non déformantes et nonmigratrices. Intermittentes et souvent inaugurales, elles sontretrouvées chez 50 % à 83 % des patients [22-24]. Une arthritevraie ou une atteinte du rachis sont beaucoup plus rares. À laphase initiale d’une polyarthrite rhumatoïde, des difficultésdiagnostiques peuvent se poser, d’autant qu’existe un facteurrhumatoïde. Le dosage des anticorps anti-peptide citrullinépermet de faire la distinction car ils sont présents chez 75 % à85 % des patients avec une polyarthrite rhumatoïde et chezmoins de 5 % des patients infectés par le VHC [25].

Des myalgies sont rapportées chez 15 % des patients, pouvants’intégrer par ailleurs dans un tableau de type syndrome defatigue chronique, voire de fibromyalgie [26].

Manifestations neurologiques

Les manifestations neurologiques sont présentes chez 9 % à45 % des patients avec une CM symptomatique [22, 27]. Letableau clinique prédominant (80 % des cas) est celui d’unepolyneuropathie sensitive ou sensitivomotrice distale, prédomi-nant aux membres inférieurs. Les troubles sensitifs superficielsavec douleurs et paresthésies asymétriques sont les premierssymptômes, devenant secondairement symétriques. Inconstam-ment peut s’y associer un déficit moteur distal touchant lesloges antéroexternes des membres inférieurs. L’évolutionprolongée se fait par poussées, avec stabilisation, rémission ouexacerbation des symptômes, parfois déclenchés par uneexposition au froid. Dans 20 % des cas, il s’agit d’un tableauneurologique de mononeuropathie ou mononeuropathie multi-ple mimant une vascularite nécrosante de type périartéritenoueuse (PAN) [17].

L’électromyogramme des quatre membres confirme la neuro-pathie axonale avec altération des potentiels sensitifs et/oumoteurs, voire de la conduction motrice sous la forme d’unepolyneuropathie axonale sensitivomotrice ou d’une mononeu-ropathie multiple.

Dans certains cas, une biopsie neuromusculaire est nécessaireet l’analyse anatomopathologique révèle alors des lésionsaxonales modérées à sévères, associées à une vascularite desvaisseaux de petit calibre (artérioles, veinules, capillaires)comportant un infiltrat inflammatoire périvasculaire composéde lymphocytes et des thrombi hyalins endovasculaires, sansnécrose ni granulome [17]. Pour les mononeuropathies multiplesse surajoutent des lésions de vascularites nécrosantes de typePAN avec une destruction de la paroi vasculaire et une nécrosefibrinoïde touchant des vaisseaux de moyen calibre [17].

L’atteinte du système neurologique central est révélée par untableau d’encéphalopathie, de convulsions, de vascularitecérébrale avec infarctus cérébraux et atteinte des paires crânien-nes [28]. Des altérations des fonctions supérieures ont étérapportées, comprenant des troubles cognitifs et de l’attention,associés ou non à un syndrome dépressif ou un syndrome defatigue chronique [26].

Manifestations rénales

Il s’agit de néphropathies glomérulaires membranoproliférati-ves, rapportées chez 2 % à 50 % des patients cryoglobulinémi-ques [3]. La glomérulonéphrite membranoproliférative (GNMP)est associée dans plus de 80 % des cas à une cryoglobulinémiede type II dont le composant monoclonal est une IgMj àactivité facteur rhumatoïde [29, 30].

La présentation la plus fréquente (de 40 % à 55 %) est uneprotéinurie non néphrotique, associée à une hématurie micros-copique et une insuffisance rénale de degré variable. Unsyndrome néphrotique aigu avec ou sans insuffisance rénale(20 %) ou un syndrome néphritique aigu (de 14 % à 25 %) avecou sans insuffisance rénale, voire une insuffisance rénalechronique sans anomalies significatives du sédiment urinaire

Figure 3. Purpura vasculaire des membres inférieurs au cours d’unepoussée de cryoglobulinémie mixte de type II associée à une infection parle virus de l’hépatite C.

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(10 %) peuvent révéler l’atteinte rénale. Une hypertensionartérielle est présente dans 50 % à 80 % des cas. Une insuffi-sance rénale chronique sévère est retrouvée chez 10 % despatients.

Les facteurs de risques de passage à l’insuffisance rénaleterminale ou à la dialyse sont une créatininémie au diagnosticsupérieure à 130 µmol/l, une protéinurie néphrotique, un âgesupérieur à 50 ans et la présence d’une hypertension artérielleau moment du diagnostic [31, 32]. La présence d’une atteinterénale est un facteur de risque majeur de mortalité, représentantdans certaines séries jusqu’à 30 % des causes de décès [33].

Une CM de type II est retrouvée dans 70 % à 80 % des casavec une IgMj ou IgGj monoclonale, et une cryoglobulinemixte de type III dans 20 % à 30 % des cas. Un effondrementde la fraction C4 du complément est présent dans plus de 90 %des cas de GNMP diffuses. L’effondrement du C3 est plus rare(de 20 % à 50 %), pouvant être en partie lié à l’insuffisancehépatocellulaire [31, 32].

Les caractéristiques histologiques des GNMP cryoglobuliné-miques sont un important infiltrat de monocytes et de lympho-cytes, un aspect en double contour de la membrane basaleglomérulaire (70 %), des thrombi intraluminaux amorphes etéosinophiliques (50 %) [31, 32]. En immunofluorescence indi-recte, on objective des dépôts sous-endothéliaux intragloméru-laires d’IgG et/ou d’IgM identiques à ceux du cryoprécipité, etde fractions de complément sérique. La présence de croissantsextracapillaires est beaucoup plus rare (de 10 % à 15 %). Dansmoins de 20 % des cas, il s’agit d’une glomérulonéphritemésangioproliférative ou segmentaire et focale. Des lésions defibrose interstitielle sont rapportées dans 70 % à 90 % desGNMP et 50 % des GN mésangioprolifératives.

Autres manifestations

Une atteinte cardiaque peut se manifester par une atteintevalvulaire mitrale, une vascularite coronaire avec infarctus dumyocarde, une péricardite ou une insuffisance cardiaquecongestive.

L’atteinte pulmonaire est souvent asymptomatique. Ailleurs,elle se manifeste par une dyspnée d’effort modérée, une touxsèche, des épanchements pleuraux ou des hémoptysies. Sur laradiographie thoracique, il existe un syndrome interstitiel. Lesexplorations fonctionnelles respiratoires objectivent une atteintedes petites bronches distales, parfois associées à un trouble dela diffusion alvéolocapillaire.

L’atteinte digestive se manifeste par des douleurs abdominalesparfois pseudochirurgicales, et des hémorragies digestivespeuvent révéler une vascularite mésentérique.

Cryoglobulinémies mixtes liées au VHC et risquede lymphoprolifération B maligne

La CM apparaît, au cours de l’infection par le VHC mais peut-être aussi en cas de cryoglobuline non VHC, comme un élémentclé au carrefour entre auto-immunité et lymphoprolifération.Une méta-analyse récente révèle une grande disparité dans lesprévalences rapportées de marqueurs sériques du VHC chez lespatients présentant un lymphome non hodgkinien (LNH),allant de 9 % à 50 % des patients en Italie à moins de 1 % enFrance, en Grande-Bretagne, en Écosse ou aux Pays-Bas [34].Cette méta-analyse montre la présence d’anticorps anti-VHCchez 15 % des patients ayant un LNH de type B contre 2,9 %pour les autres hémopathies malignes, et 1,5 % dans la popu-lation générale. Dans la majorité des cas, il s’agit d’un LNH detype B de bas grade ou de grade intermédiaire avec atteinteextraganglionnaire et hépatosplénique. Inversement, l’appari-tion d’un LNH (avec des critères de définition très variablesselon les études) chez des patients infectés par le VHC varie de0 % à 39 %. Dans une méta-analyse basée sur 23 étudesincluant 4 049 LNH et plus de 1,8 million de témoins, le risquede LNH chez les patients infectés par le VHC était augmenté(odds ratio : 5,7 ; intervalle de confiance à 95 % : 4,09-7,96 ;p < 0,001).

Parmi les différents sous-types de LNH, le lymphome spléni-que à petits lymphocytes villeux apparaît comme un des raresmodèles caractérisés de lymphome humain viro-induit. Deux

études françaises ont rapporté des séries de 18 patients infectéspar le VHC présentant un lymphome splénique à petits lym-phocytes villeux et pour la plupart une vascularite cryoglobuli-némique [35, 36]. Les trois quarts des patients présenteront uneréponse virologique soutenue et une rémission complètehématologique obtenue uniquement grâce au traitementantiviral (sans chimiothérapie ni corticothérapie). Ces donnéesrenforcent celles publiées par des auteurs italiens, démontrantun surrisque de développer un LNH chez les patients infectéspar le VHC et ayant une vascularite CM comparés à ceuxinfectés sans CM (odds ratio : 35) et à la populationgénérale [37].

Traitements des vascularites cryoglobulinémiquesassociées au VHC

Traitement antiviral par interféron alpha pégylé et ribavirine

Les cryoglobulinémies mixtes associées au VHC ne justifientde traitement que si elles sont symptomatiques. La base de cetraitement est une association antivirale anti-VHC optimale avecl’association de l’interféron alpha pégylé et de la ribavirine. Encas d’efficacité virologique soutenue (virémie indétectable6 mois après l’arrêt des traitements antiviraux), une rémissioncomplète et prolongée des vascularites cryoglobulinémiques etdes manifestations associées est généralement obtenue. L’effica-cité des traitements anti-VHC sur les vascularites cryoglobuliné-miques a suivi les avancées du traitement sur l’infection par leVHC [38-41]. L’association interféron alpha standard et ribavirinepermettait une amélioration dans 60 % à 100 % des cas sur lesmanifestations cutanées, dans 35 % à 75 % des cas sur l’atteinterénale, et dans 25 % à 80 % des cas sur les atteintes nerveusespériphériques. Ces études ont aussi confirmé la très étroitecorrélation entre la rémission de la vascularite cryoglobulinémi-que et la réponse virologique.

Comme dans l’infection par le VHC en général, la combinai-son plus moderne de l’interféron alpha pégylé et de la ribavirineest encore plus efficace, permettant d’obtenir une réponsevirologique et une rémission clinique complète des symptômesde la vascularite cryoglobulinémique chez 70 % à 80 % despatients, avec une réduction de la durée du traitement antiviral(14 mois en moyenne versus 23 mois avec l’interféron standardplus ribavirine) [40, 41].

Place du rituximab dans le traitement des vascularitescryoglobulinémiques associées au virus de l’hépatite C

Plus récemment, plusieurs études ouvertes ont suggérél’intérêt du rituximab (anti-CD20) (375 mg/m2/sem 4 semainesde suite) dans le traitement des vascularites cryoglobulinémi-ques [42, 43]. Dans une analyse récente de l’ensemble des caspubliés [44], avec un recul moyen de 9,7 mois, le rituximab, enl’absence de traitement antiviral, a permis d’obtenir une réponseclinique et immunologique (disparition de la cryoglobulinémieet du clone lymphocytaire B circulant) chez 80 % des patients.Toutefois, une rechute de la vascularite cryoglobulinémique estapparue chez 42 % des patients, en moyenne 6,7 mois (de 1 à19 mois) après la dernière perfusion de rituximab. Cette rechuteprévisible est expliquée par l’absence d’éradication virale, etdonc la persistance du starter antigénique viral à l’origine de lavascularite.

“ Point essentiel

Manifestations cliniques associées aux cryoglobu-linémies mixtes• Purpura vasculaire (de 50 % à 100 %)• Arthralgies inflammatoires (de 50 % à 83 %)• Polyneuropathie ou mononeuropathie (de 9 % à 45 %)• Glomérulonéphrite membranoproliférative (de 2 % à50 %)

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La meilleure combinaison devrait donc être, au moins dansles vascularites cryoglobulinémiques sévères, d’associer lerituximab à une combinaison antivirale optimale associantl’interféron alpha pégylé et la ribavirine pour faire disparaîtrel’agent causal. Cette stratégie (quatre cures hebdomadaires de375 mg/m2 de rituximab suivies d’une bithérapie antivirale)nous a permis, chez des patients ayant des vascularites cryoglo-bulinémiques réfractaires, d’obtenir une réponse complèteimmunologique et virologique chez près de 62,5 % des patientsaprès une durée moyenne de traitement de 12 mois [45].

Le rituximab est généralement bien toléré, mais des compli-cations infectieuses sévères sont rapportées, en particulier chezles patients greffés rénaux et des cas de leucoencéphalitemultifocale progressive sont également signalés [46, 47]. Cesdonnées justifient alors que les indications du rituximab soientréservées aux patients ayant des vascularites cryoglobulinémi-ques sévères.

Autres traitements

Quelle place reste-t-il pour les corticoïdes, les immunosup-presseurs et les plasmaphérèses ? L’utilisation de corticoïdes peutêtre utile à la phase initiale d’une forme sévère de la vascularite,notamment insuffisance rénale et/ou manifestations viscéralesgraves (bolus intraveineux de méthylprednisolone, relayés par laprednisone orale à la posologie de 0,25 à 1 mg/kg/j). Desséances de plasmaphérèses pendant 3 à 4 semaines peuvent êtrediscutées dans les vascularites cryoglobulinémiques florides avecdes manifestations rénales sévères isolées ou associées à desatteintes viscérales mettant en jeu le pronostic vital (systèmenerveux central, appareil digestif, mononeuropathie sévère). Dufait des risques infectieux liés à l’immunosuppression profondeet d’une efficacité inconstante, les immunosuppresseurs doiventactuellement être réservés aux patients présentant une résistanceet/ou une contre-indication aux traitements sus-décrits.

En cas d’atteinte rénale, la néphroprotection doit être assuréepar le blocage de l’axe rénine-angiotensine via un inhibiteur del’enzyme de conversion ou un antagoniste des récepteurs del’angiotensine, et un traitement diurétique pour réduire laprotéinurie.

Cryoglobulinémies mixtes non liées au VHCLes autres causes majeures de CM symptomatiques sont les

connectivites, notamment le syndrome de Gougerot-Sjögren etle lupus érythémateux, et les lymphomes B non hodgkiniens.

Après exclusion des causes connues, les CM essentielles repré-sentent environ de 10 % à 30 % des cas [4, 5].

Sur le plan thérapeutique, il n’existe aucun consensus niétude comparative. Le traitement des vascularites cryoglobuli-némiques non VHC repose sur une séquence corticoïdes–échan-ges plasmatiques avec un relais par les immunosuppresseurs. Lesbénéfices rapportés dans quelques études ouvertes avec lerituximab au cours des vascularites cryoglobulinémiquesassociées au VHC ont été également notés dans les vascularitescryoglobulinémiques non associées au VHC [44]. On peut doncproposer pour les vascularites cryoglobulinémiques non liées auVHC un traitement par rituximab avec ou sans corticothérapieen première ligne, d’autres injections de rituximab pouvant êtrerépétées si nécessaire à un intervalle non complètement définide 6 à 9 mois. L’usage des immunosuppresseurs doit être discutéau cas par cas.

■ Cryoglobulinémies de type ILes cryoglobulinémies de type I sont caractérisées par la

présence d’une seule Ig monoclonale cryoprécipitante et sonttoujours liées à des hémopathies lymphoïdes B malignes,myélomes, maladie de Waldenström, leucémie lymphoïdechronique, leucémie à tricholeucocytes et lymphomes B nonhodgkiniens.

Les vascularites associées aux cryoglobulines de type I ontune présentation clinique plus sévère, en partie du fait de tauxsériques élevés de la cryoglobuline. Les manifestations rénales etcutanées sont au premier plan [3, 4]. Près d’une vingtaine de casdétaillés de néphropathies liées à une cryoglobulinémie de typeI sont publiés [48, 49]. La présentation classique est celle d’unsyndrome néphrotique ou néphritique avec hématurie et uneinsuffisance rénale aiguë ou subaiguë de degré variable maissouvent sévère.

Sur le plan thérapeutique, la base du traitement demeurecelui de l’hémopathie causale. Un traitement immunosuppres-seur et une corticothérapie prolongée sont souvent requis. À laphase initiale, des plasmaphérèses sont souvent nécessaires enraison de taux sériques importants et de manifestations viscéra-les sévères, cutanées ou rénales. Les anticorps monoclonauxthérapeutiques pourraient être utiles, en particulier le rituximabet l’alemtuzumab (anti-CD52) [44, 50].

■ ConclusionLes cryoglobulines sont des Ig qui précipitent au froid et qui

peuvent être à l’origine de vascularites à complexes immunsparfois sévères, avec atteinte multiviscérale. Les causes deproduction de cryoglobulines sont très nombreuses : maladiesinfectieuses, en particulier l’infection par le VHC, hémopathiesmalignes ou connectivites. La recherche de la cryoglobuline estparfois difficile et s’effectue au mieux dans des laboratoiresspécialisés. Le traitement des formes symptomatiques reposed’abord sur celui de la cause (traitement antiviral, chimiothéra-pie, etc.) en association ou non avec le rituximab. Dans lesformes sévères, des échanges plasmatiques ou l’introductiond’un immunosuppresseur peuvent être discutés.

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“ Point fort

Traitement des vascularites cryoglobulinémiquesassociées au virus de l’hépatite C• Manifestations modérées (purpura, arthralgies,polyneuropathie)C Traitement antiviral optimal : interféron alpha

pégylé + ribavirine pendant 12 mois• Manifestations sévères (glomérulonéphrite, mono-neuropathie multiple, purpura nécrotique)C Rituximab (375 mg/m2/sem, 4 semaines de suite)C Traitement antiviral optimal : interféron alpha

pégylé + ribavirine pendant 12 mois• Manifestations mettant en jeu le pronostic vital(glomérulonéphrite rapidement progressive, atteinteviscérale neurologique centrale, digestive, cardiaque oupulmonaire)C Corticothérapie généraleC Échanges plasmatiquesC Rituximab et/ou cyclophosphamideC Traitement antiviral différé et à instaurer dès que la

situation clinique le permettra

.

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1144 SECTION I j  Section Title

Étiologie et pathogénie

Le trait commun à toutes les vasculites est l’activation de médiateurs inflammatoires dans les parois vasculaires. Pratiquement tous les composants du bras effecteur du système immunitaire peuvent être impliqués. Par exemple, une inflammation dépendant des lymphocytes T a été incriminée comme étant responsable de l’artérite à cellules géantes et de la maladie de Takayasu. Dans les vasculites à complexes immuns, des complexes antigène-anticorps se déposent dans la paroi vasculaire ou se forment dans la paroi vasculaire elle-même (formation in situ des comple-xes immuns). Des anticorps peuvent se lier directement à des antigènes appartenant à la paroi vasculaire ; dans le syndrome de Goodpasture, ils réagissent avec la membrane basale glomérulaire ; dans la maladie de Kawasaki, ils sont dirigés contre des constituants de l’endothélium. Quel que soit le processus de dépôt des anticorps dans le système vasculaire, les complexes immuns et les systèmes du com-

plément, de la coagulation et des kinines sont des stimu-lants inflammatoires qui activent les neutrophiles et les monocytes. Ces cellules libèrent alors des métabolites toxi-ques de l’oxygène et des enzymes qui endommagent les vaisseaux.

Les vasculites pauci-immunes sont caractérisées par l’absence soit de complexes immuns, soit d’anticorps se liant directement à la paroi vasculaire. Elles sont étroite-ment associées à des anticorps dirigés contre des antigènes cytoplasmiques des neutrophiles (antineutrophil cytoplasmic antibodies [ANCA]). Bien que la responsabilité des ANCA ne soit pas certaine, de nombreuses observations suggèrent que ces anticorps sont des agents pathogènes (figure 149.1). En présence de cytokines activatrices, les antigènes recon-nus par les ANCA (myéloperoxydase et protéinase 3) sont transportés à la surface des neutrophiles et des monocytes, permettant une liaison des ANCA à leurs antigènes. Alternativement, ces antigènes libérés par des leucocytes et des cellules endothéliales pourraient former des

Introduction

Les vasculites forment un groupe hétérogène de maladies caractérisées par une infiltration leucocytaire, de l’in-flammation et la destruction des parois des vaisseaux sanguins. Les événements responsables de l’inflammation varient selon les groupes nosologiques et, le plus souvent, sont inconnus (encadré 149.1). En général, des ano-malies infectieuses et immunologiques sont mises en cause. Une prédisposition génétique à la maladie est probable dans certaines formes de vasculite. Des vaisseaux sanguins de toute taille sont concernés, depuis les gros vaisseaux (aorte) jusqu’à la plus minuscule des veines (veinules postcapillaires). Par conséquent, de multiples tableaux cliniques et pathologiques ont été décrits. Bien que des maladies spécifiques puissent avoir une prédi-lection pour certains organes (par exemple les vaisseaux coronariens dans la maladie de Kawasaki), la plupart des vasculites systémiques, en particulier celles des petits vaisseaux, peuvent affecter pratiquement n’importe quel lit vasculaire. Le diagnostic clinique comprend un examen clinique attentif, des tests spécifiques de labo-ratoire et radiographiques et des biopsies des organes atteints. La Chapel Hill Consensus Conference a proposé des définitions, acceptées internationalement, pour les diverses vasculites systémiques (tableau 149.1).

Les avancées récentes les plus significatives en matière de vasculite sont, d’une part, l’usage d’agents immuno biologiques pour le traitement (rituximab et infliximab) et, d’autre part, la lutte continue afin de mini-miser les toxicités des traitements ordinaires. Les progrès de la recherche fondamentale et clinique ont permis de mieux comprendre des mécanismes pathogéniques des vasculites systémiques, ce qui a conduit à une amélio ration des taux de rémission, à d’autres thérapies pour les maladies résistantes, à une réduction de la toxicité des traitements, à la prédiction des rechutes et à l’identification des marqueurs de pronostic à long terme.

Vasculite

Carla M. Nester • Ronald J. Falk

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j

Tableau 149.1 Noms et définitions des vasculites adoptés par la Chapel Hill Consensus Conference on the Nomenclature of Systemic Vasculitis

Nom Vasculite des grands vaisseaux*

Cellules géantes (artérite temporale)

Artérite granulomateuse de l’aorte et ses branches principales, avec une prédilection pour les branches extracrâniennes de l’artère carotide. Implique souvent l’artère temporale. Survient habituellement chez des patients âgés de plus de 50 ans et est souvent associée à la pseudopolyarthrite rhizomélique.

Maladie de Takayasu Inflammation granulomateuse de l’aorte et de ses branches principales. Apparaît généralement chez les patients de moins de 50 ans.

Vasculite des vaisseaux moyens*

Périartérite noueuse (périartérite noueuse classique)

Inflammation nécrosante des artères moyennes ou petites sans glomérulonéphrite ni atteinte des artérioles, des capillaires ou veinules. L’artérite de la maladie de Kawasaki implique des artères de taille grande, moyenne et petite ; elle est associée à un syndrome ganglionnaire et mucocutané. Les artères coronaires sont souvent impliquées. L’aorte et les veines peuvent être touchées. Affecte généralement les enfants.

Vasculite des petits vaisseaux*

Granulomatose de Wegener†,‡ Inflammation granulomateuse touchant les voies respiratoires et vasculite nécrosante touchant les petits et moyens vaisseaux, par ex. les capillaires, les veinules, les artérioles et les artères. Une glomérulonéphrite nécrosante est fréquente.

Syndrome de Churg-Strauss†,‡ Inflammation granulomateuse riche en éosinophiles touchant les voies respiratoires et vasculite nécrosante touchant les petits et moyens vaisseaux, associée à l’asthme et à une éosinophilie sanguine.

Polyangéite microscopique (polyartérite microscopique)†,‡

Vasculite nécrosante avec peu ou sans dépôts de complexes immuns, touchant les petits vaisseaux, à savoir les capillaires, veinules ou artérioles. Une artérite nécrosante impliquant des petites et moyennes artères peut être présente. Une glomérulonéphrite nécrosante est très fréquente. Une capillarite pulmonaire survient souvent.

Purpura rhumatoïde‡ Vasculite avec des dépôts immuns contenant surtout l’immunoglobuline A touchant les petits vaisseaux, à savoir capillaires, veinules ou artérioles. Implique typiquement la peau, l’intestin et les glomérules, et est associée à des arthralgies ou arthrites.

Vasculite cryoglobulinémique essentielle‡

Vasculite avec des dépôts immuns de cryoglobulines affectant de petits vaisseaux, à savoir capillaires, veinules ou artérioles, et associée à des cryoglobulines sériques. La peau et les glomérules sont souvent impliqués.

Angéite cutanée leucocytoclasique

Angéite leucocytoclasique cutanée isolée sans vasculite systémique ou glomérulonéphrite.

* Grosse artère se réfère à l’aorte et à ses plus grosses branches dirigées vers les régions principales du corps (par ex. les membres, la tête et le cou) ; artère de taille moyenne se réfère aux principales artères viscérales (par ex. artère rénale, hépatique, coronaire et mésentérique) et petite artère se réfère aux artères distales qui se connectent aux artérioles (par ex. artères rénales arquées et interlobulaires). Notez que certaines vasculites des petits et grands vaisseaux peuvent impliquer des artères de taille moyenne ; mais des vasculites des grands et moyens vaisseaux ne concernent pas les vaisseaux plus petits que les artères.† Fortement associé à des autoanticorps anticytoplasme des neutrophiles (ANCA).‡ Peut être accompagné d’une glomérulonéphrite et peut se manifester par une néphrite ou un syndrome vasculaire rénal et pulmonaire.Adapté de Jennette JC, Falk RJ, Andrassy K, et al. Nomenclature of systemic vasculitides. Proposal of an international consensus conference. Arthritis Rheum 1994 ; 37 (2) : 187–92.

Encadré 149.1 Causes de vasculite

j Infection directe des vaisseauxj Lésion immunologique :

j induite par des complexes immunsj due à une attaque directe par des anticorpsj associée à des autoanticorps anticytoplasme des

neutrophiles et, peut-être, due à ce type d’anticorpsj liée à une réaction de type cellulaire

j Inconnue

complexes immuns avec les ANCA et causer ainsi des dom-mages, à moins que la mort des cellules endothéliales ne soit due à un effet direct des protéases à sérine libérées par les leucocytes.

Tableau clinique

La plupart des patients présentent des symptômes géné-raux, notamment fièvre, anorexie, fatigue, perte de poids et arthralgies. Des manifestations spécifiques d’organe peuvent évoquer fortement une vasculite, mais elles peu-vent survenir des semaines après les plaintes systémiques. Les signes cliniques sont très variables et dépendent du type de vasculite, de la taille des vaisseaux concernés et des organes touchés.

Les vasculites des grands vaisseaux se manifestent géné-ralement par l’ischémie des tissus concernés. Le symp-tôme le plus couramment observé dans la maladie de Takayasu est la claudication, en particulier des membres

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j

supérieurs, avec absence ou asymétrie des pouls et des souffles. Une hypertension rénovasculaire se développe chez 40 % des patients. Deux importantes caractéristiques épidémiologiques sont la prédominance de la maladie de Takayasu chez les femmes et avant l’âge de 50 ans. Une artérite à cellules géantes, par ailleurs, est généralement observée chez les patients âgés de plus de 50 ans, qui ont des maux de tête, une claudication de la mâchoire, des artères temporales enflées et douloureuses avec perte de vision. Environ la moitié des patients atteints d’artérite à

cellules géantes ont une pseudopolyarthrite rhizomélique (polymyalgia rheumatica).

Des vasculites des vaisseaux moyens se manifestent sou-vent par des infarctus des organes touchés. La périartérite noueuse cause une ischémie impliquant les vasa nervosum et entraînant des mononeuropathies et polyneuropathies. Des anévrismes et infarctus de la circulation rénale abou-tissent à une insuffisance rénale avec hypertension ; la maladie peut aussi toucher d’autres lits vasculaires, par exemple celui du mésentère, et causer des symptômes

Des cytokines circulantes selient à leurs récepteurs spécifiquesà la surface des neutrophiles

Les cytokines amplifient l’expressiondes antigènes reconnus par les ANCA à la surfacedes neutrophiles

Neutrophiles activés par liaison directe des ANCA et parliaison des complexes ANCA-antigènes aux récepteurs de Fc

Adhérence des neutrophiles à la surface vasculairepar interaction des molécules d’adhérence avecles récepteurs endothéliaux correspondants

Apoptose de la cellule endothéliale

Migration des neutrophiles sous l’endothélium

Récepteur de cytokine Cytokine circulante

ANCA circulants

Molécule d’adhérence

Antigène de surface reconnupar les ANCA

Complexes ANCA-antigènesliés aux récepteursde Fc

Complexes ANCA-antigènes circulants

Cellule endothélialeComplexe moléculed’adhérence-récepteur

L’activation des neutrophiles (ou desmonocytes) par les ANCA entraîne finalementl’apoptose et la nécrose des cellulesendothéliales et des neutrophiles avec rupturede la matrice de la paroi vasculaire

Paroi vasculaire

Récepteur de Fc

Complexe entreune cytokineet son récepteur

Apoptoseet nécrosedes neutrophiles

Antigénereconnupar lesANCA

Figure 149.1 Vasculite.

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j

d’ischémie intestinale (figure 149.2). De nombreux cas de périartérite noueuse sont associés à l’hépatite B, et cette maladie est considérée comme une maladie d’adultes d’âge moyen ou plus avancé, avec un pic dans la soixantaine. Il semble y avoir une prédominance masculine de 1,5 : 1 pour la périartérite noueuse. Quant à la maladie de Kawasaki, elle se manifeste presque exclusivement chez les enfants et se caractérise par une atteinte des vaisseaux axillaires, ilia-ques et coronaires. Auparavant dénommée « syndrome adéno-cutanéo-muqueux », cette affection se manifeste par de la fièvre, une conjonctivite, des adénopathies, des lésions des muqueuses et une éruption desquamante.

Les vasculites des petits vaisseaux sont les plus fréquen-tes ; elles peuvent être dues au dépôt de complexes immuns, par exemple, au cours du lupus érythémateux disséminé ou du purpura rhumatoïde, aussi appelé purpura d’Henoch-Schönlein (PHS), ou elles peuvent être classées comme pauci-immunes, c’est-à-dire sans ou avec peu de dépôts de complexes immuns visualisés en immunofluorescence indi-recte des tissus affectés.

Ces maladies sont généralement associées aux ANCA et comprennent la granulomatose de Wegener, le syndrome de Churg-Strauss et la polyangéite microscopique. L’inflammation peut atteindre un organe ou plusieurs. Les lésions cutanées, causées par une vasculite leucocytoclasi-que, sont fréquentes ; il s’agit de purpura, de livido reticu-laris, de nodules, d’ulcères et d’urticaire. De même, de nombreux patients sont atteints de glomérulonéphrite en raison de l’implication des capillaires sanguins formant les glomérules. Les conséquences sont : hématurie, protéinu-rie, hypertension et, dans certains cas, insuffisance rénale rapidement progressive (encadré 149.2).

Chez les adultes, la cause la plus commune du syn-drome de vasculite rénocutanée est une vasculite des petits vaisseaux associée à des ANCA, en particulier la micropolyangéite (MPA). Chez les enfants, la vasculite systémique la plus fréquente qui provoque un syndrome de vasculite rénocutanée est le PHS, survenant souvent après une infection des voies respiratoires. Le PHS se manifeste par des crampes abdominales, du purpura et

Figure 149.2 Implication rénale dans la forme classique de périartérite noueuse.

Rein cicatriciel irrégulier, grossièrement nodulaire :la coupe supérieure révèle des infarctus organiséset des anévrismes thrombosés dans la régioncorticomédullaire

Lésion glomérulaire focale : un segment de la touffeglomérulaire est détruit par un processus nécrotique avecun dépôt abondant de fibrine et une certaine réactioncellulaire ; le patient est mort d’une perforation intestinale(coloration H&E, ×200)

Oblitération quasi complète de la lumière de l’artère rénalearquée par fibrose de l’intima ; fragmentation de la membraneélastique interne et fibrose de la media (coloration du tissuélastique selon van Gieson, ×100)

1

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j

des arthralgies (figure 149.3). Une cryoglobulinémie, autre cause de syndrome de vasculite rénocutanée, a un lien étroit avec l’hépatite C.

Une glomérulonéphrite et une maladie pulmonaire peuvent être observées dans le syndrome de Goodpasture (figure 149.4), la granulomatose de Wegener, le syndrome de Churg-Strauss et la MPA. Les symptômes respiratoires vont d’infiltrats pulmonaires fugaces à une grave hémop-tysie. De nombreux patients avec une vasculite des petits vaisseaux ont des symptômes des voies respiratoires supé-rieures, notamment des douleurs dans les sinus, des épis-taxis et un stridor occasionnel lié à l’implication de la trachée. L’atteinte pulmonaire dans la granulomatose de Wegener se caractérise par la formation de nodules et de cavités. Le syndrome de Churg-Strauss se complique moins fréquemment d’atteinte rénale. L’asthme est l’une de ses manifestations caractéristiques, la rhinite allergique étant également fréquente.

Encadré 149.2 Signes et symptômes de

vasculite nécrosante des petits vaisseaux

j Purpura, nodules et ulcérations de la peauj Neuropathie périphérique (mononévrite multiplex)j Douleurs abdominales et sang dans les sellesj Hématurie, protéinurie, insuffisance rénalej Hémoptysie, infiltrats ou nodules pulmonairesj Sinusite nécrosante (hémorragique)j Myalgies et arthralgiesj Enzymes musculaires et pancréatiques dans le sangj Iritis et uvéite

Antécédents d’infectionstreptococcique

Allergie à un alimentou à un médicament

Piqûre d’insecte

Pas d’antécédent nide facteur étiologiqueconnu

Au début : dépôts éosinophiles amorphes focaux,hypercellularité et formation d’un croissant

Récupération complète dans de nombreux cas(meilleur pronostic chez l’enfant)

Hématurie modéréepersistante et/ouprotéinurie chezcertains

Mort (mortalité variable ;plus faible chez

les enfants)

Plus tard : glomérule envahi de manière diffusepar un dépôt éosinophile, prolifération épithélialeavec formation d’un croissant et des adhérencescapsulaires

Signes cérébraux

FièvreDouleurs abdominales,nausées, vomissements,sang dans les selles

Purpura

Anémie

Arthralgie

Hypertension

Dans les cas graves

UrémieŒdème ;syndromenéphrotiqueoccasionnel

Protéinurie

Hématurie, souvent macroscopique ;cylindres, hyalins, granuleux et à GR

Figure 149.3 Néphropathie dans le purpura anaphylactoïde (maladie de Henoch-Schönlein).

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j

Diagnostic différentiel

La nature inflammatoire systémique du processus de vascu-lite et les éléments communs des vasculites en général consti-tuent souvent un dilemme diagnostique. Les maladies faisant partie du diagnostic différentiel incluent des infections sys-témiques telles que l’endocardite, la bactériémie avec sepsis, et d’autres maladies vasculaires liées à des connectivites.

Cette situation est aggravée par le fait que bon nombre de caractéristiques des vasculites ne sont pas spécifiques. Le purpura, considéré comme un signe classique, peut être observé en cas de méningococcémie, de maladie virale et de thrombopénie. Il peut être difficile de distinguer les anomalies pulmonaires des infections respiratoires. La glomé-rulonéphrite peut être due à une maladie rénale primaire comme la glomérulonéphrite membranoproliférative et la néphropathie à immunoglobuline A (IgA). La mononévrite

multiplex est une des pathologies les plus précises en cas de vasculite, et ce n’est que rarement qu’elle peut être imitée par des manifestations asymétriques des autres neu-ropathies comme la neuropathie diabétique.

Démarche diagnostique

L’anamnèse et l’examen restent utiles au diagnostic, mais des tests sérologiques, l’imagerie et une biopsie sont sou-vent nécessaires pour le diagnostic définitif. La sérologie ANCA (à la fois par immunofluorescence et par ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay) est essentielle pour confirmer ou exclure une vasculite pauci-immune des petits vaisseaux. D’autres tests sérologiques peuvent être utiles ; citons ceux de l’hépatite B et C, des anticorps antinucléaires, des anticorps antimembrane basale

Poumon : épaississement fibrotiquedes septums alvéolaires ; des alvéolesadjacentes sont remplies de globulesrouges et de sidérophages

Hémoptysiemassive

La guérisonest rare

Rein, plus tard : fibrose glomérulairediffuse extensive

Antécédent d’infection respiratoirede type viral dans environ 20 % des cas

Anémie

Hémoptysiedyspnée, toux

Hématurie :habituellementmicroscopique,occasionnellementmacroscopique,cylindres granuleux

UrémieProtéinurie

Infiltration pulmonaireà la radiographie

Rein, au début : lésion glomérulairefocale ; dépôt éosinophile amorpheet prolifération épithéliale adjacente

Urémie

Mort en 2 à 168 semaines (moyenne = 15 semaines)

Figure 149.4 Purpura pulmonaire avec néphrite (syndrome de Goodpasture).

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glomérulaire, des cryoglobulines, et le dosage des compo

-sants du complément, C3 et C4. Une analyse d’urine à la recherche d’une hématurie est cruciale.

Les examens radiographiques sont également très utiles au diagnostic des vasculites. Des radiographies pulmonaires peuvent montrer des infiltrats ou une hémorragie. La tomo-densitométrie est souvent nécessaire pour une meilleure évaluation des nodules et des cavités. Pour les vasculites des grands et moyens vaisseaux, l’angiographie peut être utile ; un diagnostic non invasif est possible grâce à l’angiographie par résonance magnétique. La mise en évidence des anévris-mes est essentielle pour confirmer le diagnostic de périarté-rite noueuse quand aucune preuve spécifique de vasculite des petits vaisseaux ne peut être trouvée.

La biopsie des organes affectés est l’un des tests les plus importants. Les prélèvements des lésions cutanées purpu-riques montrent généralement une vasculite leucocytocla-sique. Bien que cela confirme la présence d’une vasculite, cette constatation ne distingue pas les maladies. Une biop-sie des poumons ou des reins peut être très utile, surtout en association avec l’immunohistologie. Celle-ci, en cas de vasculite immune, montre soit des dépôts granuleux d’im-munoglobulines, comme en cas de néphropathie à IgA ou dans le PHS, soit une coloration linéaire, comme dans le syndrome de Goodpasture. Les maladies associées aux ANCA se caractérisent, en général, par une nécrose vascu-laire en absence de complexes immuns.

Soins et traitement

Traitement optimal

Le traitement doit être conçu pour chaque patient sur la base de la gravité de la maladie et du diagnostic précis. L’histoire naturelle de chaque vasculite varie considérablement. Certaines vasculites sont bénignes et ne causent aucune lésion organi-que importante. En revanche, le traitement ordinaire des patients avec une vasculite des petits vaisseaux associée à des ANCA requiert une corticothérapie et des agents cytotoxi-ques pour prévenir la morbidité ou la mortalité.

Les vasculites des gros vaisseaux, l’artérite de Takayasu et à cellules géantes répondent généralement à de fortes doses de corticostéroïdes. La prednisone, à 1 mg/kg par jour (maximum : 60 mg), est utilisée pour la phase aiguë, puis réduite progressivement en plusieurs mois. Certains patients peuvent nécessiter une faible dose d’entretien de prednisone. Les maladies résistant aux stéroïdes peuvent être traitées par le méthotrexate.

Le purpura rhumatoïde (PHS) ne requiert souvent que des soins de soutien. Des anti-inflammatoires non stéroï-diens peuvent être utilisés pour les arthralgies associées. Les stéroïdes ont montré une certaine efficacité contre les fortes douleurs abdominales et la glomérulonéphrite rapidement progressive. Contrairement à la plupart des vasculites, la maladie de Kawasaki n’est pas traitée par des stéroïdes parce qu’ils peuvent aggraver la maladie coronarienne. Au lieu de

cela, les immunoglobulines intraveineuses et l’aspirine sont les piliers du traitement de cette maladie.

La vasculite des petits vaisseaux avec ANCA est traitée par des stéroïdes à haute dose et généralement avec un agent cytotoxique comme le cyclophosphamide. Le traitement d’induction comporte un bolus intraveineux de méthyl-prednisolone, 7 mg/kg (maximum : 500 mg) chaque jour pendant 3 j. En cas d’hémorragie pulmonaire, la plasmaphé-rèse doit être ajoutée au traitement d’induction (grade A). Elle doit également faire partie du plan thérapeutique lors-que les patients sont en insuffisance rénale aiguë nécessitant une dialyse. La prednisone est alors donnée par voie orale à 1 mg/kg/j (maximum : 60 mg) durant le premier mois et ramenée à une dose tous les deux jours à la fin du deuxième mois. Les glucocorticoïdes sont progressivement réduits au fil des 3 ou 4 mois suivants. Le cyclophosphamide peut également être administré en perfusion intraveineuse cha-que mois (grade A) à une dose de départ de 0,5 g/m2 de surface corporelle. La dose est augmentée à 1 g/m2, basée sur le nadir des globules blancs totaux. Ceux-ci sont comptés 2 semaines après chaque dose, l’objectif étant le maintien du nombre de globules blancs au-dessus de 3000/mm3. Une autre option est le cyclophosphamide oral utilisé à 2 mg/kg par jour. Ce schéma expose le patient à une dose cumulative supérieure de cyclophosphamide et une augmentation des effets secondaires peut en résulter. La durée du traitement par le cyclophosphamide varie quelque peu d’un patient à l’autre, mais des données récentes (grade A) suggèrent que, si le patient est en rémission, l’azathioprine peut remplacer le cyclophosphamide 3 mois après l’induction. Les indica-teurs de rechute qui justifient un traitement plus agressif ou son prolongement sont les anticorps anti-protéinase 3, la persistance de titres élevés d’ANCA au moment du passage au traitement d’entretien et la présence de maladies des voies respiratoires supérieures ou inférieures.

On a montré qu’un traitement à base de triméthoprime-sulfaméthoxazole, un comprimé simple dose par jour, réduisait la fréquence des atteintes des voies aériennes supé-rieures et protégeait les patients atteints de vasculite contre les infections opportunistes. Comme les vasculites associées aux ANCA, le syndrome de Goodpasture est traité par plasmaphérèse durant la phase d’induction thérapeutique.

En cas de cryoglobulinémie causée par l’hépatite C, le traitement de la vasculite cryoglobulinémique devrait com-porter de l’interféron α et de la ribavirine, à condition que la clairance de la créatinine du patient soit supérieure à 50 ml/min. De hautes doses de corticostéroïdes, des agents cytotoxiques et la plasmaphérèse ont été utilisés pour les formes les plus graves. Le traitement des vasculites jugées secondaires à d’autres maladies systémiques devrait être centré sur celui de la maladie sous-jacente.

Éviter les erreurs de traitement

En cas de vasculite, les deux erreurs les plus fréquentes sont le diagnostic incorrect et la réticence à utiliser les thérapies

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toxiques parfois nécessaires pour une réponse adéquate. Avant de lancer le traitement, on doit d’abord poser un diagnostic aussi précis que possible sur la base des analyses de laboratoire, des signes radiologiques et de l’examen des biopsies par des histopathologistes expérimentés, familiers de ces maladies. La nature diffuse des vasculites fait de l’expé-rience du praticien dans la reconnaissance des signes et symptômes un facteur important. Puisque le risque de rechute est souvent présent, le médecin doit être constam-ment attentif à cette éventualité et prêt à rétablir un traitement agressif, au besoin dès le premier signe de recru-descence. Malgré la toxicité potentielle de la plupart des traitements actuels, ce serait une erreur d’être trop prudent en choisissant un plan pharmacologique qui ne serait pas suffisamment agressif ou en retardant trop longtemps le

traitement dans l’espoir que l’état du patient s’améliore spon-tanément. On prêtera une attention particulière à la posolo-gie et l’on surveillera étroitement le patient afin de suivre les effets bénéfiques et de détecter les effets secondaires.

Futures directions

Des études sont en cours pour déterminer si des agents de substitution, comme le mycophénolate mofétil (Cellcept®), sont efficaces comme traitement d’induction. Cet immuno-suppresseur pourrait s’avérer moins toxique que le cyclo-phosphamide. L’infliximab, un anticorps monoclonal inhibiteur du facteur de nécrose tumorale (TNF), est égale-ment testé comme traitement d’induction. Des résultats récents obtenus par le rituximab, un anticorps monoclonal

Figure 149.5 Distribution de certains syndromes de vasculite.

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anti-CD201, dans le traitement des vasculites résistant aux médicaments habituels ont été encourageants. Pour l’in-fliximab et le rituximab, des essais contrôlés randomisés seront nécessaires pour objectiver clairement leur efficacité ou l’équivalence de ces modes de traitement.

Idéalement, les recherches devraient être axées sur la prévention de l’inflammation vasculaire, afin d’éviter des lésions menant à la décompensation de l’organe. À cette fin, les sciences de base doivent continuer à identifier les agents pathogènes. La détection des populations à risque par mar-queurs génétiques devrait permettre un dépistage et une détection plus précoce des individus à risque. Toutefois, en attendant que des outils de détection soient disponibles, le diagnostic précoce de la maladie avant que l’organe touché ne décompense devrait être l’objectif primordial. Il est important que les médecins apprennent à distinguer les divers types de vasculite et à choisir les tests de laboratoire appropriés, les patients devant à leur tour être préparés à ces éventualités (figure 149.5). Une fois le diagnostic posé, un traitement précoce par des médicaments qui visent spé-cifiquement les facteurs pathogéniques sans supprimer complètement le système immunitaire devrait être le but. La recherche clinique doit continuer à se concentrer sur le perfectionnement des traitements existants afin de réduire leur toxicité, tout en testant de nouvelles thérapies qui présentent de meilleurs profils de toxicité.

Ressources supplémentaires

European Vasculitis Study Group. Accessible à http://www.vasculitis.org/. Consulté le 26 novembre 2006.

L’objectif de l’European Vasculitis Study group est de réaliser des études multicentriques de traitement des vasculites. Il s’agit essentiellement d’essais organisés avec le soutien financier de l’Union européenne.

National Library of Medicine and the National Institutes of Health. Vasculitis. Accessible à http://www.nlm.nih.gov/medlineplus/vasculitis.html. Consulté le 26 novembre 2006.

Ce site d’informations sur les vasculites s’adresse à la fois aux professionnels de la santé et aux patients.

National Organization for Rare Disorders. Vasculitis. Accessible à http://www.rarediseases.org/search/rdbdetail_abstract.html disname= Vasculitis. Consulté le 26 novembre 2006.

Ce site fournit à la fois des rapports sur les vasculites, énumère les organis-mes associés ainsi que les groupes de soutien pour chaque maladie.

UNC Kidney Center. Accessible à http://www.unckidneycenter.org/patients.htm. Consulté le 26 novembre 2006.

Ce site est une source d’informations pour les patients et les pourvoyeurs de soins.

1 CD20 est une molécule de surface des lymphocytes B. (N.d.T.)

Les auteurs rapportent que le blocage du TNFα par l’infliximab s’est avéré à même d’induire une rémission dans une vasculite systémique associée à des anticorps.

2. de Groot K, Adu D, Savage CO ; EUVAS (European Vasculitis Study Group). The value of pulse cyclophosphamide in ANCA-associated vasculitis : meta-analysis and critical review. Nephrol Dial Transplant 2001 ; 16 (10) : 2018-27. PMID : 11572891.

Cette méta-analyse portant sur trois essais contrôlés randomisés et prospectifs montre que le cyclophosphamide en bolus est moins toxique qu’une administration continue et induit ainsi efficacement une rémis-sion des vasculites avec ANCA.

3. Hogan SL, Falk RJ, Chin H, et al. Predictors of relapse and treatment resistance in antineutrophil cytoplasmic antibody- associated small-vessel vasculitis. Ann Intern Med 2005 ; 143 (9) : 621-31. PMID : 16263884.

Cette évaluation d’une cohorte de 350 patients avec ANCA montre que le risque accru de rechute semble lié à la présence d’un cancer du poumon ou d’une maladie des voies aériennes supérieures et à des anticorps anti-PR3.

4. Huber AM, King J, McLaine P, et al. A randomized, placebo- controlled trial of prednisone in early Henoch Schonlein pur-pura. BMC Med 2004 ; 2 : 7.

Cet article rapporte que les femmes et les Noirs, ainsi que les insuffisants rénaux, peuvent résister au traitement initial plus souvent que les autres patients atteints de vasculite des petits vaisseaux avec ANCA, le risque accru de rechute semblant être lié à la présence d’un cancer du poumon, d’une maladie des voies respiratoires supérieures et d’anticorps anti-PR3.

5. Jayne D, Rasmussen N, Andrassy K, et al. A randomized trial of maintenance therapy for vasculitis associated with antineutrophil cytoplasmic autoantibodies. N Engl J Med 2003 ; 349 (1) : 36-44. PMID : 12840090.

Cet article rapporte que le retrait de la cyclophosphamide et son remplacement par l’azathioprine après la rémission n’ont pas augmenté le taux de rechute.

6. Jennette JC, Falk RJ, Andrassy K, et al. Nomenclature of systemic vasculitides. Proposal of an international consensus conference. Arthritis Rheum 1994 ; 37 (2) : 187-92. PMID : 8129773.

Les auteurs proposent des définitions des vasculites systémiques.7. Leib ES, Restivo C, Paulus HE. Immunosuppressive and corticos-

teroid therapy of polyarteritis nodosa. Am J Med 1979 ; 67 (6) : 941-7. PMID : 42314.

Ce rapport montre l’amélioration des résultats quand un agent immuno suppresseur est ajouté à un corticoïde dans le traitement de la périartérite noueuse.

8. Specks U, Fervenza FC, McDonald TJ, et al. Response of Wegener’s granulomatosis to anti-CD20 chimeric monoclonal antibody the-rapy. Arthritis Rheum 2001 ; 44 (12) : 2836-40. PMID : 11762944.

Cet article rapporte un cas de rémission obtenue par le rituximab chez un patient atteint de granulomatose de Wegener chronique et récurrente associée à des anticorps antiantigènes cytoplasmiques de neutrophiles.

9. Stegeman CA, Tervaert JW, de Jong PE, et al. Trimethoprim-sulfamethoxazole (co-trimoxazole) for the prevention of relapses of Wegener’s granulomatosis. Dutch Co-Trimoxazole Wegener Study Group. N Engl J Med 1996 ; 335 (1) : 16-20. PMID : 8637536.

Cet article présente des données, non contrôlées, indiquant la capacité de la cotrimoxazole à réduire la fréquence des poussées chez les patients atteints de granulomatose de Wegener en rémission.

10. Newburger JW, Takahashi M, Gerber MA, et al. Diagnosis, treat-ment and long-term management of Kawasaki disease : a state-ment for health professionals from the Committee on Rheumatic Fever, Endocarditis and Kawasaki Disease, Council on Cardio-vascular Disease in the Young, American Heart Association. Circulation 2004 ; 110 (17) : 2747-71. PMID : 15505111.

Ce document rapporte les recommandations d’un comité multidisci-plinaire d’experts pour le diagnostic, le traitement et la prise en charge à long terme de la maladie de Kawasaki.

Données probantes

1. Booth A, Harper L, Hammad T, et al. Prospective study of TNFalpha blockade with infliximab in anti-neutrophil cytoplasmic antibody-associated systemic vasculitis. J Am Soc Nephrol 2004 ; 15 (3) : 717-21. PMID : 14978174.

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3 j  Chapter Title 1171

Étiologie et pathogénie

L’étiologie de la PR n’est pas complètement établie ; elle est probablement multifactorielle. Il est clair que le terrain génétique, les réponses immunitaires de l’individu et un agent inducteur, peut-être d’origine bactérienne ou virale, jouent tous un rôle. La PR est associée à une séquence conservée que l’on appelle « l’épitope partagé » et qui se trouve dans la région polymorphe de l’antigène leucocy-taire humain (HLA)-DR. La présence de l’épitope partagé est associée à la fois à la susceptibilité et à la gravité de la PR dans certaines populations. Un antigène arthrogénique putatif n’a pas été trouvé, mais il est probable que de nom-breux antigènes exogènes ou endogènes peuvent déclen-cher la maladie.

Pathologiquement, la synovite est caractéristique de la maladie. La formation de nouveaux vaisseaux sanguins est prépondérante au début de la maladie, et la membrane synoviale normalement mince devient hypertrophique. L’inflammation synoviale est caractérisée par l’afflux de cellules CD4+. La libération locale de cytokines contribue à la destruction des tissus, à la dégradation du cartilage et, finalement, à l’érosion osseuse.

Tableau clinique

Le diagnostic de la PR est important, d’autant qu’actuel-lement, le traitement précoce avec des agents antirhuma-tismaux modificateurs de la maladie (ARMM) et des agents biologiques plus récents a permis d’améliorer les résultats. Les critères diagnostiques de l’American College of Rheumatology sont repris dans l’encadré 153.1. Finalement, une polyarthrite inflammatoire symétrique avec la partici-pation des petites articulations se développe chez tous les

patients. La plupart se présentent avec un début insidieux s’étalant sur plusieurs semaines ou plusieurs mois, mais chez certains patients (environ 10 %), l’affection se mani-feste brutalement, en quelques jours. Les petites articula-tions de la main et du poignet sont le plus souvent associées aux premiers stades, mais certains patients peuvent n’avoir qu’une articulation touchée. Le diagnostic peut être diffi-cile dans les premiers stades, et les patients souffrant de douleurs articulaires chroniques doivent être régulière-ment réévalués.

Les signes et les symptômes sont : des douleurs articu-laires ; un gonflement des articulations avec synovite (épaississement synovial et hydarthrose) ; une raideur des articulations, surtout le matin ; la chaleur fréquente des arti-culations parfois accompagnée d’érythème ; une limitation

Introduction

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie inflammatoire multisystémique avec une prévalence mondiale d’environ 1 %. L’âge maximal d’apparition se situe entre 40 et 50 ans, les femmes étant nettement plus souvent touchées que les hommes, mais avec l’âge, le rapport entre les deux sexes s’équilibre.

Polyarthrite rhumatoïde

Beth L. Jonas • Robert A.S. Roubey

Encadré 153.1 Critères diagnostiques de la polyarthrite rhumatoïde* (révisés en 1987)

1. Raideur matinale durant au moins 1 h2. Arthrite touchant au moins trois articulations3. Arthrite touchant les articulations de la main4. Arthrite symétrique5. Nodules rhumatoïdes6. Facteur rhumatoïde sérique7. Changements radiographiques typiques : érosions ou

ostéopénie périarticulaire non équivoque

Adapté de Arnett FC, Edworthy SM, Bloch DA, et al. The American Rheumatism Association 1987 revised criteria for the classification of rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 1988 ; 31 : 315–24. Reproduit avec l’autorisation de Wiley-Liss, une filiale de John Wiley & Sons.

* Les patients sont considérés comme atteints de PR s’ils remplissent quatre des sept critères.

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des mouvements ; une formation de nodules à la face dor-sale de l’avant-bras ; une fièvre modérée dans certains cas ; un malaise et de la fatigue (figure 153.1). Des manifesta-tions extra-articulaires surviennent chez les patients atteints d’une forme grave ; elles comprennent le syndrome de Gougerot-Sjögren, une épisclérite ou sclérite, une pleuré-sie, des nodules pulmonaires, une fibrose pulmonaire, une péricardite, la vasculite rhumatoïde et le syndrome de Felty (figure 153.2).

Les résultats des premiers tests de laboratoire peuvent être normaux ou peuvent montrer une thrombocytose, une hyperleucocytose, une légère anémie (normochrome, nor-

mocytaire ou microcytaire), une élévation de la vitesse de sédimentation avec un taux élevé de protéine C réactive. Le facteur rhumatoïde IgM (immunoglobuline M) est présent dans environ 50 % des cas au début et dans 70–75 % des cas plus tard. Les anticorps contre les peptides cycliques citrul-linés (PCC) constituent un marqueur plus sensible et appa-raissant à un stade précoce. L’examen du liquide inflammatoire de l’articulation révèle souvent un nombre élevé de globules blancs avec prédominance de polynucléaires. L’analyse du liquide synovial est particulièrement importante au début de la maladie pour exclure les arthropathies cristallines ou, dans le cas d’une monoarthrite, pour exclure une infection.

Un gonflement fusiforme des doigts en raison de l’inflammation des articulations interphalangiennesproximales est typique d’une atteinte précoce

Atteinte modérée des articulations interphalangiennes, métacarpophalangiennes et du poignet

Les altérations avancées comprennent des nodules sous-cutanés et une déviation cubitale débutante des doigts

Figure 153.1 Atteinte précoce et modérée de la main dans la polyarthrite rhumatoïde.

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Diagnostic différentiel

L’encadré 153.2 reprend la liste des différentes affections dont il faut tenir compte pour le diagnostic différentiel de la PR.

Démarche diagnostique

Les patients avec apparition récente de polyarthralgie inflammatoire (polyarthrite) doivent être soumis à une anamnèse soigneuse et à un examen physique complet. La PR étant fréquente, il ne faut pas négliger des éléments qui, dans les antécédents ou à l’examen physique, pour-raient suggérer une autre cause d’arthropathie. Il faut éva-luer la gravité de la synovite sur la base du gonflement et de la sensibilité articulaires afin de disposer de points de référence qui serviront au suivi de l’évolution de l’affec-

tion. Les radiographies sont souvent normales au début de la maladie. La présence d’une ostéopénie périarticulaire est parfois utile, car elle permet de distinguer une cause inflammatoire ou non inflammatoire de douleur articu-laire. Des radiographies des mains (et des pieds, si cela paraît cliniquement indiqué) peuvent être utiles afin d’éta-blir une base de référence. La présence d’érosions sur le cliché de base est un facteur de mauvais pronostic ; un traitement agressif sera donc nécessaire. On procédera à une analyse du liquide synovial afin de documenter la nature inflammatoire de la maladie articulaire et d’éliminer les autres causes de synovite, notamment la goutte, la chondrocalcinose et l’arthrite septique. Les tests de labo-ratoire comprendront la recherche du facteur rhumatoïde, des anticorps anti-PCC, une analyse sanguine complète (numération et formule), le profil chimique ainsi qu’une évaluation du taux des réactifs de phase aiguë par mesure

Main infirme avec desnodules sous-cutanéssur les articulations métacarpophalangiennes,difformité en cou decygne du doigt majeur, déviationcubitale des doigts et atrophiemusculaire

Épisclérite nodulaire avec scléromalacie

Nodules sous-cutanés : l’un se trouve du côté distal de l’olécrâne et l’autre dans la bourse olécranienne

Coupe d’un nodule rhumatoïde : zone centrale de nécrosefibrinoïde entourée par une palissade de cellules mésenchymateuses et d’une capsule périphérique de tissu fibreux contenant des cellules d’inflammation chronique

Cette radiographie montre un nodule rhumatoïde dans le poumon droit. La lésion peut être confondue avec un carcinome jusqu’à l’identification par biopsie ou analyse histologique postchirurgicale

Figure 153.2 Manifestations extra-articulaires de la polyarthrite rhumatoïde.

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de la vitesse de sédimentation ou dosage de la protéine C réactive. En cas de début aigu, des tests sérologiques pour le parvovirus ou d’autres maladies virales peuvent être indiqués.

Soins et traitement

Médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie

Les ARMM, dits aussi « inducteurs de rémission », les plus couramment utilisés sont l’hydroxychloroquine, la sulfasa-lazine, le méthotrexate et le léflunomide. Le mécanisme d’action de ces médicaments est complexe, mais ils inhi-bent tous les réponses inflammatoires et atténuent la syno-vite. L’hydroxychloroquine est utile au tout début de la maladie et lorsqu’elle est modérée. Puisque ce médicament se dépose dans les tissus pigmentés, un bilan ophtalmolo-gique est recommandé lors de la prise en charge du patient et doit être répété annuellement. Le risque de séquelles oculaires à long terme est faible ou nul si les doses adéqua-tes sont respectées (200 à 400 mg par jour) et si la sur-veillance de routine est assurée. La sulfasalazine est administrée par voie orale, la posologie devant être aug-mentée progressivement, de 500 mg à 2 g par jour. Certains patients, en cas de non-réponse, peuvent nécessiter une dose maximale de 4 g par jour pendant 4 à 6 semaines. Les effets secondaires peuvent être des troubles digestifs, des anomalies des tests hépatiques, une leucopénie, une ané-mie et des éruptions cutanées. Ces risques requièrent un suivi comprenant une analyse sanguine complète et la répétition des tests hépatiques sur une base régulière, au

moins pendant les 3 premiers mois de traitement, puis périodiquement.

Le méthotrexate, le membre le plus couramment utilisé de ce groupe, est donné par voie orale à une dose de 10 à 25 mg 1 fois par semaine. Les effets secondaires sont des troubles digestifs, des ulcères buccaux, une perte de che-veux, des perturbations hématologiques occasionnelles et des anomalies de la fonction hépatique. Le risque de fibrose hépatique lors d’une administration à long terme semble désormais suffisamment faible pour qu’une biopsie hépati-que de routine ne paraisse plus nécessaire, sauf chez les patients atteints de maladie hépatique préexistante. Une vigilance accrue est requise lorsque le traitement s’adresse à des patients qui consomment régulièrement de l’alcool, même de manière modérée, qui ont des antécédents de maladie du foie, de diabète ou qui sont obèses. Avant de commencer un traitement au méthotrexate, il faut exclure une infection chronique par le virus de l’hépatite B ou C. Le médicament est contre-indiqué pendant la grossesse. L’ajout d’acide folique, 1 mg par jour, est recommandé pour réduire la toxicité. Il est recommandé de procéder à des analyses sanguines et aux tests de fonction hépatique toutes les 8 semaines, bien que ces contrôles puissent être moins fréquents chez les patients qui ont pris une dose stable durant une longue période sans antécédents de toxicité.

Le léflunomide est administré par voie orale à la dose de 20 mg par jour après une dose de charge de 100 mg par jour pendant 3 j. On a montré qu’il ralentissait la progres-sion radiographique de la maladie. Les effets indésirables fréquents sont la diarrhée, une élévation des transaminases, une alopécie réversible et une éruption cutanée. Le léflu-nomide est tératogène chez l’animal. Les femmes qui sou-haitent devenir enceintes et les hommes qui veulent avoir un enfant doivent d’abord arrêter le médicament et pren-dre la cholestyramine (8 g 3 fois par jour pendant 11 j) afin d’éliminer la drogue. L’utilisation du léflunomide à petite dose (10 mg par jour) associé au méthotrexate est une alternative, mais la sécurité à long terme n’a pas été établie. Un contrôle toutes les 8 semaines de la formule sanguine et de la fonction hépatique est recommandé.

Agents biologiques

L’étanercept est une forme soluble du récepteur humain du TNF (tumor necrosis factor). C’est une protéine recom-binante et dimérique fusionnée à la partie Fc d’une IgG. L’étanercept à raison de 50 mg par voie sous-cutanée cha-que semaine s’est révélé efficace dans la PR quand la réponse aux autres inducteurs de rémission était inadé-quate. Les réactions au site d’injection sont fréquentes, mais limitent rarement le traitement. L’infliximab est un anticorps monoclonal chimérique1 qui se lie au TNF et neutralise son activité. Comme l’étanercept, il est indiqué

j Spondyloarthropathies séronégatives : l’arthrite psoriasique en particulier, mais aussi la spondylarthrite ankylosante, l’arthrite réactive et l’arthrite de la maladie inflammatoire de l’intestin

j Goutte polyarticulaire ou maladie de dépôt de cristaux de pyrophosphate de calcium (chondrocalcinose articulaire)

j Les premiers stades des connectivites, telles que le lupus érythémateux disséminé, la sclérodermie ou la polymyosite

j Hémochromatosej Arthrite associée à des hémoglobinopathies ou à

l’hémophiliej Arthrites infectieuses, en particulier celles liées au

parvovirus B19 et à d’autres agents pathogènes virauxj Endocardite bactériennej Arthrite associée à une maladie de la thyroïde

(hypothyroïdie ou hyperthyroïdie)j Arthrosej Maladie de Horton (artérite gigantocellulaire)j Rhumatisme articulaire aiguj Sarcoïdose

Encadré 153.2 Diagnostic différentiel

de la polyarthrite rhumatoïde

1 Le site de liaison à l’antigène est d’origine murine, alors que les parties constantes sont d’origine humaine. (N.d.T.)

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dans les cas de PR qui ne répondent pas aux ARMM tra-ditionnels. Il est administré par perfusion intraveineuse aux semaines 0, 2 et 6 puis toutes les 8 semaines. Des réactions à la perfusion peuvent se produire, mais sont habituelle-ment légères. Un agent anti-TNF plus récent, l’adalimu-mab, est un anticorps monoclonal totalement humain, administré par voie sous-cutanée, à raison de 40 mg toutes les 2 semaines. Au cours des traitements par les inhibiteurs du TNF, des infections, certaines mortelles, sont survenues et la prudence s’impose chez les patients affaiblis ; il faut craindre surtout la tuberculose et c’est pourquoi on recom-mande d’effectuer un test cutané à la tuberculine chez tout patient soumis à un traitement anti-TNF. Aux États-Unis, la FDA (Food and Drug Administration) a approuvé l’ana-kinra, un antagoniste du récepteur de l’interleukine 1, pour le traitement de la PR. On l’administre par voie sous-cuta-née à la dose de 100 mg par jour. L’efficacité semble modeste, mais elle peut être une option pour les patients qui n’ont pas répondu à d’autres thérapies plus efficaces. Les réactions au site d’injection peuvent être graves, mais s’atténuent généralement après 4 à 6 semaines de traitement.

Chez les patients qui répondent mal aux ARMM ou aux inhibiteurs du TNFα, deux nouveaux médicaments, agis-sant de manière particulière, peuvent s’avérer efficaces. Le rituximab est un anticorps monoclonal anti-CD20 qui diminue le nombre de lymphocytes B. Il est administré par perfusion intraveineuse, deux doses séparées par 2 semai-nes. En raison du risque d’un épuisement des cellules B pour une longue période, on ne peut l’administrer que tous les 6 mois. L’abatacept est un modulateur sélectif de la costimulation, ce qui se traduit par une activité inhibitrice sur les cellules T. Le médicament est administré tous les mois par voie intraveineuse.

Corticostéroïdes

Les corticoïdes systémiques sont efficaces dans le traite-ment de la PR, mais leur importante toxicité à court et à long terme limite leur utilisation. Les doses de prednisone devraient être maintenues, si possible, en dessous de 10 mg par jour, avec la majorité de la dose prise dans la matinée. Les corticostéroïdes doivent être drastiquement réduits si possible une fois qu’un traitement avec des ARMM effi-caces ont été mis en place. À certains moments, des injec-tions intra-articulaires sont extrêmement utiles pour contrôler l’inflammation dans les articulations individuel-les. Toutefois, ils ne devraient pas être administrés à des intervalles de moins de 3 mois et sont contre-indiqués en présence d’une infection locale.

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) interfè-rent avec la production des prostaglandines et réduisent donc la douleur et l’inflammation. Les AINS produisent

une pléthore d’effets indésirables, le plus courant étant une ulcération gastroduodénale. Les nouveaux inhibiteurs sélectifs de la cyclo-oxygénase 2 peuvent avoir certains avantages sur les AINS traditionnels, car le risque relatif d’ulcération gastro-intestinale est plus faible. Toutefois, les préoccupations récentes concernant la toxicité cardiovas-culaire potentielle exigent un examen attentif lors du choix d’un agent. Tous les AINS exercent des effets néfastes importants sur les reins, en particulier chez les patients âgés ; ils peuvent causer une insuffisance rénale aiguë et une rétention hydrique. En règle générale, les AINS doi-vent être utilisés en complément d’un traitement inducteur de rémission et jamais en monothérapie chez les patients atteints de PR établie, parce qu’ils n’ont pas de propriétés modificatrices de la maladie.

Traitement médicamenteux

Les AINS sont appropriés comme agents de première ligne pour le traitement de la maladie active. Il faut envi-sager la prednisone à faible dose (10 mg par jour) chez les patients qui ne sont pas suffisamment améliorés par les AINS, au moins jusqu’à ce qu’une thérapie efficace aux ARMM ait pu être instaurée. La plupart des patients atteints de PR auront besoin d’un traitement inducteur de rémission, et le traitement par ces médicaments devrait débuter dès que le diagnostic de la PR a été posé. Tout retard aboutira à la destruction irréversible de l’articulation chez la plupart des patients dont la maladie est modéré-ment ou gravement active. Les effets bénéfiques des ARMM peuvent être longs à se manifester, parfois plus de 3 mois après que la dose thérapeutique a été atteinte. L’évaluation de l’efficacité exige un contrôle fréquent de l’activité de la maladie. S’il n’y a aucune preuve d’amélio-ration, il faut changer de médicament. Une évaluation radiographique périodique est recommandée, même chez les patients répondant de manière adéquate, car une pro-gression de la maladie érosive justifie une intensification de la thérapie. Lorsque la réponse au méthotrexate est incomplète, le patient peut bénéficier d’une combinaison de méthotrexate avec d’autres agents comme la sulfasala-zine, le léflunomide ou un inhibiteur du TNF. Si un contrôle général est atteint, mais que certaines articula-tions restent enflammées, des injections intra-articulaires de corticostéroïdes peuvent être envisagées. Il faudra peut-être les répéter à l’occasion, mais de préférence pas plus de 3 fois par an dans une seule articulation. Si celle-ci néces-sitait des injections plus fréquentes, il pourra être néces-saire de recourir à un traitement systémique plus agressif ou, éventuellement, à une intervention chirurgicale.

Traitement chirurgical

L’indication principale de la chirurgie est le soulage-ment de la douleur ou la restauration de la fonction. Les options chirurgicales comprennent la synovectomie

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(de l’articulation ou des tendons), l’arthroplastie et l’arthro-dèse. La synovectomie peut être appliquée aux genoux, aux poignets, aux articulations métacarpophalangiennes ou à d’autres articulations ne répondant pas aux traitements médicaux. La membrane synoviale peut repousser dans l’articulation si la maladie reste active. Cependant, on peut ainsi soulager la douleur des patients pour un certain nom-bre d’années. L’arthroplastie avec remplacement de l’arti-culation est couramment utilisée pour les hanches, les genoux et les articulations métacarpo- et interphalangien-nes. Les remplacements de l’épaule et du coude commen-cent à se répandre ; ceux du poignet et de la cheville sont encore en phase de développement. L’utilisation de nou-veaux matériaux prothétiques et des prothèses sans ciment est susceptible d’améliorer la morbidité à long terme. Bien que le remplacement d’une articulation doive être reporté aussi longtemps que possible, il peut grandement soulager certains patients bien sélectionnés. L’arthrodèse reste une option pour une maladie réfractaire du poignet ou de la cheville.

Éviter les erreurs de traitement

Le diagnostic de la maladie articulaire inflammatoire doit être confirmé. On doit déterminer si la douleur est due à une synovite active ou à des changements dégénératifs secondaires, ce qui est particulièrement important chez les patients atteints de maladie chronique lorsque la question du traitement de fond est soulevée. Il est extrêmement important de rester conscient des interactions médicamen-teuses potentielles, de réévaluer en permanence les patients et de changer de médicaments ou d’envisager d’autres trai-tements si la réponse thérapeutique est insuffisante. Le diagnostic étant posé, il est souhaitable d’adresser le patient à un rhumatologue, notamment à des fins éducatives. Il faut également l’envisager en cas de détérioration de la fonction, lorsque l’état général du patient se détériore et si on envisage un traitement systémique aux corticoïdes, si une inflammation persiste dans une articulation (cela peut conduire à des déformations) ou si une intervention chirur-gicale paraît nécessaire.

Traitement optimal

Les facteurs psychologiques sont importants chez les patients qui souffrent de douleur chronique et de maladie articulaire inflammatoire. Ces questions doivent être abordées et requièrent une approche combinée avec les professionnels paramédicaux dont le physiothérapeute, l’ergothérapeute, le travailleur social, l’infirmière et aussi la famille du patient. L’éducation du patient et la gestion de soi sont extrêmement importantes.

Futures directions

La recherche en RA a fait des progrès importants avec la compréhension du rôle des facteurs génétiques dans l’ap-parition et la progression de la maladie, le profil des cyto-kines dans la maladie active et l’introduction de thérapies ciblées en fonction de ces découvertes. Les inhibiteurs du TNF, les thérapies ciblées sur les cellules B, la modulation de la costimulation ont apporté une contribution impor-tante à notre arsenal thérapeutique antirhumatismal. Une explosion de nouveaux composés biologiques s’annonce à l’horizon. Il s’agit notamment de nouveaux inhibiteurs du TNF, des inhibiteurs de l’interleukine 6, de nouveaux agents dirigés contre l’interleukine 1 et bien davantage. De nouveaux objectifs pour la thérapie sont recherchés et trouvés. Les travaux de la prochaine décennie devraient éclairer les mécanismes de l’inflammation qui contribuent à l’activité de la maladie et permettre la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques.

Ressources supplémentaires

The Arthritis Foundation. Disponible à http://www.arthritis.org. Ce site contient de nombreuses informations sur la PR et propose d’excel-

lentes ressources pour les patients.Furst DE, Keystone EC, Kirkham B, et al. Updated consensus statement

on biological agents for the treatment of rheumatic diseases, 2008. Ann Rheum Dis 2008 ; 67 Suppl 3 : iii2-25. PMID : 19022808.

Ce document de consensus est basé sur une réunion de 143 rhumatologues et scientifiques qui ont examiné les indications, l’efficacité et la sécurité des agents biologiques pour toutes les maladies rhumatismales. Une section infor-mative émet des recommandations pour de futures recherches.

Harris ED. Clinical features of rheumatoid arthritis. In : Kelly’s textbook of rheumatology. 7e éd. Philadelphie : Elsevier Saunders ; 2005.

Ce chapitre est une bonne source d’informations sur le tableau clinique de la PR.

Données probantes

1. Choy EHS, Panayi GS. Mechanisms of disease : cytokine pathways and joint inflammation in rheumatoid arthritis. N Engl J Med 2001 ; 344 : 907-16. PMID : 11259725.

Les auteurs fournissent une revue complète de ce que l’on connaissait en 2001 de l’étiologie et de la pathogénie de la PR.

2. Machold KP, Nel V, Stamm T, et al. Early rheumatoid arthritis. Curr Opin Rheum 2006 ; 18 (3) : 282-8.

Ce document passe en revue quelques-unes des informations les plus à jour sur l’importance d’une intervention rapide et agressive au début de la PR.

3. O’Dell JR. Drug therapy : therapeutic strategies for rheumatoid arthritis. N Engl J Med 2004 ; 350 : 2591-602.

Il s’agit d’une excellente revue des principes thérapeutiques pour le traitement de la PR. L’article comprend des algorithmes clairs et concis et des lignes directrices pour la surveillance des traitements médicamenteux.

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3 j  Chapter Title 1185

Étiologie et pathogénie

La plupart des spondylarthropathies sont liées à l’héritage de l’antigène histocompatibilité, HLA-B27 (tableau 155.1). L’HLA-B27 est particulièrement associé à la spon-dylite, à la sacro-iliite et à des lésions oculaires. Les données épidémiologiques et des modèles animaux trans-géniques soutiennent le rôle de l’HLA-B27 dans la patho-génie de la maladie. Les maladies liées à l’HLA-B27 sont étroitement associées à des bactéries intestinales ou à une inflammation. L’arthrite réactive est associée à des infec-tions gastro-intestinales par Yersinia, Salmonella, Shigella, Campylobacter spp., ainsi qu’à des infections génito-urinai-res à Chlamydia spp. Bien que les micro-organismes intacts ne soient pas présents dans les articulations enflammées, des antigènes bactériens ont été identifiés dans les syno-viales touchées. Dans la maladie intestinale inflammatoire, une augmentation de la perméabilité intestinale et l’expo-sition à la flore intestinale normale peuvent jouer un rôle dans le développement de l’arthrite entéropathique. Une inflammation gastro-intestinale microscopique, et le plus souvent asymptomatique, est présente chez les patients souffrant de SA ou d’arthrite réactive associée à une infection.

Tableau clinique

Les altérations musculosquelettiques qui caractérisent les spondylarthropathies en tant que groupe sont des dou-leurs inflammatoires dorsales, une arthrite axiale et une enthésopathie.

Les maux de dos et l’arthrite inflammatoire axiale débu-tent typiquement de manière insidieuse ; la douleur irradie dans les fesses et les cuisses et alterne parfois de gauche à droite ; la raideur prédomine, et le soulagement provient plutôt de l’activité que du repos. Au début, la douleur est particulièrement marquée dans le bas du dos, mais plus tard elle peut s’étendre aux régions thoracique et cervicale, et même parfois à la cage thoracique. Dans la maladie établie, la lordose lombaire normale peut s’effacer, les mouvements lombaires sont restreints dans toutes les directions, l’expansion thoracique est limitée et les articu-lations sacro-iliaque et sternale deviennent sensibles.

Une enthésopathie est une inflammation au site des attaches ligamentaires à l’os (enthèse). Dans les spondy-larthropathies, l’enthésopathie cause en général une fas-ciite plantaire, une tendinite d’Achille et de la douleur dans d’autres sites, notamment aux points d’attache des adduc-teurs de la cuisse à hauteur du bassin, aux insertions des

Introduction

Les spondylarthropathies forment un ensemble de troubles inflammatoires systémiques avec des conséquen-ces similaires musculosquelettiques, des manifestations extra-articulaires et des associations immunogénéti-ques. Les syndromes principaux sont la spondylarthrite ankylosante (SA), l’arthrite réactive (anciennement, syndrome de Reiter), l’arthrite entéropathique, l’arthrite psoriasique et la spondylarthropathie juvénile. Bien que ces entités diagnostiques soient utiles et importantes, il peut être plus utile de considérer les spondy-larthropathies non comme un groupe de quatre ou cinq entités distinctes, mais comme des arthropathies caractérisées par des combinaisons de manifestations, notamment une sacro-iliite, avec ou sans spondylite ; une arthrite inflammatoire périphérique, qui est souvent asymétrique et touche principalement les membres inférieurs ; une enthésopathie, en particulier aux talons et autour du bassin ; certaines inflammations extra-articulaires, notamment une iritis, et certaines lésions cutanéomuqueuses ; l’absence de facteur rhumatoïde ; le caractère familial et la prévalence accrue de l’HLA- B27 (human leukocyte antigen).

Spondylarthropathies

Beth L. Jonas • Robert A.S. Roubey

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muscles intercostaux, aux tubérosités ischiatiques et aux bords du bassin.

Spondylarthrite ankylosante

Le tableau clinique de la SA consiste en général en maux de dos et raideur inflammatoires chez un jeune adulte, bien que 20 % des patients soient atteints d’arthrite périphéri-que, et plus de 50 % ont d’autres articulations que la colonne vertébrale plus ou moins affectées. La maladie est 3 fois plus fréquente chez les hommes que chez les femmes (figures 155.1 et 155.2). Comme dit plus haut, l’enthéso-pathie est fréquente.

Une iritis (uvéite) survient chez 25 à 30 % des patients et peut occasionner des douleurs intenses et lancinantes, généralement unilatérales, associées à du larmoiement, à de la photophobie et à une disparition progressive de la vision (voir la figure 155.2). Une atteinte cardiaque sur-vient chez 1 à 4 % des patients et comprend une insuffi-sance aortique, des anomalies de la conduction et une péricardite (voir la figure 155.2). L’HLA-B27 est présent chez 90 % des patients (près de 100 % en cas d’uvéite ou d’aortite).

Arthrite réactionnelle

Une arthrite aseptique, souvent une sacro-iliite, se déve-loppe après une infection aiguë par certains micro- organismes vénériens ou dysentériques (figure 155.3). L’HLA-B27 est positif dans 60 à 80 % des cas. Le début est souvent brutal, avec une urétrite ou de la diarrhée et une conjonctivite, l’arthrite survenant 1 à 3 semaines plus tard. Les genoux et les chevilles sont généralement tou-chés, mais une sacro-iliite visible à la radiographie survient dans environ 20 à 40 % des cas, et un petit sous-groupe de patients développe une affection impossible à distinguer d’une SA.

Des lésions cutanéomuqueuses, notamment une kérato-dermie blennorragique et une balanite circinée, peuvent se former. Une maladie cardiaque se développe dans 5 à 10 % des cas.

Arthrite psoriasique

Une certaine forme d’arthropathie survient chez environ 5 % des patients atteints de psoriasis sous divers aspects cliniques.

Une maladie monoarticulaire ou oligoarticulaire est la plus fréquente (70 à 80 %). La distribution est asymétri-que, touchant de grosses articulations, comme les genoux, et quelques articulations interphalangiennes distales dis-persées, des articulations interphalangiennes proximales et des articulations métacarpophalangiennes. Un ou plusieurs doigts et orteils peuvent être gonflés de manière diffuse (doigts boudinés).

Certains patients présentent une polyarthrite symétri-que qui peut ressembler à une polyarthrite rhumatoïde. Une arthrite mutilante, une forme particulièrement agres-sive de la maladie avec ostéolyse des articulations touchées, survient chez environ 5 % des patients atteints de rhuma-tisme psoriasique.

Une spondylarthropathie survient chez environ 10 % des patients. La sacro-iliite peut être moins symétrique que dans la SA, et des altérations vertébrales unilatérales peu-vent être constatées. HLA-B27 est présent chez environ 60 % des patients atteints de spondylarthrite, mais il n’est pas associé au psoriasis ni au rhumatisme psoriasique péri-phérique (figure 155.4).

Arthrite entéropathique

Une atteinte à la fois axiale et périphérique peut survenir chez des patients atteints d’une maladie inflammatoire de l’intestin (colite ulcéreuse et maladie de Crohn). Une arth-rite périphérique survient chez 10 à 20 % d’entre eux. La maladie articulaire peut précéder l’apparition des symptô-mes intestinaux et le diagnostic de maladie inflammatoire de l’intestin, en particulier dans la maladie de Crohn. L’arthrite peut être aiguë et migratrice. Les genoux, les chevilles et les pieds sont plus fréquemment touchés.

Une spondylarthrite et une sacro-iliite surviennent chez environ 10 % des patients atteints de maladie intestinale inflammatoire. Elles peuvent ressembler à une SA, mais sont parfois asymptomatiques.

HLA-B27 est présent chez 50 % des patients atteints de maladie inflammatoire de l’intestin avec une maladie arti-culaire axiale, mais pas fréquemment chez les patients atteints de maladie articulaire périphérique.

Spondylarthropathie juvénile

Dans ce sous-groupe de patients, l’arthrite juvénile est, au début, pauciarticulaire, les manifestations axiales apparais-

Tableau 155.1 Fréquence de l’HLA-B27 dans les spondylarthropathies

Syndrome Fréquence de l’HLA-B27

Spondylarthrite ankylosante 90 %j avec uvéite ou aortite Près de 100 %Arthrite réactionnelles 50–80 %j avec sacro-iliite ou uvéite 90 %Spondylarthropathie

juvénile80 %

Maladies inflammatoires de l’intestin

Pas augmentée

j avec arthrite périphérique Pas augmentéej avec spondylarthrite 50 %Psoriasis Pas augmentéej avec arthrite périphérique Pas augmentéej avec spondylarthrite 50 %Blancs non atteints 6–8 %

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sant souvent plus tard. Elle commence en général au début de l’adolescence, et affecte plus de garçons que de filles, touchant les hanches, les genoux et les chevilles. Une iritis aiguë est fréquente, et l’HLA-B27 est généralement posi-tif. Une arthropathie indiscernables de la SA se développe chez environ la moitié de ces patients au cours de leur vie de jeune adulte.

Diagnostic différentiel

Spondylarthrite et sacro-iliite

Une lombalgie mécanique peut être difficile à différencier. Des caractéristiques suggestives de douleur dorsale inflammatoire et de spondylarthropathie sont : un début insidieux, un âge jeune, une douleur qui dure depuis plus de 3 mois et l’amélio-

Figure 155.1 Spondylarthrite ankylosante.

Au début (sacro-iliite seulement), le contour du dos paraît normal, alors que la flexion peut être limitée

Lors d’une atteinte sacro-iliaque et du basde la colonne plus grave,le dos est enraidi et perdsa lordose

Une sacro-iliite bilatérale est un signe radiographique précoce. Dans les deux articulations sacro-iliaques, le cartilage est aminci et l’os est condensé

L’ossification des ligaments costotransverses et radiaires limite l’expansion thoracique

Ligament longitudinal antérieur

Ligament radiéde la tête costale

Ligaments costotransverses

Côte

Ossification de l’anneau fibreux des disquesintervertébraux, des articulations apophysaireset des ligaments longitudinaux antérieurset interépineux

Posture caractéristique à unstade avancé de la maladie :les mensurations à hauteurdes mamelons montrent uneexpansion thoracique réduite

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ration avec l’exercice. Une discopathie lombosacrée peut avoir les mêmes caractéristiques cliniques, mais des signes neurolo-giques de compression des racines nerveuses sont rares dans les spondylarthropathies. L’arthrose affecte des patients plus âgés et peut généralement être différenciée par la radiographie.

Une hyperostose squelettique idiopathique survient chez les patients plus âgés et peut atteindre tous les niveaux de la colonne vertébrale. Cette maladie est caractérisée par de grands éperons et une ossification le long de la face antéroexterne de plusieurs vertèbres contiguës.

Arthrite périphérique

Une monoarthrite aiguë doit être différenciée d’une arth-rite septique, de la goutte ou d’une pseudogoutte par les

examens du liquide synovial. L’arthrite psoriasique res-semble à la polyarthrite rhumatoïde, mais s’en distingue par l’implication des articulations interphalangiennes distales et asymétriques, l’absence de facteur rhumatoïde et la présence des lésions psoriasiques de la peau et des ongles.

Distinguer les différents types de spondylarthropa-thie peut être difficile, surtout au début de la maladie. Par exemple, la spondylarthrite précédant l’apparition des maladies inflammatoires de l’intestin peut être indis-cernable d’une SA. Les lésions cutanées de l’arthrite réactionnelle sont parfois impossibles à distinguer d’un psoriasis pustuleux, mais la présence d’autres manifesta-tions extra-articulaires de l’arthrite réactionnelle peut être utile.

Complications

Une radiographie montre une ankylose osseuse complètedes deux articulations sacro-iliaques à un stade avancé de la maladie

« Colonne de bambou » : ankylose osseuse des articulations de la colonne lombaire ; l’ossification augmente la protubérance des disques intervertébraux

Dilatation de l’anneau aortique avec insuffisance valvulaire

Iridocyclite avec pupille irrégulière due à des synéchies

Figure 155.2 Spondylarthrite ankylosante.

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Démarche diagnostique

Le diagnostic des spondylarthropathies est largement basé sur les antécédents, l’examen physique et la radiographie. Les tests de laboratoire confirment ou infirment rarement le diagnostic.

Les antécédents du patient sont critiques. Les manifestations caractéristiques incluent des dorsalgies inflammatoires chez des patients jeunes, une arthrite périphérique asymétrique, des douleurs dans une ou plu-sieurs enthèses, des caractéristiques extra-articulaires, le déclenchement de l’arthrite par une infection entérique ou sexuellement acquise et des antécédents familiaux positifs.

Au début de l’affection ou si celle-ci est modérée, l’exa-men physique peut ne pas montrer de signes manifestes de spondylite. La flexion antérieure peut être mesurée par le

test de Schober ; l’examinateur marque 2 points sur le dos du patient, un à la jonction lombosacrée (fossettes sacrées) et un 10 cm au-dessus. La flexion en avant chez les indivi-dus normaux augmente la distance entre les 2 points d’au moins 5 cm. Toute perte de la lordose lombaire doit être notée. L’implication costovertébrale se manifeste par une diminution de l’expansion thoracique (< 5 cm d’expansion thoracique à l’inspiration, mesurée à hauteur des mame-lons). Toutefois, ces signes ne deviennent souvent positifs que lorsque les dommages sont devenus importants. Une sensibilité des articulations sacro-iliaques et d’autres signes de sacro-iliite, comme la compression pelvienne et le signe de Gaenslen, douleur à la hanche atteinte en hyperexten-sion avec la hanche opposée en flexion, peuvent être utiles, mais ne sont pas toujours fiables. Une enthésite en un ou plusieurs sites, par exemple une fasciite plantaire, une ten-dinite achilléenne, une épicondylite, peut être présente.

Conjonctivite

Urétrite, lésions psoriasiformes du gland

Kératite sous-unguéaleL’atteinte articulaireressemble à un début de polyarthrite rhumatoïde

Sacro-iliite

Érosions du palais mou et/ou de la langue

Bursite achilléenne :gonflement, érythème, sensibilité

Kératodermie et/ou pustules groupées à la surface de la plante des pieds

Conjonctivite

Arthrite : atteinte habituellementasymétriquede plusieurs articulations(cercles)

Urétrite

Exsudat fibrinoïde mou avec des bandes fibreuses dans l’articulation, mais sans lésion des villosités ni de l’articulation

Triade classique

Figure 155.3 Arthrite réactionnelle.

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Une recherche approfondie des manifestations extra- articulaires est

particulièrement importante, y compris l’examen de la peau, des ongles, des organes génitaux, du cœur et des yeux.

Les examens radiographiques peuvent montrer des syn-desmophytes suggestifs de sacro-iliite ou de spondylite. Une périostite et la formation d’os nouveau peuvent apparaître dans les sites d’enthésite ou autour des articulations tou-chées. Les caractéristiques radiologiques de l’arthrite pso-riasique sont des érosions asymétriques dans les articulations interphalangiennes, y compris les articulations interphalan-giennes distales et l’image en « crayon dans une cupule » des

articulations interphalangiennes distales (voir la figure 155.4). L’analyse du liquide synovial est non spécifique mais utile, en excluant une infection et une arthrite microcristal-line. Les dosages de facteur rhumatoïde et d’anticorps anti-nucléaires sont typiquement négatifs. Rechercher l’HLA-B27 n’est généralement pas nécessaire, mais dans certains cas, cela peut être utile pour réduire une incertitude diagnosti-que. Le test ne permet pas de distinguer la SA d’autres spondylarthropathies. En cas d’arthrite réactionnelle, l’iden-tification d’agents pathogènes persistants par des cultures urétrales et fécales ou par une réaction en chaîne à la poly-mérase (par exemple chlamydies) est recommandée.

Ongles décolorés, avec des creux et des érosions ; gonflement fusiforme des articulations interphalangiennes distales

Plaques psoriasiques sur le dos de la main avec gonflement et distorsion de plusieurs articulationsinterphalangiennes et raccourcissement des doigts dû à une perte de masse osseuse

Altérations radiographiques dans l’articulation interphalangienne distale. À gauche : au stade débutant, érosions osseuses visibles au bord de l’articulation. À droite : au stade tardif, la perte accrue de la masse osseuse produit un aspect de « pointe de crayon dans une cupule »

Une radiographie des articulations sacro-iliaques montre l’amincissement du cartilage avec une surface irrégulièreet une condensation de l’os adjacent dans le sacrum et les ailes iliaques

Orteils avec des bouffissures, des lésions cutanées et des altérations unguéales

Figure 155.4 Arthrite psoriasique.

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Soins et traitement

Traitement optimal

Il est important d’identifier les éléments actifs dans la maladie (spondylite, arthrite périphérique, enthésopathie) parce que leur activité relative et leur gravité influencent à la fois le traitement et le pronostic. La prise en charge des spondylarthropathies a considérablement progressé au cours des 10 dernières années. Les principaux objectifs du traitement sont de limiter les lésions articulaires et de sauvegarder l’état fonctionnel. Le traitement a deux com-posantes principales : d’une part, les médicaments pour contrôler la douleur et la raideur tout en limitant les lésions articulaires et, d’autre part, une kinésithérapie pour préve-nir la diminution d’amplitude des mouvements et mainte-nir la puissance musculaire.

Le diagnostic et le pronostic devraient être expliqués au patient ; il faut souligner l’importance d’un traitement précoce, agressif, mais approprié. Celui-ci est efficace chez la plupart des patients, mais non curatif. Cependant, le pronostic à long terme est généralement assez favorable.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont importants pour maîtriser les symptômes de spondylite et d’arthrite périphérique. L’indométacine (25 à 50 mg 3 à 4 fois par jour) est habituellement efficace. Une capsule retard ou un suppositoire le soir peuvent soulager la rai-deur matinale. On peut essayer plusieurs agents afin de trouver celui qui est le mieux toléré.

La sulfasalazine est efficace dans le traitement de l’arth-rite périphérique des spondylarthropathies. Les effets secondaires incluent des nausées, une éruption cutanée, une réduction réversible de la numération des spermato-zoïdes et, rarement, une agranulocytose. Une surveillance hématologique régulière est nécessaire, du moins aux pre-miers stades. Malgré les effets secondaires, si les AINS ont échoué, la sulfasalazine est un médicament utile (2 à 3 g par jour en doses fractionnées). Des injections intra-arti-culaires de corticostéroïdes sont utiles pour les articula-tions périphériques, mais leur usage par voie systémique n’est pas indiqué.

Le méthotrexate est un traitement efficace des manifes-tations cutanées et articulaires du psoriasis. Typiquement, le traitement commence par une dose hebdomadaire uni-que de 10 mg per os. La dose hebdomadaire peut être progressivement augmentée par paliers de 2,5 ou 5,0 mg jusqu’à 25 mg par semaine. Le méthotrexate peut égale-ment être utile dans d’autres formes de spondylarthropa-thies lorsque la maladie articulaire périphérique prédomine. La maladie articulaire axiale n’est généralement pas sensi-ble au méthotrexate.

Les antibiotiques doivent être administrés aux patients souffrant d’urétrite prouvée à Chlamydia. Un certain nom-bre d’études suggèrent également que les antibiotiques peuvent diminuer la durée de la maladie chez les patients

souffrant d’une arthrite réactionnelle induite par des chla-mydies. L’utilisation d’antibiotiques dans l’arthrite réac-tionnelle postdysentérique est controversée.

L’inhibition du facteur de nécrose tumorale α (TNFα) est utile chez les patients ne réagissant pas aux autres agents. Les trois inhibiteurs du TNFα, l’étanercept, l’in-fliximab et l’adalimumab, ont démontré leur efficacité dans le contrôle des symptômes de la maladie dans la SA et l’arthrite psoriasique. En outre, les inhibiteurs du TNF ralentissent la progression des dommages structuraux arti-culaires dans la maladie psoriasique.

Dans la maladie axiale, les principaux objectifs du trai-tement précoce sont de soulager la douleur et la raideur et de maintenir la posture normale ainsi que la mobilité. Le patient souffrant d’une dorsalgie inflammatoire peut se sentir plus à l’aise en position fléchie, mais la fusion verté-brale dans cette position peut être fonctionnellement désastreuse. La physiothérapie vise à réduire la rigidité et à éviter, si l’ankylose se produit, que la colonne vertébrale reste dans une position fléchie. Des contrôles réguliers sont habituellement requis, et la participation à des classes de formation peut être utile. Divers procédés, notamment les ultrasons, peuvent soulager la douleur due à une enthésopathie.

Des orthèses peuvent être utiles, par exemple des semel-les intérieures contre la fasciite plantaire. En cas d’uvéite, d’atteinte cardiaque, pulmonaire ou cutanée grave, il faut confier le patient à des spécialistes.

Éviter les erreurs de traitement

Le diagnostic d’une spondylarthropathie séronégative active doit être confirmé. Si le diagnostic est en question, ou si un traitement biologique est envisagé, un rhumato-logue doit être consulté. Une mise au point approfondie destinée à évaluer l’activité de la maladie avant l’instau-ration d’une thérapie à base de médicaments antirhuma-tismaux modificateurs de la maladie (ARMM) est essentielle. Un contrôle périodique pour évaluer l’effica-cité et détecter la toxicité du médicament est également important. La participation précoce d’autres profession-nels de santé comme les physiothérapeutes, les ergothé-rapeutes et les psychologues peut aider le patient à supporter la maladie chronique et diminuer la morbidité à long terme.

Futures directions

Les recherches en cours dans les spondylarthropathies séronégatives portent sur la physiopathologie des maladies, en particulier sur le rôle des bactéries pathogènes, l’immu-nogénétique des maladies et le rôle des nouveaux modifi-cateurs biologiques des réactions inflammatoires dans le traitement des maladies graves.

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Ressources supplémentaires

The Arthritis Foundation. Accessible à http://www.arthritis.org. Ce site contient des renseignements détaillés sur tous les types d’arthrite et

constitue une excellente source d’information pour les patients.Furst DE, Breedveld FC, Kalden JR, et al. Updated consensus statement

on biological agents for the treatment of rheumatic diseases, 2006. Ann Rheum Dis 2006 ; 65 : 2-15. PMID : 16344491.

Ce document de consensus est basé sur une réunion de 143 rhumatologues et scientifiques et passe en revue les indications, l’efficacité et la sécurité des agents biologiques pour toutes les maladies rhumatismales. Il comprend une section consacrée aux recommandations pour de futures recherches.

Données probantes

1. Khan A, éd. Ankylosing spondylitis : burden of the illness, diagno-sis and effective treatment. J Rheum Suppl 2006 ; 78 : 1-31.

Ce supplément de journal très pratique comprend trois documents : sur l’épidémiologie de la maladie, sur son diagnostic et sur le traitement.

2. Mease P. Current treatment for psoriatic arthritis and other spon-dyloarthritides. Rheum Dis Clin North Am 2006 ; 32 (Suppl 1) : 11-20.

Cette revue exhaustive de l’arthrite psoriasique reprend les caractéris-tiques de la maladie, l’immunopathologie, la classification, l’évaluation des actions et le traitement.

3. Smith JA, Marker-Herman E, Colbert RA. Pathogenesis of anky-losing spondylitis : current concepts. Best Pract Res Clin Rheumatol 2006 ; 20 (3) : 571-91. PMID : 16777583.

Cette excellente revue des connaissances actuelles sur la physiopatho-logie de la SA traite entre autres de l’importance de l’antigène HLA-B27, du système immunitaire inné et du rôle de l’inflammation intestinale.

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3 j  Chapter Title 1137

Étiologie et pathogénie

L’identification des gènes responsables des syndromes auto-inflammatoires héréditaires a commencé à élucider l’étiologie de ces troubles. Un élément commun dans la pathogénie de ces maladies est un dysfonctionnement de l’immunité innée. Chaque mutation renforce l’inflamma-tion dépendant de cytokines à divers stades des processus de l’immunité innée (figure 148.1).

Le système immunitaire inné, apparu tôt au cours de l’évolution, permet une réaction rapide et relativement non spécifique à l’infection ou à des signaux de danger, mais ne nécessite pas une exposition antérieure à l’agent en cause. Comme dans le système immunitaire adaptatif, il existe des facteurs cellulaires et humoraux qui contribuent à la réaction immunitaire innée. Au lieu de lymphocytes, les premières cellules qui participent sont celles de la lignée myéloïde, notamment les monocytes-macrophages et les granulocytes.

Ces cellules migrent vers le site de l’infection sous l’effet des chimiokines et sont capables de phagocyter des agents pathogènes. Pour détecter des pathogènes, les monocytes et les macrophages possèdent des récepteurs extracellulaires et intracellulaires, appelés récepteurs de type Toll, et les pro-téines NLR (nucleotide-binding domain leucine-rich repeat), qui détectent les signaux de danger ou des molécules asso-ciées aux pathogènes tels que le lipopolysaccharide, l’acide ribonucléique (ARN) bactérien, l’ARN double brin et des produits dérivés du peptidoglycan. L’activation de ces média-teurs de l’immunité innée conduit à la production et à la libération de cytokines comme l’interleukine 1β (IL1β) et le facteur de nécrose tumorale (tumor necrosis factor a [TNFα]). Ces facteurs humoraux ont des effets directs et indirects sur la survie du pathogène et attirent d’autres cellules inflam-matoires dans le foyer inflammatoire.

Alors que des mutations touchant des gènes impliqués dans le système immunitaire adaptatif aboutissent souvent

Introduction

Les syndromes auto-inflammatoires héréditaires constituent un groupe de maladies génétiques rares caracté-risées par des épisodes récurrents d’inflammation systémique en l’absence d’autoanticorps, de cellules T spécifiques d’antigène ou d’une infection. La plupart de ces maladies font partie d’un ensemble regroupant les syndromes de fièvre périodique héréditaire, qui comprennent la fièvre méditerranéenne familiale (FMF), le syndrome périodique lié à un dysfonctionnement du récepteur de type 1 du facteur de nécrose tumorale (tumor necrosis factor receptor-associated periodic syndrome [TRAPS]), le syndrome de fièvre périodique avec hyper-immunoglobulinémie D (hyperimmunoglobulin D syndrome [HIDS]) et les cryopyrinopathies. Récemment, la base génétique de ces troubles a été élucidée, ce qui a permis une meilleure compréhension de la physio-pathologie, un diagnostic plus précis et, plus récemment, des thérapies ciblées.

Des troubles inflammatoires monogéniques rares supplémentaires sont souvent inclus dans la catégorie des syndromes auto-inflammatoires. Il s’agit notamment d’une maladie caractérisée par une arthrite pyogène avec pyoderma gangrenosum et acné, et d’une maladie caractérisée par des granulomes appelée syndrome de Blau. Ces troubles, qui ne sont pas abordés dans ce chapitre, sont caractérisés par une inflammation récurrente et apparentés aux fièvres périodiques par leur pathogénie, mais non par les manifestations cliniques. D’autres maladies inflammatoires plus communes, notamment la maladie de Crohn et la goutte, ont également été classées comme des maladies auto-inflammatoires, et sont discutées ailleurs dans ce livre.

Syndromes auto-inflammatoires

Hal M. Hoffman • Jenny P. Ting • Dhavalkumar D. Patel

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à une immunodéficience, des mutations de plusieurs gènes qui régulent la réponse immunitaire innée provoquent une inflammation incontrôlée dépendant de cytokines, accom-pagnée de fièvre et de symptômes tissulaires spécifiques. Une conséquence commune de l’inflammation chronique non régulée est le développement de l’amylose, une comor-bidité observée à des fréquences différentes dans chacun des syndromes auto-inflammatoires. Les mécanismes qui sous-tendent les caractéristiques cliniques de chaque syn-drome n’ont pas encore été élucidés.

Bases génétiques et moléculaires

Fièvre méditerranéenne familiale

Le gène muté dans la FMF, MEFV, code la protéine pyrine, qui est principalement exprimée comme protéine cytoplas-mique dans les polynucléaires neutrophiles et les monocy-tes. Son rôle exact dans les manifestations cliniques de la FMF n’a pas été complètement élucidé, mais la pyrine a été associée à la régulation de la caspase 1 et donc à l’apprête-ment de l’IL1β. Des mutations dans MEFV ont également été associées à d’autres maladies inflammatoires, telles que la maladie de Behçet, et pourraient également exercer une influence sur la gravité de la polyarthrite rhumatoïde.

TRAPS

Ce sont des mutations dans le gène TNFRSF1A, qui code TNFRSF1A, le récepteur de 55 kD du facteur de nécrose tumorale (TNF) qui sont responsables du TRAPS. Dans certains cas, les mutations provoquent une diminution de la libération des récepteurs, ce qui augmente ou prolonge

la signalisation par le récepteur du TNF, et entraîne une réduction du récepteur soluble du TNF (sTNFRSF1A), l’antagoniste naturel du TNFα. Cependant, tous les patients ne présentent pas un défaut dans la libération des récepteurs, ce qui suggère que des mécanismes supplémen-taires interviennent dans les poussées de fièvre du TRAPS. Des mutations avec une faible pénétrance peuvent conduire à des troubles inflammatoires plus généraux.

Syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D

Des mutations dans le gène de la mévalonate kinase (MVK) se sont avérées être la cause du HIDS. Auparavant, des muta-tions du même gène ont été associées à un phénotype plus sévère du déficit en MVK appelé « acidurie mévalonique ». La MVK est une enzyme intervenant dans la biosynthèse du cholestérol. On ignore comment le trouble métabolique conduit aux manifestations cliniques du HIDS, mais il sem-ble que la pénurie de protéines isoprénylées spécifiques pour-rait induire l’inflammation dépendant de l’IL1β.

Cryopyrinopathies

La cryopyrine, codée par le gène NLRP3 (CIAS1), est une protéine NLR intracellulaire exprimée dans les monocytes et les neutrophiles. Partageant certaines caractéristiques structurelles avec la pyrine, elle a également été impliquée dans la régulation de la production de cytokines, notam-ment l’IL1β, en activant la caspase 1. La cryopyrine et d’autres protéines adaptatrices intercellulaires forment un complexe protéique connu sous le nom d’« inflammasome », qui est impliqué dans les réactions aux molécules associées aux pathogènes et aux signaux de danger tels que les cristaux

Récepteursde typeToll

Pathogènes, signaux dedanger

TNF-α

?

Récepteurdu TNF

Récepteurde l’IL1

MONOCYTE

Autostimulation

MACROPHAGE

NEUTROPHILE

IL-1β

?

TRAPS (TNF-receptor-associatedperiodic syndrome)

Fièvreméditerranéennefamiliale (FMF)CryopyrinopathiesSyndrome hyper-IgD (HIDS)

ProIL-1β

Caspase 1

Pyrine

CryopyrineInflammasome

Mevalonatekinase

Protéinesisoprénylées

Nbd-LrR

NFκB

?

Figure 148.1 Système immunitaire inné impliqué dans les syndromes auto-inflammatoires.

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de la goutte. Les mutations semblent amplifier la fonction, et donc l’inflammation dépendant des cytokines.

Tableau clinique

Les patients atteints d’un syndrome auto-inflammatoire souffrent d’épisodes de fièvre en alternance avec des pério-des normales. Des symptômes inflammatoires systémiques impliquant des articulations, la peau, les yeux ou l’abdomen sont aussi caractéristiques de ces épisodes. Chacun de ces troubles a des caractéristiques cliniques uniques qui, lorsqu’elles sont combinées à un test génétique approprié,

peuvent contribuer à poser le diagnostic correct et orienter le choix d’un traitement spécifique (figures 148.2 à 148.4).

Tableaux cliniques des syndromes individuels

Fièvre méditerranéenne familiale

La FMF est la plus répandue et la mieux connue des maladies auto-inflammatoires héréditaires. Elle affecte plus de 10 000 patients à travers le monde, principalement de la région méditerranéenne, y compris les Arméniens, Arabes, Turcs,

Figure 148.2 Examen du patient et tableau clinique.

Transmission selon le mode autosomiquedominant

PeauMaculopapulaireDe type érysipèleDe type urticarien

YeuxDouleur et rougeur conjonctivalesŒdème périorbitairePerte de vision

Système nerveux centralRetard de développementCéphaléeSurditéŒdème papillaireConvulsions

•Globules blancs•Protéine C réactive•Protéine amyloïde A sérique•Vitesse de sédimentation

BoucheAphtes

PoumonsDouleur thoraciquePleurite

ReinsProtéinurieAmylose

Organes génitauxDouleur scrotale

RateSplénomégalie

ArticulationsArthrite (arthralgie)Hypertrophie cartilagineusePériarthrite

FoieHépatomégalie

Estomac, intestins,douleur abdominale

MusclesMyalgie

Antécédents familiaux Fièvre objectivée Examens de laboratoire

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Juifs séfarades. Elle est presque toujours transmise selon un mode autosomique récessif. Les patients atteints de FMF souffrent de poussées de fièvre récurrente avec monoarthrite aiguë, douleur abdominale et sérite, comme une péritonite, une pleurésie ou une péricardite. Certains patients présen-tent une éruption de type érysipèle, et quelques-uns déve-loppent une arthrite érosive chronique. Habituellement, les symptômes se manifestent dans l’enfance, 80 % des patients ayant leur première poussée avant l’âge de 20 ans. Les crises durent habituellement 1 à 3 j ; entre deux crises, les patients sont exempts de tout symptôme et ces intervalles durent

parfois plusieurs mois ou même des années. Le pronostic à long terme dépend du développement de l’amylose, qui peut entraîner une insuffisance rénale.

TRAPS

à l’origine, le TRAPS (MIM # 142680) a été appelé fami-lial Hibernian fever quand il a été décrit en 1982 dans une grande famille d’origine irlandaise et écossaise. Depuis lors, il a été observé dans plus de 20 familles appartenant à de multiples groupes ethniques. Le TRAPS est transmis de façon autosomique dominante, et la plupart des patients

Éruption classique du TRAPS :elle migre de manière centrifuge

L’éruption du HIDS peut varier et prendreun aspect maculopapulaire et urticarien

Aspect typique d’une éruption de type érysipèledans la FMF ; elle est souvent localisée dans lesmembres inférieurs

Aspect typique d’une éruption de typeurticarien dans les cryopyrinopathies

Figure 148.3 Manifestations cutanées.FMF : fièvre méditerranéenne familiale ; HIDS : syndrome hyper-IgD ; NOMID : maladie inflammatoire multisystémique à début néonatal ; TRAPS : syndrome périodique associé à un dysfonctionnement du récepteur de facteur de nécrose tumorale.

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présentent leurs premiers symptômes dans l’enfance, l’âge de début pouvant se situer entre quelques semaines et 50 ans. Les épisodes se caractérisent par de la fièvre, une conjonctivite, un gonflement périorbitaire, une éruption migratrice, des douleurs abdominales, des myalgies et une monoarthrite ; ces poussées durent plusieurs jours à plu-sieurs semaines et récidivent quelques fois par année. Les crises peuvent être déclenchées par un stress émotionnel, une infection mineure ou des exercices vigoureux, mais elles sont souvent non provoquées. Le principal facteur de pronostic défavorable est le développement de l’amylose.

Syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D

Le HIDS est une maladie autosomique récessive affectant environ 200 patients dans le monde. Il est relativement courant aux Pays-Bas en raison d’un effet fondateur. Les attaques de fièvre récurrente du HIDS durent de 3 à 5 j et récidivent en général avec une certaine périodicité toutes les 3 à 6 semaines. Les épisodes sont presque toujours caractérisés par des adénopathies cervicales douloureuses ainsi que des douleurs abdominales, des vomissements et des diarrhées. D’autres symptômes sont des éruptions cuta-nées, des ulcères des muqueuses, des myalgies, des arthral-gies et des céphalées. La plupart des patients (90 %)

connaîtront leur première attaque dans leur première année de vie, mais les épisodes de fièvre ont tendance à devenir moins fréquents et moins graves avec l’âge. Habituellement, il n’y a pas de facteur déclenchant évident, mais les épisodes sont parfois provoqués par une infection, un vaccin ou un traumatisme mineur. La fièvre peut disparaître après quel-ques jours, mais le malaise et l’arthrite peuvent durer plus longtemps. Entre les crises, les patients se portent bien.

Cryopyrinopathies

Les cryopyrinopathies comprennent : 1. le syndrome familial auto-inflammatoire au froid

(SFAF) [familial cold autoinflammatory syndrome (FCAS)], aussi appelé « urticaire familiale au froid » ;

2. le syndrome de Muckle-Wells (SMW) [Muckle-Wells syndrome (MWS)] ;

3. la maladie inflammatoire néonatale multisystémique (neonatal-onset multisystem inflammatory disease [NOMID]).

Ces maladies étaient auparavant considérées comme des affections distinctes ; elles sont aujourd’hui considé-rées comme faisant partie du spectre d’une maladie inflam-matoire systémique avec plus ou moins de gravité. La prévalence exacte de ces maladies héréditaires rares de transmission autosomique dominante est inconnue ; cependant, plus de 300 patients atteints de FCAS, de SMW ou de NOMID ont été rapportés dans le monde.

Chez les patients atteints de FCAS, une exposition généralisée au froid déclenche des poussées récurrentes d’éruption cutanée de type urticaire, de fièvre, de frissons et douleurs articulaires. Les attaques sont aussi caractéri-sées par une conjonctivite, de la transpiration, de la som-nolence, des maux de tête, une soif extrême et des nausées. Les symptômes apparaissent habituellement 1 à 2 h après l’exposition, passent par un maximum environ 6 à 8 h plus tard et se résolvent en moins de 24 h. Outre l’exposition au froid, la climatisation est un facteur précipitant fréquent des épisodes. Indépendamment de l’exposition au froid, de nombreux patients ont une éruption cutanée quotidienne et ressentent de la fatigue qui commence dans l’après-midi, passe par un maximum le soir et disparaît au matin. Des symptômes se manifestent dès l’âge de 6 mois chez 85 % des patients et la plupart ont une éruption néonatale.

Les attaques liées au SMW sont très similaires à celles du FCAS, sauf que, souvent, les facteurs déclenchants ne sont pas évidents. Parfois, elles peuvent être précipitées par la chaleur, le froid, l’exercice ou le stress. Les épisodes aigus durent moins de 24 à 48 h, mais des symptômes quotidiens d’éruption cutanée, de fatigue et de douleurs articulaires sont fréquents. La maladie commence dès la petite enfance, mais une surdité neurosenso-rielle, caractéristique du SMW, affecte près des deux tiers des patients tard dans l’enfance et s’aggrave jusqu’à l’âge adulte. Une amylose systémique se développe chez près de 25 % des patients et aboutit souvent à une insuffisance rénale à l’âge adulte.

Le syndrome NOMID, appelé aussi CINCA (syndrome chronique, infantile, neurologique, cutané, articulaire), est

Fond de l’œil avec œdème papillaire

Gonflement articulaireobservé en cas de NOMID

Céphalée

Arthrite/périarthrite

Figure 148.4 Atteintes articulaires et du système nerveux central.

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le plus sévère des phénotypes associés à la cryopyrine. Dès la période néonatale apparaissent des symptômes comme une éruption de type urticaire, mais aussi des manifesta-tions inflammatoires chroniques multisystémiques, notam-ment une fièvre persistante, une méningite chronique se compliquant de troubles neurologiques et des anomalies cartilagineuses et articulaires progressives. Une constata-tion caractéristique est la prolifération du cartilage autour du genou. Les patients présentent des signes d’inflamma-tion chronique, mais aussi des poussées aiguës intermitten-tes. La plupart des cas sont sporadiques, mais des cas de transmission autosomique dominante ont été rapportés. L’amylose a été décrite chez des patients âgés.

Diagnostic différentiel

De rares affections apparemment non héréditaires se mani-festent par de la fièvre récurrente et de l’inflammation, comme la maladie de Behçet et le syndrome de Marshall ou PFAPA (periodic fever with aphthous stomatitis, pharyngitis, and adenitis ou fièvre périodique avec stomatite aphteuse, pharyngite et adénite). La maladie de Behçet est caractéri-sée par des ulcères récidivants des muqueuses orale et géni-tale, une uvéite et d’autres maladies oculaires inflammatoires, un érythème noueux, ainsi que d’autres éruptions. Elle pré-vaut dans les mêmes groupes ethniques que ceux qui sont touchés par la FMF. Ces troubles apparaissent habituelle-ment au cours de l’enfance ou chez l’adulte jeune, et bien qu’il existe un faible lien avec certains types HLA (human leukocyte antigen, antigène leucocytaire humain), il n’existe pas d’association génétique évidente. La physiopathologie de la maladie de Behçet reste inconnue.

Le syndrome PFAPA est la cause la plus fréquente de fièvre périodique chez les enfants. C’est une maladie auto-inflammatoire non héréditaire caractérisée par des épisodes récurrents de fièvre avec un ou plusieurs foyers inflammatoi-res tels que pharyngite, adénite cervicale ou adénopathies et stomatite aphteuse. D’autres symptômes sont semblables à ceux observés dans plusieurs des maladies héréditaires, notamment des céphalées, des malaises, des douleurs abdo-minales, des arthralgies et des myalgies. Le début se situe généralement entre 2 et 5 ans, et les crises durent entre 3 et 6 j. Les épisodes sont souvent très prévisibles, survenant tous les 3 à 8 semaines, et sont séparés par des périodes totalement asymptomatiques avec une croissance et un développement normaux. Contrairement aux maladies héréditaires, cette affection disparaît spontanément, et la plupart des enfants atteints de PFAPA ont une rémission complète au bout de 2 à 6 ans sans morbidité à long terme. Les symptômes sont généralement sensibles à une corticothérapie systémique.

Démarche diagnostique

Les syndromes de fièvre périodique sont tous caractérisés par une inflammation récurrente. La première étape dia-gnostique, par conséquent, est d’examiner le patient lors d’une attaque, de prendre sa température, de rechercher les

symptômes systémiques et les signes de réaction de phase aiguë, comme une hyperleucocytose, une accélération de la vitesse de sédimentation, une augmentation de la protéine C réactive ou de la protéine amyloïde A sérique (ce test n’est malheureusement pas commercialement disponible aux États-Unis). Il faut rechercher attentivement une infection occulte. Une autre caractéristique des syndromes de fièvre périodique (sauf NOMID) est la récupération entre les atta-ques. Si le patient ne se rétablit pas complètement, une infec-tion chronique ou récidivante, une maladie auto-immune ou une tumeur maligne occulte doivent être exclues.

Dans certains cas, les données cliniques, telles que l’âge d’apparition, la durée des attaques, les facteurs déclen-chants, des symptômes associés et les antécédents fami-liaux, sont suffisantes pour l’identification d’un syndrome de fièvre périodique connu. Chez les patients dont les signes cliniques sont compatibles avec le HIDS, les dosages de l’immunoglobuline D dans le sérum et du mévalonate dans l’urine peuvent confirmer le diagnostic. Cependant, chez de nombreux patients, le diagnostic peut être difficile, aussi la combinaison de l’épidémiologie, des signes, des symptômes et du cours de la maladie peut-elle conduire à un diagnostic provisoire, à confirmer par des tests généti-ques. Ceux-ci sont disponibles dans plusieurs laboratoires commerciaux à l’échelle internationale, mais dans certains cas, des tests complets de certains gènes ne peuvent être effectués que dans des laboratoires de recherche spé-cialisés. Malheureusement, certains patients ont une symp-tomatologie classique propre à chacun des syndromes auto-inflammatoires, mais sans mutation identifiable.

Soins et traitement

Éviter les erreurs de traitement

Le diagnostic d’un syndrome auto-inflammatoire doit être confirmé, si possible par des tests génétiques. Il est recom-mandé de consulter un spécialiste. Une réponse adéquate à la thérapie comprend une réduction de la fréquence ou de la gravité des épisodes et une diminution des marqueurs biologiques de l’inflammation chronique, comme la pro-téine C réactive et la protéine amyloïde A sérique, qui peut conduire à une amylose.

Traitement optimal

En raison de la rareté relative des maladies décrites dans ce chapitre, pour la plupart d’entre elles, on ne dispose d’aucun traitement approuvé par des organismes de réglementa-tion ; nos connaissances thérapeutiques proviennent de rap-ports de cas anecdotiques et de petites séries de cas.

Fièvre méditerranéenne familiale

Le traitement ordinaire et approuvé de la FMF est la col-chicine, qui prévient les crises inflammatoires chez environ 60 % des patients et réduit sensiblement le nombre d’at-taques chez 20 à 30 %. On a montré que la colchicine

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réduisait l’incidence de l’amylose de plus de 60 % à moins de 5 %. Son mode d’action dans la FMF reste inconnu, mais elle agit peut-être par ses effets sur la motricité des neutrophiles. Des agents anti-inflammatoires non stéroï-diens (AINS) sont souvent utilisés contre la douleur.

TRAPS

Les patients atteints de TRAPS peuvent être traités par un AINS et un glucocorticoïde, qui soulagent les symptômes associés à la poussée de la maladie, mais ces médicaments ne réduisent pas la fréquence des crises ou le développe-ment de l’amylose. Des expériences anecdotiques avec l’étanercept et l’antagoniste recombinant du récepteur de l’interleukine 1 (IL1) ont eu plus de succès ; ils ont diminué la fréquence, la durée et la gravité des crises chez de nom-breux patients et inversé l’amylose chez certains.

Syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D

Le HIDS résiste au traitement par la colchicine, la thali-domide et les agents immunosuppresseurs. La simvastatine peut procurer une faible amélioration ; des succès de trai-tement par l’étanercept ont été rapportés. Récemment, des études ont commencé avec l’antagoniste recombinant du récepteur l’IL1.

Cryopyrinopathies

Jusque récemment, on ne pouvait que recommander au patient atteint de FCAS (SFAF) d’éviter le froid et lui prescrire un AINS, et des stéroïdes à haute dose pour les patients atteints d’une cryopyrinopathie plus grave. Récemment, de nombreux rapports de cas et quelques étu-des contrôlées ont démontré l’efficacité des thérapies anta-gonistes de l’IL1 dans les trois maladies, confirmant ainsi le rôle essentiel de l’IL1 dans ces troubles.

Futures directions

Durant la dernière décennie, des progrès significatifs ont été accomplis dans le diagnostic et le traitement des syn-dromes de fièvre périodique. L’identification des gènes responsables de ces troubles a permis une meilleure carac-térisation des signes cliniques, une amélioration du dia-gnostic et des traitements. Les thérapies visant les cytokines sont porteuses d’espoir pour ces patients. Des études sup-plémentaires dans ce domaine permettront probablement de découvrir d’autres maladies, d’autres gènes et des voies inflammatoires qui pourraient être associées à des mala-dies inflammatoires plus communes, comme la goutte.

Ressources supplémentaires

Brydges S, Kastner DL. The systemic autoinflammatory diseases : inborn errors of the innate immune system. Curr Top Microbiol Immunol 2006 ; 305 : 127-60. PMID : 16724804.

Les auteurs fournissent une excellente revue des maladies auto-inflamma-toires et de leur pathogénie.

Church LD, Churchman SM, Hawkins PN, et al. Hereditary auto-inflammatory disorders and biologics. Springer Seminars in Immunopathology 2006 ; 27 : 494-508. PMID : 16738958.

L’article passe en revue les syndromes auto-inflammatoires héréditaires en mettant l’accent sur les nouvelles thérapies biologiques.

Infevers Mutation Database for Autoinflammatory Syndromes. Accessible à http://fmf.igh.cnrs.fr/infevers. Consulté le 5 mars 2007.

Cette base de données exhaustive catalogue les mutations responsables des maladies auto-inflammatoires.

Janeway CA, Medzhitov R. Innate immune recognition. Annu Rev Immunol 2002 ; 20 : 197-216. PMID : 11861602.

Il s’agit d’une excellente revue de l’immunité innée.Martinon F, Tschopp J. NLRs join TLRs as innate sensors of pathogens.

Trends Immunol 2005 ; 26 : 447-54. PMID : 15967716. Cette revue exhaustive est consacrée aux nouvelles protéines impliquées dans

la reconnaissance des agents pathogènes.

Données probantes

1. Dinarello CA, Wolff SM, Goldfinger SE, et al. Colchicine therapy for familial Mediterranean fever. A double-blind trial. N Engl J Med 1974 ; 31 ; 291 (18) : 934-7.

Les auteurs rapportent les résultats du premier essai clinique à double insu de la colchicine dans la FMF.

2. Drewe E, McDermott EM, Powell PT, et al. Prospective study of anti-tumour necrosis factor receptor superfamily 1B fusion pro-tein, and case study of anti-tumour necrosis factor receptor super-family 1A fusion protein, in tumour necrosis factor receptor associated periodic syndrome (TRAPS) : clinical and laboratory findings in a series of seven patients. Rheumatology (Oxford) 2003 ; 42 (2) : 235-9. PMID : 12595616.

Les auteurs rapportent les résultats d’un essai clinique de l’étanercept dans le TRAPS.

3. Federici L, Rittore-Domingo C, Kone-Paut I, et al. A decision tree for genetic diagnosis of hereditary periodic fever in unselected patients. Ann Rheum Dis 2006 ; 65 (11) : 1427-32. PMID : 16707534.

Les auteurs proposent une démarche diagnostique génétique rationnelle dans les cas de fièvre périodique.

4. Goldbach-Mansky R, Dailey NJ, Canna SW, et al. Neonatal-onset multisystem inflammatory disease responsive to interleukin-1beta inhibition. N Engl J Med 2006 ; 355 (6) : 581-92.

Les auteurs rapportent les résultats d’une vaste étude clinique de l’antagoniste du récepteur de l’IL1 en cas de NOMID.

5. Kallinich T, Haffner D, Niehues T, et al. Colchicine use in children and adolescents with familial Mediterranean fever : literature review and consensus statement. Pediatrics 2007 ; 119 (2) : e474-483.

Cet article présente une analyse complète du traitement à la colchicine de la FMF.

6. Leslie KS, Lachmann HJ, Bruning E, et al. Phenotype, genotype, and sustained response to anakinra in 22 patients with autoinflam-matory disease associated with CIAS-1/NALP3 mutations. Arch Dermatol 2006 ; 142 (12) : 1591-7. PMID : 17178985.

Les auteurs rapportent les résultats du plus grand essai thérapeutique de l’antagoniste du récepteur de l’IL1 chez les patients atteints de cryopyrinopathie.

7. Simon A, van der Meer JW, Vesely R, et al. International HIDS Study Group. Approach to genetic analysis in the diagnosis of hereditary autoinflammatory syndromes. Rheumatology (Oxford) 2006 ; 45 (3) : 269-73. PMID : 16234278.

Cet article décrit une démarche diagnostique logique des syndromes auto-inflammatoires.

8. Stojanov S, Kastner DL. Familial autoinflammatory diseases : genetics, pathogenesis and treatment. Curr Opin Rheumatol 2005 ; 17 : 586-99. PMID : 16093838.

Cet article est une revue complète des syndromes auto-inflammatoires héréditaires.

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3 j  Chapter Title 1193

Étiologie et pathogénie

L’étiologie et la pathogénie de la PM et de la DM demeu-rent inconnues. Les rapports de maladie musculaire idio-pathique inflammatoire dans plusieurs membres d’une même famille et chez des jumeaux monozygotes suggèrent une prédisposition génétique. Des corrélations ont été observées avec l’antigène leucocytaire humain (HLA)-DRB1*0301 chez les Blancs atteints de PM et avec HLA-DQA1*0501 dans la DM juvénile. Des anticorps propres à ces maladies ont été identifiés ; toutefois, on ignore encore si ces anticorps jouent un rôle pathogène. Trois groupes d’anticorps spécifiques de myosite ont été bien étudiés, et des profils cliniques ont été décrits pour chaque groupe (tableau 156.1).

Bien que les tableaux cliniques de la PM et de la DM soient similaires, les processus immunologiques sous-jacents aux deux maladies paraissent bien différents. La DM aboutit à une microangiopathie, à la destruction des capillaires de l’endomysium et à une ischémie musculaire due à une réaction immunitaire humorale. Les cellules B prédominent dans l’infiltrat inflammatoire périvasculaire,

des immunoglobulines et les produits de dégradation du complément se déposant dans les vaisseaux sanguins. En revanche, l’inflammation de la PM dépend d’un méca-nisme cellulaire. Les muscles exprimant le complexe majeur d’histocompatibilité (MHC) de classe I sont infiltrés de lymphocytes cytotoxiques CD8+.

Des myopathies inflammatoires peuvent survenir dans le cadre d’une connectivite hétérogène avec une superposition de caractéristiques de sclérodermie, de lupus érythémateux disséminé (LED), de connectivite mixte ou de syndrome de Sjögren. Moins fréquemment, la PM et la DM sont associées à une polyarthrite rhu-matoïde, à la maladie de Still de l’adulte ou à une gra-nulomatose de Wegener. La faiblesse musculaire est souvent un symptôme important dans ces syndromes de chevauchement.

Le risque de malignité est augmenté en cas de PM et de DM, mais le risque relatif est plus élevé dans la DM. Les cancers le plus souvent associés à ces myopathies inflamma-toires sont ceux de l’ovaire, du sein, de l’estomac, du côlon et le lymphome non hodgkinien ; tout autre type de tumeur peut être observé. Le risque de malignité est le plus élevé

Introduction

La polymyosite (PM) et la dermatomyosite (DM) sont des myopathies idiopathiques inflammatoires. Les deux mala-dies peuvent commencer de manière insidieuse, par de la faiblesse musculaire proximale et symétrique. La maladie extramusculaire peut se manifester comme une maladie cardiaque, digestive, respiratoire, cutanée ou arthritique. La PM et la DM peuvent survenir en association avec d’autres maladies auto-immunes et des cancers.

L’incidence réelle de ces maladies est difficile à évaluer en raison de leur rareté. L’incidence annuelle serait de 2,18 à 7,7 cas par million et par an ; la répartition selon l’âge est bimodale ; l’apparition chez l’enfant sur-vient entre 10 et 15 ans et, chez les adultes, entre 45 et 60 ans. La DM est plus fréquente que la PM, en particulier chez les enfants. Comme avec la plupart des maladies auto-immunes, les femmes sont 2 fois plus souvent touchées que les hommes, et l’incidence serait plus forte chez les Afro-Américains que chez les Blancs. Une augmentation globale de l’incidence a été suggérée, mais l’amélioration des critères diagnostiques et une attention plus grande portée à ces affections pourraient expliquer cette tendance.

Polymyosite et dermatomyosite

Toby Bates • Teresa K. Tarrant

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au cours de la première année du diagnostic, puis diminue, mais ne rejoint jamais celui de la population normale.

Tableau clinique

La PM et la DM sont définies par la survenue insidieuse de faiblesse symétrique des muscles proximaux en plusieurs semaines ou plusieurs mois, ce qui explique pourquoi les patients consultent leur médecin assez tard et ce qui retarde le diagnostic définitif. Classiquement, une faiblesse mus-culaire sans douleur est caractéristique de la maladie, mais des myalgies accompagnent la faiblesse dans jusqu’à 30 % des cas.

Les patients peuvent se plaindre de difficultés à se lever, seul ou sans l’utilisation des mains, d’une chaise ou des toi-lettes (figure 156.1). La faiblesse de la partie proximale des

membres inférieurs rend la marche instable, provoquant un dandinement, dite « marche de Duchenne » ou « marche en canard ». Monter des escaliers ou quelques marches relève du défi, surtout si une rampe n’est pas disponible. Si la cein-ture scapulaire est atteinte, la faiblesse rend le patient inca-pable de se laver les cheveux ou de les peigner (voir la figure 156.1). Lorsque les muscles du tronc et du cou sont impli-qués, passer de la position couchée à la position debout ou soulever la tête de l’oreiller devient pénible. Au fil du temps, la faiblesse musculaire peut devenir distale, mais la participa-tion des muscles oculaires et faciaux est extrêmement rare.

Comme son nom l’indique, la caractéristique clinique qui distingue la DM de la PM est l’atteinte cutanée (tableau 156.2 ; figure 156.2), qui peut précéder, se déve-lopper simultanément ou survenir après des manifestations musculaires. Les éruptions sont souvent photosensibles.

Tableau 156.1 Anticorps spécifiques en cas de myosite

Autoanticorps Manifestations cliniques Résultats du traitement

Anti-aminoacyl-ARNt synthétase Risque accru de maladie pulmonaire interstitielle Variable(Anti-Jo-1, les plus fréquents) Syndrome antisynthétase : fièvre, arthrite, maladies

pulmonaires interstitielles, phénomène de Raynaud et mains de mécanicien

Anti-Mi-2 Apparition soudaine d’une dermatomyosite, souvent avec le signe du châle

Favorable

Antiparticule de reconnaissance du signal (SRP)

Polymyosite Médiocre

Maladie grave et aiguëAssociation possible avec myosite nécrosante

Tableau 156.2 Manifestations cutanées de la dermatomyosite

Manifestation cutanée Description

Papules de Gottron Pathognomoniques de la DM. Papules de couleur rouge sombre à violacée, plates ou surélevées, sur la face dorsale des articulations MCP ou IPP. Peuvent survenir sur les poignets, les coudes, les genoux et les malléoles. Le LED diffère en ce que l’éruption se produit entre les articulations MCP et les IPP (voir la figure 156.2).

éruption héliotrope Hautement caractéristique de la DM. éruption de couleur lilas/violet avec souvent un œdème périorbitaire. Peut impliquer le menton, le front et la région malaire. Contrairement au LED, elle n’épargne pas les plis nasogéniens (voir la figure 156.2).

Signe V Moins spécifique. Lésions maculaires confluentes, érythémateuses, violacées du cou et du thorax antérieur.

Signe du châle Moins spécifique. Lésions maculaires, érythémateuses, violacées du cou, impliquant la nuque, le haut du dos et l’arrière des épaules.

Signe de l’étui de pistolet (holster) Moins spécifique. Lésions maculaires, érythémateuses, violacées sur les faces latérales des cuisses.

Mains de mécanicien Hyperkératose, desquamation et fissuration de la portion latérale des doigts et des paumes. Ce signe peut être associé à un syndrome antisynthétase.

Calcifications Sous-cutanées, dans les fascias et intramusculaires. Principalement dans la DM juvénile. Peuvent être étendues, invalidantes et indépendantes de l’implication inflammatoire musculaire.

Télangiectasies du sillon latéral de l’ongle, érythème périunguéal et prolifération cuticulaire

Signe non spécifique observé dans la DM et la PM, ainsi que dans d’autres connectivites.

DM : dermatomyosite ; IPP : interphalangienne proximale ; LED : lupus érythémateux disséminé ; MCP : métacarpophalangienne ; PM : polymyosite.

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Une minorité des patients développent des lésions cuta-nées classiques, sans atteinte musculaire ; ce syndrome est appelé « dermatomyosite amyopathique » ou « dermato-myosite sans déficit musculaire ».

La PM et la DM sont des maladies systémiques pouvant impliquer plusieurs systèmes d’organes. La prévalence de la maladie pulmonaire interstitielle est très variable, allant de 5 à 65 % ; elle peut survenir à tout moment au cours de l’évolution. Le syndrome peut être asymptomatique (27 %) ou se manifester par des symptômes allant d’une toux sèche à une dyspnée franche. La présence d’anticorps anti-histi-dyl ARNt synthétase (anti-Jo-1) est associée à un risque accru de maladie pulmonaire interstitielle. Toutefois, la dyspnée en cas de maladie musculaire inflammatoire n’est pas toujours due à une maladie pulmonaire interstitielle ;

elle peut résulter d’une faiblesse des muscles thoraciques ou de fausses déglutitions chroniques causées par un dys-fonctionnement œsophagien.

L’atteinte cardiaque se manifeste généralement sous forme de modifications du tracé électrocardiographique ; elle est asymptomatique dans 50 % des cas. Une arythmie significative, une myocardite et une insuffisance cardiaque congestive sont rares.

Dans près d’un tiers des cas, le patient se plaint de dyspha-gie. Elle est due soit à la faiblesse des muscles oropharyn-gés, soit à une atteinte des muscles striés du tiers supérieur de l’œsophage. Une pneumonie par aspiration, une régur-gitation nasale ou une dysphonie peuvent résulter d’une faiblesse musculaire oropharyngée ou œsophagienne. Bien que rares chez l’adulte, les saignements gastro-intestinaux

Difficulté de se lever d’un siège, souvent une des premières plaintes

Difficulté de lever le bras pour le brossagedes cheveux

Figure 156.1 Signes de

myopathies inflammatoires.

L’œdème et la décoloration héliotrope autour des yeuxconstituent un signe classique. Une éruptionérythémateuse étendue peut aussi être présente

Érythème et/ou éruption papuleuse et squameuse autour des ongles des doigts, et sur le dos des articulations interphalangiennes

Figure 156.2 Manifestations cutanées classiques de la dermatomyosite.

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peuvent survenir dans la DM juvénile, secondaires à des lésions de vasculite.

Une arthrite de type rhumatoïde non déformante peut se développer, mais elle est généralement bénigne. En revanche, les patients produisant des anticorps anti-Jo-1 et ceux qui sont atteints du syndrome antisynthétase peuvent être victimes d’une arthrite destructrice, qui s’attaque aux mains et détruit la première articulation interphalangienne, déformant le pouce en « Z ».

Diagnostic différentiel

Les patients atteints de faiblesse musculaire requièrent une anamnèse et un examen physique complets. La PM et la DM sont des maladies rares : il faut donc recher-cher des mani festations indicatives d’autres étiologies (encadré 156.1). Différencier la PM de la myosite à inclusions peut être cliniquement difficile (tableau

156.3), d’où la nécessité de recourir à une biopsie mus-culaire pour poser un diagnostic définitif.

Démarche diagnostique

La PM et la DM peuvent se superposer à d’autres connec-tivites, particulièrement à la sclérodermie et au LED ; aussi, un examen approfondi des systèmes est indispensa-ble. Tous les médicaments doivent être pris en considéra-tion en tant que causes potentielles de faiblesse (voir leencadré 156.1). Il est utile de noter toutes les activités qui ne peuvent pas être exécutées. Par exemple, tester la force des muscles proximaux des membres inférieurs en faisant se lever le patient d’une position assise sans l’utili-sation des bras ou en lui faisant faire des flexions de genoux en position debout est un moyen facile d’évaluer la réponse au traitement.

Les premières analyses de laboratoire devraient com-prendre un hémogramme complet, les paramètres chimi-ques et les électrolytes, les enzymes hépatiques, la créatine kinase (CK), l’aldolase, la vitesse de sédimentation (VS), la thyréostimuline, les anticorps antinucléaires (ANA) et une électrophorèse des protéines sériques. L’enzyme musculaire la plus sensible est la CK ; elle s’élève avant que la faiblesse musculaire ne devienne détectable et devrait se normaliser avant qu’une réponse au traitement ne se manifeste. Des augmentations de l’aldolase et des aspartate et alanine ami-notransférases peuvent également être observées, et sont généralement des marqueurs de la dégradation musculaire. Généralement, mais pas toujours, les marqueurs de l’in-flammation (VS, protéine C réactive) sont augmentés. On trouve des ANA chez 80 % des patients.

L’électromyographie (EMG) est un test sensible des maladies musculaires inflammatoires, mais il est non spé-cifique. Les infections et les troubles métaboliques peuvent donner des résultats EMG similaires à ceux de la DM et de la PM. Puisque tous les muscles ne sont pas nécessaire-ment impliqués, plusieurs sites devraient être évalués, en particulier parce que l’EMG permet de repérer le site où la biopsie sera effectuée. Les résultats typiques de l’EMG sont des fibrillations spontanées, une irritabilité à l’inser-tion de l’aiguille, des potentiels d’action polyphasiques de faible amplitude et de courte durée et un recrutement précoce. L’EMG est également utile au cours du traite-ment de ces patients, car elle peut distinguer la myopathie due aux stéroïdes (des stéroïdes sont utilisés de manière chronique dans le traitement de la DM et de la PM) de la maladie inflammatoire restant active.

Parce que les enzymes musculaires et les résultats de l’EMG peuvent être anormaux dans une variété de troubles musculaires (voir le tableau 156.3), une biopsie du muscle est l’examen de référence pour le diagnostic de la PM et de la DM. Traditionnellement, la biopsie était effectuée de manière chirurgicale, mais actuellement, on recourt sur-tout aux biopsies percutanées à l’aiguille, car elles sont

Encadré 156.1 Diagnostic différentiel d’une faiblesse musculaire

1. Myosite à inclusion2. Infection

a. Virale : influenza A, B ; hépatite B, VIH, virus Coxsackie, mononucléose

b. Bactérienne : Staphylococcus, Streptococcusc. Parasitaire : Trichinella, Toxoplasma

3. Endocrinea. Hypothyroïdie, hyperthyroïdieb. Hyperthyroïdie, hypoparathyroïdiec. Hypokaliémie, hypocalcémie

4. Médicaments : liste partiellea. Inhibiteurs de l’hydroxyméthylglutaryl-coenzyme A

réductase (statines)b. Corticostéroïdesc. Colchicined. Hydroxychloroquinee. Cimétidinef. éthanol, cocaïne, héroïneg. Zidovudineh. Dérivés de l’acide fibrique

5. Dystrophies musculaires génétiquesa. Dystrophie musculaire des ceinturesb. De Duchenne/Beckerc. Facio-scapulo-humérale

6. Myopathies des glycogénoses : déficit en maltase acide de l’adulte, maladie de McArdle

7. Myopathies liées à des anomalies du stockage des lipides : déficit en carnitine, déficit en palmityltransférase

8. Neurologiea. Myasthénieb. Sclérose latérale amyotrophiquec. Polyneuropathie démyélinisante inflammatoire

chronique (PDIC)

9. Amylose

10. Myopathie aiguë des soins intensifs

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moins invasives et de multiples échantillons peuvent être prélevés, ce qui augmente la sensibilité du diagnostic. Pour écarter les dystrophies musculaires liées à des maladies de stockage du glycogène ou des lipides, on doit soumettre le prélèvement à des examens immunohistochimiques, bio-chimiques et génétiques.

La biopsie du muscle de PM montrera des fibres dispersées, nécrotiques et en voie de régénération. L’inflammation sera localisée autour de fibres musculaires isolées, avec une prédominance de lymphocytes CD8+. Le MHC de classe I n’est normalement pas exprimé sur les muscles. Des colorations immunocytochimiques supplé-mentaires et des tests génétiques sont importants, car la pathologie décrite dans la PM peut être observée dans les dystrophies musculaires et dans la myosite à inclusions. La DM, qui est un processus dépendant de l’immunité humo-rale, montre une inflammation périvasculaire et interfasci-culaire avec des micro-infarctus associés et une atrophie périfasciculaire.

Après que le diagnostic de la DM ou de la PM a été posé, il importe d’évaluer les atteintes extramusculaires. Une radiographie thoracique et une spirométrie avec mesure de la capacité de diffusion font partie de l’évalua-tion initiale d’une atteinte pulmonaire. Une tomodensito-métrie ou un lavage bronchoalvéolaire peuvent être indiqués si des symptômes ou des anomalies trouvées au dépistage suggèrent une maladie pulmonaire interstitielle. La mise en évidence des anticorps anti-Jo-1 peut prédire le risque de développer une maladie pulmonaire intersti-tielle, car jusqu’à 70 % des patients produisant des anticorps anti-Jo-1 développent cette complication. Les

troubles de la motilité œsophagienne sont fréquents, et il ne faut donc pas hésiter à demander un transit baryté pour la mise au point d’une dysphagie ou d’une dyspnée. Compte tenu des associations à des tumeurs malignes, un dépistage de cancer en fonction de l’âge s’impose.

Soins et traitement

Traitement optimal

Les corticoïdes constituent le traitement de première ligne (figure 156.3). Pour les maladies graves, des corticoïdes par bolus intraveineux sont administrés durant 3 j à 1 g/j ; on passe ensuite à des stéroïdes par voie orale à 1 mg/kg/j. Plus souvent, on commence le traitement par des stéroïdes oraux à 1 mg/kg/j. L’adaptation de la posologie commence dès la normalisation des examens musculaires et des enzy-mes, ce qui peut prendre plusieurs mois. Actuellement, cette adaptation n’est pas guidée par des résultats d’essais cliniques, mais l’opinion de consensus recommande une diminution de 20 % toutes les 3 à 4 semaines. Lorsque la dose est ramenée à 10 mg/j, elle est poursuivie pendant environ 1 an. L’American College of Rheumatology recom-mande un traitement aux biphosphonates chez les patients qui auront besoin de corticostéroïdes pendant plus de 3 mois. Quand un patient souffre de troubles de motilité œsophagienne, le pamidronate par voie intraveineuse est le biphosphonate de choix. Intégrer dès le début la physio-thérapie dans le plan thérapeutique des patients atteints d’une myosite inflammatoire est indispensable.

Lorsque les corticostéroïdes ne peuvent être diminués ou ne sont que partiellement efficaces, un agent d’épargne des

Tableau 156.3 Caractéristiques différenciant la polymyosite, la dermatomyosite et la myosite à corps d’inclusion

Polymyosite Dermatomyosite Myosite à corps d’inclusion

Âge > 2e décennie Tout âge (bimodal) > 50 ansGenre Rapport femme-homme 2 : 1 Femme > homme Homme > FemmeFaiblesse musculaire Symétrique et proximale Symétrique et proximale Asymétrique, proximale

et distale ; atrophie musculaire des quadriceps et des fléchisseurs des doigts

ANA Fréquents Fréquents Peu fréquentsLésions cutanées Non Oui NonCK £ 50 fois la normale £ 50 fois la normale Souvent £ 5 fois la normaleAnticorps anti-Jo-1 Jusqu’à 20 % Oui NonBiopsie musculaire Immunité cellulaire CD8+,

infiltrat endomysialImmunité humorale CD4+,

infiltrat périvasculaire et atrophie interfasciculaire et périfasciculaire

Infiltrat CD8+, fibres musculaires vacuolisées, dépôts amyloïdes intracellulaires

Atteintes de plusieurs systèmes d’organes ?

Oui Oui Non

Traitement Sensible Sensible Souvent réfractaire

ANA : anticorps antinucléaires ; CK : créatine kinase.

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stéroïdes peut être ajouté ; il l’est généralement au début de la maladie afin de réduire autant que possible les complica-tions des corticoïdes à forte dose. L’azathioprine ou le méthotrexate sont le plus souvent utilisés pendant la phase active du traitement ou durant le maintien de la rémission. Un essai prospectif contrôlé par placebo de la combinaison de l’azathioprine et des corticoïdes a montré que les résultats fonctionnels et la possibilité de sevrage des corticoïdes étaient améliorés. Une série rétrospective a révélé que, chez 71 à 88 % des patients atteints de DM et PM, l’adjonction de méthotrexate à la prednisone était bénéfique. Toutefois, en raison de l’effet indésirable idiosyncrasique d’atteinte pulmonaire avec le méthotrexate, l’azathioprine est préférée chez les patients souffrant de maladie pulmonaire intersti-tielle et lorsque les anticorps anti-Jo-1 sont présents.

Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV) sont utili-sées chez les patients atteints d’une maladie grave pulmo-naire ou cardiaque. Elles le sont également comme agents de deuxième intention pour les patients réfractaires à la prednisone, à l’azathioprine ou au méthotrexate. Dans la DM, un essai en double insu contrôlé contre placebo a montré que des IgIV amélioraient la force musculaire et l’état fonctionnel.

D’autres agents immunosuppresseurs utilisés dans les maladies musculaires inflammatoires comprennent la ciclosporine, le tacrolimus et le cyclophosphamide. Leur utilisation est motivée par l’absence de réponse aux autres médicaments, par la gravité de la maladie ou par une atteinte extramusculaire. La ciclosporine et le tacrolimus se sont avérés capables d’améliorer la force musculaire et l’état fonctionnel. Ces deux médicaments, dans des séries de cas,

semblent bénéfiques contre la myosite inflammatoire, la pneumopathie interstitielle associée et le syndrome antisyn-thétase. Plus récemment, des séries de cas ont montré les effets bénéfiques du mycophénolate mofétil, des antagonis-tes du facteur de nécrose tumorale α, du rituximab et du léflunomide, mais d’autres études contrôlées sont nécessai-res pour évaluer l’efficacité de ces médicaments.

Éviter les erreurs de traitement

Comme pour toute maladie, le diagnostic doit être confirmé avant le lancement d’un traitement. Ensuite, la surveillance de la toxicité est essentielle. La plupart des médicaments utilisés contre la DM et la PM provoquent une immuno-suppression importante et augmentent le risque d’infection. En conséquence, une aggravation des symptômes, tels que faiblesse et dyspnée, ne reflète pas nécessairement l’activité de la maladie. Plus précisément, la corticothérapie prolon-gée peut entraîner une faiblesse secondaire à une myopathie aux stéroïdes. Non reconnue, elle peut conduire à une expo-sition inutile à plus d’immunosuppression et de toxicité. Dans un autre exemple, la dyspnée accrue pourrait résulter de manifestations pulmonaires connues de la DM et de la PM, mais peuvent aussi être la conséquence d’infections secondaires pulmonaires ou de pneumopathie d’hypersensi-bilité à un médicament (par exemple le méthotrexate).

La créatine kinase et l’aldolase, des marqueurs de la dégradation musculaire, sont souvent utilisés pour la sur-veillance de l’activité de la maladie chez un patient stable. Souvent, il existe un décalage entre l’augmentation initiale de ces marqueurs et le début détectable de la faiblesse. Bien

Figure 156.3 Arbre de décision thérapeutique de la polymyosite et de la dermatomyosite.IgIV : immunoglobulines intraveineuses ; TNF : facteur de nécrose tumorale.

Consulter un rhumatologue

Corticostéroïdes, formation, physiothérapie

Sevrage impossible, effets secondaires, maladie réfractaire ou s’aggravant

Méthotrexate 10 mg/semaine (ajuster jusqu’à

20–25 mg/semaine ou Imuran® 50 mg/j (ajuster à 1–2 mg/kg)

Maladie réfractaire

IgIV 2 g/j durant 2–5 j· IgIV · Ciclosporine· Tacrolimus· Cyclophosphamide

· Agents anti-TNF· Mycophénolate mofétil· Rituximab

Nouveaux traitements potentiels

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que le traitement ne doive pas être modifié en fonction des seuls résultats du laboratoire, leur altération doit accroître la vigilance du patient et du médecin.

Futures directions

En 2000, le groupe IMACS (International Myositis Outcome Assessment Collaboration Study) a été créé pour contribuer à la normalisation de la planification des essais et de l’évaluation des résultats. Le groupe a défini des critères quantitatifs pour l’évaluation de l’activité des mala-dies et des résultats, a proposé une définition de l’amélio-ration clinique et des lignes directrices de consensus pour les essais cliniques en cas de myosite. Plusieurs initiatives visant à déterminer l’utilité des nouveaux médicaments sont au stade de l’enrôlement des patients, soit en attente d’approbation. Ces études évaluent la thérapie antilym-phocytes B dans la myopathie idiopathique, l’étanercept dans la DM de l’adulte, l’infliximab dans la DM et la PM, le méthotrexate dans la PM et la DM et l’antagoniste du récepteur de l’interleukine 1 dans la myopathie inflamma-toire chronique. Les résultats de ces essais pourraient élar-gir les options thérapeutiques de manière significative.

Ressources supplémentaires

American College of Rheumatology. Acessible à http://www.rheumato-logy.org.

Ce site offre des informations pour la formation du patient.Klippel JH. Primer on the rheumatic diseases. 12e éd. Atlanta : Arthritis

Foundation ; 2001. p. 369-76. Les auteurs donnent un aperçu de base de l’épidémiologie, de l’anatomo­

pathologie et des données cliniques.

Données probantes

1. Briani C, Doria A, Sarzi-Puttini P, et al. Update on idiopathic inflammatory myopathies. Autoimmunity 2006 ; 39 (3) : 161-70. PMID : 16769649.

Cette revue approfondie des myopathies inflammatoires s’étend au­delà de la description de la DM et de la PM.

2. Choy EHS, Hoogendijk JE, Lecky B, et al. Immunosuppressant and immunomodulatory treatment for dermatomyositis and poly-myositis. The Cochrane Database of Systemic Reviews 2005, Issue 3. Art. no CD003643.pub2. DOI : 10.1002/14651858.CD003643.pub2.

Cet article fournit une revue concise des études disponibles sur le trai­tement de la DM et de la PM.

3. Choy EHS, Isenberg DA. Treatment of dermatomyositis and poly-myositis. Rheumatology 2002 ; 41 : 7-13. PMID : 11792873

Les auteurs proposent une revue concise et une discussion des options thérapeutiques.

4. Christopher-Stine L, Plotz PH. Adult inflammatory myopathies. Best Pract Res Clin Rheumatol 2004 ; 18 (3) : 331-44.

Cette revue des myopathies inflammatoires comprend une section sur la myosite à inclusions.

5. Dalakas MC, Illa I, Dambrosia JM, et al. A controlled trial of high-dose intravenous immunoglobulin infusions as treatment for dermatomyositis. N Engl J Med 1993 ; 329 : 1993-2000. PMID : 8247075.

Cet essai croisé en double insu contrôlé par placebo sur 15 patients dont la DM était réfractaire à un traitement examine si les IgIV peuvent devenir un traitement important pour les patients atteints d’une grave invalidité.

6. Okada S, Weatherhead E, Targoff IN, et al. Global surface ultra-violet radiation intensity may modulate the clinical and immuno-logic expression of autoimmune muscle disease. Arthritis Rheum 2003 ; 48 : 2285-93. PMID : 12905483.

Les auteurs examinent si des facteurs géoclimatiques influencent la nature et la fréquence de la DM, de la PM et des autoanticorps.

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Maladie de Still de l’adulte

B. Fautrel

La maladie de Still de l’adulte est un rhumatisme inflammatoire rare, de cause inconnue. Il se caractérisepar l’association de signes évocateurs, tels que fièvre supérieure à 39 °C, éruption cutanée lors des pics defièvre, arthralgies ou arthrites et hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles (signes cardinaux).D’autres manifestations sont possibles, notamment douleurs musculaires, pharyngite, polyadénopathie,cytolyse hépatique, hyperferritinémie avec effondrement de la fraction glycosylée, atteintes pulmonaires,cardiaques ou hématologiques. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination, aucun des signes décrits n’étantpathognomonique. Des formes systémiques prédominantes ou articulaires prédominantes ont été décrites,avec pour ces dernières la possibilité d’observer des dégâts articulaires structuraux chez un tiers despatients. L’évolution de la maladie est difficilement prévisible, pouvant être monophasique, intermittenteou récurrente, ou bien chronique. L’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont le plus souventinsuffisants et la cortisone reste le traitement de base de la maladie de Still de l’adulte. En cas de réponseinadéquate, le méthotrexate semble le traitement le plus logique. Les autres traitements sont moinscodifiés, mais l’arrivée des nouvelles biothérapies (notamment les inhibiteurs de l’interleukine 1) pourraitpermettre une optimisation de la prise en charge.© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Maladie de Still de l’adulte ; Syndrome de Wissler-Fanconi ; Polyarthrite ; Fièvre ;Rhumatisme inflammatoire ; Syndrome auto-inflammatoire ; Ferritine ; Critères

Plan

¶ Introduction 1

¶ Définition 1

¶ Épidémiologie 2

¶ Pathogénie 2Acteurs inflammatoires 2Hypothèses étiologiques 2

¶ Manifestations cliniques au cours de la MSA 2Trois signes cardinaux cliniques 2Autres manifestations 3

¶ Éléments paracliniques 3Quatrième signe cardinal : l’hyperleucocytose à polynucléairesneutrophiles 4Syndrome inflammatoire non spécifique 4Perturbations hépatiques 4Perturbations immunologiques 4Hyperferritinémie 4Coagulation intravasculaire disséminée et autres troubles del’hémostase 4Explorations microbiologiques 4

¶ Diagnostic différentiel 4Infections 4Néoplasies et hémopathies malignes 4Pathologies inflammatoires ou auto-immunes 5

¶ Critères de classification 5

¶ Évolution et pronostic 5Profils évolutifs 5Pronostic 5

¶ Traitements 6Traitements de première intention 6Traitement de seconde intention : méthotrexate 6Traitements des formes sévères, après échec du méthotrexate 6

¶ Conclusion 6

■ IntroductionLa maladie de Still de l’adulte (MSA) a été décrite au début

des années 1970 par Bywaters [1], soit près d’un siècle après ladescription de la forme pédiatrique par Still. Elle correspond àla même entité que le syndrome de Wissler et Fanconi [2].

■ DéfinitionPar définition, la MSA touche des personnes âgées de plus de

16 ans [1]. Elle peut survenir de novo ou bien chez des person-nes ayant eu une forme systémique d’arthrite juvénile idiopa-thique ; dans ce dernier cas, le diagnostic de MSA n’est retenuqu’après un intervalle libre de plusieurs années sans symptômesentre la poussée juvénile et la poussée à l’âge adulte [3-5]. Lamaladie est définie par l’association d’une fièvre élevée, d’uneéruption cutanée évanescente, d’arthralgies ou d’arthrites, etd’une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles [5-7]. Denombreux autres signes peuvent s’associer à ces quatre signescardinaux, notamment un mal de gorge, des myalgies, unehépatopathie, des adénopathies, une splénomégalie ou dessérites. En l’absence de signe pathognomonique, le diagnostic

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est retenu après élimination d’un processus infectieux, d’unenéoplasie ou d’une hémopathie maligne, ou d’une autremaladie inflammatoire.

■ ÉpidémiologieLes données épidémiologiques restent relativement imprécises,

du fait de la grande hétérogénéité de la MSA et de la complexitéde son diagnostic. Son incidence annuelle est estimée selon lepays entre un et dix nouveaux cas par million d’habitants [8, 9].

L’âge de survenue des symptômes est variable. Si les premiè-res études publiées concernaient principalement des adultesjeunes, entre 16 et 35 ans [1, 5, 7], plusieurs publications ontdepuis montré que la MSA pouvait survenir à tout âge, ycompris chez des sujets âgés [5]. Une prédominance féminine dela MSA a été évoquée, mais aucune forme familiale n’a étérapportée jusqu’à ce jour.

■ PathogénieActeurs inflammatoires

La physiopathologie de la MSA reste largement incom-prise [10]. Une augmentation des taux de cytokines pro-inflammatoires (TH 1) a été rapportée, notammentd’interleukine (IL) 1b, d’IL-6, d’IL-18, de tumor necrosis factor(TNF) a et d’interféron c [11-14]. Il existe dans les tissus uneinflammation non spécifique, proche de celle observée au coursde certaines réactions d’hypersensibilité médicamenteuse oud’infections virales. Il est par ailleurs important de mentionnerl’absence de granulome, d’infiltrat lymphocytaire clonal et designes d’auto-immunité.

Hypothèses étiologiquesHypothèse infectieuse

Les agents infectieux incriminés dans le déclenchement de lamaladie forment une longue liste : virus de la rubéole, de larougeole, des oreillons, Epstein-Barr, des hépatites A, B ou C, del’immunodéficience humaine, cytomégalovirus, parvovirus B19,virus adénovirus, échovirus, virus influenzae et para-influenzae,coxsackies, bactéries tels que le staphylocoque, le streptocoque,Yersinia enterocolitica, Campylobacter jejuni, Chlamydia trachomatis,Mycoplasma pneumoniae, Borrelia bugdorferi, ou enfin des parasi-tes tels que Toxoplasma gondii. Il s’agissait dans tous les casd’observations isolées et il est de ce fait difficile de dire s’il s’agitd’une infection évolutive, très symptomatique et prolongéedans le temps, ou d’une véritable MSA où l’inflammations’autonomise au décours de l’épisode infectieux [2, 10].

Dérégulation du système immunitaireou syndrome d’hypersensibilité

Deux études ont rapporté une plus grande fréquence desallergies avant le déclenchement d’une MSA [8, 15]. Uneaugmentation des taux sériques d’immunoglobulines (Ig) E etd’IL-4 a également été rapportée [16]. De plus, des similitudesexistent entre la MSA et certains désordres inflammatoires telsque les syndromes d’hypersensibilité systémique liés à la prisede médicaments, ou bien certaines fièvres périodiques familia-les [17, 18].

■ Manifestations cliniques au coursde la MSA

La MSA se caractérise par une grande hétérogénéité clinique(Tableau 1) [2].

Trois signes cardinaux cliniquesFièvre

La fièvre est un signe constant dans la MSA, d’installationbrutale. Typiquement, elle dépasse 39 °C et est hectique, avec

des pics thermiques vespéraux s’enchaînant sur plus d’unesemaine. Dans les faits, elle évolue spontanément sur plusieurssemaines et s’accompagne d’une altération de l’état général etd’un amaigrissement. Les frissons sont fréquents lors des picsfébriles et les antibiotiques sont sans effet. Une fièvre isolée peutrésumer le tableau [17].

Arthralgies ou arthrites

Les manifestations articulaires (arthralgies ou le plus souventarthrites) sont également constantes, parfois décalées dans letemps [4, 7]. Les douleurs sont en général maximales lors des picsfébriles [7].

Ces atteintes se fixent rapidement au cours de l’évolution, leplus souvent sous la forme d’une polyarthrite bilatérale etsymétrique [7, 19]. La ponction met en évidence un liquideinflammatoire et la biopsie synoviale une synovite nonspécifique.

L’évolution de l’atteinte articulaire suit le cours général de laMSA. Quand il existe des arthrites, un passage à la chronicité estpossible, avec dans un tiers des cas une atteinte destructrice àtype de pincement articulaire ou d’érosions [5, 7]. Dans cecontexte, une carpite fusionnante, atteinte destructrice isoléedes carpes sans atteinte concomitante des interphalangiennes(Fig. 1), peut être considérée comme évocatrice de MSA [1, 2].

Signes cutanés

L’atteinte cutanée est identique à celle observée au cours dela maladie de Still de l’enfant, c’est-à-dire de la forme systémi-que des arthrites juvéniles idiopathiques [1]. Dans sa formetypique (Figs. 2, 3), elle comporte des petites macules oumaculopapules, de couleur rose saumon, non prurigineuses, dequelques millimètres de diamètre. Elle siège le plus souvent à laracine des membres et sur le tronc, mais parfois également surles zones d’appui, la face, les paumes des mains et les plantesdes pieds. Son caractère fugace, maximal lors des pics fébriles,constitue un élément d’orientation en faveur du diagnostic deMSA [6, 7]. L’histologie est non spécifique. Les lésions disparais-sent en général sans séquelles.

Des présentations atypiques sont possibles : aspect papuleuxou urticarien, prurit, dermographisme [1, 5-7, 20]. L’existence d’unpurpura ou d’ecchymoses doit faire discuter une coagulation

Tableau 1.Manifestations cliniques dans 659 cas de maladie de Still de l’adulte,d’après Pouchot et Fautrel [2].

Nombre Pourcentage

Sexe féminin 443/659 67,2

Âge ≤ 35 ans 402/578 69,6

Épisode dans l’enfance 57/439 13

Arthralgies 655/659 99,4

Arthrites 490/565 86,7

Polyarthrite 137/178 77

Oligoarthrite 41/178 23

Fièvre ≥ 39 °C 544/574 94,8

Perte de poids ≥ 10 % 165/345 47,8

Éruption cutanée 537/650 82,6

Mal de gorge 379/575 65,9

Myalgies 212/338 62,7

Adénopathies 346/558 62,0

Splénomégalie 273/637 42,9

Hépatomégalie 190/493 38,5

Pleurésie 145/618 23,5

Péricardite 139/627 22,2

Douleurs abdominales 86/422 20,4

Pneumopathie 68/494 13,8

Atteinte rénale 31/355 8,7

Atteinte neurologique 33/475 6,9

Atteinte oculaire 16/302 5,3

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intravasculaire disséminée (CIVD), un purpura thrombotiquethrombocytopénique (syndrome de Moschcowitz) ou un syn-drome d’hémophagocytose [4, 21].

Autres manifestations

Douleurs pharyngées

Une odynophagie (gêne douloureuse à la déglutition desaliments) est observée chez près de deux tiers des patients etconstitue dans ce contexte un élément d’orientation [1, 22]. Ilpeut exister une rougeur pharyngée, mais sans angine vraie. Cedernier élément et la concomitance des douleurs pharyngées etdes symptômes articulaires permettent de différencier une MSAd’un rhumatisme poststreptococcique. Les prélèvements bacté-riologiques sont bien évidemment négatifs.

MyalgiesLes douleurs musculaires sont fréquentes, diffuses, très

intenses, avec également une recrudescence lors des phasesfébriles [1, 6, 7, 19, 22]. Les myosites sont en revanche exception-nelles [23, 24].

Adénopathies et splénomégalieUne polyadénopathie est observée chez 60 % des patients,

faite de petits ganglions mobiles, de taille modérée, parfoissensibles. Une atteinte des aires ganglionnaires profondes ouune splénomégalie sont possibles. L’asymétrie marquée desadénopathies doit faire évoquer un lymphome malin etconduire à la biopsie ; celle-ci ne montre qu’une hyperplasieréactionnelle polyclonale et non spécifique constituée delymphocytes T et B, de plasmocytes et de granulocytes [4, 19, 22,

25, 26]. Une évolution nécrosante est possible, avec associationd’une lymphadénite nécrosante de Kikuchi à la MSA [27].

Douleurs abdominalesAu cours de la MSA, des douleurs abdominales, généralement

diffuses et parfois associées à des nausées et des vomissements,ne sont pas exceptionnelles [4, 6, 7, 19]. Plusieurs phénomènesdirectement liés à la MSA peuvent en être à l’origine : adéniteprofonde, péritonite aseptique, pancréatite aiguë, gastrite ouulcère, syndrome subocclusif. La présentation peut être pseudo-chirurgicale, aboutissant à une laparotomie exploratrice quipermet d’éliminer un processus infectieux.

Atteinte pulmonaire et pleuraleLe plus souvent, il s’agit d’un épanchement pleural uni- ou

bilatéral (exsudat), de petite ou moyenne abondance, sansélément spécifique histologique [4, 7]. Chez environ 15 % despatients, des infiltrats labiles, fréquemment bilatéraux, sontrapportés [7, 19]. Un syndrome restrictif et des troubles de ladiffusion du monoxyde de carbone peuvent être observés.

L’évolution est en général favorable, spontanément ou soustraitement [28, 29]. Néanmoins, il peut exister des formesgravissimes d’emblée en raison de la survenue d’un syndromede détresse respiratoire aiguë [7, 19, 30, 31]. Dans ces formesgraves, le diagnostic différentiel avec une infection est souventdifficile [4].

Atteinte cardiaqueL’atteinte la plus fréquente est la péricardite ; elle peut être

révélatrice de la MSA et est parfois grave (tamponnade), souventrécidivante [4, 6, 7, 19, 32]. Des myocardites ont également étérapportées, avec une évolution le plus souvent favorable soustraitement [6, 7, 19]. Enfin, quelques rares atteintes valvulairesaortiques ou mitrales ont été décrites [6, 33].

Manifestations exceptionnellesIl s’agit le plus souvent de manifestations décrites dans des

observations isolées. On peut ainsi signaler :• des manifestations ophtalmologiques, tels que syndrome sec,

conjonctivite, uvéite, épisclérite [1, 5, 7] ;• des troubles neurologiques, devant faire éliminer une insuffi-

sance hépatocellulaire par hépatite cytolytique, une CIVD ouun syndrome de Moschcowitz [34] ;

• une atteinte néphrologique, pouvant aller d’une simpleprotéinurie isolée et transitoire pendant les épisodes fébrilesà des néphropathies tubulo-interstitielles ou glomérulaires [7,

19, 35] ; il faut également signaler la possibilité d’insuffisancerénale aiguë dans un contexte de myosite sévère avec rhab-domyolyse (nécrose tubulaire aiguë), d’hépatite cytolytiquegrave, de syndrome de Moschcowitz ou de CIVD [7, 19, 21, 24] ;

• une amylose AA [36-39].

■ Éléments paracliniquesLà encore, il existe une grande hétérogénéité de la maladie et

aucune anomalie paraclinique n’est spécifique de la MSA(Tableau 2) [2].

Figure 1. Carpite fusionnante isolée au cours d’une maladie de Stillde l’adulte.

Figure 2. Érythème fugace de maladie de Still de l’adulte sur le bras.

Figure 3. Érythème fugace de maladie de Still de l’adulte sur la faced’extension du coude.

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Deux perturbations sont évocatrices de MSA : l’hyperleucocy-tose à polynucléaires neutrophiles et l’hyperferritinémie sériquemajeure avec effondrement de sa fraction glycosylée. Deuxautres doivent être systématiquement recherchées du fait de leurgravité : une cytolyse hépatique majeure et un trouble del’hémostase (type CIVD).

Quatrième signe cardinal :l’hyperleucocytose à polynucléairesneutrophiles

Une hyperleucocytose supérieure à 10 000 ou 15 000/mm3,constituée de plus de 80 % de polynucléaires neutrophiles, estévocatrice de MSA. Ce chiffre peut atteindre plus de 50 000/mm3, avec parfois une myélémie [6, 7, 19]. Exceptionnellement,une leucopénie a été notée, isolée ou non, devant faire recher-cher un syndrome de Moschcowitz ou une hémophagocytose [6,

7, 19, 40].

Syndrome inflammatoire non spécifiqueUn syndrome inflammatoire est constant et habituellement

très marqué, avec une vitesse de sédimentation souvent supé-rieure à 100 mm à la première heure. Toutes les protéines del’inflammation sont élevées et sont parfois associées à unehypoalbuminémie profonde [5-7].

Perturbations hépatiquesL’atteinte hépatique est fréquente biologiquement (60 % des

patients) et potentiellement grave [2, 19]. Hépatomégalie et ictèresont possibles mais rares. Il s’agit le plus souvent d’une cytolysemodérée avec élévation des aminotransférases et des lacticodés-hydrogénases, régressive sous traitement.

Lorsqu’une biopsie hépatique est pratiquée, on trouve uninfiltrat inflammatoire des espaces portes constitué de cellulesmononucléées, lymphocytes et plasmocytes, voire de polynu-cléaires neutrophiles [6, 7, 41].

Les lésions hépatocytaires proprement dites sont rares.Cependant, des cytolyses graves avec nécrose hépatocytairemassive ont été décrites, avec insuffisance hépatocellulairerapide et recours à la transplantation dans quelques cas [2, 19].Ces atteintes ont été régulièrement associées à la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), notamment d’aspirine,potentiellement à tort [6, 7].

Perturbations immunologiquesLes examens immunologiques sont utiles pour éliminer

d’autres maladies systémiques [2, 4, 5]. S’il existe une augmenta-tion polyclonale des Ig entrant dans le cadre du syndromeinflammatoire, on ne retrouve aucun stigmate d’auto-immunité,et notamment pas de taux significatif de facteur rhumatoïde,d’anticorps anti-CCP, antinucléaires, anti-ADN natifs, anti-ECTou anti-tissus.

HyperferritinémieL’élévation de la ferritinémie a été fréquemment rapportée au

cours de la MSA, témoin de l’activation du système histio-macrophagique [5, 42-46]. Plusieurs études ont montré que, quelque soit le seuil utilisé, l’hyperferritinémie n’avait qu’une faiblevaleur prédictive pour le diagnostic de MSA en l’absence decontexte clinique évocateur [47, 48].

Au début des années 1990, des anomalies de glycosylation dela ferritine ont été mises en évidence au cours de la MSA [49].Normalement supérieure à 50 %, la fraction glycosylée de laferritine ne représente plus que 20 à 50 % de la ferritine totaleau cours des processus inflammatoires, probablement parsaturation des mécanismes de glycosylation. Au cours de laMSA, le pourcentage de ferritine glycosylée est effondré,inférieur ou égal à 20 %, traduisant un mécanisme plus spécifi-que. Une étude plus approfondie a montré qu’une fractionglycosylée inférieure ou égale à 20 % avait une sensibilité de78 % et une spécificité de 64 % pour le diagnostic de MSA [47].Dans cette étude, l’association d’une hyperferritinémie et d’uneffondrement de la fraction glycosylée avait une sensibilité de67 % et une spécificité de 84 %.

Contrairement à la ferritinémie, le pourcentage de ferritineglycosylée est peu influencé par l’activité inflammatoire de laMSA ; son effondrement persiste plusieurs semaines à plusieursmois après l’obtention d’une rémission [50]. Les taux effondrésde ferritine glycosylée ne sont cependant pas pathognomoni-ques et peuvent s’observer au cours d’autres pathologies,notamment au cours de certaines infections graves et dessyndromes d’activation macrophagique [47, 51, 52].

Coagulation intravasculaire disséminéeet autres troubles de l’hémostase

Plusieurs observations de CIVD ont été rapportées, venantsouvent compliquer une hépatite cytolytique grave ou unehémophagocytose [2]. Une origine médicamenteuse (aspirine,AINS) a parfois été soulevée [53].

Ont également été publiées quelques observations de purpurathrombotique thrombocytopénique (syndrome de Mosch-cowitz) [2, 21].

Explorations microbiologiquesMême si une étiologie infectieuse est parfois suspectée, les

prélèvements microbiologiques sont négatifs (hémocultures,prélèvements pharyngés, ponction articulaire ou myéloculture).

■ Diagnostic différentielLe diagnostic de MSA reste un diagnostic d’exclusion. Étant

donné la grande hétérogénéité de la MSA, la liste des diagnos-tics différentiels possibles est longue [4, 5, 7, 17]. On peut lesregrouper en trois grandes catégories (Tableau 3) [2].

InfectionsEn pratique, ce sont elles qui posent les problèmes diagnos-

tiques les plus délicats, notamment les endocardites infectieusessubaiguës et les foyers infectieux profonds [2, 3]. Au minimum,des hémocultures et un examen cytobactériologique des urinessont nécessaires. Les autres prélèvements ou sérologies sont àdéfinir en fonction des points d’appels cliniques.

Néoplasies et hémopathies malignesLes lymphomes malins (hodgkiniens ou non) doivent être

systématiquement évoqués, surtout en cas d’adénopathie fixe,indurée ou asymétrique. D’autres hémopathies malignes ont puêtre décrites avec un tableau systémique [2, 54]. De même,plusieurs cas de carcinomes épidermoïdes ou glandulaires(mammaires, bronchiques ou oto-rhino-laryngologiques) révéléspar des manifestations systémiques ont été publiés [2, 54].

Tableau 2.Fréquence des différentes perturbations paracliniques observables dans659 cas de maladie de Still de l’adulte (d’après Pouchot et al. [2]).

Nombre Pourcentage

Vitesse de sédimentation élevée 538/555 96,9

Leucocytose ≥ 10 000/mm3 551/602 91,5

Leucocytose ≥ 15 000/mm3 313/517 60,5

Polynucléaires neutrophiles ≥ 80 % 213/290 73,4

Anémie ≤ 10 g/100 ml 267/410 65,1

Plaquettes ≥ 400 000 79/138 57,2

Hypoalbuminémie < 35 234/299 78,3

Biologie hépatique perturbée(transaminases)

375/564 66,5

Anticorps antinucléaires positifs 40/651 6,1

Facteur rhumatoïde positif 28/652 4,3

Augmentation des immunoglobulines 93/134 69,4

Page 166: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Pathologies inflammatoiresou auto-immunes

En tête de liste, il faut citer les vascularites (notamment lapériartérite noueuse) et les polymyosites [4]. Beaucoup d’autrescauses de fièvres récurrentes ou de rhumatismes intermittentspeuvent être évoquées, notamment le syndrome hyper-IgD et letumor necrosis factor receptor-associated periodic syndrome(TRAPS) [55-57].

■ Critères de classificationComme dans beaucoup d’autres maladies inflammatoires,

des critères de classification ont été développés pour aider lescliniciens à reconnaître une MSA, même s’ils ne permettentpas d’en certifier le diagnostic [19, 58-61]. Actuellement, lescritères de classification les plus validés et les plus utilisés àl’échelon international sont ceux de Yamaguchi ; leur sensi-bilité et leur spécificité sont respectivement de 96,2 % et92,1 % (Tableau 4) [61]. Des critères plus récents, prenant encompte l’effondrement de la ferritine glycosylée, ont été publiés,mais ils doivent encore être validés (Tableau 4) [59].

■ Évolution et pronostic

Profils évolutifsOn peut distinguer deux profils de MSA en termes d’expres-

sion clinique : la forme systémique où la fièvre et les signesgénéraux prédominent ; la forme articulaire au cours de laquelleles arthrites sont au premier plan [2]. Il est aussi possible dedifférencier plusieurs types d’évolution (cf. encadré pagesuivante).

PronosticLe pronostic fonctionnel est dominé par l’atteinte articulaire,

qui peut être destructrice et laisser de ce fait des séquelles chezun tiers des patients [5, 7, 36, 62]. Il n’existe aucun facteurpermettant de prédire une évolution érosive. L’atteinte estcependant souvent limitée, et l’impact semble de ce fait moinssévère qu’au cours d’autres maladies de système, notamment lelupus ou la polyarthrite rhumatoïde [63].

Tableau 3.Principaux diagnostics différentiels de la maladie de Still de l’adulte(d’après Pouchot et al. [2]).

Maladies infectieuses Septicémie à pyogènes

Endocardite infectieuse

Foyer infectieux profond : biliaire,colique, urinaire

Brucellose

Tuberculose

Yersiniose

Hépatite virale A, B ou C

Infection liée au VIH

Parasitose abcédée

Maladies néoplasiques Lymphome malin hodgkinienou non hodgkinien

Lymphadénopathieangio-immunoblastique

Cancers viscéraux fébriles : rein, côlon,poumon

Syndromes myéloprolifératifs

Syndromes paranéoplasiques

Maladies systémiques Périartérite noueuse, autres vascularites

Rhumatisme poststreptococcique

Polymyosite, dermatopolymyosite, lupus

Polyarthrite rhumatoïde séronégative

Syndrome de Sweet

Maladie périodique

Maladie de Whipple

Sarcoïdose

Arthrite réactionnelle

Syndrome d’hypersensibilité

Pseudolymphome médicamenteux

Syndrome de Schnitzler

Syndrome hyper-IgD

TRAPS

Ig : immunoglobulines ; TRAPS : tumor necrosis factor receptor-associated periodicsyndrome ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.

Tableau 4.Critères de classification pour la maladie de Still de l’adulte.

Critères de classification de Yamaguchi et al. [61] Critères de classification de Fautrel et al. [59]

Critères majeurs

Fièvre ≥ 39 °C, évoluant depuis 1 semaine ou plus

Arthralgies, évoluant depuis 2 semaines ou plus

Éruption cutanée typique maculeuse ou maculopapuleuse, non prurigineuse, rose saumonsurvenant pendant les pics fébriles

Leucocytose ≥10 000/mm3 et polynucléaires neutrophiles ≥ 80 %

Fièvre hectique supérieure ou égale à 39 °C

Arthralgies

Érythème transitoire

Pharyngite

Taux de polynucléaires neutrophiles supérieur ou égal à 80 %

Pourcentage de ferritine glycosylée inférieur ou égal à 20 %

Critères mineurs

Pharyngite ou douleurs pharyngées

Adénopathie et/ou splénomégalie, confirmée à la palpation ou à l’échographie

Atteinte hépatique : élévation anormale des transaminases et/ou des lactatesdéshydrogénases, attribuable à la maladie et non à une allergie/toxicité médicamenteuse

Absence de facteur rhumatoïde (immunoglobulines M sériques) et d’anticorpsantinucléaires (en immunofluorescence)

Rash maculopapulaire

Taux de leucocytes supérieur ou égal à 10 000/mm3

Critères d’exclusion

Absence d’infection, notamment sepsis et mononucléose infectieuse

Absence d’affection maligne, principalement lymphomes malins

Absence d’autre pathologie rhumatismale (principalement périartérites noueuseset vascularites atteintes extra-articulaires)

Au moins cinq critères dont au moins deux majeurs et aucun critère d’exclusion Quatre critères majeurs ou trois critères majeurset deux critères mineurs

Page 167: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Le pronostic vital est dominé par la sévérité des atteintesviscérales, notamment les atteintes hépatiques lorsqu’elles secompliquent de CIVD et de défaillance polyviscérale [7, 19], lestroubles hématologiques de type purpura thrombotique throm-bocytopénique ou hémophagocytose [2, 43, 64], les atteintespulmonaires type syndrome de détresse respiratoire aiguë [4, 30]

ou le développement d’une amylose.

■ TraitementsAucun essai contrôlé randomisé n’a jamais été réalisé dans la

MSA. De ce fait, la plupart des données disponibles émanentd’études observationnelles (Tableau 5).

Traitements de première intentionSi l’aspirine ou les AINS sont efficaces dans les formes

juvéniles de MSA, ces traitements ne permettent une résolutiondes symptômes que dans 20 % des cas [1, 7, 19]. L’indométacine(150 et 250 mg/j) est parfois présenté par certains auteurscomme plus efficace dans la MSA [7, 36, 62]. La surveillancehépatique doit être attentive chez les patients avec une cytolysehépatique initiale liée à la MSA [7, 19].

Lorsque le diagnostic est établi, il est en général nécessaired’introduire la prednisone, à la dose de 0,5 à 1 mg/kg/j [4, 5, 7,

62]. Les assauts cortisoniques sont possibles dans les formesgraves [5, 7, 19, 62]. L’efficacité est en général spectaculaire [7, 19].La durée de la corticothérapie et ses modalités de décroissancene sont pas définies de façon consensuelle ; elles dépendent dela gravité des manifestations initiales et de leur évolution soustraitement. Elle est donc très variable, parfois limitée à quelquesmois mais souvent prolongée sur plusieurs années ; une corti-codépendance n’est pas rare [7, 36, 63, 65].

Traitement de seconde intention :méthotrexate

Utilisé selon un schéma proche de celui de la polyarthriterhumatoïde (Tableau 5), le méthotrexate permet dans bonnombre de cas de contrôler l’activité inflammatoire de la MSA,avec un effet d’épargne cortisonique. Sa capacité à ralentir oubloquer les atteintes articulaires destructrices n’est pas connue [7,

12, 36, 62, 65-67]. L’existence d’une hépatite cytolytique n’est pasune contre-indication à son emploi mais, comme pour les AINS,ces anomalies justifient une surveillance biologique renforcée [7,

12, 65].

Traitements des formes sévères, aprèséchec du méthotrexate

À ce stade, aucune attitude consensuelle n’existe. On disposecependant de données intéressantes sur quelques molécules.

Ciclosporine AUtilisée là encore aux doses modérées employées dans la

polyarthrite rhumatoïde (de 2,5 à 3 mg/kg/j), la ciclosporine Aa un effet d’épargne cortisonique et semble particulièrementintéressante en cas d’hémophagocytose ou de CIVD [21, 40, 68-72].

Immunoglobulines intraveineusesDeux études ouvertes [73, 74] ont montré que les Ig par voie

intraveineuse administrées à la dose de 2 g/kg par cure mensuellede 2 à 5 jours permettaient d’obtenir une rémission, parfoisprolongée, chez huit patients sur 14. La durée des perfusions etles schémas de décroissance restent imprécis. Leur tolérance esten général bonne, mais des réactions allergiques sont possibles.

Anti-TNF-alphaDérivés des traitements de la polyarthrite rhumatoïde, trois

anti-TNF-alpha sont disponibles :• l’infliximab (Remicade®), utilisé à la dose de 3 (voire

5) mg/kg par voie intraveineuse aux semaines 0, 2, 6 puistoutes les 8 semaines [75, 76] ; alors que les premiers résultatssemblaient spectaculaires, sur les manifestations tant systémi-ques et qu’articulaires, une étude observationnelle du Clubrhumatisme et inflammation (CRI) ne retrouve que quatreréponses complètes et neuf réponses partielles sur une sériede 15 patients [75] ;

• l’étanercept (Enbrel®), utilisé à la dose de 25 mg deux fois parsemaine ou 50 mg/semaine par voie sous-cutanée [75, 77] ; unepremière étude ouverte conduite sur 6 mois chez 12 patientssouffrant de formes articulaires chroniques de MSA, en échecdu méthotrexate, a montré une réponse chez sept patients etune quasi-rémission chez seulement un patient [77] ; l’étuderétrospective du CRI montre des résultats proches avec septréponses partielles et une réponse complète sur dixpatients [75] ;

• l’adalimumab (Humira®), utilisé à la dose de 40 mg deux foispar mois, avec lequel les données sont plus limitées du faitde sa mise sur le marché plus récente.Au final, les anti-TNF-alpha semblent donc avoir une effica-

cité certaine, mais le plus souvent limitée tant en intensitéqu’en durée.

Inhibiteurs de l’IL-1 (IL-1 Ra)L’anakinra (Kineret®), un inhibiteur recombinant du récep-

teur de l’IL-1, à la dose utilisée dans la polyarthrite rhumatoïdede 100 mg/j par voie sous-cutanée, a été testé dans une étudeouverte chez quatre patients réfractaires à la corticothérapie, auméthotrexate et pour deux d’entre eux également à l’étanercept.L’anakinra a permis un contrôle rapide des manifestationssystémiques et articulaires dans tous les cas, avec un recul de 6à 14 mois [78]. Une autre observation rapporte également uneffet spectaculaire de cette molécule dès les premières semainesde traitement chez une patiente résistante à divers traitementsdont les anti-TNFa [79]. Le manque de recul incite encore à laprudence.

Autres traitementsPlusieurs autres molécules, utilisées dans d’autres rhumatis-

mes inflammatoires, ont été testées sur de petits nombres de caset il est de ce fait difficile de se faire une idée précise de leurefficacité [2].

Bien évidemment, dans les formes articulaires, l’utilisation detraitements locaux, tels qu’infiltrations de dérivés cortisoniques,synoviorthèses ou synovectomie, est possible [2].

■ ConclusionLa MSA est donc une maladie extrêmement polymorphe, tant

dans son expression clinique que dans son profil évolutif. Lacomplexité de sa prise en charge est liée d’une part à ladifficulté de certifier le diagnostic et de ce fait à la nécessitéd’éliminer une longue liste de diagnostics différentiels, parfoisdans l’urgence, et d’autre part à son traitement qui resteimparfaitement codifié. Néanmoins, des progrès thérapeutiquessubstantiels ont été réalisés durant les dernières années.

“ Points forts

Différents types d’évolution de la MSA [5, 7, 8, 62]

• Évolution monocyclique, au cours de laquelle la maladieévolue d’un seul tenant et se résume à une pousséeunique, articulaire ou systémique, s’étalant sur quelquessemaines à quelques mois. Elle représenterait de 19 à 44 %des patients selon les séries.• Évolution intermittente, où la maladie évolue parpoussées successives de quelques semaines à quelquesmois (articulaires et/ou systémiques), entrecoupées depériodes de rémission de quelques semaines à plusieursannées. Ces formes représentent de 10 à 41 % despatients selon les séries.• Évolution chronique, le plus souvent articulaire ; elleintéresserait de 35 à 67 % des patients.

.

Page 168: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Tableau 5.Traitements de la maladie de Still de l’adulte.

Dose Latence d’effet Effets indésirables Observations

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

(ou aspirine)

voie orale

Doses usuelles (toutes les molécules sont équivalentesen efficacité)

Quelques heuresà quelques jours

Ulcérations digestives

Cytolyse hépatique

Insuffisance rénale si prise prolongée

Hypertension artérielle

Symptomatique

Efficace chez 20 %des patients

Prednisone

voie orale

De 0,5 à 1 mg/kg/j

Diminution progressive sans schéma consensuel

Quelques heuresà quelques jours

Prise de poids, syndrome cushingoïde

Diabète

Infections

Ostéoporose

Ostéonécrose aseptique

Efficace chez 60 à 80 %des cas

Corticodépendance non rare

Méthyl-prednisolonevoie intraveineuse

De 500 mg à 1g/ j pendant 3 jours

(ou 15 mg/kg/j pendant 3 jours)

Quelques heures Cf. prednisone À réserver aux formesavec atteintes viscéralesgraves

Pas de consensus sur les dosesde prednisone au décoursdes bolus

Méthotrexate voie orale,voie intramusculaire

4 comprimés (10 mg) par semaine

Augmenter de 2,5 mg/mois sans dépasser 20 à 25 mgpar semaine

Voie intramusculaire en cas d’intolérance digestive,d’échec de la voie orale, de problème de compliance

4 à 8 semaines Pneumopathie d’hypersensibilité

Hépatopathie

Aplasie si surdosage ou association accidentelleau sulfaméthoxazole-triméthoprime (Bactrim®)

Infection

Indiqué dans formeschroniques, surtout en casde corticodépendance

Immunoglobulinespar voie intraveineuse

2 g/kg pendant 2 à 5 jours

Une fois par mois pendant 6 mois

1 à 3 mois Indication non consensuelle

Prix élevé

Ciclosporine A

voie orale

De 2,5 à 3 mg/kg/j 1 à 2 mois Hypertension artérielle

Insuffisance rénale

Hypertrichose

Anti-tumour necrosis factor-alpha

voie intramusculaire ou sous-cutanée

Infliximab : 3 mg/kg par voie intraveineuse S0, S2, S6puis toutes les 8 semaines

Étanercept : 50 mg par voie sous-cutanée par semaine

Adalimumab : 40 mg par voie sous-cutanée deux foispar mois

2 à 12 semaines Infections, dont tuberculose

Hypersensibilité

Vascularite

Effet souvent partiel

Prix élevé

Inhibiteur recombinant du récepteurde l’interleukine (IL-1 Ra)

voie sous-cutanée

Anakinra : 100 mg/j par voie sous-cutanée 2 à 12 semaines Infections, dont tuberculose

Hypersensibilité

Efficacité parfois spectaculaire

Peu de recul

Prix élevé

Page 169: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

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“ Points forts

• La maladie de Still de l’adulte est un rhumatismeinflammatoire rare, dont la physiopathologie et l’originesont mal connues.• Il n’existe pas de signes d’auto-immunité au cours de laMSA. Il existe des homologies entre MSA et la formesystémique des rhumatismes pédiatriques.• Il n’existe pas de signes pathognomoniques de lamaladie. Les quatre signes cardinaux (fièvre, éruption,arthralgie et hyperleucocytose à polynucléairesneutrophiles) sont évocateurs, mais insuffisants pouraffirmer définitivement le diagnostic.• On distingue les formes systémiques des formesarticulaires prédominantes. L’évolution peut êtremonocyclique, intermittente ou chronique.• Les critères de classification peuvent être utiles pourétayer le diagnostic et rejeter les diagnostics différentielsqui sont nombreux.• Trente % des patients évoluent vers un rhumatismechronique destructeur.• Il n’y a pas de consensus thérapeutique clair. Lacortisone reste le traitement de première intention ; leméthotrexate est le traitement de choix pour les patientsrépondant de façon inadéquate à la cortisone.• La place des biothérapies (notamment l’anakinra) resteà préciser.

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Page 171: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

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Familial mediterranean fever: A review for clinical management

Claudia Fonnesu , Claudia Cerquaglia , Maria Giovinale , Valentina Curigliano , Elena Verrecchia ,Giuliana de Socio , Micaela La Regina , Giovanni Gasbarrini , Raffaele Manna∗

Periodic Fevers research centre, service de médecine interne, department of internal medicine, université Catholique, Largo F.Vito 1, 00168 Rome, Italie

Accepté le 21 aout 2008Disponible sur Internet le 20 fevrier 2009

ésumé

La maladie périodique (fièvre familiale méditerranéenne) est une maladie héréditaire, à transmission autosomique récessive, faisant partie desaladies auto-inflammatoires. Elle est caractérisée par des épisodes récidivants, de courte durée (en moyenne 24 à 72 heures) et de résolution

pontanée, comportant de la fièvre et l’inflammation d’une séreuse. La maladie périodique est la plus fréquente des fièvres périodiques au seines maladies auto-inflammatoires qui constituent un groupe hétérogène et récemment identifié, de maladies caractérisées par des accès fébrilesécidivants, sans auto-anticorps, ni lymphocytes T spécifiques de l’antigène. Habituellement, les crises sont déclenchées par des stimuli anodinst peuvent être précédées d’une phase prodromique. Le gène responsable de la fièvre familiale méditerranéenne, appelée MEFV, est situé sur lehromosome 16 (16p13) et code pour la protéine pyrine-marénostrine. Le mécanisme physiopathologique précis de la maladie périodique nécessite’être encore déterminé. Le nouveau complexe macromoléculaire appelé inflammasome, qui semble jouer un rôle très important dans le contrôlee l’inflammation, pourrait être impliqué dans la pathogénie de la maladie périodique.

La complication la plus sévère à long terme est l’amylose AA qui atteint surtout les reins et peut entraîner une insuffisance rénale chronique.es facteurs de risque, à la fois génétiques et non génétiques, du développement de l’amylose secondaire ont été identifiés. Actuellement, le seul

raitement efficace de la maladie périodique est la colchicine. De nouvelles molécules ont été essayées chez des patients réfractaires à la colchicine,ais des études supplémentaires portant sur des effectifs suffisants sont nécessaires avant d’aboutir à des conclusions formelles.2009 Publie par Elsevier Masson SAS pour la Société Française de Rhumatologie.

ots clés : Maladie auto-inflammatoire ; Corrélation génophénotypique ; Inflammasome ; Facteurs déclenchants ; Traitement

asom

pppcdC

eywords: Autoinflammatory disease; Genophenotypical correlations; Inflamm

. Introduction

La maladie périodique ou fièvre familiale méditerranéenne,utrefois appelée « péritonite paroxystique bénigne » oupolysérite familiale paroxystique » [1], est la plus fré-uente des fièvres périodiques (environ 100 000 personnes

n sont atteintes dans le monde) au sein des syndromesuto-inflammatoires (SAI) [2]. À côté de la maladie périodique,es SAI comprennent le syndrome TNF-receptor-associated

� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais sa réfé-ence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.008.08.004).∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (R. Manna).

sPP[orcaa

e; Trigger factors; Therapy

eriodic syndrome (TRAPS), le syndrome hyper-IgD ou fièvreériodique hollandaise, le syndrome Cryopyrine-associatederiodic syndrome (CAPS) ou les cryopyrinopathies quiomprennent le syndrome Familial cold autoinflammatory syn-rome (FCAS), le syndrome de Muckle et Wells, le syndromehronic infantile-neurologic-cutaneous-articular (CINCA), le

yndrome Periodic febrile syndrome with aphtous stomatitis,haryngitis and cervical adenopathy (PFAPA) et le syndromeyogenic arthritis, pyoderma gangrenosum and acne (PAPA)

3]. Du fait du nombre croissant de publications de cas cliniquesù les patients sont atteints de symptômes provenant de diffé-

entes maladies auto-inflammatoires, le concept de syndrome dehevauchement a été récemment proposé [4,5]. Les syndromesuto-inflammatoires sont dus à des mutations sur les gènes ditsuto-inflammatoires, ayant pour conséquence une activation
Page 172: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

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ncontrôlée et sans objet des processus inflammatoires enéponse à des stimuli inoffensifs [6].

La maladie périodique a été proposée comme le prototypees syndromes auto-inflammatoires. Le premier cas a été rap-orté en 1908 par Janeway et Mosenthal, mais la premièreérie de patients a été publiée en 1945 par Siegal, médecin’origine juive, allergologue à New York et lui-même atteintes symptômes de la maladie [1]. Le terme de fièvre familialeéditerranéenne a été proposé par Heller et al. [7] en 1955.e gène Mediterranean fever gene (MEFV) a été identifié en997 sur le bras court du chromosome 16 et la protéine corres-ondante, appelée pyrine-marénostrine, a été identifiée la mêmennée [8,9].

Les principaux sujets de notre revue seront les signes cli-iques, les prodromes des crises et les corrélations entreénotype et phénotype. Nous mentionnerons brièvement les fac-eurs déclenchants possibles. Nous fournirons les informationsécentes concernant la pathogénie et le traitement de la maladieériodique.

. Épidémiologie

Il existe quatre populations différentes dans lesquelles onrouve une forte prévalence de la maladie périodique (entre 1our 200 et 1 pour 1000 personnes) : les juifs non ashkénazes,es turques, les arméniens et les arabes [2]. La partie sud-est de laégion méditerranéenne constitue la zone géographique initialee la maladie, mais les migrations des populations concernéesnt favorisé sa diffusion au-delà de cette région. Des étudesécentes ont montré que la maladie périodique atteignait deouvelles populations, notamment en Europe comme en Italie10] ou en Grèce. Des cas isolés ont été rapportés dans d’autresroupes ethniques, comme ce cas chez une femme japonaise11].

. Le gène MEFV

En 1997, le gène MEFV a été découvert en même tempsar deux groupes indépendants, l’un américain [8] et l’autrerancais [9]. Il est situé sur le chromosome 16p13, contient505 nucléotides, dont 2300 nucléotides codants qui sont ras-emblés en dix exons.

La maladie périodique a une transmission autosomique réces-ive. Son expression phénotypique devrait dépendre du génotypeomozygote ou hétérozygote pour les mutations du gène MEFV.n fait, environ 75 % des patients présentent une seule mutation,oire pas de mutation connue [12]. Dans la mesure où la car-ographie complète de MEFV est maintenant réalisée, on penseu’il existe d’autres mutations situées sur d’autres gènes, quiourraient intervenir dans le contrôle de l’inflammation.

Actuellement, nous connaissons 53 variants génétiquesssociés à un phénotype pathologique. Ils sont regroupésans deux principales régions d’intérêt du gène MEFV

http://fmf.igh.cnrs.fr/infevers/). Parmi les mutations au sein de’exon 2, on trouve la mutation E148Q qui a aussi été associéeux colites d’origine indéterminée, les rhumatismes intermit-ents et la polyarthrite rhumatoïde. Les autres mutations sont

fdls

lutôt rares. Sur l’exon 10, il a été mis en évidence 22 séquencesariantes pouvant être responsables de la maladie périodique.’exon 10 code pour la partie C-terminale de la protéine, donta séquence des codons de 598 à 774 (domaine B30.2, aussippelé domaine Pryspry) qui est importante pour les interactionsucléaires de la pyrine. Les mutations touchent préférentielle-ent les codons 694 et 680. Les mutations les plus fréquemment

ssociées à la maladie périodique sont situées sur l’exon 10 :680I, M694V, M694I, V726A.

. Hypothèses pathogéniques

Le véritable mécanisme physiopathologique n’a été queartiellement élucidé et ce après l’identification de la pro-éine pyrine-marénostrine. Cette protéine basique qui contient81 acides aminés est exprimée exclusivement sur les poly-ucléaires neutrophiles matures et est composée de quatreomaines (pyrine N-terminal, B-Box zinc finger, motif coiled-oil, B30.2 C-terminal), les deux plus importants étant leomaine pyrine et le domaine B30.2. Le premier [13] est struc-uré par un arrangement de six hélices alpha anti-parallèles, parequel il se lie avec des domaines similaires grâce à des inter-ctions électrostatiques ce qui est utile dans l’assemblage duomplexe macromoléculaire appelé inflammasome. Le domaine-terminal B30.2 [14] se situe sur l’exon 10 où ses mutations

ont habituellement associées à un phénotype sévère de mala-ie périodique (M694V, M694I, M680I). La mutation V726Aoncerne aussi le domaine B30.2, mais est responsable d’unhénotype plus atténué de la maladie. Toutefois, la présence de726A en association avec M694V ou M680I a pour consé-uence une augmentation de la gravité de la maladie [12].

La pyrine est présente aussi bien dans le cytoplasme que danse noyau [15]. Après la synthèse, le signal nucléaire autorise saigration du cytoplasme vers le noyau à travers les pores de laembrane nucléaire. Cazeneuve et al. [16] ont montré que les

inq mutations les plus fréquentes du gène MEFV ne touchentas le site intracellulaire de la pyrine. À l’heure actuelle, la fonc-ion de la pyrine ainsi que les conséquences de ses mutationsestent débattues. En 2003, Touitou et al. [17] avaient montré quees patients atteints de maladie périodique avaient une diminu-ion de la transcription du gène MEFV en comparaison avec desujets sains. Le niveau d’expression du gène était intermédiairehez les sujets porteurs hétérozygotes, suggérant une relationntre le nombre des mutations génétiques présentes sur MEFVt la quantité d’ARN messager (ARNm). La physiopathologiee la maladie périodique pourrait donc faire intervenir un déficituantitatif de l’expression d’ARNm.

La découverte de l’inflammasome a ouvert de nouvelles pers-ectives sur la pathogénie des maladies auto-inflammatoires18]. Dans les conditions normales, les interactions protéines-rotéines déclenchent des évènements complexes qui finalementboutissent à la formation d’IL-1� active. En général, les muta-ions qui touchent les protéines de l’inflammasome altèrent sa

onction, entraînant ce que nous appelons maintenant les syn-romes auto-inflammatoires [3,19]. Dans la maladie périodique,es mutations de la pyrine entraîneraient une production exces-ive d’IL-1� en réponse à un stimulus banal [19]. La fonction
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u domaine B30.2 est débattue. Stojanov et Kastner [19] ontémontré que ce domaine, dans des conditions normales, inhi-ait la production de la forme active d’IL-1�. Les mutationsouchant le domaine B30.2 semblent avoir pour conséquencene augmentation de la production d’IL-1�.

Récemment, Tschopp et al. [20] ont mis en évidence unenteraction entre le domaine B30.2 de la pyrine et les protéinesuivantes : NALP-3 (aussi appelé cryopyrine qui est la protéineù siègent les mutations dans les cryopyrinopathies), caspase-et son substrat, la pro-interleukine(IL)-1�. Ils ont observé

ue la surexpression du domaine B30.2 bloque l’activation dea caspase-1 et la production d’IL-1�, alors que les mutationse la pyrine ont l’effet inverse. Ils en ont concluent que layrine module l’activité de plusieurs protéines impliquées dans’inflammasome, en se fixant à elles.

. Manifestations cliniques

Chez presque tous les patients, la maladie périodique débutevant l’âge de trente ans. Les crises récidivantes durent enoyenne un à quatre jours, se résolvent spontanément et sur-

iennent avec une fréquence très variable, allant d’une fois paremaine à une fois tous les trois à quatre mois, parfois tous lesrois à quatre ans. Il existe une variabilité de la fréquence et de laévérité des crises selon les patients, mais aussi chez un mêmeatient. La plupart du temps les accès inflammatoires tendent àiminuer avec l’âge.

.1. Facteurs déclenchants

Les accès inflammatoires peuvent être déclenchés par dif-érents facteurs, certains n’étant toujours pas identifiés. Lesacteurs déclenchants connus sont les stress physiques et émo-ionnels, l’exposition au froid, les repas riches en graisses,es infections communes, certains médicaments comme, parxemple, le cisplatine [21] et les menstruations [22].

À propos du rôle du cisplatine comme facteur déclenchante la maladie périodique, Gershoni-Baruch et al. [25] ont décrite cas d’un patient porteur d’une maladie périodique et traitéar cisplatine pour un adénocarcinome pulmonaire. La chimio-hérapie avait eu pour conséquence une aggravation importantee la maladie périodique et les auteurs avaient émis l’hypothèseue le cisplatine augmentait la production des cytokines inflam-atoires responsables des crises de la maladie.Même si le mécanisme par lequel le cycle menstruel peut

rovoquer des accès aigus n’est pas clair [26], cette relationemporelle a été notée chez plus de 15 % des femmes atteintese maladie périodique. Plusieurs mécanismes ont été suggérés :ndométriose concomitante, hémorragie rétrograde à la phaseenstruelle du cycle, modifications hormonales au cours du

ycle (cette dernière hypothèse étant la plus souvent misen avant). En effet, les estrogènes sont capables d’inhiber laroduction d’IL-1� induite par l’IL-6. Il a été supposé que la

aisse des estrogènes à l’origine des menstruations, stimulee processus inflammatoire. Les traitements estroprogestatifsiminuent de manière significative l’expression des molécules’adhésion à la surface des cellules endothéliales et des

ndpn

eucocytes, aboutissant à une inhibition secondaire du chimio-actisme [23]. Les estrogènes pourraient se fixer à la �-tubulineu même site que la colchicine, avec un effet final similaire.n prenant en compte ces mécanismes d’action, il pourrait êtretile d’augmenter la posologie de la colchicine ou de prescrirene contraception orale dans les périodes menstruelles.

Il a été rapporté une corrélation entre la présence’Helicobacter pylori (HP) et les accès de la maladie pério-ique. En 2005, Ozel et al. [24] avaient montré que les patientsP+ avaient des crises de maladie périodique plus fréquentes etlus sévères que ceux HP−. Deux années plus tard, les mêmesuteurs [25] ont mis en évidence, après éradication de l’infectionHP, que les taux d’IL-6 avaient diminués à la fois avant et après

es accès aigus. Le rôle de HP sur la fréquence et la sévérité desccès inflammatoires devraient encore être précisés.

.2. Phase prodromique

Chez presque tous les patients, les crises de maladie pério-ique sont précédées d’une phase de prodromes [26] décrits parertains patients comme un malaise général, par d’autres commen symptôme spécifique qui n’est pas forcément situé dans laégion anatomique de l’accès. Les symptômes les plus fréquem-ent rapportés sont des myalgies, des arthralgies, des céphalées,

es nausées, des vomissements, une constipation, une diarrhée,ne dyspnée, des lombalgies, une asthénie, une anxiété. Lesrodromes sont habituellement présents avant les crises abdo-inales, mais sont moins fréquents avant les crises thoraciques

u articulaires.Avant la survenue de l’accès aigu, les symptômes durent envi-

on 17 heures et ne sont pas sévères, si bien que les patientsont bien la différence entre les prodromes et les symptômese l’accès. Il ne semble pas que la phase prodromique soitnfluencée par des facteurs ethniques, génétiques, familiaux, niar les symptômes présents lors de la crise, ni par la réponseu traitement. La phase prodromique doit être considéréeomme une véritable phase initiale permettant une administra-ion rapide d’un traitement préventif. L’administration d’IFN-�été essayée lors du début de la phase prodromique et son effi-acité a été démontrée par une diminution de la durée de l’accèst de la réponse inflammatoire [27].

.3. Manifestations typiques et atypiques

Les manifestations cliniques sont présentées au Tableau 1.a fièvre qui varie entre 38 et 40 ◦C, dure 12 à 72 heures. Ellee répond pas aux antibiotiques et disparaît spontanément.

La crise douloureuse abdominale réalise un tableau cliniquerès proche de celui d’un abdomen aigu [28], mais les symp-ômes disparaissent toujours spontanément. Quand surviennentes épisodes répétés de péritonite, des adhésions fibreusesntrapéritonéales peuvent se développer. Les douleurs abdomi-

ales peuvent être d’abord localisées puis diffuses, ou diffuses’emblée. Quand l’inflammation est présente dans la partieostérieure du péritoine, le tableau peut mimer une coliqueéphrétique ou une pathologie inflammatoire pelvienne.
Page 174: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Tableau 1Signes cliniques de la maladie périodique.

Organe touché Manifestation Commentaires Fréquence

Fièvre Absente dans de rares cas 98 %Abdomen Douleurs localisées et/ou diffuses Les douleurs localisées peuvent simuler une appendicite, une

cholécystite, une inflammation pelvienne95 %

Constipation/diarrhéeMaladie associée

Système musculosquelettique Arthralgies transitoires Ces manifestations sont les plus fréquentes,impliquant les grosses articulations (membressupérieurs et inférieurs), d’intensité maximaleen 24 à 48 heures, puis cédant spontanément

75 %Mono- ou oligoarthrite aiguë asymétriquePolyarthrite migratriceSacroiliite sans HLA B27Arthrite prolongée Elle débute pendant l’accès, dure une semaine après sa fin, et

disparaît sans séquelleArthropathie chronique dégénérative Rare et plus sévère : chevilles et genoux, évoluant sur plus d’un

mois ; lésion permanenteMyalgies Au cours de la phase prodromique ou de l’accès, habituellement

liées aux effortsThorax Pleurésie Plus fréquente que la péricardite ; unilatérale, début brutal et

guérison spontanée45 %

Péricardite La péricardite clinique est moins fréquente que l’épanchementpéricardique visible en échographie au cours des accès

Peau Érythème érysipélatoïde Lésions érythémateuses, chaudes, surélevées, mesurant 10 à 15 cm2

de diamètre, situées sur les jambes, le dos des chevilles et des pieds.7–40 %

Autres Orchite aiguë RaresMéningite de Mollaret

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SplénomégalieRétinopathie

Au cours des accès inflammatoires, la plupart des patients selaignent d’une constipation et une diarrhée survient à la fin de’accès. C’est seulement chez l’enfant que la diarrhée prédomineu cours de la crise. Dans la maladie périodique, les douleursbdominales peuvent être due à l’inflammation péritonéale, maisussi aux adhésions secondaires à des péritonites répétées et/oudes interventions chirurgicales intempestives.

Il a été estimé [29] que 30 à 40 % des patients subissent desnterventions chirurgicales inutiles, comme une appendicecto-

ie et/ou une cholécystectomie sans résolution des symptômes.éanmoins, il est crucial de distinguer les crises liées à la mala-ie périodique de douleurs liées à d’autres causes [28]. Dans ceernier cas, le tableau clinique s’aggrave progressivement avece temps alors que dans la maladie périodique, il s’améliore puisuérit en 24 à 72 heures. Chez les patients atteints de mala-ie périodique, les autres causes de douleurs abdominales sontes effets indésirables de la colchicine, l’amylose digestive, les

aladies inflammatoires colo-intestinales (MICI) qui sont plusréquentes chez les patients atteints de maladie périodique [30]t les vascularites.

L’atteinte articulaire inaugure la maladie chez un tiers desatients. Les arthralgies sont plus fréquentes que les arthritest touchent le plus souvent les moyennes et grosses arti-ulations comme les chevilles et les genoux [31]. Plusieursas avec sacroiliite ont été rapportés, habituellement sans larésence de l’antigène HLA B27 [32]. Ainsi, la sacroiliite

ue à la maladie périodique devrait faire partie des diag-ostics différentiels des spondylarthropathies séronégatives.es accès articulaires peuvent être déclenchés par un trau-atisme minime ou des efforts physiques. Ils surviennent

éilp

elon plusieurs types (Tableau 1). Les patients faisant desrises articulaires récidivantes ont trois fois plus de risque deévelopper une amylose que ceux n’ayant pas d’atteinte articu-aire.

Le tableau de myalgies fébriles prolongées constitue uneanifestation sévère de la maladie périodique [33]. Il se carac-

érise par des myalgies invalidantes, une fièvre, des anomaliesiologiques et une évolution longue, pouvant aller jusqu’à sixemaines.

Les douleurs thoraciques sont dues habituellement à uneleurésie et/ou une péricardite. Le principal diagnostic diffé-entiel est constitué par la péricardite idiopathique récurrenteù la colchicine a été démontrée efficace en association avec leraitement standard.

Des manifestations cutanées à type d’érythème érysipéla-oïde sont notées chez 7 à 40 % des patients. Il s’agit de lésionsrythémateuses, chaudes, surélevées, mesurant 10 à 15 cm2 deiamètre, situées sur les jambes, au dessous des genoux et sure dos des chevilles et des pieds.

Si l’atteinte rénale est le plus souvent due à l’amylose AA,es lésions non amyloïdes ont été décrites comme une gloméru-onéphrite membranoproliférative [34], une glomérulonéphritebrillaire [35], une vascularite avec atteinte rénale de type poly-ngéite macroscopique ou purpura rhumatoïde [36].

Dans les intervalles entre les crises, le patient est habituelle-ent asymptomatique. Néanmoins, une activité inflammatoire a

té rapportée au cours de ces périodes asymptomatiques [37] etl est important de surveiller l’inflammation infraclinique chezes patients asymptomatiques. Le dosage de la protéine SAAourrait être utile car elle a une grande sensibilité.

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Tableau 2Score de Pras pour la maladie périodique [45].

Items Signes Score

Âge de début > 31 ans 021–31 ans 111–21 ans 26–10 ans 3< 6 ans 4

Nombre d’attaques par mois < 1 11–2 2> 2 3

Arthrites Aiguës 2Prolongées 3

Érythème érysipélatoïde 2Amylose 3Posologie de colchicine (mg/j) 1 1

1,5 2

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7

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. Complications

La complication la plus importante à long terme est la sur-enue d’une amylose AA. Parmi les juifs sépharades et lesurques, la maladie périodique est l’étiologie la plus fréquentee l’amylose AA [38]. Sa principale localisation est rénale etlle se manifeste par une protéinurie qui persiste et s’aggrave,n syndrome néphrotique et une insuffisance rénale. Les dépôtsbrillaires peuvent survenir aussi dans d’autres organes comme

e tube digestif, le cœur, les glandes endocrines, la rate et leoie. L’incidence des manifestations extrarénales de l’amylosebrusquement chuté après l’introduction de la colchicine. Maislus tardivement, la fréquence des manifestations extrarénalese l’amylose a augmenté du fait de l’augmentation de la durée deie des patients ayant une amylose rénale et traités par dialyse ouransplantation. Les facteurs de risque du développement d’unemylose sont de deux types, génétiques et non génétiques.

.1. Facteurs de risque génétiques

On peut les distinguer en deux groupes : les facteurs géné-iques liés au gène MEFV et les facteurs génétiques liés à desènes modificateurs : gène SAA et gène Major histocompati-ility complex class 1 chain-related A (MICA). Concernant lesremiers, nous avons analysé le spectre de gravité lié aux diffé-entes mutations du gène MEFV dans la littérature. La mutation

694V constitue le principal facteur de risque d’amylose à laois à l’état homozygote et hétérozygote. Toutefois, il a étéapporté des patients ayant une amylose et des mutations dif-érentes, comme M694I, M680I et S1791 [39]. La mutation726A est associée à une diminution de fréquence de l’amylose

t semble donc jouer un rôle protecteur, même si un cas allantontre cette hypothèse a été rapporté [40].

Les différents isotypes de la protéine SAA entraînent desisques différents de développer une amylose. Dans un groupe deatients arméniens, Cazeneuve et al. [41] ont montré que le géno-ype SAA �/� multipliait par sept le risque de développer unemylose rénale par rapport aux autres génotypes SAA. En 2001,ouitou et al. [42] ont identifié le gène MICA qui semble agiromme un modulateur de la sévérité de la maladie périodique.’association des mutations M694V et MICA-A9 détermineraitn phénotype sévère tandis que la mutation MICA-A4 serait enause dans un phénotype peu sévère.

.2. Facteurs de risques non génétiques

Ils font intervenir le sexe, les hommes ayant quatre fois pluse risque que les femmes et des facteurs d’environnement. Leays a été identifié comme étant le principal facteur de risquee l’amylose rénale [43]. Mais, il a été observé que les armé-iens vivants aux États-Unis avaient une plus faible incidencee l’amylose que ceux vivants en arménie.

Il a été décrit un tableau clinique d’amylose dit de type II,

ans lequel on ne trouve ni épisodes de fièvre ou de sérite, ni’autre maladie inflammatoire ou infectieuse chronique. Cettentité atteint habituellement des hommes ayant des antécédentsamiliaux de néphropathie et qui développent des manifestations

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2 3> 2 4

ypiques d’amylose plus précocement que les patients atteintsu phénotype I (maladie périodique et amylose). Ozen et al.44] n’ont pas trouvé de différence significative des mutationsu gène MEFV entre les patients atteints d’un phénotype II eteux ayant une maladie périodique classique. Chez ces patients,l semble que le développement de l’amylose soit dû à unenflammation infraclinique.

. Sévérité et corrélations génophénotypiques

Plusieurs scores ont été développés afin de préciser deanière objective la sévérité de la maladie périodique chez un

atient donné. Dans le score de Pras et al. [45] (Tableau 2), uncore est attribué à chaque item et le score total définit la sévé-ité de la maladie périodique pour un patient donné. Un scorellant de trois à cinq correspond à une maladie peu sévère, uncore de six à huit à une maladie de sévérité moyenne et un scoreupérieur à neuf à une maladie sévère.

Pour la corrélation génotype-phénotype, nous retenons deuxtudes menées par Gershoni-Baruch et al. en 2002 [46] et parnur et al. en 2006 [47]. Ces deux études soulignent la relation

ntre la mutation M694V (principalement à l’état homozygote)t un phénotype plus sévère de la maladie périodique. Il n’existeas de consensus sur la valeur pronostique de la mutation M680I.l en va de même pour les mutations E148Q et V726A oùl est nécessaire de distinguer les patients qui possèdent cette

utation de manière isolée et ceux où elles sont associées pourormer un allèle complexe (association fréquente avec l’amyloseénale décrite dans l’étude de Gershoni-Baruch). Le rôle de lautation E184Q dans la maladie périodique est diversement

pprécié [48] : certains auteurs pensent qu’elle est une cause dea maladie, d’autres pensent au contraire que E148Q représenten polymorphisme bénin.

. Diagnostic

Le diagnostic repose entièrement sur les signes cliniques.epuis 1997, le gène MEFV pourrait être étudié pour confirmer

Page 176: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Tableau 3Critères de la maladie périodique de Tel-Hashomer.

Critères majeurs : Critères mineurs :fièvre avec sérite épisodes fébriles récidivantsamylose AA (sans facteur derisque ou autre maladie

érythème érysipélatoïde

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inflammatoire chronique)efficacité de la colchicine antécédent familial de maladie périodique

e diagnostic. Mais à ce jour, les recherches génétiques pos-èdent une valeur prédictive positive de 75 % et ne sont pasécessaires pour porter le diagnostic. Il a été proposé des cri-ères diagnostiques : en 1997, des critères majeurs et mineursnt été proposés par Tel-Hashomer en Israël et sont maintenantargement acceptés (Tableau 3). Pour porter un diagnostic deertitude, il est nécessaire d’avoir deux critères majeurs, ou bienn critère majeur et deux critères mineurs. En 2002, les critèrese Tel-Hashomer ont été simplifiés à Montpellier, il a alors étéroposé de porter le diagnostic de maladie périodique sur la pré-ence d’accès inflammatoires caractéristiques (fièvre et sérite)t d’un test thérapeutique positif à la colchicine.

. Traitement

.1. Traitement conventionnel

Jusqu’à présent, la colchicine représente le seul traitementfficace, capable d’améliorer la qualité de vie en diminuantu en faisant disparaître les accès de la maladie périodique.zcakar et al. [49] ont évalué l’influence du traitement par la

olchicine sur l’inflammation infraclinique et sur les symptômesendant les périodes sans accès. Ils ont ainsi mis en évidence unemélioration de la qualité de vie et des paramètres biologiquesprès traitement par la colchicine. La colchicine est un alcaloïdeiposoluble qui peut être administré per os ou en intraveineuxi.v.). Elle se fixe à la �-tubuline, entravant sa polarisation,vec comme conséquence une altération des transferts intracel-ulaires et des mitoses, une inhibition du chimiotactisme desolynucléaires neutrophiles et une diminution de l’expressiones molécules d’adhésion. La colchicine est ainsi capable derévenir le déclenchement des accès de la maladie périodiquet d’entraver l’inflammation infraclinique prévenant ainsi lesépôts des fibrilles amyloïdes. La colchicine est métaboliséerincipalement dans le foie, où est impliqué le système du cyto-hrome P450 (CYP 450) et particulièrement l’isoforme CYPA4 [50].

La posologie de colchicine est définie selon le poids corporel :,03 mg/kg par jour jusqu’à une posologie maximale de 3 mg/j.e but du traitement est la prévention des accès et le contrôle de

’inflammation infraclinique dans les intervalles libres, ce quist réalisé en abaissant le taux de la protéine SAA au dessous de0 mg/l. Une fois qu’un accès inflammatoire a débuté, on peutrescrire un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) tout en

oursuivant la colchicine, même si elle ne peut pas diminuer lesymptômes. La toxicité de la colchicine est plus fréquente chezes patients ayant une insuffisance hépatique ou rénale et cheze sujet âgé.

C

Les principaux effets indésirables de la colchicine sontastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhée, douleursbdominales), plus rarement musculaires, neurologiques, héma-ologiques, cutanés. La colchicine peut interagir avec laeproduction en provoquant une oligospermie ou une azoo-permie, réversibles après arrêt du traitement. Il est importante ne pas associer à la colchicine certains médicaments quinteragissent avec le CYP 450 3A4 [51] comme le diltiazem,’érythromycine, la clarythromycine, la cimétidine, le kéto-onazole, la rifampicine, le phénobarbital, la phénytoïne, laovastatine, la ciclosporine. Il a été décrit quelques cas de toxicitéatale de la colchicine chez des patients traités simultanémentar des macrolides [52].

À l’inverse de ce qui était cru auparavant, il est mainte-ant démontré que la colchicine n’est pas contre-indiquée auours de la grossesse et qu’elle diminue le risque d’avortementt d’accouchement prématuré [53]. Il est donc recommandé deoursuivre la colchicine pendant une grossesse et de ne réaliserne amniocentèse qu’à la demande. Le problème du traitementar la colchicine au cours de l’allaitement a été posé, mais il’existe pas d’argument actuellement pour arrêter la colchicineu cours de la lactation. Il pourrait être utile de suivre les enfantsourris au sein par une mère traitée par colchicine.

.2. Nouvelles approches thérapeutiques

À ce jour, pour les patients ne tolérant pas la colchicine, il’existe pas d’alternative thérapeutique dont l’efficacité ait étérouvée [54]. Plusieurs approches thérapeutiques ont été réali-ées avec les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonineISRS), l’interféron-� (IFN-�), la colchicine i.v., l’associationolchicine-thalidomide et les biothérapies.

L’utilisation des ISRS a été suggérée sur les arguments sui-ants :

la dépression en elle-même serait un facteur déclenchant lesaccès ;les facteurs de base de la dépression pourraient déclencher larécidive des symptômes de la maladie périodique ;la dépression activerait un réseau cytokinique augmentant lescytokines pro-inflammatoires [55].

Chez deux patients [56,57], le traitement par IFN-� prescritu début de l’accès, en association avec la colchicine, a données résultats encourageants. Mais, cela n’a pas été confirmé dansne étude en double insu [58]. La colchicine i.v. peut diminuer leombre et la sévérité des accès, mais au prix d’une augmentationu risque toxique [59]. L’anti-IL1 (anakinra) et les anti-TNF�étanercept, thalidomide, infliximab) ont été utilisés avec desésultats encourageants dans des cas isolés [60]. Des études por-ant sur un plus grand nombre de patients sont indispensablesvant d’en tirer toute conclusion.

onflits d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.

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Page 179: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Porphyries hépatiques aiguës :

classification, diagnostic,

traitement et prévention

JC Deybach

L es porphyries hépatiques aiguës sont des maladies héréditaires autosomiques et dominantes. Elles sontpotentiellement graves et loin d’être rares avec une prévalence du gène muté d’environ 1/1 000 pour la plus

fréquente d’entre elles : la porphyrie aiguë intermittente. Les crises aiguës neuroviscérales sont le plus souventdéclenchées, leur diagnostic biologique est simple et rapide et un traitement spécifique existe (Normosangt), ainsiqu’une prévention efficace par le dépistage des porteurs présymptomatiques.© 1999 , Elsevier, Paris.

■Introduction

‚ DéfinitionLes porphyries héréditaires sont des maladies

monogéniques, pour la plupart de transmissionautosomique dominante, caractérisées parl’accumulation et l’excrétion accrues de porphyrines etde leurs précurseurs (acide delta-aminolévulinique[ALA] et porphobilinogène [PBG]). Chacune de cesporphyries est la conséquence d’un déficit d’une desenzymes intervenant dans la biosynthèse de l’hème(fig 1). Ces déficits résultent tous de mutations souventhétérogènes des gènes codants correspondants [2].

‚ ClassificationLes porphyries sont classées en deux groupes,

hépatique et érythropoïétique, selon le tissu danslequel prédomine le trouble métabolique (tableau I).Cet article sera consacré uniquement aux porphyrieshépatiques aiguës. La porphyrie cutanée, dans sesdeux formes, sporadique et familiale, est unephotodermatose bulleuse, associée à une fragilitécutanée presque pathognomonique. Contrairementaux porphyries hépatiques aiguës, il n’y a pas de crisedouloureuse abdominale, ni de manifestationsneurologiques ou psychiatriques. Les porphyriesérythropoïétiques se rencontrent essentiellement chezl’enfant et ne présentent pas non plus demanifestations neuroviscérales aiguës.

■Porphyries hépatiques aiguës

Comme beaucoup de maladies autosomiques etdominantes, les porphyries hépatiques aiguësprésentent une pénétrance incomplète : moins de10 % des sujets porteurs du gène muté présentent lessignes cliniques de la maladie. La porphyrie aiguë

intermittente (PAI) en est le modèle. C’est la plusfréquente et, en France, la prévalence du gène mutéest de 0,6/1 000. Les crises aiguës intermittentes sontcaractérisées par un syndrome douloureux abdominalet le risque de complications neurologiques,d’évolution imprévisible, qui font toute la gravité de lacrise aiguë de porphyrie et peuvent mettre en jeu lepronostic vital. Seules la coproporphyrie héréditaire(CH) et la porphyrie variegata (PV) peuvent en plus

Tableau I. – Classification des principales por-phyries héréditaires.

Porphyries hépatiques

• Porphyries hépatiques aiguësPorphyrie aiguë intermittente (PAI)Porphyrie variegata (PV)Coproporphyrie héréditaire (CH)

• Porphyrie cutanée (PC)PC de type familial (25 %) ou sporadique

(75 %)

Porphyries érythropoïétiques

• Porphyrie érythropoïétique congénitale (PEC) oumaladie de Günther• Protoporphyrie érythropoïétique (PPE)

Glycine Succinyl CoA

ALA

PRG

Pré-URO

URO 'gène III

COPRO'gène

PROTO'gène IX

PROTO'ine IX

HÈME

Nom Type Transmission Symptômes

PORPHYRIES ENZYMES

ALA-synthétase

ALA -déshydrase

PBG-désaminase

UROgène ΙΙΙ−synthase

PROTOgène-oxydase

Ferrochélatase

UROgène-décarboxylase

COPROgène-oxydase

Porphyrie aiguëintermittente

Maladie de Günther

Porphyrie cutanéefamiliale / sporadique

Coproporphyriehéréditaire

Porphyrie variegata

Protoporphyrieérythropoïétique

Ha

E

H

Ha

Ha

E

AD

AR

AD / ?

AD

AD

AD

neuroviscéraux

cutanés + hémolyse

cutanés

neuroviscéraux + cutanés

neuroviscéraux + cutanés

cutanés

III

Fe2+

1 Synthèse de l’hème et porphyries héréditaires.H : hépatique ; Ha : hépatique aiguë ; E : érythropoïétique ; AD : autosomique dominant ; AR : autosomiquerécessif. En caractères gras : les porphyries hépatiques aiguës.

Page 180: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

présenter des troubles cutanés proches de ceuxobservés dans la porphyrie cutanée [3].

‚ Crise aiguë

Signes cliniques

Ils se présentent typiquement chez une femmejeune (bien que ces maladies soient autosomiques,80 % des malades sont des femmes âgées de 15 à 45ans) et souvent en période prémenstruelle.Habituellement précédée d’une phase prodromique(asthénie, anorexie, insomnie), la symptomatologieclinique de la crise aiguë associe trois grandssyndromes : douleurs abdominales, troublesneurologiques, et/ou troubles psychiques. Chacunpeut exister isolément ou précéder ou suivre les deuxautres. Les signes abdominaux apparaissentgénéralement les premiers et associent fréquemment :des douleurs intenses, continues ou paroxystiques,sans localisation prédominante mais irradiantvolontiers vers les membres inférieurs ; uneconstipation tenace alternant parfois avec desépisodes de diarrhée ; des nausées puis desvomissements pouvant entraîner des troubleshydroélectrolytiques importants. L’examen clinique etradiologique de l’abdomen ne révèle aucuneanomalie objective. Une tachycardie, souvent sansfièvre, des épisodes d’HTA et une hypersudation sontfréquemment constatés et relèvent d’une atteinte dusystème nerveux neurovégétatif.

Les troubles psychiques sont extrêmementpolymorphes. Parfois isolés, ils sont associés ausyndrome abdominal dans 30 % des cas. Souvent ilsse limitent à des troubles de l’humeur (irritabilité,émotivité), à un syndrome dépressif et surtout à une

anxiété considérable. Plus rarement, ils réalisent unvéritable tableau psychiatrique : délire d’interprétation,hallucinations auditives ou visuelles, désorientation,confusion mentale.

Dans ce contexte, la constatation d’une colorationfranchement anormale des urines, rouge ou brunrouge « porto », doit faire évoquer le diagnostic. Maiscet élément majeur peut manquer car la colorationanormale apparaît généralement 30 à 60 minutesaprès l’émission.

À ce stade, si aucune erreur thérapeutique n’estcommise, l’évolution spontanée de la crise est le plussouvent favorable, a fortiori si un traitement adapté estappliqué et les éventuelles causes déclenchantessupprimées. Les risques de précipiter la survenue decomplications neurologiques redoutables sont alors detrois ordres : une intervention chirurgicale exploratriceintempestive, une prise en charge psychiatriqueabusive (pour diagnostic d’« histrionisme » parexemple...), et plus banalement un traitementmédicamenteux inadapté de la douleur (paracétamol,noramidopyrine...), toutes situations qui peuvents’accompagner de l’utilisation de drogues inductricesdites « porphyrinogéniques » (tableau II).

Ces atteintes neurologiques sont très hétérogèneset peuvent affecter les systèmes nerveux périphériqueet/ou central : myalgies, parésies (parfois discrètescomme celles des extenseurs des doigts centraux de lamain, à l’instar de la paralysie saturnine), paralysiesflasques ascendantes des membres avec troublessensitifs subjectifs intenses et amyotrophie, crisesconvulsives et leur traitement par les barbituriques(molécules porphyrinogéniques par excellence). Cesmanifestations peuvent être fatales (atteinte bulbaire,paralysie respiratoire), ou comporter des risques deséquelles graves (paralysies motrices). Rarementinaugurales, les atteintes neurologiques sont le plussouvent déclenchées ou aggravées par des thérapeu-tiques inadaptées, administrées en l’absence dediagnostic. L’évolution de ces troubles neurologiquesest imprévisible. En cas d’évolution favorable, larécupération fonctionnelle peut être complète maissouvent très longue à obtenir.

La crise aiguë de porphyrie est, dans plus de 50 %des cas, précipitée par des facteurs déclenchantsenvironnementaux. Les plus fréquents sont :

– l’administration de médicaments nécessitantpour être métabolisés une induction hépatique decertains cytochromes P450 (barbituriques, sulfamides,œstroprogestatifs) ;

– les régimes hypocaloriques ;– les épisodes infectieux ;– toutes les situations de « stress » ;– chez la femme, le cycle menstruel et les

traitements hormonaux.Enfin, il faut insister sur la grande variabilité intra- et

interindividuelle des signes cliniques rencontrés et dela susceptibilité aux facteurs déclenchants.

Diagnostic biologique

Le diagnostic de porphyrie est très souvent évoquédans le contexte clinique décrit, associé à laconstatation d’urines foncées ou rouges. Mais lediagnostic de crise aiguë de porphyrie hépatique nepeut reposer que sur le dosage en urgence desprécurseurs de l’hème, l’ALA et le PBG, dans les urines(séparation en chromatographie d’échange d’ions,suivie d’un dosage spectrophotométrique). Leuraugmentation franche (ALA x 10 et PBG x 50) affirmela crise aiguë. Le profil d’excrétion des porphyrinesdans les selles peut permettre dans la plupart des casde différencier la PAI des autres porphyries aiguës (PVet CH). Le tableau III résume les profils de métabolites

excrétés au cours des principales porphyrieshépatiques en crise ou en période de rémission. Enfin,dans 20 % des crises aiguës, il existe unehyponatrémie, probablement liée à une sécrétioninappropriée d’ADH (hormone antidiurétique). Elle estplus fréquemment associée aux formes convulsives oupsychiatriques.

Le diagnostic devra être confirmé par la diminutionde 50 % de l’activité de l’enzyme en cause en fonctionde la porphyrie (tableau III). Ce dosage sera effectué àdistance de la crise (dans un centre de référence), etsurtout utilisé dans le cadre du dépistage des porteursasymptomatiques dans les familles atteintes, based’une prévention efficace.

Physiopathologie

Lors des crises aiguës, il existe une carencehépatique en hème souvent en relation avec unbesoin augmenté en hémoprotéines (cytochromeP450) (fig 2) lié notamment à la prise de médicaments« inducteurs » ou à des variations du statut hormonal(cycle menstruel). L’induction du cytochrome P450(mode d’action des barbituriques) ou le catabolismeaccéléré de l’hème (mode d’action des stéroïdes)provoquent une déplétion du pool d’hème régulateur.Cette déplétion lève le rétrocontrôle négatif exercé parl’hème sur l’ALA-synthétase, entraînant uneaugmentation de l’activité de cette enzyme. Chez lesujet atteint de porphyrie hépatique aiguë,l’augmentation de l’ALA-synthétase ne parvient pas àassurer une production suffisante d’hème, en raisondu blocage enzymatique en aval. Le pool d’hèmerégulateur reste déplété, l’activité de l’ALA-synthétases’emballe de façon persistante et les précurseurs ALAet PBG s’accumulent en amont du blocageenzymatique. Si les mécanismes de la régulation del’ALA-synthétase hépatique et de l’accumulation desprécurseurs sont partiellement élucidés, leurs relationsavec la symptomatologie clinique de la crise aiguëdemeurent hypothétiques.

TraitementLa crise aiguë de porphyrie est une urgence

médicale à traiter en milieu hospitalier. Le diagnosticétant affirmé par les taux très augmentés desprécurseurs urinaires ALA et PBG, il faut rapidementdébuter un traitement spécifique (tableau IV).

Crise aiguë de porphyrie : quand ypenser ?✔ Devant une femme jeune qui seplaint :– de douleurs abdominales trèsintenses, non localisées ;– de douleurs lombaires associéeset/ou d’irradiations vers les membresinférieurs ;– de nausées, de vomissements et deconstipation.✔ À l’examen :– sujet irritable, anxieux, dépressif,voire confus ;– abdomen normal (clinique etradiologique) ;– troubles neurovégétatifs :tachycardie, parfois hypertensionartérielle (HTA) ;– urines rouges ou qui se colorent àla lumière.✔ Facteurs déclenchants àrechercher :– période prémenstruelle ;– médicaments (barbituriques,sulfamides, œstroprogestatifs...) ;– régime hypocalorique ;– infection ;– chocs affectifs, « stress » ;– histoire familiale de porphyrie.

La crise aiguë de porphyrie : que faireen urgence ?✔ Affirmer le diagnostic : ALA etPBG très augmentés dans les urines.✔ Éliminer les causes déclenchantes(médicaments, alcool, infection...).✔ Traiter la douleur : uniquement desanalgésiques morphiniques(péthidine : Dolosalt ½ ampoule ensous-cutané) ou morphine.✔ Calmer l’anxiété : chlorpromazine(Largactilt, 20 gouttes).✔ Boissons sucrées en abondance.✔ Surtout, hospitalisation en urgencepour un traitement spécifique (cftableau IV) à distance de la crise :– préciser le type de porphyrie aiguë(PAI, PV, CH) ;– assurer le dépistage familial desporteurs présymptomatiques.

Page 181: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Le but de ce traitement est avant tout de restaurer lepool d’hème intracellulaire. Cette restauration permetde ramener rapidement l’activité de l’ALA-synthétase àla normale et de baisser de façon concomitante lesprécurseurs accumulés. L’administration d’hème-arginate (Normosangt) pendant 4 jours en perfusionintraveineuse permet d’obtenir une améliorationspectaculaire en 48 à 72 heures, tant sur un planclinique que biologique. L’efficacité de l’hème-arginateest d’autant plus importante qu’il est utiliséprécocement. En revanche, si des complications

neurologiques sont apparues, l’hème-arginate estinefficace. Plus de 700 crises ont été ainsi traitées en10 ans, avec une réduction significative de la duréemoyenne d’hospitalisation (3,5 jours contre 21 joursavant 1986) [4].

‚ Dépistage des porteursasymptomatiques et préventiondes crises aiguës

Du fait de la faible pénétrance des trois porphyrieshépatiques aiguës, les sujets présymptomatiques

représentent la majorité des porteurs des gènes mutéscorrespondants. Ils n’ont pas en général d’anomaliesurinaires ou fécales caractéristiques et leur détectiondans le cadre d’une enquête familiale ne peut doncêtre réalisée de façon satisfaisante que par le dosage

Tableau II. – Médicaments et porphyries hépatiques (octobre 1997).

Autorisés

Acide acétylsalicylique Carbimazole Dobutamine Insuline Nétilmicine ProméthazineAcide clavulanique Carpipramine Dompéridone Isosorbide Nicardipine PericiazineAcide fusidique Céfixime Doxorubicine Josamycine Nicergoline PropofolAcide niflumique Céfotaxime Doxycycline Kétoprofène Nicorandil PropranololAcide oxolonique Ceftazidine Doxylamine Kétotifène Nifuroxazide ProxymétacaïneAcide tiaprofénique Ceftriazone Dropéridol Labétalol Nilutamide Pygeum africanumAcide tienilique Céliprolol EDTA Lamotrigine Nitroprussiate de sodium PyriméthamineAcide tranexamique Cétirizine Énoxacine Lansoprazole Noradrénaline RéserpineAcamprosate Chloral hydrate Estazolam Latamoxef Norfloxacine RifampicineAcébutolol Chlordiazépoxide Éthambutol Lévodopa Nystatine Rocuronium (bromure)Acétazolamide Chlorpromazine Éther Lévomépromazine Ofloxacine SalbutamolAciclovir Ciclosporine Étidronate disodique Lisinopril Oméprazole SélégilineACTH Cilazapril Félodipine Lisuride Ondansétron SennosideAdrénaline Cimétidine Fentanyl Lopéramide Oxatomide Serenoa repensAlfentanil Ciprofloxacine Fer (*) Loratadine Oxazépam SufentanilAlfuzosine Cisapride Finastéride Lorazépam Oxybate de sodium SulbutiamineAlimémazine Citalopram Flécaïnide Losartan Oxybuprocaïne SulindacAmfépramone Clarythromycine Flucytosine Maprotiline Oxytocine TéicoplanineAmiloride Clidinium bromure Flumazénil Méclofénoxate Pancuronium TénoxicamAmitriptyline Clobenzorex Flunitrazépam Mélatonine Paroxétine TerbutalineAmlodipine Clomipramine Fluorouracil Méquitazine Péfloxacine TerfénadineAmoxapine Clonazépam Fluoxétine Metformine Pénicillamine TétracaïneAmoxicilline Clozapine Fluphénazine Méthotrexate Pénicilline G ThiocolchicosideAmphotéricine B Codéine Flutamide Métoclopramide Perhexiline ThiopropérazineAptocaïne Colistine Fosfomycine Métopimazine Perindopril ThyroxineAténolol Corticoïdes Fosinopril Métoprolol Perphénazine TianeptineAtracurium Cyamémazine Furosémide Midazolam Péthidine TimololAtropine Cyproheptadine Gallamine Minaprine Phénopéridine Tocophérol (alpha)Azathioprine Deslanoside Ganciclovir Minocycline Phloroglucinol TriamtérèneBénazépril Dexchlorphéniramine Gentamicine Minoxidil Pinavérium (bromure) TrihexyphénidyleBensérazide Diaceréine Glucagon Misoprostol Pipotiazine TrimébutineBêta-alanine Diazoxide Granisétron Mitomycine Piracétam TrimétazidineBétaxolol Dibékacine Guanéthidine Molsidomine Piroxicam TrinitrineBézafibrate Diclofénac Guanfacine Morphine Pivampicilline TropatépineBléomycine Diflunisal Halopéridol Moxisylyte Pizotifène VaccinsBromazépam Digitoxine Héparine Naftazone Prazosine VancomycineBromure Digoxine Heptaminol Naftidrofuryl Prifinium (bromure) Vecuronium (bromure)Buflomédil Diltiazem Hydrochlorothiazide Nalbuphine Pristinamycine VérapamilBuprénorphine Diphénhydramine Imipramine Naloxone Probucol VitaminesButacaïne Diphénoxylate Indométacine Naproxène Procaïne YohimbineButylhyoscine Dipyridamole Indoramine Néfopam Produits de contraste Zopiclone

Important : la majorité des drogues médicamenteuses ci-dessus a été testée sur un modèle animal. Les drogues « interdites » le seront aussi formelleme nt que possible. Mais ne pas hésiter à nous contacter en cas de problème.(*) : Sauf cas particulier, nous consulter. En italique gras : classe médicamenteuse.

Tableau III. – Diagnostic biochimique des différentes porphyries hépatiques aiguës.

Urines Selles Enzyme et déficitattenduPré U C U C P

Porphyrie aiguë 1 +++ ++ + ++ + PBGD/50 % (GR)

2 ++

Coproporphyriehéréditaire

1 +++ ++ +++ ++ +++ + Copro’oxydase/50 %(lymphocytes)

2 + + ++

Porphyrie variegata 1 +++ ++ +++ + ++ +++ Proto’oxydase/50 %(lymphocytes)

2 + + ++

1 : en crise ; 2 : en rémission ; Pré : précurseurs ; ALA : acide delta-aminolévulinique ; PBG : porphobilinogène ; U : uroporphyrine ; C : coproporphyrine ;P : protoporphyrine ; GR : globule rouge ; PBGD : porphobilinogène désaminase.

La crise aiguë de porphyrie : risquesd’une absence de diagnostic✔ Précipiter l’apparition d’uneatteinte neurologique grave par :– la chirurgie exploratriceintempestive et dangereuse(anesthésiquesporphyrinogéniques…) ;– un diagnostic psychiatrique abusif(histrionisme...) ;– des traitements inadaptés de ladouleur (antalgiquesporphyrinogéniques).✔ La paralysie respiratoire est àredouter, et la constatation de signesneurologiques impose unehospitalisation d’urgence en servicede réanimation.

Page 182: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

de l’activité enzymatique spécifique (tableau III). Lessujets porteurs présentent en moyenne un déficitd’activité d’environ 50 %, en accord avec leur statutd’hétérozygote pour le gène muté.

Ce dépistage est évidemment primordial car ilpermet d’assurer une prévention efficace des crisesaiguës en mettant en garde les sujets présymptoma-tiques contre les facteurs déclenchants : jeûne, alcool,

infections, stress, mauvaise hygiène de vie et surtoutmédicaments porphyrinogéniques. Des donnéesexpérimentales sur la porphyrinogénicité desmédicaments sont obtenues chez l’embryon depoulet in ovo « sensibilisé » (porphyrie latente parinhibition chimique de la synthèse de l’hème) [1]. Cesdonnées permettent de dresser une listeconstamment actualisée et accessible desmédicaments autorisés ou interdits chez les porteursdu trait d’une des porphyries hépatiques (tableau I).

Tableau II. – (suite) Médicaments et porphyries hépatiques (octobre 1997).

Interdits

Acide méfénamique Buzépide Doxépine Ifosfamide Oxétorone SpironolactoneAcide nalidixique Captopril Econazole IMAO Oxybutynine SuccinimideAcide pipémidique Carbamazépine Énalapril Isoniazide Paracétamol SulfamidesAcide piromidique Céfaclor Enflurane Isradipine Pentamidine SulpirideAcitrétine Céfuroxime Ergotamine + dérivés Kétamine Pentazocine SultoprideAdrafinil Chloramphénicol Érythromycine Kétoconazole Pentoxifylline SumatriptanAlcool Chlormézanone Étamsylate Lidocaïne Phénacétine TamoxifèneAlizapride Chloroquine (*) Éthenzamide Lincomycine Phénazone TémazépamAllopurinol Cibenzoline Éthosuximide Loflazépate d’éthyle Phénobarbital TerbinafineAlminoprofène Ciclétanine Étidocaïne Loprazolam Phénylbutazone TétrazépamAlprazolam Ciprofibrate Étifoxine Lodapine Phénytoïne ThéophyllineAlvérine Citalopram Étomidate Mébévérine Pipampérone ThioridazineAmbroxol Clindamycine Famotidine Médifoxamine Piribédil TiadénolAmidopyrine Clobazam Fenfluramine Méfloquine (*) Pravastatine TiaprideAmineptine Clofibrate Fénofibrate Méphénésine Prazépam TiclopidineAminoglutéthimide Clométhiazole Fénoprofène Mépivacaïne Prilocaïne TilbroquinolAmiodarone Clomifène Fenoverine Méprobamate Primidone TiliquinolAmisulpride Clonidine Fenspiride Mesna Probénécide TinidazoleAmobarbital Clorazépate (dipotassique) Flavoxate Méthyldopa Progabide TolbutamideAndrogènes Clotiazépam Floctafénine Méthylergométrine Progestatifs ToloxatoneArticaïne Cyclophosphamide Fluconazole Métronidazole Proguanil TramadolAstémizole Cyprotérone Fluméquine Mexilétine Propafénone TrazodoneBaclofène Danazol Flunarizine Miansérine Propanthéline (bromure) TriazolamBarbituriques Dapzone Flurbiprofène Miconazole Pyrazinamide TriméthadioneBenfluorex Denoralt Fluvoxamine Moclobémide Pyrrocaïne TrimipramineBenzbromazoner Dexfenfluramine Gemfibrozil Nifédipine Quinapril TritoqualineBenzylthiouracile Dextromoramide Glibenclamide Nitrazépam Quinine + dérivés UrapidilBépridil Dextropropoxyphène Griséofulvine Nitrendipine Ramipril Valproate de sodiumBétahistine Diazépam Halofantrine Nizatidine Ranitidine ValpromideBipéridène Dihydralazine Halothane Noramidopyrine Rilmenidine VéraliprideBisoprolol Dimenhydrinate Hydantoïnes Nordazépam Roxithromycine VigabatrineBromocriptine Disopyramide Hydralazine Œstrogènes Simvastatine ViloxazineBupivacaïne Disulfirame Hydroxyzine Œstro-progestatifs Sertraline VinburnineBuspirone Dosulépine Ibuprofène Ornidazole Sotalol Zolpidem

Centre français des porphyries. Pr Yves Nordmann, Pr Jean-Charles Deybach. Hôpital Louis-Mourier, 92701, Colombes Cedex. Tél : 01 47 60 63 31 - Fax : 01 47 60 67 03 ou consulter notre serveur Minitel : 36 17 code AFARP.Important : la majorité des drogues médicamenteuses ci-dessus a été testée sur un modèle animal. Les drogues « interdites » le seront aussi formelleme nt que possible. Mais ne pas hésiter à nous contacter en cas de problème.(*) : Sauf cas particulier, nous consulter. En italique gras : classe médicamenteuse.

Succinyl CoA+ Glycine

ALAALA PBG

synthétasepré-Uro Uro'gène Copro'gène

Proto'gène

Proto'ine

HÈME Bilirubine

–Rétrocontrôlenégatif

Tryptophane pyrrolasecatalases, NO-synthases...

Médicamentsporphyrinogéniques

(barbituriques, sulfamides, ...)

CytochromesP450

HÉPATOCYTEPAI

2 Schéma d’accumulation des précurseurs (acide delta-aminolévulinique [ALA] et porphyrinobilinogène [PBG]),sous l’action de médicaments porphyrinogéniques, chez un sujet atteint de porphyrie aiguë intermittente (PAI).Le « blocage enzymatique » de la chaîne de biosynthèse de l’hème, s’il est associé à l’augmentation des cytochromesP450 par des médicaments inducteurs, provoque une baisse de l’hème intracellulaire suivie d’une « dérépression »de l’activité de l’ALA-synthétase. Il en résulte une accumulation d’ALA et de PBG, responsable de la crise aiguë.

Tableau IV. – Traitement à l’hôpital d’unecrise aiguë de porphyrie sans complication.

• Supprimer la causeMédicaments porphyrinogéniques, alcool, infectionintercurrente

• Calmer l’anxiété du maladeChlorpromazine (Largactilt) 50 à 100 mg/24 h

• Traiter efficacement la douleurPéthidine (Dolosalt) 1/2 ampoule en sous-cutané 6à 8/24 h ou morphine

• Apport calorique importantHydrates de carbone 400 g/24 h (sérum glucosé :G5 1 L + G10 2 L/24 h)

• Traitement étiopathogénique : hème-arginate(Normosangt)1 ampoule (3 à 4 mg/kg) par jour pendant 4 jours(protocole spécifique)

Page 183: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

■Conclusion

Les porphyries hépatiques aiguës ne peuvent êtreignorées du praticien généraliste : la symptomatologie

clinique est souvent banale et peu évocatrice, mais leserreurs diagnostiques et surtout thérapeutiquespeuvent être catastrophiques. Le diagnostic des crisesaiguës est biologique et doit être facile à réaliser enpratique. La conduite à tenir et le traitement en milieu

hospitalier sont bien codifiés. Il faut soulignerl’importance primordiale de la prévention, notammentpar la recherche des porteurs présymptomatiquesdans les familles atteintes. C’est d’abord au praticienqu’incombera la tache de faciliter cette recherche.

R é f é r e n c e s

[1] Deybach JC, Puy H, Nordmann Y. Porphyries hépatiques et médicaments.Gastroentérol Clin Biol1994 ; 18 : 348-353

[2] Kappas A, Sassa S, Galbraith RA, Nordmann Y. The porphyrias. In : ScriverCR, Beaudet AL, Sly WS, Valle D eds. The metabolic basis of inherited disease.NewYork : Mc Graw-Hill, 1995 ; 2 :2103-2159

[3] Nordmann Y. Les porphyries héréditaires humaines. In : Benhamou JP, Bir-cher J, McIntyre N eds. Hépatologie clinique. Paris : Médecine-Sciences Flamma-rion, 1993 : 974-985

[4] Nordmann Y, Puy H, Deybach JC. Traitement des porphyries hépatiquesaiguës en crise par l’hème-arginate (Normosangt). Méd Chir Dig 1995 ; 24 :167-169

Page 184: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Reconnaître et surveiller une

phacomatose chez l’adulte

P Wolkenstein, J Zeller, S Richard

L e terme de phacomatoses désigne des entités souvent héréditaires, caractérisées par la présence d’anomaliescongénitales plus ou moins diffuses et multiples du développement, sous forme de malformations, de tumeurs

ou d’hamartomes. Ces malformations sont en relation avec un trouble portant sur les feuillets embryonnairesprimitifs, intéressant principalement les formations d’origine ectodermique (peau, système nerveux, rétine), maisnon exclusivement.© 1999 , Elsevier, Paris.

■Introduction

Certaines génodermatoses peuvent êtreregroupées sous l’appellation de phacomatose. À lalumière des progrès de la génétique moléculaire,cette dénomination paraît artificielle, rassemblantdes maladies hétérogènes cliniquement, par leurphysiopathologie et par leur origine moléculaire,telles les neurofibromatoses, la sclérose tubéreusede Bourneville (STB) et la maladie de vonHippel-Lindau (VHL). Chacune a des critèresdiagnostiques précis et nécessite un suivi particulieren fonction des multiples atteintes qui lescaractérisent.

■Neurofibromatoses

‚ NosologieLes neurofibromatoses recouvrent des entités

bien distinctes, n’ayant en commun que certainssignes cutanés.

Ce terme de neurofibromatose regroupe aumoins deux maladies différentes, à transmissionautosomique dominante : la neurofibromatose detype 1 (NF1) ou maladie de von Recklinghausen, etla neurofibromatose de type 2 (NF2).

‚ Neurofibromatose de type 1 [9]

Épidémiologie et génétique [1]

La NF1 est la plus fréquente des neurofibroma-toses, avec une incidence d’environ 1/3 000 à 3 500naissances. Elle est transmise sur le modeautosomique dominant. Son gène a été localisé surle chromosome 17, dans la région 17q11.2. Sapénétrance est virtuellement de 100 % à l’âge de 5ans, et les mutations de novo en représententenviron la moitié des cas. Son expressionphénotypique est variable, y compris au sein d’unemême famille. Le produit du gène NF1 , laneurofibromine, est une protéine intervenant dans lecontrôle de la différenciation et de la proliférationcellulaires.

Critères diagnostiques

Les critères diagnostiques de NF1 sont résumésdans le tableau I. Parmi ces sept critèresdiagnostiques, quatre sont retrouvés à l’examenclinique.

Signes cardinaux

Les taches « café au lait » sont les premièresmanifestations de la NF1 (fig 1). Elles sont souventcongénitales. À l’adolescence, elles sont présentesdans plus de 90 % des cas. Elles constituent un desmeilleurs signes diagnostiques de NF1.

Les lentigines ont l’aspect de taches « café au lait »de petite taille, siégeant électivement dans les plisaxillaires, inguinaux et sous-mammaires (fig 2). Onles retrouve dans 80 % des cas à l’âge adulte.

Tableau I. – Critères diagnostiques* de neuro-fibromatose de type 1 (NF1). (Conférence deconsensus du NIH 1988).

- Six taches « café au lait » ou plus de plus de15 mm chez des individus pubères- Deux neurofibromes ou plus de n’importe queltype ou un neurofibrome plexiforme- Des lentigines axillaires ou inguinales- Un gliome optique- Deux nodules de Lisch ou plus (hamartomesiriens)- Une lésion osseuse caractéristique comme unedysplasie sphénoïde, un amincissement de la corti-cale des os longs avec ou sans pseudarthrose- Un parent du premier degré atteint de NF1 sui-vant les critères précédents

* Les critères diagnostiques de NF1 sont rencontrés chez un individu sideux ou plus des critères cités sont trouvés.

1 Taches « café au lait » au cours de la neurofibromatose de type 1.

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Les neurofibromes sont des tumeurs bénignes(fig 3). Elles sont molles, mobiles avec la peau,sessiles ou pédiculés, à type de molluscumpendulum. Ils n’apparaissent qu’à la puberté et sontexceptionnellement absents à l’âge adulte (95 % desadultes en sont atteints).

Les neurofibromes plexiformes diffus étaientautrefois nommés, dans leur forme importante,« névromes plexiformes » ou « tumeurs royales »(fig 4). Ce sont des tuméfactions cutanées etsous-cutanées de taille très variable (de quelquescentimètres à plusieurs dizaines de centimètres, voireétendues à tout un segment corporel). Ils sontsouvent congénitaux et toujours visibles avant l’âgede 5 ans. Retrouvés dans un tiers des cas, ils tendentà se développer à partir de l’adolescence.

Les nodules de Lisch sont de petits hamartomesiriens qui n’entraînent aucun trouble de la fonctionvisuelle (fig 5). Leur taille et leur nombre augmententavec l’âge. Ils sont présents dans plus de 90 % descas après 16 ans.

Le gliome des voies optiques est la tumeurintracérébrale la plus fréquente au cours de la NF1.Son incidence estimée est proche de 15 %. Sarecherche dans un but diagnostique est rarementnécessaire. À l’inverse, la découverte d’un gliome desvoies opt iques commande une enquêtediagnostique NF1 (25 % des gliomes des voiesoptiques sont associés à une NF1).

Les atteintes osseuses spécifiques sont lesdysplasies des os longs, les dysplasies des ailessphénoïdes, les dysplasies vertébrales.

Démarche diagnostique

Le tableau II résume la fréquence des différentscritères diagnostiques en fonction de l’âge. Chezl’adulte, le diagnostic de NF1 est en règle facile surles données de l’examen clinique. Le diagnostic

moléculaire, parfois possible, est exceptionnellementnécessaire. Il peut être fait dans les formes familiales,par analyse de ségrégation des polymorphismes del’acide désoxyribonucléique (ADN).

Complications

La fréquence des complications de la NF1 figuredans le tableau II. Chez l’adulte, la plus redoutabledes complications est le neurofibrosarcome, outumeur maligne des gaines nerveuses.

Suivi des malades [2, 7]

En dehors du traitement des manifestationscutanées qui constitue la demande prioritaire desmalades adultes, un suivi est nécessaire pour ladétection précoce des complications de la NF1. LaNF1 est une maladie dont la gravité augmentegénéralement avec l’âge. Nous ne disposonsd’aucun signe prédictif de l’évolution. Même devantdes formes de NF1 qui paraissent bénignes, un suividoit être proposé. Ce suivi est essentiellementclinique. Les examens effectués à titre systématique

2 Lentigines axillaires au cours de la neurofibroma-tose de type 1.

3 Neurofibromes cutanés au cours de la neurofibro-matose de type 1.

4 Neurofibrome plexiforme au cours de la neurofibromatose de type 1.

5 Nodules de Lisch aucours de la neurofibroma-tose de type 1.

Page 186: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

sont peu rentables pour le malade. L’examenclinique peut facilement identifier des complications,telle une hypertension artérielle liée à une sténosede l’artère rénale ou à un phéochromocytome. Lesexamens complémentaires ne sont effectués que surdes arguments cliniques. Compte tenu de la diversitédes atteintes et des problèmes rencontrés au coursde la NF1, le suivi multidisciplinaire, dans des centresspécialisées, en relation étroite avec le médecingénéraliste et/ou le pédiatre, est souhaitable.

‚ Neurofibromatose de type 2 [2]

Épidémiologie et génétique

La NF2 était anciennement dénommée« neurofibromatose acoustique ». Son incidence estde 1/33 000 à 40 000 naissances. Le gène de la NF2a été identifié sur le chromosome 22 dans la région22q12.2. C’est un suppresseur de tumeur. Lapénétrance du gène est complète à l’âge de 60 anset les mutations de novo représentent environ 50 %des cas.

Critères diagnostiques

Le diagnostic de NF2 est porté :– soit devant des tumeurs bilatérales de la

huitième paire de nerfs crâniens (visualisées partomodensitométrie [TDM] ou imagerie parrésonance magnétique [IRM]) ;

– soit devant l’association d’un parent au premierdegré atteint de NF2 et d’une tumeur unilatérale dunerf vestibulocochléaire, ou de deux des signessuivants : neurofibrome, schwannome d’une autrelocalisation, méningiome, gliome épendymaire,cataracte juvénile postérieure.

Manifestations cliniques

Les taches « café au lait » sont présentes dansenviron la moitié des cas, beaucoup moinsnombreuses qu’au cours de la NF1, généralement aunombre de deux.

Les tumeurs cutanées, schwannomes et moinsfréquemment neurofibromes sont présentes chezenviron 70 % des malades ; elles sont peunombreuses, moins d’une dizaine.

Les anomalies oculaires sont fréquentes.Soixante-dix pour cent des malades ont unecataracte juvénile postérieure.

Les schwannomes vestibulaires sont quasimentconstants (90 % des cas). Le diagnostic en estgénéralement fait à la troisième décennie.

Des méningiomes sont présents dans 50 % descas.

Des schwannomes du système nerveux central,d’autre localisation que vestibulaire, desépendymomes, ou des neurofibromes spinaux sontfréquents.

Pronostic et suivi

Le pronostic de la NF2 est souvent catastro-phique, avec une espérance de vie de l’ordre de 50ans. Le suivi doit associer neurochirurgiens etoto-rhino-laryngologistes.

■Sclérose tubéreuse

de Bourneville [3]

‚ Épidémiologie et génétique

La STB (encore désignée sous l’acronymed’EPILOIA [epilepsy low intelligence adenomas e b a c e u m ] ) est une maladie génétique àtransmission autosomique dominante. Sonincidence est d’environ 1/10 000 naissances. Deuxlocus majeurs ont été reconnus sur les chromo-somes 16 (16p13) et 9 (9q34). Plus de la moitié descas sont sporadiques, liés à des mutations survenantde novo. La pénétrance de la STB est de l’ordre de95 %, son expressivité est très variable à l’intérieurd’une même famille.

‚ Signes cliniques

Le tableau III résume la fréquence des différentssignes cliniques, symptômes et complications de laSTB à l’âge adulte.

Signes cutanés [8]

Les angiofibromes (fig 6) apparaissent vers 5-7ans, parfois plus tôt ; 85 % des adultes ayant uneSTB en sont porteurs. Ils sont symétriquementdistribués dans les sillons nasogéniens, sur les joueset la région péribuccale. Ce sont de petits nodulessaillants, roses à rouges, avec de fines télangiec-tasies, et de consistance ferme. Histologiquement, ilssont à double composante, fibreuse et vasculaire.

Tableau II. – Fréquence des signes, des symptômes et des complications au cours de la neurofibro-matose de type 1 (NF1).

PeauTCL 99 à 100 % < 5 ansLentigines 50 à 80 % > 10 ansNeurofibromes cutanés 100 % < 30 ansNeurofibromes nodulaire 15 à 24 % enfance, adulteNeurofibromes plexiformes 30 à 39 % < 5 ansXanthogranulome juvénile 1 à 2 % enfance

ŒilNodules de Lisch 67 à 82 % > 6 ansGliome optique symptomatique 15 % petite enfance

SquelettePseudarthrose 3 à 4 % enfanceScoliose nécessitant chirurgie 2 à 4,4 % enfance, adolescence

Système nerveuxDiffıcultés d’apprentissage 33 à 70 % enfanceÉpilepsie 6 à 7 % enfanceHydrocéphalie 1,5 à 2,6 % enfance

CancersNeurofibrosarcome 3 à 5 % adolescence, adulteLeucémie < 0,1 %Tumeur carcinoïde 0,6 à 1,5 %

HTA 5 % adultePhéochromocytome 1 % adulte

TCL : taches « café au lait » ; HTA : hypertension artérielle.

6 Angiofibromes au coursde la sclérose tubéreusede Bourneville.

Tableau III. – Fréquence des signes, des symp-tômes et des complications au cours de la sclé-rose tubéreuse de Bourneville à l’âge adulte.

Signes Fréquence

Angiofibromes 85 %Fibromes unguéaux(tumeurs de Kœnen

20-50 %

Plaques « peau de chagrin » 20-80 %Taches achromiques 90 %Épilepsie 60 %Retard mental 50 %Tumeurs cérébrales (tubers) 80 %Phacomes rétiniens 50 %Angiomyolipomes rénaux 60-80 %Lymphangiomyomatose 1 %Atteintes osseuses 60 %

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Les fibromes unguéaux ou tumeurs de Kœnen(fig 7) sont des excroissances pédiculées, rouges oucouleur chair, souvent kératosiques à leur partiedistale, qui se développent à partir du lit de l’ongle(plus fréquemment sur les orteils que sur les doigts).Ils n’apparaissent en règle qu’à partir de la puberté.Leur fréquence est estimée, selon les séries, de 20 à50 % à l’âge adulte. Multiples, ils sont pathognomo-niques de la STB. Histologiquement, ce sont aussides angiofibromes.

Les plaques « peau de chagrin » sont deshamartomes de type collagène, plaques épaisses,fermes, élastiques, bosselées à surface en « peaud’orange », de quelques millimètres à plus de 10 cm,de couleur chair, brun clair ou rose, souventdorsolombaires (fig 8). Elles apparaissent à partir dela deuxième décennie. Leur incidence varie, selon lesséries, de 20 à 80 %.

Les taches achromiques, souvent congénitales,sont des macules d’un blanc très contrasté auxcontours bien tracés, effilées, parfois en confettis(fig 9). Elles sont présentes dans plus de 90 % descas.

Des molluscum pendulum des épaules et duhaut du dos, des tumeurs fibromateusesgingivales, des puits dentaires, une hyperplasiegingivale et une macroglossie sont des signesmoins évocateurs.

Signes neurologiques

L’épilepsie, le plus souvent généralisée, estfréquente, environ 60 % des cas. Les spasmes enflexion et l’hypsarythmie (succession ininterrompued’ondes lentes et de pointes de très grandeampli tude sur tout le scalp à l ’é lectro-encéphalogramme) sont très évocateurs.

Le retard mental existe dans plus de 50 % descas. Des troubles du comportement sont fréquents.

Les tumeurs cérébrales sont présentes dans80 % des cas.

La TDM et l’IRM permettent d’identifier des lésionstrès spécifiques : nodules sous-épendymairessouvent multiples et précocement calcifiés, tuberscérébraux et cérébelleux, corticaux et sous-corticaux,plus rarement astrocytomes, spongioblastomes etgliomes.

Autres signes

Les hamartomes ou phacomes rétiniens sontprésents dans environ 50 % des cas à l’âge adulte.Les angiomyolipomes rénaux multiples sontprésents dans 60 à 80 % des cas à l’âge adulte. Leskystes rénaux multiples, plus précoces, sontégalement fréquents.

Peuvent apparaître une hématurie, uneprotéinurie, une masse lombaire. La transformationmaligne est exceptionnelle.

La lymphangiomyomatose est une atteintepulmonaire exceptionnelle, se développant dansmoins de 1 % des cas. Elle est de survenue tardive etde pronostic gravissime.

Les atteintes osseuses sont présentes dans lesdeux tiers des cas et peuvent être une aide audiagnostic : images pseudokystiques des phalanges,ostéosclérose avec aspect pagétoïde de la voûtecrânienne, des autres os plats et des os longs.

‚ DiagnosticDans la majorité des cas, à l’âge adulte, les

malades sont porteurs d’une lésion pathognomo-nique : angiofibromes faciaux, tumeurs de Kœnen,

7 Tumeurs de Koenen aucours de la sclérose tubé-reuse de Bourneville.

8 Plaques « peau de cha-grin » au cours la sclérosetubéreuse de Bourneville.

9 Taches achromiques aucours de la sclérose tubé-reuse de Bourneville.

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plaques fibreuses du front et du cuir chevelu,angiomyolipomes rénaux, nodules sous-épendymaires ou tubers corticaux multiples,hamartomes rétiniens.

‚ Suivi des malades

Le diagnostic de STB doit être porté pourdétecter et traiter au mieux les atteintesneurologiques, rénales, cardiaques, voirepulmonaires, qui sont les causes principales dedécès. Chez l’adulte, il est conseillé de rechercher etde suivre les angiomyolipomes rénaux de manièreannuelle par imagerie. Les manifestations cutanéesaffichantes (angiofibromes faciaux) ou gênantes(tumeurs de Kœnen) peuvent être traitées parchirurgie ou laser.

■Maladie de von Hippel-Lindau

‚ Épidémiologie et génétique [4]

La maladie de VHL atteint une personne sur36 000. C’est une affection héréditaire àtransmission autosomique dominante. Sapénétrance est complète à l’âge de 60 ans. Le gèneVHL est localisé sur le bras court du chromosome 3(3p25-26). Il code pour une protéine régulantnégativement l’expression du facteur de croissance

endothélial vasculaire (VEGF). La mutation germinalecausale est identifiable chez 70 à 100 % des patientset les mutations de novo sont peu fréquentes.

‚ Critères diagnostiques [5, 6]

Le diagnostic doit être porté cliniquement cheztout patient présentant au moins deux hémangio-blastomes, quelle que soit leur localisation, ou unhémangioblastome et une autre lésion majeure. Letableau IV résume la fréquence des différentesatteintes de la maladie de VHL. En cas de cancer durein bilatéral, de tumeur ou kyste pancréatique, lediagnostic doit être évoqué et la maladie de VHLrecherchée.

Le diagnostic génétique est maintenantdisponible en routine, et la mutation du gène VHL

causale peut être identifiée dans 70 à 100 % desfamilles. Des corrélations génotype-phénotype,capitales pour la prise en charge des sujets à risque,sont déjà établies en ce qui concerne lephéochromocytome.

‚ Suivi des maladesLa majorité des tumeurs étant accessibles à un

traitement, le diagnostic précoce de l’affection et lasurveillance régulière sont les clés d’une prise encharge médicale efficace. Des explorationssystématiques sont nécessaires chez tout patientatteint ou suspecté de VHL : dosage desmétanéphrines urinaires, IRM du névraxe, examenophtalmologique approfondi, scanner abdominal ouéchographie. Une surveillance annuelle estrecommandée. Il existe un groupe national d’étudede la maladie (Pr Stéphane Richard, hôpital Necker)et des consultations spécialisées.

■Conclusion

Chacune de ces phacomatoses a des critèresdiagnostiques, une évolution et un suivi différents. Àl’âge adulte, une fois le diagnostic suspecté, uneconfirmation auprès d’une équipe experte est le plussouvent nécessaire. Les modalités de suivi sont alorsdéfinies et expliquées au malade. Ce suivi impliquegénéralement une filière de soins constituée despécialistes dans le domaine et du médecin traitant,en relation avec les associations de malades.

R é f é r e n c e s

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Tableau IV. – Lésions majeures au cours de lamaladie de von Hippel-Lindau.

Signes Fréquence

Hémangioblastome du systèmenerveux central

60-80 %

Hémangioblastome rétinien 50-60 %Kystes et tumeurs pancréatiques 30-70 %Tumeur du sac endolymphatique 2-10 %Phéochromocytomes 11-19 %Cancers à cellules clairesou kystes rénaux

30-70 %

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Maladies héréditaires du collagèneet du tissu élastique

C. Beylot, L. Martin

Des progrès considérables ont été réalisés depuis une vingtaine d’années dans la compréhension desmaladies héréditaires des fibres collagènes et élastiques, grâce à la recherche biochimique et génétique.La biosynthèse du tissu conjonctif est très complexe et fait intervenir les produits de nombreux gènes. Lesnouvelles classifications cliniques tiennent compte des résultats de ces recherches. Ce chapitre se limiteaux maladies ayant une expression cutanée prédominante. Les syndromes d’Ehlers-Danlos, associantprincipalement hyperlaxité cutanée et articulaire, ont une grande hétérogénéité génétique. La nouvelleclassification distingue le type classique, lié à un défaut du collagène V, le type hypermobile dont le défautgénétique est inconnu, le type vasculaire, lié à un défaut du collagène III, sur lequel il convient d’insisterparticulièrement en raison du risque vital de rupture artérielle ou digestive. Les autres types sont plusrares. Les maladies du tissu élastique associent les affections des fibres élastiques matures(pseudoxanthome élastique, cutis laxa et syndrome de Buschke-Ollendorff) et les affections desmicrofibrilles (syndrome de Marfan). Le pseudoxanthome élastique est une affection métaboliquesystémique reconnue par ses lésions cutanées à type de papules jaunâtres du cou et des plis, mais sonpronostic est lié aux atteintes ophtalmologique (risque de cécité centrale) et artérielle (manifestationsischémiques). Les cutis laxa forment un groupe hétérogène de dysplasies caractérisées par une perted’élasticité cutanée et un aspect de vieillissement précoce. Diverses complications viscérales(pulmonaires, digestives, etc.) font la gravité de ces maladies très rares. Le pronostic du syndrome deBuschke-Ollendorff associant hamartomes conjonctifs cutanés et osseux est en revanche excellent. Lesyndrome de Marfan est caractérisé par l’excès de croissance des os longs, l’ectopie du cristallin et surtoutl’anévrisme aortique avec son risque de rupture. L’augmentation du transforming growth factor (TGF) bpourrait en expliquer certains symptômes et apporter un espoir thérapeutique par la modulation de cettecytokine.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Collagène ; Fibres élastiques ; Syndrome d’Ehlers-Danlos ; Pseudoxanthome élastique ;Cutis laxa ; Syndrome de Buschke-Ollendorff ; Syndrome de Marfan

Plan

¶ Introduction 1

¶ Structure et biosynthèse 2Fibres collagènes 2Fibres élastiques 3

¶ Maladies héréditaires prédominant sur les fibres collagènes 4Syndromes d’Ehlers-Danlos 4

¶ Maladies héréditaires prédominant sur les fibres élastiques 11Pseudoxanthome élastique 11Cutis laxa 15Syndrome de Buschke-Ollendorff (SBO) 16

¶ Maladies héréditaires prédominant sur les microfibrilles 17Syndrome de Marfan 17

■ IntroductionLe tissu conjonctif et, par conséquent, ses protéines fibreuses

extracellulaires, les fibres collagènes et élastiques, sont trèsrépandus dans l’organisme, formant la charpente et l’enveloppedes organes et l’essentiel de certains d’entre eux, en particulierla peau et le squelette. Ce caractère ubiquitaire explique larichesse de sa pathologie héréditaire, qui ne s’exprime passeulement sur le plan dermatologique mais au niveau de toutl’organisme.

Si les superbes descriptions cliniques de McKusick du traité« Heritable disorders of connective tissue » dans ses éditionssuccessives restent toujours d’actualité, des progrès considérablesont été accomplis depuis une vingtaine d’années dans lacompréhension de ces affections, d’abord grâce à la recherchebiochimique qui a pu déceler nombre de défauts moléculairesen cause, puis maintenant avec la génétique qui a permisd’identifier dans beaucoup de cas le ou plutôt les gènes respon-sables [1]. La biosynthèse du tissu conjonctif est très complexeet fait intervenir de nombreux gènes. Ainsi, ces affections

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apparaissent, à mesure de la progression des connaissances,beaucoup plus hétérogènes qu’on ne le pensait.

Pour l’instant, le traitement de ces maladies héréditaires restesymptomatique mais ces notions nouvelles et passionnantesfont entrevoir pour l’avenir des espoirs de thérapie génique, desubstitution enzymatique, d’intervention de cytokines oud’anticytokines qui interfèrent dans la biosynthèse du tissuconjonctif.

Dans ce chapitre, nous nous sommes focalisés sur les affec-tions concernant le collagène et le tissu élastique ayant unecomposante cutanée prédominante et une expression systémi-que. Nous avons laissé de côté celles qui touchent surtout les oscomme l’ostéogenèse imparfaite, celles qui sont avant toutdermatologiques mais traitées ailleurs dans l’EMC comme lesépidermolyses bulleuses dystrophiques dermolytiques liées à undéfaut du collagène VII.

■ Structure et biosynthèse [2]

Le fibroblaste est la cellule essentielle du tissu conjonctifcutané. Véritable architecte du derme, le fibroblaste synthétisela matrice extracellulaire formée de la substance fondamentaleet des protéines fibreuses que sont les fibres collagènes etélastiques. Ces différents constituants sont biologiquement trèsdépendants les uns des autres, tant dans les conditions physio-logiques que pathologiques. La synthèse et la dégradation desprotéines fibreuses sont équilibrées par des mécanismes régula-teurs complexes et il existe un turnover permanent mais assezlent pendant toute la vie.

Dans les maladies héréditaires du collagène et du tissuélastique, ce sont essentiellement des défauts de biosynthèse quisont impliqués.

Fibres collagènes

Collagène dans la peau

Le collagène est la protéine la plus abondante du corpshumain, représentant environ 30 % de ses protéines. C’est leprincipal constituant du derme (71,9 % de son poids sec).

Le collagène est essentiel pour les propriétés biomécaniquesde la peau : il assure sa résistance, sa tension et il participe aussià son élasticité.

En microscopie optique, les faisceaux collagènes, plus largeset denses dans le derme réticulaire que papillaire, sont colorésen rose par l’hématoxyline éosine et en jaune-orangé parl’hématoxyline éosine safran (HES). En microscopie électroni-que, ces faisceaux collagènes sont constitués de fibres qui ontune striation périodique régulière.

Différents types de collagèneIl n’y a pas un, mais plusieurs types de collagènes et c’est une

famille nombreuse et hétérogène d’au moins 21 types decollagènes différents (d’autres sont en cours d’individualisation),dont les chaînes a sont codées par 36 gènes différents [3].

Dans la peau, il y a essentiellement des collagènes fibrillaireset ceux qui nous intéressent pour les maladies héréditaires ducollagène sont les collagènes I, III et V.

Le type I, le plus abondant au niveau de la peau où ilprédomine dans le derme réticulaire, sert de type de description.C’est un collagène hétérotrimérique, formé de l’association entriple hélice de deux chaînes a1 (I) identiques (locus chromoso-mique 17q21-q22) et d’une chaîne a2 (I) (locus 7q21-q22).

Le type III se localise au niveau du derme papillaire, maisaussi des parois des vaisseaux et du tube digestif. C’est uncollagène homotrimérique constitué de trois chaînes identiquesa1 (III) (locus 2q24-q33).

Le type V est un collagène minoritaire hétérotrimérique, dontla variété la plus fréquente est formée de deux chaînes a1 (V)(locus 9q34.2-q34.3) et d’une chaîne a2 (V) (locus 2q31). Il estassocié au collagène I dont il régule le diamètre et l’organisationfibrillaire [4]. Dans des modèles murins du syndrome d’Ehlers-Danlos, un collagène homotrimérique a1 (V) qui ne s’associe

pas au collagène I devient prédominant, ce qui ne permet pasle développement d’une matrice extracellulaire et notammentde fibres collagènes normales [5].

Structure du collagène [3, 6] (Fig. 1)

Séquence des acides aminés (AA)

Ils sont incorporés au niveau des ribosomes dans un ordrecaractéristique avec des triplets répétés (..Gly-X-Y..), la glycineétant présente de façon constante, les positions X et Y souventoccupées par la proline et la 4-hydroxyproline, un peu moinsfréquemment par la lysine. La nature de ces AA explique larigidité et la stabilité de la molécule de collagène, par lescontraintes stéréochimiques dues à la structure cyclique de laproline et de l’hydroxyproline et à la compacité de la glycinequi occupe l’espace restreint où les trois chaînes hélicoïdalesviennent au centre de la triple hélice. Les liaisons hydrogènesétablies par les groupes hydroxyl et hydroxyproline entre leschaînes a de la triple hélice interviennent aussi, de même queles modifications enzymatiques de la lysine.

Prochaîne et chaîne �

Avec ses 1500 AA, la prochaîne a est le polypeptide le pluslong produit par les cellules animales. Elle comporte uneextrémité aminoterminale faite de 200 AA, puis la chaîne aproprement dite avec 1000 AA (Gly-X-Y x 333), et une extré-mité carboxyterminale de 300 AA. La chaîne a est enroulée surelle-même en hélice, spiralée vers la gauche avec environ 3 AApar tour.

Triple hélice, molécule de procollagène, moléculede collagène

La triple hélice est formée par l’enroulement en spirale versla droite des trois chaînes hélicoïdales spiralées vers la gauche :deux chaînes a1 (I) et une chaîne a2 (I).

La molécule de collagène est formée seulement de la triplehélice après clivage enzymatique des deux extrémités amino- etcarboxyterminales survenant juste après la sécrétion extrafibro-blastique du procollagène.

Arrangement des molécules de collagène en fibrilleset en fibres

La fibrille de collagène résulte de l’arrangement spatialrégulier des molécules de collagène, disposées en lignes parallè-les avec un décalage (D) régulier, tel que l’extrémité de chaquemolécule d’une ligne est décalée de 1, puis 2, 3, 4, 0 D del’extrémité des lignes voisines. La valeur de D est égale à1/4,4 de la longueur de la molécule de collagène, soit 67 nm.

Ainsi, en microscopie électronique, ces fibrilles de collagèneprésentent une striation caractéristique : une bande claire(0,4 D) alternant avec une bande sombre (0,6 D), ce motifblanc-noir se répétant tous les 67 nm. En section transversale,une fibrille de collagène (45 à 180 nm pour le type I) corres-pond à plusieurs centaines de molécules.

Ce décalage périodique des molécules de collagène dépenddes forces ioniques entre les chaînes d’AA de deux moléculesadjacentes. L’assemblage lui-même et sa solidité sont condition-nés par les modifications enzymatiques de la lysine(cross-linkage).

Les fibrilles ainsi formées s’agencent en faisceaux qui formentà la dimension ultrastructurale les fibres collagènes. Elles-mêmes se groupent en faisceaux de fibres collagènes visualiséspar la microscopie optique.

Biosynthèse du collagène [3, 6]

Synthèse intrafibroblastique

Gènes codant pour les prochaînes �. Ces gènes sont trèslongs : 18 000 paires de bases pour la chaîne pro-a1 (I) et 38 000pour la chaîne pro-a2 (I). Les exons, régions codantes, sontcomposés de 54 paires de bases.

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Une courte « séquence signal » d’AA très hydrophobes permetau polypeptide d’être expulsé dans la cavité du REG. Un mêmefibroblaste peut produire plusieurs types de prochaînes, celles ducollagène I et aussi celles du collagène III.

Assemblage des chaînes pro-� naissantes dans les cavitésdu REG. Les résidus d’hydroxyproline sont hydroxylés par deuxenzymes, les prolyl 4 et 3 hydroxylases, et les résidus de lysinepar la lysyl-hydroxylase avant la formation de la triple hélice.

Puis il y a glycosylation des résidus hydroxylysyl. Les pontsdisulfures lient alors les trois chaînes pro-a qui s’assemblent entriple hélice avec à leur extrémité les propeptides amino- etcarboxyterminaux : c’est le procollagène rigide qui passe ensuitedans les vésicules golgiennes et est exporté dans le milieuextracellulaire.

Synthèse extrafibroblastique

Transformation de la molécule de procollagène en colla-gène par clivage enzymatique des propeptides terminaux. Ceclivage est dû à la procollagène aminoprotéinase et à la procol-lagène carboxyprotéinase et se produit juste après la sécrétionextrafibroblastique.

Autoassemblage des molécules entre elles. Cet assemblageest lié au cross-linkage par processus de désamination oxydativepar la lysyloxydase qui transforme en aldéhydes les résidus de

lysine et d’hydroxylysine La stabilisation de l’assemblage estassurée par des liaisons covalentes intra- et intermoléculaires oùinterviennent encore ces aldéhydes et les résidus de lysine.

Dégradation du collagèneBien que les anomalies de la biosynthèse soient largement

prédominantes dans les maladies héréditaires du collagène, desprocessus de dégradation peuvent intervenir aussi, liés à l’actiondes métalloprotéinases matricielles (MMP).

Fibres élastiquesLes fibres élastiques sont les macromolécules de la matrice

extracellulaire qui permettent l’élasticité/extensibilité du tissuconjonctif. Elles sont présentes dans de très nombreux tissus,mais particulièrement abondantes dans le derme, la paroi desartères et les poumons. Dans ces derniers organes elles ontmarqué un tournant dans l’évolution en apportant un avantagedécisif pour la physiologie des vertébrés.

Histologie des fibres élastiques cutanéesLes fibres élastiques forment un réseau tridimensionnel dans

le derme [7]. La taille, l’épaisseur et la « maturité » des fibresélastiques augmentent de la superficie vers la profondeur de la

- Gly - X - Y - Gly - X -Y - Gly - X - Y -

Séquence des acides aminés

Chaîne alpha

Triple hélice

Molécule deprocollagène

Molécule decollagène

Assemblagedes molécules

Fibrillecollagène

1,4 nm

300 nm

67 nm = D

Syn

thès

e in

traf

ibro

blas

tique

Syn

thès

e ex

traf

ibro

blas

tique

Figure 1. Structure et synthèse du collagène.

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peau. Les fibres les plus superficielles sont présentes dans lederme papillaire, immédiatement sous la jonction dermoépider-mique. Ces fibres fines disposées en candélabre sont dites« fibres oxytalanes ». Elles s’articulent en profondeur, à l’uniondes dermes papillaire et réticulaire, avec des fibres plus grosses,également verticales, appelées « fibres élaunines ». Dans lederme moyen et profond les fibres élastiques sont matures etgrossièrement parallèles à la surface cutanée. Les fibres élasti-ques sont mal visualisées par les colorations usuelles telles quel’HES. Des colorations spécifiques sont nécessaires (orcéine, vanGieson) pour apprécier la morphologie et le nombre des fibres,ainsi que l’intégrité du réseau élastique.

Biochimie, biologie moléculaire et ultrastructure

La composition moléculaire des fibres élastiques est complexeet a fait l’objet de nombreux travaux depuis le début des années1990 [8]. Les molécules principales sont l’élastine qui constituele core central de chaque fibre, ainsi que les fibrillines quicomposent majoritairement les microfibrilles périphériques. Lesfibres oxytalanes et élaunines sont parfois qualifiées de « préé-lastiques » car elles ne sont constituées que de microfibrilles. Enmicroscopie électronique, chaque fibre élastique mature com-prend le core composé d’élastine amorphe et transparent auxélectrons. Le core est recouvert d’un manteau microfibrillairedense aux électrons et donc plus foncé.

La connaissance de la composition antigénique des fibresélastiques ainsi que les étapes moléculaires de leur biosynthèseont considérablement progressé ces 15 dernières années. Plus de20 molécules structurales sont désormais identifiées, associées àautant d’enzymes et à des protéoglycans. Parmi ces derniersl’héparan sulfate pourrait avoir un rôle central [9].

L’élastine est la molécule la plus abondante des fibresélastiques. Il s’agit d’une molécule insoluble remarquablementrésistante à la dégradation enzymatique. Elle est synthétiséesous la forme de tropoélastine soluble après transcription ettraduction d’un gène situé sur le chromosome 7. L’alternance derégions hydrophiles et hydrophobes confère les propriétésélastiques à la tropoélastine. Dans la matrice extracellulaire lesmonomères de tropoélastine s’agrègent entre eux par des pontsintermoléculaires à l’aide de la lysyloxydase (cross linkage), et sedéposent sur les microfibrilles préexistantes [10]. Les fibrilli-nes 1 et 2 sont codées par deux gènes situés respectivement en15q21.1 et 5q23-q3. La fibrilline 1 possède des domainesd’homologie avec le transforming growth factor (TGF) b [11]. Cecirend compte a posteriori de l’association du phénotype Marfanà des mutations dans le gène FBN1 mais aussi dans celui codantun récepteur du TGFb (cf. infra). Les interactions sont parailleurs nombreuses entre fibrillines et voies de signalisation duTGFb. Ces observations biochimiques constituent des pistesd’avenir pour le traitement de la maladie de Marfan. Lesmicrofibrilles sont assemblées sous la forme de faisceauxparallèles qui font également l’objet d’un cross linkage par latransglutaminase. De nombreuses autres glycoprotéines peuventêtre mises en évidence : les émilines, les fibulines, les MAGPs(microfibril-associated glycoproteins), la décorine, ainsi que desglycoaminoglycans : biglycan, versican, héparan sulfate, etc.Parmi ces molécules structurales, certaines permettent l’ancragedes fibres élastiques aux membranes cellulaires et donc l’« orga-nisation » des tissus. Les fibres élastiques sont synthétisées lorsde l’embryogenèse et ne sont renouvelées que de façon margi-nale au cours de la vie.

Physiologie des fibres élastiques

Les fibres élastiques peuvent être comparées à des ressortsmicroscopiques qui se détendent pour assurer la déformabilitérépétée du tissu et le retour à la configuration de départ sansconsommation d’énergie. De ce fait, les fibres élastiquesparticipent avec les autres composants de la matrice à larésilience du derme.

■ Maladies héréditairesprédominant sur les fibrescollagènes

Syndromes d’Ehlers-DanlosCe groupe de maladies héréditaires du tissu conjonctif,

hétérogène sur le plan phénotypique et génétique, est caracté-risé par une hyperélasticité cutanée, une hyperlaxité articulaireet une fragilité tissulaire dont le degré et le groupement sonttrès variables. Ces syndromes d’Ehlers-Danlos (SED) sont liés àdes mutations géniques entraînant des anomalies du collagène.On individualise maintenant six types principaux de SED, lesmutations géniques et le défaut moléculaire qui en résultentétant identifiés pour la plupart d’entre eux [12, 13]. La transmis-sion est le plus souvent dominante autosomique, plus rarementrécessive autosomique ou liée à l’X. Les formes exceptionnelles,parfois décrites sur une seule famille comme l’ancien type V, oud’autonomie douteuse, comme les anciens types VIII, X et XIsont regroupés dans une rubrique « autres types ». L’ancientype IX, allélique du syndrome de Menkes a été exclu.

Historique [14]

Dès 1682, Job Van Meckeren avait décrit l’extraordinairehyperélasticité cutanée qui caractérise les SED. Longtempsl’hyperélasticité cutanée et l’hyperlaxité articulaire sont restéesdes curiosités pour les médecins et un phénomène extraordi-naire du domaine du cirque pour le public. Plus près de nous,on suppose qu’un SED hypermobile expliquait les gambadesinsensées de Valentin le Désossé, immortalisées par Toulouse-Lautrec et la virtuosité de Paganini. Le Danois Ehlers et leFrançais Danlos qui en 1899 et 1908 avaient rapporté desobservations typiques sont devenus les auteurs éponymes. Lanature génétique du SED a été reconnue en 1949 et les mani-festations cliniques ont été attribuées à un défaut de la tramecollagène. L’hétérogénéité génétique a été démontrée dans lesannées 1960 et le premier défaut moléculaire de la biosynthèsedu collagène reconnu en 1972. Les progrès se sont ensuitepoursuivis et l’intérêt très ancien suscité par les SED s’estdéplacé de l’échelle anatomoclinique à la dimension molécu-laire et génique.

La fréquence globale des SED serait de 1/5000 mais il estpossible que certaines formes discrètes soient méconnues, letype classique représentant plus de la moitié des cas pourcertains auteurs alors que pour d’autres, le type hypermobileserait plus fréquent.

Que rechercher à l’examen d’un patient chez quion évoque un syndrome d’Ehlers-Danlos ? [14, 15]

Les SED s’expriment particulièrement au niveau de la peau,des articulations, des vaisseaux, du tractus digestif. Mais lafragilité tissulaire peut intéresser aussi d’autres organes. Lediagnostic est plus ou moins facile et précoce, porté parfois dèsla naissance devant la souplesse et la consistance insolite d’unbébé caoutchouc, ou dans la première enfance devant des signescutanés et articulaires évidents, mais parfois beaucoup plus tard,à l’occasion d’une complication ou à l’examen systématique desmembres d’une famille atteinte. Parfois, c’est à l’occasion d’unproblème obstétrical que la maladie est découverte chez la mèreet suspectée chez son enfant. L’étude des antécédents familiaux,l’examen des autres membres de la famille susceptibles d’êtreatteints, l’élaboration d’un arbre généalogique sontindispensables.

Évaluation de la qualité de la peau

L’hyperélasticité, si évocatrice, motive rarement la consulta-tion. Il est vrai qu’elle n’est pas évidente car le plus souvent, lapeau a un aspect normal. Au toucher, elle est douce, satinée,veloutée, parfois pâteuse. Mais c’est le pincement et la tractionqui révèlent qu’elle se laisse étirer de façon souvent impression-nante (Fig. 2). Relâchée, elle revient aussitôt en positionnormale. C’est une « cutis hyperelastica » et non une « cutis

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laxa ». Chez le sujet âgé toutefois peut apparaître une certaineflaccidité. La zone de référence pour rechercher l’hyperélasticitéest la face antérieure de l’avant-bras, mais elle existe partout, surdes régions où la peau est assez mobile sur les plans profonds,comme les coudes et les genoux, le cou, mais on la trouve aussilà où normalement la peau est peu extensible comme à la faceexterne des jambes. Chez le nouveau-né ou le nourrisson,l’hyperélasticité cutanée peut être difficile à apprécier à cause del’épaisseur du tissu adipeux sous-cutané.

L’élasticité concerne aussi les muqueuses. Ainsi par exemple,le patient touche facilement la pointe de son nez avec le boutde sa langue (Fig. 3). L’absence de frein lingual et labialinférieur a été signalée.

La fragilité cutanée se traduit par de nombreuses cicatricesdans les zones exposées aux traumatismes, genoux, face anté-rieure des jambes, coudes, front. Ces cicatrices sont de mauvaisequalité, d’aspect fripé, très atrophiques comme du papier decigarette (Fig. 4). La fragilité devient évidente dès l’acquisitionde la marche. La peau se déchire largement, même pour unchoc minime, en particulier chez l’enfant au cours des jeux etdu sport. Malgré des sutures soigneuses, les cicatrices onttendance à s’élargir secondairement.

Des ecchymoses multiples et parfois importantes sont fré-quentes et ne doivent pas faire accuser à tort l’entourage desévices corporels (Fig. 5).

Parfois, l’hyperélasticité et la fragilité sont modérées, mais lapeau est fine, laissant apercevoir le réseau veineux, en particu-lier au décolleté et sur l’abdomen (Fig. 6). Les mains et les piedsont un aspect prématurément vieilli (acrogeria), avec une peautrès fine, sèche et flétrie, une disparition du tissu adipeux,laissant les tendons et les veines anormalement visibles (Fig. 7).Ces signes, associés à un faciès caractéristique, sont évocateursd’un SED vasculaire [16].

D’autres signes cutanés peuvent être associés. Certainsrésultent de la résorption d’hématomes : tumeurs, pseudomol-luscoïdes ou plus fermes, lésions papuleuses pseudoxanthoma-teuses, grains nodulaires sous-cutanés (souris hypodermiques),calcifications. D’autres sont directement liés au défaut du tissuconjonctif comme l’élastome perforant de Lutz-Miescher, plusrare, ou les fréquentes papules piézogéniques. Enfin, l’acrocya-nose, compliquée ou non d’engelures a été signalée.

Aspect du visage

En faveur du SED, on peut noter un épicanthus fréquent dansle type classique dans l’enfance et s’atténuant avec l’âge.

Dans le SED de type vasculaire, le faciès est caractéristique,fragile et sérieux, au nez pincé, avec des yeux proéminents, desoreilles sans lobes, des lèvres fines, un petit menton, un aspectémacié des joues avec pommettes hautes [16].

Hyperlaxité ou hypermobilité articulaire et ses complications

L’hyperlaxité est souvent extraordinaire (Fig. 8). On larecherche surtout aux mains et aux poignets, mais elle existe auniveau de toutes les articulations. Beighton a proposé un scorepour la chiffrer et considère qu’au-dessus de 5/9, il y a hyper-laxité (dorsiflexion du petit doigt > 90° : score 1 × 2, flexionpassive des pouces sur l’avant-bras : 1 × 2, hyperextension de

Figure 2. SED. L’hyperélasticité cutanée est impressionnante.

Figure 3. SED. Hyperélasticité des muqueuses. L’enfant touche facile-ment la pointe de son nez du bout de la langue.

Figure 4. SED. Fragilité cutanée. Nombreuses cicatrices atrophiques auniveau du visage.

Figure 5. Fragilité vasculaire cutanée. Nombreux hématomes auxavant-bras et aux jambes. Scoliose. Hernie inguinocrurale.

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plus de 10° aux coudes : 1 × 2, aux genoux : 1 × 2, flexionantérieure du tronc avec les genoux tendus et les paumes desmains au sol : 1) [14].

Si l’hyperlaxité permet, surtout dans le type hypermobile, desperformances acrobatiques, elle est beaucoup plus souvent unhandicap en raison de complications plus ou moins sévères etdans les antécédents de ces patients on note souvent desluxations d’épaule ou de hanche. Les troubles statiques liés àune cyphoscoliose (Fig. 5), à l’affaissement de la voûte plantaire,à un genu recurvatum et/ou valgum sont fréquents [17].

L’instabilité articulaire s’accompagne d’une asthénie muscu-laire avec hypotonie et amyotrophie.

Dans le type cyphoscoliotique, l’hyperlaxité articulaire etl’hypotonie musculaire importantes sont présentes dès lanaissance, comme la cyphoscoliose qui ira en s’aggravant [18].

Fragilité tissulaire

Au niveau des artères viscérales ou musculaires profondes,fragilité et rupture évoquent avant tout un SED vasculaire [16,

19-23]. Cela est parfois le signe de découverte de la maladie, dansle cadre de l’urgence. Il faut y penser chez un sujet jeune devantun tableau d’hémorragie dans les cavités séreuses, de fistuleartérioveineuse, d’hémorragie rétropéritonéale. Ailleurs, onretrouve dans les antécédents la notion de rupture d’une artèrede moyen calibre, dont témoignent des cicatrices chirurgicalesparfois multiples (Fig. 9). La rupture aortique est mortelle enquelques minutes. Cet accident dramatique est parfois retrouvédans les antécédents familiaux chez des adolescents ou desadultes jeunes. Un accident neurologique brutal peut évoqueraussi la rupture d’un anévrisme cérébral, ou une dissection desartères vertébrales ou carotides. Les fistules carotidocaverneusessont responsables d’une symptomatologie moins aiguë aveccéphalées, exophtalmie pulsatile, thrill [24]. Rares chez l’enfantavant 10 ans, ces ruptures artérielles surviennent dans 25 % descas avant 20 ans et dans 80 % avant 40 ans. La médiane dedurée de vie est de 48 ans [21].

Il existe aussi une fragilité des parois abdominales avecsouvent hernies inguinales (Fig. 5) ou ombilicales. Les parois dutube digestif sont fragiles surtout dans le SED vasculaireentraînant méga-œsophage, mégaduodénum, diverticuloseétendue. Mais il faut penser à la rupture digestive, du côlon etdu sigmoïde surtout, devant un tableau abdominal aigu drama-tique [15]. Là encore, il peut exister un antécédent similaireauquel le patient a survécu malgré la gravité de cet accident [22].

Chez l’enfant de sexe masculin, il y a parfois une diminutionde la force du jet urinaire qui doit faire rechercher un ou desdiverticules géants de la vessie pouvant entraîner par leurvolume une compression urétrale [15].

Au niveau pulmonaire, la fragilité tissulaire se manifeste parun pneumothorax, parfois une dilatation des bronches.

Enfin, la fragilité oculaire se traduit par une colorationbleutée des sclérotiques et elle peut aller jusqu’à la rupture duglobe dans le SED cyphoscoliotique [18].

Complications de la grossesse et de l’accouchement

Le conseil génétique est indispensable pour les femmes attein-tes d’un SED, surtout dans le type vasculaire, ou s’il existe desantécédents familiaux, en raison des risques de la grossesse pourla mère et de la possibilité de transmission à l’enfant [15, 22].

Les complications obstétricales dépendent à la fois de la mèresi elle a un SED et de son enfant s’il est atteint. La ruptureprématurée des membranes est fréquente et elle est due à unealtération du collagène de la membrane chorionique du fœtus

Figure 6. SED de type vasculaire. Peau fine laissant voir le réseauveineux sous-jacent.

Figure 7. SED de type vasculaire. Acrogeria chez un garçon de 15 ans,avec aspect prématurément vieilli des extrémités. Peau fine laissant voir leréseau veineux sous-jacent.

Figure 8. SED. L’hyperlaxité articulaire est souvent extraordinaire, enparticulier aux mains et aux pieds.

Figure 9. SED de type vasculaire. Cicatrices chirurgicales multiples liéesà des ruptures artérielles antérieures. Peau fine. Visibilité anormale duréseau veineux.

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atteint. L’accouchement est alors prématuré et rapide. Laprésentation du siège ou de la face est fréquente dans le SEDhypermobile du fait de l’hypotonie de l’enfant. Cette hypotoniepeut être remarquée dès la naissance. Un retard de croissanceintra-utérin est fréquent avec diamètre céphalique normal etcorps rabougri. Dans le SED cyphoscoliotique, la déformationrachidienne est déjà présente, avec des membres de longueurdisproportionnée, marfanoïdes [18].

Chez la mère atteinte, dans tous les types de SED, les dou-leurs pelviennes avec laxité et même subluxation ne sont pasrares, de même que les fausses couches et les hémorragies pré-ou post-partum. L’accouchement par voie basse peut s’accom-pagner d’hémorragies, de déchirure périnéale, d’élargissement del’épisiotomie. Mais c’est dans le type vasculaire que le risque estmaximal pour la mère (12 % de mortalité). L’augmentationvolémique liée à la grossesse est souvent mal supportée sur leplan cardiovasculaire et surtout, il peut y avoir des hémorragiesincontrôlables nécessitant une hystérectomie post-partum et lerisque de rupture artérielle ou digestive est élevé. La césariennene diminue pas les risques. C’est dire que ces femmes doiventêtre suivies dans un centre obstétrical spécialisé, à proximitéd’un service de pathologie néonatale et de réanimation [15].

Examens complémentaires utilesLa biopsie cutanée est souvent peu démonstrative en micros-

copie optique dans les types classique et hypermobile où lediagnostic est avant tout clinique et il n’est donc pas nécessairede l’effectuer.

En revanche, dans le type vasculaire, où là encore le diagnos-tic est essentiellement clinique, la biopsie permet de mieuxobjectiver l’amincissement du derme avec hypoplasie ducollagène dont les faisceaux horizontalisés et grêles manquentde cohésion (Fig. 10). Privés d’un environnement collagènecohérent, les vaisseaux apparaissent béants. L’hypoplasie ducollagène s’étend aux retinacula cutis.

La microscopie électronique de la biopsie cutanée apporte defaçon inconstante des résultats plus précis.

Dans le type classique, l’hypoplasie du collagène n’est pastoujours évidente, mais les fibrilles peuvent avoir un diamètreirrégulier et l’on trouve parfois des fibrilles collagènes géantesen fleur non spécifiques.

C’est dans le type vasculaire que l’on a les résultats les plusnets [19] : l’hypoplasie du collagène est manifeste avec des

fibrilles très raréfiées, de calibre diminué, mal assemblées au seindes faisceaux collagènes, d’aspect ébouriffé. Par rapport àl’hypoplasie du collagène, il peut exister une augmentationrelative des fibres élastiques normales ou effilochées avecréapparition de la structure microfibrillaire. La substancefondamentale est abondante. Mais surtout, les fibroblastes ontparfois un reticulum endoplasmique très dilaté, témoignantd’un défaut de sécrétion du procollagène III, cette rétentionfibroblastique étant rencontrée surtout dans les SED vasculairesacrogériques (Fig. 11). Elle peut aussi être mise en évidence enmicroscopie optique par immunofluorescence [25]. Dans lesparois vasculaires, on retrouve aussi une raréfaction et unediminution impressionnante du calibre des fibrilles collagènes,expliquant la fragilité et les ruptures vasculaires [26].

Dans l’exceptionnel type dermatosparaxis, les aspects enhiéroglyphes des fibrilles collagènes sont très caractéristiques,mais ils peuvent être plus ou moins visibles selon l’orientationde la coupe [27].

Enfin, l’étude du défaut biochimique précis en laboratoirespécialisé nécessite un prélèvement cutané pour disposer d’uneculture de fibroblastes. Cette recherche n’est pas pratiquée pourles types classiques (mobilité électrophorétique anormale duproa1 (V) ou du proa2 (V) très inconstante) et hypermobiles(défaut inconnu) les plus fréquents, en dehors du cadre de larecherche. En revanche, elle peut être demandée pour le typevasculaire [22], en raison de la gravité du pronostic, bien que laclinique soit presque toujours suffisante pour porter un dia-gnostic (recherche d’une anomalie quantitative de la sécrétiondu collagène III et s’il n’y a pas diminution, recherche d’uneanomalie qualitative de la migration électrophorétique desprochaînes) et dans les types plus rares, cyphoscoliotique(dosage de la lysylhydroxylase), arthrochalasique dermatospar-raxique (étude des propeptides aminoterminaux du collagène I).Les résultats sont détaillés dans le Tableau 1 [28-33].

La recherche de mutations géniques n’est pratiquée surprélèvement sanguin que dans le cadre de la recherche. Dans letype vasculaire un diagnostic prénatal est théoriquementpossible pour les familles dont la mutation est caractérisée.

Des examens plus accessibles peuvent dans certains casdonner une orientation :• le dosage sérique de procollagène III est un examen simple

qui peut être retenu en faveur d’un SED de type vasculaire s’ilest abaissé, mais sa fiabilité est discutée [22] ;

• la recherche des cross-linkages de la pyrolidine urinaire et dela déoxypyrolidine est un moyen indirect qui permet d’éva-luer un déficit en lysylhydroxylase dans le SED cyphoscolio-tique. Le test est sensible et spécifique [18].

Bilan général

Le bilan général de ces patients est orienté par le typeclinique.

Figure 10. SED de type vasculaire. Derme aminci. Faisceaux de colla-gène grêles et horizontalisés manquant de cohésion. Vaisseaux béants(coloration HES).

Figure 11. SED de type vasculaire. Fibroblaste rétentionnel avec réticu-lum endoplasmique dilaté (flèches) témoignant d’un défaut de sécrétiondu procollagène III. Hypoplasie du collagène, avec fibrilles grêles etraréfiées (FC). FE : fibres élastiques.

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Tableau 1.Caractéristiques des 6 types de SED.

Classification[12,13] Prévalence Transmission Mutation gène et défaut

biochimiqueCritères majeurs Critères mineurs

SED type classique [15, 28,

29]

(anciens type I graviset type II mitis)

1/20 000 à 1/40 000

(sous-estimation probable)

DA Collagène V

COL5A1COL5A2

50 %

{

COL5A1 allèle nul 25 %

Locus chromosomique

COL5A1 : 9q34.2-q34.3

COL5A2 : 2q31

OMIM

COL5A1 : 120215

COL5A2 : 120190

Hyperélasticité cutanée

Cicatrices atrophiques

Hyperlaxité ligamentaire

Peau douce, velvétique

Pseudotumeurs molluscoïdes

Souris hypodermiques

Acrocyanose, engelures

Complications de l’hyperlaxité articulaire(entorses, luxations, pieds plats, piedsbots), instabilité, douleurs

Hypotonie musculaire

Hématomes faciles

Manifestations de l’hyperextensibilité et dela fragilité tissulaire (hernie hiatale, prolap-sus anal dans l’enfance)

Complications chirurgicales (hernies posto-pératoires)

Prolapsus de la valve mitrale et/ou tricus-pide, dilatation de la racine aortique. Rup-tures artérielles rares

AR Hétérogénéité génétique

Collagène I (très rare) [28]

Tenascin-X Phénotype SED classique mais sans cicatri-ces[30, 31]

Rupture prématurée des membranes si l’en-fant est atteint, prématurité, présentationdu siège, luxation de hanche ou d’épaule.Chez la mère atteinte, déchirure périnéale,prolapsus utérin

SED type hypermobile [17]

(ancien type III hypermobile)

1/5 000 à 1/20 000

(les estimations hautes incluentprobablement des hypermobilitésarticulaires bénignes familiales)

DA Inconnu

(en dehors d’une haplo-insuffisance de la Tenascin-X dansquelques cas) [30]

OMIM : 130020

Hypermobilité articulaire

Score Beighton > 5

Plus marquée chez l’enfant et la femme,diminuant avec l’âge

Haplo-insuffisance de la Tenascin-X : hyper-mobilité articulaire, peau douce, mais pasd’hyperextensibilité cutanée ni d’hématomes

Dg =/= Très fréquente hypermobilité articu-laire bénigne familiale isolée

Peau douce et veloutée avec hyperextensibi-lité modérée ou absente. Pas de fragilité cuta-née, peu ou pas de cicatrices atrophiques

Antécédents familiaux comparables, com-patibles avec transmission dominante auto-somique

Luxations et subluxations articulaires à ré-pétition facilement réductibles

Douleurs chroniques des articulations etdes membres (Dg =/= Sd de fatigue chroni-que)

Ostéoarthrite, ostéoporose

Papules piézogéniques

Hématomes faciles

Troubles fonctionnels digestifs (gastrite,colite)

Hypotension, tachycardie posturale orthos-tatique, dilatation de la racine aortique(1/4 des cas)

Palais haut et étroit, chevauchement den-taire, dysfonction temporomandibulaire

Rupture prématurée des membranes, déli-vrance rapide, hyperlaxité articulaire etdouleurs majorées pendant grossesse

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Tableau 1.(Suite) Caractéristiques des 6 types de SED.

Classification[12,13] Prévalence Transmission Mutation gène et défaut

biochimiqueCritères majeurs Critères mineurs

SED type vasculaire[14-16, 19-23, 32]

(ancien type IV)

1/50 000 à 1/250 000 DA

50 % ont un parentatteint

50 % mutations nouvel-les mais un mosaïcismegerminal chez un parentest possible dans 20 %des cas

Collagène III

Gène COL3A1

320 mutations connues

Locus chromosomique : 2q31

OMIM : 120180

Diagnostic :

- dosage du procollagène III plasma-tique (peu fiable)

- sur culture de fibroblastes (& procollagène III)

- rétention intrafibroblastique duprocollagène III en IF et en micros-copie électronique

- analyse génétique moléculaire :taux de mutation détecté 98-99 %

Peau fine, translucide (visibilité du réseauveineux sous-jacent, décolleté, abdomen)

Fragilité et rupture artérielle (digestive,utérine)

Saignement profus

Faciès caractéristique (nez pincé, yeux pro-éminents, lèvres fines, petit menton, oreillessans lobules)

Acrogeria

Hypermobilité des petites articulations

Luxation congénitale des hanches

Rupture musculaire et tendineuse

Pieds bots

Varices précoces

Fistule artérioveineuses, fistule carotidoca-verneuse

Pneumothorax, pneumohémothorax

Récession gingivale

Histoire familiale évocatrice, mort subitechez des parents proches

SED cyphoscoliotique[18, 33]

(ancien type VI)

1/100 000 RA Déficit en lysylhydroxylase

Gène PLOD1

20 mutations connues

Locus chromosomique 1p36.3-p36.2

OMIM : 153454

Diagnostic : un test urinaire simple

# rapport des liaisons

déoxypyridinoline/pyridinoline

Hyperlaxité articulaire généralisée

Hypotonie musculaire (retard acquisitionmarche, perte de la déambulation dans la 2e ou3e décade)

Cyphoscoliose (présente à la naissance ets’aggravant ensuite)

Fragilité de la sclère

Rupture du globe oculaire (rare)

Peau hyperélastique

Fragilité tissulaire, cicatrices atrophiques(60 % des cas)

Hématomes faciles (50 % des cas)

Rupture artérielle menaçant la vie (3 cas sur10 dans une série)

Prolapsus de la valve mitrale

Dilatation de la racine aortique

Habitus marfanoïde

Microcornée, myopie grave, glaucome etdécollement rétinien

Ostéoporose diffuse marquée

Histoire familiale avec d’autres cas dans lafratrie

SED arthrochalasique[12, 13]

(anciens types VIIa et VIIb)

Très rare(30 cas dans la littérature)

DA

Plus de mutationsnouvelles que de casfamiliaux

Collagène I

Gènes COL1A1 et COL1A2

Skipping de l’exon 6 → défaut de cli-vage du propeptide aminoterminal

Chromosome 17 (COL1A1), 7 (COL1A2)

OMIM : 130060

Diagnostic : étude par électropho-rèse des propeptides aminotermi-naux du collagène I sur cultures defibroblastes

Hypermobilité articulaire généralisée sévère

Subluxations et luxations récidivantes

Luxation congénitale de hanche

Hyperélasticité cutanée

Fragilité tissulaire, cicatrices atrophiques

Hématomes faciles

Hypotonie musculaire

Cyphoscoliose

Ostéoporose modérée

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Tableau 1.(Suite) Caractéristiques des 6 types de SED.

Classification[12,13] Prévalence Transmission Mutation gène et défaut

biochimiqueCritères majeurs Critères mineurs

SED type dermatospa-raxis [15, 27]

(ancien type VII C)

Extrêmement rare

(10 cas dans la littérature)

RA Collagène I

Déficit enzymatique en procolla-gène 1 N- terminal peptidase

Gène ADAMTS2

Chromosome 5

OMIM : 225410

Fragilité cutanée extrême

Peau relâchée et redondante(ressemble à une cutis laxa)

Peau douce, pâteuse

Hématomes faciles

Rupture précoce des membranes

Hernies importantes (ombilicale, ingui-nale)

Autres types de SED [14]

Ancien type V Décrit dans une seule famille R liée à l’X Inconnu

OMIM : 305200

Fragilité tissulaire

Scoliose

Histoire familiale

Ancien type VIII

(autonomie discutée)

Rare DA Inconnu

OMIM : 130080

Mêmes signes que SED classique + friabilitépériodontale

Chute des dents avant 30 ans

Ancien type X Décrit dans une seule famille AR ? Déficit en fibronectine

OMIM : 225310

Hypermobilité articulaire

Cicatrisation difficile

Défaut de l’agrégation plaquettaire

Sd : syndrome.

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Sur le plan cardiaque, une échocardiographie est pratiquée àla recherche d’un prolapsus de la valve mitrale ou tricuspide.Une dilatation de la racine aortique a été rapportée dans lestypes classiques, hypermobiles [34] et cyphoscoliotiques [18]. Ellen’a pas l’évolutivité de celle du syndrome de Marfan, maisnécessite tout de même une surveillance échographique.

Dans le type vasculaire, il faut s’abstenir de toute explorationinvasive qui peut mener à des déchirures artériellesextensives [19-23, 32].

Des radiographies osseuses sont pratiquées pour préciser lesdéformations vertébrales dans le type cyphoscoliotique.

Les autres investigations, notamment radiologiques, sontdemandées en fonction des signes d’appel cliniques.

Caractéristiques des six types

Elles sont détaillées dans le Tableau 1.

Prise en charge des patientsIl n’y a pas de thérapie génique pour les syndromes d’Ehlers-

Danlos, mais les patients peuvent bénéficier de mesures préven-tives ou curatives des signes et des complications de leurmaladie [15].

Pour prévenir les complications liées à la fragilité tissulaire,les traumatismes sont à éviter (jeux et sports violents) ce quin’est pas si facile chez un enfant d’âge scolaire.

Les cicatrices inesthétiques peuvent être reprises chirurgicale-ment, avec une amélioration appréciable si les sutures sont trèssoigneuses. Elles doivent l’être aussi pour un traumatisme récentoù toute plaie doit être suturée.

Sur le plan articulaire, les luxations se réduisent en généralfacilement. Une kinésithérapie adaptée pourrait, en développantles muscles de l’épaule, éviter les récidives [35]. Les interventionsorthopédiques sont possibles, mais la fragilité des tissus favoriseles récidives.

Dans le SED type vasculaire, les ruptures artérielles peuvent seproduire sur n’importe quelle artère, sans que cela soit prévisiblecar ces déchirures artérielles ne sont habituellement pasprécédées d’anévrisme, ni de dilatation de la racine aortique.Une surveillance vasculaire a donc un intérêt discutable. Si onsouhaite la faire, il faut en tout cas qu’elle soit atraumatique, enproscrivant les artériographies par ponction artérielle, suscepti-bles d’occasionner des déchirures artérielles graves [22, 34].L’angiographie veineuse par soustraction, le scanner ou l’ima-gerie par résonance magnétique (IRM) sans injection, l’échogra-phie doivent être préférées. Les traitements préventifs, endehors de la réduction d’une hypertension artérielle qui pourraitfavoriser ces ruptures n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.Des bêtabloquants ont été proposés cependant chez les sujetsatteints de SED vasculaire (étude BREST). Les ruptures artérielleset digestives sont des urgences vitales. Il est souhaitable que lesujet chez qui un SED vasculaire a été diagnostiqué porte unecarte le mentionnant car la chirurgie est alors délicate et ilimporte que le chirurgien le sache pour être le plus atraumati-que possible [22]. Les ruptures digestives sont volontiers récidi-vantes et certains sont allés jusqu’à préconiser une colectomiepartielle ou même totale prophylactique [22].

Conseil génétiqueC’est surtout chez l’adulte jeune en âge de procréer qu’il est

sollicité. Il se base sur le diagnostic du type de SED et son modede transmission, sur l’étude de l’arbre généalogique.

Les formes les plus fréquentes de SED sont dominantesautosomiques, donc avec un risque d’atteinte de 50 % pour ladescendance. Dans les formes les plus graves surtout, et enparticulier dans le type vasculaire, le patient doit être très bieninformé des risques de sa maladie. Chez les femmes ayant unSED vasculaire, toute grossesse est contre-indiquée. Si lagrossesse survient tout de même ou si l’anomalie génique a déjàété identifiée dans la famille, la sévérité des risques peut justifierun diagnostic prénatal, sur les cellules fœtales obtenues paramniocentèse (à 15 à 18 semaines de gestation) ou villositéschoriales (10-12 semaines). L’amniocentèse n’est cependant passans risque chez la femme enceinte atteinte de SEDvasculaire [22].

Pour les rares formes autosomiques récessives, le risque pourla fratrie est de 25 % de sujets atteints et ce sont donc lesparents, plus que le sujet lui-même, qui doivent être avertis dece risque.

■ Maladies héréditairesprédominant sur les fibresélastiques

Pseudoxanthome élastiqueGénéralités

Le pseudoxanthome élastique (PXE, #MIM 264800) est uneaffection héréditaire (autosomique récessive) et systémique dutissu conjonctif [36, 37]. Le PXE est principalement caractérisé parla minéralisation et la fragmentation des fibres élastiques quisont responsables d’un aspect histologique appelé « élastor-rhexie ». Des altérations plus discrètes du collagène et desglycosaminoglycans sont également décrites [38]. Le PXE atteintprincipalement la peau, la rétine, le cœur et les artères. Le PXEa longtemps été considéré comme une affection primitive desfibres élastiques, avec pour gènes candidats les gènes codant lesglycoprotéines structurales ou les enzymes de leur métabolisme.Cela a donc été une surprise lorsque le PXE a été associé augène ABCC6 (ATP-binding cassette subtype C number 6) [39], ungène qui code pour un transporteur membranaire (ABCC6 ouMRP6) principalement exprimé, dans les conditions physiologi-ques, dans le foie et les reins [40]. La (ou les) molécule(s)transportée(s) par ABCC6 demeure(nt) inconnue(s), maisl’association du PXE à un défaut de transport dans des organesconnus pour leur capacité de détoxification soulève des hypo-thèses physiopathologiques radicalement nouvelles. Le PXE estdésormais considéré comme une affection métabolique liée àl’accumulation ou au défaut dans le sérum d’une ou plusieursmolécule(s) responsable(s) de la minéralisation des fibresélastiques à distance des organes déficitaires en ABCC6 [41].

Le PXE est une affection ubiquitaire d’épidémiologie malconnue. Sa prévalence est vraisemblablement sous-estimée(peut-être proche de 1/10 000 naissances) avec une prédomi-nance féminine (2 femmes pour 1 homme). Ce sex-ratio n’a pasencore reçu d’explication satisfaisante. Il existe une très grandehétérogénéité clinique, y compris au sein d’une même famille,en ce qui concerne l’âge de survenue et la gravité des différentesatteintes d’organes. Le pronostic vital est habituellementidentique à celui de la population générale. Une minorité dePXE est indépendante du gène ABCC6 et le PXE est en fait unsyndrome avec plusieurs phénocopies [37].

Présentation clinique

Atteinte cutanée

La lésion élémentaire du PXE est une papule jaunâtre de 1 à5 mm de diamètre. Ces lésions dermatologiques non congéni-tales sont multiples et confluentes, formant des plaques d’aspectpavimenteux (Fig. 12). Les sites cutanés habituellement atteintssont les différentes faces du cou et les grands plis (axillaires,inguinaux, antécubitaux, poplités). Il est rare (mais possible) quel’atteinte cutanée manque. Les lésions latérocervicales sont enrègle les premières à apparaître, entre 8 et 12 ans, mais peuventêtre plus précoces. La partie médiane de la nuque et la faceantérieure du cou sont volontiers respectées pendant lespremières années. L’atteinte des plis commence à l’adolescence.Plus rarement, la peau périombilicale et celle de la face anté-rieure des poignets sont atteintes. Quand les papules élémentai-res ont conflué, la peau peut perdre son élasticité (et nondevenir « hyperélastique »). On observe alors une peau sponta-nément redondante, essentiellement dans les plis axillaires etinguinaux (Fig. 13). La majorité des patients a une surfaceatteinte limitée aux zones bastions précédemment décrites.Rarement, l’atteinte s’étend à la peau adjacente aux plis, sur letronc ou sur les membres. Au maximum, un PXE généralisén’épargnant guère que le visage peut être présent. L’atteinte de

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la partie inférieure du visage a été précisée récemment sous laforme de rides mandibulaires obliques [42]. Cette atteinte est àconnaître : elle permettrait de dépister un PXE chez les sujets demoins de 30 ans avec une bonne spécificité (Fig. 14). L’atteintecutanée du PXE est parfois compliquée de lésions acnéiformes(comédons et/ou papules inflammatoires) sur le cou et la partiehaute du tronc. Rarement, il existe des lésions perforantes duesà l’élimination transépidermique de fibres élastiques dystrophi-ques. Des calcinoses ou des ostéomes sous-cutanés sont excep-tionnels, possiblement « spécifiques » de formes variantes dePXE, avec ou sans anomalies du métabolisme phosphocalcique.

Les papules jaunâtres de PXE peuvent être également obser-vées sur les muqueuses. L’atteinte de la face interne de la lèvreinférieure est la plus fréquente. Plus rarement, le reste de lamuqueuse orale est atteint, mais aussi les muqueuses génitale ouanale.

Une biopsie cutanée est indispensable au diagnostic de PXE.Elle seule permet d’affirmer l’élastorrhexie histologique (critèrediagnostique) (Fig. 15), et d’écarter les divers diagnosticsdifférentiels : autres élastopathies héréditaires ou acquisesprincipalement [36, 37]. La peau des plis, photoprotégée et

indemne d’élastose actinique, doit être préférée. Le fragmentbiopsique doit être coloré par une coloration spécifique desfibres élastiques associée à une coloration de von Kossa qui meten évidence les calcifications. Les lésions histologiques sontpratiquement pathognomoniques : dystrophie des fibres élasti-ques dans le derme réticulaire et moyen associant un réseauélastique désorganisé, des fibres élastiques épaissies, courtes, unaspect de pelotons. Une biopsie cutanée est utile au diagnosticmême en l’absence de lésions cliniquement visibles. Uneélastorrhexie peut être mise en évidence chez des patientssuspects de PXE indemnes de lésions cutanées. Les sitesconseillés pour la biopsie sont alors les zones bastion du PXE,et/ou les cicatrices non hypertrophiques [43]. Des altérationsdermiques sont également décrites à l’échelle ultrastructurale :les fibres élastiques, en peau lésée ou non, comprennent destrous et des zones denses aux électrons (Fig. 16, 17) ; elles sontrecouvertes d’un manteau microfibrillaire anormalementorganisé. À proximité des fibres élastiques pathologiques lesfibres de collagène peuvent être également irrégulières etdystrophiques avec, parfois, un aspect de fleur [38]. Toutefois laspécificité de ces altérations est faible, et la biopsie cutanée pourmicroscopie électronique ne doit pas être réalisée en routinepour le diagnostic, qui pourrait alors être porté par excès.

L’atteinte cutanée n’a pas de gravité mais le préjudiceesthétique peut être important, en particulier en cas d’atteintecervicale sévère ou d’atteinte généralisée. Une correctionchirurgicale peut être proposée, mais les divers traitements(excisions de peau excédentaire, liftings, injections de comble-ment) et la stratégie thérapeutique ne sont pas validés [44, 45].Les lésions acnéiformes sont sensibles aux antiacnéiquesclassiques, topiques ou généraux (expérience personnelle).

Figure 12. PXE. Lésions latérocervicales et du décolleté. Papules jaunâ-tres confluentes.

Figure 13. PXE. Peau redondante axillaire.

Figure 14. PXE. Rides mandibu-laires précoces chez un homme de30 ans.

Figure 15. PXE. Fibres élastiques épaissies et fragmentées et calcifiéesdans le derme réticulaire (coloration HE).

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Atteinte ophtalmologique

Il existe également des fibres élastiques dans les yeux, enarrière de la rétine et en avant de la choroïde dans une finetunique appelée membrane de Bruch. Au cours du PXE ces fibresélastiques se calcifient et la membrane de Bruch se déchire,spontanément ou à la faveur de traumatismes, réalisant les striesangioïdes visibles à l’examen du fond d’œil sous la forme delignes grisâtres irradiant de la papille (Fig. 18). La ressemblancegrossière des stries avec les vaisseaux rétiniens explique lequalificatif d’« angioïde ». Une angiographie est le plus souventutile pour préciser le trajet des stries [46]. Celles-ci ne sont pasen elles-mêmes responsables de symptômes visuels. En revan-che, à travers elles peuvent proliférer des néovaisseaux dont laparoi est fragile (Fig. 19). La seule présence des vaisseaux, ou afortiori leur rupture responsable de saignements intraoculaires,entraîne un syndrome maculaire : métamorphopsies (visionfloue ou déformée), amputation du champ visuel (scotome

central). L’atteinte ophtalmologique est inconstante mais desurvenue et d’évolution imprévisibles. Les hémorragies rétinien-nes sont responsables de cicatrices disciformes atrophiquesmaculaires et d’une amputation habituellement définitive de lavision centrale avec cécité légale. Les traitements ophtalmologi-ques sont peu efficaces, justifiant une prévention. La photothé-rapie dynamique proposée par analogie avec la dégénérescencemaculaire liée à l’âge donne des résultats inconstants.

Atteinte cardiovasculaire

Les parois artérielles, riches en fibres élastiques, sont égale-ment atteintes au cours du PXE, entraînant une artérioscléroseprécoce avec rétrécissement des lumières des artères de moyenet petit calibres. Le caractère lentement progressif du processusautorise le développement d’une circulation collatérale efficace,qu’il faut favoriser, et explique l’inconstance des symptômesd’insuffisance artérielle dans les divers territoires : coronarien,cérébral, digestif et membres. Deux types de manifestationscliniques peuvent toutefois être observés :• des manifestations ischémiques avec artérite de deux ou

quatre membres, et/ou angine de poitrine ou angor digestif.L’absence des pouls périphériques est fréquente et précoce.Elle devrait suggérer le diagnostic de PXE chez le sujet jeune,surtout en l’absence de facteurs de risque cardiovasculaire.L’insuffisance coronarienne est rare, mais a été décrite dèsl’enfance ou l’adolescence ;

• des manifestations hémorragiques de mécanisme mal connuet de fréquence possiblement surestimée. Certains auteurs ontsuggéré que les saignements pourraient survenir par défaut de

Figure 16. PXE. Aspect ultrastructural chez une enfant de 11 ans. Descalcifications sont déjà présentes sous forme d’un liseré dense aux élec-trons (flèche noire) dans la fibre élastique dont on voit le contour (flèchesblanches) avec des zones plus foncées (têtes de flèches blanches). Fibrillescollagènes géantes (flèches courbes) en coupe longitudinale.

Figure 17. PXE. Importantes calcifications avec aspect de zones densesaux électrons (têtes de flèches noires) et de trous (têtes de flèchesblanches) au niveau d’une fibre élastique, dont on voit le contour (flèchesnoires).

Figure 18. PXE. Stries angioïdes au fond d’œil.

Figure 19. PXE. Prolifération vasculaire. Oblitération presque complètede la macula par un néovaisseau conduisant à une cécité centrale.

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vasoconstriction sous-muqueuse [36]. La source des saigne-ments peut être difficile à trouver et poser des problèmesthérapeutiques.Il faut rappeler qu’il n’existe pas de fragilité pariétale vascu-

laire au cours du PXE, et que les gestes diagnostiques avecponction artérielle, ou les gestes thérapeutiques sont tout à faitréalisables.

L’atteinte cardiaque est rare au cours du PXE. Le plus sou-vent, c’est en fait une atteinte coronaire, donc vasculaire.Cependant, l’association significative à des valvulopathies, enparticulier à un prolapsus valvulaire mitral est probable. Unecardiomyopathie restrictive « spécifique » a été décrite ; elle estexceptionnelle [47]. Des anomalies de la relaxation diastoliqueont également été mises en évidence. Elles pourraient rendrecompte de la dyspnée d’effort occasionnellement décrite par lespatients PXE.

Autres manifestationsDes fibres élastiques sont en fait présentes dans un très grand

nombre d’organes et de tissus. Il a été montré que des altéra-tions ultrastructurales des fibres étaient présentes au cours duPXE dans la majorité de ces sites. Toutefois, il semble que seulsles organes riches en fibres élastiques soient responsables desymptômes. Le poumon est une exception remarquable pourlaquelle il n’existe pas d’explications. Des calcifications mam-maires sont visibles sur les clichés de mammographies [48]. Ellesne posent en règle guère de problèmes de diagnostic différentielavec les microcalcifications des cancers mammaires, et lesfemmes ayant un PXE peuvent être aisément rassurées. Demême des calcifications rénales et testiculaires semblentfréquentes.

La majorité des grossesses et des accouchements se déroulentnormalement au cours du PXE [49]. La fréquence des hémorra-gies utérines abondantes du post-partum a été largementsurestimée par un biais de publication de cas cliniques.

Diagnostic et prise en charge

Diagnostic positifPour la pratique clinique, le PXE peut être défini par l’asso-

ciation d’une élastorrhexie dermique histologique (avec ou sanslésions cutanées cliniquement visibles) et de stries angioïdes(compliquées ou non) [36, 37]. Pourtant, de nombreuses excep-tions ont été décrites depuis que le génotypage ABCC6 estdisponible. La classification publiée en 1994 [50] est rendueobsolète par les progrès de la génétique moléculaire et nedevrait plus être utilisée.

Prise en chargeLa prévention et le traitement des complications du PXE ne

sont pas codifiés. Le dépistage des individus qui vont présenterdes complications ophtalmologiques ou cardiovasculaires estimpossible à ce jour. L’intérêt d’un régime pauvre en calciumrapporté dans une seule étude à la méthodologie discutable [51]

n’a jamais été confirmé et ne doit pas être recommandé.Récemment Sherer et al. ont montré l’efficacité modeste d’unchélateur de phosphate sur l’amélioration des lésions cuta-nées [52]. Ce travail, même s’il n’est ni standardisé ni contrôlé,constitue la première démonstration d’une efficacité possibled’un traitement médical des lésions cutanées de PXE. L’exten-sion des stries angioïdes et la survenue d’hémorragies rétinien-nes peuvent être prévenues dans une certaine mesure parl’éviction des traumatismes facio-orbitaires (sports de balle ou decombat). La prise en charge des facteurs de risque cardiovascu-laire doit être optimale : arrêt du tabagisme, maintien de laglycémie, de la cholestérolémie et de la triglycéridémie dans lesnormes, contrôle de la pression artérielle. L’utilisation del’aspirine, d’autres antiagrégants ou d’anticoagulants estdéconseillée en raison du risque de saignement viscéral, et doncd’un rapport bénéfice/risque possiblement défavorable. Cettecontre-indication n’est en fait que théorique car les saignementssont très inconstants au cours du PXE et semblent plutôtsurvenir à un âge précoce (avant 35 ans). Une prédispositiongénétique est possible. Le dosage de l’INR doit être systématiqueau cours du PXE pour dépister les porteurs de mutations du

gène GGCX chez qui le risque de saignement est plus impor-tant. Si un traitement par une molécule facilitant le saignementest prescrit (prévention secondaire ou tertiaire d’une complica-tion ischémique), le patient doit être informé du risque hémor-ragique. Le traitement des complications cardiovasculaires estsymptomatique ; la chirurgie de l’artérite n’est que rarementpossible en raison d’une atteinte distale fréquente.

Biologie moléculaire et génétique clinique

Gène « ABCC6 »

La majorité des cas de PXE est associée à des mutations dugène ABCC6. Ce gène est situé sur le bras court du chromo-some 16 (16p13.1). ABCC6 appartient à la superfamille destransporteurs ABC qui codent pour des protéines capables detransporter des molécules très diverses (ions, lipides, mais aussidrogues de chimiothérapie) en consommant de l’adénosinetriphosphate (ATP). ABCC6 comprend 31 exons séparés par30 introns. Plus de 150 mutations responsables du PXE sontdécrites sur toute la longueur de ce gène [53-55]. Tous les typesde mutations sont représentés : délétions d’un ou plusieursexons, voire du gène tout entier, mutations ponctuelles fauxsens ou non-sens, décalage du cadre de lecture. Quelquesmutations sont récurrentes : délétion des exons 23 à 29,mutation non-sens R1141X, mais il n’existe pas de véritablespoints chauds de mutations. La majorité des mutations est« privée », c’est-à-dire décrite dans une famille unique ou untout petit nombre de familles. L’ARN messager de ABCC6 estprincipalement présent dans le foie et le rein chez le sujetindemne de PXE [39].

Protéine ABCC6

Ce transporteur comprend 1503 acides aminés, avec17 domaines transmembranaires regroupés en trois segments etdeux sites de fixation de l’ATP. La ou les molécules transpor-tée(s) par ABCC6 demeure(nt) inconnue(s). La majorité desmutations est responsable d’une absence complète du transpor-teur ou d’une troncation avec abolition de la fonction. ABCC6 aété localisé en immunohistochimie au pôle basolatéral deshépatocytes et des cellules des tubes contournés proximaux [40].

Transmission du PXE

Avant l’identification de ABCC6 comme le gène du PXE, uneclassification décrivait plusieurs « types » de PXE de transmis-sion récessive ou dominante [50]. Les travaux menés par lesdifférentes équipes intéressées par la génétique moléculaireconcordent pour reconnaître que le PXE est exclusivementautosomique récessif [54, 56]. Toutes les familles « dominantes »étudiées sont en fait pseudodominantes, c’est-à-dire que lesenfants étaient conçus par un parent atteint et un parenthétérozygote asymptomatique [54, 56]. Cette situation n’est pasexceptionnelle en raison d’une fréquence élevée des hétéro-zygotes dans la population générale [37, 57].

Corrélation génotype/phénotype

Aucune corrélation entre la gravité du PXE et la position oula nature des mutations de ABCC6 n’a pu être établie [53, 55]. Ladétermination des mutations n’a donc pas d’intérêt pour lapratique clinique de routine.

Épidémiologie et fréquences alléliques

La prévalence du PXE n’est pas connue avec certitude. Elle esten tout cas très supérieure à celle estimée dans les traités degénétique ou de dermatologie jusque dans les années 1990 !L’association de patients américains PXE International avaitestimé la prévalence du PXE à 1/25 000 en Nouvelle-Angleterre.Ce chiffre était associé à une prévalence des hétérozygotes à1/80 environ. Récemment, une étude épidémiologique hollan-daise a montré que la fréquence de la seule mutation R1141Xétait de 0,76 % dans la population générale [57]. La connaissancede la haute prévalence des hétérozygotes est importante car ellepermet de réaliser que le PXE (défini par l’existence de deuxmutations de ABCC6) est beaucoup plus fréquent qu’on ne lecroyait, et que vraisemblablement une proportion significative

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des porteurs de deux mutations ne développent pas un phéno-type PXE. Par ailleurs, il existe chez certains hétérozygotes desmanifestations cliniques [57, 58]. La majorité des hétérozygotes aun phénotype histologique intermédiaire entre la normalité etle PXE [59, 60].

Conseil génétique

Le PXE est autosomique récessif. Le risque d’un deuxièmeenfant atteint dans une fratrie est donc de 1/4 indépendam-ment du sexe. En pratique clinique toutefois la question poséeconcerne plutôt le risque de transmission à la descendance pourun sujet porteur d’un PXE. Compte tenu du caractère récessif dela maladie, la transmission est fonction de la prévalence del’hétérozygotie dans la population générale. Globalement, cerisque de transmission peut être évalué entre 1/66 et 1/160 [37].

Physiopathologie

Différentes observations biologiques ont été faites avant ladécouverte de la responsabilité du gène ABCC6 dans la survenuedu PXE. La synthèse et la vitesse de dégradation de l’élastinesont augmentées au cours du PXE. Les fibres élastiques PXE sontminéralisées en raison de l’incorporation de diverses moléculesaffines pour le calcium au cours de leur biosynthèse [61]. Cesmolécules sont des antigènes structuraux des fibres élastiques(vitronectine, fibronectine) présents en plus grande quantité, oudes antigènes anormalement présents (sialoprotéine osseuse,ostéonectine). Ces dernières sont habituellement impliquéesdans le métabolisme osseux.

Après l’association de la maladie au gène ABCC6, une ques-tion essentielle demeure : quel est le lien entre l’absence ou ledéficit fonctionnel d’un transporteur principalement exprimédans des organes ayant des capacités de détoxification et laminéralisation des fibres élastiques à distance ? L’« hypothèsemétabolique » suggère que le PXE est médié par le sérum. Derécents arguments expérimentaux soutiennent cette hypothèse.Ainsi, l’assemblage des fibres élastiques synthétisées par desfibroblastes cultivés en présence de sérum de patients PXE estanormal [41].

Même si la majorité des cas de PXE est associée au gèneABCC6, le PXE est un syndrome avec des causes multiples. Uneproportion notable de patients grecs ayant une thalassémie bêtadéveloppe un PXE en tout point semblable au PXE classique [62,

63]. Les seules différences concernent la survenue plus tardivedans la vie... et l’absence de mutations de ABCC6 chez cessujets [64]. Par ailleurs, certains sujets présentent un PXE cutanétrès sévère associé à des stries angioïdes et à une athéromatosenon compliquées, ainsi qu’à des anomalies de la coagulation(déficit en facteurs vitamine K dépendants). Ces patients PXEn’ont pas non plus de mutations dans ABCC6 [65].

Cutis laxaNosologie et biologie moléculaire

Les cutis laxa (CL) constituent un groupe d’affections hérédi-taires rares ayant en commun la présence d’une peau lâche,ayant perdu son élasticité et spontanément redondante, ainsiqu’un aspect de vieillissement prématuré. Les CL sont hétérogè-nes par la gravité de leurs atteintes viscérales et leur mode detransmission. Trois groupes ont été individualisés sur la base dela transmission génétique : un groupe de CL autosomiquesdominantes, un groupe de CL récessives liées au chromosomeX et un groupe de CL autosomiques récessives. Dans tous lescas, les protéines mutantes désorganisent l’architecture desfibres élastiques. Les CL autosomiques dominantes sont depronostic relativement bénin et certains cas ont été associés àdes mutations du gène de l’élastine [66].

Les CL liées à l’X sont associées à des mutations du gèneATPA7 et à des anomalies du transport du cuivre [67]. Les CLautosomiques récessives sont très hétérogènes avec deux typescaractérisés dits 1 et 2, des formes variantes et syndromiques,c’est-à-dire en association avec d’autres anomalies morphologi-ques ou de développement : syndrome de Costello (frappant parla prédominance de la CL sur les paumes et plantes), syndromede Cantu, syndrome de De Barsy ou autres [68, 69]. Le type 1 est

associé à des mutations dans le gène codant la fibuline 5 [70, 71].Le type 2 est associé à des mutations du gène de la lysyloxy-dase [72]. Certaines CL autosomiques récessives ont été associéesà des anomalies de la laminine bêta-1 [73], de la glycosylationdes protéines matricielles [74] ou de la fibuline 4 [75]. Enfin,signalons que la survenue d’une CL acquise, postinflammatoire,paraît être sous-tendue dans certains cas par l’existence demutations dans les gènes de l’élastine et de la fibuline 5 [76].

Présentation clinique

Atteinte cutanée commune : peau redondante et aspectde vieillissement prématuré

Les CL ont en commun, et par définition, une peau lâcherelativement superposable d’un type à l’autre. Cet aspectclinique est suffisamment caractéristique pour faire évoquer lediagnostic. La peau est diffusément flasque et redondante, enparticulier au niveau du visage qui prend dès la premièreenfance un aspect prématurément « âgé » et triste du fait del’affaissement des téguments (Fig. 20). Toutefois, dans tous lescas c’est la sévérité des atteintes viscérales qui conditionne lepronostic des CL [77].

Cutis laxa autosomiques dominantes (#MIM 123700)Leur fréquence est inconnue. Les manifestations cutanées

sont assez tardives. L’atteinte viscérale est absente ou bénigneavec des lésions pulmonaires (emphysème, bronchectasies,sténose de l’artère pulmonaire), des hernies digestives, desprolapsus génitaux. L’espérance de vie de ces patients estconsidérée comme grossièrement identique à celle de la popu-lation générale, même si des cas d’anévrismes ou de rupturesaortiques et d’emphysème pulmonaire sévère ont été rapportés.Le diagnostic différentiel avec les CL acquises peut être difficile.

Cutis laxa liées à l’X (#MIM 304150)Cette variété de CL est identique à l’ancien syndrome

d’Ehlers-Danlos de type IX et à une variante de bon pronosticde la maladie de Menkes. Cet exemple illustre les difficultésnosologiques des affections héréditaires du tissu conjonctif.Outre la CL, il existe une dysmorphie faciale et thoracique, desexostoses, des carotides sinueuses, des sténoses artériellesintracrâniennes, des sténoses et des diverticules du tractusurinaire, une hyperlaxité articulaire. Le quotient intellectuel estbas.

Cutis laxa autosomique récessive de type 1 (#MIM 219100)Il s’agit vraisemblablement de la forme la plus grave de CL.

L’atteinte cutanée est très précoce dans la vie, habituellementassociée à un retard de croissance intra-utérin puis à une petitetaille, et éventuellement à une dysmorphie faciale, des défor-mations thoraciques et rachidiennes, ainsi qu’un retard mental.La gravité est liée aux atteintes pulmonaires (emphysèmeprécoce, pneumothorax), digestives et urologiques (hernies,diverticules) ou vasculaires (artères sinueuses et ectasiques).

Cutis laxa autosomique récessive de type 2 (#MIM 219200)Elle associe aux lésions cutanées, particulières par le respect

du visage mais l’atteinte des paumes et plantes, un retard de

Figure 20. Cutis laxa chez une enfant de 8 ans.

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croissance et intellectuel ainsi qu’une dysmorphie faciale (bossesfrontales), des caries nombreuses, une hyperlaxité ligamentaire,une dislocation des hanches. La similitude avec le « syndromede la peau fripée » est discutée [78].

Autres CL syndromiques autosomiques récessives

Le syndrome de De Barsy [79] associe une CL à une progeriaatypique avec nanisme, retard mental, hypotonie, hyperlaxité etopacités cornéennes. Il n’y a pas de lésions gastro-intestinalesou urologiques. L’étiologie moléculaire est encore inconnue.

Diagnostic et prise en chargeSi le diagnostic est aisé à suspecter, la confirmation de la CL,

surtout de son type et donc de son pronostic, est difficile et doitêtre confiée à une équipe multidisciplinaire connaissant bien cetype de pathologie. La biopsie cutanée n’est pas indispensableau diagnostic. Si elle est pratiquée, elle montre une élastolysedermique avec absence de fibres élastiques matures. La micros-copie électronique confirme au niveau des fibres élastiques lararéfaction de l’élastine et seule la charpente microfibrillaire estvisible (Fig. 21). Le diagnostic moléculaire est du domaine de larecherche. Il n’est pas toujours réalisable, mais peut, danscertaines familles informatives, permettre un diagnostic anténa-tal. La recherche des complications viscérales est systématiqueet régulière.

Principes du traitement

Des corrections chirurgicales itératives sont volontiersnécessaires pour limiter l’aspect de vieillissement prématuré, enparticulier au niveau du visage. Des injections de toxinebotulique ont été pratiquées dans quelques cas, avec desrésultats positifs transitoires.

Les atteintes viscérales relèvent d’une prise en charge haute-ment spécialisée et multidisciplinaire. Celle-ci est le plussouvent symptomatique.

Syndrome de Buschke-Ollendorff (SBO)Individualisée par ces auteurs en 1928, cette affection de

transmission dominante autosomique associe des lésionscutanées à une ostéopœcilie. Ce syndrome est considéré commeassez rare, environ 400 cas dans la littérature, mais il est trèsprobable que d’autres cas ne sont pas publiés ou passentinaperçus, car il y a peu de retentissement clinique.

Lésions cutanéesDécrites sous le nom de dermatofibrose lenticulaire dissémi-

née par les auteurs éponymes, elles se présentent sous forme depetites papules de la couleur de la peau ou à peine jaunâtres, deforme ovalaire, orientées selon les lignes de tension cutanée(Fig. 22). Les lésions sont souvent regroupées en placards,

prédominant au niveau de la face postérieure des cuisses, desfesses, de l’abdomen. Parfois très discrètes et réduites à quelqueséléments, décelables seulement par un examen attentif, ceslésions peuvent être ailleurs très profuses, mais en principen’affectent jamais le visage. Quand elles sont jaunâtres, pseu-doxanthomateuses, ces papules pourraient évoquer celles d’unPXE, mais ici les plis ne sont pas la zone de prédilection et iln’y a pas de relâchement cutané.

La biopsie (Fig. 23) montre dans le derme réticulaire uneaugmentation focale importante et un épaississement des fibresélastiques. Mais leur aspect rubanné, anastomosé en « bois decerf », sans cassures, est tout à fait différent de celui observédans le PXE. La microscopie électronique (Fig. 24) confirmel’augmentation considérable des fibres élastiques, de structureanormale, avec une élastine très abondante contrastant avec larareté des microfibrilles [80]. Cette élastine exubérante qui n’estplus maintenue par son armature microfibrillaire s’étale en toutsens, conférant aux fibres leur aspect bourgeonnant et anasto-motique très spécifique. Il y a aussi des anomalies associées ducollagène avec de nombreuses fibrilles géantes en fleur. Lescultures de fibroblastes confirment l’augmentation importantede la production d’élastine, avec une élévation concomitante deTGFb1, puissant stimulateur de cette production [81].

Ostéopœcilie

Elle est asymptomatique et n’est mise en évidence que sur desclichés radiologiques systématiques et elle est encore mieuxvisualisée par la tomodensitométrie ou la résonance magnétiquenucléaire [82]. Ce sont de petits foyers d’ostéocondensation demoins de 1 cm de diamètre qui prédominent aux épiphyses desos longs et au niveau du bassin et sont orientés selon les lignes

Figure 21. Cutis laxa. Aspect ultrastructural. La fibre élastique (FE) necomporte que très peu d’élastine et est réduite à sa charpente microfibril-laire (collection du Pr. Paulette Bioulac-Sage).

Figure 22. Syndrome de Buschke-Ollendorff. Dermatofibroselenticulaire.

Figure 23. Syndrome de Buschke-Ollendorff. Dans le derme réticulaire,nombreuses fibres élastiques d’aspect rubanné, ramifiées en « bois decerf ».

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de pression et de traction, en particulier au croisement de ceslignes. La profusion est variable. Le substratum histologique estun épaississement des travées osseuses plus marqué en périphé-rie qu’au centre de ces îlots.

Ces lésions sont à différencier d’avec des métastases ostéo-blastiques quand on fait le bilan d’extension d’un cancer chezun patient atteint d’un syndrome de SBO.

Chez certains patients et notamment dans la famille de sujetsayant un SBO manifeste on peut trouver des formes incomplè-tes, cutanées pures (élastome juvénile de Weidman, élastor-rhexie papuleuse, nævus élastique familial) ou osseuses isoléesavec une ostéopœcilie isolée ou plus rarement unemélorhéostose.

Sur le plan génétiqueIl a été montré que ces diverses manifestations étaient

alléliques, et des mutations hétérozygotes, conduisant à uneperte de fonction de LEMD3 (appelé aussi MAN1), le gène quicode pour une protéine de la membrane interne du noyau, ontété récemment mises en évidence dans le SBO [83]. On lesretrouve aussi dans l’ostéopœcilie isolée et dans la mélorhéos-tose, mais seulement si celle-ci est associée au SBO et pas dansles cas sporadiques. Un phénomène d’haplo-insuffisance, où ily a 50 % de la perte de fonction, fait apparaître le phénotypepathologique. La fonction de la protéine codée par LEMD3 n’estpas encore exactement connue, mais elle semble inhiber lessignaux de transduction intracellulaire médiés par BMP etSMAD, cette dernière voie dépendant de l’activation desrécepteurs au TGFb3 et à l’activine [83, 84].

La prise en charge de ces lésions asymptomatiques est limitéeà une explication du phénotype aux patients. Aucun traitementn’est nécessaire.

■ Maladies héréditairesprédominant sur les microfibrilles

Syndrome de MarfanBien que l’atteinte cutanée y soit habituellement discrète et

ne fasse pas partie des critères majeurs, il est traditionnel detraiter ici le syndrome de Marfan (SdM) en tant que maladiehéréditaire du tissu conjonctif. De plus, les dermatologues sontassez souvent consultés par d’autres spécialistes pour rechercherdes arguments en faveur de ce diagnostic surtout quand lemorphotype n’est pas évident.

Décrit il y a plus de 100 ans par le pédiatre français Marfan,ce syndrome est actuellement mieux reconnu et son incidenceest de 2 à 3/10 000 dans les estimations les plus récentes. Latransmission est dominante autosomique, mais 25 % des cas

sont sporadiques liés à des mutations de novo. L’allongementosseux, l’ectopie du cristallin et surtout l’anévrisme de la racineaortique avec son risque de dissection qui conditionne lepronostic vital constituent la triade caractéristique. Celui-ci s’estbeaucoup amélioré avec la chirurgie précoce de la dilatationaortique et actuellement l’espérance de vie, autrefois de moinsde 40 ans, rejoint presque celle de la population générale. LeSdM a bénéficié des progrès de la génétique et de la biochimie.Il est majoritairement lié à des mutations du gène de lafibrilline 1. La dysrégulation de TGFb apporte un éclairagepathogénique nouveau au SdM et peut-être un espoir thérapeu-tique pour l’avenir avec les anti-TGFb.

Les critères majeurs et mineurs sont rappelés dans leTableau 2 [85].

Seule la triade caractéristique et l’atteinte cutanée sontdétaillées ci-dessous, les autres manifestations figurant dans letableau.

Croissance excessive des os longsElle confère à ces patients un morphotype très particulier

évocateur au premier coup d’œil [85]. Souvent de haute stature,avec l’allure d’Abraham Lincoln, qui on le suppose avait unSdM, ils ont cependant un aspect fragile avec leurs membresgrêles et démesurément longs (dolichosténomélie) (Fig. 25),leurs mains expressives et décharnées aux doigts arachnéens(arachnodactylie) (Fig. 26), leurs pieds tout en longueur, leurthorax étroit, déformé en carène ou en pectus excavatum, leurscoliose souvent sévère (Fig. 25), leur hypoplasie et leurhypotonie musculaire.

L’atteinte du squelette est un élément essentiel pour lediagnostic et il faut confirmer la suspicion de SdM par larecherche des critères précis listés dans le tableau. Les mensura-tions montrent que l’envergure est légèrement supérieure à lataille (rapport de plus de 1,05), que le rapport segmentsupérieur/segment inférieur du corps est diminué. L’arachno-dactylie est objectivée par le signe du pouce (signe de Steinberg)dont toute la phalange distale dépasse le bord cubital de lamain quand le poing est fermé (Fig. 27) et par le signe dupoignet (signe de Walker-Murdoch) où les phalanges distales dupouce et du 5e doigt se croisent complètement quand les doigtsenserrent le poignet controlatéral. La protrusion acétabulaire,asymptomatique chez le sujet jeune est recherchée par radiogra-phie. Bien qu’une hypermobilité articulaire modérée soithabituelle, il existe fréquemment une réduction de l’extensiondes coudes et parfois même une contracture des doigts(camptodactylie).

Atteinte oculaireL’atteinte oculaire est caractérisée par l’ectopie du cristallin.Cette ectopie, liée à une altération des fibres zonulaires se fait

habituellement vers le haut, plus rarement vers le bas. Elle serencontre dans 60 % des SdM et peut se compliquer d’unesubluxation antérieure ou postérieure aux conséquences gravespour la vision.

D’autres anomalies oculaires sont fréquentes et certainespeuvent elles aussi compromettre la vision (myopie sévère,décollement rétinien).

Anévrisme aortiqueAvec son risque de dissection et de rupture, il fait toute la

gravité du SdM. L’anévrisme intéresse la partie ascendante del’aorte, depuis la racine aortique au niveau des sinus de Val-salva, où la dilatation est plus marquée. Il débute le plussouvent à l’adolescence, parfois dans l’enfance et dans lesformes les plus graves, on peut même déjà constater unedilatation au niveau des sinus de Valsalva in utero, alors qu’àl’opposé, certains sujets atteints d’un SdM authentique n’aurontjamais une dilatation suffisante pour justifier une interventionchirurgicale. Dans tous les cas, une surveillance échographiqueest indispensable et chez l’adulte, on considère, après laconférence de consensus de la Société canadienne de cardiologiede 2001 [86] que pour éviter la dissection et la rupture, lachirurgie s’impose si le plus grand diamètre aortique est

Figure 24. Syndrome de Buschke-Ollendorff. Fibre élastique (FE) dontl’élastine très abondante n’est plus maintenue par la charpente microfi-brillaire, d’où l’aspect bourgeonnant et anastomotique des contours de lafibre. Au pourtour, nombreuses fibrilles collagènes géantes en « fleur »(flèches).

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supérieur à 55 mm ou 50 mm pour les patients ayant desantécédents familiaux de dissection aortique. La rapidité deprogression de la dilatation est aussi un élément décisif. Unelarge étude [87] a montré sur 113 hommes et 108 femmesatteints de SdM que l’augmentation était rapide chez 15 % deshommes (1,5 mm par an) et 11 % des femmes (1,8 mm par an).Le risque de dissection est beaucoup plus élevé chez ces sujetsque si la dilatation est lente (25 % versus 4 %). Les auteurspensent qu’il faut tenir compte aussi des différences du calibreaortique liées au sexe et prendre la décision chirurgicale chez lafemme pour une dilatation plus faible de 5 mm que chezl’homme, d’autant que le risque de dissection est plus élevéchez elle (dissection chez 4 hommes et 9 femmes dans leursérie). Un âge plus élevé, une hypertension artérielle, unerégurgitation aortique importante sont des éléments favorisantune dilatation aortique rapide au niveau des sinus deValsalva [88].

Chez l’enfant avant 12 ans, les critères conduisant à ladécision opératoire sont moins bien définis et il faut rapporterla dilatation observée à l’âge, à la taille et au poids du sujet [85].La rupture et la dissection sont rares à cet âge, mais peuvents’observer en fin d’adolescence, après 18 ans (sur une méta-analyse de 286 patients de moins de 20 ans, une dissection aété rapportée chez 5 patients [1,7 %] et une rupture chez 3[1 %] ; tous avaient 19 ans à ce moment-là, sauf un qui avait14 ans).

Le risque essentiel à tout âge est en effet la dissectionaortique, avec douleurs thoraciques intenses. La dissection peutrester limitée à l’aorte ascendante, mais parfois elle se propagevers les carotides ou l’aorte descendante. La rupture se fait leplus souvent dans le sac péricardique et la mort survient partamponnade, mais parfois elle est plus progressive et pasimmédiatement mortelle avec formation d’un double ou d’untriple chenal aortique.

La dilatation de la racine aortique peut aussi entraîner uneincompétence valvulaire en général tardive.

Enfin, il n’est pas exceptionnel que l’anévrisme aortique aucours du SdM siège bien au-delà de la racine aortique sur l’aortedescendante [89] et un scanner thoracique et abdominal estnécessaire pour rechercher ces localisations.

Sur le plan cardiaque, le prolapsus des valves mitrales et/outricuspides est très fréquent, avec un degré variable de régurgi-tation. Chez le jeune enfant, l’insuffisance mitrale peut aboutirà une insuffisance cardiaque congestive, une hypertensionpulmonaire qui sont la cause la moins rare de décès lié au SdMà cet âge. Enfin, une cardiomyopathie, non liée à l’incompé-tence aortique, mais à la texture des parois cardiaques elles-mêmes, peut se rencontrer même chez des sujets jeunes et semanifeste par une dysfonction diastolique et systolique duventricule gauche [90, 91].

Tableau 2.Critères du diagnostic du syndrome de Marfan [85] (selon les critères de Gant révisés en 1996).

Organe atteint Éléments constituant les critères majeurs Critères mineurs

Squelette

(1 critère majeur = au moins 4 des élémentsconstituant les critères majeurs)

Atteinte du squelette

Au moins 2 éléments contribuant aux critèresmajeurs

ou

1 élément de la liste critères majeurs + 2 critèresmineurs

Pectus carinatum

Pectus excavatum nécessitant la chirurgie

& segment supérieur corps/segment inférieur

Envergure/taille > 1,05

Signes du poignet et du pouce +

Scoliose > 20° ou spondylolisthesis

& extension des coudes < 170°

Déplacement malléollaire → pieds plats

Protrusion acétabulaire

Pectus excavatum modéré

Hypermobilité articulaire

Palais ogival avec chevauchement dentaire

Aspect facial : dolichocéphalie, hypoplasie malaire,énophtalmie, rétrognathie, fentes palpébrales obli-ques vers le bas

Yeux

Atteinte oculaire

Critère majeur ou au moins 2 critères mineurs

Ectopie du cristallin Cornée anormalement plate

# longueur axiale du globe

Iris hypoplasique ou hypoplasie muscles ciliaires

& myosis

Système cardiovasculaire

Atteinte cardiovasculaire

1 seul critère mineur suffit

Dilatation de l’aorte ascendante, avec ou sansrégurgitation, atteignant les sinus de Valsalva

Dissection de l’aorte ascendante

Prolapsus de la valve mitrale, avec ou sans régurgi-tation

Dilatation de l’artère en l’absence de sténose valvu-laire ou périphérique ou de toute autre cause àmoins de 40 ans

Calcification de l’anneau mitral avant 40 ans

Dilatation ou dissection aorte thoracique descen-dante ou abdominale avant 50 ans

Poumons

Atteinte pulmonaire

1 seul critère mineur suffit

Pneumothorax spontané

Bulles apicales

Peau

Atteinte cutanée

1 seul critère mineur suffit

Vergetures sans prise de poids importante, gros-sesse ou stress répétés

Hernies récidivantes

Dure-mère Ectasie durale lombosacrée

Contexte familial

Génétique

Un parent, un enfant ou un frère ou sœur présentantces critères diagnostiques

Mutation du gène FBN1 responsable du syndrome deMarfan

Haplotype FBN1 transmis par un membre de la fa-mille atteint du syndrome de Marfan

Pour dire qu’il y a atteinte d’un organe, le nombre de critères majeurs ou mineurs exigés est variable en fonction de l’organe.Pour poser le diagnostic de syndrome de Marfan, il faut :- si l’histoire familiale et la génétique ne sont pas contributives, un critère majeur dans 2 ou plus organes différents et l’atteinte d’un 3e organe ;- si la mutation responsable du syndrome de Marfan est identifiée dans la famille, un critère majeur au niveau d’un organe et l’atteinte d’un 2e organe.

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Atteinte cutanée

Elle est fort discrète et l’hyperélasticité cutanée décriteclassiquement n’est même plus mentionnée dans les critères dela maladie car elle est souvent absente ou modérée. La peau estparfois un peu fine et il peut y avoir quelques cicatricesatrophiques.

Plus particulières et inconstantes, mais retenues dans lescritères mineurs, sont les larges vergetures thoraciques insoliteschez des sujets jeunes, très minces, en dehors de la grossesse oude stress répétés et parfois même chez des enfants (Fig. 28).

Des élastomes perforants de Lutz-Miescher ont été signalés,mais ils ne sont pas spécifiques et peuvent se rencontrer aussiau cours d’autres maladies héréditaires du tissu conjonctif.

Les hernies, fréquentes, sont répertoriées dans l’atteintecutanée, mais elles sont dues plutôt à la faiblesse de la paroiabdominale qu’à l’atteinte cutanée.

Physiopathologie et génétiqueOn avait constaté depuis longtemps à l’examen anatomopa-

thologique de l’aorte des altérations des fibres élastiques et deszones de médianécrose. Dans la peau aussi les fibres élastiquesétaient décrites comme grêles et parfois fragmentées. Cependantl’imputabilité directe des fibres élastiques n’était pas certainepuisque des tissus n’en contenant pas comme le ligamentsuspenseur du cristallin et l’os étaient atteints au cours du SdM.En 1956, McKusick prédisait : « quand on saura ce que leligament suspenseur du cristallin et l’aorte ont en commun, oncomprendra le défaut génétique du SdM ». Ce point commun,on le sait maintenant, est la fibrilline 1 comme de nombreuxtravaux l’ont démontré dans les années 1990. L’anomaliegénique responsable du SdM a été localisée en 15q21.1 (OMIM :SdM : 154700, mutation du gène de la fibrilline 1 : OMIM134797) [92, 93].

Les tests génétiques ont cependant une valeur très limitéepour le diagnostic. Environ 500 mutations sont décrites et 90 %sont propres à un patient ou à sa famille avec une expressionphénotypique très variable pour les sujets atteints. Le gène FBN1est très long (65 exons) et une analyse séquentielle de routineaurait un coût prohibitif [85].

La ségrégation de l’haplotype est plus facile et peut indiquerceux qui, dans une famille atteinte, ont hérité de la maladie.Mais 25 % des patients atteints ont une mutation de novo, cequi limite l’intérêt de cet examen.

La transmission est dominante autosomique. Il s’agirait d’uneffet dominant négatif, dû à l’activité délétère de la protéinemutante sur la protéine codée par la copie normale du gèneFBN1. Mais certains faits suggèrent que la demi-production dela protéine normale (haplo-insuffisance) plus que la productionde la protéine mutante serait l’élément critique pour déterminerle seuil de la perte de fonction de la fibrilline 1 nécessaire àl’expression du SdM.

Figure 25. Syndrome de Marfan. Allongement osseux : haute taille,membres longs et grêles. Très importante scoliose.

Figure 26. Syndrome de Marfan. Arachnodactylie chez une enfant de5 ans.

Figure 27. Syndrome de Marfan. Arachnodactylie objectivée par lesigne de Steinberg. La phalange distale du pouce déborde du poingfermé.

Figure 28. Syndrome de Marfan. Larges vergetures thoraciques.

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Il a été démontré récemment que les mutations de la fibril-line 1 sont associées à des effets délétères qui vont bien au-delàd’une simple faiblesse structurelle des tissus et notamment desfibres élastiques comme on le croyait auparavant. La fibril-line 1 mutée est en effet capable de déclencher une augmenta-tion de l’expression et de la production des MMP, facilitant lafragmentation des tissus. Cette augmentation des protéaseslibère de plus des facteurs de croissance matriciels tels queTGFb [94]. Le complexe TGFb latent est associé à un peptide età des protéines de liaisons et est séquestré dans la matriceextracellulaire. Or, la fibrilline 1 a un important degré d’homo-logie avec les protéines de liaison du TGFb. Ces similitudessuggèrent que les microfibrilles pourraient participer à larégulation de l’activation de cette cytokine. Une dysrégulationdans le sens de l’augmentation de l’activité de TGFb pourraitexpliquer certains symptômes comme la croissance osseuseexcessive, la dysmorphie craniofaciale, les altérations myxoma-teuses de la valve mitrale. Certains patients ayant les critèresphénotypiques du SdM, avec atteinte osseuse et cardiaqueprédominante ne sont pas porteurs de mutations sur le gène dela fibrilline 1, mais ont des mutations diverses au niveau dugène TGFBR2 du récepteur de TGFb [95].

Prise en charge des patients

Elle est pluridisciplinaire.Pour les manifestations osseuses, le pédiatre, le généraliste,

l’orthopédiste sont concernés. Il faut surveiller la croissance etessayer de freiner l’allongement excessif des membres. Untraitement par les hormones sexuelles, commencé entre 11 et13 ans et stoppé lors de la disparition des cartilages de conju-gaison peut être indiqué [96]. Le traitement de la scoliose, si elleest sévère et rapidement progressive, nécessite une stabilisationchirurgicale. Les déformations thoraciques sont opérées pour desraisons esthétiques plus que fonctionnelles, car elles n’entraî-nent habituellement pas de troubles cardiorespiratoires.

Sur le plan oculaire, une surveillance annuelle est nécessaire.L’ectopie du cristallin n’est pas systématiquement opérée. Lesdiverses manifestations ophtalmologiques relèvent d’un traite-ment spécialisé.

Mais le plus important est la surveillance échocardiographi-que annuelle pour rechercher et éventuellement traiter chirur-gicalement un anévrisme aortique. Les bêtabloquants ou lesinhibiteurs de l’enzyme de conversion ne peuvent éviter ladilatation aortique mais sont susceptibles de la ralentir et leurprescription dès le jeune âge est conseillée. L’interventionchirurgicale selon la technique de Bentall et ses variantesconsiste à remplacer complètement par une greffe compositel’anévrisme de la racine de l’aorte, les sinus de Valsalva, lesvalvules aortiques avec réimplantation des artères coronaires. Lamortalité à 30 jours de telles interventions est devenue faible :sur une série multicentrique de 655 patients [97] elle est de1,5 % chez les 455 patients qui subissent une interventionprogrammée, 2,6 % chez les 117 patients qui sont opérés ensemi-urgence 7 jours après consultation chirurgicale et 11,7 %chez les 103 qui doivent subir l’intervention en urgence dansles 24 heures, d’où l’intérêt de la surveillance échocardiographi-que pour ne pas se trouver dans ces situations d’urgence. Desinterventions plus limitées épargnant les valves aortiquessemblent encourageantes, en particulier chez l’enfant [98]. Laréimplantation donne des résultats plus durables que lesprocédures de remodelage.

Les sports violents, les traumatismes sont à éviter en raisondu risque déclenchant de dissection aiguë de l’aorte. La mortsubite d’athlètes chez qui un SdM était méconnu a étérapportée.

La grossesse entraîne classiquement un risque de progressionde l’anévrisme aortique et de dissection. Mais en fait, il sembleque ce risque est très dépendant du diamètre de l’aorte avant lagrossesse et qu’il n’existerait pas s’il est inférieur à 40 mm. Les

anticoagulants prescrits chez les patientes déjà opérées et ayantune prothèse valvulaire posent problème et la solution ne faitpas l’unanimité parmi les cardiologues, l’héparine de bas poidsmoléculaire proposée par certains en raison d’un moindre risquefœtal n’étant peut-être pas suffisamment préventive des throm-boses valvulaires. Chez la femme en âge de procréer les inter-ventions de remplacement aortique épargnant les valvesseraient donc plus appropriées. La rupture prématurée desmembranes, l’incompétence cervicale s’accompagnent d’unemortalité fœtale et néonatale de 7,1 % [99]. Dans tous les cas,une surveillance conjointe et très stricte de l’obstétricien et ducardiologue est donc indispensable.

L’ectasie durale est souvent asymptomatique et seul lescanner lombaire, qu’il faut systématiquement pratiquer, permetde la déceler. Mais si elle s’accompagne de douleurs lombairesou radiculaires significatives liées à la compression des racinesnerveuses dans le canal lombosacré, une réparation neurochi-rurgicale peut améliorer ces manifestations.

Le conseil génétique doit informer les futurs parents, si l’und’eux est atteint de SdM, du risque de transmission de 50 %, dela nature et des risques de la maladie et de la nécessité éven-tuelle de la chirurgie aortique. Le diagnostic prénatal estpossible sur les villosités choriales.

L’implication de TGFb apporte pour l’avenir l’espoir depouvoir moduler l’activité de cette cytokine qui intervientprobablement sur la plupart des manifestations cliniques duSdM. Des essais ont déjà été effectués avec succès sur lesanévrismes aortiques dans des modèles animaux [100] avec unanti-TGFb tel que le losartan et seront peut-être assez prochai-nement transposables à l’homme.

Diagnostic différentiel

En pratique, ce sont surtout les morphotypes marfanoïdes quipeuvent poser problème, en particulier le MASS (OMIM604308), acronyme de Mitral (prolapsus de la valve mitrale),Aortic (dilatation modérée et non progressive de la racineaortique), Skin (vergetures), Skeletal manifestations (allongementosseux). Ces patients doivent faire l’objet d’une surveillancerégulière pour s’assurer de la stabilité de ces manifestations. Lediagnostic différentiel avec un authentique SdM est d’autantplus difficile qu’ils peuvent présenter des mutations deFBN1 [85]. Certains les considèrent comme un véritable diagnos-tic différentiel, d’autres comme des formes atténuées dusyndrome de Marfan.

L’homocystinurie, liée à un déficit de la cystathioninesynthétase est caractérisée aussi par une haute taille et uneallure marfanoïde, un prolapsus de la valve mitrale, sansatteinte aortique, mais avec des accidents thromboemboliqueset un retard mental. La transmission est autosomique récessive.

Citons aussi le syndrome de Beals (arachnodactylie aveccontracture congénitale), dû à une mutation de la fibril-line 2 sur le chromosome 5q, dont aurait été atteinte en réalitéla jeune Gabrielle, qui avait fait l’objet de la descriptionprinceps de Marfan [101].

Un certain nombre d’affections cardiovasculaires, oculaires,ostéoarticulaires, dont certaines correspondent à des mutationsde FBN1 posent des problèmes de diagnostic différentiel qui nepeuvent être détaillés ici [85].

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Page 212: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Quand penser à une maladie

mitochondriale ?

J. Serratrice, C. Desnuelle

L es maladies mitochondriales constituent un groupe hétérogène de maladies génétiques liées à des carences deproduction d’énergie. Elles présentent un grand polymorphisme clinique et leur expression phénotypique

associe volontiers des dysfonctions multitissulaires dont certaines réalisent des syndromes caractéristiques. Ladémarche diagnostique consiste à reconnaître le phénotype, apporter la preuve de l’anomalie mitochondriale etlocaliser si possible l’anomalie génétique. Pour la pratique clinique il est aisé d’avoir à l’esprit les tableaux cliniquesles plus évocateurs. C’est dans ce but que sont présentés ici de façon schématique les associations cliniques les plusévocatrices. Ce sont les « dysfonctions multitissulaires », élément le plus caractéristique, qu’il faut savoir rechercher.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Maladie mitochondriale ; Phénotypes cliniques ; Méthode diagnostique

�Introduction

La réponse à cette question pourrait être : toutes les fois qu’on se trouve enprésence d’un dysfonctionnement d’un organe riche en énergie – et surtout deplusieurs. En effet, les mitochondries sont présentes en extrême abondance(plusieurs dizaines ou plusieurs millions dans chaque cellule) dans les tissus lesplus énergie-dépendants : le système nerveux, les muscles squelettiques etcardiaques, le rein, les systèmes endocriniens, le foie.

�Mitochondries

Organites subcellulaires ovalaires, elles comportent une double membrane(externe et interne séparées par un espace intermembranaire) entourant unematrice (Fig. 1). La matrice est le siège de nombreuses fonctions : d’abord deréactions métaboliques comme celles conduisant à l’oxydation des acides gras(bêtaoxydation), ou des acides carboxyliques dérivant des sucres (cycle de Krebs).La voie finale commune est l’acétylcoenzyme A (Fig. 2).

Mais la fonction primordiale est la génération d’énergie sous formed’adénosine triphosphate (ATP) par la membrane interne grâce à la chaîne detransport d’électrons et au processus de phosphorylation oxydative. Cetteorganisation est dite chaîne respiratoire.

‚ Chaîne respiratoire des mitochondries et ses anomalies

C’est dans la chaîne respiratoire placée dans la membrane interne que sontassurées d’une part des réactions d’oxydation aboutissant à une consommationd’oxygène et à la formation d’eau, d’autre part les réactions de phosphorylationde l’adénosine diphosphate (ADP) intramitochondrial en ATP. La chaînerespiratoire est organisée en cinq complexes multienzymatiques : [1, 2]

– le complexe I (ou NADH-coenzyme CoQ réductase) contenant environ49 sous-unités ;

– le complexe II (ou succinate-CoQ réductase) comprenant quatre sous-unités ;– le complexe III (ou ubiquinone-cytochrome C réductase), formé de

11 sous-unités ;– le complexe IV (ou cytochrome C oxydase (COX), formé de 13 sous-unités ;– le complexe V (ou ATP-synthase), formé de 16 sous-unités.Ce dernier assure la synthèse de l’ATP dans la matrice, à partir de l’ADP et du

phosphore inorganique. La chaîne respiratoire utilise deux transporteursd’électrons : l’ubiquinone (coenzyme Q10) et le cytochrome C.

La synthèse d’ATP implique des processus coordonnés (Fig. 3) dans le transportdes électrons : essentiellement les ions H+ (libérés dans le cycle de Krebs par leNADH+ et le FADH+ lors de l’oxydation de l’acétylcoenzyme A venu des voiesmétaboliques glucidique et lipidique).

Les ions H+ sont transférés par le complexe I au coenzyme Q (ou ubiquinone)puis par le complexe III au cytochrome C. Ils sont acheminés le long de la chaîneau complexe IV qui cède l’oxygène moléculaire aux électrons, ce qui entraîne laproduction d’eau (H2O).

En même temps, les protons sont transitoirement pompés à travers lamembrane interne vers l’espace intermembranaire par les complexes I, III et IVgénérant une force protomotrice.

Enfin, le complexe V assure le retour des ions H+ dans la matrice, ce quipermet la libération d’énergie utilisée pour la phosphorylation de l’ADP en ATP.C’est la phosphorylation oxydative. Une protéine de transport spécifique de l’ATP,l’adénine nucléotide translocase (ANT), préside à l’échange ADP-ATP contre songradient de concentration. Le couplage entre oxydation et phosphorylation est liéau gradient d’ions H+ créé par la chaîne respiratoire et utilisé par le complexe V.

Les anomalies du fonctionnement de la chaîne respiratoire sont à l’origine :– d’une part d’une partie d’énergie par défaut d’ATP insuffisamment

compensé par l’énergie venue de la glycolyse anaérobie ;– d’autre part d’une insuffisance de détoxification cellulaire : formation de

radicaux libres toxiques pour les membranes et sur l’ADN mitochondrial,

Membraneinterne

Membraneexterne

Espaceintermembranaire

Matrice

GranuleADN

mitochondrial

Ribosomemitochondrial

Figure 1 Schéma de la morphologie mitochondriale.

1

Page 213: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

accumulation de substrats en amont du blocage métabolique (à l’origine d’uneacidose).

‚ Gènes mitochondriaux et nucléaires

À la complexité de l’intervention d’enzymes multiples de la chaîne respiratoires’ajoute l’intervention d’une centaine de gènes eux-mêmes répartis en deuxgroupes :

– les uns, les plus nombreux et importés du cytoplasme, étant des gènesnucléaires (déterminant une hérédité classique de type mendélien) ;

– les autres, peu nombreux mais essentiels, répartis en 13 sous-unitésconstituants du génome mitochondrial, codant pour quatre des cinq complexesde la chaîne respiratoire (à l’exception du complexe II).

En effet, les mitochondries sont les seuls organites, à côté du noyau, quicontiennent leur propre ADN et leur machinerie personnelle permettant lasynthèse de l’ARN et des protéines. Du fait de ce double contrôle, un déficit de laphosphorylation oxydative peut avoir une origine génétique soit mitochondriale,soit nucléaire mendélienne. [3]

‚ Polymorphisme clinique

Les anomalies mitochondriales d’une part peuvent atteindre de nombreuxorganes (Fig. 4), d’autre part sont susceptibles de se révéler à toutes les périodesde la vie. Elles ne sont pas rares et leur prévalence est estimée à 10 à 15 cas pour100 000 habitants. Sans énumérer les principaux tableaux cliniques cités plusloin, certaines atteintes sont l’apanage du nouveau-né et de l’enfant, d’autressurviennent plus souvent chez l’adolescent ou l’adulte. Chez l’enfant sont souventobservés : l’hypotonie néonatale avec acidose lactique, le très sévère syndromede Leigh, des cardiomyopathies et des myopathies, le syndrome deToni-Debré-Fanconi, des anémies sidéroblastiques. Chez l’adulte lesophtalmoplégies (isolées ou combinées avec diverses atteintes nerveuses), lesdiverses encéphalopathies (avec épilepsie et myoclonies ou avec accidentsvasculaires à répétition), l’atrophie optique de Leber, des cardiomyopathies, undiabète insulinorésistant ou non, une insuffisance hépatique sévère et descombinaisons plus ou moins atypiques d’atteintes multiviscérales a prioriindépendantes sont les plus fréquents. [4, 5]

Glucose

Acides gras

Pyruvate

Carnitine

Acylcartinine

Glycolyse

NAD+

NAD+

NADH NADH

Transfert d'électrons

Transfertd'électrons

NADHFADH2

FADH

ADP

Acétyl-Co A

ATP

Cyclede Krebs

Chaînerespiratoire

βoxydation

Figure 2 Schéma général de fonctionnement de la mi-tochondrie.

Cycle de KrebsNADH, FADH2

ATP

ANT

ADP + Pi

ÉlectronsH+

H+

H+H+

H+

O2 H2O

H+

H+

Matrice

Membraneinterne

Espaceintermembranaire

Chaîne respiratoire

Complexe5

Complexe5

C 1C 2 C 3

C 4

Figure 3 Chaîne respiratoire : phosphorylation oxyda-tive.

Page 214: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

‚ Moyens d’explorationFaire la preuve d’une anomalie mitochondriale ne répond pas à des examens

systématiques et dépend en partie du polymorphisme clinique tantôtprédominant en un tissu, tantôt étendu à des ensembles syndromiques. Unschéma systématique d’exploration est en plus, en pratique, souvent malaisécompte tenu des difficultés à obtenir telle ou telle exploration entrepriseuniquement dans des laboratoires très spécialisés. Enfin, les résultats des diversexamens ne sont ni identiques ni anormaux dans les diversesmitochondriopathies, certains examens ont une valeur d’orientation. Seules lesétudes enzymatiques histologiques, moléculaires confirment le diagnostic.

Parmi les examens d’orientation : l’acidose métabolique est importante àétudier. L’acidose lactique, en particulier chez l’enfant, est la plus simple àrechercher, avec une élévation supérieure à 10 du rapport lactate-pyruvate dansle sérum.

L’épreuve de bicyclette ergométrique peut montrer une diminution de lacapacité maximale aérobie, une augmentation à l’effort de la lactacidémie déjàhaute au repos, une diminution de la différence artérioveineuse d’oxygène. Maisces résultats sont peu spécifiques et cette épreuve tend à être abandonnée.

La spectroscopie de résonance magnétique nucléaire du phosphore 31 paraimants supraconducteurs est une exploration non invasive pratiquée dansquelques laboratoi res spéc ia l i sés . Le rapport phosphoreinorganique/phosphocréatine diminue au repos. Un retard de resynthèse dephosphocréatine apparaît après effort.

Les examens de certitude portent sur l’exploration tissulaire directe. Le choixdu tissu à étudier dépend de la clinique : lymphocytes, fibroblastes cutanés encultures, biopsie hépatique ou myocardique. En pratique, la biopsie du muscledeltoïde est la plus informative bien que normale dans diverses atteintes de lachaîne respiratoire. L’anomalie significative, en microscopie optique aprèscoloration par trichrome de Gomori modifié, est la présence de « fibres rougesdéchiquetées » riches en mitochondries dites communément « ragged red fibres »et dénommées habituellement sous l’acronyme RRF (Fig. 5). Une coloration par lasuccinodeshydrogénase (SDH) confirme l’accumulation d’agrégatsmitochondriaux. Ces fibres sont partiellement ou entièrement négatives pour lacytochrome oxydase (COX). Accessoirement, la microscopie électronique peutmontrer des mitochondries géantes avec des inclusions en « galons » (Fig. 6).

La mesure biochimique des enzymes de la chaîne respiratoire se faitégalement sur le muscle, sur divers tissus, sur les lymphocytes ou les fibroblastes,grâce à diverses techniques (polarographie, spectrophotométrie). Les résultatssont à interpréter en fonction de l’ensemble des autres données.

L’investigation moléculaire est à la recherche de la mutation géniqueresponsable. Si les gènes de l’ADN mitochondrial sont actuellement connus, lesgènes nucléaires, en nombre très supérieur, sont encore mal déterminés.

Au total, l’examen histoenzymologique d’un tissu, principalement le muscle,complété par l’étude biochimique des complexes de la chaîne respiratoireconfirme l’atteinte mitochondriale. Les explorations moléculaires sont à larecherche de telle ou telle mutation génique. Il va de soi que, selon l’extensiontissulaire, d’autres explorations recherchent l’état auditif, l’état du fond d’œil, unehypodensité des noyaux gris centraux, des altérations cardiaques, rénales,hépatiques, hématologiques ou endocriniennes, toutes non spécifiques d’uneanomalie mitochondriale.

Figure 4 Organes ciblesde la mitochondriopathie.

Figure 5 Fibres rouges déchiquetées (ragged red fiber, RRF). Coloration autrichrome de Gomori modifié.

Page 215: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

Hiérarchie des examens complémentaires

Leur réalisation est difficile à systématiser.Sont considérés comme des examens d’orientation, dont la négativité n’exclut

pas le diagnostic :– une élévation de la lactacidémie (acidose lactique) avec élévation du rapport

lactate /pyruvate ;– des anomalies d’utilisation de l’oxygène par examen de bicyclette

ergonomique, dont la spécificité est faible et qui tend à être abandonné ;– une spectrométrie par résonance magnétique nucléaire avec étude du

phosphore 31. Cet examen très pointu n’est pratiqué que dans de rareslaboratoires et la spécificité de résultats est variable.

Les examens de certitude sont d’abord la biopsie musculaire, faite de façonpréférentielle au niveau du deltoïde. Elle permet la recherche de fibres rougesdéchiquetées (RRF) sur une coloration au trichrome de Gomori, de fibresnégatives pour la cytochrome oxydase (COX négatives). Elle permet l’analysebiochimique des complexes de la chaîne respiratoire. Les résultats ne sont pastoujours positifs (Tableau 1). Ces examens sont pratiqués dans des centresspécialisés dans l’exploration neuromusculaire.

Les études de génétique moléculaire s’adressent selon les cas à la recherchede délétions ou de mutations ponctuelles de l’ADN mitochondrial, oud’anomalies des gènes nucléaires (Tableau 1).

‚ Hérédité des maladies mitochondriales

Atteintes du génome mitochondrial

Le génome mitochondrial (mtADN) a une morphologie qui lui est propre. [6] Delui dépend une hérédité mitochondriale dont les caractères sont égalementoriginaux.

L’ADN mitochondrial est une molécule circulaire dont 2 à 10 exemplaires sontprésents dans la membrane interne mitochondriale. Composée environ de16 000 nucléotides, elle est formée de deux brins concentriques, un brin lourd, unbrin léger. Les 37 gènes qui la composent sont sans introns (Fig. 7). Treize gènescodent pour les protéines de la chaîne respiratoire (donc à l’exception desprotéines du complexe II). En outre, existent 22 gènes d’acide ribonucléique detransfert (ARNt) et deux gènes d’acide ribonucléique ribosomal (ARNr).

Une même cellule comporte parmi des milliers de molécules de mtADN unnombre variable de mtADN normal et de mtADN muté. C’est le phénomèned’hétéroplasmie. Un nombre minimum d’ADN muté est nécessaire pour que dessignes cliniques se produisent. C’est l’effet seuil. Le seuil est plus bas dans lesorganes les plus riches en énergie (cerveau, cœur, glandes endocrines, rétine,rein, muscles) et ces tissus sont particulièrement vulnérables aux mutations dumtADN.

Lors de la division cellulaire, ces deux types d’ADN (normal ou muté) sontdistribués au hasard dans les cellules filles et leur proportion varie d’une cellule àl’autre ou dans un même organe et au cours du temps. C’est le phénomène de laségrégation mitotique.

Ces divers phénomènes sont à l’origine de l’extrême hétérogénéité clinique.Un dernier caractère de l’hérédité mitochondriale est la transmission

uniquement ovocytaire, donc l’origine uniquement maternelle, ce qui n’exclut pasune transmission dans les deux sexes. Toutefois, seules les filles sonttransmettrices. De surcroît, la majorité des descendants est concernée, le nombrede sujets atteints étant ainsi beaucoup plus élevé que dans une héréditédominante.

Hérédité nucléaire

L’hérédité nucléaire, mendélienne, est prédominante puisque le mtADN necontrôle que 10 % des protéines mitochondriales. L’ADN nucléaire contrôle lasynthèse des autres protéines dans les ribosomes du cytoplasme.Secondairement, le produit synthétisé est transporté à l’intérieur de lamitochondrie sous forme de précurseur (contenant en outre une protéine« leader » envoyant un signal sur les récepteurs intramembranaires). Les protéinesleader sont clivées dans la matrice et les produits protéiques sont assemblés. Laplupart de ces gènes codants sont connus mais leurs mutations le sont moins.

Les anomalies de l’ADN nucléaire deviennent pathologiques selon troismécanismes distincts : [6]

– mutations de gènes codant directement pour les complexes de la chaînerespiratoire. Elles ne sont guère connues que pour les complexes I (dans desatteintes neurologiques diverses de l’enfant) ou les complexes II (dans de rarescas de phéochromocytomes ou de paragangliomes) ;

– mutations de gènes commandant le transport des protéines synthétiséesdans les ribosomes cytoplasmiques ou assemblées dans la matrice descomplexes III et IV (mutation du surfeit gène SURF1 du syndrome de Leigh, dugène SCO2 nécessaire à la synthèse de la COX dans les atteintes cardiaquesrénales ou hépatiques de l’enfant) ;

– défaut de communication intergénomique. Le défaut peut être quantitatifpar déplétion du mtADN. La mitochondrie perd son indépendance avec l’âge etson intégrité ainsi que sa survie deviennent dépendantes de l’ADN nucléaire. Les

Tableau 1. – Cytopathies mitochondriales : principales anomalies biochimiques et génétiques

Phénotype Déficit Complexes chaînerespiratoire

Anomalie génétique Hérédité

Myoglobinurie d’effort Complexes I, IV Délétion mtADN Autosomique récessivePléioplasmique

Myopathies mitochondriales tardives Délétions multiples SporadiquemtADN

Myopathies à l’AZT Déplétions AcquisemtADN

MIMAC Complexe I, IV Mut3260, 3303 (ARNtleu) MaternellePléioplasmique

MERRF Variés surtout complexe I, IV Mut 8344 ; 8356 (ARNt Lys) MaternelleMELAS Complexe I Mut 3243++, 3271, 3252 (ARNtleu) MaternelleATPase6 (NARP) 0 Mut 8993 MaternelleMNGIE Délétions multiples mtADN Autosomique dominanteKearns-Sayre Complexes I, II, III, IV Délétions uniques ++ Sporadique +++, autosomique dominante

ou récessiveDuplications uniquesDélétions pléioplasmiques

Wolfram DIDMOAD Anomalies du génome nucléaireet mitochondrial Autosomique récessive

Figure 6 Microscopie électronique : aspect de mitochondrie en « galons ».

Page 216: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

altérations sont tantôt quantitatives dans les syndromes de déplétion en ADNmitochondrial (par exemple dans les ophtalmoplégies de transmissiondominante ou même récessive signalées plus loin).

Le défaut est quantitatif et qualitatif lors de délétions multiples de l’ADNmitochondrial dues à une erreur primaire de l’ADN nucléaire, par exemple ledéficit en thymidine phosphorylase (à l’origine de troubles gastro-intestinaux). Lathymidine phosphorylase n’est pas une protéine mitochondriale mais maintientl’intégrité et la quantité d’ADN mitochondrial.

�Principaux tableaux cliniques évocateurs

Les dysfonctions mitochondriales, donc multiformes et portant sur les organesriches en énergie peuvent être classées de façons diverses. Selon le type, le siègedes mutations génétiques, découle une classification logique mais assezhétérogène et mal compréhensible, classée selon l’organe préférentiellementatteint. Cela aboutit à une liste fastidieuse énumérant pour chaque organel’analyse d’une série de dysfonctions difficiles à intégrer dans un tableau général.

Pour un clinicien, il est plus pratique d’avoir présents à l’esprit les tableauxcliniques les plus évocateurs orientant sur une maladie mitochondriale etindiquant le principe des examens complémentaires à entreprendre. C’est dansce but que sont présentes ici de façon schématique les associations cliniques lesplus évocatrices. Certaines conjonctions de signes sont aisément reconnaissables.Toutefois, en raison de l’hétéroplasmie et de l’effet seuil, divers tissus portant lamême mutation de mtADN peuvent être affectés à divers degrés. Ceci expliqueaussi bien l’atteinte sélective de certains organes due à un taux élevé demutations dans un tissu, que certaines associations syndromiques inhabituelles.

‚ Ptosis avec ophtalmoplégie chronique

Ptosis et ophtalmoplégie chronique constituant une myopathie oculaire sonthautement évocateurs d’une atteinte mitochondriale. Le ptosis bilatéral estsymétrique ou asymétrique (Fig. 8). Il s’accompagne d’une limitation progressivedes mouvements oculaires, le plus souvent sans diplopie (Fig. 9) ce qui ledifférencie de la myasthénie, résistant au test à l’édrophonium entrepris en cas dedoute, et évoluant vers une ophtalmoplégie complète avec attitude de rejet de latête en arrière réalisant le faciès de Hutchinson.

Ces « myopathies oculaires d’origine mitochondriale » surviennent dans desconditions génétiques diverses.

Le plus souvent au cours d’une délétion « commune » étendue (souvent de4 977 paires de bases) de l’ADN mitochondrial. Il s’agit alors de formes

sporadiques dont le point de départ se situe vraisemblablement lors del’ovogenèse ou de l’embryogenèse. Un ovocyte normal contient environ150 000 molécules de mtADN dont quelques-unes sont porteuses de délétions.Un étranglement (phénomène du goulot de bouteille) fait que peu de mtADNmaternel se propage dans le fœtus et quelques délétions géantes peuvent êtreainsi transmises dans le blastocyte :

– les unes relativement bénignes, chez l’adulte jeune, se limitent à l’atteintedes muscles oculaires, d’évolution très lentement progressive. Des RRF sontprésentes sur la biopsie musculaire. Un déficit en COX est fréquent ;

– les autres, plus sévères, s’intègrent dans le syndrome de Kearns et Sayredéfini par un début avant 20 ans, une ophtalmoplégie progressive, une rétinitepigmentaire et l’association selon les cas à d’autres troubles (bloc cardiaque,syndrome cérébelleux, hyperprotéinorachie, petite taille, surdité, diabète,hypodensités de la substance blanche…), RRF et fibres COX négatives sonthabituelles. Le pronostic est défavorable. Malgré la pose d’un pacemaker la mortsurvient entre 20 et 30 ans.

D’autres myopathies oculaires sont familiales, de transmission autosomiquedominante et liées à une atteinte de gènes nucléaires entraînant des délétions

12S

10S

D Loop

Cyt b

ND 1

ND 2

ND 3

ND 4

ND4L

ND 5

ND 5

COX 1

COX 2COX 3

AT8 / AT5

F PT

EV

L

IO M

W A

N C

Y

SD

K

GR

L SH

Figure 7 Représentation schématique de l’ADN mito-chondrial.

Figure 8 Ptosis bilatéral.

Page 217: Le manuel du généraliste 2 maladies systémiques

multiples de l’ADN mitochondrial par défaut de signal intergénomique ou paratteinte du gène ANT1 impliquée dans le transport intramitochondrial del’ADP/ATP, du gène Twinkle (protéine mitochondriale impliquée dans laréplication), du gène POLG (polymérase gamma également impliquée dans laréplication de l’ADN mitochondrial).

‚ Accès récidivants de migraines et d’accidents cérébraux

Cette vasculopathie cérébrale mitochondriale, souvent familiale, débute dansl’enfance. Les éléments les plus évocateurs sont des accès répétés de migrainesavec vomissements, de crises d’épilepsie et d’épisodes déficitaires survenant chezl’adulte jeune (hémiparésie, hémianopsie). Ces sujets sont souvent de petite taillepar retard de croissance. La protéinorachie est élevée. Des RRF sont présentessouvent. Le déficit porte sur le complexe I. Le scanner cérébral montre deshypodensités et des calcifications. L’évolution, avec démence, se fait vers la morten quelques années. L’autopsie montre des zones d’ischémie surtout corticale.

Diverses mutations de l’ADN mitochondrial s’observent. La plus fréquente estsituée au nucléotide 3243 dans le gène d’ARN de transfert leucine.

Le syndrome est dit MELAS (mitochondrial encephalopathy lactic acidosisstroke-like episodes). L’importance des accidents vasculaires cérébraux paraît liéeà des dépôts granulaires localisés dans les parois de vaisseaux du cou portant denombreuses proliférations mitochondriales. [7]

‚ Épilepsie avec myoclonies

Le prototype des épilepsies myocloniques est le syndrome de Ramsay Huntd’hérédité récessive, débutant de 6 à 15 ans, marqué par l’importance desmyoclonies, la lenteur d’évolution, l’absence de signes neurologiques associés.

L’épilepsie myoclonique d’origine mitochondriale en diffère en beaucoup depoints : d’hérédité maternelle elle est en fait exprimée chez peu de membres de lamême famille. Le début est souvent tardif lorsque le degré de phosphorylationoxydative augmente avec l’âge. Ainsi, avant 20 ans il faudrait que la mutationd’ADN mitochondrial atteigne 95 % pour que la maladie soit cliniquementexprimée. Les myoclonies, prévalentes, s’associent à des crises épileptiquesgénéralisées avec pointes focales ou diffuses sur l’électromyogramme et à uneataxie cérébelleuse. Divers signes neurologiques apparaissent : tremblement,surdité, atrophie optique, neuropathie périphérique avec spasticité, évolutiondémentielle. Une atrophie cérébrale et cérébelleuse est visible sur le scanner ainsique des calcifications. Une acidose lactique est habituelle. Des RRF sont souventprésentes sur la biopsie musculaire avec de nombreuses fibres COX négatives. Labiochimie montre des déficits variés, des complexes de la chaîne respiratoireportant surtout sur les complexes I et IV.

L’évolution est sévère. L’autopsie montre une perte neuronale et une gliose ducervelet (olive inférieure, pédoncule cérébelleux supérieur, noyau dentelé) avecde nombreuses mitochondries dans le cervelet. La lésion la plus caractéristiqueest une dégénérescence des cordons postérieurs et des faisceauxspinocérébelleux assez proche de celle de la maladie de Friedreich.

La mutation la plus spécifique est située au nucléotide 8344 sur l’ARN detransfert (ARNt

Lys) avec une mutation d’adénine en guanine. D’autres mutationssont connues (en 8363 et en 8356 notamment).

Cette épilepsie myoclonique mitochondriale familiale, isolée par Fukuhara, [8]

est décrite comme syndrome MERRF (myoclonic epilepsy ragged red fibres).

‚ Anémie sidéroblastiqueLes syndromes myélodysplasiques sont caractérisés par un défaut

d’hématopoïèse. L’évolution est tantôt chronique portant sur des années, tantôtaiguë avec contribution rapide d’une leucémie. Parmi eux les anémies réfractairesavec sidéroblastes annulaires sont dus à l’accumulation de fer dans lesmitochondries périnucléaires de la moelle osseuse du fait d’une synthèsedéfectueuse de l’hème avec érythropoïèse inefficace.

Le syndrome de Pearson est une maladie congénitale rare caractérisée parune anémie sidéroblastique sévère et réfractaire accompagnée par uneneutropénie et une thrombocytopénie, par une insuffisance pancréatiqueexocrine, et par une acidose lactique permanente chez un nouveau-né. La mortsurvient en général dans la première enfance du fait de la granulopénie. Certainspatients survivent et développent un syndrome de Kearns et Sayre.

L’anomalie génétique est d’ailleurs identique à celle de ce syndrome et desmyopathies oculaires sporadiques. Il s’agit d’une délétion étendue, parfoisgéante, portant le plus souvent sur 4 977 paires de bases étendues du gène del’ATPase au gène ND5 de la NADH déshydrogénase sur l’ADN mitochondrial.

L’origine de l’anémie sidéroblastique est double dépendant de l’anomaliemitochondriale et de l’apoptosis. L’accumulation de fer dans les mitochondriesdes érythroblastes est la conséquence d’un défaut enzymatique de la synthèse del’hème. Cette synthèse débute dans la mitochondrie, puis après une étapecytoplasmique retourne dans la mitochondrie. L’autre processus est un apoptosisqui, par l’activation des capsases, atteint les mitochondries avec efflux ducytochrome C.

‚ Diabète avec surdité bilatéraleCette association, observée dans 0,5 à 1,5 % des diabètes, est hautement

évocatrice. [9]

Le diabète est de type varié, intolérance au glucose, diabète insulino- ou noninsulinodépendant chez un adulte : la forme la plus fréquente semble un diabètenon insulinodépendant qui, après quelques années d’hypoglycémiants oraux,nécessite l’administration d’insuline. L’origine en serait une déficience des cellulesbêta avec altération de la phosphorylation mitochondriale.

Le surdité, bilatérale, survient entre 30 et 40 ans, de type neurosensoriel.D’autres éléments s’associent fréquemment : une dystrophie de la macula, une

faiblesse douloureuse des muscles à la marche. En revanche, la rétinopathie estrare dans ces formes.

Cette association de transmission maternelle est en relation avec une mutationde l’ADN mitochondrial (transition de A en G en position 3 243 codant pourl’AVCN de transfert leucine) curieusement analogue à celle observée dans lesyndrome MELAS. Des RRF sont présentes sur la biopsie musculaire.

Le syndrome diabète mitochondrial surdité bilatérale est dit MIDD (maternallyinherited diabetes and deafness).

Plus complexe est le syndrome de Wolfram qui associe diabète, surdité etatrophie optique, tantôt sporadique, tantôt à hérédité récessive. [10]

‚ Troubles gastro-intestinaux avec neuropathie et ophtalmoplégieDes troubles gastro-intestinaux complexes aboutissent à une cachexie

caractérisant cette forme. Ils associent dysphagie, nausées et vomissements,gastroparésie, pseudo-obstruction intestinale, diarrhée sévère, perte de poidschez un adulte, retard de croissance chez l’enfant.

Un ptosis avec ophtalmoplégie ainsi qu’une neuropathie périphériquecomplètent ce syndrome. Une acidose lactique est présente 6 fois sur 10. Des RRFet une perte d’activité en COX sont habituelles sur la biopsie musculaire.

Cette association, de transmission autosomique récessive, est en relation avecdes délétions multiples de l’ADN mitochondrial, donc d’origine nucléaire. Le gèneencode l’enzyme thymidine-phosphorylase. Son altération entraîne un défaut desynthèse de l’ADN mitochondrial.

Le syndrome est dit MNGIE (mitochondrial neurogastrointestinalencephalopathy). [11]

De rares cas, très différents, de troubles intestinaux avec diarrhée chroniquepar atrophie villositaire de l’intestin grêle chez l’enfant, sont en relation avec unemutation directe de l’ADN mitochondrial.

‚ Insuffisance cardiaque d’origine mitochondrialeDe même que le muscle squelettique, le muscle cardiaque est riche en

mitochondries. Ceci explique la survenue de troubles cardiaques et surtout decardiomyopathies hypertrophiques d’origine mitochondriale dans des conditionsdiverses.

Figure 9 Ophtalmoplégie sans diplopie.

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Atteintes cardiaques par mutation de l’ADN mitochondrial

Des troubles de la conduction cardiaque s’intègrent dans des atteintesmultitissulaires comme le syndrome de Kearns et Sayre, l’atrophie optique deLeber.

Plus spécifique est la cardiomyopathie à début adulte d’hérédité maternelle.Cette forme réunit des cas au cours desquels une cardiomyopathiehypertrophique apparaît chez un adulte. L’hérédité est strictement maternelle.L’insuffisance cardiaque s’associe à un déficit des muscles proximaux. Des RRFsont présentes sur la biopsie musculaire. Le déficit porte sur les complexes I et IV.

La myopathie originelle porte sur le gène de l’ARN de transfert, en 3260(mutation hétéroplasmique ARNt

Leu (UUUR)). La sévérité des troubles cardiaquesest proportionnelle au degré de mutation.

Cette cardiomyopathie est dite MIMyCa ou MIMAC (maternally inherited adultonset myopathy and cardiomyopathy).

Chez le sujet âgé, une dysfonction mitochondriale cardiaque dépend del’altération des phospholipides de la membrane interne par les radicaux libres. Ledéficit en cardiolipine phospholipide, localisé uniquement dans la membraneinterne, serait à l’origine d’un déficit en COX.

Atteintes cardiaques d’origine nucléaire

Dans un second groupe d’atteintes cardiaques, l’hérédité est de type nucléaire.Le syndrome de Barth associe chez le jeune garçon une cardiomyopathie

précoce, un retard de croissance et une neutropénie. Ce syndrome lié à l’X est enrelation avec un déficit en gène nucléaire de la chaîne respiratoire en Xq 28 : legène Tafazzin de la famille des acylcoenzyme A synthétases (qui aurait un rôledans la synthèse des cardiolipines). La cardiolipine est le seul phospholipideexclusivement mitochondrial, intimement associé à la chaîne respiratoire. [12, 13]

Une cardiomyopathie familiale d’hérédité autosomique récessive sévèresurvient chez le nourrisson parfois dès la naissance. Une hypertrophieventriculaire est visible sur l’échocardiogramme. Parfois, une atrophie optiquecoexiste. La lactacidémie est élevée. La mort se produit en une ou quelquesannées.

Un déficit isolé en complexe I est présent. L’origine est nucléaire (Iq 23). Il existeune mutation du gène d’une grande sous-unité protéique du complexe I, laprotéine NDUFS2 de grande importance fonctionnelle.

‚ Intolérance à l’exercice

L’intolérance à l’exercice est définie par la survenue à l’effort d’une sémiologied’intensité variable : myalgies, contractures musculaires mais aussi épisodesrécurrents plus dramatiques de rhabdomyolyse avec myoglobinurie. Plusrarement, la sémiologie est fixe avec une faiblesse musculaire pouvant évoquerune myopathie. Ce n’est que récemment que des cas d’intolérance à l’exercice,attribuée le plus souvent à un déficit du métabolisme glycolytique ou lipidique,ont été rattachés à une origine mitochondriale par dysfonction de la chaînerespiratoire. De plus, l’intolérance à l’exercice est souvent intégrée dans untableau complexe d’encéphalomyopathie et reste ainsi sous-estimée ouméconnue.

En fait, les altérations en ADN mitochondrial apparaissent actuellement semanifester par une intolérance à l’exercice isolée avec myalgies et myoglobinurieliée à un déficit en complexes I, III ou IV, le plus fréquent étant le déficit encomplexe III. Les patients sont souvent difficiles à classer car les examenscomplémentaires créatine kinase sérique, lactacidémie, électromyographiepeuvent être normaux. La bicyclette ergométrique peut montrer une diminutiond’utilisation d’oxygène due à une capacité diminuée de phosphorylationoxydative. La spectroscopie de résonance magnétique peut également montrerune récupération faible de la phosphocréatine par rapport aux témoins.

Mutations des gènes de l’ADN mitochondrial codant pour la COX(complexe IV)

Elles surviennent chez des sujets jeunes avec épisodes de crampes ou demyoglobinurie déclenchés par l’effort ou par des affections virales, sporadiquessans caractère familial, avec examens biologiques normaux entre les épisodes.Seul le muscle est anormal avec nombreuses RRF intensément colorées par lasuccinodéshydrogénase (SDH) mais peu par la COX. L’examen biochimiqueconfirme un déficit marqué de l’activité de la COX. L’analyse génétique montreune délétion de la sous-unité de l’ADN mitochondrial codant pour la COX.

Mutations des gènes de l’ADN mitochondrial codant pour le complexe I

Ces patients ressentent des douleurs à l’exercice durant leur vie mais sansmodification clinique ni biologique, à l’exception d’une élévation de la

lactacidémie au repos. Cependant, la biopsie musculaire montre des RRFintensément COX positives. La biochimie montre un déficit isolé du complexe I.L’analyse moléculaire montre également une mutation des gènes codant pourles sous-unités du complexe I.

Mutations des gènes de l’ADN mitochondrial codant pour le complexe III(cytochrome b)

Elles s’observent chez des adultes des deux sexes. Le début s’est fait dansl’enfance par une intolérance à l’exercice avec parfois faiblesse musculaire, sanscaractère familial. Une myoglobinurie est rare. La lactacidémie est élevée. Labiopsie musculaire montre des RRF positives pour la COX.

La mutation porte sur le gène du cytochrome b, seule sous-unité du complexeIII codée par l’ADN mitochondrial. Les autres activités de la chaîne respiratoiresont parfaitement conservées.

‚ Neuropathie ataxiante avec rétinite pigmentaire

Une neuropathie sensitive avec ataxie est associée, chez un sujet jeune, à unerétinite pigmentaire. L’hérédité est strictement maternelle. Toutefois ce syndrome,rare, constitue également une sémiologie complexe faite de retard dedéveloppement, de déficit musculaire proximal (toutefois sans anomalies sur labiopsie musculaire), d’une épilepsie et d’une évolution démentielle. Au maximumse constitue une encéphalopathie nécrosante de Leigh, d’hérédité maternelle.

L’originalité du syndrome tient d’abord au siège de la mutation qui porte sur lecomplexe V (ATPsynthase), sur la sous-unité ATPase b avec modification de T enG en position 8993. D’autre part le degré de mutation est variable : il existe uneffet seuil ; les signes cliniques apparaissent dans une famille quand la proportiond’ADN mitochondrial mutant dépasse 80 % ; la sémiologie complexe d’unsyndrome de Leigh s’installe quand le taux de mutation devient très élevé,dépassant 90 %. Il s’agit naturellement d’un syndrome de Leigh d’héréditématernelle mitochondriale et non nucléaire.

Le syndrome est dit syndrome de mutation de l’ATPase 6 ou encore NARP(neurogenic ataxia retinitis pigmentosa).

‚ Atrophie optique brutale du sujet jeune

Naguère considérée comme liée à l’X et apanage de l’homme jeune, entre18 et 30 ans, l’atrophie optique de Leber est actuellement reconnue comme unemaladie de l’ADN mitochondrial de transmission strictement maternelle pouvantsurvenir dans les deux sexes, plus tardivement chez la femme.

Le début, souvent aigu, se fait par une perte uni- puis bilatérale de l’acuitévisuelle par névrite rétrobulbaire et évolue vers une atrophie optique avec cécitétotale. L’électrorétinographie est normale mais le fond d’œil comporte unetélangiectasie avec pseudo-œdème. L’angiographie montre une réduction du litcapillaire.

Bien que la maladie soit spécifiquement oculaire, elle s’associe à unesémiologie neurologique complexe : syndrome extrapyramidal avec dystonie,dysarthrie, rigidité des membres inférieurs, nécrose striatale bilatérale sur lescanner, syndrome pseudobulbaire, neuropathie périphérique avec parfoistroubles de la conduction cardiaque. En revanche, les muscles sont cliniquementintacts et ne comportent que très rarement des RRF.

La mutation la plus fréquente, observée dans la moitié des cas est unemutation d’adénine en guanine au nucléotide 11778 substituant l’histidine àl’arginine dans le gène codant pour la sous-unité 4 (ND4) du complexe Iparticulièrement déficitaire. De nombreuses autres mutations dites « non 11778 »sont décrites, toutes localisées dans les enzymes de la chaîne respiratoire. Parmielles, certaines caractérisent des formes avec récupération de la vision (mutation4216), d’autres des formes sévères réparties dans les deux sexes avec signesneuropsychiques (mutation 4160).

Une atrophie optique du sujet jeune, différente de la maladie de Leber etd’hérédité dominante est en relation avec une mutation d’un gène codant pourune guanosine triphosphatase OPA1 : mitochondrial dynamin. La mitochondrien’est pas un organite immobile. Elle est propulsée le long de sortes de railsmicrotubulaires grâce à des dynamines. Ce défaut énergétique entraîne uneatrophie optique.

‚ Syndrome rénal de Toni-Debré-Fanconi chez l’enfant

La manifestation rénale la plus fréquente est une tubulopathie proximale,forme de syndrome de Toni-Debré-Fanconi, souvent modérée avechyperaminoacidurie mais parfois avec acidose, hypophosphatémie,hypercalciurie, protéinurie. La biopsie rénale montre des altérations peuspécifiques du tubule (atrophie, dilatation) et souvent des mitochondries géantes.

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Le syndrome reste pendant des années le seul signe de mitochondriopathie.Tardivement, il se complique de diabète, d’atteintes nerveuses ou musculaires.

L’origine est le défaut d’ATP, essentiel à maintenir l’activité de la pompesodium-potassium-ATPase qui génère un gradient électrique dans l’épithéliumtubulaire proximal, ce qui maintient une basse concentration de sodiumintracellulaire. La diminution de la réabsorption tubulaire peut abaisser lalactacidémie et augmenter l’excrétion urinaire des acides organiques. Ceciexplique qu’une concentration lactique normale dans le plasma ne doit paséliminer l’hypothèse d’une mitochondriopathie. Dans ces cas, l’action descomplexes de la chaîne respiratoire ou la présence de RRF permettent lediagnostic.

D’autres types d’atteintes rénales sont exceptionnellement signalées :syndrome néphrotique incurable, néphropathie tubulo-interstitielle avec polyurieet insuffisance rénale terminale.

‚ Hypotonies sévères de la petite enfance

Hypotonie fatale du nourrisson avec encéphalopathie nécrosante :syndrome de Leigh

Ce syndrome mérite une place à part. Chez un nourrisson apparaît unehypotonie avec des troubles respiratoires intermittents (apnée, polypnée àl’origine d’une fatigue intense), des troubles digestifs avec retard de croissance etdes troubles neurologiques (mouvements choréoathétosiques, hémiparésie,paralysies oculaires). L’évolution, par poussées, se termine en quelques annéespar la mort. La lactacidémie est élevée. L’imagerie cérébrale montre unehypodensité des noyaux gris centraux étendue au tronc cérébral et au cervelet.L’autopsie montre une nécrose bilatérale du putamen et une spongiose ducervelet, du tronc cérébral et de la moelle épinière. Ces lésions, caractéristiques,sont causées par une altération de la chaîne respiratoire sur un cerveau endéveloppement quel que soit le déficit biochimique.

L’origine génétique est donc très diverse : [14] mutation de l’ADN mitochondrial,défaut d’un gène nucléaire (comme SURF1, protéine impliquée dans l’assemblagede la COX), anomalies des complexes I ou II et surtout IV (COX) et même défautde protéines indépendantes de la chaîne respiratoire (le pyruvatedéshydrogénase par exemple).

Atteinte hépatique du syndrome de déplétion en ADN mitochondrial

Caractérisée par une atteinte hépatique sévère dès la naissance avecinfiltration graisseuse du foie et cirrhose, elle évolue vers la mort dans la premièreannée avec acidose, parfois associée à des signes d’encéphalomyopathie.

La transmission est autosomique récessive. L’origine en est une déplétion,quantitative, quasi totale de l’ADN mitochondrial d’origine nucléaire avecmutation du gène désoxyguanosine kinase ou du gène SCO1 (présidant àl’assemblage des protéines de la COX).

Myopathie mitochondriale fatale du nouveau-né, avec RRF, parmutation du gène de transfert en 15924 (LIMM : « lethal infantilemitochondrial myopathy »)

Cette longue liste de tableaux cliniques évocateurs n’est pas exhaustive. Deséventualités exceptionnelles sont une hyperpigmentation cutanée avectrichodystrophie chez l’enfant, des troubles endocriniens (hypoparathyroïdie,déficit en hormone de croissance, hyperaldostéronisme), des tumeurs(paragangliomes, phéochromocytome). Le syndrome gracile d’évolutionrapidement fatale associe un retard de croissance, une aminoacidurie, uneacidose lactique, une surcharge en fer. L’origine est une mutation ponctuelle dugène BCL1L sur le complexe III.

�Dysfonctions mitochondriales secondaires

Sortant du cadre des maladies mitochondriales proprement dites, desaltérations mitochondriales s’observent dans des circonstances variées,principalement au cours de lésions toxiques, de maladie neurodégénérative et àdivers âges de la vie.

‚ Origine toxiqueDivers médicaments seraient à l’origine de dysfonction mitochondriale par des

mécanismes divers :– hépatotoxicité par altération de la bêtaoxydation et création d’une

microstéatose (antiépileptiques, tétracycline, amiodarone, perhexiline,anti-inflammatoires non stéroïdiens) ;

– inhibition de la phosphorylation oxydative (amiodarone, perhexiline,tacrine).

Les traitements antirétroviraux sont parfois en cause. L’anomalie la plusconnue est le traitement antirétroviral par la zidovudine ou AZT qui induit parfoisune myopathie mitochondriale réversible. L’AZT est en effet un analogue de lathymidine, qui est alors incorporé dans l’ADN en cours de synthèse et dont ilinterrompt l’élongation puisqu’il est incapable de former une liaison avec lenucléotide suivant. De surcroît, il inhibe en plus de l’ADN polymérase virale, l’ADNpolymérase mitochondrial présent dans la matrice. Ce phénomène est à l’origined’une non-réplication de l’ADN mitochondrial. [15]

Le tableau clinique associe, chez des sidéens traités pendant plusieurs mois,des myalgies importantes, une faiblesse musculaire proximale, un taux élevé decréatine kinase sérique, un électromyogramme myogène. La biopsie musculairemet en évidence des RRF avec déficit en COX. Les RRF sont atrophiques,s’associent à des signes inflammatoires. Les signes régressent après arrêt dutraitement.

‚ Maladies neurodégénératives

Des anomalies mitochondriales de rôle pathologique indéterminé s’observentau cours d’affections diverses : paraplégicospastiques récessives (au coursdesquelles une ATPase à localisation mitochondriale peut être à l’origine dudéfaut d’une sous-unité de la chaîne respiratoire), maladie de Friedreich (où a étédécouverte une mutation du gène et la frataxine impliquée dans la régulation dufer mitochondrial), maladie de Wilson (avec mutation du gène d’une ATPase etbaisse d’un cytochrome croisé du complexe IV), enfin anomalies diverses aucours des maladies de Parkinson, d’Huntington, de la sclérose latéraleamyotrophique de la myosite à inclusions.

‚ Anomalies liées à l’âge

Elles sont plus importantes à connaître. [16]

Dès la vie intra-utérine un dysfonctionnement mitochondrial est susceptible des’exprimer, soit par l’anomalie d’un organe (cardiomyopathie, ascite d’originehépatique, anémie), soit par une malformation digestive, urologique ou cérébrale.

Chez l’adulte, en dehors de périodes de dénutrition, d’infections ou de causeenvironnementale, la fonction mitochondriale reste intacte, encore que desdélétions ou des mutations de l’ADN mitochondrial se constituent avec l’âge,selon certains même dès l’enfance. Cependant, cette sénescence physiologique,mal connue, lente et peu progressive, n’a pas de conséquence fonctionnelleapparente latente.

Chez le sujet âgé survient une augmentation exponentielle du nombre desdélétions de l’ADN mitochondrial. Les RRF et les fibres COX négativesaugmentent avec l’âge chez les témoins âgés sans anomalie apparente et onconnaît des myopathies mitochondriales du sujet âgé avec faiblesse musculaire àprédominance proximale.

Les mutations de l’ADN mitochondrial (vulnérable aux attaques oxydatives etnon protégé par des histones comme l’ADN nucléaire) sont proportionnelles àl’âge dans le cœur, le cerveau, le muscle, la peau, la rétine, les glandes génitales.La phosphorylation oxydative diminue parallèlement. Enfin, avec l’augmentationdu stress oxydatif l’apoptosis augmente.

Ces altérations mitochondriales purement liées à la sénescence doivent êtreprises en compte chez un sujet âgé avant de rattacher ses troubles à une maladiemitochondriale.

�Pronostic des maladies mitochondriales

Il est éminemment variable. On peut séparer :– les formes très sévères, rapidement mortelles représentées par les

syndromes de Leigh ou celui de Kearns-Sayre, les syndromes MELAS et MERRF, etenfin les cardiomyopathies d’hérédité nucléaire ;

– les formes de gravité variable, souvent proportionnelles au degré demutation : diabète et surdité, syndrome MNGIE, cardiopathie d’héréditématernelle, syndrome NARP ou atrophie optique de Leber ;

– les formes bénignes, myopathies oculaires sporadiques, intolérance àl’exercice.

Ainsi, aucun pronostic d’ensemble ne peut être porté, ce qui rend le conseilgénétique difficile.

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�Conseil génétique

La transmission des maladies mitochondriales est variable (maternelle,autosomique récessive ou dominante ou encore liée à l’X). L’absence decorrélations phénotype-génotype est à signaler. Les corrélations entre la cliniqueet les données moléculaires sont loin d’être absolues : une même délétion del’ADN mitochondrial peut donner une myopathie oculaire, un syndrome de

Kearns-Sayre. Inversement, le syndrome de Leigh peut être lié à des mutations del’ADN mitochondrial aussi bien qu’à des mutations de l’ADN nucléaire. L’atrophieoptique de Leber est souvent rattachée à des mutations « non 11778 ».

La possibilité d’un diagnostic prénatal n’est possible que dans les familles où lediagnostic de cytopathie mitochondriale a été établi avec certitude. Une analysedes villosités choriales est possible entre 9 et 11 semaines d’aménorrhée, mais unrésultat négatif n’exclut pas la possibilité d’une expression ultérieure de lamaladie. Des délétions de l’ADN mitochondrial peuvent éventuellement êtrerecherchées chez le fœtus, mais leur interprétation est incertaine.

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