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Le manuel du généraliste 2 orl

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Angines

V. Couloigner

Les angines érythémateuses ou érythématopultacées sont le plus souvent virales. L’antibiothérapie ne sejustifie que pour prévenir le rhumatisme articulaire aigu dans le cadre d’angines à streptocoques A. Lescomplications cervicales infectieuses (adénites, phlegmons périamygdaliens, abcès préstyliens, cellulites,syndrome de Lemierre) ne sont pas prévenues par l’antibiothérapie. Les angines vésiculeuses,mononucléosiques, diphtériques, ulcéronécrosantes, relèvent de démarches diagnostiques etthérapeutiques spécifiques. Chez le petit enfant, il est important de savoir suspecter un syndrome deKawasaki devant une pharyngite avec fièvre élevée persistante et un tableau clinique se complétantprogressivement (adénite, conjonctivite, chéilite, inflammation des mains et des pieds). En cas d’anginesà répétition, l’amygdalectomie est indiquée quand la fréquence des épisodes est supérieure à trois par anpendant 3 années consécutives ou cinq par an durant 2 années consécutives.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Angines ; Amygdalites ; Streptocoques A ; Test de diagnostic rapide ; Mononucléose infectieuse ;Syndrome de Kawasaki ; Amygdalectomie

Plan

¶ Introduction 1

¶ Définition 1

¶ Angines non spécifiques 1Agents infectieux en cause 1Examen clinique 1Complications 2Prise en charge 2

¶ Angines spécifiques 3Mononucléose infectieuse 3Angines vésiculeuses 4Angine diphtérique 4Angines ulcéreuses et nécrotiques 4Syndrome de Kawasaki 5

¶ Angines à répétition 6Amygdalectomie : indications, techniques, complications 6

¶ Conclusion 7

■ IntroductionLes angines érythémateuses ou érythématopultacées sont le

plus souvent d’origine virale. Les indications d’antibiothérapierépondent à des critères bien précis, s’appuyant en particuliersur le test de diagnostic rapide. Le but essentiel des antibioti-ques est de prévenir les complications des angines à streptoco-ques A, en particulier le rhumatisme articulaire aigu. Enrevanche, leur utilisation systématique ne modifie pas l’inci-dence des rares complications infectieuses locorégionales. Dansd’autres cas, les angines sont associées à d’autres signes cliniquesorientant vers des diagnostics précis (mononucléose infectieuse,angines vésiculeuses, angines ulcéronécrotiques, diphtérie,

syndrome de Kawasaki, etc.) et requérant des prises en chargespécifiques. Les indications de l’amygdalectomie dans lesangines à répétition ont été précisément définies par l’Agencenationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) dansune recommandation de 1998.

■ DéfinitionUne angine ou amygdalite ou pharyngoamygdalite aiguë est

une inflammation de la muqueuse pharyngée datant de moinsde 15 jours [1].

■ Angines non spécifiques

Agents infectieux en cause [1]

Des virus sont en cause dans 60 % à 80 % des cas. Il s’agitnotamment d’adénovirus, du rhinovirus, du virus influenza(virus grippal) ou para-influenza.

Dans les autres cas, des bactéries sont impliquées : streptoco-ques des groupes A, G ou C, Haemophilus influenzae, Brahamellacatarrhalis, pneumocoque, staphylocoque doré. Les angines àstreptocoques du groupe A, essentielles à diagnostiquer et àtraiter, représentent 25 % à 40 % des angines de l’enfant et10 % à 25 % des angines de l’adulte.

Examen cliniqueLes signes classiques habituels des angines sont une altération

de l’état général, une fièvre, des douleurs pharyngées exacerbéespar la déglutition (odynophagie), une ou plusieurs adénopathiescervicales satellites habituellement sensibles, des modificationsde l’aspect de l’oropharynx. Peuvent également être présents desdouleurs abdominales, des vomissements, une anorexie, uneéruption cutanée.

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Devant toute angine, il faut reprendre l’histoire de la maladie,noter les antécédents médicaux personnels et familiaux, palperles différentes aires ganglionnaires, le foie, la rate, examiner lepharynx à l’abaisse-langue, inspecter la peau de tout le corps,mesurer la température, le pouls, la tension artérielle.

Lors de l’examen à l’abaisse-langue, les amygdales sontérythémateuses (rougeur en regard des amygdales et de leurspiliers) ou érythématopultacées (amygdales rouges et recouvertesd’un enduit blanchâtre). Ces deux aspects ne préjugent pas del’étiologie bactérienne ou virale de l’angine.

Les principaux signes en faveur d’une atteinte virale sont unerhinorrhée, une toux, la présence de vésicules dans la boucheou l’oropharynx.

Le seul tableau clinique spécifique d’une étiologie infectieuseprécise est la scarlatine. Elle est liée à une infection à strepto-coques A avec production d’exotoxines pyrogènes A, B, C ou D.L’angine y est associée à une éruption cutanée (peau rouge etgranitée) débutant au niveau du thorax et de la racine desmembres et s’étendant progressivement à tout le corps (sauf surla plante des pieds et la paume des mains). L’éruption prédo-mine au niveau des plis de flexion (genou, coude, pli inguinal)et peut être prurigineuse. L’exanthème peut durer 1 mois et setermine par une desquamation.

ComplicationsElles sont le fait des angines bactériennes.

Complications locorégionalesLeur incidence est d’environ 0,3 % des angines [2].

Adénites bactériennes, phlegmons périamygdaliens,infections préstyliennes et cellulites

Les adénites cervicales bactériennes aiguës sont essentielle-ment liées au streptocoque A et au staphylocoque doré [3]. Leursprincipales étiologies sont les rhinopharyngites, les angines, lesinfections dentaires. Dans la plupart des cas, un traitementambulatoire avec une antibiothérapie orale est possible.

Les phlegmons périamygdaliens sont des abcès développésentre l’amygdale et la paroi musculaire pharyngée [4]. Ilscompliquent une angine dans 90 % des cas mais peuvent êtreinauguraux. Les germes impliqués font partie de la florecommensale oro- et nasopharyngée. Il s’agit souvent d’infec-tions plurimicrobiennes avec une prédominance de bactériesanaérobies (en moyenne trois espèces différentes) associées à desbactéries aéroanaérobies facultatives. Un fort pourcentage de cesgermes est sécréteur de bêtalactamases. Les signes cliniques sontla fièvre, une douleur pharyngée à prédominance unilatérale, untrismus et des signes endopharyngés du côté atteint : élargisse-ment du pilier antérieur, œdème du voile et de la luette, luettedéviée du côté sain. Le traitement repose sur des antibiotiquesintraveineux associés à une évacuation de la collection qui peutse faire selon trois techniques : ponction aspirative à l’aiguille,éventuellement répétée, incision-drainage, amygdalectomie àchaud.

Les infections préstyliennes compliquent des phlegmonspériamygdaliens et la flore impliquée dans ces deux typesd’infections est la même [5-7] (cf. supra). Elles doivent êtresuspectées lorsqu’aux signes habituels de phlegmon périamyg-dalien s’ajoute une tuméfaction latérocervicale haute mallimitée, sous-mandibulaire et/ou parotidienne. Ces infectionspréstyliennes risquent de s’étendre rapidement, se transformanten cellulites cervicales atteignant plusieurs espaces cervicaux, lesespaces cutanés (placard cutané inflammatoire) puis le médias-tin et engageant le pronostic vital. La prise en chargeest urgente et pluridisciplinaire, impliquant oto-rhino-laryngologiste (ORL), réanimateurs, infectiologues, microbiolo-gistes et radiologues. Le traitement repose essentiellement surune antibiothérapie intraveineuse, une réanimation adaptée etun drainage chirurgical.

Syndrome de Lemierre

Ce tableau est essentiellement observé chez l’adolescent oul’adulte jeune dans un contexte d’angine récente, parfoisméconnue. Il comporte une septicémie et des emboles septi-ques, notamment pulmonaires et osseuses [8-12]. Le germe

habituellement impliqué est le Fusobacterium necrophorum, plusrarement des streptocoques anaérobies, Prevotella ou Bacteroides.Des paralysies des paires crâniennes IX, X, XI ou XII, ainsiqu’un syndrome de Claude-Bernard-Horner avec myosis, ptôsiset énophtalmie, témoignant d’une atteinte de la chaîne gan-glionnaire sympathique cervicale, peuvent être présents.

Complications à distance liées aux anginesà streptocoque du groupe A

Il s’agit du rhumatisme articulaire aigu (RAA) et de la glomé-rulonéphrite aiguë (GNA) (voir les recommandations surl’antibiothérapie par voie générale dans les infections respiratoi-res hautes rédigées en 2005 par l’Agence française de sécuritésanitaire des produits de santé (AFSSAPS, http://agmed.sante.gouv.fr/).

Le RAA est actuellement extrêmement rare dans les paysindustrialisés mais reste préoccupant dans les pays en voie dedéveloppement et à un moindre degré dans les départements etterritoires d’outre-mer. Les situations à risque de RAA sontrésumées dans le Tableau 1.

Les GNA post-streptococciques ont rarement un point dedépart pharyngé (cutané le plus souvent). La preuve que lesantibiotiques préviennent le GNA n’est pas faite.

Prise en charge

Bilan biologique inflammatoireLa numération formule sanguine (NFS) et la protéine C

réactive (CRP) sont inutiles en première intention dans lesformes non compliquées d’angines érythémateuses ouérythématopultacées.

Traitement symptomatiqueIl repose sur la prescription d’antalgiques et d’antipyrétiques

adaptés au niveau de douleur. Les antalgiques dépresseursrespiratoires sont à éviter en cas d’angine dyspnéisante parhypertrophie majeure des amygdales.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont décon-seillés dans les angines car ils pourraient favoriser la survenuede complications infectieuses sévères, en particulier des celluli-tes [13, 14]. Les risques liés à des traitements corticoïdes de courtedurée ne sont pas établis dans la littérature. De tels traitementspourraient diminuer la douleur dans les angines, comme lesuggèrent six études randomisées [15-20].

Traitement antibiotiqueLe traitement antibiotique n’a d’utilité démontrée que dans

les angines à streptocoques A. Dans ce cadre, le but du traite-ment n’est pas de favoriser la guérison de l’angine streptococ-cique, qui intervient spontanément en 3 à 4 jours, mais deprévenir le RAA. Dans cette indication, le traitement antibioti-que reste efficace jusqu’au 9e jour après le début des symptô-mes. Les antibiotiques ne diminuent pas les risques decomplications infectieuses locorégionales des angines (phleg-mons périamygdaliens, cellulites, etc.) [2, 21].

Compte tenu des considérations précédentes, l’indicationd’antibiothérapie repose sur l’existence de facteurs de risque deRAA, le test de diagnostic rapide (TDR) des angines à streptoco-ques A et les prélèvements bactériologiques pharyngés avec miseen culture.

Tableau 1.Situations à risque de rhumatisme articulaire aigu (RAA) en présenced’une angine.

Antécédents personnels de RAA

Âge compris entre 5 et 25 ans associé à:

- séjour en régions d’endémie de RAA (Afrique, DOM-TOM)

- facteurs environnementaux : conditions sociales, sanitaireset économiques, promiscuité, collectivité fermée

- antécédents d’épisodes multiples d’angines à streptocoques A

DOM-TOM : départements et territoires d’outre-mer.

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Selon les recommandations publiées par l’AFSSAPS en 2005,tout examen et toute antibiothérapie sont inutiles chez l’enfantde moins de 3 ans et chez l’adulte ayant un score de Mac Isaacstrictement inférieur à 2 (Tableau 2) du fait de la faiblessedes risques d’angines à streptocoques A dans ces deuxsous-populations.

En dehors de ces deux cas, un TDR est nécessaire. S’il estpositif, il convient d’instaurer une antibiothérapie. S’il estnégatif et qu’il n’y a pas de facteurs de risque de RAA, seuls desantalgiques sont prescrits. En cas de TDR négatif mais defacteurs de risque de RAA, on se base sur un prélèvementbactériologique pharyngé pour prendre une éventuelle décisiond’antibiothérapie.

Les résultats du TDR sont connus en 5 à 10 minutes. Laspécificité de ce test est de l’ordre de 95 % et sa sensibilitéd’environ 90 %.

L’antibiothérapie de référence est l’amoxicilline per ospendant 6 jours.

En cas d’allergie aux pénicillines, on peut prescrire descéphalosporines de 2e ou 3e génération du fait de la rareté desallergies croisées entre ces deux catégories de bêtalactamines. Lechoix se fait entre céfuroxime-axétil (C2G ; Zinnat®) 4 jours,cefpodoxime-proxétil (C3G ; Orelox®) 5 jours, ou céfotiam-hexétil (C3G ; Texodil®) 5 jours. En cas d’allergie aux bêtalacta-mines, on s’oriente vers un macrolide-azithromycine(Zithromax®) 3 jours, clarithromycine (Zeclar®) 5 jours, josamy-cine (Josacine®) 5 jours, de la télithromycine pendant 5 jours(Ketec® ; autorisé seulement après l’âge de 12 ans) ou de lapristinamycine (Pyostacine®) durant 5 jours (non autorisé avantl’âge de 6 ans).

En cas d’échec clinique après 3 jours de traitement bienconduit, un avis spécialisé en ORL, pédiatrie ou infectiologie estconseillé, afin d’effectuer une réévaluation diagnostique etthérapeutique.

La conduite à tenir diagnostique et thérapeutique dans lesangines non spécifiques est résumée dans la Figure 1.

■ Angines spécifiques

Mononucléose infectieuse [22]

L’angine de la mononucléose infectieuse (MNI) est liée à uneprimo-infection à virus d’Epstein-Barr (EBV) (virus du groupeherpès) qui, par le biais d’une importante stimulation lympho-cytaire, induit une hypertrophie des tissus lymphoïdes. L’anginepeut être érythémateuse, érythématopultacée ou à faussesmembranes. Dans ce dernier cas, les amygdales sont recouvertesde dépôts blanchâtres qui, à la différence des dépôts observésdans la diphtérie, sont strictement limités au tissu amygdalienet sont décollables (en pratique, il est inutile d’essayer de lesdécoller car cette manœuvre est très douloureuse). L’anginemononucléosique est asthéniante et peut s’accompagner d’unegêne ventilatoire par hypertrophie amygdalienne. Les autressignes à rechercher sont des pétéchies du voile du palais, desadénopathies cervicales, une hépatosplénomégalie. Les examensbiologiques permettent le diagnostic. La NFS montre un syn-drome mononucléosique avec plus de 10 % de lymphocyteshyperbasophiles (non spécifique), parfois une thrombopénie. Lebilan hépatique peut révéler une élévation des transaminases. LeMNI test permet d’avoir un résultat en quelques heures, mais cetest est grevé de 10 % de faux négatifs et de 20 % à 30 % defaux positifs. Les faux négatifs sont plus fréquents chez le jeuneenfant. La sérologie EBV est le test diagnostique le plus fiable.Le traitement est symptomatique, basé sur des antalgiques etantipyrétiques. Les corticoïdes sont indiqués en cas de dyspnée.En revanche, une récente méta-analyse conclut à l’inutilité descorticoïdes pour améliorer les symptômes, en particulierl’asthénie, dans les formes non compliquées [23]. Les antibioti-ques sont inutiles. L’ampicilline est particulièrement à éviter carelle peut induire une réaction cutanée. L’asthénie post-mononucléosique peut durer plusieurs semaines à plusieursmois. Dans les formes dyspnéisantes, l’hospitalisation estnécessaire. En dehors des corticoïdes, qui n’agissent qu’au boutde plusieurs heures, les autres traitements à proposer enfonction de la sévérité de la dyspnée et des techniques disponi-bles sur place sont les aérosols adrénalinés (exemple : adrénalineà 0,1 %, 5 mg = 5 ml à passer pur en 15 minutes, répétabletoutes les heures pour un maximum de 6 par 24 heures),l’oxygénothérapie, la ventilation non invasive, l’intubation.

Pour toute angine érythémateuseou érythématopultacée non compliquée

Test de diagnostic rapide Positif

Négatif Facteurs de risque de RAA** Positif

Antibiothérapie

Exanthème évocateurd’une scarlatine

Prélèvementbactériologique pharyngé

Pas de bilan biologiqueinflammatoire

Traitement symptomatique : antalgiques/antipyrétiques (paracétamol)

Indications de l’antibiothérapie

Enfant de plus de 3 ans*ou adulte avec score de Mac Isaac ≥ 2

Figure 1. Arbre décisionnel. Angines non spécifiques. * L’enfant de moins de 3 ans est à très faible risque d’angine bactérienne. Le test de diagnostic rapideest donc inutile dans cette tranche d’âge. ** Facteurs de risque de rhumatisme articulaire aigu (RAA) : antécédents personnels de RAA ; âge compris entre5 et 25 ans associé à : séjour en régions d’endémie de RAA (Afrique, DOM-TOM), facteurs environnementaux (conditions sociales, sanitaires et économiques,promiscuité, collectivité fermée), antécédents d’épisodes multiples d’angines à streptocoques A.

Tableau 2.Score de Mac Isaac (valable seulement chez l’adulte).

Fièvre > 38 °C = 1 point

Absence de toux = 1 point

Adénopathies cervicales sensibles = 1 point

Atteinte amygdalienne (# volume ou exsudat) = 1 point

Âge :

- 15 à 44 ans = 0 point

- ≥ 45 ans = -1 point

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Angines vésiculeusesLe tableau clinique débute par des vésicules rarement obser-

vées car faisant vite place à de petites exulcérations sur fondd’érythème. Les deux étiologies virales les plus fréquentes sontla primo-infection herpétique, dont les lésions prédominent auniveau de la cavité buccale avec perlèche, et l’herpangine, dueau virus coxsackie, dont les vésicules sont habituellement delocalisation plus postérieure oropharyngée. Ces deux infectionsvirales peuvent comporter des lésions cutanées des extrémités :le pseudopanaris herpétique de l’herpès et le syndrome main-pied-bouche de certaines infections à coxsackies. Les examenscomplémentaires sont inutiles (la confirmation d’une primo-infection herpétique reposerait sur l’étude en immunofluores-cence des prélèvements de lésions par grattage). Le traitementest symptomatique, comportant des antalgiques et antipyréti-ques. Dans les formes étendues et hyperalgiques de primo-infection herpétique, une hospitalisation peut être nécessaireavec instauration d’un traitement antalgique adapté. On peutpar exemple prescrire du paracétamol et de la nalbuphine enintraveineux. Parfois, la douleur est telle que les enfantsn’arrivent plus à s’alimenter. Il faut alors poser une sondenasogastrique d’alimentation en attendant l’amélioration dessymptômes. La guérison peut prendre une dizaine de jours.

Angine diphtérique

ÉpidémiologieLa diphtérie est exceptionnelle en France mais il s’agit d’une

maladie réémergente dans le monde. Il existe actuellement troissituations épidémiologiques différentes :• des pays sans diphtérie ou avec uniquement quelques cas

d’importation ;• des pays soumis à des poussées épidémiques : au cours des

20 dernières années, des épidémies ont été observées enex-URSS (1982-1985 puis 1990-1995), en Algérie (1993-1996),en Équateur (1994), en Thaïlande (1994), en Afghanistan(2003), à Djibouti (2006) ;

• des pays où la diphtérie est endémique.

Tableau cliniqueL’angine diphtérique comporte des membranes blanchâtres

adhérentes et dépassant les limites des amygdales, et s’accom-pagne d’un coryza et de volumineuses adénopathies cervicales.Elle peut se compliquer d’une laryngite, appelée croup, avectoux, dysphonie et dyspnée évoluant vers la détresse respira-toire. D’autres manifestations sont liées à la sécrétion d’exotoxi-nes : myocardites, atteintes neurologiques (polyradiculonévriteavec paralysies du voile, des muscles respiratoires, etc.), atteinterénale avec protéinurie, hématurie et oligurie.

Prise en charge du patientTraitement antibiotique

Les antibiotiques n’ont aucun effet sur les lésions exotoxini-ques existantes, mais limitent la croissance bactérienne ulté-rieure et la durée du portage de la bactérie, qui persiste souvent,même après la guérison clinique.

La pénicilline G est prescrite à la dose de 20 à 50 000 u/kg/jchez l’enfant et 1,2 million d’unités/j chez l’adulte en injectionintramusculaire, puis le relais est pris par la pénicilline V orale.En cas d’allergie, on prescrit de l’érythromycine à la dose de 2à 3 g/j chez l’adulte et de 50 mg/kg/j chez l’enfant (2 à 15 %de souches résistantes à cet antibiotique). La durée du traite-ment est de 14 jours.

Sérothérapie pour neutraliser la toxine

Le Tableau 3 présente le schéma thérapeutique recommandépar l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Vaccination car l’immunisation par la maladie est faible etinconstante, du fait de la très faible production de toxinependant la maladie.

Traitement symptomatique des complications en milieude réanimation

Croup : intubation nasotrachéale ou trachéotomie,ventilation.

Paralysies des muscles respiratoires : assistance respiratoire.

Isolement et déclaration obligatoire

L’isolement est strict jusqu’à obtention de deux culturesnégatives à 24 heures d’intervalle. Toute suspicion de diphtériedoit être déclarée par téléphone à la direction départementaledes affaires sanitaires et sociales (DDASS) du département qui enavise aussitôt le Réseau national de santé publique (RNSP) et laDirection générale de la santé (DGS).

Prise en charge des sujets contactsIdentification des sujets exposés

Toutes les personnes ayant été dans les 7 jours précédents encontact rapproché avec un cas de diphtérie sont à risque. Lescontacts proches des sujets porteurs asymptomatiques sontégalement considérés à risque.

Mesures préventives

Surveillance clinique : pour recherche de signes de diphtériependant 7 jours à partir de la date du dernier contact avec lecas.

Investigation microbiologique : par un écouvillonnage nasalet pharyngé pour culture en précisant de rechercher Corynebac-terium diphtheriae. Le résultat de ces cultures ne modifie pasl’antibioprophylaxie mais permet l’identification de porteursasymptomatiques qui seront isolés (exclusion du travail ou del’école) et contrôlés bactériologiquement aprèsantibioprophylaxie.

Antibioprophylaxie : elle est nécessaire pour rompre la chaînede transmission et concerne tous les contacts proches quels quesoient leur statut vaccinal et le résultat de la culture. L’OMSpropose pour des raisons de compliance, la benzathine pénicil-line en dose intramusculaire unique : 600 000 unités avant6 ans et 1,2 million après cet âge. La pénicilline V, l’amoxicil-line, l’érythromycine orale en cas d’allergie aux bêtalactamines,pendant 7 à 10 jours sont des alternatives.

Vaccination : tous les contacts proches doivent recevoir unedose de vaccin (diphtérie-tétanos [DT] ou diphtérie-tétanos-polio [DTP] pour les enfants, Td pour les adultes) sauf si l’onpeut documenter une vaccination d’au moins 3 doses avec unedernière injection datant de moins de 1 an.

Angines ulcéreuses et nécrotiquesLorsqu’elles sont bilatérales, hémorragiques, avec souvent

gingivite associée, il faut craindre une hémopathie maligne.Unilatérales, elles orientent en priorité vers une angine de

Vincent, les deux autres diagnostics à évoquer étant le chancresyphilitique et le cancer de l’amygdale.

L’angine de Vincent débute insidieusement chez un adoles-cent ou un adulte jeune, à l’état général médiocre (fatigue,surmenage en période d’examen, etc.). Les signes généraux etfonctionnels sont peu marqués : état subfébrile, discrètes

Tableau 3.Schéma thérapeutique recommandé par l’OMS.

Type de diphtérie Dosage (UI) Voied’administration

Atteinte nasale 10 000-20 000 i.m.

Atteinte amygdalienne 15 000-25 000 i.m. ou i.v.

Atteinte pharyngolaryngée 20 000-40 000 i.m. ou i.v.

Atteinte plus complexe 40 000-60 000 i.v.

Diphtérie sévère a 40 000-100 000 i.v. ou i.v. et i.m.

Atteinte cutanée 20 000-40 000 i.m.

i.m. : intramusculaire ; i.v. : intraveineuse.a Membranes extensives, œdème important.

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douleurs pharyngées unilatérales, puis fétidité de l’haleine. Àl’examen, on découvre, sur une amygdale, un enduit pultacéblanc grisâtre, friable, recouvrant une ulcération atone, à bordsirréguliers et surélevés, non indurée au toucher. La réactionganglionnaire est minime. Le prélèvement bactériologiquepharyngé montre une association fusospirillaire (Treponemavincenti et Fusobacterium nucleatum). La NFS est normale. Lepoint de départ est fréquemment buccodentaire (gingivite, carie,péricoronarite d’une dent de sagesse inférieure). L’évolution estbénigne en 8 à 10 jours. Le traitement par pénicilline est trèsefficace et hâte la guérison.

Le chancre syphilitique de l’amygdale réalise un aspect trèsvoisin, mais l’ulcération unilatérale de l’amygdale repose surune induration et l’adénopathie est de volume plus important.L’anamnèse peut être délicate. La confirmation diagnostiquerepose sur la sérologie sanguine (treponema pallidumhemagglutination-venereal disease research laboratory [TPHA-VDRL]) et sur la visualisation du Treponema pallidum lors del’examen à l’ultramicroscope du prélèvement pharyngé. Unesérologie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) estsystématiquement proposée. La pénicillinothérapie est letraitement de base (exemple : Extencilline®, 2 fois 2,4 millionsd’unités à 8 jours d’intervalle, ou Biclinocilline®).

Syndrome de Kawasaki [24]

Il s’agit d’une immunoangéite comportant différentes attein-tes dont une pharyngite fébrile souvent inaugurale. Trois quartsdes patients ont moins de 5 ans. Cette pathologie est excep-tionnelle après 12 ans. Les garçons sont plus fréquemmentatteints. Une enquête rétrospective estime l’incidence annuelleen France à plus de 200 cas [24].

Les principales étapes des démarches diagnostiques et théra-peutiques sont résumées dans la Figure 2. Le tableau débutehabituellement par une banale pharyngite érythémateusediffuse, avec possible langue « framboisée », fièvre élevée (39-40 °C) et adénopathies cervicales. Après 4 à 5 jours d’évolution,la fièvre persiste et le tableau se complète avec apparition :• d’une conjonctivite ;• d’une chéilite (inflammation des lèvres) ;• de lésions des extrémités : érythème de la paume des mains

et de la plante des pieds, œdème induré et douloureux desmains et des pieds ; desquamation secondaire des doigts etdes orteils ;

• parfois d’un exanthème qui peut prendre différentes formesmais qui n’est jamais vésiculeux ni bulleux ;

• parfois de troubles digestifs (douleurs, diarrhée sévère etvomissements, ictère).Le diagnostic repose sur ce seul tableau clinique. Les princi-

pales complications à craindre sont des arthrites (25 % des cas),une atteinte neurologique avec méningite aseptique, une uvéiteet surtout des lésions cardiovasculaires. Ces dernières sontobservées dans 25 % des cas et font toute la gravité de l’affec-tion. Il peut s’agir d’une péricardite, d’une myocardiopathietransitoire avec insuffisance cardiaque et arythmie, d’anévrismesartériels, en particulier des coronaires avec risques d’infarctus dumyocarde. Le risque d’anévrisme coronarien est plus importantavant l’âge de 1 an.

Les examens complémentaires à prescrire sont :• la NFS et le dosage de la CRP : ces examens montrent des

anomalies non spécifiques, avec élévation de la CRP,hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, élévation desplaquettes au bout de 1 semaine. Le syndrome de Kawasaki

Fièvre ≥ 5 jours et au moins 2 critères cliniques majeurs

Bilan biologique

CRP < 30 mg/let VS < 40

CRP ≥ 30 mg/let/ou VS ≥ 40

Surveillance clinique

Surveillance clinique ± échographiqueAvis d’expert

< 3 critères biologiques présents ≥ 3 critères biologiques présents

Persistance de la fièvre durant 48 h

Disparition de la fièvre

Traitement

Pas de desquamation

Diagnostic éliminé

Desquamation typique Échographie cardiaque

Échographie cardiaque Normale Anormale

Échographie cardiaqueTraitement

Figure 2. Arbre décisionnel. Syndrome de Kawasaki (d’après les recommandations de l’American Academy of Pediatrics et de l’American Heart Association,Circulation 2004;110: 2747). Critères cliniques majeurs : conjonctivite, chéilite, lésions des extrémités, pharyngite, éruption cutanée. Critères biologiques :anémie, hyperleucocytose, hyperplaquettose après j7, hypoalbuminémie, augmentation des alanines aminotransférases (ALAT), pyurie aseptique.CRP : protéine C réactive ; VS : vitesse de sédimentation.

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peut pratiquement être exclu si le taux de plaquettes et laCRP sont normales après 1 semaine d’évolution ;

• l’échographie cardiaque systématique. Les anévrismes coro-nariens ne se développent pas avant le 10e jour d’évolutiondes symptômes, et la première échographie recherche doncd’autres signes tels qu’une petite dilatation des artèrescoronaires, une péricardite, une insuffisance myocardique.La prise en charge se fait en hospitalisation par une équipe

spécialisée (pédiatrie générale, immunohématologie, cardiologiepédiatrique). Le traitement repose sur une injection intravei-neuse de gammaglobulines à la dose de 2 g/kg. Le risqued’anévrisme des coronaires est très diminué si ce traitement estinstauré dans les 10 premiers jours d’évolution.

Dans les séries les plus récentes, la mortalité est très faible,voire nulle. À long terme, les volumineux anévrismes persistentou évoluent vers l’apparition de sténoses coronaires séquellaires.L’évolution des anévrismes coronaires de taille modérée estnettement plus favorable.

■ Angines à répétition

Amygdalectomie : indications, techniques,complicationsIndications

Dans les angines à répétition, l’indication opératoire a étéarbitrairement fixée par l’ANAES à au moins trois amygdalitespar an pendant 3 années consécutives ou cinq amygdalites paran pendant 2 années consécutives [25].

L’indication d’amygdalectomie peut également être posée surla coexistence de troubles ventilatoires obstructifs nocturnes liéeà une hypertrophie amygdalienne.

Compte tenu du faible risque de récidive, un premier épisodede phlegmon périamygdalien n’est pas une indicationd’amygdalectomie.

Contre-indicationsIl n’existe pas de contre-indication absolue à l’amygdalecto-

mie. Les contre-indications relatives, en particulier les troublesde la coagulation, doivent être examinées au cas par cas.

Bilan préopératoireLe bilan de coagulation préopératoire ne s’impose pas systé-

matiquement lorsque l’interrogatoire ne décèle pas d’antécédentpersonnel ou familial hémorragique. Des recommandationsconcernant toute la gestion périopératoire, et en particulier lebilan préopératoire, ont été rédigées par la Société Française

d’Anesthésie Réanimation en 2005 (http://www.sfar.org/t/IMG/pdf/amygdale_cexp.pdf).

TechniquesDe nombreuses techniques existent selon la nature des

instruments utilisés (instruments froids, coagulation bipolaire,coblation, laser, microdébrideur, etc.). Par ailleurs, on peutpratiquer l’exérèse totale ou partielle des amygdales.

ComplicationsLa principale complication de l’amygdalectomie est l’hémor-

ragie. Son incidence est comprise entre 1 % et 3 %. Son risqueest maximal entre j10 et j15 postopératoire (chute d’escarre).Elle nécessite assez fréquemment l’hémostase du point desaignement sous anesthésie générale. Rarement, il s’agit d’unehémorragie abondante postopératoire immédiate par blessured’une branche de la carotide externe (linguale). Dans une largeétude multicentrique britannique, les pourcentages d’hémorra-gies immédiates et secondaires étaient respectivement de 0,6 %et de 3 % [26]. Les hémorragies étaient significativement moinsnombreuses dans les techniques utilisant les instruments froidset la ligature sélective des vaisseaux hémorragiques [26]. Ilsemble également que les hémorragies secondaires soient moinsnombreuses avec les techniques partielles [27].

En cas de syndrome d’apnées du sommeil, une majorationdes troubles ventilatoires obstructifs est possible durant lespremières heures postopératoires (levée d’hypercapnie, œdèmelocal postopératoire). Pour cette raison, l’existence d’un syn-drome d’apnées du sommeil est une contre-indication à lapratique de l’amygdalectomie en ambulatoire en France [25].

Recommandations pour la période périopératoireLa cicatrisation des loges amygdaliennes dure une quinzaine

de jours. Durant cette période, un enduit blanchâtre tapisse lesloges amygdaliennes, l’haleine est souvent fétide et le pharynxdouloureux.

La prise en charge de la douleur nécessite la prescriptionsystématique d’antalgiques de pallier II (codéine) habituellementassociés à des antalgiques de niveau I (paracétamol). Afin dediminuer la douleur, l’alimentation doit être tiède et mixée(potages, compotes, glaces, etc.) tant que durent les douleurs.Les aliments s’émiettant facilement (chips, pain, biscuits,biscottes, etc.) sont à éviter, de même que la nourriture acide(agrumes, épices, vinaigre, etc.).

Une méta-analyse reprenant plusieurs études prospectivesmontre qu’une dose unique de dexaméthasone réduit la douleurpostopératoire sans effets secondaires associés [28]. Les antibioti-ques ne modifient pas la douleur et les risques hémorragiques

“ Points forts

Les angines érythématopultacées sont habituellement virales.Le traitement antibiotique ne se justifie que pour prévenir le RAA. Il est indiqué si l’on suspecte une angine à streptocoques A sur labase de l’âge, des antécédents, du tableau clinique (score de Mac Isaac), du test de diagnostic rapide (TDR) éventuellement complétépar un prélèvement bactériologique pharyngé en cas de facteurs de risque. Afin de prévenir efficacement le RAA, les antibiotiquesdoivent être débutés au plus tard au 9e jour d’évolution.Les patients doivent être régulièrement surveillés afin de réévaluer la thérapeutique en cas de persistance des symptômes à j3, et dedétecter une éventuelle complication infectieuse : adénite, phlegmon périamygdalien, infection péripharyngée, cellulite, syndromede Lemierre. Ces complications sont à suspecter devant les signes suivants : unilatéralisation des symptômes, trismus, tuméfactionlatérocervicale, torticolis/raideur cervicale, placard cutané inflammatoire, tuméfaction endopharyngée.Les angines ulcérées et nécrotiques bilatérales doivent faire craindre une hémopathie maligne. Les formes unilatérales correspondenthabituellement à une angine de Vincent et plus rarement à un chancre syphilitique ou à un cancer de l’amygdale.Les angines vésiculeuses sont virales (primo-infection herpétique, virus coxsackie). Leur traitement est symptomatique.Une pharyngite avec fièvre élevée persistante, adénopathies et apparition en quelques jours d’une conjonctivite, d’une chéilite, d’uneinflammation desquamative des mains et des pieds doit faire suspecter un syndrome de Kawasaki. Il est important de débuter letraitement par immunoglobulines avant le 10e jour d’évolution afin de limiter les risques de complications cardiovasculaires(anévrismes coronariens).Dans le cadre d’angines à répétition, l’amygdalectomie est indiquée quand la fréquence des épisodes est supérieure à trois par anpendant 3 années consécutives ou cinq par an durant 2 années consécutives.

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en postopératoire mais pourraient diminuer la fièvre [29]. Parailleurs, la douleur serait moindre avec les techniquespartielles [30].

Du fait du risque hémorragique, l’utilisation d’acide acétylsa-licylique est contre-indiquée dans les 2 semaines précédant etles 2 semaines suivant l’intervention. Par ailleurs, les longsvoyages en train, en avion ou en voiture sont déconseilléspendant les 15 premiers jours postopératoires. Tout saignementpar la bouche ou par le nez nécessite une consultation rapideauprès d’un ORL.

■ ConclusionLes points essentiels à connaître pour une bonne prise en

charge des angines sont :• les indications de l’antibiothérapie dans les angines non

spécifiques ;• les signes devant faire évoquer des complications infectieuses

locorégionales rares mais potentiellement sévères (adénite,phlegmon périamygdalien, infection préstylienne et cellu-lite) ;

• les tableaux cliniques et les modalités diagnostiques etthérapeutiques des angines spécifiques, mononucléose infec-tieuse, angines vésiculeuses, angine diphtérique, anginesulcéreuses et nécrotiques, syndrome de Kawasaki.

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Acouphènes :diagnostic et prise en charge

A. Londero, A. Blayo

L’acouphène est un symptôme audiologique très fréquent qui affecte environ 10 % de la populationgénérale. Qu’il soit audible par l’entourage et/ou enregistrable (acouphène objectif) ou bien perçu par leseul patient (acouphène subjectif) il correspond à une perception auditive élémentaire d’origine interne.Généralement bien toléré, l’acouphène peut prendre chez certains patients un caractère très intrusif etinvalidant qui nécessite une thérapeutique spécifiquement dédiée. La démarche diagnostique restefondée sur l’interrogatoire minutieux éventuellement complété par des questionnaires standardisés, surl’examen clinique général et oto-rhino-laryngologique comportant une visualisation complète desmembranes tympaniques et sur un examen complémentaire de réalisation simple : l’audiométrie tonaleet vocale. Les autres examens complémentaires audiovestibulaires (potentiels évoqués auditifs,vidéonystagmographie) ou radiologiques (imagerie par résonance magnétique cérébrale, scanner desrochers) n’ont aucun caractère systématique et doivent s’inscrire dans une démarche raisonnée. La priseen charge thérapeutique repose, si possible, sur le traitement de la lésion causale et, pour les patients lesplus invalidés, sur un abord multidisciplinaire associant omnipraticien, oto-rhino-laryngologiste,audioprothésiste et psychologue. Elle comprend, outre les traitements médicamenteux palliatifs, unenrichissement sonore (générateurs de bruit, prothèses auditives) et des techniquescognitivocomportementales (relaxation, restructuration cognitive). Les progrès dans la compréhensionde la physiopathologie de l’acouphène devraient permettre de voir se développer à court terme destraitements spécifiques novateurs.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Acouphène subjectif ; Acouphène objectif ; Habituation ; Thérapies cognitivocomportementales

Plan

¶ Généralités et physiopathologie.L’acouphène : qu’est-ce que c’est ? 1

Épidémiologie 1Classification des acouphènes 2Physiopathologie des acouphènes subjectifs 2

¶ Étiologies. L’acouphène : pourquoi ? 3Acouphènes objectifs 3Acouphènes subjectifs 3

¶ Diagnostic. L’acouphène : comment ? 3Bilan oto-rhino-laryngologique 3Examens radiologiques 5Autres examens 5Diagnostic différentiel 5

¶ Traitement. L’acouphène : que faire ? 5Quels sont les médicaments utilisables ? 5Traitements psychocomportementaux 5Traitements physiques 7Thérapeutiques alternatives 7Thérapies intracochléaires 7

¶ Conclusion 7

■ Généralités et physiopathologie.L’acouphène : qu’est-ce que c’est ?

L’acouphène (ou plutôt les acouphènes tant les formescliniques sont variées) est un symptôme fréquent émaillantl’évolution de nombreuses pathologies auditives, neurologiquesou générales. En particulier dans ses formes chroniques, il peutprendre chez certains patients un caractère plus intrusif etinvalidant motivant une demande de soins incessante. Bienqu’il n’existe pas, à l’heure actuelle et dans la majorité des cas,de thérapeutique étiologique curative, il nécessite néanmoinsune prise en charge adaptée qui doit se fonder sur des modèlesphysiopathologiques et sur des méthodes thérapeutiquesvalidées qui permettent de s’extraire de l’insatisfaisante etlapidaire sanction encore trop souvent assénée à des patientsdésemparés : « Apprenez à vivre avec ! »

ÉpidémiologieL’acouphène est un symptôme qui correspond à une percep-

tion auditive élémentaire, non structurée, d’origine interne.D’après différentes enquêtes épidémiologiques, les acouphènesaffecteraient au moins 10 % de la population générale adulte oupédiatrique dans les pays industrialisés. Selon les individus, leniveau de tolérance de ce symptôme est variable induisant uncoût social et économique fort important [1]. Une étude alle-mande [2] a montré que dans 81 % des cas un ou plusieurs

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médecins avaient été consultés et que les traitements prescrits– médicamenteux dans 75 % des cas – n’avaient amélioré que37 % des patients. On estime qu’en France, avec 170 000nouveaux cas chaque année, environ 2,4 millions de patientssont gênés par leur acouphène et 300 000 sont très perturbésdans leur vie quotidienne. Il s’agit d’un problème de santépublique d’autant plus important que l’exposition sonoretraumatique, source habituelle d’acouphène, est de plus en plusfréquente (musique amplifiée, bruits environnementaux,exposition professionnelle, etc.) [3].

Classification des acouphènes

Acouphène objectif ou subjectif

Les acouphènes objectifs sont rares (5 %). Ils sont audiblespar l’entourage ou le médecin et enregistrables. Ils correspon-dent à un bruit organique vasculaire ou musculaire. Cesacouphènes nécessitent une prise en charge diagnostique etthérapeutique particulière. Les acouphènes subjectifs sontbeaucoup plus fréquent (95 %). Ils sont uniquement audiblespar le patient et ne peuvent être enregistrés. Il s’agit alors« d’une perception auditive perçue en dehors de toute stimula-tion extérieure et témoignant d’une lésion existant ou ayantexisté des voies auditives périphériques ou centrales » [4].

Acouphènes aigus ou chroniques

Un acouphène peut être considéré comme aigu ou subaigudurant la première année d’évolution. On parle ensuited’acouphène chronique. La prise en charge des acouphènesaigus se doit d’être centrée autour de la recherche étiologiquevisant à déterminer et, si possible, à traiter la lésion causale. Leconcours de l’oto-rhino-laryngologiste (ORL) est généralementnécessaire à ce stade. En l’absence de traitement spécifiqueétiologique efficace, la prise en charge des acouphènes chroni-ques invalidants est plutôt centrée sur des thérapeutiquespalliatives visant à en améliorer la tolérance par un abordpluridisciplinaire [5].

Acouphènes compensés ou décompensés

L’acouphène est dit compensé quand la qualité de vie dupatient n’est pas altérée par la présence de l’acouphène qu’ilpeut néanmoins parfois entendre en particulier dans lesambiances silencieuses. La majorité des patients acouphéniquesest dans ce cas. L’acouphène est au contraire dit décompenséquand il est la source d’un inconfort, parfois majeur, associanttroubles attentionnels, troubles du sommeil, réactions anxiodé-pressives, etc. Ce sont ces patients invalidés auxquels estproposée une prise en charge multidisciplinaire adaptée [6].

Physiopathologie des acouphènes subjectifs

Physiologie du système auditif (Fig. 1)

L’oreille externe a un double rôle de protection et d’amplifi-cation de l’énergie pressionnelle sonore. Le système tympano-ossiculaire, dans l’oreille moyenne, transmet cette énergievibratoire aux structures de l’oreille interne. Le mouvement del’étrier, dans la fenêtre ovale, déclenche la mise en mouvementdes liquides de l’oreille interne et un déplacement de lamembrane basilaire qui soutient l’organe sensoriel auditif(organe de Corti). Là, les cellules ciliées (internes et externes)effectuent un codage actif avec transduction de l’énergiemécanique incidente en signal électrique neuronal permettantl’intégration du message auditif par le cerveau. Les informationsauditives passent par différents relais complexes dans lemésencéphale, le thalamus, le système limbique et enfin lescortex auditifs primaires et secondaires permettant la perceptionconsciente du message auditif. Les connexions limbiques sontessentielles à la mémorisation et à l’intégration émotionnelledes sons signifiants. Les stimuli neutres, comme les sonscorporels ou les bruits environnants usuels, sont au contraire

généralement « filtrés » avec une atténuation de leur perceptionconsciente. Les connexions avec le système nerveux autonomepermettent de rendre compte des réactions viscérales secondai-res aux sons perçus comme plaisants ou agressifs [8]. Toutealtération du système sensoriel auditif peut être à l’origine d’unacouphène subjectif.

Modèles physiopathologiques des acouphènessubjectifs

En dépit d’une meilleure compréhension de la physiologiecochléaire ainsi que du développement de modèles animaux etdes progrès en neuro-imagerie, l’origine des acouphènes resteimparfaitement expliquée, ce dont témoigne la variété desmodèles physiopathologiques encore proposés [9].

Modèles périphériques

Ces modèles font de la présence de l’acouphène la consé-quence d’une anomalie du capteur auditif périphérique, que cesoit par lésion ciliaire, trouble pressionnel de l’oreille interne,activité épileptoïde du nerf auditif, etc. On en rapproche lesexplications rattachées à une origine purement extra-auditive(syndrome algodystrophique de l’articulation mandibulaire,anomalie de la statique cervicale, troubles endocriniens oumétaboliques). Cependant, ces modèles périphériques sontinsuffisants à expliquer la persistance d’un acouphène aprèssurdité totale, voire amputation cochléaire [10].

Modèle neurophysiologique de Jastreboff

Ce modèle central explique la persistance de l’acouphène, etde la gêne qui en résulte, par un dysfonctionnement cérébral,acquis et autoentretenu, initié par un processus pathologiquecomplexe associant lésion du système auditif et stress [11]. Dansce modèle, l’activation chronique des circuits limbiques (émo-tion, mémorisation) et du système nerveux autonome (stress,focalisation attentionnelle) expliquerait la persistance de laperception consciente et inconfortable de l’acouphène chezcertains patients.

Modèle de la douleur chronique

L’acouphène, comme la douleur, est une « expérience senso-rielle et émotionnelle désagréable décrite en termes de dommagetissulaire réel ou potentiel ». La similitude des deux situationspathologiques où le patient est confronté à une perceptionpurement subjective est frappante [12]. Dans les deux cas, lanotion d’intégration centrale et de modulation par différentssystèmes de contrôle explique aisément les perturbations desprocessus attentionnels, émotionnels ou psychologiques com-munes aux deux symptômes par des mécanismes analogues àceux décrits dans les douleurs chroniques neurogènes oupostamputation. Cette hypothèse est confortée par la persistanced’acouphènes après destruction totale de l’organe auditif etexplique volontiers l’association fréquente à une hypersensibilitédouloureuse aux sons (hyperacousie) équivalente à l’allodyniedes syndromes douloureux neuropathiques [13].

Acouphènes et troubles psychopathologiques

L’acouphène n’est pas un symptôme psychiatrique et soncaractère organique est attesté à la fois par le lien quasi constantentre apparition de l’acouphène et présence d’un trouble auditifainsi que par la disparition brutale de certains acouphènes aprèslésion cérébrale focale [14]. Cependant, il semble tout aussiévident que l’acouphène, tout comme les douleurs chroniques,peut générer des conséquences psychologiques délétères et quela survenue d’un acouphène sur un terrain psychiatriquedéficient peut en majorer les conséquences en générant desconduites d’évitement ou d’anticipation, voire des réactionsphobiques [15]. Les psychothérapies et tout particulièrement lesthérapies cognitivocomportementales (TCC) sont donc large-ment proposées, tout comme elles le sont dans les syndromesalgiques chroniques [16].

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■ Étiologies. L’acouphène :pourquoi ?Acouphènes objectifs

Les étiologies des acouphènes pulsatiles sont résumées dans leTableau 1 [17].

Les étiologies des acouphènes objectifs non pulsatiles sontrésumées dans le Tableau 2 [5].

Acouphènes subjectifsLes étiologies des acouphènes subjectifs sont résumées dans

le Tableau 3 [5].

■ Diagnostic. L’acouphène :comment ?

Bilan oto-rhino-laryngologiqueInterrogatoire et questionnaires

L’interrogatoire initial est un temps essentiel de la prise encharge. L’acouphène est décrit par sa tonalité (bourdonnement,

Figure 1. Physiologie du système auditif(d’après [7]). a. Tronc cérébral ; b. mé-sencéphale ; c. cortex ; d. oreille (externe,moyenne et interne) ; e. cochlée ; f. organe deCorti ; 1. rampe vestibulaire ; 2. strie vascu-laire ; 3. organe de Corti ; 4. rampe tympani-que ; 5. cellule ciliée externe ; 6. cellule ciliéeinterne ; 7. fibres afférentes ; 8. faisceau efférentolivocochléaire médial ; 9. faisceau efférent oli-vocochléaire latéral ; 10. cortex pariétal ;11. gyrus de Heschl ; 12. thalamus non spécifi-que ; 13. corps géniculé médian ; 14. colliculusinférieur ; 15. formation réticulée ; 16. noyaucochléaire dorsal et ventral ; 17. noyau olivairelatéral ; 18. noyau olivaire médial ; 19. voielemniscale ; 20. voie extralemniscale.

Tableau 1.Étiologies des acouphènes pulsatiles.

Lésion artérielle carotidienne Sténose athéromateuse, anévrismeintrapétreux d’origine infectieuseou traumatique, dissectionartérielle, ectopie du trajetde l’artère carotide interne, dolicho-artères carotidiennes, dysplasiefibromusculaire carotidienne

Anomalie des sinus veineux Ectasie du golfe de la jugulaireou variante anatomique des sinusveineux, thrombose veineuse

Fistules artérioveineuses (FAV) Fistules durales sus- et sous-tentorielles, autres FAV carotido-caverneuses, vertébrovertébrales

Lésions tumorales Chémodectomestympanojugulaires, paragangliomes

Autres Troubles pressionnels du LCS,otospongiose, HTA, maladie de Paget

LCS : liquide cérébrospinal ; HTA : hypertension artérielle.

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sifflement, chuintement, etc.), par sa latéralité (gauche, droit oucentral), par ses caractéristiques évolutives (mode d’installation,variations au cours du temps, pathologies intercurrentes), parses facteurs de modulation (exposition sonore, stress, mouve-ments, sommeil, prises médicamenteuses, etc.), par ses consé-quences (troubles du sommeil, réactions anxiodépressives,troubles attentionnels) et par les symptômes ORL associés(hypoacousie, vertiges, hyperacousie).

L’hypoacousie témoigne de l’atteinte fonctionnelle des voiesauditives. On note souvent une correspondance entre tonalitéde l’acouphène et profil fréquentiel de la perte auditive associée,même si la présence de l’acouphène n’est pas directement liéeà la sévérité du déficit auditif. Il convient de rechercher dèsl’interrogatoire cette perte auditive parfois négligée par lespatients. Les vertiges peuvent être présents en particulier dansles pathologies pressionnelles de l’oreille interne (maladie deMénière). Quant à l’hyperacousie c’est une intolérance auxbruits ambiants entendus sans inconfort par les sujets normaux.Elle peut conduire au repliement progressif du patient dans unenvironnement sonore appauvri par le port systématique deprotections auditives, ce d’autant que se surajoute une phono-phobie correspondant à une réaction de type anxieux, aveccomportements d’anticipation et d’évitement face au bruit.

Différents questionnaires validés en français (Tableau 4) [18]

permettent de juger de façon relativement reproductible la

sévérité et la tolérance d’un acouphène en contrepartie d’untemps de passation n’excédant pas quelques minutes. Ilspermettent également d’évaluer de façon reproductible etmesurable l’évolution de la symptomatologie.

Examen clinique ORLIl complète l’interrogatoire et comprend, outre l’examen

clinique ORL et otoneurologique classique, une évaluation desarticulations temporomandibulaires et de la statique cervicaleainsi que l’auscultation des axes artérioveineux en casd’acouphène pulsatile. Il est impératif de visualiser correctementles tympans après avoir débarrassé le conduit auditif de toutdépôt cérumineux. Ceci peut nécessiter le recours rapide àl’examen au microscope binoculaire aidé de micro-instruments(pinces, crochets, aspiration, etc.) et donc le recours à l’ORL.

Examens audiovestibulaires (Tableau 5)

Un seul examen s’avère nécessaire et indispensable : l’audio-métrie tonale et vocale au casque en cabine insonorisée.

Tout patient présentant un acouphène doit en bénéficier pourquantifier le déficit auditif généralement lié à l’acouphène etprogrammer la suite du bilan. Les autres tests audiovestibulaires(tympanométrie, réflexe stapédien, potentiels évoqués auditifsprécoces, vidéonystagmographie, audiométrie hautes fréquences)ne sont réalisés qu’en fonction du résultat de l’audiométrie etleur indication, dans la démarche diagnostique, relève duspécialiste ORL.

L’acouphénométrie permet d’évaluer au moyen d’un audio-mètre conventionnel – par le patient et donc de façon subjec-tive – les caractéristiques psychoacoustiques de l’acouphène

Tableau 2.Étiologies des acouphènes objectifs non pulsatiles.

Etiologies Type d’acouphène

Myoclonie du voile Acouphène à type de claquementLe mouvement du voile du palaissynchrone à la perception sonorepeut être visualisé

Myoclonie du muscle tenseurdu tympan ou du musclede l’étrier

Acouphène à type de claquementLe mouvement anormal du tympanpeut être visualisé à l’otoscopie

Béance tubaire Acouphène synchrone à la respirationdisparaissant lors de l’apnée

Tableau 3.Étiologies des acouphènes subjectifs.

Oreille externe Bouchon de cérumen, corps étranger, exostosedu conduit auditif externe

Oreille moyenne Dysfonctionnement tubaire, otiteséromuqueuse, perforation tympanique, otitechronique non cholestéatomateuse, cholestéa-tome, otospongiose et autres lésions ossiculaires

Oreille interne Labyrinthite bactérienne ou virale, traumatismesonore ou mécanique, barotraumatisme,toxiques (aminoglucosides, aspirine, cisplatine,furosémide et autres diurétiques, quinidiniques,solvants), maladie de Ménière et syndromes mé-nièriformes, maladies auto-immunes (syndromede Cogan), surdité d’origine génétique isoléeou syndromique, presbyacousie, surdité brutaleidiopathique

Nerf auditif Schwannome du nerf vestibulaire et autrestumeurs de l’angle pontocérébelleux, bouclesvasculaires du conduit auditif interne,neuropathies auditives, maladie de Lyme

Centrale Traumatismes crâniens et cervicaux, scléroseen plaques, maladies dégénératives, troublespressionnels du LCS

Autres pathologies Dysfonctionnement de l’articulationtemporomandibulaire, troubles métaboliques(hyperthyroïdie, HTA, etc.)

LCS : liquide cérébrospinal ; HTA : hypertension artérielle.

Tableau 4.Questionnaire « Sévérité » (traduction Meric et al. [18]).

Cochez la réponse OUI ou NON pour les questions suivantes.

Vous devez répondre à toutes les questions même si votre accord ouvotre désaccord n’est que partiel.

1 Vous arrive-t-il d’avoir des difficultés à vousconcentrer à cause de votre acouphène ?

OUI 1 NON 0

2 Êtes-vous presque constamment conscient(e)de la présence de votre acouphène ?

OUI 1 NON 0

3 Votre acouphène, vous gêne-t-il dansdes activités physiques telles que vous habillerou jardiner ?

OUI 1 NON 0

4 Votre acouphène vous gêne-t-il pour vousendormir ?

OUI 1 NON 0

5 Pourriez-vous dire que généralementvotre acouphène ne vous dérange pas ?

OUI 0 NON 1

6 Vous arrive-t-il de passer quelques heuressans prendre garde à votre acouphène ?

OUI 0 NON 1

7 Votre acouphène est-il très bruyant ? OUI 1 NON 0

8 Vous arrive-t-il d’en avoir assezde votre acouphène ?

OUI 1 NON 0

9 Vous arrive-t-il souvent de passer un jourou plus sans acouphène ?

OUI 0 NON 1

10 Oubliez-vous souvent votre acouphènequand vous êtes occupé(e) ?

OUI 0 NON 1

11 Votre acouphène est-il présent au moinsune partie chaque jour ?

OUI 1 NON 0

12 Votre acouphène vous empêche-t-il de vousrelaxer ?

OUI 1 NON 0

13 Bien que votre acouphène soit très agaçant,pouvez-vous dire qu’il ne vous abat pas ?

OUI 0 NON 1

14 Parlez-vous souvent aux autres des problèmesque votre acouphène occasionne ?

OUI 1 NON 0

15 Votre acouphène vous gêne-t-il quandvous essayez de lire ou de regarder la télévision ?

OUI 1 NON 0

16 Pourriez-vous dire que la vie serait plusagréable si vous n’aviez pas d’acouphène ?

OUI 1 NON 0

Score : un score inférieur à 8 définit un acouphène peu sévère, moyennementsévère entre 8 et 12, sévère si le score excède 12.Les réponses OUI à la question 3 ou NON à la question 10 définissent unacouphène intrusif.

.

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(fréquence, intensité, seuil de masquage et d’inconfort). C’est untest peu prédictible car soumis à une forte variabilité intra-individuelle. Il est cependant de grande valeur pédagogique enmontrant au patient que l’acouphène est un son de faibleintensité que l’on peut aisément masquer par des sonsextérieurs.

Examens radiologiques (Tableau 6)

Ils n’ont aucun caractère systématique et doivent s’inscriredans une démarche diagnostique raisonnée dictée par le résultatde l’examen audiométrique. Ils doivent être expliqués auxpatients qui ne doivent pas en attendre de « visualisation » del’acouphène, ni même de mise en évidence systématique d’unepathologie causale. En effet, si les examens radiologiquespeuvent permettre d’éliminer une cause organique agressivecomme le neurinome de l’acoustique en cas de surdité unilaté-rale progressive, ils sont généralement normaux en cas depathologie purement cochléovestibulaire.

Autres examensLes autres examens complémentaires, qu’ils soient biologi-

ques, stomatologiques, cardiologiques, rhumatologiques, n’ontaucun caractère systématique et ne sont prescrits qu’en présencede signes cliniques d’orientation et éventuellement après avisspécialisé.

Diagnostic différentielLe diagnostic différentiel des acouphènes est généralement

simple. Ils se distinguent aisément des hallucinations survenantdans un contexte psychiatrique de type schizophrénique, deshallucinations musicales (mélodie structurée entendue de façonrépétitive), non psychiatriques, survenant volontiers chez lessujets âgés présentant une surdité sévère, des crises d’épilepsies

temporales débutant par une aura auditive. L’interrogatoire et lebilan neuropsychiatrique permettent de redresser rapidement lediagnostic (Fig. 2, 3).

■ Traitement. L’acouphène :que faire ?

Quels sont les médicaments utilisables ?En France, seules deux molécules d’action périphérique

ont une autorisation de mise sur le marché spécifiant« acouphène » : la trimétazidine et l’extrait de gingko bilobaEGB 761. Mais de nombreuses autres, aux différentes propriétésanti-inflammatoires (corticothérapie orale ou intraveineuse),vasodilatatrices ou nootropes, sont prescrites en pratiquequotidienne sans qu’aucune donnée scientifique ne vienneconforter cette attitude pragmatique. D’autres classes thérapeu-tiques sont donc également prescrites hors autorisation de misesur le marché dans cette indication. Les anesthésiques (lido-caïne) dont l’efficacité, partielle et de courte durée, a étédémontrée en administration intraveineuse. Les antiépileptiques(carbamazépine, mais surtout clonazépam) dont l’efficacitésymptomatique semble attestée au prix d’effets secondairesparfois sérieux. Les hypnotiques, anxiolytiques et antidépres-seurs qui agissent sur la tolérance de l’acouphène en réduisantles phénomènes anxiodépressifs et les troubles du sommeilréactionnels. Force est donc de constater que la pharmacopée àvisée otologique actuellement disponible ne permet pas derépondre à l’attente des thérapeutes et de leurs patients justi-fiant pour les plus invalidés une prise en charge multidiscipli-naire palliative analogue à celle dispensée dans les centres« anti-douleur » [19].

Traitements psychocomportementaux

Tinnitus retraining therapy (TRT®)Cette prise en charge a été développée selon le modèle

neurophysiologique central proposé par Jastreboff impliquantles structures limbiques et le système nerveux autonome. Elleconsiste à favoriser les processus naturels « d’habituation » enassociant des séances de conseil (counselling) et une thérapiesonore qui assure, selon différents protocoles et de façonprolongée, une stimulation sonore neutre non signifiante. Lerôle des séances de conseil est d’apporter au patient desinformations exhaustives concernant la physiologie de l’audi-tion, la genèse du symptôme et les différentes possibilitésthérapeutiques. Elles permettent au patient d’appréhender defaçon rationnelle et positive sa situation, contrant l’effet néfastedes messages négatifs lui ayant été communément délivrés(« vous ne guérirez pas... on ne sait pas ce que c’est... certainsse suicident... »), qui retarde la mise en route du bénéfiqueprocessus d’habituation. La thérapie sonore se fait grâce à desgénérateurs de bruit blanc éventuellement couplés à une

Tableau 5.Acouphénométrie.

Caractéristiques Remarques

Correspondance en fréquence Souvent délicate si l’acouphènen’est pas un son pur

Correspondance en intensité Généralement inférieure à 10 dBau-dessus du seuil auditif

Seuil de masquage Mesure du niveau sonore qui masquela perception de l’acouphène :reflet de la sévérité de l’acouphène

Seuil d’inconfort Mesure du niveau sonore quidéclenche une réaction douloureuse :reflet de la sévérité de l’hyperacousieassociée à l’acouphène

Tableau 6.Examens radiologiques.

Examens Acouphènes subjectifs Acouphènes objectifs

Échodoppler cervical et transcrânien Aucun intérêt Généralement peu contributif

Scanner des rochers Visualisation des structures osseuses mastoïdiennes(bilan des pathologies inflammatoires de l’oreillemoyenne, otospongiose, anomalies morphologiquescochléaires)

Visualisation des ectasies du golfe de la jugulaire

IRM cérébrale injectée avec coupesfines sur les CAI ± angio-IRM cérébrale

Recherche d’une lésion tumorale, dégénérativeou vasculaire des CAI, des angles pontocérébelleuxou du parenchyme cérébral

Malformations ou tumeurs vasculaires : angiomes, tumeursdu glomus jugulaire, fistules durales artérioveineuses

Artériographie Aucun intérêt Réservée aux lésions pouvant bénéficier des techniquesde neuroradiologie interventionnelle à visée curative

CAI : conduit auditif interne.

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Acouphène subjectif

Acouphène aigu

Audiométrie tonale et vocale

Traitement étiologique

Évaluation de la tolérance(questionnaires)

Évaluation des explorations etdes traitements déjà effectués

Traitement des troubles associés(insomnie, anxiété)

InterrogatoireExamen clinique ORL (tympans)

Examen général

InterrogatoireExamen clinique ORL (tympans)

Examen général

Scanner rochers, IRM cérébralePEA, VNG

Pas d'examen systématique

Évaluation des troubles ORLassociés

(hyperacousie, hypoacousie, etc.)

Éviter les messages négatifsTraitement médicamenteux

TRT (prothèse auditive, GBB)Thérapie cognitivecomportementale

Évaluation de l'évolution Évaluation des résultats

Acouphène chronique

Figure 2. Arbre décisionnel. Acouphène subjectif. IRM : imagerie par résonance magnétique ; PEA : potentiels évoqués auditifs ; VNG : vidéonystagmogra-phie ; TRT : tinnitus retraining therapy ; ORL : oto-rhino-laryngologique ; GBB : générateur de bruits blancs.

Acouphène objectif

Acouphène à type de click

Recherche d'une contractionmusculaire

IRM cérébraleÉliminer une cause centrale

Examen tympanTympanométrie

Fibroscopie rhinopharyngée

TraitementInjection toxine botulique

Section musculaire chirurgicale

Acouphène pulsatile

Recherche d'un soufflevasculaire

Scanner rochers,angio-IRM cérébrale

Auscultation cervicale et crânienneExamen tympan

± échodoppler cervicocrânien

TraitementRadiologie interventionnelle

Chirurgie vasculaire

Figure 3. Arbre décisionnel. Acouphène objectif. IRM : imagerie par résonance magnétique.

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prothèse auditive en cas de perte auditive importante associée.Ils sont portés, au moins 6 heures par jour, pendant une périoded’environ 18 mois. On peut également agir, de façon moinscontraignante, avec des CD de sons naturels ou des générateurssonores « de table » facilement disponibles. Bien quel’acouphène persiste le plus souvent, la TRT® permettrait dans80 % des cas d’obtenir cette « habituation » qui amène lesoulagement de la gêne et donc le retour à une vie personnelleet sociale normale [20].

Thérapies cognitives et comportementales

L’emploi des TCC pour l’acouphène a été décrit par Sweetowil y a plus de 30 ans. Cet abord thérapeutique psychologiquerepose sur le fait que la négligence de ce symptôme et, parconséquent, sa tolérance est la réponse normale au phénomènepuisque 80 % des patients présentant un acouphène ne décla-rent qu’une plainte mineure ou nulle. Les mécanismes quis’opposeraient au développement de ce processus concernent lesattributions cognitives négatives (« mon acouphène est trèsfort..., j’ai une tumeur..., je ne peux guérir... ») et les comporte-ments inadaptés (surprotection, évitement, focalisation) accom-pagnant l’émergence sonore et venant perturber l’activité dumoment (écouter une conversation, s’endormir, etc.). Le but desTCC est la réadaptation du sujet face à l’acouphène : on nemodifie pas la capacité de détection de l’acouphène, mais lesréactions et interprétations à l’égard de celui-ci. Les techniquescognitivocomportementales reposent sur des méthodes variées :relaxation volontaire (méthode de Jacobson), recueil des penséesautomatiques négatives, identification des distorsions cognitives,utilisation de la distraction comme stratégie de maîtrise,techniques de résolution de problème pour les difficultésassociées et réalisation de tâches comportementales en dehorsdu cabinet de consultation. Huit à dix séances sont nécessairespour réussir à obtenir un résultat favorable qui sera validé parl’amélioration des scores des questionnaires standardisés [21]. Infine, l’objet des TCC n’est pas de dire au patient « il vous faudravivre avec » mais de lui apprendre activement comment réussirà le faire. Environ 70 % des patients se déclarent améliorés defaçon prolongée à la suite d’une TCC [16].

Traitements physiquesDifférentes techniques de stimulation électrique cutanées

(stimulation directe transcrânienne) ou centrales (stimulationélectrique par implant cortical extradural) ont été récemmentemployées à titre symptomatique. C’est également le cas desstimulations magnétiques (stimulation magnétique transcrâ-nienne répétée) [7]. De réalisation souvent complexe et présen-tant des résultats variables, elles s’effectuent dans le cadre de larecherche clinique et sont encore difficilement utilisables enpratique quotidienne. On rapproche de ces méthodes lesrésultats favorables obtenus sur la perception des acouphènesaprès implantation cochléaire en cas de surdité profondebilatérale [22].

Thérapeutiques alternativesAucune médecine « alternative » ou « douce » n’a encore

démontré une activité supérieure à celle du placebo dans cetteindication. Des études cliniques complémentaires devraientpouvoir permettre de préciser leur place réelle, qu’il s’agisse del’homéopathie, de l’acupuncture et de la médecine tradition-nelle chinoise, de l’ostéopathie, ou de l’hypnose.

Thérapies intracochléairesLa connaissance plus précise des mécanismes de neurotrans-

mission cochléaire laisse augurer de la possibilité de délivrer àvisée thérapeutique, in situ grâce à des micropompes, desmolécules qui seraient toxiques en administration par voiegénérale. Il est probable que dans les années à venir ce type destratégie thérapeutique sera proposé lors de la phase d’installa-tion aiguë de l’acouphène [23]. L’avenir des thérapeutiqueslocales reste encore incertain dans les acouphènes chroniques.

■ ConclusionSymptôme fréquent, invalidant et souvent déstabilisant tant

pour les patients que pour les médecins, l’acouphène chroniqueest un symptôme frontière nécessitant l’implication de diffé-rents acteurs de santé dans une démarche de prise en chargemultidisciplinaire rationnelle et raisonnée qui se doit d’êtrefondée sur des modèles physiopathologiques consistants. Il estcertain que ces efforts conjugués des cliniciens et des chercheursfondamentaux apporteront dans les prochaines années denouveaux progrès significatifs dans la compréhension de saphysiopathologie et de son traitement. Le rôle du médecingénéraliste dans la reconnaissance du symptôme et dans la priseen charge au long cours du patient est, et restera, primordial.

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[12] Møller AR. Tinnitus and pain. Prog Brain Res 2007;166:47-53.

“ Points importants

Acouphènes en pratique• Acouphène pulsatile : examen ORL avec auscultationcervicale et crânienne, audiométrie et bilan radiologiquevasculaire.• Acouphène d’installation aiguë : examen ORL,audiométrie tonale et vocale et bilan orienté à la recherched’une lésion causale.• Acouphène chronique : examen ORL, audiométrietonale et vocale, pas d’examen radiologiquesystématique, prise en charge adaptée (thérapies sonores,thérapies comportementales) si l’acouphène présente uncaractère invalidant (questionnaires).• Hyperacousie : éviter la surprotection, proposer desexpositions régulières et progressives à des ambiancessonores non agressives.• Ne jamais délivrer de message négatif qui entrave lesprocessus d’habituation.

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Page 17: Le manuel du généraliste 2 orl

[13] Nelson JJ, Chen K. The relationship of tinnitus, hyperacusis, andhearing loss. Ear Nose Throat J 2004;83:472-6.

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[23] Wenzel GI, Warnecke A, Stöver T, Lenarz T. Effects of extracochleargacyclidine perfusion on tinnitus in humans: a case series. Eur ArchOtorhinolaryngol 2009Oct 22;[Epub ahead of print].

Pour en savoir pluswww.cochlee.org : site didactique développé par l’INSERM.www.tinnitusresearch.org/en/news/news_en.php : bulletin d’analyse de la

bibliographie.www.tinnitusresearch.org/en/grantprogram/grantprogram_en.php : point

sur la recherche fondamentale.www.tinnitus.org : méthode TRT® et ses fondements physiopathologiques.www.resonance-asm.com, http://peterhirschberg.com/mysoftware.html :

téléchargement de logiciels gratuits de génération de sons.www.bruit.fr : site du Centre d’information et de documentation sur le bruit

(CIDB).www.france-acouphenes.org : site de l’association de patients

France-Acouphène.

Page 18: Le manuel du généraliste 2 orl

Otalgie : conduite à tenir

C. Bodénez, F. Tankéré

L’otalgie est un motif fréquent de consultation. Il faut différencier l’otodynie, douleur liée à une affectionde l’oreille externe ou moyenne, de l’otalgie réflexe ou projetée, conséquence d’une affectioncervicofaciale, temporomandibulaire, buccale ou pharyngolaryngée, notamment néoplasique.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Otalgie ; Otodynie ; Otalgie réflexe ; Otite ; Cancer ORL ; Articulation temporomandibulaire

Plan

¶ Généralités 1

¶ Rappels anatomiques sur l’innervation sensitive de l’oreille 1

¶ Otalgie : conduite à tenir 1Interrogatoire 1Examen clinique 2

¶ Principales étiologies : diagnostic et prise en charge 3Otodynies : pathologie de l’oreille externe ou moyenne 3Principales affections responsables des otalgies réflexes 4

¶ Conclusion 5

■ GénéralitésL’otalgie ou douleur de l’oreille est un motif de consultation

fréquent.Il faut différencier l’otodynie, douleur d’origine otologique

liée à une affection de l’oreille externe ou moyenne, de l’otalgiedite réflexe ou projetée correspondant à une douleur irradiéevers l’oreille.

■ Rappels anatomiques surl’innervation sensitive de l’oreille [1]

L’innervation sensitive de la région auriculaire est complexeet assurée par de nombreux nerfs crâniens ou cervicaux (Fig. 1).Cette anatomie permet d’expliquer les nombreuses étiologies àl’origine des otalgies réflexes. Trois nerfs principaux participent

à l’innervation sensitive de l’oreille externe : le nerf trijumeau(V) (nerf auriculotemporal, branche du V3), le nerf facial (VII)(rameau sensitif du nerf facial pour la zone de Ramsay-Huntcomprenant la conque, le tragus, l’antitragus, une partie del’anthélix et une partie du méat acoustique externe [MAE] et dutympan) et le plexus cervical superficiel (nerf grand auriculaireet C2). Le nerf pneumogastrique (X) peut également participerà l’innervation de la zone de Ramsay-Hunt. Le nerf glossopha-ryngien (IX) assure l’innervation sensitive de la caisse dutympan (nerf tympanique de Jacobson) et parfois égalementd’une partie du MAE.

■ Otalgie : conduite à tenir

InterrogatoireL’interrogatoire doit rechercher :

• les antécédents du patient, notamment otologiques, cervicauxet pharyngolaryngés ;

• l’existence de facteurs de risque de néoplasie pharyngolaryn-gée (éthylisme, tabagisme) ;

• le caractère unilatéral, bilatéral ou à bascule de la douleur ;

“ Point fort

L’otodynie correspond à une douleur d’origineotologique. Lorsque l’otoscopie est normale, il s’agitd’une otalgie réflexe.

Figure 1. Innervation sensitive de l’oreille externe [1]. En hachuré, nerftrijumeau ; en jaune, plexus cervical superficiel ; en gris, nerf facial.

Page 19: Le manuel du généraliste 2 orl

• l’ancienneté, la fréquence, la durée et l’intensité de ladouleur ;

• l’existence d’un facteur déclenchant à son origine ;• des signes d’accompagnement purement otologiques : prurit,

hypoacousie, otorragie, otorrhée, éruption cutanée dupavillon ou du MAE ;

• des signes d’accompagnement faciaux, cervicaux ou pharyn-golaryngés : douleur localisée cervicale, pharyngolaryngée,buccale ou de l’articulation temporomandibulaire, dysphonie,dysphagie, obstruction nasale.

Examen clinique (Fig. 2)

Examen otologique

On débute par un examen attentif du pavillon recherchantdes anomalies cutanées (vésicules, néoplasie, chondrite, etc.), ouune simple acutisation de la douleur à sa mobilisation ou àl’appui du tragus. Le MAE et la membrane tympanique sontensuite examinés à l’aide de l’otoscope ou sous microscope. Onrecherche une anomalie du MAE (inflammation, sténose,otorrhée, obstruction, présence d’un corps étranger, etc.) ou del’aspect tympanique (tympan mat, inflammatoire, perforé). Encas d’anomalie de l’examen otologique, il s’agit le plus proba-blement d’une otodynie liée à une affection de l’oreille externeou moyenne. Un traitement adapté est en mesure de fairedisparaître le symptôme.

Examen cervicofacial

En cas d’examen otologique normal, il est impératif decompléter l’examen clinique par un examen cervicofacial afinde rechercher une pathologie responsable d’une otalgie réflexeou projetée. L’attitude doit impérativement être la même en casde persistance de l’otalgie malgré un traitement antérieur adaptépour une pathologie otologique. Cet examen recherche unetuméfaction, une induration ou une zone particulièrementsensible déclenchant l’otalgie. Il est approfondi dans :• la région périauriculaire : mastoïde, glande parotide, articula-

tions temporomandibulaires ;• les régions sous-mandibulaires, sous-digastriques, spinales et

jugulocarotidiennes ;• la cavité buccale, avec palpation bidigitale à la recherche

d’une pathologie dentaire ou gingivale, pelvienne ou lin-guale ; noter un trouble de la protraction linguale témoignantd’une fixité basilinguale ou d’une atteinte du nerf hypo-glosse ;

• l’oropharynx : on apprécie la mobilité du voile ; base delangue et régions amygdaliennes sont palpées.Fosses nasales, rhinopharynx et pharyngolarynx doivent

également être explorés. Cela nécessite le plus souvent un avisspécialisé pour réalisation d’une nasofibroscopie. On peutpréalablement orienter l’examen par la recherche de symptômespharyngolaryngés (dysphonie, dysphagie, dyspnée) ou naso-pharyngés (épistaxis, rhinorrhée, obstruction nasale).

Interrogatoire

Otalgie

Examen otoscopique

Anormal = otodynie

Affection- du pavillon- du MAE- de l'oreille moyenne

Affection- pharyngolaryngée- buccale- cervicale- parotidienne- temporomandibulaire

Normal = otalgieréflexe

Oui Non

Traitement adapté± avis spécialisé

Traitement adapté± avis spécialisé

Avis spécialiséCauses raresNévralgies

Guérison Persistance de l'otalgie

Figure 2. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une otalgie.

Page 20: Le manuel du généraliste 2 orl

Lorsque l’ensemble de l’examen cliniqueest négatif

On réalise un orthopantomogramme au minimum. Le patientest adressé à l’oto-rhino-laryngologiste pour réalisation d’uneendoscopie pharyngolaryngée dont le principal objectif est derechercher une étiologie tumorale à l’origine de l’otalgie. Enfonction des résultats, le bilan clinique est complété par unetomodensitométrie injectée cervicofaciale ou par une imageriepar résonance magnétique avec injection de gadolinium.

■ Principales étiologies :diagnostic et prise en charge

Otodynies : pathologie de l’oreille externeou moyenne

Affections bactériennes

Otite externe aiguë diffuse, furoncle du MAE et chondrite [2, 3]

L’otite externe aiguë diffuse est une dermoépidermite aiguëbactérienne de la peau du MAE. Il s’agit d’une affection bénigneet fréquente, notamment en période estivale (bains). Particuliè-rement douloureuse (douleur spontanée et déclenchée parl’appui du tragus ou la mobilisation du pavillon), elle secaractérise par une inflammation diffuse de la peau du MAE,parfois sténosante. Le traitement comporte, outre des antalgi-ques de classe II, l’instillation de gouttes locales antibiocorticoï-des (Polydexa®, Panotile®). En cas de doute sur l’intégritétympanique ou de perforation tympanique avérée, on utilisel’Oflocet®. En cas de sténose, un méchage par Pope-oto-wick®

est mis en place, imbibé des gouttes antibiotiques. Une abcéda-tion localisée à l’entrée du MAE fait évoquer un furoncle pourlequel le traitement est local (évacuation éventuelle à matura-tion, antibiothérapie et désinfection locales). L’otite externemaligne est une ostéomyélite nécrosante de l’os temporal [4]

(Fig. 3) avec risque de complications nerveuses survenant sur unterrain diabétique ou immunodéprimé. En cas de diffusion del’infection au pavillon auriculaire, il s’agit d’une chondrite(Fig. 4). Un avis spécialisé et un traitement par voie généralesont indispensables pour ces deux dernières affections.

Otite moyenne aiguë (OMA)

Le diagnostic est évident à l’otoscopie : tympan érythéma-teux, voire congestif, bombé et mat. Une perforation spontanéepeut survenir, diminuant alors l’otalgie.

Otite moyenne chronique surinfectée

Une otalgie peut survenir au cours d’une otite moyennechronique (otite perforée simple, séromuqueuse ou cholestéato-mateuse) à l’occasion d’une surinfection. Le diagnostic estévident à l’otoscopie. Un avis spécialisé est nécessaire.

Affections virales

Myringite virale (otite grippale ou myringite bulleuse)

Le tympan est érythémateux, opaque, parfois phlycténulaireou hémorragique. L’étiologie virale de cette affection trèsdouloureuse est actuellement remise en cause. Le traitement estle même que celui de l’OMA [2, 3].

Zona auriculaire

Le pavillon et le MAE (territoire sensitif du VII, zone deRamsay-Hunt) sont le siège d’une éruption vésiculeuse doulou-reuse. Une surdité neurosensorielle, des vertiges et une paralysiefaciale peuvent compléter le tableau clinique, parfois avec undécalage de quelques jours. Le traitement repose sur l’aciclovirparentéral ou per os en fonction de la gravité de l’atteinte [2, 3]

associé aux corticoïdes en cas d’atteinte cochléofaciale.

Affections traumatiques

Traumatismes du pavillon [2, 3]

Le contexte est le plus souvent évocateur et le diagnosticévident : plaie du pavillon (Fig. 5), otohématome, etc. Le risqueévolutif principal est dominé par la chondrite, ce qui justifieune prise en charge rapide des lésions (réparation chirurgicaleavec couverture des cartilages et évacuation des hématomes) etune antibioprophylaxie systématique.

Fracture du rocher, plaies du MAE et perforationstympaniques traumatiques [2, 3]

Le contexte est également évocateur (traumatisme crânien,introduction d’un corps étranger traumatique dans le MAE).L’otalgie s’accompagne fréquemment d’une otorragie. L’antibio-thérapie locale n’est pas systématique en l’absence de surinfec-tion. Un calibrage du MAE est discuté en cas de plaieimportante ou de sténose. Une tympanoplastie en cas deperforation est proposée en l’absence de cicatrisation spontanéeà 6 mois.

Blast auriculaire

Il s’agit d’une hyperpression violente (effet de souffle)appliquée à l’entrée du MAE (gifle, chute dans l’eau, etc.).

“ Point fort

Une otalgie avec examen otoscopique normal impose laréalisation d’un examen cervicofacial et pharyngolaryngéà la recherche d’une pathologie néoplasique notamment.

Figure 3. Otite externe nécrosante droite. Tomodensitométrie du ro-cher en coupe axiale. 1. Méat acoustique externe ; 2. lyse de la corticaleosseuse mastoïdienne.

Figure 4. Deux cas de chondrite du pavillon de l’oreille gauche (A, B).(Cliché de la Figure 4B : Professeur Malard, Centre hospitalier universitairede Nantes Hôtel-Dieu).

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L’otalgie est violente. Aucun traitement local n’est recommandé.La perforation qui en résulte est de taille variable et guérit leplus souvent spontanément. Un avis spécialisé est nécessaireafin de vérifier la position des lambeaux tympaniques pourguider la cicatrisation et l’absence d’atteinte de l’oreille interne(risque de fistule périlymphatique et de commotionlabyrinthique) [3].

Otite barotraumatique

Il s’agit d’un accident dit de recompression, lié à un dysfonc-tionnement tubaire, survenant lors de la descente d’un avion oulors de la descente en plongée [5]. L’absence d’équilibration despressions de part et d’autre du tympan normalement assurée parune ouverture active de la trompe auditive induit une dépres-sion douloureuse (douleur croissante parfois syncopale) au seinde la caisse du tympan, renforçant le collapsus tubaire. Lebarotraumatisme se traduit par une rétraction tympanique, avecsuffusion hémorragique, voire une perforation. Dans les formesles plus graves s’y associe une atteinte labyrinthique. Un avisspécialisé est nécessaire.

Corps étranger de l’oreille

Le diagnostic est le plus souvent évident : bouchon decérumen, jouet, etc. On peut tenter une extraction prudentegrâce à une instrumentation adaptée (crochets, micropince). Unavis spécialisé s’avère cependant préférable à la création denouvelles lésions locales pourvoyeuses de sténoses et d’infec-tions. La présence d’une micropile, avec risque de nécroseextensive par électrolyse locale, impose une extraction enurgence, parfois au bloc opératoire.

Affections tumorales et malformatives

Tumeurs bénignes du pavillon

Ces tumeurs sont de nature variée (nævus, hémangiome,cicatrice chéloïde, kyste sébacé, etc.) et en général indolores,hormis le nodule douloureux. Il s’agit d’une dermatose inflam-matoire nodulaire du bord libre de l’hélix [6] avec atteintecartilagineuse sous-jacente et ulcération superficielle fréquente.Elle concerne principalement l’homme à partir de 40 ans, à lasuite de microtraumatismes locaux répétés. Le traitement estchirurgical, avec analyse anatomopathologique systématique(afin d’éliminer un carcinome spinocellulaire). Le kératoacan-thome et l’acanthome peuvent également être douloureux.

Tumeurs malignes du pavillon [6, 7]

Elles sont dominées par le carcinome basocellulaire (Fig. 6), àmalignité essentiellement locale, et le carcinome spinocellulaire,

au pouvoir métastatique. Le carcinome basocellulaire est engénéral indolore, en dehors d’une inflammation importante oud’une surinfection. Le carcinome spinocellulaire est parfoisdouloureux, notamment en cas d’ulcération. Toute lésion dupavillon de l’oreille nécessite un avis spécialisé pour analyseanatomopathologique.

Kystes ou fistules congénitaux surinfectés [8]

Il s’agit principalement des fistules préhélicéennes (pertuiscutané visible avec parfois sécrétion de sébum en avant de laracine de l’hélix) et des fistules auriculocervicales (trajetfistuleux situé du MAE à la région rétro-angulo-maxillaire). Lessurinfections sont fréquentes et imposent une résection chirur-gicale après traitement antibiotique.

Principales affections responsablesdes otalgies réflexes

Pathologie buccale et pharyngée

Néoplasique

Toute lésion néoplasique du pharynx (naso-, oro- et hypo-pharynx) et parfois du larynx peut être à l’origine d’une otalgieprojetée. La présence d’une otalgie au diagnostic serait pourcertains un facteur de mauvais pronostic [9].

Cancer du rhinopharynx [10, 11]. Il s’agit le plus souventd’un carcinome indifférencié (undifferentiated carcinoma ofnasopharyngeal type) survenant chez un patient jeune, nonalcoolotabagique, originaire d’un pays du pourtour méditerra-néen ou d’Asie du Sud-Est. Une otite séromuqueuse ou uneadénopathie cervicale sont les modes de révélation les plusfréquents. Une otalgie peut également être un des premierssymptômes.

Cancer amygdalien et basilingual [12, 13]. Ce sont surtoutdes carcinomes épidermoïdes, liés à l’intoxication alcoolotaba-gique. Ils s’accompagnent fréquemment d’une otalgie homola-térale, par compression des rameaux du nerf glosso-pharyngien(IX) [14]. Il s’agit parfois du symptôme inaugural de la patholo-gie. L’examen clinique oropharyngé et notamment la palpationlinguale sont impératifs dans le diagnostic étiologique d’uneotalgie projetée [9]. Les cancers de la langue mobile et duplancher buccal s’accompagnent plus rarement d’otalgie [3].

Cancer de l’hypopharynx [15]. Il s’agit également de carci-nomes épidermoïdes liés à l’intoxication alcoolotabagique.L’otalgie réflexe survenant à la déglutition accompagne fré-quemment la dysphagie. Elle est liée à l’atteinte de la brancheinterne du nerf laryngé supérieur, avec projection de l’influxnociceptif vers le rameau auriculaire du vague (X) [14, 15].

Infectieuse et inflammatoire

Pathologies dentaires. Toutes les pathologies inflammatoiresou infectieuses dentaires (pulpite, carie, granulome apical, dentincluse, etc.) peuvent être à l’origine d’une otalgie par irradia-tion au nerf mandibulaire (V3), notamment celles des dents desagesse.

Angines et pharyngites. Par irradiation le long des fibres duIX, une pathologie inflammatoire ou infectieuse du pharynx

Figure 5. Plaie du pavillon de l’oreille gauche par morsure. Dénudationet amputation de l’hélix.

Figure 6. Carcinome basocellulaire du pavillon de l’oreille gauche.

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peut provoquer une otalgie. Sa persistance associée à un aspectanormal de l’amygdale palatine doit faire évoquer une néoplasiesous-jacente.

Corps étranger oropharyngé. Un examen attentif de larégion permet de le mettre en évidence (arête de poisson, débrisalimentaire, etc.).

Reflux gastro-œsophagien. Il peut être responsabled’authentiques otalgies en provoquant des pharyngites avecirradiation douloureuse aux fibres du IX [16, 17].

Pathologie cervicofaciale

Parotidienne [18]

Une pathologie de cette glande préauriculaire peut être àl’origine d’une otalgie (Fig. 7, 8). Il peut s’agir d’une affectionnéoplasique (envahissement du MAE par contiguïté ou irradia-tion douloureuse le long du nerf auriculotemporal), infectieuseou inflammatoire.

Ganglionnaire jugulocarotidienne ou spinale

Une atteinte ganglionnaire cervicale infectieuse ou tumoralepeut être responsable d’une otalgie par compression ou irradia-tion nerveuse le long des branches du plexus cervicalsuperficiel.

Pathologie articulaire temporomandibulaire

Arthrite, arthrose, ankylose et luxation

Toute pathologie de l’articulation temporomandibulaire peutinduire une otalgie homolatérale [19-21].

Syndrome algodysfonctionnel de l’articulationtemporomandibulaire

C’est une entité particulière. Il associe, le plus souvent chezune femme jeune, une otalgie (parfois bilatérale avec

acouphène) aggravée par la mastication à un dysfonctionne-ment de l’appareil masticateur (limitation de l’ouverturebuccale, bruits articulaires) [3, 20, 22]. Un trouble de l’articulédentaire est fréquemment retrouvé. Le traitement est avant toutmédicamenteux et fonctionnel, parfois chirurgical [23].

Causes rares

Névralgies essentielles

Elles restent des diagnostics d’élimination après un examencervicofacial approfondi :• névralgie du nerf glossopharyngien (douleur déclenchée à la

palpation amygdalienne) ;• névralgie du nerf trijumeau (par le rameau mandibulaire et le

nerf auriculotemporal) ;• névralgie du nerf vague (par le rameau auriculaire) ;• névralgie d’Arnold (racine C2 du plexus cervical superficiel).

Syndrome d’Eagle ou de la styloïde longue [24]

Il associe unilatéralement une gêne pharyngée, des douleurscervicales, une otalgie et une odynophagie en rapport avec uneélongation anormale du processus styloïde ou une calcificationdu ligament stylohyoïdien. Sa pathogénie reste obscure.L’amygdalectomie pourrait être un facteur déclenchant. Larotation homolatérale de la tête déclenche les douleurs.

Pathologie carotidienne

Une pathologie carotidienne (dissection, anévrisme) peut êtreresponsable d’une otalgie par irradiation des douleurs le long dunerf sympathique cervical vers l’espace rétrostylien. Il peut s’yassocier un syndrome de Claude-Bernard-Horner. Certains enrapprochent le syndrome d’Eagle (syndrome stylocarotidien) [24].

Pathologie rachidienne

L’arthrose cervicale est incriminée au cours des névralgiesd’Arnold par atteinte de la racine C2.

■ ConclusionL’otalgie est un motif fréquent de consultation. Un examen

otoscopique soigneux permet d’y rattacher une cause locale. Encas d’examen otologique normal, l’examen doit impérativementêtre élargi aux régions périauriculaire et cervicofaciale. L’otalgiepeut être le premier symptôme d’une néoplasie pharyngo-laryngée.

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Figure 7. Tuméfaction parotidienne gauche.

Figure 8. Tomodensitométrie cervicale injectée en coupe axiale réaliséechez le patient de la Figure 7. 1. Lésion isodense intraparotidienne gauchecorrespondant à un carcinome mucoépidermoïde.

.

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Pour en savoir plusDubreuil C, Pignat JC, Bolot G, Céruse P. ORL. Collection Pour le praticien.

Paris: Masson; 2002.www.orl-france.org/enseignement.

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76 SECTION I j  Section Title

B978-2-294-70951-7.00012-8, 00012

Etiologie et pathogénie

Pour mieux comprendre la pathogénie de l’OEA, il faut se rappeler l’anatomie du conduit auditif externe (figure 12.1), qui s’étend du tympan jusqu’au méat auditif externe. Le tiers proximal (interne) du canal est couvert d’une couche épithéliale et dermique peu épaisse, directement accolée au périoste sous-jacent, d’où le caractère particulièrement douloureux de l’inflammation en raison de cette proximité du tissu osseux. Les deux tiers distaux (externes) du conduit sont entourés par le cartilage qui soutient les structures de l’oreille externe et sont bordés par une peau plus épaisse qui contient des follicules pileux ainsi que des glandes séba-cées et à cérumen ; cet ensemble protège le conduit des infections. Le cérumen, hydrophobe et acide, maintient un environnement sec, hostile à la flore cutanée et à d’autres bactéries pathogènes. L’épithélium de la muqueuse du conduit se renouvelle continuellement et migre vers l’exté-rieur en emportant les débris et excès de cérumen, ce qui contribue au nettoyage de l’oreille. Tout ce qui perturbe cette barrière épithéliale et de cérumen, par exemple l’hu-midité prolongée, une élimination agressive du cérumen, une prothèse auditive, de l’eczéma ou du psoriasis, peut déclencher le processus inflammatoire, ce qui permet aux micro-organismes d’envahir le conduit. L’exposition à l’eau pendant de longues périodes, par exemple chez les nageurs, fait macérer l’épithélium et altère l’effet protecteur du céru-men. Cette perturbation modifie l’environnement qui, d’acide et sec, devient humide et alcalin, ce qui favorise les infections bactériennes. La muqueuse devient enflammée, le conduit se remplit de fluide purulent et de débris cellu-laires, ce qui obstrue encore davantage la lumière. Dans ce milieu chaud, humide et alcalin, les pathogènes prolifèrent. Si le fluide et les débris ne peuvent s’écouler du canal et si

l’inflammation et l’œdème persistent, l’infection risque de se propager aux structures crâniennes proches et peut évo-luer vers une complication grave mettant la vie en danger.

Plus de 90 % des cas d’OEA sont causés par Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa, soit individuellement soit de manière polymicrobienne. Ces pathogènes se dévelop-pent dans un milieu humide et alcalin ; c’est pourquoi le traitement est basé sur l’élimination du fluide et des débris épithéliaux, sur la réduction de l’œdème et sur l’assèche-ment avec acidification du conduit. Beaucoup moins fré-quemment, les champignons peuvent provoquer une otite externe, comme peuvent le faire également l’eczéma et d’autres affections cutanées.

Tableau clinique

Les patients avec une OEA se présentent en se plaignant d’une douleur apparue rapidement, parfois avec des anté-cédents de démangeaisons ou une sensation d’oreille pleine. Le signe clé à l’examen physique est la sensibilité à la compression du tragus ou la douleur suscitée par la traction vers l’extérieur et vers le haut du pavillon (auricule). Dans les premiers stades, l’otoscopie peut ne montrer que de l’érythème de la paroi du conduit, mais avec l’aggravation de l’inflammation, la paroi apparaît œdématiée et puru-lente avec des débris cellulaires visibles et un liquide de coloration blanche, grise ou verte. Si possible, le tympan doit être examiné, éventuellement après élimination pru-dente des débris au moyen d’une curette souple ou par une irrigation délicate. Le tympan peut paraître clair ou pren-dre un aspect opaque, irrégulier, blanc ou gris ; il devrait être intact et mobile lors de l’insufflation, indiquant qu’il n’est pas perforé et qu’il n’y a aucun épanchement dans l’oreille moyenne.

Introduction

L’otite externe aiguë (OEA), connue communément sous le nom d’« oreille du nageur », est définie comme une inflammation aiguë du canal auditif externe. Près de 95 % des OEA sont d’origine bactérienne, mais elles peuvent aussi être causées par des infections fongiques, des troubles allergiques et des affections dermatologiques.

Otite externe aiguë

James E. Kurz

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De la fièvre et un gonflement avec rougeur du tissu mou entourant le pavillon sont des signes de cellulite périauri-culaire, qui nécessite un traitement antibiotique immédiat et systémique. Une cellulite périauriculaire chez un patient immunodéprimé, fébrile ou avec d’autres signes de toxi-cose pourrait être due à une otite externe maligne (nécro-sante) et requérir des antibiotiques par voie intraveineuse et la consultation urgente d’un oto-rhino-laryngologiste.

Diagnostic différentiel

Il importe de distinguer une OEA d’autres causes de dou-leur ou d’écoulements, car les traitements sont très diffé-rents et un retard de diagnostic peut entraîner de graves complications (encadré 12.1). Une des causes les plus fré-

quentes de douleur locale est un furoncle, qui a l’aspect d’un nodule rouge et sensible, d’une papule ou d’une pus-tule, visible à la partie interne du pavillon ou dans la partie externe du conduit auditif. La douleur d’une sinusite aiguë ou d’une infection dentaire peut s’étendre à l’oreille, comme aussi la douleur de l’articulation temporomandibu-laire. La douleur liée à des neuropathies cervicales ou crâ-niennes peut être reconnue par son caractère soudain et bref, en coup de poignard (névralgie du trijumeau), qui contraste avec la douleur stable et rongeante de l’OEA. L’otite moyenne aiguë avec perforation s’accompagne d’écoulements, et la douleur est beaucoup moins pronon-cée une fois que le tympan s’est rompu et que le drainage de l’oreille a commencé. Un cholestéatome peut être asso-cié à un écoulement chronique et apparaît à l’otoscopie

Marteau (malleus) Canaux semi-circulaires

Conduit cochléaire

Rampe tympanique

Cochlée

Fenêtre ronde

En cas d’otite externe, l’inflammation, l’œdème et les sécrétions se limitent au conduit auditif externeet à sa paroi

Marteau

Vue otoscopiqued’une otite externe

N. vestibulaire

Méat acoustique interne

Base de l’étrier dans la fenêtre ovale

N. facial

Trompe d’Eustache

Auricule

Méat acoustique externe(conduit auditif)

Une inflammation avecœdème pariétal du conduit

auditif externe rétrécit la lumière

Membrane tympanique (tympan)

Inflammation, bord œdématiédu conduit auditif externe(des sécrétions et débris peuventaussi encombrer le conduit)

Paroi du conduit auditif externe

Branches de l’étrier (stapes)

N. cochléaire

Enclume(incus)

Oreille moyenne

Rampevestibulaire

withE. Hatton

Figure 12.1 Otite externe aiguë.

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comme une masse caséeuse adjacente à la paroi du conduit, souvent près du tympan. Les otomycoses sont causées par Candida ou Aspergillus, ces infections fongiques du conduit externe se produisant généralement après un traitement préalable pour une OEA, mais s’observent également chez des diabétiques et des personnes âgées. L’otomycose se manifeste habituellement par des démangeaisons et un écoulement chronique plutôt que par de la douleur.

Parmi les causes non infectieuses d’affections de l’oreille externe, on trouve des maladies dermatologiques comme l’eczéma, le psoriasis et la dermatite de contact. Dans ces cas, ce sont les démangeaisons et la desquamation qui pré-dominent sur la douleur. Les carcinomes sont des causes rares d’écoulement auriculaire persistant, mais ce diagnos-tic doit être envisagé si le traitement d’OEA n’apporte aucune amélioration.

Démarche diagnostique

Le diagnostic de l’OEA est clinique. Parce que la plu-part des cas d’OEA sont causés par P. aeruginosa et S. aureus, il n’y a aucune raison de procéder à une culture du liquide, sauf dans des circonstances exceptionnelles : un échec de traitement (dans ce cas, une infection fon-gique est possible), un patient immunodéprimé, une otorrhée chronique ou des états graves comme une cel-lulite ou une forte fièvre. Les examens sanguins ou radiologiques sont rarement nécessaires dans l’OEA. Si le patient est fébrile et se sent malade, il faut envisager la possibilité d’une otite externe maligne ; on devrait trouver alors une vitesse de sédimentation nettement accélérée, et la tomodensitométrie ou l’imagerie par résonance magnétique pourraient être indiquées afin de confirmer le diagnostic.

Soins et traitement

Les bases du traitement de l’OEA sont : 1. nettoyer suffisamment le conduit pour permettre

l’accès des médicaments au foyer infectieux ;2. choisir l’agent topique efficace contre les principaux

agents pathogènes ;3. soulager la douleur ;4. être conscient des facteurs qui pourraient nécessiter

un changement de traitement, par exemple à la suite d’une perforation tympanique, d’antécédents d’infec-tions récurrentes, de la présence de tubes de tympa-nostomie, d’états d’immunodépression comme dans le diabète ;

5. enfin, être prêt à considérer l’hypothèse d’autres dia-gnostics et de complications éventuelles.

Traitement optimal

Pour que le traitement soit efficace, le médicament doit atteindre le foyer infectieux, la thérapie topique étant la plus utile. Les débris cellulaires et le liquide doivent pou-voir être retirés du conduit (toilette auriculaire) de sorte que le médicament puisse atteindre la partie interne du canal. La toilette auriculaire se fait en douceur au moyen d’une curette souple, d’un coton-tige ou d’une microcu-rette sous contrôle otoscopique. Une irrigation délicate, de préférence avec de l’eau oxygénée diluée deux fois, peut contribuer à l’élimination des débris, mais il convient de confirmer que le tympan n’est pas perforé, sinon on ris-querait de contaminer l’oreille moyenne par le liquide infecté1. Si le conduit reste obstrué par des débris ou de l’œdème empêchant l’examen du tympan et si l’on craint que l’agent topique n’atteigne pas la partie proximale du conduit, il faut l’administrer au moyen d’une mèche ou d’une canule.

Pour traiter une OEA, il vaut beaucoup mieux utiliser un traitement topique que systémique, car il permet de concentrer plus de médicament dans le foyer infectieux. Des études des traitements topiques ont montré que les agents acidifiants (par exemple l’acide acétique et l’acide borique), des agents antiseptiques et des antibiotiques sont tous aussi efficaces dans le traitement de l’OEA. L’addition de stéroïdes topiques accélère le soulagement de la douleur et réduit l’otorrhée ; certaines études ont montré que les stéroïdes topiques peuvent également être utilisés seuls. Le choix du traitement doit prendre en compte l’efficacité, le coût, la facilité d’administration, qui conditionne l’observance, et les effets secondaires possibles.

Encadré 12.1 Diagnostic différentiel de la douleur ou du drainage auriculaire

Infectieuxj Otite moyenne aiguë avec perforationj Furonculosej Otomycosej Otite externe chroniquej Otite moyenne suppurative chroniquej Sinusitej Zonaj Otite externe nécrosante (maligne)

Non infectieuxj Dermatite atopiquej Psoriasisj Dermatite de contactj Carcinomej Cholestéatome

Autres affections douloureusesj Dysfonctionnement de l’articulation

temporomandibulairej Névralgie du trijumeau ou occipitalej Carie dentaire

1 L’eau oxygénée vendue en pharmacie existe en différentes concentrations, 10, 20 ou 30 volumes ; seule la dilution à 10 volumes, équivalente à 3 g/100 ml, peut être utilisée comme antiseptique ; pour l’indication présente, elle doit encore être diluée deux fois. (N.d.T.)

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Le premier choix de la plupart des cliniciens est un moyen peu coûteux, celui d’un antibiotique topique

combiné à un stéroïde, comme la combinaison de la néomycine, de la polymyxine B et de l’hydrocortisone (disponible comme thérapie combinée). Des aminoglycosides topiques, comme la gentamicine et la tobramycine, sont efficaces et peu coûteux, mais ne sont pas disponibles en combinaison avec un stéroïde. Des agents acidifiants comme l’acide acétique, qui inhibe la croissance de P. aeruginosa et S. aureus, ont été jugés tout aussi efficaces que les antibiotiques. Le prin-cipal inconvénient de ces agents est l’observance, car le patient doit les instiller 4 fois par jour. En outre, les pro-duits contenant de la néomycine peuvent induire une dermatite de contact et des réactions allergiques, particu-lièrement chez les patients déjà atteints d’eczéma. L’ototoxicité est rare, mais le risque est réel si des amino-glycosides atteignent l’oreille moyenne par une perforation tympanique. Pour ces raisons, les quinolones sont deve-nues les médicaments de choix pour l’OEA, mais sont nettement plus chères. La solution de l’ofloxacine otique ne doit être utilisée qu’une fois par jour, mais elle est plus souvent suivie d’otomycose. La ciprofloxacine, combinée ou non à un stéroïde (la ciprofloxacine et la dexaméthasone ou la ciprofloxacine avec hydrocortisone), ne requiert que deux instillations par jour. La durée du traitement pour les agents antibactériens est de 7 j. Une durée de 10 à 14 j est recommandée pour les agents acidifiants ou les stéroïdes utilisés seuls.

Un traitement adéquat de la douleur s’impose et cela n’empêchera pas le clinicien de suivre la réponse au trai-tement. Une douleur légère à modérée peut être traitée par de l’acétaminophène ou des anti-inflammatoires, mais si la douleur est forte, il ne faut pas hésiter à prescrire des analgésiques plus puissants, y compris des stupéfiants, comme la codéine. En effet, la douleur de l’OEA peut être très forte. Les antidouleurs appliqués localement ne sont pas très efficaces et ont une trop courte durée d’action.

Besoin d’antibiotiques systémiques

Une antibiothérapie systémique peut s’avérer nécessaire chez les patients immunodéprimés (VIH, diabète), lorsque l’infection s’étend au-delà du conduit auditif ou si une mèche ou une canule ne peut amener l’antibiotique dans la partie proximale du conduit. Dans ces cas, une quinolone active contre Pseudomonas et S. aureus, comme la ciprofloxa-cine, est préférable. Les β-lactames qui sont efficaces contre Staphylococcus (par exemple l’amoxicilline-clavulanate, la dicloxacilline, la céphalexine) peuvent être utilisés et sont beaucoup moins chers, mais ils ne sont pas efficaces contre Pseudomonas. Les cultures sont indiquées pour guider la thérapie quand la situation clinique est incertaine. Si le patient ne s’améliore pas dans les 48 h, un traitement avec une quinolone est indiqué. Une otite maligne doit être traitée d’urgence avec des antibiotiques par voie intravei-neuse et peut nécessiter un débridement chirurgical.

Traitement des autres étiologies

Une otomycose (infection fongique du conduit auditif externe) doit être envisagée si le patient se plaint d’otor-rhée et de démangeaisons après le traitement approprié d’une OEA, généralement après l’essai de deux topiques différents, ou si l’otorrhée réapparaît rapidement après un traitement réussi. L’otomycose n’est habituellement pas douloureuse. La culture du liquide peut contribuer au dia-gnostic. Le traitement est basé sur une toilette auriculaire adéquate et l’utilisation de topiques antifongiques comme une solution de clotrimazole, appliquée 2 fois par jour (disponible sans prescription, souvent vendue en tant que préparation contre la teigne des pieds [pied d’athlète] et l’eczéma marginé de Hebra [intertrigo inguinal]). Les patients avec un drain de tympanostomie et otorrhée ont probablement une otite moyenne, mais courent le risque d’otite externe et d’occlusion du drain ; le traitement est une application locale de quinolone combinée à un sté-roïde, par exemple la ciprofloxacine associée à la dexamé-thasone. L’eczéma et le psoriasis sont traités par des préparations topiques, solution ou crème, de stéroïde.

Éviter les erreurs de traitement

L’erreur la plus courante dans le traitement d’une OEA est une toilette auriculaire inadéquate empêchant l’accès de l’agent topique à la partie proximale du conduit auditif. Si l’œdème ou les débris ne peuvent être enlevés, le patient doit être envoyé chez un oto-rhino-laryngologiste, qui peut ôter les débris et, si nécessaire, placer une mèche ou une canule. Un patient qui a une forte fièvre et paraît très malade pourrait être atteint d’otite maligne, ce qui requiert une hospitalisation immédiate pour une antibiothérapie intraveineuse. Il ne faut pas hésiter à consulter un oto-rhino-laryngologiste si l’OEA semble grave ou lorsque le patient ne réagit pas comme prévu au traitement initial.

Prévention

Les patients doivent être informés que le cérumen protège le canal de l’oreille et que le nettoyage des oreilles avec des cotons-tiges ou des solutions est inutile et peut entraîner des infections. Chez les patients avec formation récurrente de bouchons, 2 gouttes d’huile minérale 1 fois par semaine amolliront le cérumen et permettront qu’il s’écoule natu-rellement. Les nageurs qui souffrent d’infections récurren-tes devraient, dès la sortie de l’eau, se sécher les oreilles au moyen d’un coin de serviette tout en inclinant la tête de côté et éviter toute insertion de coton-tige. Après la nata-tion, ils peuvent aussi instiller dans les conduits auditifs des gouttes d’acide acétique mélangé à de l’alcool isopropyli-que (disponible sans prescription ou à préparer soi-même en mélangeant à parts égales du vinaigre blanc et de l’alcool dénaturé) ; cela permet de sécher le conduit et de maintenir un pH acide. Des bouche-oreilles sont également efficaces dans la prévention des infections récurrentes.

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Futures directions

Les multiples traitements disponibles pour traiter l’OEA font tous preuve de la même efficacité dans des essais randomisés, mais cette similitude peut être le résultat d’études mal conçues ou non optimisées ; certaines études ont montré des tendances statistiquement non significa-tives en faveur de certains antibiotiques, en particulier les quinolones combinées à des stéroïdes. Des essais rando-misés à plus grande échelle, correctement menés, sont encore nécessaires pour déterminer la meilleure thérapie pour l’OEA. En outre, le vieillissement de la population et l’augmentation de la prévalence du diabète rendront les syndromes atypiques plus fréquents, en particulier l’otomycose et des formes plus graves d’otite externe bactérienne.

Ressources supplémentaires

American Academy of Pediatrics. Ear infections : swimmer’s ear. Acces-sible à : http://www.aap.org/healthtopics/earinfections.cfm. Consulté le 16 novembre 2006.

Cet enregistrement audio de 2 min, accessible gratuitement, décrit comment éviter, après une baignade, l’inflammation dite de « l’oreille du nageur ».

WebMD. Ear canal problems (swimmer’s ear). A-Z Healthguide. Accessible à : http://www.webmd.com/hw/ear_disorders/hw87616.asp. Consulté le 15 décembre 2006.

Cet article donne des conseils aux patients sur divers points : l’identification d’une infection, le traitement approprié, comment essayer celui-ci à la maison en toute sécurité et quand il faut faire appel au médecin.

Données probantes

1. Goguen LA. External otitis. In : Rose BD, éd. UpToDate. Accessible à : http://www.utdol.com/utd/content/topic.do?topicKey=pc_id/2947&type=A&selectedTitle=5~9. Consulté le 30 août 2006.

Ce site web propose une revue de base de la pathogénie et du traitement de l’OEA.

2. Rosenfeld RM, Brown L, Cannon CR, et al. Clinical practice guideline : acute otitis externa. Otolaryngol Head Neck Surg 2006 ; 134 (Suppl 4) : S4-S23.

Les auteurs fournissent des directives fondées sur des données probantes pour le diagnostic et le traitement de l’OEA.

3. Rosenfeld RM, Singer M, Wasserman JM, Stinnett SS. Systematic review of topical antimicrobial therapy for acute otitis externa. Otolaryngol Head Neck Surg 2006 ; 134 (Suppl 4) : S24-S48.

Les auteurs revoient la littérature sur le traitement de l’OEA et ajoutent une méta-analyse d’essais randomisés contrôlés comparant les différents types de traitement.

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3 j  Chapter Title 81

Étiologie et pathogénie

Une OMA consiste en une accumulation de liquide dans l’oreille moyenne accompagnée d’une inflammation aiguë. Le processus par lequel cela survient nécessite un rappel de l’anatomie de l’oreille moyenne (figure 13.1). La trompe d’Eustache (ou trompe auditive) sert à ventiler l’oreille moyenne, la maintenant en équilibre avec la pression atmosphérique. Si le canal est obstrué, le plus souvent à cause d’un gonflement, de sécrétions et de congestion à la suite d’une infection virale des voies respiratoires supérieu-res (IRS), la pression dans l’oreille moyenne devient rela-tivement négative. Du liquide est ainsi aspiré et cette effusion permet à des bactéries de se développer dans le fluide de l’oreille moyenne, ce qui déclenche une inflam-mation purulente (figure 13.2). Le dysfonctionnement de la trompe d’Eustache et ainsi l’effusion avec infection de l’oreille moyenne surviennent beaucoup plus souvent chez les enfants parce que la trompe est disposée plus horizon-talement que celle des adultes ; la gravité a donc moins d’effet sur le drainage. Ce conduit est également plus étroit et moins soutenu par le tissu environnant que celui des adultes. En moyenne, il faut environ 4 j à partir du début de l’infection virale pour qu’une infection de l’oreille moyenne se développe.

Historiquement, les bactéries le plus souvent isolées du fluide de l’oreille moyenne en cas d’OMA sont : Streptococcus pneumoniae (40 %), Haemophilus influenzae non typable (20 %) et Moraxella (10 %). Le streptocoque du groupe A est beaucoup moins fréquent et infecte habituellement des enfants plus âgés. Cependant, depuis l’introduction du

vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent (PCV7), des études du fluide de l’oreille moyenne ont montré une diminution du pourcentage d’isolats de S. pneumoniae de 30 %, tandis que l’incidence de H. influenzae a augmenté de 50 %. Bien que le pourcentage de pneumocoques résis-tants à la pénicilline isolés des effusions infectées ait dimi-nué, l’incidence de l’OMA n’a pas changé.

Des virus, généralement des rhinovirus, peuvent aussi être isolés comme seuls micro-organismes dans environ 15 % des cas d’OMA, ce qui peut expliquer des échecs thérapeutiques. Les syndromes cliniques dus au virus res-piratoire syncytial ou à un adénovirus sont différents, ce qui permet de les distinguer des infections bactériennes de l’OMA.

Tableau clinique

Une OMA est presque toujours précédée de symptômes d’IRS virale durant plusieurs jours, suivis par l’apparition soudaine d’une douleur auriculaire ou d’irritabilité. À l’examen, la membrane tympanique (MT) est rouge ou blanchâtre et souvent bombée. Le triangle lumineux et les repères osseux sont absents ; la MT est immobile ou très peu mobile à l’otoscopie pneumatique. Un niveau air-liquide peut être visible derrière le tympan. Une otorrhée purulente ou teintée de sang dans le conduit indique géné-ralement que la MT est perforée, l’événement s’accompa-gnant en général d’une douleur brusque. Une otorrhée peut également être observée chez le patient atteint d’OMA et porteur de drains de tympanostomie.

Introduction

L’otite moyenne aiguë (OMA) est une inflammation aiguë de l’oreille moyenne. Aux États-Unis, elle constitue l’affection la plus fréquente parmi les maladies pédiatriques faisant l’objet de visites médicales et le syndrome le plus commun pour lequel des antibiotiques sont prescrits à des enfants. Plus de la moitié des enfants ont eu une OMA avant leur premier anniversaire, et 80 % des enfants de 3 ans l’ont eue au moins une fois. Bien que la plupart des cas d’OMA se produisent au cours de l’enfance, plus de 16 % des cas surviennent après l’âge de 15 ans.

Otite moyenne aiguë

James E. Kurz

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L’American Academy of Pediatrics et l’American Academy of Family Physicians ont publié des critères diag-nostiques pour l’OMA ; ils sont repris dans l’encadré 13.1. Le diagnostic d’OMA est confirmé si les trois critères de diagnostic sont rencontrés.

Diagnostic différentiel

L’otite séreuse, ou otite moyenne avec effusion, est une affection non inflammatoire distincte de l’OMA. Le tym-pan est immobile, mais est clair comme l’épanchement lui-même. L’otite séreuse apparaît fréquemment après le traitement réussi d’une OMA et peut persister pendant plusieurs semaines. Dans le cadre d’une IRS, l’effusion disparaît habituellement en même temps que les symptô-mes de l’infection virale. Dans ces deux syndromes, l’uti-lisation des antibiotiques est inutile. L’évaluation et le traitement de l’otite moyenne chronique avec épanche-ment sort du thème du présent chapitre, mais on pourra trouver des informations utiles dans le guide de pratique clinique publié par l’American Academy of Pediatrics (voir les « Données probantes », en fin de chapitre).

L’encadré 13.2 reprend une liste d’autres diagnostics différentiels. Parmi les causes infectieuses de douleur auriculaire, on trouve l’otite externe aiguë et la sinusite

Processus latéral du marteauPli malléaire

postérieur

Partie flaccide

Pli malléaireantérieur

Partie tendue

Manche du marteau

Ombilic

Triangle lumineux

Vue otoscopique de la membrane tympanique droite

Tegmen tympaniDure-mère

Tête du marteau

Cavité tympaniqueTrompe auditive (d’Eustache)

Méat acoustique externe

Coupe coronale oblique du méat acoustique externe et de l’oreille moyenne (cavité tympanique)

Cavité tympanique droite après ablation de la membrane tympanique (vue latérale)

Nerf petit pétreux

Plexus tympanique sur le promontoire

Anneaufibrocartilagineuxdu tympan

Manchedu marteau

Tendon du muscletenseur du tympan

Processus latéral du marteau

Proéminencedu canal facial

Branche longuede l’enclume

Corde du tympan

Branche longuede l’enclume

Anneautympanique

Eminence pyramidaleet tendon du muscle

de l’étrier

Etrier

Nerf tympanique

Fosse de la fenêtrecochléaire (ronde)

Branche longue de l’enclumeTendon du muscle de l’étrier

Base de l’étrier

Manche du marteau

Promontoire avec le plexus tympanique

Muscle tenseur du tympan

Muscle tenseur du voile du palais

Récessus épitympanique

Ligament supérieur du marteau

Branche courte de l’enclume

Corde du tympan (sectionnée)

Ligament antérieur du marteau (sectionné)

Membrane tympanique

Figure 13.1 Oreille externe et cavité tympanique.

Encadré 13.1 Critères de diagnostic de l’otite moyenne aiguë

1. Apparition aiguë, souvent brusque, de signes d’inflammation de l’oreille moyenne, comme la douleur, ou d’autres malaises, de la fièvre ou une perte d’audition, et

2. à l’examen du tympan, mise en évidence d’un épanchement dans l’oreille moyenne qui peut se manifester par l’aspect bombé de la membrane tympanique, sa mobilité plus faible à l’insufflation, la présence d’un niveau air-liquide dans la cavité tympanique ou du liquide purulent dans le conduit auditif, et

3. des symptômes de l’inflammation de l’oreille moyenne, comme la rougeur diffuse du tympan ou une otalgie suffisamment importante pour interférer avec les activités normales ou le sommeil.

Adapté de l’American Academy of Pediatrics and American Academy of Family Physicians Subcommittee on Management Acute Otitis Media. Diagnosis and management of acute otitis media. Pediatrics 2004 ; 113 (5) : 1451–65.

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aiguë. Certaines des causes non infectieuses les plus com-munes comprennent le dysfonctionnement de la trompe d’Eustache après un voyage en avion (barotite), un bou-chon de cérumen, un corps étranger, le syndrome de l’ar-ticulation temporomandibulaire et la douleur irradiée d’une neuropathie, comme la névralgie occipitale et trigé-minale. La myringite bulleuse est une cause inhabituelle d’OMA causée par Mycoplasma pneumoniae ; plusieurs bulles se forment sur le tympan, souvent avec hémorragie. Il s’agit là d’une des rares situations dans lesquelles un anti-biotique macrolide est le traitement préféré. Une cause de

perte soudaine d’audition qui mérite d’être mentionnée est la « surdité neurosensorielle brutale ». Des observations récentes impliqueraient le virus de la varicelle comme agent causal ; ce syndrome nécessite une intervention thé-rapeutique rapide à base de stéroïdes par voie orale et d’antiviraux.

L’OMA peut se compliquer d’affections graves : mas-toïdite, méningite, thrombose du sinus veineux, choles-téatome, otite moyenne séreuse chronique, surdité et retard de parole, otite moyenne suppurative chronique avec perforation.

Branches de l’étrier (stapes)

Marteau (malleus)

Enclume (incus)

Base de l’étrier contre la fenêtre ovale

Canaux semi-circulaires

Méat acoustique interne

N. cochléaire

Rampe vestibulaire

Conduit cochléaire

Rampe tympaniqueCochlée

Fenêtre ronde

Oreille moyenne

Méat acoustique

externe (conduit auditif)

Auricule

Membrane tympanique

(tympan)

Conduit auditif externe

Vue otoscopique montrant l’aspect clinique d’une otite moyenne

Ossicules

N. vestibulaire

N. facial

Trompe d’Eustache

Coupe à travers l’oreille moyenne en cas d’otite moyenne

Liquide purulent dansl’oreille moyenne

Membrane tympanique bombante

Marteau

Membrane tympaniquebombante (liquide purulentpiégé derrière la membranedans l’oreille moyenne)

Niveau air-liquide (peut ne pas être présent)

withE. Hatton

Figure 13.2 Otite moyenne aiguë.

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Démarche diagnostique

Le diagnostic de l’OMA est essentiellement clinique et requiert l’examen du tympan. S’il est rendu difficile par un bouchon de cérumen ou de débris, on peut essayer de l’éliminer au moyen d’une curette souple ou d’une irriga-tion délicate. Celle-ci doit être évitée si l’on soupçonne une perforation du tympan, suggérée par la présence de sang ou de liquide purulent dans le conduit auditif. L’irrigation pourrait rejeter les débris purulents dans la cavité de l’oreille moyenne. En pratique, malheureusement, le tym-pan ne peut pas toujours être bien visualisé. Dans ce cas, la tympanométrie ou la réflectométrie acoustique permet une évaluation objective de la mobilité du tympan et de la présence ou de l’absence d’un épanchement. Les cultures sont rarement nécessaires, sauf peut-être dans le cas d’un écoulement chronique de l’oreille. Des examens sanguins et radiologiques ne sont pas nécessaires, à moins que l’on ne craigne l’évolution vers une mastoïdite ou une extension de l’infection dans d’autres structures environnantes.

Soins et traitement

L’objectif du traitement de l’OMA est de réduire la douleur et de soulager les symptômes, de prévenir les complications et de réduire au minimum les effets négatifs du traitement. Des études prospectives ont montré que la plupart des enfants âgés de plus de 2 ans avec OMA s’amélioraient indépendamment de toute antibiothérapie. À la suite de ce rapport, la tendance a été de privilégier le suivi plutôt que le traitement par antibiotique, en particulier dans de nom-breux pays européens, où l’on évite l’antibiothérapie dans la plupart des cas d’OMA. Ceux qui recommandent les antibiotiques ne le font pas pour traiter l’OMA mais bien

pour prévenir ses complications, en invoquant le fait que l’incidence des mastoïdites et méningites secondaires a diminué de façon significative depuis l’ère des antibiotiques. En outre, il est bien prouvé que les antibiotiques sont supé-rieurs au placebo chez les enfants âgés de moins de 2 ans.

Traitement optimal

Les options de traitement dépendent de l’âge. Tous les enfants de moins de 6 mois chez qui l’on suspecte une OMA doivent être traités par des antibiotiques, avec une attention particulière accordée aux enfants de moins de 2 mois, qui sont plus susceptibles d’être atteints d’une infection systé-mique néonatale qui s’est étendue à l’oreille. Chez les enfants de 6 mois à 2 ans avec un diagnostic évident d’OMA, c’est-à-dire qui répond aux trois critères repris dans l’enca-dré 13.1, l’antibiothérapie s’impose afin de prévenir les complications. Chez les enfants du même âge, mais chez qui le diagnostic est incertain et dont l’état général est satisfaisant, on peut attendre près de 48 h et commencer à traiter si la situation ne s’améliore pas spontanément. Les enfants de plus de 2 ans et les adultes qui ne semblent pas trop affectés ou sans forte fièvre peuvent être simplement soulagés par des analgésiques, mais on doit les suivre pen-dant 2 j afin de détecter toute aggravation ou une absence d’amélioration. Ces recommandations sont celles des direc-tives de pratique clinique publiées par l’American Academy of Pediatrics et l’American Academy of Family Physicians ; elles sont résumées dans le tableau 13.1.

Choix des antibiotiques

L’amoxicilline reste le médicament de choix pour l’OMA dans tous les groupes d’âge au-delà de 2 mois à une dose élevée, 80 à 90 mg/kg/j, divisée en deux prises. Cette dose, supérieure à la dose classique de 40 mg/kg/j, est plus active contre les souches résistantes de S. pneumoniae. Chez les adultes, l’amoxicilline est également le médicament de pre-mier choix, bien que des doses élevées ne soient générale-ment pas nécessaires parce que les pneumocoques résistants à la pénicilline sont moins fréquents chez les adultes.

L’amoxicilline ne doit pas être utilisée comme thérapie de première ligne lorsque la résistance paraît probable. C’est le cas de l’OMA associée à une conjonctivite puru-lente, où l’agent causal est habituellement H. influenzae non typable. En outre, si le patient a été traité pour OMA dans les 30 derniers jours avec l’amoxicilline, ou n’a pas répondu au début à l’amoxicilline, il faut recourir à un antibiotique à plus large spectre. Les meilleurs choix pour les enfants sont alors l’amoxicilline-clavulanate, une cépha-losporine de deuxième ou troisième génération ou la clin-damycine (sauf si H. influenzae est suspecté). Pour les adultes, chez qui les effets théoriques des quinolones sur les os et les cartilages de croissance ne sont pas préoccu-pants, la lévofloxacine ou la moxifloxacine, qui sont efficaces contre les pneumocoques (pas la ciprofloxacine), peuvent

Encadré 13.2 Diagnostic différentiel de l’otite moyenne aiguë

Douleur auriculaire aiguë

Avec des symptômes des voies respiratoires supérieuresj Sinusite (allergique ou virale)j Pharyngitej Rhinite allergiquej Parotiditej Mastoïditej Otite externej Myringite bulleuse

Sans symptômes des voies respiratoires supérieuresj Corps étranger ou traumatismej Dysfonctionnement de l’articulation

temporomandibulairej Carie dentairej Irradiation d’une douleur neuropathique

(névralgie du trijumeau ou occipitale)j Zona (notez que la douleur peut apparaître avant

l’éruption)j Furonculosej Barotite

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également être utilisées. Les macrolides et les sulfamidés étaient couramment utilisés dans le passé, mais ne sont plus conseillés pour le traitement de l’OMA en raison de l’aug-mentation de la résistance bactérienne. Une exception est le cas rare de myringite bulleuse causée par des mycoplas-mes, qui doit être traité par un macrolide. H. influenzae et Moraxella répondront également aux macrolides à large spectre, comme l’azithromycine.

Chez les enfants dont l’état général est inquiétant, par exemple avec une forte fièvre (> 39 °C), qui ont vomi ou qui pourraient ne pas tolérer les médicaments par voie orale, une seule injection intramusculaire de ceftriaxone (50 mg/kg) convient et peut être répétée dans les 24 à 48 h s’il n’y a pas d’amélioration significative. En cas de persis-tance d’une otite moyenne purulente qui n’a pas répondu à deux ou trois cures d’antibiotiques oraux, la ceftriaxone peut être administrée quotidiennement pendant 3 j consé-cutifs. Si cela s’avère inefficace, un drainage transtympani-que pourrait être nécessaire.

La durée du traitement antibiotique par voie orale pour une OMA a toujours été de 10 j, mais des études récentes ont conclu que 5 j suffisaient chez les enfants plus âgés (> 2 ans) et chez les adultes sans antécédents de récidive d’OMA.

Dans tous les cas, le contrôle de la douleur doit être une priorité, bien que le schéma thérapeutique optimal pour ce type d’indication ne soit pas établi. Des analgésiques comme l’acétaminophène ou l’ibuprofène sont préférables. Des stupéfiants comme la codéine peuvent être indiqués dans les cas graves. Des topiques à base de benzocaïne peuvent aider et se révéler utiles en plus des analgésiques oraux. Les décongestionnants, les antihistaminiques et les stéroïdes n’ont pas montré beaucoup d’avantages dans le traitement de l’OMA et ne sont pas dépourvus d’effets indésirables.

Otorrhée et drain transtympanique

Les patients avec des écoulements auriculaires et qui sont porteurs de tubes de tympanotomie ont probablement une OMA avec un drainage correct dans le conduit externe. Un

traitement topique avec des gouttes de ciprofloxacine asso-ciées ou non à un stéroïde est indiqué pour prévenir une infection du canal externe et maintenir la perméabilité du tube. Les antibiotiques oraux ne sont pas nécessaires, puis-que les tubes font leur travail en drainant la chambre de l’oreille moyenne. Ce n’est que si les tubes se bouchent, si l’état général du patient s’altère ou en cas de forte fièvre que les antibiotiques systémiques sont indiqués.

Éviter les erreurs de traitement

L’erreur la plus courante dans le traitement de l’OMA est d’en faire trop. Parce que le diagnostic d’OMA est fondé sur les signes cliniques, le traitement par téléphone ou sans examiner le patient est inapproprié. Un tympan qui est mobile indique qu’il n’y a pas d’épanchement et qu’il ne s’agit donc pas d’une OMA. De même, la clarté du tympan et de l’épanchement exclut ce diagnostic et, dans ce cas, les antibiotiques sont généralement inutiles.

De nombreux patients avec une OMA peuvent se passer d’antibiotiques, mais ils doivent être suivis. Si l’état de santé de l’un d’entre eux se dégrade, si l’on constate que le tympan est bombé et purulent ou si le patient a moins de 2 ans, il faut le traiter avec des antibiotiques, car ces patients sont exposés au risque de complications sérieuses. Une mastoïdite doit toujours être suspectée chez tout patient avec une forte fièvre ou dont l’état paraît toxique. Elle est due à une extension de l’infection de l’oreille moyenne aux cellules aériennes de la mastoïde. Elle se manifeste par une rougeur, une sensibilité et un gonflement derrière le pavillon de l’oreille, dont le décollement de la boîte crâ-nienne traduit la gravité de l’inflammation. Une mastoïdite exige un traitement urgent avec des antibiotiques par voie intraveineuse et, parfois, débridement chirurgical.

Prévention

On a montré que l’allaitement maternel au cours des 6 premiers mois du nourrisson réduisait le risque d’OMA.

Tableau 13.1 Critères pour le traitement antibactérien initial ou l’observation des enfants avec otite moyenne aiguë

Âge Diagnostic certain Diagnostic incertain

< 6 mois Thérapie antibactérienne Thérapie antibactérienne6 mois à 2 ans Thérapie antibactérienne Thérapie antibactérienne si le cas paraît grave ;

observation optionnelle s’il ne le paraît pas*> 2 ans Thérapie antibactérienne si le cas paraît grave ;

observation optionnelle s’il ne le paraît pas*Observation optionnelle

* Une observation de 48 à 72 h est une option appropriée seulement si le suivi peut être assuré, en sorte qu’une antibiothérapie puisse commencer si les symptômes persistaient ou s’aggravaient. Une affection non grave est définie comme une otalgie bénigne et une température < 39 ºC. Un diagnostic certain repose sur une histoire d’apparition aiguë, une effusion dans l’oreille moyenne et des signes d’inflammation de l’oreille moyenne.Modifié de l’American Academy of Pediatrics and American Academy of Family Physicians Subcommittee on Management Acute Otitis Media. Diagnosis and management of acute otitis media. Pediatrics 2004 ; 113 (5) : 1451–65. Modifié du New York State Department of Health and the New York Region Otitis Project Committee.

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Selon d’autres études, le vaccin contre l’influenza, admi-nistré avant la saison froide, durant laquelle la grippe est plus fréquente, réduisait le risque d’OMA chez les enfants de plus de 2 ans. Mais ce sont les contacts dans les gar-deries qui constituent le facteur de risque le plus impor-tant de contracter une infection respiratoire et donc une OMA.

Futures directions

Des essais cliniques mieux randomisés sont nécessaires pour identifier les antibiotiques les plus efficaces et indiquer quels sont les patients qui bénéficieront le plus d’une anti-biothérapie par rapport à un suivi attentif. Particulièrement depuis l’utilisation de plus en plus répandue de la vaccina-tion par PCV7, H. influenzae non typable est en train de devenir le principal pathogène responsable des OMA. Aussi, l’amoxicilline pourrait bientôt être obsolète comme pre-mier choix de traitement, au profit d’antibiotiques actifs sur H. influenzae, comme l’amoxicilline-clavulanate ou les céphalosporines de deuxième et troisième génération. Pour la prévention, le vaccin PCV7 a donné des résultats assez modestes, mais des essais en cours de vaccins conjugués contre 9 et 11 types de pneumocoque pourraient montrer plus d’efficacité dans la prévention des OMA et de ses complications. En outre, des outils d’un coût abordable et faciles à utiliser sont nécessaires pour aider les cliniciens à déterminer objectivement la présence d’un épanchement. Les diagnostics seront ainsi plus précis et les personnes à traiter mieux identifiées.

Ressources supplémentaires

Block SL, Correa AG. Update in management of pediatric acute otitis media and acute bacterial sinusitis. Contemp Pediatr Suppl 2006 ; 23 (12) : 1-12. Accessible à : http://www.contemporarypediatrics.com/contpeds/data/articlestandard/contpeds/502006/393168/article.pdf. Consulté le 3 janvier 2007.

Ce supplément fournit de bons conseils aux cliniciens et explique comment l’amoxicilline pourrait être bientôt dépassée en tant que premier choix pour le traitement de l’OMA.

Centers for Disease Control and Prevention. Get smart : know when antibiotics work. 2006. Accessible à : http://www.cdc.gov/drugresis-tance/community/know-and-do.htm. Consulté le 15 décembre 2006.

Les CDC présentent aux parents et aux patients les arguments pour lesquels les antibiotiques ne sont généralement pas indiqués pour les infections respi-ratoires supérieures.

New York State Department of Health. Observation option toolkit for acute otitis media. Accessible à : http://www.health.state.ny.us/nysdoh/antibiotic/toolkt.pdf. Consulté le 14 décembre 2006.

Cet article d’Internet fournit des fiches d’information pour les prestataires de soins et les parents avec des lignes directrices pour le suivi de certains enfants atteints d’OMA comme alternative à l’antibiothérapie.

Données probantes

1. American Academy of Pediatrics and American Academy of Family Physicians subcommittee on Management Acute Otitis Media. Clinical practice guideline : diagnosis and management of acute otitis media. Pediatrics 2004 ; 113 (5) : 1451-65. PMID : 15121972.

Ces lignes directrices de pratique clinique portent sur le diagnostic et le traitement de l’OMA. Elles peuvent également être consultées en ligne sur le site web de l’American Academy of Pediatrics : http://www.AAP.org.

2. American Academy of Family Physicians ; American Academy of Otolaryngology-Head and Neck Surgery ; American Academy of Pediatrics Subcommittee on Otitis Media with Effusion. Clinical practice guideline : otitis media with effusion. Pediatrics 2004 ; 113 (5) : 1412-29. PMID : 15121966.

Ces lignes directrices fondées sur des données factuelles concernent le traitement des otites moyennes chroniques avec épanchement. Il s’agit d’un sujet en perpétuelle évolution qui dépassait la portée de ce chapitre. Les lignes directrices mises à jour peuvent être consultées sur le site web de l’American Academy of Pediatrics : http://www.AAP.org.

3. Klein JO, Pelton S. Epidemiology, pathogenesis, diagnosis, and complications of acute otitis media : treatment of acute otitis media. In : Rose BD, éd. UpToDate. Waltham, MA. Consulté le 31 août 2006.

Les auteurs donnent un aperçu général et des recommandations pour le diagnostic et le traitement de l’OMA.

4. The Cochrane Collection Web Site. Acute otitis media. Accessible à : http://www.cochrane.org, search “acute otitis media.” Consulté le 16 novembre 2006.

Une excellente source d’éléments de preuve pour le diagnostic et le trai-tement de l’OMA. Le site résume plusieurs revues basées sur des données probantes, allant de l’utilisation de décongestionnants aux comparaisons des bénéfices du simple suivi par rapport à l’antibiothérapie en cas d’OMA.

Page 35: Le manuel du généraliste 2 orl

Conduite à tenir devant une otorrhéechronique

F. Tankéré, C. Bodénez

L’écoulement chronique de l’oreille est un motif fréquent de consultation chez le médecin généraliste,pouvant témoigner de pathologies bénignes du conduit auditif externe, ou de lésions plus préoccupantesde l’oreille moyenne ou du rocher, relevant d’un avis spécialisé. Un examen otoscopique rigoureux permetd’orienter le diagnostic et de proposer une conduite à tenir adaptée. L’association de signes cliniques, telsque des vertiges, une surdité brutale ou une paralysie faciale justifient un examen spécialisé en urgence.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Otorrhée chronique ; Tympan ; Otite chronique ; Cholestéatome

Plan

¶ Définition 1

¶ Interrogatoire 1

¶ Examen clinique 1Examen du conduit auditif externe 1Examen du tympan 1

¶ Diagnostic étiologique 2Otorrhées à tympan intact 2Otorrhées sur perforation tympanique 3

¶ Diagnostic différentiel 3Otorrhée post-traumatique 3

■ DéfinitionL’otorrhée est une issue de liquide séreux, muqueux ou

purulent par le méat auditif externe. Elle doit être distinguée del’otorragie (écoulement sanglant) et de l’otoliquorrhée (écoule-ment de liquide céphalorachidien).

■ InterrogatoireIl doit préciser les antécédents médicaux (otites moyennes

aiguës à répétition, terrain atopique) ou chirurgicaux (posed’aérateurs transtympaniques, antécédents de tympanoplastie etd’adénoïdectomie), les modalités de survenue de l’otorrhée(spontanée, post-traumatique ou après introduction de liquidedans le conduit auditif externe, influence des épisodes infec-tieux rhinopharyngés), son ancienneté, son caractère uni- oubilatéral, son abondance et sa nature (séreuse, muqueuse,purulente et éventuellement fétide) et enfin, les éventuels signesassociés (otalgie, surdité, acouphènes, vertiges, paralysie faciale).

■ Examen cliniqueUn examen ORL complet (Fig. 1) est systématiquement

réalisé. Il est centré plus particulièrement sur l’examen otosco-pique qui comprend plusieurs étapes.

Examen du conduit auditif externeIl est réalisé avec précaution car l’inflammation locale peut

générer des douleurs très importantes lors de la mobilisation dupavillon ou de l’introduction du spéculum. Il précise l’étatcutané qui peut être le siège d’un œdème douloureux, d’unedesquamation ou d’une macération épidermique suintante, etrecherche des lésions eczématiformes ou de psoriasis. L’examenélimine rapidement la présence d’un corps étranger.

Examen du tympanIl peut se révéler difficile en cas de sténose inflammatoire du

conduit auditif externe ou d’otorrhée profuse, nécessitant alorsun matériel d’aspiration adapté. L’examinateur s’attache àanalyser minutieusement les différents quadrants de la mem-brane tympanique autour du relief du manche du marteau. Laprésence d’un bourgeon inflammatoire, d’un polype, d’unecroûte ou de squames épidermiques, en particulier dans lequadrant postérosupérieur, doit faire craindre une otite chroni-que cholestéatomateuse sous-jacente. Les caractéristiques (siègeet rapports avec le conduit auditif) d’une éventuelle perforationtympanique sont également essentielles à préciser. Il est en effethabituel de différencier les perforations marginales (au contactdu conduit) dont le pouvoir évolutif vers un cholestéatome estimportant, des perforations non marginales (à distance duconduit), en règle peu évolutives (en dehors de la présence deberges desquamantes) et séquellaires. La taille de la perforationpermet parfois d’apprécier le degré d’inflammation de lamuqueuse de la caisse du tympan. Un traitement antibiotiquelocal de quelques jours peut être nécessaire pour tarir l’otorrhéeet permettre un examen plus fiable.

“ Point fort

• Le caractère fétide de l’otorrhée doit faire craindre uneotite moyenne chronique cholestéatomateuse,nécessitant un avis spécialisé.• L’association d’une otorrhée chronique à une paralysiefaciale, des vertiges ou une surdité brutale justifie un avisORL en urgence.

Page 36: Le manuel du généraliste 2 orl

■ Diagnostic étiologique

Otorrhées à tympan intactL’otorrhée est secondaire à une pathologie du conduit ou du

revêtement épidermique de la membrane tympanique.

Otite externe [1]

Il s’agit d’une dermoépidermite aiguë bactérienne de la peaudu conduit auditif externe favorisée par une affection dermato-logique (eczéma, psoriasis, dermite séborrhéique), un trauma-tisme local (Coton-Tige®, etc.), le climat chaud et humide, lesbains de mer et en piscine et l’humidité chronique du conduit(otorrhée chronique). Les germes le plus souvent responsablessont le staphylocoque doré ou epidermidis et Pseudomonasaeruginosa qui sont des bactéries saprophytes du conduit.

L’otoscopie est douloureuse lors de l’introduction du spécu-lum ou la traction du pavillon. L’examen met en évidence uneinflammation diffuse du conduit responsable fréquemment

d’une macération cutanée et d’une sténose relative du conduit.La visualisation du tympan n’est pas toujours possible.

Le traitement repose sur l’application locale de gouttesauriculaires comprenant un antibiotique (Oflocet®), et éven-tuellement un corticoïde (Polydexa®, Antibio-Synalar®) et unantalgique (Panotile®). Un traitement antibiotique par voiegénérale n’est en règle pas nécessaire, sauf en cas de chondritedu pavillon ou de terrain particulier (diabétique et patientsimmunodéprimés). Le traitement préventif consiste en la priseen charge d’une éventuelle pathologie cutanée favorisante et enl’éviction des traumatismes locaux.

La surveillance de l’évolution doit être particulièrementattentive chez les patients diabétiques pour dépister la survenuede la gravissime otite externe maligne. Il s’agit d’une diffusionde l’infection (le plus souvent à bacilles pyocyaniques) à l’ospétreux réalisant une véritable ostéomyélite de l’os temporal.L’aspect du conduit est volontiers granulomateux, voire nécro-tique. L’évolution conduit à l’atteinte des paires crâniennestraversant la pyramide pétreuse et notamment à la survenued’une paralysie faciale. Le pronostic vital est en jeu en l’absencede prise en charge adaptée et rapide.

Eczéma [1]

Le prurit auriculaire récurrent est le plus souvent au premierplan. Le conduit et éventuellement la conque sont le sièged’une desquamation fine ou d’une lichénification du revête-ment cutané en cas d’évolution prolongée. Le traitement reposesur l’interdiction des traumatismes locaux (grattage) quientretient l’affection et sur l’application de dermocorticoïdes oude solutions salicylées (Locapred®, Kenalcol®). Le sevrage de cestraitements locaux doit être progressif pour ne pas favoriser uneffet rebond.

Otorrhée chronique

Examen du CAEet du tympan

Otorrhée à tympanintact

Otite externeEczéma du CAE

Otomycoses chroniquesMyringite chronique

Corps étranger méconnu

Otorrhée à tympanperforé

Perforation non marginale

Surinfection d'une OMCOtorrhée tubaire

Otorrhée sur aérateurs

Traitement antibiotiquelocal ± général

Éviction de l'eau

Avis ORL

Traitement adapté

Si récidive

CholestéatomePoche de rétraction

rompue et surinfectée

Perforation marginale

Figure 1. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une otorrhée chronique. CAE : conduit auditif externe ; OMC : otite moyenne chronique.

“ Point fort

• L’examen doit impérativement permettre d’analyserl’ensemble de la membrane tympanique. La présenced’un polype ou de squames épidermiques doit alerterl’examinateur.• Le caractère marginal d’une perforation tympaniquedoit conduire à un avis spécialisé.

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Otomycoses chroniques [1, 2]

Elles sont souvent responsables d’une otorrhée grumeleuseassociée à un prurit et sont favorisées par les traitementsantibiocorticoïdes locaux répétés. L’examen retrouve fréquem-ment dans le conduit des filaments mimant l’aspect d’unfragment de coton effiloché. Un écoulement noirâtre parfoisfétide est possible lors des infections à Aspergillus niger. Il fautégalement suspecter cette pathologie devant une otorrhéerécidivante sans lésion spécifique de l’oreille moyenne. Leprélèvement mycologique n’est en règle pas nécessaire et n’estjustifié qu’en cas de résistance au traitement ou dans les formesrécidivantes. Leur prise en charge est locale par l’applicationprolongée (15 j) d’un antimycotique (Pevaryl® lotion).

Corps étranger [1]

Les corps étrangers sont relativement fréquents, notammentchez l’enfant, mais leur responsabilité dans la survenue d’uneotorrhée est rare et témoigne en général de leur ancienneté.L’ablation du corps étranger nécessite une instrumentationadaptée et doit veiller à ne pas léser la peau du conduit ou lamembrane tympanique. En cas de plaie cutanée, un antisepti-que ou une antibiothérapie locale peut être nécessaire. Il fautsignaler le cas particulier des piles « bouton », responsablesrapidement d’une nécrose locale extensive. Leur extraction doitêtre réalisée en urgence et un suivi spécialisé est fortementrecommandé afin d’éviter la survenue de complications (sténosedu conduit).

Myringites chroniques [1]

Elles correspondent à une inflammation chronique de lamembrane tympanique qui est le siège d’un suintement et degranulations.

Le traitement est mené par l’ORL et repose le plus souventsur l’application de gouttes auriculaires antibiocorticoïdes.

Otorrhées sur perforation tympaniqueLe siège de la perforation oriente le diagnostic étiologique.

Perforation tympanique non marginale [3]

Il faut distinguer les otorrhées d’apparence spontanée, uni- oubilatérales, favorisées par un épisode infectieux rhinopharyngéet témoignant fréquemment d’un dysfonctionnement tubairechronique sous-jacent, de celles provoquées par l’introductionde liquide dans le conduit, chez un patient présentant uneperforation ancienne stable.

En cas de dysfonctionnement tubaire chronique, la perfora-tion est volontiers de siège antéro-inférieur, à berges épaissiesavec une muqueuse du fond de caisse inflammatoire, voirepolypoïde. Les perforations anciennes, en revanche, sont desiège variable, peuvent être séquellaires de la pose d’aérateurstranstympaniques dans l’enfance et la muqueuse de la caissen’est en général que légèrement inflammatoire. Le déficit auditifest variable en fonction de l’importance de l’otorrhée et del’ancienneté de l’inflammation locale.

Le traitement repose principalement sur l’administrationlocale de gouttes auriculaires (Oflocet®) afin d’assécher l’oreille.Un traitement antibiotique peut être justifié en cas d’otorrhéepurulente importante ou en cas de « réchauffement » d’uneotite chronique muqueuse instable. Il doit être adapté auxgermes habituellement en cause et tenir compte des fréquentesrésistances bactériennes (b-lactamase d’Haemophilus influenzae,pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline). Lepatient doit prendre des mesures de précautions pour éviterl’introduction d’eau dans l’oreille. Secondairement, un avisspécialisé est dans tous les cas utile, soit pour juger de lapossibilité d’une tympanoplastie afin de limiter le risque derécidive de l’otorrhée, soit pour poursuivre la prise en charge aulong cours de son otite muqueuse à tympan ouvert.

Cas particulier : otorrhée sur aérateur

C’est une situation fréquemment rencontrée chez l’enfant,qui peut être liée, soit à l’introduction d’eau dans l’oreille, soit

à la réactivation de l’otite séromuqueuse pour laquelle avait étémis en place l’aérateur. Un traitement antibiotique local permeten général de tarir l’écoulement. Un échec de ce traitement doitfaire suspecter une greffe bactérienne sur l’aérateur et nécessiterson ablation. Le recours au spécialiste est alors justifié.

Perforation tympanique marginale [4]

Ce type de perforation est le plus souvent situé dans lequadrant postérosupérieur.

Il doit alerter l’examinateur, surtout lorsque s’associent ausein de cette perforation des squames blanchâtres qui fontsuspecter une otite chronique cholestéatomateuse.

Classiquement, l’otorrhée est fétide, témoignant de la macé-ration des squames cutanées. Le cholestéatome correspond àune matrice épidermique remplie de débris de kératine, douéed’un pouvoir érosif et lytique sur les parois de la caisse dutympan et les osselets. Le risque de complications de cettepathologie est important et peut mettre en jeu le pronosticfonctionnel (surdité, vertiges, paralysie faciale, acouphènes) etvital (méningite, abcès cérébraux).

Aucun traitement médical ne peut guérir ce type d’otitechronique dont la prise en charge est chirurgicale et relève duspécialiste.

■ Diagnostic différentiel

Otorrhée post-traumatiqueL’otorragie ne pose pas réellement de problème diagnostique

car l’écoulement est sanglant et le contexte d’apparition estévocateur (traumatisme local du conduit et/ou du tympan ourégional : fracture du rocher).

Le diagnostic est plus délicat en cas d’otorrhée aqueuse,parfois intermittente et plus ou moins abondante. Le contextetraumatique est évocateur mais il est parfois ancien et nonrapporté spontanément par le patient. Ce type d’otorrhéetraduit une communication entre l’oreille interne ou les espacessous-arachnoïdiens et l’oreille moyenne et est favorisé par lesefforts à glotte fermée. Elle est en général consécutive à untraumatisme crânien grave avec fracture du rocher, mais peutégalement faire suite à un accident barotraumatique en avionou en plongée. La symptomatologie peut être limitée à unesimple otorrhée en cas de fuite intermittente de liquidecéphalorachidien. Elle est en règle plus bruyante en cas defistule touchant l’oreille interne où le patient se plaint devertiges et d’une surdité volontiers fluctuante. En cas de doute,un avis spécialisé doit être demandé.

Remerciements : Nous adressons nos sincères remerciements au professeur E.N.Garabédian, chef de service d’ORL de l’hôpital Armand-Trousseau à Paris,ainsi qu’à son équipe, pour nous avoir fourni certaines illustrationsphotographiques de cet article.

■ Références[1] Malard O, Beauvillain de Montreuil C, Legent F. Pathologie acquise de

l’oreille externe. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-070-A-10, 2005.

[2] Bordure P, Dubreuil C, Mallard O, Monier I, Sterkers O. Infectionsfongiques et otologie. In: Les mycoses en ORL. Rapport de la Sociétéd’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale. Paris:L’Européenne d’éditions; 2003. p. 41-62.

“ Point fort

Certaines gouttes auriculaires contiennent des substancesototoxiques. Leur usage doit être réservé au spécialiste.

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[3] Tran Ba Huy P, Herman P. Formes cliniques des otites moyennes chro-niques non cholestéatomateuses. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),Oto-rhino-laryngologie, 20-095-A-10, 2005.

[4] Fleury P, Legent F, Bobin S, Basset JM, Candau P, Sichel JY. Otitechronique cholestéatomateuse. Aspects cliniques et indications théra-peutiques. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-095-A-20, 1989.

Pour en savoir plusLegent, et al. Le conduit auditif externe. Rapport de la Société d’oto-rhino-

laryngologie et de pathologie cervico-faciale. Paris: Arnette; 1995.Romanet P, Magnan J, Dubreuil C, Tran Ba Huy P. L’otite chronique. Rapport

de la Société d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale.Paris: L’Européenne d’éditions; 2005.

Page 39: Le manuel du généraliste 2 orl

Surdité brutale

I. Mosnier

La surdité brutale, qui est le plus souvent unilatérale, peut être liée à une pathologie de l’oreille externe oumoyenne. Il s’agit alors d’une surdité de transmission dont le diagnostic positif et étiologique est fait leplus souvent à l’examen clinique. Une surdité brutale liée à une pathologie de l’oreille interne est appeléesurdité de perception. Elle nécessite une confirmation diagnostique par un audiogramme et une prise encharge thérapeutique rapide. L’absence de tout contexte étiologique évocateur doit faire demander uneimagerie par résonance magnétique (IRM) de l’angle pontocérébelleux dans le but d’éliminer unschwannome vestibulaire.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Surdité de perception ; Surdité de transmission ; Surdité brusque ; Schwannome vestibulaire

Plan

¶ Introduction 1

¶ Diagnostic positif 1

¶ Étiologies des surdités de perception et surdités mixtesd’apparition brutale 3

Traumatisme 3Ototoxicité 4Pathologie infectieuse 4Pathologie vasculaire 5Maladies de système et pathologie auto-immune 5Surdité brusque idiopathique 6Schwannome vestibulaire et autres tumeurs de l’anglepontocérébelleux 6

¶ Traitement 6

¶ Conclusion 6

■ Introduction

La surdité brutale est un symptôme révélateur d’étiologies trèsdiverses, certaines d’entre elles nécessitant une prise en chargerapide. Le plus souvent unilatérale, elle peut être secondaire àune pathologie de l’oreille externe ou moyenne (surdité detransmission), à une atteinte neurosensorielle de l’oreille interne(surdité de perception), ou plus rarement à une atteinte à la foistransmissionnelle et neurosensorielle (surdité mixte). Lecontexte de survenue et l’examen clinique permettent le plussouvent au médecin généraliste de distinguer une surdité detransmission d’une surdité de perception et de prendre encharge les principales étiologies responsables des surdités detransmission pures. En revanche, la suspicion d’une surdité deperception doit conduire à une prise en charge très rapide parun ORL, dans le but :• de confirmer la surdité de perception par un examen audio-

métrique ;• d’entreprendre un bilan étiologique ;

• de débuter rapidement un traitement orienté par les hypo-thèses étiologiques en attendant les résultats du bilan.Face à une surdité de perception d’apparition brutale,

l’absence de tout contexte étiologique conduit à la qualifier desurdité brusque idiopathique, après avoir éliminé par l’IRMl’existence d’une pathologie rétro-cochléaire, en particulier unschwannome vestibulaire, également appelé neurinome del’acoustique [1].

■ Diagnostic positifL’interrogatoire est fondamental pour l’orientation diagnosti-

que, permettant de préciser les antécédents otologiques (surditéde perception connue, otospongiose, otite chronique, chirurgieotologique récente, etc.), les circonstances de survenue (trauma-tisme externe ou acoustique, blast, barotraumatisme, contexteinfectieux, traitement en cours, etc.) et l’existence de symptô-mes associés (otalgie, otorrhée, acouphènes, vertiges, fièvre,etc.).

L’examen clinique doit comprendre :• une otoscopie, à la recherche d’une pathologie de l’oreille

externe ou d’une anomalie du tympan ;• un examen acoumétrique, qui permet d’orienter vers une

surdité de transmission ou de perception en cas de surditéunilatérale ;

• et un examen neurologique en cas de surdité de perception,à la recherche en particulier d’une paralysie des pairescrâniennes.L’examen acoumétrique (Fig. 1) est réalisé à l’aide d’un

diapason, de préférence 250 ou 500 Hz. Le test de Weberconsiste à placer le diapason sur le vertex, le front ou lementon, et de demander au patient de quel côté il entend leson (droite, gauche ou milieu). En cas de surdité de transmis-sion, le son est perçu du côté sourd. En cas de surdité deperception, il est perçu du côté sain. Le test de Rinne consiste àappliquer le diapason sur la mastoïde puis à placer les branchesdu diapason à 2 cm en avant du méat auditif externe. En casde surdité de transmission, le son est perçu plus fort lorsque le

Page 40: Le manuel du généraliste 2 orl

Acoumétrie(en cas de surdité

unilatérale)

Type de surdité

Localisation

Bilan

CAE/tympanÉtiologie

Vers oreille sourdeSon mastoïde > son méat externe

Vers oreille saineSon méat externe > son mastoïde

Oreilleexterne

Oreillemoyenne

Oreille moyenneet interne

Peu contributiveWeberRinne

Transmission Mixte Perception

Anormal

Bouchonde cérumen

Corps étrangerOtite externe

Labyrinthiteinfectieuse

Suites chirurgieotologique

Traumatisme :- externe

- blast- barotraumatisme

IRM silabyrinthite

TDM si chirurgie otologique

TDM sisurdité mixte

ou signesassociés

IRM

Surdité brusqueidiopathiqueOtotoxicité

Infection viraleTraumatisme

sonorePathologievasculairePathologie

auto-immune

SVAutre tumeur

de l'anglepontocérébelleux

SEP

Oreille interneendocochléaire(périphérique)

Oreille internerétrocochléaire

(centrale)

Anormal Normal NormalNormal ou anormal

OMAOSM

Audiométrie

{Figure 2. Arbre décisionnel. Orientation diagnostique et bilan à prévoir en fonction des données de l’examen clinique. OMA : otite moyenne aiguë ;OSM : otite séromuqueuse ; SEP : sclérose en plaques ; SV : schwannome vestibulaire ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; TDM : tomodensitométrie ;CAE : conduit auditif externe.

« J'entends mieux de ce côté »

C'est une surdité de transmission

A

Oreillesourde

« J'entends mieux de ce côté »

C'est une surdité de perception

« J'entends mieux quand le diapasonest placé sur la mastoïde »

C'est une surdité de transmission

B

« J'entends mieux quand le diapasonest placé devant l'oreille »

C'est une surdité de perception

Oreillesourde

Figure 1. Principes de l’acoumétrie.A. Test de Weber.B. Test de Rinne.

Page 41: Le manuel du généraliste 2 orl

diapason est placé sur la mastoïde. En cas de surdité de percep-tion ou d’audition normale, le son est perçu plus fort lorsquele diapason est placé devant le méat auditif.

Ce bilan clinique permet le plus souvent de faire le diagnosticd’une pathologie de l’oreille externe ou moyenne à l’origined’une surdité de transmission brutale (Fig. 2). Les principalesétiologies responsables d’une surdité de transmission d’appari-tion brutale sont détaillées dans un autre chapitre (bouchon decérumen, otite externe, otite moyenne aiguë, otite séreuse, etc.).En cas de suspicion de surdité de perception isolée, de surditémixte ou de doute diagnostique, le patient sera adressé de façonurgente à l’ORL qui réalisera une audiométrie tonale et vocale(Fig. 3), une impédancemétrie avec étude du réflexe stapédienet éventuellement des potentiels évoqués auditifs, afin deconfirmer le diagnostic de surdité de perception, d’en détermi-ner le degré et les caractéristiques (type de courbe, aspect enfaveur d’une atteinte endo- ou rétrocochléaire).

■ Étiologies des surditésde perception et surdités mixtesd’apparition brutale

Traumatisme

L’existence d’une surdité de perception confirmée parl’audiométrie dans le cadre d’un traumatisme doit conduire àune prise en charge thérapeutique en urgence

Traumatisme externe

Un traumatisme externe de l’oreille moyenne ou du rocherpeut être à l’origine d’une surdité brutale par :• fracture du rocher avec un trait de fracture (le plus souvent

transversal) passant par la cochlée ou le vestibule (Fig. 4). Untrait de fracture passant par le labyrinthe provoque unesurdité de perception totale dans 75 à 100 % des cas, géné-ralement irréversible ;

• commotion labyrinthique, responsable d’une surdité deperception de degré variable, pouvant s’améliorer soustraitement médical ;

• perforation tympanique, fracture ou luxation ossiculaire,responsable d’une surdité de transmission ou d’une surditémixte en cas d’atteinte neurosensorielle associée.La surdité est isolée ou associée à d’autres symptômes :

vertiges, acouphènes, otorragie, écoulement de liquide céphalo-rachidien (LCR) par l’oreille, paralysie faciale périphérique parlésion du nerf facial dans le rocher. L’existence d’une surditéet/ou d’un de ces symptômes doit faire pratiquer un scanner desrochers à la recherche d’un trait de fracture et/ou d’une atteinteossiculaire.

Barotraumatisme

Un barotraumatisme (accident de plongée, d’avion, manœu-vre de Valsalva violente) est à l’origine d’une surdité brutale,parfois associée à des vertiges :• par fistule labyrinthique, qui est une communication anor-

male entre les liquides de l’oreille interne et l’oreillemoyenne ;

• ou par libération de bulles de gaz dans l’oreille interne.La fistule labyrinthique peut être suspectée par l’association

d’une surdité de perception brutale ou fluctuante à des mani-festations vertigineuses ou à une instabilité, déclenchées par lesvariations de pression (effort, toux, éternuements, etc.) ou lessons forts.

Blast auriculaire

Un blast auriculaire (gifle, explosion) peut être à l’origined’une surdité de perception isolée, avec parfois une fistulelabyrinthique, ou être responsable ou associé à une atteintetransmissionnelle (70 % des cas) par perforation tympaniqueet/ou atteinte ossiculaire.

Traumatisme sonore aigu

Un traumatisme sonore aigu résulte d’une exposition unique,accidentelle, à un bruit de grande intensité (détonation d’armeà feu, explosion, etc.) et peut provoquer des lésions des cellulesciliées internes et externes, des dendrites afférentes ou une

Figure 3. Audiométrie tonale. a. Oreille droite. Le seuil en conductionaérienne (O) est plus élevé que le seuil en conduction osseuse (>), ce quitraduit une surdité de transmission. b. Oreille gauche. Le seuil en conduc-tion aérienne (x) est superposable au seuil en conduction osseuse (<), cequi traduit une surdité de perception sur les fréquences aiguës. c. Audio-métrie vocale. Diminution de l’intelligibilité des mots plus marquée pourl’oreille droite (O) que pour l’oreille gauche (x).

Figure 4. Tomodensitométrie (TDM) en coupe axiale montrant unefracture du rocher. Le trait de fracture traverse la cochlée, avec présenced’air dans la cochlée, à l’origine d’une surdité totale irréversible.

Page 42: Le manuel du généraliste 2 orl

atteinte de la membrane basilaire au niveau de l’organe deCorti. L’audiométrie retrouve habituellement un scotome centrésur le 4 ou 6 KHz.

Hypopression intracrânienne

Une hypopression intracrânienne secondaire à une ponctionlombaire ou à une chirurgie rachidienne peut être à l’origine

d’une surdité brutale ou de vertiges. Le mécanisme supposé estla baisse de pression des liquides cochléaires qui communiquentavec le LCR via l’aqueduc cochléaire.

Chirurgie otologique

Une chirurgie otologique avec ouverture du labyrinthe(chirurgie de l’otospongiose le plus souvent) peut être à l’origined’une surdité de perception brutale en postopératoire, souventassociée à des vertiges.

Ototoxicité

Les substances ototoxiques les plus couramment citées sontles aminoglycosides, les salicylés, la quinine, les antinéoplasi-ques comme le cisplatine, les diurétiques de l’anse, maiségalement l’érythromycine à fortes doses, la vancomycine etl’interféron. Ces substances occasionnent le plus souvent dessurdités bilatérales et progressives, mais des cas de surditébrutale ont été rapportés. L’administration de gouttes auriculai-res contenant des aminosides, chez des sujets présentant uneperforation tympanique, peut être responsable de surditébrutale. Il ne faut donc jamais prescrire de gouttes auriculairescontenant des aminosides sans avoir vérifié l’intégrité dutympan [2].

Pathologie infectieuse

Une labyrinthite bactérienne est une inflammation du labyrin-the compliquant une otite moyenne aiguë ou chronique, àl’origine d’une surdité brutale et souvent de vertiges. L’IRMpermet généralement de diagnostiquer l’inflammation dulabyrinthe (Fig. 5).

La maladie de Lyme peut également provoquer une surditébrutale, généralement associée à d’autres atteintes des pairescrâniennes.

La syphillis, à sa phase secondaire ou tertiaire, peut provoquerune surdité brutale souvent bilatérale.

Une méningite bactérienne à Streptococcus pneumoniae et àHaemophilus influenzae se complique d’une surdité de perceptionuni- ou bilatérale dans 5 à 35 % des cas, pouvant être sévère àprofonde dans 5 % des cas, provoquée par une inflammation dulabyrinthe membraneux. Cette inflammation conduit parfois àune ossification rapide et complète de la cochlée empêchanttoute réhabilitation auditive ultérieure par un implantcochléaire, indiqué en cas de surdité profonde bilatérale (Fig. 6).

“ Point fort

Principe des tests audiométriques• Audiométrie tonale : évaluation subjective des seuils deperception des sons purs dans le calme pour chaqueoreille, pour les fréquences comprises entre 125 et 8 000Hertz. La recherche des seuils, pour chaque fréquencetestée, est réalisée en présentant au patient le son à uneintensité d’abord faible, puis de plus en plus élevée.L’intensité à laquelle il perçoit le son pour la première foiscorrespond au seuil pour cette fréquence. La recherchedes seuils est réalisée :

C en conduction aérienne : les sons sont présentésdans les écouteurs d’un casque ; le résultat obtenucorrespond à la valeur de l’ensemble de la voieauditive pour l’oreille testée ;

C en conduction osseuse : les sons sont présentés parl’intermédiaire d’un vibrateur placé au contact de lamastoïde, ce qui permet de tester sélectivementl’oreille interne.

Les résultats sont reportés sur un graphique,appelé audiogramme, où sont représentées lesfréquences (en kHz) en abscisses sur une échellesemi-logarithmique et les intensités (en dB) enordonnées (Fig. 2). En cas de surdité de transmission,le seuil auditif en conduction aérienne est plus élevéqu’en conduction osseuse. En cas de surdité deperception, le seuil en conduction aérienne estsuperposable au seuil en conduction osseuse. En casde surdité mixte, les seuils sont élevés, mais de façonplus importante pour la conduction aérienne.

• Audiométrie vocale : évaluation du niveau d’intelligibilitéde la personne (c’est-à-dire de compréhension) dans lecalme et si nécessaire dans le bruit. Le test consiste à faireécouter et répéter des mots du vocabulaire courant. Leslistes de mots, le plus souvent enregistrées sur un CD, sontprésentées à différentes intensités pour chaque oreille etles résultats, exprimés en % du nombre de motscorrectement répétés, sont portés sur un graphique(Fig. 2).• Impédancemétrie : examen analysant les mouvementsdu tympan lors de variations de pression dans le conduitauditif externe, qui permet de vérifier la normalité del’oreille moyenne.• Étude du réflexe stapédien : si la tympanométrie estnormale, on peut enregistrer la contraction du musclestapédien qui se déclenche à une stimulation de 80 dB. Laprésence du réflexe du côté enregistré permet d’affirmerl’intégrité du système tympano-ossiculaire.• Potentiels évoqués auditifs (PEA) : courants électriquesrecueillis à la surface de la peau après stimulation brève etrépétée du système auditif, reflétant l’activation successivedu nerf et des noyaux auditifs du tronc cérébral. Ilspermettent de distinguer une surdité de perception, dontla cause se situe au niveau de la cochlée (surditéendocochléaire), d’une atteinte au niveau des voiesauditives (surdité rétrocochléaire).

Figure 5. IRM en coupes coronales avec injection de gadolinium chezune patiente présentant une otite moyenne aiguë avec présence d’unabcès mastoïdien (A) et d’une prise de contraste de la cochlée, traduisantl’inflammation du labyrinthe (B).

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Un examen audiométrique doit donc être réalisé rapidementaprès toute méningite bactérienne chez l’adulte et chez l’enfantafin de dépister une surdité sévère à profonde bilatérale. Ellesera réhabilitée en urgence par une implantation cochléaire,réalisée généralement de façon bilatérale après une méningite.

Le virus ourlien est responsable de surdités brutales, le plussouvent unilatérales, généralement sévères, pouvant survenirmême en l’absence de parotidite, chez environ 4 % des patientsatteint par les oreillons. La surdité est parfois réversible. Des casde surdité brutale sont également rapportés au cours de larougeole, de la rubéole, des infections par un virus du groupeherpès (en particulier le zona auriculaire), le cytomégalovirus etle virus d’Epstein-Barr.

Pathologie vasculaireLa surdité, le plus souvent sévère et associée à des vertiges,

peut être consécutive à un bas débit cochléaire par thrombose,

insuffisance vertébrobasilaire, spasme, ou plus rarement hémor-ragie intralabyrinthique. L’origine vasculaire est incriminéelorsque la surdité survient dans un contexte thromboembolique,hémorragique ou cardiovasculaire patent (maladies hématologi-ques, traitement anticoagulant, maladies cardiovasculairesemboligènes, etc.).

Maladies de système et pathologieauto-immune

Certaines maladies de système, souvent d’origine auto-immune, s’accompagnent de symptômes cochléovestibulaires,avec parfois une surdité de perception brutale neurosensorielleuni- ou bilatérale. Les plus couramment citées sont la sarcoï-dose, la maladie de Wegener, la polychondrite atrophiante, lamaladie de Behçet, le lupus érythémateux disséminé, la périar-térite noueuse et le syndrome de Goujerot-Sjögren. Le syndrome

Figure 6. Surdité totale bilatérale après une méningite à pneumocoque chez un homme de 45 ans.A. TDM en coupe coronale montrant une ossification complète de la cochlée et une labyrinthite.B. L’IRM doit être systématique. Les séquences T2 confirment l’ossification complète de la cochlée en mettant en évidence la disparition des liquides dans lacochlée et le labyrinthe. L’ossification cochléaire étant bilatérale, la mise en place d’un implant cochléaire était impossible.C. Le patient a été réhabilité sur le plan auditif par un implant auditif du tronc cérébral, qui permet de stimuler le noyau auditif du tronc cérébral et de rétablirune communication avec l’aide de la lecture labiale.

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de Cogan, très rare, de diagnostic purement clinique et d’étio-logie inconnue (pathologie auto-immune ? vascularite ?), associetypiquement une kératite interstitielle bilatérale et des manifes-tations audiovestibulaires : acouphènes, vertiges, surdité brutaleou fluctuante unilatérale d’installation rapide, évoluant vers unesurdité profonde dans 50 % des cas, avec une atteinte contro-latérale dans les semaines ou les mois qui suivent. L’ensemblede ces symptômes est très corticosensible (rechutes dès l’arrêt dutraitement).

Surdité brusque idiopathique

En l’absence de cause évidente, toute surdité de perceptionunilatérale d’apparition soudaine (moins de 24 heures) nécessiteune prise en charge rapide par un ORL, qui confirmera lediagnostic et débutera en urgence le traitement. Une IRM del’angle pontocérebelleux avec injection de gadolinium doit êtresystématiquement réalisée afin d’éliminer un schwannomevestibulaire ou une autre pathologie centrale. Si le bilanétiologique demeure négatif, on parlera de « surdité brusque »,entité clinique rare mais probablement sous-estimée (5 à 20 cas/100 000 personnes/an), pouvant s’associer à des acouphènes età des vertiges. Le mécanisme pathogénique reste inconnu ethypothétique : infection virale labyrinthique ou du nerfcochléaire, anomalie du flux sanguin cochléaire, pathologieauto-immune, rupture des membranes du labyrinthe membra-neux. Le taux de récupération, spontanée ou après traitement,est d’environ 65 % [1, 3].

Schwannome vestibulaire et autres tumeursde l’angle pontocérébelleux

Le schwannome vestibulaire (SV) est une tumeur bénignedéveloppée aux dépends des gaines de Schwann du nerf vestibu-laire dans le conduit auditif interne, s’étendant secondairementau niveau de l’angle pontocérébelleux. Il est révélé dans 12 %des cas par une surdité brusque qui peut récupérer spontané-ment ou après traitement dans 50 % des cas [1]. Le diagnostic estconfirmé par l’IRM de l’angle pontocérébelleux avec injection degadolinium, qui doit être systématique (Fig. 7). Chez le sujetâgé, il est cependant admis que l’IRM n’est réalisée qu’en cas desuspicion de pathologie rétrocochléaire (potentiels évoquésauditifs [PEA] désynchronisés ou ininterprétables, aréflexievestibulaire unilatérale, paralysie faciale ou autre anomalieneurologique). Plus rarement, l’IRM pourra retrouver une autretumeur (méningiome, cholestéatome de l’apex pétreux, métas-tase, lipome, etc.) ou une sclérose en plaques.

■ Traitement

Il est communément admis que la surdité brusque est uneurgence thérapeutique, les chances de récupération semblantsupérieures en cas de traitement rapide. Le traitement estempirique, basé sur les hypothèses physiopathologiques, etrepose principalement sur les corticoïdes à fortes doses pendant7 jours environ, par voie orale ou parentérale, mais leurefficacité est controversée. Les nombreux autres protocolesthérapeutiques publiés (vasodilatateurs, antiviraux, anticoagu-lants, hémodilution normovolémique, oxygénothérapie hyper-bare, etc.) n’ont pas fait la preuve de leur efficacité [4].

L’administration de corticoïdes est également recommandéeen cas de surdité de perception secondaire à une commotionlabyrinthique, un traumatisme sonore, un blast, un barotrau-matisme, une labyrinthite virale ou infectieuse, une pathologievasculaire, en association avec le traitement de la cause (anti-biothérapie, etc.).

Une suspicion de fistule labyrinthique doit conduire à uneprise en charge chirurgicale rapide.

■ Conclusion

En cas de surdité brutale unilatérale, le contexte de survenueet l’examen clinique permettent le plus souvent au médecingénéraliste de suspecter le diagnostic positif et d’orienter versune étiologie. La suspicion d’une surdité de perception doit fairepratiquer rapidement une audiométrie, qui confirmera cettesurdité et permettra une prise en charge thérapeutique immé-diate. Le schwannome vestibulaire se révèle dans 12 % des caspar une surdité brusque, ce qui doit conduire à demandersystématiquement une IRM en cas de surdité brutale survenanten dehors de tout contexte étiologique. Chez le sujet âgé sanssigne neurologique associé à la surdité, l’IRM ne pourra êtredemandée qu’en cas d’anomalie des PEA et du bilanvestibulaire.

Figure 7. IRM en coupe axiale avec injection de gadolinium montrantun schwannome vestibulaire gauche, révélé par une surdité brutale asso-ciée à des acouphènes, qui avait récupéré partiellement après traitementchez une femme de 50 ans.

“ Conduite à tenir

• En cas de baisse brutale de l’audition, le contexte desurvenue et l’examen clinique, qui doit comprendre uneotoscopie et une acoumétrie au diapason, permettent leplus souvent de distinguer une surdité de transmissiond’une surdité de perception.• Toute surdité de perception brutale nécessite une priseen charge rapide par un ORL, à la fois diagnostique(confirmation de la surdité de perception parl’audiométrie) et thérapeutique.• En l’absence de cause évidente, l’existence d’unesurdité de perception brutale unilatérale doit fairedemander un examen par résonance magnétiquenucléaire du conduit auditif interne et de l’anglepontocérébelleux, avec injection de gadolinium, à larecherche d’une pathologie rétrocochléaire, en particulierun schwannome vestibulaire.• Une surdité de perception brutale dont le bilanétiologique est négatif est appelée « surdité brusqueidiopathique ». Le mécanisme étiopathogénique estinconnu et hypothétique. La prise en chargethérapeutique, bien qu’empirique, repose principalementsur les corticoïdes par voie générale, administrés le plusrapidement possible après le début de la surdité.

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■ Références[1] Mosnier I, Bouccara D, Sterkers O. Les surdités brusques en 1997 :

hypothèses étiopéthogéniques, conduite à tenir, facteurs pronostiques,traitements. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1997;114:251-66.

[2] Mosnier I. Les médicaments ototoxiques. Méd Enf 2003;23:292-6.[3] Merchant SN,Adams JC, Nadol JB. Pathology and pathophysiology of

idiopathic sudden sensorineural hearing loss. Otol Neurotol 2005;26:151-60.

[4] ConlinAE, Parnes LS. Treatment of sudden sensorineural hearing loss.A meta-analysis. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2007;133:582-6.

Pour en savoir plusAlain Robier. Les surdités de perception. Collection ORL. Paris: Masson;

2001.

.

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Paralysie faciale

F. Tankéré, C. Bodénez

Les paralysies faciales (PF) peuvent être d’origine centrale ou périphérique. Les paralysies facialescentrales sont liées à une lésion supranucléaire et les paralysies faciales périphériques à une lésion dunoyau pontique du VII ou du tronc du nerf dans son trajet de l’angle pontocérébelleux jusqu’à la parotide.L’atteinte périphérique du nerf facial est une pathologie fréquente, angoissante pour le patient, etfonctionnellement dangereuse pour la cornée. Sa gravité est liée à son étiologie, à son stade clinique, aupourcentage de perte axonale, ainsi qu’aux atteintes nerveuses associées. La paralysie facialeidiopathique ou « a frigore » est la cause la plus fréquente, mais ce fait ne doit pas dispenser de rechercherles autres causes, notamment tumorales qui peuvent dans certains cas apparaître selon un mode aigu.Toute paralysie faciale doit être prise en charge en urgence car le résultat du traitement, médical ouchirurgical en fonction de l’étiologie et de la gravité de l’atteinte, dépend en partie de sa précocité.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Paralysie faciale ; Paralysie faciale a frigore ; Virus herpès simplex ; Zona ; Tumeur ; Fracture

Plan

¶ Rappel anatomofonctionnel 1

¶ Diagnostiquer la paralysie faciale et reconnaîtreson origine périphérique 1

Diagnostic 2Diagnostic différentiel 2

¶ Estimation de sa gravité 2

¶ Quel bilan étiologique réaliser ? 3Démarche diagnostique 3

¶ Paralysies faciales périphériques : de l’étiologieau traitement 5

Paralysie faciale idiopathique dite « a frigore » ou paralysiede Bell 5Paralysie faciale zostérienne ou zona du ganglion géniculé 5Autres paralysies faciales d’origine infectieuse 5Paralysies faciales tumorales 6Paralysies faciales traumatiques 6Paralysie faciale et affections neurologiques 6Paralysie faciale et maladies générales 6

¶ Complications et séquelles 6

■ Rappel anatomofonctionnel [1, 2]

Le nerf facial est un nerf mixte formé de deux racines, l’unemotrice et l’autre sensitivosensorielle et sécrétoire (parasympa-thique), formant le nerf intermédiaire de Wrisberg ou VII bis. Ilassure quatre fonctions différentes : motrice pour les muscles dela face, sensitive pour la zone de Ramsey Hunt (conque, conduitauditif externe et tympan en partie), sensorielle, en transmet-tant les informations gustatives d’une hémilangue mobile et

végétative ou sécrétoire, pour les glandes lacrymales et salivaires.La connaissance de l’anatomie des différentes régions traverséespar le nerf est essentielle pour mener une démarchediagnostique.

Le VII moteur naît au sein de la protubérance dont il émergeau niveau du sillon bulbopontique avant de traverser l’anglepontocérébelleux jusqu’au conduit auditif interne. Il réaliseensuite un trajet complexe dans le rocher jusqu’au foramenstylomastoïdien puis se ramifie dans la glande parotide avantd’atteindre les muscles faciaux.

■ Diagnostiquer la paralysie facialeet reconnaître son originepériphérique [3]

Le diagnostic est facile dans les formes complètes. Au repos,on observe une disparition des rides frontales, un abaissementdu sourcil, un élargissement de la fente palpébrale, voire unectropion chez le sujet âgé, un effacement du sillon nasogénien,et un abaissement de la commissure labiale du côté atteint. Lorsdes mouvements, on observe une impossibilité de froncementou d’élévation du sourcil, d’occlusion palpébrale (avec basculede l’œil vers le haut responsable du signe de Charles Bell quisigne l’atteinte périphérique) (Fig. 1), de gonflement de la joue,de contraction du peaucier (signe de Babinski). Tous cesmouvements exagèrent l’asymétrie observée au repos. En outre,l’occlusion palpébrale réflexe est abolie du côté atteint lors dela recherche des réflexes nasopalpébral (à la menace ou parpercussion de la glabelle) ou cochléopalpébral.

L’atteinte des autres fonctions du nerf facial peut se traduirepar :• une perte du goût ou une dysgueusie sur l’hémilangue mobile

et par une diminution des sécrétions lacrymales si la lésionsiège en amont du nerf grand pétreux superficiel ;

• une hyposialie si la lésion se situe en amont de la corde dutympan ;

.

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• une hyperacousie douloureuse lorsque l’atteinte siège enamont de l’émergence du nerf du muscle de l’étrier, signantl’atteinte du réflexe stapédien ;

• rarement une atteinte de la sensibilité de la zone de RamseyHunt.

DiagnosticLe diagnostic est plus difficile :

• dans les formes incomplètes où l’examen montre un signedes cils de Souques (les cils apparaissent plus long du côtéatteint lors de l’occlusion palpébrale forcée), une asymétrie dutonus lors du gonflement forcé des joues ou un simple retardde contraction lors des mouvements rapides d’occlusionpalpébrale (signe de Collet) ;

• dans les atteintes bilatérales où la face est symétrique avecimpossibilité de mouvements ;

• chez les patients comateux où la paralysie est mise enévidence par la manœuvre de Pierre Marie et Foix : unecompression en arrière des branches montantes du maxillaireentraîne une grimace asymétrique ;

• dans les formes vues tardivement où l’hypotonie peut êtreremplacée par une hypertonie (spasme hémifacial postparaly-tique) (Fig. 2).

Diagnostic différentielL’examen permet d’établir le diagnostic différentiel avec

l’atteinte des voies centrales qui survient souvent dans uncontexte neurologique évocateur où la paralysie faciales’accompagne souvent d’une hémiparésie. Une lésion desafférences corticonucléaires se traduit par une paralysie facialecontrolatérale prédominant sur le tiers inférieur alors que lapartie supérieure apparaît moins déficitaire. Le réflexe cornéenest en revanche conservé. La motricité volontaire apparaîtaltérée alors que la motricité automatique et émotionnelle estpréservée (dissociation automaticovolontaire). Cette dissociationest notamment particulièrement marquée dans les paralysiesfaciales centrales bilatérales observées au cours des syndromespseudobulbaires d’origine vasculaire.

L’atteinte des ganglions de la base (Parkinson) altère lamotricité automatique et émotionnelle avec un aspect figé de laface et une amimie, pouvant faire discuter une diplégie faciale,mais la motricité volontaire est conservée (Tableau 1). Enfin, lamyasthénie peut faire discuter une diplégie faciale, maisl’atteinte est variable dans le temps, associée à un ptôsis et à destroubles de la phonation et de la déglutition.

■ Estimation de sa gravitéCliniquement, elle repose sur le testing des muscles laté-

raux [4] (technique de Freyss) permettant de coter la contraction

et le tonus, ou sur la classification de House-Brackmann [5], quia l’avantage de prendre en compte les séquelles spastiquespostparalytiques.

Il est impératif de rechercher une complication oculaire(kératite) secondaire à l’exposition cornéenne (absence d’occlu-sion, diminution de la sécrétion lacrymale, atteinte du nerftrijumeau associée), et nécessitant une prise en charge urgente.

Figure 1. Signe de Charles Bell signant l’origine périphérique de laparalysie faciale.

Figure 2. Paralysie faciale droite sévère après récupération sur un modespastique. Apparition d’une syncinésie responsable d’une contraction desmuscles zygomatiques (sillon nasogénien droit plus marqué) lors de lafermeture palpébrale.

Tableau 1.Étiologies des diplégies faciales.

Idiopathique Paralysie faciale a frigore ou de Bell bilatérale

Infectieuses Viral : herpès, VIH (méningites), virus Epstein-Barr, poliomyélite

Bactérien : Lyme, syphilis, tuberculose méningée,maladie de Hansen, tétanos, méningo-encéphalite(sida) et rarement des otites moyennes

Tumorales Carcinomatose méningée, tumeur prépontique,gliome du tronc cérébral

Traumatiques Fractures craniofaciales

Neurologiques Syndrome de Guillain-Barré, encéphalite, poly-neuropathie et neuropathie bulbospinale, hémor-ragie du tronc cérébral

Métaboliques Diabète, amylose

Maladies rares Sarcoïdose, lupus érythémateux disséminé

VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; sida : syndrome d’immuno-déficience humaine.

“ Point important

Une paralysie faciale centrale :• prédomine sur le territoire facial inférieur ;• s’associe à une dissociation automaticovolontaire ;• n’évolue jamais vers le spasme hémifacial.Un signe de Charles Bell signe l’origine périphérique de laparalysie faciale.

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Secondairement, la gravité est appréciée par les examensélectrophysiologiques [4, 6-11]. Ils ne sont pas systématiques etsont particulièrement utiles dans les formes graves pour préciserle type de lésion nerveuse, son pronostic, suivre l’évolution dela récupération et dépister l’apparition d’un spasme hémifacialpostparalytique. L’électromyographie faciale [6-10] comprendtrois parties :• un électrodiagnostic de détection qui enregistre les réponses

des muscles faciaux au repos et en contraction volontaire ;• une étude du réflexe de clignement (trigéminofacial) [11] qui

apprécie le bloc de conduction intracrânien, notamment dansl’os pétreux au cours des paralysies faciales virales ;

• un électrodiagnostic de stimulation qui apprécie l’amplitudedes réponses évoquées dans les muscles faciaux par la stimu-lation du tronc du nerf facial au foramen stylomastoïdien.L’électroneurographie de Esslen [4, 6, 7], très utilisée dans lespays anglo-saxons, consiste à recueillir, au cours d’unestimulation supramaximale similaire, un potentiel d’actionmusculaire par une électrode de surface bipolaire placée surles muscles péribuccaux. La comparaison des amplitudesentre les deux côtés détermine le pourcentage de perteaxonale. Ces deux techniques sont les plus fiables au coursdes dix premiers jours d’évolution pour apprécier la gravité etle pronostic d’une PF, ou pour établir un diagnostic dans lesformes frustes ou atypiques [4, 9].

■ Quel bilan étiologiqueréaliser ? [10, 12-14]

Le but de ce bilan est de rechercher, par les examens clini-ques et complémentaires (Fig. 3), des arguments en faveur desdifférentes étiologies afin de poser par élimination le diagnosticde paralysie faciale idiopathique, de loin le plus fréquent. Leséventuels signes cliniques associés prennent ici toute leur

importance et orientent vers le siège lésionnel. La connaissancede la systématisation fonctionnelle du VII et de l’anatomie desdifférentes régions traversées par le nerf facilite cette démarcheétiologique.

Démarche diagnostique [12]

L’interrogatoire précise les antécédents du patient, sansomettre ceux pouvant interférer avec le traitement (diabète,insuffisance rénale), retrace l’anamnèse, notamment le contextede survenue parfois évocateur (otite aiguë, traumatisme...), leprofil évolutif (brutal en faveur d’une origine virale, infectieuseou inflammatoire, progressif, faisant suspecter une causetumorale...), les signes prodromiques (otalgie, larmoiement,fièvre, dysgueusie...), et enfin recherche l’existence de signes delocalisation neurologique (hypoacousie, vertige, hypœsthésiefaciale, atteinte des voies longues...).

L’étape essentielle reste la pratique d’un examen cliniquerigoureux qui comprend :• un examen oto-rhino-laryngologique (ORL) complet avec une

otoscopie (recherchant une otite chronique, une lésiontumorale, ou des vésicules de la conque qui signent le zonadu ganglion géniculé), et une palpation des aires ganglion-naires et des parotides (masse tumorale infiltrante, parotidite).L’analyse de la fonction faciale doit être rigoureuse, s’atta-chant à rechercher l’existence de signes spastiques associésaux signes déficitaires, car leur présence remet fortement encause le diagnostic de paralysie faciale idiopathique ;

• un examen neurologique complet, notamment des pairescrâniennes, des systèmes vestibulaire et cérébelleux et desvoies longues. Leur atteinte apporte souvent une valeurlocalisatrice et étiologique ;

• un examen ophtalmologique en cas de suspicion de kératite.La mise en route précoce d’un traitement de protectioncornéenne prévient, dans la très grande majorité des cas, cettecomplication. La sécrétion lacrymale peut être appréciée parun test de Schirmer, dont la modification oriente vers unelésion en amont du ganglion géniculé.Au terme de ce bilan, devant une paralysie faciale périphéri-

que isolée, d’installation brutale en 24 à 48 heures, sans autresigne neurologique associé, le diagnostic de paralysie facialeidiopathique est fortement suspecté et un traitement adapté estmis en route en urgence.

Secondairement, le recours à un avis spécialisé en ORLapparaît indispensable, dans les formes atypiques (formed’aggravation progressive, présence de signes spastiques,contexte otologique particulier...) ou associées à des signesneurologiques ou généraux (maladie systémique), mais égale-ment devant une simple forme isolée de gravité moyenneinitialement, mais qui peut se compléter secondairement,grevant le pronostic de récupération. Cet avis permet, dans tousles cas, de conforter le diagnostic, de réaliser un bilan complé-mentaire étiologique, de rechercher une atteinte cochléovesti-bulaire infraclinique nécessitant une prise en charge urgente etenfin de suivre l’évolution afin de ne pas retarder une prise encharge spécifique, notamment chirurgicale dans les formesgraves de paralysie d’origine virale ne répondant pas à untraitement médical bien conduit.

L’importance du bilan complémentaire est variable enfonction de l’orientation étiologique. Il se composera auminimum d’un bilan biologique standard (numération-formulesanguine, dosage de la CRP [C reactive protein], ionogrammesanguin avec glycémie) et d’un bilan sérologique si le contextes’y prête (syphilis, virus de l’immunodéficience humaine [VIH]1 et 2, varicelle zona virus, herpès simplex virus, maladie deLyme). Les sérologies virus varicelle zona (VZV) et virus herpèssimplex (HSV) sont très fréquemment positives et traduisentune infection ancienne. La réascension du taux d’anticorps lorsd’un second prélèvement à j15 est très inconstante. Les autresexamens sanguins sont pratiqués devant un contexte évocateur :radiographie du thorax, calcémie, calciurie, dosage de l’enzymede conversion de l’angiotensinogène à la recherche d’unesarcoïdose par exemple.

“ Point important

Testing des murs latérauxMuscle frontal : élévation du sourcil.Orbiculaire des paupières : occlusion palpébrale.Zygomatique : élévation de la commissure labiale.Buccinateur : latéralisation de la commissure labiale.Triangulaire des lèvres : abaissement de la commissurelabiale.Chaque muscle est coté de 0 à 3 (0 : pas de contraction ;1 : à peine visible ; 2 : diminuée ; 3 : normale), le total estsur 15.

“ Point important

Classification de House-BrackmannGrade I : normal.Grade II : déficit discret, noté lors d’un examen attentif,occlusion palpébrale complète sans effort.Grade III : face symétrique au repos, occlusion palpébralecomplète possible avec effort, déficit de l’élévation dessourcils, sourire asymétrique, syncinésies et hypertonienotables.Grade IV : face à peu près symétrique, occlusionpalpébrale complète impossible, mouvements trèsasymétriques, syncinésies et hypertonie sévères.Grade V : face asymétrique au repos et hypotonique,quelques ébauches de mouvements.Grade VI : face asymétrique au repos et hypotonique,aucun mouvement.

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Des investigations complémentaires peuvent être utiles enfonction de l’étiologie suspectée :• les explorations cochléovestibulaires sont réalisées par l’ORL :

audiométrie tonale, recherche du réflexe stapédien [13],potentiels évoqués auditifs, épreuves caloriques vestibulaires,afin de rechercher des atteintes associées pouvant orientervers une paralysie faciale zostérienne ou tumorale ;

• l’analyse du liquide céphalorachidien est le plus souventinutile. La pratique d’une ponction lombaire reste exception-nelle et doit reposer sur des arguments cliniques solidesfaisant suspecter une maladie neurologique (sclérose enplaques, polyradiculonévrite), infectieuse (maladie de Lyme,séroconversion VIH...) ou une maladie d’expression systémi-que (neurosarcoïdose, neurolymphome...). Son indicationreste une affaire de spécialiste ;

• un bilan radiologique [14] : en l’absence de signe de localisa-tion neurologique ou de contexte de survenue évocateur, unscanner cérébral en urgence apparaît inutile, se révélant en

règle normal. En revanche, un scanner des rochers estdemandé par le spécialiste en cas de suspicion de pathologiede l’oreille moyenne. Une imagerie par résonance magnétique(IRM) avec injection de gadolinium explorant le trajet completdu nerf facial peut compléter le bilan surtout dans les formesatypiques, et permet d’éliminer une pathologie tumorale et derechercher une prise de signal du nerf facial intrapétreux,classique au cours des paralysies faciales virales (Fig. 4).

Paralysie faciale unilatérale

PF centrale

Prédomine sur le facial inférieurDissociation automaticovolontaire

Autres signes neurologiques focaux

PF périphérique

Contexte traumatique ?

Palpitation parotidienne

Otoscopie

NormaleNormaleNormaleAnormale

NormaleOtite externe maligneOtite moyenne aiguë

Otite moyenne chroniqueTumeur de l'oreille moyenne

Avis ORLEn fonction de l'étiologie :

paracentèseTDM du rocher

IRM du rocher ± cérébrale

NormalePF isolée

NormalePF a frigorePF virales

Maladie de LymeDiabète

NormaleZona sans éruption cutanéeMaladie de Lyme

SyphilisPF tumorale

SEP/GBSarcoïdose

NormaleAvis ORL et neurologiqueTDM du rocherIRM cérébrale

Sérologies± Ponction lombaire

± Dosage ECA

Pas d'imageriesi évolution favorable

Avis ORLGlycémie, NFS, CRP

Sérologies VIH, Lyme, syphilis

Traitement

Évolution favorable Évolution non favorable

NormalePF non isolée ou atypique

Avis neurologique

Plaies facialesPlaies parotidiennesFracture du rocher

Avis ORLTDM du massif facial et du rocher

IRM cérébrale + parotide

Avis ORLTDM/IRM

Dosage ECA

ParotideTumeur

Sarcoïdose

Oui

Non

Figure 3. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une paralysie faciale (PF). TDM : tomodensitométrie ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; ECA :enzyme de conversion de l’angiotensinogène ; SEP : sclérose en plaques ; GB : Guillain-Barré ; NFS : numération-formule sanguine ; CRP : C reactive protein ;ORL : oto-rhino-laryngologique ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.

“ Point important

Toute paralysie faciale périphérique isolée d’installationaiguë n’est pas une paralysie de Bell, même si cetteétiologie est de loin la plus fréquente.

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■ Paralysies faciales périphériques :de l’étiologie au traitement (Tableau 2)

Paralysie faciale idiopathique dite« a frigore » ou paralysie de Bell [12, 15, 16]

Son étiopathogénie actuelle repose sur la réactivation du virusherpès simplex 1 (HSV 1) qui crée une inflammation au niveaude la première portion pétreuse du nerf et du ganglion géniculé.Elle touche les enfants et les adultes sans prédominance de sexeet son incidence est de 15 à 25 pour 100 000 habitants.Cliniquement, le début est brutal en quelques heures, secomplétant en 2 jours. Les signes associés ou prodromiques sontnombreux : syndrome grippal, céphalées, otalgie ou douleurrétroauriculaire, dysgueusie, hyperacousie douloureuse homola-térale. Le reste de l’examen ORL et neurologique est normal. Letraitement repose sur l’administration de corticoïdes à fortesdoses (1 à 2 mg/kg/j per os ou en intraveineux selon leséquipes) et d’antiviraux (acyclovir 30 mg/kg/j par voie parenté-rale ou valacyclovir 2 cp × 3/j, hors autorisation de mise sur lemarché [AMM]) dont l’efficacité reste très controversée. Larééducation [17] apparaît indispensable pour les formes graves,afin d’en limiter les séquelles spastiques (environ 5 à 10 % descas malgré un traitement médical bien conduit). Certaines

équipes [18, 19] proposent une décompression nerveuse chirurgi-cale précoce (15 jours) en cas de paralysie complète ne répon-dant pas au traitement médical.

Enfin, il convient, quelle que soit l’étiologie, de prescrire untraitement préventif de protection cornéenne (larmes artificielleset pommade ophtalmique à la vitamine A le soir) et uneocclusion palpébrale nocturne, qui est réalisée en plaçant unsparadrap hypoallergénique horizontalement sur la paupièresupérieure de manière à masquer la pupille.

Cas particulier : paralysie faciale idiopathiqueet grossesse [3]

Le risque de survenue d’une paralysie de Bell augmente encas de grossesse, à partir de la fin du premier trimestre, jusqu’àtripler son incidence au troisième trimestre et en post-partumpar rapport à un groupe de femmes du même âge non partu-rientes. Son étiopathogénie n’est pas connue, mais elle pourraitêtre liée à la compression du nerf facial par l’œdème rétention-nel gestationnel et par l’augmentation du risque de réactivationd’un virus neurotrope par l’état d’immunosuppression relatifengendré par la grossesse. Elle semble également plus fréquentechez les primipares et en cas de diabète gestationnel, d’hyper-tension artérielle, de prééclampsie, de prématurité et de césa-rienne. Son traitement repose, après avis du gynécologueobstétricien, sur les corticostéroïdes et les antiviraux.

Paralysie faciale zostérienne ou zonadu ganglion géniculé [15, 20]

Elle est secondaire à une réactivation du virus de la varicelleau niveau du ganglion géniculé. Cliniquement, elle se présentecomme une paralysie faciale idiopathique souvent plus algiqueassociée classiquement à une éruption vésiculeuse de la conque(zone de Ramsay Hunt) (Fig. 5), mais qui peut atteindreégalement la cavité buccale ou encore passer inaperçue. Uneatteinte cochléovestibulaire (surdité de perception et vertiges) oudu nerf trijumeau peut être associée. Le traitement est identiqueà celui de la paralysie faciale a frigore, mais son pronostic estclassiquement plus péjoratif.

Autres paralysies faciales d’origineinfectieuse [15, 21]

Paralysie faciale otitiqueElle peut compliquer une otite moyenne aiguë, ou chronique

cholestéatomateuse ou une otite externe maligne (patientdiabétique surtout). Le traitement justifie le recours à l’ORL enurgence et l’obtention d’une preuve bactériologique.

Maladie de LymeLa maladie de Lyme est une méningoradiculonévrite, causée

par un spirochète, Borrelia burgdorferi, transmis par une morsure

Figure 4. Imagerie par résonance magnétique (IRM) en coupes axiales,en pondération T1 avec injection de gadolinium, réalisée chez un patientprésentant une paralysie faciale a frigore gauche. L’examen montre uneprise de signal du nerf facial (flèche) au fond du conduit auditif interne, surle ganglion géniculé et les segments labyrinthique et tympanique.

Tableau 2.Étiologies des paralysies faciales périphériques.

Idiopathiques Paralysie faciale a frigore ou de Bell

Infectieuses Virale : herpès, zona, VIH, cytomégalovirus, virusEpstein-Barr, poliovirus, grippe, oreillons, rougeole,cosackie

Bactérienne : Lyme, syphilis, tuberculose, lèpre, téta-nos, et au cours des otites moyennes aiguës ou chro-niques

Tumorales Neurinome du nerf facial, tumeurs de l’angle pon-tocérébelleux, du rocher ou de la parotide, gliomedu tronc cérébral, méningite carcinomateuse

Traumatiques Fracture du rocher, plaies faciales ou parotidiennes

Neurologiques Sclérose en plaques, syndrome de Guillain-Barré

Métaboliques Diabète, porphyrie, Béribéri, amylose, maladie deBiermer

Maladies générales Sarcoïdose, syndrome de Melkersson-Rosenthal,maladie de Gougerot-Sjögren, granulomatosede Wegener, vascularites (maladie de Horton,de Behçet), de Kawasaki, panartérite noueuse)

Toxiques Plomb, alcool, éthylène glycol, CO, arsenic

Iatrogènes Injection de toxine botulique à titre thérapeutique(spasmes faciaux) ou esthétique, traumatismes opé-ratoires (rocher, angle pontocérébelleux, parotide)

CO : monoxyde de carbone ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.

Figure 5. Éruption vésiculeuse de la conque au cours d’un zona duganglion géniculé, responsable d’une paralysie faciale droite.

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de tiques, où l’atteinte du VII survient au cours des phasessecondaire et tertiaire de la maladie. Le tableau clinique peutêtre celui d’une paralysie faciale virale ou comporter l’atteinted’autres nerfs crâniens. Le diagnostic repose sur la notiond’érythème cutané migrant (phase primaire), sur la ponctionlombaire (méningite lymphocytaire), et sur les tests sérologiquesdans le sang et le liquide céphalorachidien (LCR). Le traitementrepose sur l’antibiothérapie spécifique.

Autres infections (primo-infection au virusde l’immunodéficience humaine, lèpre,tuberculose, syphilis)

Elles sont rares.

Paralysies faciales tumorales [22]

Il s’agit de tumeurs propres du nerf facial (neurinome)(Fig. 6), ou de tumeurs de voisinage pouvant se situer dans letronc cérébral (lésion nucléaire – gliome infiltrant), l’anglepontocérébelleux (neurinome du VIII, méningiome, etc.), lerocher (hémangiome, cholestéatome primitif, glomus, tumeursosseuses), ou la glande parotide (tumeurs malignes essentielle-ment). Cliniquement, il s’agit d’une paralysie faciale d’appari-tion progressive, mais un début brutal n’exclut pas lediagnostic, qui repose sur le scanner et l’IRM. Leur prise encharge relève du spécialiste.

Paralysies faciales traumatiques [23]

Elles sont fréquentes et peuvent être liées à une fracture durocher (20 % à 40 % des cas selon le type de fracture) (Fig. 7),à un traumatisme opératoire dans l’oreille moyenne ou au coursde la chirurgie du neurinome de l’acoustique, à une plaie de larégion parotidienne ou de la face. Le contexte de survenue estévocateur. Elles nécessitent toujours en urgence le recours àl’ORL.

Paralysie faciale et affectionsneurologiques [24]

Le noyau facial et les fibres efférentes motrices, jusqu’à leurémergence du tronc cérébral, peuvent être lésés par de nom-breux processus pathologiques : tumeur, traumatisme, affectiondégénérative ou vasculaire. Le diagnostic repose sur l’associationd’une paralysie faciale à une atteinte des voies longues ou desautres nerfs crâniens. L’examen neurologique et l’IRM du tronccérébral détermine la localisation et le type de la lésion. Deuxaffections principales peuvent être malgré tout individualisées :la sclérose en plaques, responsable d’une paralysie le plussouvent centrale, mais parfois périphérique, posant alors unproblème diagnostique si elle est isolée, et le syndrome deGuillain-Barré ou une diplégie faciale d’apparition progressiveest fréquente.

Paralysie faciale et maladies générales [24]

DiabèteLe diabète est souvent considéré comme une cause particulière

de paralysie faciale, qui peut être en rapport avec la neuropathieet est alors d’installation progressive. La paralysie faciale idiopa-thique semble plus fréquente sur ce terrain et de pronostic plusdéfavorable. La corticothérapie doit s’accompagner d’une équili-bration du diabète et peut justifier une hospitalisation.

SarcoïdoseDeux mécanismes sont possibles, soit dans le cadre d’une

atteinte neurologique avec paralysie faciale isolée ou paralysied’autres nerfs crâniens, soit dans le cadre d’un syndromed’Heerfordt associant fièvre, iridocyclite et parotidite. Dans lesdeux cas, la paralysie peut être bilatérale.

Syndrome de Melkersson-RosenthalC’est une cause de paralysie faciale récidivante dont l’étiopa-

thogénie est inconnue. Son diagnostic repose sur l’associationd’une langue fissurée, d’une chéilite, d’un œdème labial et facialpériorbitaire. On peut retrouver des antécédents familiaux. Labiopsie objective une chéilite granulomateuse non spécifique. Letraitement comporte une corticothérapie et un antilépreux laclofazimine (Lamprène®).

■ Complications et séquelles [25-28]

Outre les risques oculaires déjà mentionnés, on peut observerà distance, après ou au cours de la phase de récupération,d’autres types de complications, soient sensorielles : dysgueusiepersistante et syndrome des larmes de crocodile (larmoiementunilatéral prandial lié à la repousse anormale des fibres àdestinée salivaire vers la glande lacrymale), soit motrice : lespasme hémifacial postparalytique. Il handicape sévèrement lespatients et se traduit cliniquement par une hypertonie del’hémiface atteinte réalisant une contracture parfois doulou-reuse, par des myokimies (contraction brutale et involontaired’un ou plusieurs muscles faciaux) et par des syncinésies(cocontraction de différents groupes musculaires lors de mou-vements volontaires – fermeture palpébrale lors du sourire parexemple). Le traitement du spasme hémifacial postparalytiquerepose sur la rééducation de la face menée par une orthopho-niste ayant reçu une formation spécifique et sur l’injection dansles muscles spastiques de toxine botulique.

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Figure 6. Imagerie par résonance magnétique (IRM) en coupes axiales,en pondération T1 avec injection de gadolinium, montrant un processustumoral centré sur la portion mastoïdienne du VII (flèche), correspondantà un neurinome du nerf facial.

Figure 7. Scanner en coupe axiale d’un rocher droit montrant un traitde fracture transversal intéressant la loge du ganglion géniculé et lesegment labyrinthique (flèche).

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Pour en savoir plusCharachon R, Bébéar JP, Sterkers O, Magnan J, Soudant J, Andrieu-

Guitrancourt J, et al. La paralysie faciale – Le spasme hémifacial.Rapport de la Société Française d’oto-rhino-laryngologie et de patho-logie cervico-faciale. Paris: L’Européenne d’éditions; 1997.

Darrouzet V, Houliat T, Lacher Fougere S, Bébéar JP. Paralysies faciales.EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-260-A-10, 2002 : 15p.

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Vertiges

E. Vitte

Le vertige est une illusion sensorielle de rotation de la scène visuelle alors que le trouble de l’équilibre semanifeste par des sensations ébrieuses ou encore par l’impression de tituber. Il est important decaractériser ce trouble par un interrogatoire précis et un examen clinique avec étude des pairescrâniennes, au terme desquels il est souvent possible de porter un diagnostic. Les atteintes de l’oreilleinterne induisent en général des vertiges rotatoires et peuvent être accompagnées de signes auditifs.Toutefois, certains accidents vasculaires de la fosse postérieure peuvent débuter par un vertige, d’où lanécessité de rechercher systématiquement les facteurs de risque vasculaires.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Vertige ; Trouble de l’équilibre ; Nystagmus ; Examen cochléovestibulaire

Plan

¶ Introduction 1

¶ Conduite à tenir 1Interrogatoire 1Examen clinique 1Explorations fonctionnelles de l’appareil cochléovestibulaire 2

¶ Diagnostic étiologique 2Causes périphériques 2Troubles de l’équilibre du sujet âgé 3Migraines 3Causes métaboliques 3Causes centrales 3

¶ Conclusion 4

■ IntroductionLe vertige est l’un des motifs les plus fréquents de consulta-

tion chez le médecin généraliste. Si les patients consultent pourdes vertiges, le médecin doit distinguer, par un interrogatoirebien conduit, le vertige du trouble de l’équilibre. Le vertige estune illusion sensorielle de rotation de la scène visuelle et il estle plus souvent dû à une lésion de l’oreille interne. Le troublede l’équilibre se manifeste par une impression d’ivresse, d’êtreinstable, de marcher en titubant ou sur un sol inégal et évoqueune atteinte des voies centrales de l’équilibre. À la fin de cetinterrogatoire long et minutieux, on peut souvent porter undiagnostic précis.

L’équilibre est une fonction impliquant trois types d’infor-mations : vestibulaires (envoyées par les récepteurs de l’oreilleinterne, crêtes ampullaires et macules otolithiques), visuelles(avec les voies visuelles et l’oculomotricité) et sensitives(propriocepteurs articulaires et extérocepteurs de la soleplantaire).

Si les informations arrivant aux centres sont concordantes, lesujet n’a pas conscience de son équilibre, ce qui correspond àla plupart des situations de la vie courante.

Si les informations sont discordantes, le sujet est dans un étatde « conflit sensoriel » ; c’est le cas, par exemple, du mal destransports.

Si l’une des informations fait défaut comme dans le cas d’uneatteinte aiguë de l’oreille interne, le patient va ressentir unvertige. Puis, le patient va « compenser » ce déficit. Si lacompensation est parfaite, le sujet n’a plus de trouble del’équilibre sauf en cas de situation extrême.

Cette physiologie explique qu’un vertige est le plus souventpériphérique (oreille interne) et qu’un trouble de l’équilibre peutêtre dû soit à un conflit sensoriel, soit à une non-utilisationd’un capteur (vieillissement), soit encore à une atteinte centrale.

■ Conduite à tenir

InterrogatoireL’interrogatoire est une étape fondamentale du diagnostic. Il

doit préciser : les caractéristiques du symptôme (cela tourne oupas) ; ses circonstances d’apparition (dans une position détermi-née, quelle que soit la position ; après un traumatisme, uneinfection, une chirurgie de l’oreille, la prise de médicaments oude drogues) ; sa durée (secondes, minutes ou heures), sonévolution (vertige unique ou survenant par crises) ainsi que lessignes d’accompagnement (otologiques : surdité et/ou acouphè-nes ; neurovégétatifs : nausées, vomissements ou encore neuro-logiques : atteinte d’un autre nerf crânien, faiblesse d’unmembre, paresthésies). Enfin, on note les antécédents dupatient (otologiques, traumatiques : crâne ou cou), ses maladiesintercurrentes, ses facteurs de risque vasculaires et surtout sestraitements (il faut exiger toutes les ordonnances).

Examen clinique

Paires crâniennes

On pratique l’examen de toutes les paires crâniennes : nerfsIII, IV et VI impliqués dans l’oculomotricité (le patient a la tête

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maintenue par l’examinateur et doit suivre son doigt ; attention,on doit toujours voir en entier l’iris du patient dans le regardlatéral) ; nerfs V et VII (sensibilité et motricité de la face) ; nerfsIX et X (réflexe nauséeux et contraction du voile du palais), nerfXII (protraction de la langue) et nerf XI (en demandant aupatient de tourner la tête et de hausser les épaules).

Recherche de signes vestibulaires :nystagmus et déviations segmentaires

Le nystagmus est un mouvement des yeux composé d’unephase lente (réflexe vestibulo-oculaire) et d’une phase rapide(saccade de retour) qui détermine le sens du nystagmus. Si laphase rapide est dirigée vers la droite du patient, on dit que lenystagmus « bat » à droite. Le nystagmus doit être recherchéavec fixation (lors de l’examen de l’oculomotricité) et sansfixation en utilisant des lunettes de type « Bartels » ou « Fren-zel » (inhibant la fixation oculaire) ou mieux des lunettes vidéo(le patient est alors dans le noir).

Le nystagmus est dit « spontané » quand il apparaît dans leregard direct. Le nystagmus positionnel est recherché endemandant au patient de s’asseoir face à l’examinateur ; puis, dese coucher sur un côté, de se redresser et enfin de se couchersur le côté opposé. En cas de vertige positionnel paroxystiquebénin, le nystagmus n’apparaît que d’un côté (celui du vertige),bat vers l’oreille la plus basse et s’inverse lors du retour àl’orthostatisme. Il n’est pas utile de faire pendre la tête dupatient en dehors de la table d’examen comme dans la manœu-vre de Dix et Hallpike.

Les déviations segmentaires impliquent la déviation desindex, le signe de Romberg ou encore la marche en « étoile ».En pratique, on demande au patient de se tenir debout, les yeuxfermés et les bras tendus vers l’avant comme s’il voulait attraperl’examinateur.

Lors d’une atteinte périphérique, le syndrome vestibulaire estdit « harmonieux » car la phase lente du nystagmus et lesdéviations segmentaires ont lieu dans le même sens et du côtéde la lésion. Lors d’une atteinte centrale, le syndrome vestibu-laire est dit « dysharmonieux ».

Recherche de signes cérébelleuxOn recherche une dysmétrie et une adiadococinésie et au

moindre doute, on pratique un examen neurologique.

Tension artérielleLa tension artérielle est prise aux deux bras, après repos en

position assise et en demandant au patient de se lever rapide-ment (recherche d’hypotension orthostatique).

Au terme de cet examen, plusieurs explorations fonctionnel-les de l’appareil cochléovestibulaire sont réalisées (Tableau 1).

Explorations fonctionnelles de l’appareilcochléovestibulaire• Examen audiométrique tonal (mesure du seuil auditif en

conduction aérienne et osseuse), vocal (mesure de la compré-hension du patient) et impédancemétrie (mesure de lacompliance du tympan et du réflexe stapédien).

• Examen vestibulaire calorique : après avoir vérifié l’état destympans (il ne doit pas y avoir de perforation), on introduitde l’eau chaude (44 °C) et de l’eau froide (30 °C) dans le méatacoustique externe du patient et l’on analyse les nystagmusproduits. L’eau chaude stimule et l’eau froide inhibe levestibule. Les résultats sont reportés sur le diagramme duprofesseur Freyss. Un vestibule « malade » donne moins deréponses qu’un vestibule « sain », c’est l’hypovalence vestibu-laire.

• Potentiels évoqués auditifs précoces : ils mesurent le seuilauditif objectif et confirment le caractère endocochléaire(atteinte de l’oreille interne) ou rétrocochléaire (atteinte desvoies centrales) d’une surdité de perception (Fig. 1).

■ Diagnostic étiologique

Causes périphériques

Vertige positionnel paroxystique bénin

C’est l’une des premières causes de vertige se manifestant leplus souvent le matin au réveil. Le patient en se retournantdans son lit ressent un violent vertige durant quelques secon-des. Ce vertige disparaît s’il ne bouge pas la tête et réapparaîtdès qu’il reprend la position déclenchante. Il peut être accom-pagné de nausées, voire de vomissements. L’interrogatoire estcaractéristique et l’examen clinique est normal ainsi que lesexplorations fonctionnelles. Seule la manœuvre consistant àcoucher le patient sur le côté de son vertige induit un nystag-mus qui s’inverse au retour à l’orthostatisme. Si et uniquementsi ces critères sont respectés, on peut parler de vertige position-nel paroxystique bénin et effectuer une manœuvre libératoire(Sémont ou Epley).

Névrite vestibulaire

C’est une perte brutale de la fonction vestibulaire, le plussouvent d’origine virale, entraînant un grand vertige rotatoirepouvant empêcher le patient de se lever. Ce vertige est isolé,sans signe auditif ni neurologique mais est accompagné designes neurovégétatifs tels que nausées et vomissements. Àl’examen, le patient présente un violent nystagmus spontanébattant du côté opposé à sa lésion et inhibé ou fortementdiminué par la fixation. Une IRM cérébrale est systématique-ment demandée, surtout en présence de facteurs de risquevasculaires. Il faut soulager le patient avec des antivertigineuxpar voie veineuse et le lever le plus rapidement possible pourfavoriser sa compensation. Il peut aussi bénéficier de séances derééducation vestibulaire.

Maladie de « Ménière »La crise de « Ménière » se caractérise par une triade compre-

nant une surdité avec acouphènes et/ou sensation d’oreillepleine associée à des vertiges vrais. Entre les crises, le patientpeut être asymptomatique ou parfois instable. Au cours del’évolution de la maladie, le patient devient de plus en plussourd et peut présenter des acouphènes. Enfin, la maladie peutatteindre l’autre oreille ; toutefois, c’est une maladie rare netouchant que 10 % des patients consultant pour vertige. Le

Tableau 1.Signes et symptômes d’un syndrome vestibulaire périphérique ou central.

Signeset symptômes

Syndrome vestibulairepériphérique

Syndromevestibulaire central

Nystagmus Horizontorotatoire,unidirectionnel

Inhibé par la fixation

Vertical, horizontal,multidirectionnel

Non inhibépar la fixation

Signesd’accompagnement

Végétatifs

Cochléaires

Végétatifs

Neurologiques

Syndrome harmonieux Syndromenon harmonieux

“ Point fort

Après ces différents examens, il est possible de classer lessymptômes des patients en « périphériques » du ressortde l’ORL et en « centraux » du ressort du neurologue.Devant une atteinte cochléovestibulaire unilatérale etsurtout si elle est rétrocochléaire, une imagerie parrésonance magnétique (IRM) cérébrale avec injection degadolinium est demandée.

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diagnostic est facile et se caractérise par une atteinte cochléo-vestibulaire unilatérale endocochléaire. Le traitement associecelui de la crise et un traitement de fond (antivertigineux,régime peu salé, rééducation vestibulaire). Si la maladie est tropinvalidante, il faut recourir à la gentamicine en intratympani-que ou encore à la neurotomie vestibulaire.

Causes purement otologiques

Otospongiose

Maladie génétique se caractérisant par une surdité à tympannormal, elle peut donner des troubles de l’équilibre et desacouphènes, rarement des vertiges vrais. Le traitement estchirurgical.

Fractures du rocher

Elles peuvent entraîner une atteinte cochléaire et une atteintevestibulaire associées à une paralysie faciale. La tomodensito-métrie (TDM) des rochers en coupes millimétriques montre lafracture. Le traitement est symptomatique, sauf pour l’atteintefaciale qui peut nécessiter une intervention chirurgicale.

Labyrinthites

L’inflammation ou l’atteinte infectieuse du labyrinthe peutsurvenir au cours d’une otite aiguë ou chronique, notammentcholestéatomateuse, et donner des vertiges et/ou des troubles del’équilibre. Ceci impose d’une part une TDM des rochers etd’autre part un traitement médical urgent. Le traitement ducholestéatome est chirurgical.

Causes toxiques

Il faut toujours penser aux atteintes toxiques dues auxaminoglycosides qui donnent une aréflexie vestibulaire bilaté-rale et dont le seul traitement est la rééducation vestibulaire.

Petites tumeurs de l’angle pontocérébelleuxLes neurinomes stade I ou II et les méningiomes se manifes-

tent le plus souvent par des troubles de l’équilibre associés àune surdité et à des acouphènes. Il est donc important de

demander systématiquement une IRM avec injection de gadoli-nium devant une surdité de perception unilatérale, unacouphène unilatéral ou encore une atteinte vestibulaireunilatérale.

Troubles de l’équilibre du sujet âgéIls sont souvent plurifactoriels mais il faut penser à l’« omis-

sion vestibulaire ». Il s’agit d’un patient qui se plaint de troublesde l’équilibre surtout dans les situations où sa vue est perturbée.Il n’a pas d’atteinte vestibulaire mais il ne se sert plus de sesinformations vestibulaires. Le traitement reste la rééducationvestibulaire.

MigrainesLes migraines avec « aura » ou migraines accompagnées

peuvent s’associer à des troubles de l’équilibre et/ou à desvertiges de position qu’il ne faut pas confondre avec un vertigeparoxystique positionnel bénin. La céphalée est souventpostérieure de type nucalgie. Il s’agit d’un diagnostic d’élimina-tion et le traitement est celui de la migraine (en évitant lestryptans) mais en y associant des antivertigineux.

Causes métaboliquesLe diabète, l’hypertension artérielle peuvent donner des

troubles de l’équilibre, plus rarement des vertiges.

Causes centrales

Accidents vasculaires

Ce sont des urgences qui peuvent commencer par un vertigeet/ou un trouble de l’équilibre d’où l’importance d’un bonexamen clinique et de la prise de tension artérielle. Dans lespremières heures, seule l’IRM cérébrale avec séquence de diffusionpeut faire le diagnostic, la TDM est inutile et surtout sa normalitén’élimine pas un accident vasculaire cérébral.

Vertige et/outrouble de l'équilibre

InterrogatoireExamen cliniqueExamen cochléovestibulaire

Signes neurologiquesSyndrome vestibulaire dysharmonieux

Syndrome vestibulaire harmonieux

Avis neurologique Examen cochléovestibulaire

Endocochléaire Rétrocochléaire Normal

Signes cochléaires Pas designes cochléaires

IRM VPPB

Maladie de Ménière Névrite

Figure 1. Arbre décisionnel. Stratégie diagnostique devant un vertige et/ou un trouble de l’équilibre. IRM : imagerie par résonance magnétique ; VPPB :vertige paroxystique positionnel bénin.

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Sclérose en plaques

Elle peut débuter par un trouble de l’équilibre mais lesyndrome vestibulaire est souvent dysharmonieux et là encorel’IRM contribue au diagnostic.

Hydrocéphalie

L’hydrocéphalie peut donner des troubles de l’équilibre. Ils’agit le plus souvent d’un sujet âgé avec des troubles cognitifsmais les troubles de l’équilibre ne sont pas d’origine vestibulaire.

Causes rares

Parmi les causes plus rares, citons la neurosarcoïdose, leneuro-Behçet et les atteintes héréditaires et dégénératives.

■ ConclusionSi un vertige vrai évoque une atteinte périphérique :

• le diagnostic de vertige positionnel paroxystique bénin nepeut être porté que s’il remplit les caractéristiques données etil ne faut pas faire de manœuvre si le nystagmus ne s’inversepas au retour à l’orthostatisme ;

• le diagnostic de névrite vestibulaire implique une atteintevestibulaire isolée avec un syndrome vestibulaire harmonieuxet si le patient présente des facteurs de risque vasculaires, ilfaut avant tout éliminer un accident vasculaire cérébral ;

• le diagnostic de maladie de « Ménière » est rare et il faut, aucours de l’évolution, vérifier la fosse postérieure du patientpar une IRM.

Pour en savoir plusBrandt T. Vertigo: its multisensory syndromes. London: Springer-Verlag;

1999.Chays A, Florant A, Ulmer E. Les vertiges. Paris: Masson; 2004.Sauvage JP, ChaysA, GentineA. Vertiges positionnels. Rapport de la Société

française d’ORL et de chirurgie de la face et du cou. Paris: L’Euro-péenne d’Édition; 2007.

Sémont A, Freyss G, Vitte E. Curing the BPPV with a liberatory maneuver.Adv Otorhinolaryngol 1988;42:290-3.

Tran Ba Huy P, de Waele C. Les vertiges et le praticien. Paris: John LibbeyEurotext; 1996.

“ Point fort

Si un vertige vrai est le plus souvent dû à une atteintepériphérique, un accident vasculaire tel qu’un syndromede Wallenberg ou touchant le cervelet peut débuter parun grand vertige évoquant une névrite vestibulaire ; demême une dissection vertébrale peut se manifester par unvertige pouvant faire évoquer un VPPB.

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Dyspnée laryngée de l’adulte

M. Ménard, D. Brasnu

Les dyspnées laryngées font partie des urgences oto-rhino-laryngologiques. Ce sont des dyspnéesobstructives en rapport avec une réduction de calibre de la filière respiratoire au niveau d’au moins un destrois étages du larynx : région sous-glottique, glotte, région supraglottique. Elles peuvent se développersur un mode aigu ou progressif, plus fréquent chez l’adulte. Elles sont caractérisées par la triadecaractéristique : bradypnée inspiratoire avec tirage et/ou cornage ou stridor. Elles posent un tripleproblème : reconnaître le caractère laryngé de la dyspnée, en apprécier la gravité afin de mettre en œuvreles gestes appropriés, en déterminer l’étiologie, ce qui oriente le geste thérapeutique. Les étiologies sontmultiples, dominées chez l’adulte par la pathologie tumorale, les sténoses et les traumatismes. Letraitement médical comportant corticothérapie intraveineuse, aérosolthérapie, oxygénothérapie doittoujours être entrepris immédiatement. En l’absence d’amélioration, la priorité est de rétablir une filièrerespiratoire fiable ce qui peut nécessiter une intubation trachéale, voire une trachéotomie. Le bilanétiologique peut alors être complété en vue d’une prise en charge adaptée.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Dyspnée ; Larynx ; Cancer du larynx ; Sténose laryngotrachéale ; Traumatisme du larynx ;Œdème de Quincke

Plan

¶ Introduction 1

¶ Démarche diagnostique 1Diagnostic clinique 1Signes de gravité 2Diagnostic différentiel 2

¶ Conduite à tenir 3En urgence 3Méthodes de rétablissement de la filière respiratoireet de ventilation 3Examens complémentaires 4Étiologies et orientations thérapeutiques 4Causes traumatiques 6Corps étrangers 7

¶ Conclusion 7

■ IntroductionLes dyspnées laryngées font partie des urgences thérapeuti-

ques, nécessitant le plus souvent un avis oto-rhino-laryngologique (ORL) et pouvant mettre en jeu le pronosticvital. Ce sont des dyspnées obstructives hautes, en rapport avecune réduction de calibre de la filière respiratoire au niveau d’aumoins un des trois étages du larynx : région sous-glottique,glotte, région supraglottique. Elle est caractérisée par unebradypnée inspiratoire avec tirage et cornage. Les étiologies ensont multiples. Elles posent un triple problème :• reconnaître le caractère laryngé de la dyspnée ;• en apprécier la gravité afin de mettre en œuvre les gestes

appropriés ;

• en déterminer l’étiologie, ce qui oriente le geste thérapeu-tique.La priorité, en urgence, est de rétablir une filière respiratoire

suffisante. Le bilan étiologique peut alors être complété en vued’une prise en charge adaptée. Il faut rappeler qu’une dyspnéelaryngée, apparemment bien tolérée, évoluant depuis plusieursheures ou plusieurs jours, peut se décompenser brutalement àtout moment.

■ Démarche diagnostique

Diagnostic clinique [1-3]

Le diagnostic de dyspnée laryngée est clinique et ne présentehabituellement pas de difficulté chez l’adulte. Il s’agit d’unedyspnée obstructive haute caractérisée par une bradypnéeinspiratoire avec tirage, accompagnée de bruits inspiratoires. Letirage est une dépression des parties molles sous-jacentes àl’obstacle, sus-sternales, sus-claviculaires, intercostales, témoi-gnant de signes de lutte avec mise en jeu de muscles respiratoi-res accessoires. Le bruit inspiratoire caractéristique est lecornage, bruit grave, rauque, caverneux, comparable à la cornede brume, témoignant généralement d’un obstacle glotto-sous-glottique. On le distingue du stridor, bruit plus aigu, lié à lavibration des structures laryngées ou trachéales à l’inspiration,mais qui n’est pas obligatoirement associé à une dyspnée [1, 2].Plus l’obstacle est bas situé sur les voies respiratoires, moins lacomposante inspiratoire de la dyspnée est marquée [3].

L’évaluation de la tolérance cardiorespiratoire de la dyspnéepermet d’estimer le degré d’urgence et la « marge de manœu-vre » dans la poursuite de l’enquête diagnostique.

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L’interrogatoire rapide du patient complété par celui del’entourage précise [2, 3] :• le mode d’installation brutal ou progressif et la durée d’évo-

lution. Dans les formes aiguës, une durée de la dyspnéesupérieure à 1 heure, des signes d’hypercapnie puis d’hypoxiesont les signes de gravité. Les formes chroniques sont habi-tuellement mieux tolérées car le mode d’installation estprogressif mais une décompensation peut survenir à toutmoment. Elles doivent faire rechercher avant tout unetumeur des voies aérodigestives supérieures ;

• les circonstances de survenue (au décours d’une interventionchirurgicale cervicale ou thoracique, dans les suites d’uneintubation prolongée, d’une infection, après un syndrome depénétration) ;

• les signes d’accompagnement : modification de la voix(dysphonie d’origine glottique, voix oropharyngée étouffée),gêne et/ou douleurs pharyngées, troubles de la déglutition,otalgie, toux, expectorations purulentes et/ou sanglantes,syndrome infectieux local et/ou général ;

• les antécédents, en particulier laryngés et cervicaux : chirur-gie, radiothérapie, une intoxication alcoolotabagique, uneallergie connue.L’examen du cou peut fournir de façon non invasive des

informations par la présence :• d’une cicatrice d’intervention chirurgicale (thyroïdectomie),

de trachéotomie ;• d’une tuméfaction cervicale pouvant évoquer un goitre, une

adénopathie ;• d’une déformation ou un refoulement du larynx.

Le reste de l’examen ORL doit être prudent car il peut suffireà décompenser l’état respiratoire chez un patient « limite » etconduire à un état asphyxique. Il doit toujours être réalisé enposition assise ou demi-assise.

À l’abaisse-langue, on élimine un œdème du plancher buccal,une cellulite, un phlegmon périamygdalien, une tumeur de lacavité orale ou de l’oropharynx.

Actuellement, l’examen au nasofibroscope remplace le plussouvent la laryngoscopie indirecte au miroir laryngé. Il doit êtretrès prudent car il est souvent difficile et mal toléré chez unpatient dyspnéique mais il est essentiel car il permet devisualiser le larynx et peut permettre de déterminer rapidementl’étiologie de la dyspnée. Il faut éviter l’utilisation d’anesthésielocale nasale ou pharyngée car la perte de la sensibilité laryngéeinduite par le produit augmente l’encombrement de la filièrerespiratoire et risque de majorer la dyspnée. Il permet d’évoquerune épiglottite devant un œdème inflammatoire de toutl’épilarynx, de visualiser une tumeur obstructive, de mettre enévidence une diplégie laryngée, etc. Cet examen doit être brefet doit être complété, si besoin, par une laryngoscopie directesous anesthésie générale. Si le larynx paraît normal à l’examenau nasofibroscope, il oriente vers un obstacle sous-glottique outrachéal. Il est cependant préférable de ne pas chercher àdescendre avec le nasofibroscope sous le plan glottique sansavoir assuré une filière respiratoire stable ou avoir les moyenstechniques de faire face à une éventuelle dégradation de l’étatrespiratoire [3].

Signes de gravité [2, 3]

Dès l’inspection, l’aspect du patient fournit des élémentsd’orientation sur la gravité de la dyspnée :• le malade est assis, penché en avant ;• les veines jugulaires sont dilatées et turgescentes ;• l’intensité du tirage sus-claviculaire et sus-sternal, voire

intercostal et épigastrique témoigne de l’importance del’obstacle ;

• des sueurs profuses témoignent de l’hypercapnie ;• il existe des signes d’hypoxie : pâleur, voire cyanose, surtout

visibles au niveau des lèvres et des extrémités ;• une respiration paradoxale avec asynchronisme thoracoabdo-

minal témoigne d’un épuisement des muscles respiratoires ;• des troubles neurologiques : troubles du comportement, de la

conscience, voire un coma sont en rapport avec l’hyper-capnie [3].

La fréquence respiratoire est variable : bradypnée de lutte parallongement du temps inspiratoire, polypnée superficielletraduisant l’épuisement, voire pauses respiratoires précédant depeu l’arrêt cardiorespiratoire (la fréquence respiratoire normalede l’adulte est de 15 à 20/min).

Une tachycardie et une hypertension artérielle sont habituel-les en rapport avec l’hypercapnie et le stress. L’effondrement dela pression artérielle et la bradycardie sont des signes de gravitéextrêmes.

En urgence, la mesure de la saturation de l’hémoglobine enoxygène par méthode percutanée (SpO2) est la méthode la plussimple avec un résultat immédiat. Schématiquement, une SpO2supérieure à 95 % est un élément rassurant ; en revanche, uneSpO2 inférieure à 90 % est un signe de gravité. En cas de SpO2inférieure à 85 %, des mesures d’assistance ventilatoire etd’oxygénation s’imposent de façon urgente [3]. Elles sontcomplétées par la réalisation des gaz du sang artériel.

Diagnostic différentiel [3, 4]

Devant le caractère inspiratoire de la dyspnée, on élimine lesdiagnostics suivants.

Détresses respiratoires nonoto-rhino-laryngologiques

Dyspnées d’origine cardiaque ou pulmonaire

Il s’agit d’une dyspnée aux deux temps respiratoires, à type depolypnée ; elle ne s’accompagne ni de tirage, ni de cornage oude stridor ; la toux et la voix sont normales. L’interrogatoireprécise les antécédents, les signes d’accompagnement et permetd’orienter le diagnostic, associé aux données de l’auscultationcardiopulmonaire et de la radiographie thoracique.

Crise d’asthme

Elle peut débuter de façon brutale et s’accompagner de signesde lutte ventilatoire mais il s’agit d’une bradypnée expiratoire ;l’auscultation retrouve des râles sibilants, de façon symétriquedans les deux champs pulmonaires. En cas de doute, uneamélioration rapide (en quelques minutes) sous bronchodilata-teurs en inhalation et corticoïdes permet de trancher.

Pneumothorax dyspnéisant

Il peut survenir au cours d’une réelle dyspnée obstructive,favorisé par les efforts de lutte ventilatoire. Mais il se présentele plus souvent comme une polypnée, la percussion thoraciqueretrouvant un hypertympanisme associé à un silence ausculta-toire. La radiographie thoracique permet de faire le diagnostic.

Dyspnées d’origine métabolique ou neurologique centrale

Elles s’inscrivent dans des contextes bien différents [4].

Fausses détresses respiratoires

« Dyspnée » de la spasmophilie

Elle peut entraîner un tableau spectaculaire. En fait, il nes’agit pas réellement d’une dyspnée mais d’une hyperventilationd’origine psychogène avec alcalose respiratoire. Le contexte estgénéralement évocateur ; il existe une augmentation de lafréquence respiratoire avec sensation de constriction pharyngéesans bruits anormaux associée à un état stuporeux, uneangoisse, des paresthésies des membres, des tremblements finsdes extrémités. Il faut en premier lieu éliminer une hypoglycé-mie par la réalisation d’un dextro. La prise en charge de la crisede spasmophilie est comportementale associée à une réinhala-tion du CO2 expiré [3].

Dyspnée psychogène

Elle est trompeuse car elle simule une paralysie glottique enfermeture, d’apparition brutale. Le diagnostic peut être facile sila phonation reste normale, plus difficile si la phonation estatteinte. Il faut alors rechercher une normalisation de lamobilité laryngée même brève au cours de l’examen et s’aiderdu contexte psychologique [3].

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Dyspnées obstructives non laryngées

Dyspnées dues à un obstacle oropharyngé

Ce sont également des bradypnées inspiratoires mais il n’y apas de cornage, la voix est couverte, le siège du tirage est plushaut situé, sous-angulomandibulaire et l’auscultation laryngéeest normale. L’examen de la cavité orale et de l’oropharynxamène au diagnostic.

Dyspnées trachéales

Ce sont des dyspnées aux deux temps, inspiratoire et expira-toire, souvent moins bruyantes même si l’obstacle est serré,s’accompagnant d’un wheezing aux deux temps.

■ Conduite à tenirL’attitude initiale est dictée par la sévérité de la dyspnée et sa

tolérance. Si la tolérance est bonne, le bilan étiologiquecomprend le plus souvent un scanner, une endoscopie sousanesthésie générale, des examens orientés. En cas de mauvaisetolérance, la priorité est d’assurer une filière suffisante et stable,ce qui nécessite suivant les cas une intubation orotrachéale ouune trachéotomie. L’étiologie de la dyspnée conditionne la priseen charge thérapeutique, dans le cadre de l’urgence et/ousecondairement.

En urgenceIl est heureusement exceptionnel qu’un médecin non spécia-

lisé, voire une personne de l’entourage soit obligé, devant uneasphyxie extrême, de pratiquer, avant tout transport en milieuhospitalier, des gestes de sauvetage tels que la manœuvre deHeimlich pour un corps étranger, la mise en place d’aiguillesintraveineuses de gros calibre dans la trachée, par ponctiontranscutanée pour tenter d’apporter un minimum d’air [3].

Devant un œdème de Quincke, voire un choc anaphylactiquechez un allergique connu, l’injection d’adrénaline sous-cutanéeà l’aide d’un stylo auto-injecteur (Anapen®) peut sauver lepatient en attendant l’arrivée du Samu.

Un traitement médical symptomatique doit toujours êtredébuté d’emblée : corticothérapie par voie veineuse (Solumé-drol® : 40 mg en intraveineuse, Célestène® : 8 mg en intravei-neuse), oxygénothérapie nasale, aérosolthérapie.

Dans tous les cas, le patient doit être transporté en milieuhospitalier par des moyens de transport adaptés à son état et àl’environnement.

L’amélioration partielle ou totale de la dyspnée témoigne dudegré de la composante œdémateuse ; elle permet d’éviter lerecours immédiat à un rétablissement instrumental de la filièrerespiratoire. Cependant, une hospitalisation en milieu adaptéest indispensable pour surveillance, faire face à une éventuelledégradation secondaire et établir le diagnostic étiologique [2, 3].

En l’absence d’amélioration suffisante, il faut rétablir unefilière respiratoire fiable afin d’assurer la sécurité respiratoire dupatient. Dans le cadre de l’urgence, cette étape doit êtreidéalement réalisée au bloc opératoire par une équipe entraî-née. La concertation entre les équipes chirurgicale et anesthé-sique, entourées d’un personnel paramédical compétent estindispensable afin d’optimiser la prise en charge et d’anticiperune éventuelle dégradation de l’état respiratoire. Il est indis-pensable d’avoir prévu la stratégie et d’avoir à disposition toutle matériel nécessaire pour une intubation, y compris lesbronchoscopes rigides, en sachant que plusieurs techniquespeuvent parfois être tentées, ainsi que le matériel detrachéotomie.

Pendant tout le temps de préparation et d’installation, lepatient doit être laissé assis sur la table, sous monitoring etentouré afin de limiter son anxiété [3].

Méthodes de rétablissement de la filièrerespiratoire et de ventilation [2, 3]

Intubation

Intubation au laryngoscope standard

Elle est souvent possible avec une sonde de petit calibre, parun opérateur entraîné, y compris en cas de larynx tumoral.L’intubation peut éventuellement être réalisée après mise enplace préalable d’une bougie fine dans la trachée, servant deguide à la sonde d’intubation. Un certain nombre d’élémentspeuvent permettre de prévoir si une intubation sera facile ounon :• une bonne ouverture buccale, une souplesse cervicale nor-

male, l’absence de rétrognatisme sont des éléments favora-bles ;

• les données de l’examen laryngé en nasofibroscopie apportentégalement des renseignements intéressants [5] ;

• les critères de Mallampati (quatre stades) sont courammentutilisés par les anesthésistes [6].Cependant, l’intubation classique peut être difficile, voire

impossible. Dans ces cas, plusieurs alternatives existent.

Intubation sous fibroscope

Elle doit être programmée et n’est réalisable que par unmédecin entraîné à cette technique, chez un patient assis, enétat suffisamment stable, en l’absence d’anoxie. Il est indispen-sable que le patient soit à même de coopérer. Elle est réaliséeaprès une bonne anesthésie locale des fosses nasales et de laglotte. Elle s’adresse avant tout aux situations où l’exposition dularynx risque d’être difficile : mauvaise ouverture buccale(trismus), infiltration de la base de langue, rigidité cervicale...Elle se heurte cependant à l’impossibilité d’assurer une ventila-tion artificielle pendant la réalisation du geste.

Le fibroscope, sur lequel la sonde d’intubation aura été aupréalable glissée, est introduit dans une fosse nasale anesthésiéeà la Xylocaïne® naphasoline, sur un malade assis. Sous contrôlede la vue, le fibroscope est descendu suffisamment bas sous leplan glottique, la sonde d’intubation est alors poussée dans latrachée et le fibroscope retiré [2, 3].

Intubation au bronchoscope

Le bronchoscope rigide a l’avantage de permettre un contrôlevisuel direct de la filière respiratoire et possède un systèmepermettant de ventiler directement le patient. On peut ainsirefouler un obstacle relativement mou de l’épilarynx ou forcerun obstacle plus fibreux laryngé ou trachéal. Après avoir bienoxygéné le patient, une bougie œsophagienne ou un mandrinspécifique est introduit dans le bronchoscope avant de retirer cedernier. Une sonde d’intubation à ballonnet est alors introduitedans la trachée en se servant du mandrin comme guide [3].

Trachéotomie sous anesthésie locale [2, 3]

Elle est difficile chez un malade dyspnéique, non ventilé, malventilé ou non ventilable.

Elle peut être décidée de première intention et programméesous anesthésie locale lorsque les premiers éléments du bilanamènent à craindre un échec de l’intubation quelle que soit laméthode. Elle est alors réalisée sur un malade en position demi-assise qui ne sera allongé qu’au dernier moment. Les conditionsde réalisation sont souvent difficiles, du fait de l’urgence, del’agitation du patient due à la décompensation respiratoire. Lesplus mauvaises conditions sont réunies quand elle doit êtreeffectuée dans le cadre d’un sauvetage, soit du fait du degré dela dyspnée, soit après échec des autres techniques d’intubation,chez un malade non ventilable, désaturant, voire en arrêtcardiorespiratoire. Le facteur temps est alors déterminant et lerisque vital est majeur [3].

Ventilation haute fréquenceElle permet une oxygénation plus qu’une réelle ventilation

(défaut d’élimination du CO2). Un cathéter est introduit dans latrachée, soit par voie transglottique, soit par ponction

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inter-crico-thyroïdienne. Elle peut constituer un geste salvateurmais est totalement contre-indiquée en cas d’obstacle complet [2].

Autres méthodesOn trouve parmi elles : masque laryngé, Fast-trach®, cathéters

guides à transillumination type Trachlight®... En cas d’intuba-tion difficile imprévue, différentes méthodes et différentsmatériels peuvent être essayés mais il est indispensable que leséquipes d’anesthésistes en aient l’expérience [3].

Kits « de sauvetage »Ils ont leur place dans les services d’urgences mais ils ne

doivent être utilisés que lorsqu’il n’y a pas d’autre alternative enraison du risque de délabrement laryngé antérieur et/ou de plaietrachéale postérieure. Ils permettent un abord trachéal rapide,après repérage de la membrane inter-crico-thyroïdienne. Il s’agiten fait de trachéotomies inter-crico-thyroïdiennes percutanées aminima ne permettant pas une réelle ventilation mais un apportd’oxygène et ne constituant qu’une solution d’attente [3, 7].

Examens complémentairesEndoscopie

L’examen essentiel est une endoscopie laryngotrachéale sousanesthésie générale, au tube rigide. Elle permet de réaliser un

bilan local des lésions mais doit parfois être différée afin depermettre le rétablissement d’une ventilation satisfaisante. C’esten fonction des constatations faites au cours du bilan endosco-pique et des orientations étiologiques que l’on peut envisager lasuite de la prise en charge.

Examen tomodensitométriqueLe scanner cervical permet un bilan topographique complé-

mentaire. Il est indispensable dans le cadre de certaines patholo-gies : tumorales, traumatiques en particulier mais il ne doit êtreréalisé qu’après avoir assuré une filière respiratoire satisfaisante.

Étiologies et orientations thérapeutiques(Fig. 1)

Tumeurs obstructives du larynxCancers du larynx et de l’hypopharynx

Ils représentent l’étiologie la plus fréquente chez l’adulte deplus de 50 ans, aux antécédents alcoolotabagiques. La dyspnéeest rarement isolée. En dehors des cancers sous-glottiquesvolontiers révélés par une dyspnée, la dyspnée laryngée dans lescancers du larynx et de l’hypopharynx traduit une tumeur destade avancé, infiltrant l’espace paraglottique et/ou entraînantune immobilité des aryténoïdes (Fig. 2). Devant toute tumeur

Dyspnée laryngée

Formes modérées

Corticothérapie i.v.

Évaluation de la gravitéInterrogatoire

Examen cliniqueSaturation percutanéeen O2 et gaz du sang

Signes de gravité extrême

Bilan étiologique

Épiglottite

Bénin GraveHospitalisationen réanimation

Traitement médical :antibiothérapie ±corticothérapie

Traumatisme Larynx normal

Obstaclesous-glottique

ou trachéal

Trachéoscopie

Immobilité laryngéebilatérale, en fermeture

PRbilatérale

IntubationCTP

Aryténoïdectomiemédiale

Trachéotomie

IntubationDilatation

Trachéotomie Si insuffisant :le + souventintubation

Trachéotomie

CE :extraction

Sténose

IntubationDilatation

ScannerRéparationchirurgicale

SurveillanceScanner

AntibiothérapieCorticothérapie

Aérosols

Diplégielaryngée

Sténoselaryngée ou

laryngotrachéale

Tumeur obstructivedu larynx

CorticothérapieIntubation

Désobstruction laser

Si impossible ouinsuffisant :

trachéotomie

Nasofibroscopie± bilan étiologique

Rétablir la filière respiratoire :intubation

trachéotomieventilation transtrachéale

Figure 1. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une dyspnée laryngée de l’adulte. i.v. : intraveineuse ; CE : corps étranger ; PR : paralysie laryngée ;CTP : cordotomie transverse postérieure.

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découverte au cours du bilan endoscopique, la réalisation d’unebiopsie est indispensable avec examen histologique extempo-rané si possible, sinon avec demande de résultats en urgence. Ils’agit le plus souvent d’un carcinome épidermoïde.

Dans ce cas, il faut autant que possible éviter la trachéotomie.En effet, ce geste augmente le taux de complications postopé-ratoires et surtout le pourcentage de récidives péristomales.

En cas d’échec du traitement médical symptomatique, onpeut tenter de réaliser une désobstruction laryngée au laser CO2pour agrandir la filière respiratoire et éviter la réalisation d’unetrachéotomie, ce qui nécessite d’intuber le patient avec unesonde protégée en raison du risque d’ignition [8-10].

En cas d’échec ou d’impossibilité technique, la trachéotomiedevient inévitable. Il est souhaitable de l’effectuer à distanceraisonnable de la tumeur mais sans descendre trop bas sur latrachée. La réalisation d’une chimiothérapie néoadjuvante, dansle cadre d’un protocole de préservation d’organe, permet, en casde bonne réponse, la suppression secondaire de la trachéotomie.En l’absence de régression suffisante, l’indication de laryngecto-mie totale peut être maintenue, mais elle est réalisée sur unlarynx et une trachée fermés, ce qui constitue une situation plusfavorable au plan carcinologique.

Tumeurs bénignesElles sont rarement révélées par une dyspnée : chondrome,

tumeur d’Abrikossoff, lipome... La papillomatose laryngée est latumeur bénigne la plus fréquente, le plus souvent révélée parune dysphonie mais pouvant prendre un caractère obstructif. Lediagnostic est clinique, confirmé par les biopsies. Des particulesvirales de papillomavirus humains ont été mises en évidencedans les lésions [11]. Le traitement fait appel à la résection ou àla vaporisation des lésions au laser CO2 en respectant aumaximum les structures laryngées et en complétant si besoin legeste par une application de cidofovir afin de réduire le risquede récidive [12, 13].

La laryngocèle et les kystes laryngés sont le plus souventasymptomatiques. Cependant, l’apparition d’une dyspnée aiguëen quelques heures est une complication classique des laryngo-cèles. Le diagnostic est évoqué à l’examen au nasofibroscope,confirmé par le scanner laryngé. Le traitement consiste le plussouvent en une marsupialisation par voie endoscopique au laserCO2 parfois associée à une résection chirurgicale par voieexterne [14, 15].

Immobilités laryngées en fermeture

Sténoses laryngées et laryngotrachéalesElles sont le plus souvent des séquelles d’intubation prolon-

gée et/ou de trachéotomie. Les lésions prédominent au niveau

des articulations cricoaryténoïdiennes et/ou de l’anneau cricoï-dien. La pression de la sonde ou du ballonnet provoque deslésions ischémiques, source de surinfection locale et d’uneréaction inflammatoire plus ou moins obstructive. La cicatrisa-tion de ces lésions aboutit à la constitution d’une sténosefibreuse. Les immobilités laryngées postintubation ne sont pasliées à une paralysie mais à un facteur mécanique : le blocagedes articulations cricoaryténoïdiennes. La dyspnée peut semanifester de façon aiguë dès l’extubation ou s’installerprogressivement dans les semaines qui suivent.

En urgence, devant une sténose laryngée ou laryngotrachéaledyspnéisante, une trachéotomie doit être effectuée, à distancedu cricoïde (deux ou trois anneaux). L’endoscopie sous anesthé-sie générale permet de faire le bilan topographique des lésionset de préciser le stade évolutif. La corticothérapie n’est indiquéetransitoirement qu’en cas d’œdème associé pouvant participer àla décompensation respiratoire, afin d’éviter la réalisation d’unetrachéotomie. On lui reproche le risque d’aggravation de lasurinfection locale. L’antibiothérapie et le traitement antirefluxsont largement utilisés, notamment en cas de sténose évolutivepour lutter contre la chondrite et la périarthrite sous-jacente [2,

3, 16, 17].Dans les sténoses inflammatoires, évolutives, l’ablation de

granulomes avec mise en place d’un tube de calibrage, typeMontgomery®, peut, associée au traitement médical, aider lacicatrisation et réduire la sténose [3, 16, 17].

Dans les sténoses organisées, le bilan (endoscopie, épreuvesfonctionnelles respiratoires, scanner) permet de poser lesindications thérapeutiques. Il s’agit souvent d’un agrandisse-ment laryngé qui est proposé secondairement en dehors ducontexte de l’urgence.

Les sténoses trachéales sont également des séquelles d’intuba-tion et/ou de trachéotomie. Elles peuvent être associées auxlésions laryngées. Dans les sténoses trachéales à trachée fermée,il faut éviter, dans la mesure du possible, la réalisation d’unetrachéotomie qui complique toujours la réalisation ultérieured’une résection-anastomose, augmente la longueur de trachée àréséquer ainsi que le risque de récidive de la sténose.

L’examen au bronchoscope rigide permet de préciser lasévérité du rétrécissement, la hauteur de la sténose, la distancede celle-ci par rapport au plan glottique et à la carène, l’aspectinflammatoire ou fibreux de la sténose.

Dans les cas où la sténose est serrée et fibreuse, non inflam-matoire donc non évolutive, une résection-anastomose, enurgence, peut être proposée si elle est techniquement réalisable.

En revanche, quand la sténose est serrée mais inflammatoire,granulomateuse, la réalisation d’une résection-anastomose enurgence fait courir un risque élevé de récidive, la suture étantréalisée sur des berges inflammatoires. Une dilatation de lasténose avec des bronchoscopes de taille croissante doit alorsêtre tentée. Le laser YAG peut aussi être discuté. La désobstruc-tion de la trachée n’est réellement efficace qu’en l’absenced’atteinte cartilagineuse sous-jacente ; ailleurs la récidive de lasténose est fréquente.

Si une trachéotomie est nécessaire, elle doit être réalisée entrans-sténotique afin de ne pas augmenter la longueur detrachée à réséquer ultérieurement [3, 16].

Paralysies laryngées bilatérales en fermeture [3, 4]

La dyspnée est souvent d’installation progressive. Elle estgénéralement bien tolérée, surtout s’il existe une atrophiecordale. Cependant, la filière respiratoire est étroite et unedécompensation peut survenir brutalement à l’occasion d’unépisode inflammatoire et œdémateux intercurrent.

Le problème est diagnostique. Les paralysies peuvent être enrapport avec une atteinte soit centrale soit périphérique.

Les paralysies d’origine centrale sont exceptionnelles. Il peuts’agir d’une paralysie des muscles dilatateurs de la glotte commedans le syndrome de Gerhardt où la voix est normale, ou biend’une diplégie laryngée totale ou syndrome de Riegel avec unedysphonie marquée. Ces lésions sont d’origine vasculaire,toxique, dégénérative ou infectieuse.

Les paralysies périphériques sont les plus fréquentes. Ellessont dues à une atteinte bilatérale des nerfs récurrents, le plus

Figure 2. Scanner cervical. Volumineuse tumeur obstruant le larynx ets’accompagnant d’une dyspnée rapidement progressive.

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souvent postchirurgicale (chirurgie de la thyroïde, de l’œso-phage et de la trachée) mais elles peuvent être secondaires à uneinfiltration tumorale à partir des mêmes organes ou encoreconsécutives à un traumatisme cervical.

Si la tolérance respiratoire le permet, un bilan fonctionnel etétiologique complet est réalisé, comprenant une imagerie parrésonance magnétique (IRM) cérébrale, un scanner cervicomé-diastinal, des épreuves fonctionnelles respiratoires. La réalisationd’une électromyographie laryngée, si elle est disponible, peutapporter des informations pronostiques sur la dénervation [3].

Si l’importance de la dyspnée impose d’effectuer un gestelocal, deux attitudes peuvent être discutées :• l’agrandissement de la filière glottique par voie endoscopique,

soit par cordotomie transverse postérieure au laser CO2, uni-ou bilatérale [16-18] mais ce geste se fait toujours au détrimentde la voix, soit par aryténoïdectomie médiale [19] ;

• la réalisation d’une trachéotomie réglée permet de préserverl’intégrité du plan glottique, donc la qualité de la voix en casde remobilisation laryngée secondaire [3].

Causes infectieuses et inflammatoires

Épiglottites [2, 3, 20]

Il s’agit en fait de microabcès intéressant l’ensemble de lamargelle laryngée. Les germes en cause, chez l’adulte, sont :Haemophilus influenzae, pneumocoque, streptocoqueb-hémolytique, staphylocoque doré méti-R, les germes anaéro-bies... Il faut souligner que, dans 75 % des cas, aucun germen’est isolé malgré les hémocultures [20].

Chez l’adulte, la dysphagie est souvent au premier plan,associée à la dyspnée laryngée, à une hypersialorrhée, à unevoix étouffée dans un contexte d’altération de l’état général.

Il ne faut pas allonger le patient car la bascule de l’épiglottepeut provoquer une obstruction aiguë de la filière respiratoire.

Le traitement comporte une hospitalisation en milieu deréanimation, une antibiothérapie par voie intraveineuse (cépha-losporines de deuxième et troisième générations en attendantles résultats des hémocultures) après réalisation d’hémocultures.Si la dyspnée ne cède pas, une intubation sous nasofibroscopeest actuellement plus volontiers réalisée qu’une trachéotomie.

À distance, il faut s’assurer de la restitutio ad integrum dularynx [2, 3].

Autres causes de laryngites infectieuses dyspnéisantes

Elles sont rares, voire exceptionnelles : diphtérie,tuberculose...

Œdèmes laryngés non infectieux et allergiques

Ces œdèmes laryngés sont de constitution rapide, en quel-ques minutes ou en quelques heures et peuvent mettre en jeule pronostic vital. Ils nécessitent une prise en charge thérapeu-tique immédiate. Le traitement est généralement médical, maisune intubation peut s’avérer nécessaire. L’intubation est difficiles’il existe une participation cervicofaciale et/ou linguale del’œdème. La réalisation d’une trachéotomie en urgence est alorsla solution [3].

En pratique, la prise en charge immédiate comprend l’admi-nistration d’adrénaline soit en injection intramusculaire ouintraveineuse de 0,3 mg chez l’adulte, efficace en 3 à 5 minutes,soit en aérosols (5 ml d’une solution à 1/1 000, soit 5 mg), etune oxygénation. Une nouvelle injection peut éventuellementêtre réalisée sous stricte surveillance cardiaque [3].

Le diagnostic est aisé au nasofibroscope devant l’œdèmelaryngé, en dehors de tout contexte infectieux. La pathogéniede l’accident n’est pas toujours évidente dans le cadre del’urgence.

Œdème de Quincke. Il peut se rencontrer dans le cadre demanifestations allergiques. Il est alors le plus souvent associé àdes manifestations cutanées de type urticaire, à un œdème deslèvres, des paupières, de la face, des muqueuses avec risqued’obstruction laryngée brutale. Dans la moitié des cas seule-ment, un accident allergique peut être évoqué ; l’allergène encause peut être un médicament (antibiotique, aspirine...), unaliment, un pneumallergène, une piqûre d’insecte [3, 21].

En fonction des signes et du degré de l’urgence, le traitementfait appel à la corticothérapie intraveineuse, voire à l’adrénaline,aux antihistaminiques et aux bronchodilatateurs. En cas dechoc anaphylactique, le traitement repose sur l’adrénaline parvoie intraveineuse ; la corticothérapie n’est pas le traitement enurgence du choc anaphylactique, son effet est retardé, mais ellepermettrait d’éviter les rechutes précoces (aliments).

Un bilan allergologique doit être réalisé 4 à 6 semaines plustard. Le traitement préventif repose sur l’éviction de l’allergèneet l’éducation du patient.

L’œdème secondaire aux piqûres d’hyménoptères nécessite lerecours à l’adrénaline injectable [3].

Angio-œdème héréditaire. Il est rare, lié à un déficit eninhibiteur de la fraction C1 du complément. Il est le plussouvent héréditaire autosomique dominant mais peut êtreacquis. Il évolue par poussées. L’interrogatoire permet deretrouver la notion d’accidents semblables dans la famille ou dedouleurs abdominales mal étiquetées par œdème viscéral. Lediagnostic nécessite un bilan biologique comprenant le dosagede la fraction C4 du complément et de l’inhibiteur de lafraction C1. Le traitement au long cours fait appel au danazol(Danatrol®) et à des inhibiteurs de la fibrinolyse comme l’acidetranéxamique (Exacyl®) [3].

Œdèmes laryngés secondaires à la prise d’un médicament« inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ». Ilpeut survenir 24 heures à 1 mois après le début du traitement.Ce n’est pas un accident de type allergique ; la pathogénie estdiscutée mais la prise en charge en urgence fait appel à l’adré-naline et aux corticoïdes [3].

Dyspnée après traitement conservateur d’un cancer laryngé(radiothérapie et/ou chirurgie partielle laryngée) [2, 3, 16]

La radiothérapie et la radiochimiothérapie concomitante,exclusives ou réalisées comme complément thérapeutique (aprèschirurgie partielle laryngée), favorisent la survenue d’un œdèmelaryngé. Une dyspnée laryngée peut apparaître en cours detraitement mais aussi plusieurs mois après la fin du traitement,en rapport avec la constitution d’un œdème. Le caractèreobstructif est favorisé par la diminution de l’amplitude desmouvements aryténoïdiens. La recherche d’une récidive doitêtre la préoccupation première même si le diagnostic n’est pastoujours facile à établir malgré la réalisation d’une endoscopieavec biopsies, d’un scanner, voire d’une tomographie parémission de positons (TEP)-scanner du fait des remaniementsinduits par les traitements,

En pratique, il faut toujours tenter une corticothérapie parvoire veineuse pour éviter une trachéotomie, associée à desaérosols et à une antibiothérapie en cas de surinfection.

Si la dyspnée persiste ou si l’état respiratoire reste précaire, ilest préférable d’envisager une action instrumentale pouraméliorer la filière. Il existe deux alternatives : la vaporisation del’œdème au laser CO2 ou la trachéotomie [2, 3, 17]. Certes, le laserCO2 permet de vaporiser les zones œdémateuses, de rétracterl’excès muqueux par un « cloutage » et peut ainsi permettre derétablir une filière satisfaisante. Cependant, sur un larynxradique, il n’est pas exceptionnel de noter une dégradation aumoins transitoire de la filière respiratoire après une séance delaser ce qui peut faire préférer, en fonction de l’état du larynx,la réalisation d’une trachéotomie première avec décanulationsecondaire si la filière obtenue est satisfaisante et en l’absencede poursuite évolutive [3].

Causes traumatiques [2, 3, 22]

Traumatismes externes du larynx

Ils surviennent principalement lors d’accidents de la voiepublique (même si leur fréquence a diminué depuis la généra-lisation de la ceinture de sécurité et les airbags), au coursd’accidents de sports, d’accidents domestiques et de tentative desuicide [2, 3, 22]. Leur gravité tient au risque vital immédiat parcomplications respiratoires et au risque de séquelles fonction-nelles ultérieures, vocales et/ou respiratoires par sténose

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séquellaire. Une prise en charge, en urgence, dans les 24 heures,est indispensable ; elle a pour but l’évaluation de la gravité desdégâts anatomiques tant muqueux que cartilagineux, le réta-blissement d’une filière respiratoire correcte, la réparationanatomique des lésions si nécessaire. Il faut rappeler qu’unedyspnée laryngée peut apparaître ou s’aggraver secondairement,imposant une hospitalisation systématique de tout traumatismedu larynx pendant au moins 48 heures. Dans le cas de trauma-tismes bénins, un traitement médical seul peut être suffisant :aérosols, corticothérapie par voie veineuse, antibiothérapie,humidificateurs. En revanche, si l’importance des lésions oul’état respiratoire du patient l’impose, il est préférable de réaliserd’emblée une trachéotomie plutôt que de tenter une intubationqui est souvent difficile et source de lésions surajoutées. Le bilantomodensitométrique et les données de l’endoscopie permettentde porter les indications chirurgicales en urgence (réparation deslésions muqueuses, des désinsertions, stabilisation des fractures,des désarticulations, calibrage si besoin...).

Brûlures laryngées

Elles peuvent être de deux types : brûlures thermiques oubrûlures chimiques [3, 22].

Les brûlures chimiques sont le plus souvent consécutives àl’inhalation accidentelle de vapeurs ou de substances irritantestelles que chlore, ammoniaque, acide chlorhydrique... dans lecadre d’accidents professionnels. Les lésions retrouvées sontessentiellement rougeur, œdème, mais peuvent être plusimportantes : phlyctènes, ulcérations, nécrose. Le risque estl’évolution vers des lésions sténosantes laryngées oularyngotrachéales.

Quand les lésions sont modérées, le traitement médical peutpermettre la régression de l’œdème. Dans les formes graves, laréalisation d’une trachéotomie présente l’avantage de mettre lelarynx au repos et d’éviter un risque de lésions surajoutées liéesau traumatisme d’intubation.

Les ingestions volontaires de caustiques requièrent unehospitalisation en milieu de réanimation du fait des risques denécrose viscérale profonde, de détresse respiratoire, de toxicitésystémique liée à d’éventuelles ingestions multiples [3].

Les brûlures thermiques sont liées à l’inhalation de gazchauds et de produits de combustion. Elles sont fréquentes chezles patients admis dans les centres de grands brûlés et aggraventle pronostic vital. La suspicion du diagnostic (dyspnée, touxrauque, brûlures de la face...) doit conduire à la réalisationd’une fibroscopie bronchique pour affirmer le diagnostic,contrôler l’état du larynx, débuter le traitement par un lavage-aspiration bronchique. Un risque d’obstruction laryngéenécessite une intubation endotrachéale [3].

Corps étrangers [1-4]

Beaucoup plus rares chez l’adulte que chez l’enfant, il s’agitessentiellement de corps étrangers alimentaires dans le cadre defausses routes. Plusieurs situations peuvent se rencontrer.• Le tableau peut être dramatique si le corps étranger obstrue

totalement la filière respiratoire. Seule la réalisation sur placed’une manœuvre de sauvetage telle que la manœuvre deHeimlich, la ponction trachéale par Cathlons® de gros calibre,voire une trachéotomie peut sauver le patient sous réserved’avoir le temps et la personne pour le faire.

• Plus souvent, le diagnostic est porté devant un syndrome depénétration : toux avec cyanose, suivie d’une sédation lorsquele corps étranger est enclavé. L’enclavement du corps étrangerau niveau laryngé entraîne habituellement une dyspnéelaryngée permanente avec des accès de suffocation spasmodi-que et une dysphonie ou une voix éteinte [1, 4].Parfois, le corps étranger est suffisamment petit pour franchir

le larynx mais trop volumineux pour s’enclaver dans unebronche, il reste alors mobile dans la trachée, avec des accès dedyspnée aux changements de position, soit inspiratoire, soit

expiratoire. Il existe un risque d’enclavement dans la régionsous-glottique à l’occasion d’un effort de toux.

Quand l’état du patient autorise un transfert en milieuhospitalier, l’extraction est faite sous laryngoscopie et trachéos-copie sous anesthésie générale [2].

■ ConclusionLe diagnostic de dyspnée laryngée est clinique et repose sur

la triade symptomatique caractéristique : bradypnée inspiratoireavec tirage et/ou cornage et pose généralement peu de problè-mes chez l’adulte. La mise en route d’un traitement sympto-matique immédiat par corticothérapie par voie veineuse, oxy-génation... est toujours de mise. L’hospitalisation ou au moinsle recours à un avis spécialisé ORL est souvent nécessaire. Eneffet, l’examen clinique au nasofibroscope est à la base dudiagnostic étiologique ; il nécessite une expérience et unmatériel spécifique. Il faut garder à l’esprit que toute dyspnéelaryngée peut s’aggraver ou se décompenser brutalement.

En fonction de la tolérance et de la gravité de la dyspnée, lerétablissement d’une filière respiratoire fiable peut nécessiterune intubation ou une trachéotomie. Dans les situationscritiques, l’utilisation de gros Cathlons® ou de gros cathétersavec mandrin peut permettre une ponction transtrachéale ouintercricothyroïdienne.

Une fois réglé le problème ventilatoire, l’interrogatoire,l’examen clinique, l’endoscopie sous anesthésie générale, lescanner permettent habituellement d’établir le diagnosticétiologique et de proposer une prise en charge adaptée dans lesmeilleurs délais.

“ Points forts

• Le diagnostic de dyspnée laryngée est clinique : il s’agitd’une bradypnée inspiratoire avec tirage et cornage oustridor.• L’importance du retentissement respiratoire déterminele degré de l’urgence.• Une dyspnée laryngée bien tolérée peut s’aggraverbrutalement.• La mesure de la saturation de l’hémoglobine enoxygène par la méthode percutanée permet d’évaluer latolérance de la dyspnée :

C SpO2 < 90 % : gravité avérée ;C SpO2 > 95 % : situation rassurante.

• La gazométrie artérielle évalue la gravité : acidoserespiratoire, hypercapnie.• Le traitement médical doit être débuté immédiatementet repose sur la corticothérapie par voie veineuse,l’oxygénothérapie, parfois l’injection d’adrénaline.• La nasofibroscopie est l’examen essentiel pourl’orientation diagnostique.• Devant une détresse respiratoire extrême, lerétablissement instrumental de la ventilation estindispensable. En fonction du contexte, on peut êtreamené à réaliser soit une intubation trachéale (avecdifférentes techniques possibles), soit une ventilationtranstrachéale par trachéotomie, soit une micro-crico-thyroïdotomie (kit d’urgence), ou encore la mise en placede gros Cathlons® transtrachéaux.• L’obstruction complète par corps étranger nécessiteune manœuvre de Heimlich de façon urgente.

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Dyspnées laryngées de l’enfant

S. Pezzettigotta

La dyspnée laryngée de l’enfant est une bradypnée inspiratoire d’origine obstructive associée à un bruitinspiratoire et à un tirage sous-jacent à l’obstacle. Il peut s’y associer des modifications de la voix, de latoux et des fausses routes. Le diagnostic est le plus souvent posé en consultation en confrontant l’âged’apparition de la dyspnée, les modalités d’installation de celle-ci (aiguë ou progressive), l’association ounon à des troubles phonatoires et/ou alimentaires et les données de la fibroscopie. On distingueclassiquement deux populations d’enfants en fonction de leur âge : les enfants de moins de 6 mois, pourqui trois pathologies dominent largement : la laryngomalacie ou stridor laryngé congénital, les troublesde mobilité du larynx et l’angiome sous glottique ; les enfants de plus de 6 mois, pour qui trois pathologiessont également dominantes : la laryngite aiguë sous-glottique, les corps étrangers et l’épiglottite. La priseen charge des formes sévères est hospitalière et nécessite la présence d’équipes spécialisées. Le traitementde première intention en urgence fait appel à des corticoïdes per os, intramusculaires, intraveineux ouinhalés et, en cas de résistance, à des aérosols associant de l’adrénaline. L’intubation, la trachéotomie oula chirurgie sont des solutions de dernier recours qui restent exceptionnelles.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Dyspnée inspiratoire ; Laryngomalacie ; Laryngite ; Angiome ; Épiglottite

Plan

¶ Introduction 1

¶ Rappel anatomique 1

¶ Diagnostic 1Clinique 1Critères de gravités 2Bilan complémentaire 2

¶ Étiologies 2Enfant de moins de 6 mois 2Enfant de plus de 6 mois 4

¶ Conclusion 6

■ IntroductionLa dyspnée laryngée de l’enfant est un motif fréquent de

consultation en urgence dont il convient de connaître lescritères de gravité.

De par la plus faible réserve en oxygène et l’étroitesse de lafilière laryngée du jeune enfant, le pronostic vital peut êtrerapidement mis en jeu et imposer une prise en chargespécialisée.

L’interrogatoire des parents, l’examen clinique et la fibrosco-pie permettent le plus souvent d’établir le diagnostic et dedistinguer deux catégories d’enfant.

Les enfants de moins de 6 mois, pour qui la laryngomalacie,les troubles de la mobilité laryngée et l’angiome sous-glottiqueprédominent, et les enfants de plus de 6 mois, pour qui leslaryngites aiguës et les corps étrangers sont au premier plan.

■ Rappel anatomiqueLe larynx de l’enfant se distingue de celui de l’adulte par une

position plus haute, un calibre plus étroit et une réactivité plusimportante.

Trois étages sont distingués au niveau du larynx :• l’étage sus-glottique ou vestibule plus souple et flaccide que

chez l’adulte, ce qui favorise l’aspiration en cas de tirageintense ;

• l’étage glottique, constitué par les cordes vocales et lesaryténoïdes, a une forme plus ovalaire. La souplesse descartilages et la laxité de leurs articulations favorisent lecollapsus de la margelle en cas d’efforts inspiratoires ;

• l’étage sous-glottique, correspondant au cartilage cricoïde, estla zone la plus étroite du larynx. Il s’agit d’une zone rigide etinextensible recouverte d’une muqueuse au conjonctif lâchepropice à la survenue d’œdème dont le retentissement estplus sévère que chez l’adulte.

■ Diagnostic

Clinique [1]

La dyspnée laryngée est une bradypnée inspiratoire d’origineobstructive qui s’accompagne d’un tirage, lié à la mise en jeudes muscles respiratoires accessoires sous-jacents au larynx, etd’un bruit ventilatoire à type de stridor ou de cornage.

Il peut s’y associer des troubles de la voix (dysphonie,aphonie) ou des troubles de la déglutition (odynophagie,dysphagie, aphagie, fausses routes) qui ont valeur d’orientationdiagnostique.

Mais, cette forme typique peut être remplacée par d’autresprésentations moins classiques. Ainsi, chez le nouveau-né ou le

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prématuré, la bradypnée peut être remplacée par une tachypnéesuperficielle ou des apnées accompagnées ou non d’épisodes decyanose.

La dyspnée peut être inspiratoire et expiratoire en casd’obstacle très important car celui-ci impose une expirationactive qui se caractérise par la palpation d’une contractionabdominale lors de l’expiration.

Critères de gravitésUne fois le diagnostic de dyspnée d’origine laryngée suspecté

et avant d’envisager un bilan diagnostique complet, il convientd’en apprécier la gravité. On se base en première intention surdes éléments cliniques puis biologiques :• âge : plus l’enfant est jeune moins la dyspnée est tolérée ;• durée : il existe un risque d’épuisement si la durée de la

dyspnée est trop importante ;• signes d’hypercapnie : sueurs, tachycardie, hypertension

artérielle ;• signes d’hypoxie : cyanose, pâleur ;• association des tirages (sus-sternal, sus-claviculaire, intercostal,

épigastrique), asynchronisme thoracoabdominal, battementdes ailes du nez et hochement de la tête suivant la respira-tion ;

• signes d’épuisement respiratoire :C tachypnée superficielle supérieure à 60/min avec dispari-

tion du tirage qui constitue une amélioration trompeuse. Ils’agit en effet d’une ventilation inefficace signifiant unépuisement, prémices de l’arrêt respiratoire,

C bradypnée extrême, irrégularité du rythme respiratoire,pauses respiratoires de plus de 20 secondes ;

• troubles de la conscience : la somnolence, l’hypotonie, laconfusion ou l’agitation sont des signes de gravité absolue carils témoignent d’une hypoxie cérébrale ;

• saturation par méthode percutanée en dessous de 90 % ;• gaz du sang artériel : une PaCO2 supérieure à 60 mmHg et/ou

une PaO2 en dessous de 50 mmHg, ainsi qu’une acidosemétabolique.La présence de l’un ou plusieurs de ces signes impose une

prise en charge en urgence avec transfert médicalisé vers uncentre disposant d’une équipe entraînée à l’endoscopiepédiatrique.

Les gestes de réanimation sont mis en place sans délai :oxygénation au masque, aérosols associant des corticoïdes et del’adrénaline, injection de corticoïdes par voie intramusculaire ouintraveineuse puis, en l’absence d’amélioration rapide, intuba-tion voire trachéotomie de sauvetage.

Bilan complémentaire [1]

Toute dyspnée laryngée, en dehors de la laryngite sous-glottique typique non récidivante de l’enfant de plus de 6 mois,nécessite la réalisation d’une nasofibroscopie pharyngolaryngée,en consultation ORL, sous anesthésie locale et à distance d’unrepas (3 heures). Les pathologies sus-glottiques et glottiques bientolérées, où le diagnostic est évident, ne nécessitent pasd’endoscopie plus complète (stridor laryngé congénital bientoléré, dyskinésie laryngée discrète, nodules vocaux, etc.).

En revanche, en l’absence de certitude diagnostique, dans lesformes mal tolérées, en cas de fausses routes, en cas de suspi-cion de pathologie sous-glottique ou encore en présence d’unesymptomatologie n’apparaissant que dans certaines conditions(sommeil, repos), l’endoscopie laryngotrachéale sous anesthésiegénérale (AG), en ventilation spontanée, réalisée au blocopératoire ORL est indispensable. Elle comporte une fibroscopiepharyngolaryngée et une laryngo-trachéo-bronchoscopie directeà l’optique rigide.

En fonction des diagnostics évoqués lors de la nasofibroscopieou de l’endoscopie laryngotrachéale, on peut être amené àréaliser une pH-métrie, un scanner cervicothoracique ou uneimagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale et du tronc.

■ Étiologies

Enfant de moins de 6 moisStridor laryngé congénital essentiel (SLCE)ou laryngomalacie

C’est l’anomalie laryngée la plus fréquente du nouveau-né etqui constitue la cause la plus fréquente de stridor [2].

Elle correspond à un collapsus supraglottique, de physiopa-thologie mal connue, intéressant l’épiglotte, les replis aryépi-glottiques et la muqueuse des aryténoïdes qui obstruent lalumière endolaryngée à des degrés variables.

Environ deux tiers des laryngomalacies sont isolés et un tierss’intègre dans un syndrome polymalformatif.

Le maître symptôme de la laryngomalacie est le stridor quiapparaît dès les premiers jours de vie et peut s’aggraver durantles 4 à 6 premiers mois pour disparaître progressivement vers18-24 mois.

Le tirage associé peut être plus ou moins intense. La voix etla toux ne sont pas modifiées.

La nasofibroscopie en consultation permet d’affirmer lediagnostic dans un grand nombre de cas (Fig. 1) et recherchedes signes de reflux présents dans 60 % des cas de laryngoma-lacie (œdème et aspect inflammatoire de la margelle et/ou dupharynx).

Dans la grande majorité des cas, le suivi se fait alors enconsultation, en informant les parents que le bruit et le tiragene constituent pas des facteurs de gravité et que les points lesplus importants de cette surveillance sont la qualité des prisesalimentaires (en temps et en volume) et surtout le maintiend’une croissance staturopondérale régulière.

Dans 5 % à 10 % des cas, la symptomatologie est plussévère et mal tolérée imposant une prise en charge hospitalièreavec fibroendoscopie au bloc opératoire. Dans ces formessévères et isolées de laryngomalacie, il peut être nécessaire deréaliser un geste chirurgical de section des replis aryépiglottiquesou supraglottoplastie [3] dont le taux de succès est élevé (de89 %), mais qui comporte un risque de sténose secondaire (de3,7 %), source de récidive et d’obstruction au sommeil [4].

Cette forme, congénitale et isolée, est bien différente deslaryngomalacies acquises lors des lésions du tronc cérébral oudu système nerveux central et des laryngomalacies entrant dansle cadre de syndrome polymalformatif (séquence de PierreRobin, trisomie 21, syndrome de CHARGE, microdélétion22q11, souffrance fœtale ou néonatale, pathologies du systèmenerveux central).

La symptomatologie est, très fréquemment, plus grave et laprise en charge chirurgicale plus complexe avec un taux desuccès de 50 % seulement.

Angiome sous-glottique [5, 6]

C’est une tumeur bénigne, rare (moins de 5 % des anomaliescongénitales du larynx [2]), plus fréquente chez les prématurés etle sexe féminin (2 filles atteintes pour 1 garçon).

Son évolution est triphasique avec une phase de proliférationdès les premières semaines de vie et jusqu’à 12 mois, suivie

Figure 1. Laryngomalacie sévère associant les types 1, 2 et 3.

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d’une phase de stabilisation puis de régression. Sa disparitionsurvient entre 7 et 12 ans.

Dans sa forme classique, l’angiome ne devient symptomati-que qu’après un intervalle libre de 2 mois et le symptôme leplus fréquent est un bruit inspiratoire à type de cornage associé,à des degrés variables, à une toux rauque, une voix rauque etune dyspnée inspiratoire.

L’examen clinique retrouve un angiome cutané associé dans30 % à 50 % des cas.

La symptomatologie de l’angiome mimant celle de la laryn-gite sous-glottique, il est recommandé de pratiquer une endos-copie pour toute « laryngite » avant l’âge de 6 mois et devantl’existence de trois épisodes successifs avant l’âge de 1 an.

L’endoscopie laryngo-trachéo-bronchique retrouve le plusfréquemment une masse bleutée latérale ou postérolatéralegauche (Fig. 2) et recherche des extensions sous-glottiques ettrachéales qui sont des éléments importants pour la prise encharge thérapeutique.

Dans les formes typiques, il n’est pas nécessaire de réaliser debiopsies ni d’examen radiologique pour confirmer le diagnostic.

Le traitement des angiomes fait appel en première intentionaux corticoïdes en cure courte à la dose de 1 à 2 mg/kg/j deprednisone ou, de façon plus discutable, en cure prolongée à ladose de 0,5 mg/kg, 1 jour sur 2 sous surveillanceendocrinologique.

En cas de corticodépendance, de corticorésistance ou d’exten-sion importante, il est proposé un traitement chirurgical (laserpar voie endoscopique ou chirurgie par voie externe).

L’utilisation d’interféron a2 [7], de vincristine [8] et trèsrécemment de propranolol [9] a permis d’obtenir des résultatstrès satisfaisants dans des cas d’atteintes extensives mais doitêtre réservée à des centres spécialisés.

L’intubation nasotrachéale et la trachéotomie sont devenuesexceptionnelles et ne se discutent qu’après échec des autrestraitements.

Troubles de la mobilité laryngée

Paralysies laryngées congénitales [10]

Elles représentent 10 % des anomalies congénitales du larynxet sont la deuxième cause de stridor après la laryngomalacie [2].Dans 50 % des cas, l’atteinte est bilatérale.

On différencie les formes congénitales, idiopathiques (30 % à50 % des cas) ou d’origine neurologique, et les formes acquises,traumatisme obstétrical, chirurgical en cas d’atteinte unilatéraleou d’origine hypoxique, métabolique en cas d’atteinte bilatérale(accident vasculaire cérébral [AVC], encéphalites, tétanos) [11].

Le stridor, la dyspnée, la dysphonie, et à moindre mesure lesfausses routes, sont les symptômes clés de cette pathologie.

Leur intensité est fonction du caractère uni- ou bilatéral de laparalysie mais également de la position de la corde, en ouver-ture ou en fermeture.

Le diagnostic est le plus souvent posé lors d’une fibroscopiesous anesthésie locale mais peut nécessiter la répétition del’examen, voire sa réalisation au bloc opératoire pour l’affirmer.

Une régression spontanée s’observe dans 64 % à 71 % des casau cours de la première année. En cas de mauvaise tolérance, ona recourt à une trachéotomie afin de préserver le capital vocal,la chirurgie d’élargissement par voie endoscopique (cordotomieet/ou aryténoïdectomie au laser) [12, 13] n’étant envisagée qu’enl’absence de récupération à 1 an.

Pour les cas où la tolérance ventilatoire et la déglutition sontsatisfaisantes, le suivi se fait en consultation.

Dyskinésie laryngée [14]

C’est un diagnostic différentiel, difficile en consultation, desparalysies bilatérales qui peut nécessiter un examen sous AGpour lever l’adduction paradoxale des cordes lors de l’inspira-tion et affirmer le diagnostic.

Cette pathologie se rencontre chez le nouveau-né, avec uneassociation fréquente au reflux, et chez l’adolescente dans uncontexte psychique particulier.

Le premier cas bénéficie d’un traitement antireflux et lesecond d’un suivi psychologique associé à une rééducationorthophonique.

Malformations congénitales du larynx

Diaphragmes et palmures

Ce sont des brides fibreuses d’épaisseur et d’extensionvariables dont la symptomatologie respiratoire dépend de lalumière laryngée résiduelle. Le motif de consultation le plusfréquent est la constatation d’une voix et d’un cri faibles, voired’une aphonie.

L’endoscopie sous AG permet d’affirmer le diagnostic et deprocéder dans le même temps à la section aux microciseaux deces brides.

Sténoses sous-glottiques

Ce sont des rétrécissements fibreux le plus souvent acquissuite à une intubation (90 %), mais la part des sténoses congé-nitales augmente.

L’endoscopie au bloc opératoire permet, à l’aide de broncho-scopes de tailles différentes, de calculer le degré de la sténose etde déterminer le grade de celle-ci dans la classification deCotton-Myer [15] (I : sténose < 50 % ; II : sténose de 50 % à70 %, III : sténose de 71 % à 99 % et IV : sténose complète).

En fonction du retentissement clinique qui est corrélé audegré de sténose, on peut proposer une abstention thérapeuti-que ou recourir à un acte chirurgical dont les modalités varienten fonction du grade de la sténose [16-22].

Atrésie laryngée

C’est une pathologie rare pouvant entraîner une détressenéonatale immédiate avec intubation impossible. Il s’agit d’unemalformation associant une fusion des cordes, un bloc fibreuxdescendant en sous-glottique et une malformation du cricoïde.L’endoscopie ne retrouve qu’un minime pertuis postérieur nonfranchissable (Fig. 3).

Le traitement nécessite une chirurgie par voie externe avecinterposition antérieure de cartilage [23].

Diastème laryngotrachéal [24, 25]

C’est une fente mettant en communication l’axe laryngotra-chéal et l’axe pharyngolaryngé.

L’association des symptômes : fausses routes/cyanoses immé-diates lors des biberons, stridor/voix éteinte et pneumopathiechronique doit faire évoquer systématiquement le diagnostic dediastème.

C’est une pathologie rare qui représenterait 0,5 % à 1,6 % desmalformations laryngées du nouveau-né, pour une incidence de1 pour 10 000 à 20 000 naissances [2], et qui atteindrait plusfréquemment les garçons. Les cas observés sont le plus souventsporadiques mais il a été évoqué la possibilité d’une transmis-sion autosomique dominante.

L’association à des malformations digestives, génito-urinaires,cardiaques, craniofaciales, trachéo-broncho-pulmonaires ou

Figure 2. Angiome sous-glottique : masse bleutée postérolatéralegauche.

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l’intégration dans des syndromes polymalformatifs (syndromeOpitz G, syndrome de Pallister-Hall, syndrome VACTERL,syndrome CHARGE, micro délétion 22q11) est fréquente etimpose un bilan multidisciplinaire systématique.

Le bilan endoscopique sous AG, examen clé du diagnostic,permet d’apprécier son extension en hauteur (Fig. 4) et dedistinguer quatre types de diastème.

En fonction de la sévérité des symptômes et du type dediastème, le traitement peut être soit médical (antireflux,alimentation épaissie puis rééducation), soit chirurgical (voieendoscopique ou voie cervicale ou voie cervicothoracique).

Kystes laryngés [26, 27]

Ils forment une pathologie rare de révélation généralementprécoce avec aggravation progressive des symptômes.

Le diagnostic fibroscopique est simple (Fig. 5) et le traitementréalisé par voie endoscopique aux instruments froids ou au laser.

Enfant de plus de 6 mois

Laryngite aiguë sous-glottique [28, 29]

C’est la cause la plus fréquente d’obstruction respiratoirehaute chez l’enfant. Elle s’observe préférentiellement entre6 mois et 3 ans, avec un pic de fréquence au cours de la

deuxième année. Les garçons sont plus atteints que les filles,avec un sex-ratio de 1,5, et on note une recrudescenceautomnohivernale.

L’origine est virale et les virus les plus fréquemment rencon-trés sont par ordre de fréquence [30] : virus para-influenza (type1 et 3), virus respiratoire syncytial, rhinovirus, entérovirus, virusinfluenzae type A et B.

Il s’agit typiquement d’une dyspnée inspiratoire avec stridor,toux rauque et aboyante survenant dans un contexte derhinopharyngite modérément fébrile. La voix peut être normaleou rauque.

Il convient alors d’évaluer son degré de sévérité à l’aide duscore de Westley [31] (Tableau 1) et, en fonction de celui-ci,d’instaurer un traitement qui fait appel aux corticostéroïdes (peros, intramusculaire, intraveineux ou inhalés), à l’oxygénothéra-pie et/ou aux aérosols d’adrénaline [32].

Dans les formes minimes, l’administration de dexaméthasoneà la dose de 0,15 à 0,6 mg/kg ou de prednisolone à la dose de1 mg/kg [33] permet, après éducation des parents, un retour au

Figure 3. Atrésie laryngée : bloc fibreux antérieur fusionnant les cordes,descendant en sous-glottique et ne laissant qu’un minime pertuispostérieur.

Figure 4. Diastème laryngé : palpation de la fente pour évaluer sonextension en hauteur.

Figure 5. Kyste sous-glottique gauche.

Tableau 1.Score clinique de Westley.

Stridor inspiratoire

Absent 0

À l’agitation 1

Au calme 2

Tirage

Absent 0

Léger 1

Modéré 2

Sévère 3

Entrée d’air

Normale 0

Diminuée 1

Très diminuée 2

Cyanose

Absente 0

À l’agitation 1

Au calme 2

Degré de conscience

Normal 0

Altéré 5

Total 0 à 17

Laryngite : minime 1 à 2 ; modérée : 3 à 8 ; sévère > 8

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domicile avec maintien d’une corticothérapie sur 48-72 heures.Dans les formes modérées, l’administration de dexamétasone

à la dose de 0,15 à 0,6 mg/kg ou de prednisolone à la dose de1 mg/kg ou d’aérosol de 2 mg de budésonide [3] (en cas devomissement) est suivie par une surveillance de 4 heures. En casd’amélioration et après éducation des parents, le retour audomicile est organisé.

Dans les formes sévères ou en l’absence d’amélioration d’uneforme modérée après corticothérapie, on prescrit un aérosold’adrénaline [34] (solution à 1/1 000 avec une dose de 0,5 ml/kgsans dépasser 5 ml) ou le classique aérosol de Bompard [35] :nébulisation de 20 minutes d’une solution comprenant 1 mgd’adrénaline, 2 mg de Soludécadron® et 3 ml de sérum physio-logique, renouvelable 3 à 6 fois par jour sous monitoringcontinu. Il est admis qu’en cas d’amélioration, avec un recul de4 heures, on peut envisager un retour au domicile.

En l’absence d’amélioration ou dans les formes avec désatu-ration, l’oxygénothérapie est instaurée, les aérosols peuvent êtrerépétés et l’hospitalisation en soins continus nécessaire.

Il est désormais exceptionnel de devoir recourir à uneintubation.

Inhalation de corps étranger [36]

Elle s’observe chez le jeune enfant entre 6 mois et 6 ans, avecun pic de fréquence entre 1 an et 3 ans (60 % des cas) et unsex-ratio garçon-fille de 1,2.

La localisation laryngée ou sous-glottique des corps étrangersest le cas le moins fréquent (8 % à 10 % des cas) mais le plusdangereux (30 décès par an en France dont 85 % avant 3 anset 57 % avant 1 an).

Deux contextes cliniques différents peuvent être notés :• le corps étranger s’est immédiatement enclavé et obstrue

entièrement la filière respiratoire, réalisant un chokingsyndrome ;

• le corps étranger s’est mobilisé secondairement de manièrespontanée ou du fait de manœuvres d’expulsion.Dans ces situations d’urgence vitale avec suffocation, toutes

les manœuvres d’urgences peuvent être tentées (manœuvred’expulsion de Heimlich ou de Moffenson, intubation sélective,trachéotomie). En cas de syndrome de pénétration bien toléré,les manœuvres d’expulsion ne doivent pas être pratiquées et lepatient est transféré en service d’aide médicale urgente (Samu)vers un centre spécialisé pour organiser une extraction au blocopératoire, sous AG en ventilation spontanée, à l’aide debronchoscope et de pince porte optique.

Épiglottite [37, 38]

Elle correspond à une abcédation de l’épiglotte due le plussouvent à l’Haemophilus influenzae de sérotype B, et plusrarement à des staphylocoques, des streptocoques ou despneumocoques. Depuis la systématisation de la vaccinationanti-Haemophilus, elle est devenue exceptionnelle en Europe.

Elle peut survenir dès l’âge de 1 an avec un pic de fréquenceentre 3 et 6 ans.

Le tableau clinique, particulièrement sévère et menaçant, estcaractéristique : enfant présentant une dyspnée laryngée, dansun contexte de rhinopharyngite très fébrile (39°-40°), restant enposition assise, refusant de se coucher, respirant bouche ouverteavec une dysphagie et une hypersialorrhée. La voix est étoufféeet la toux claire. Dans ce contexte, il ne faut surtout pasallonger l’enfant ni pratiquer d’examen endobuccal car l’épi-glotte œdématiée risquerait en basculant vers la paroi posté-rieure du pharynx d’obstruer la voie respiratoire.

L’enfant est transféré en Samu, au bloc ORL, afin de pratiquerune fibroscopie d’évaluation. En fonction de l’aspect local, onpeut procéder à une intubation immédiate, avec évacuation del’abcès et prélèvement pour mise en culture et antibiogramme,ou décider d’une surveillance en réanimation. Le matériel debronchoscopie et de trachéotomie doit être préparé en casd’intubation impossible. Dans le cas d’une intubation, celle-ciest maintenue 48 à 72 heures et l’extubation se fait au bloc lorsd’une endoscopie de contrôle.

Le bilan sanguin comporte une numération formule san-guine, une protéine C réactive (CRP), des hémocultures et unerecherche d’antigènes solubles dans le sang et le liquidecéphalorachidien (LCR).

Le traitement médical comporte une antibiothérapie intravei-neuse par céphalosporine de 3e génération à la dose de 100 mg/kg, durant les 3-4 premiers jours, puis relayée, à l’obtention del’apyrexie, par un traitement per os type amoxicilline-acideclavulanique (100 mg/kg), pour une durée totale de 10 à15 jours.

Laryngite spasmodique

Elle se caractérise par l’apparition nocturne, en dehors d’uncontexte fébrile, d’accès brusque de dyspnée laryngée avecstridor, voix rauque, quintes de toux suffocante et aboyante. Lacrise est spontanément résolutive en moins de 1 heure mais larécidive est fréquente.

La physiopathologie reste mal connue mais il est admis qu’ils’agit d’un spasme pouvant être aggravé par des phénomènesinflammatoires (reflux, rhinosinusite), allergiques ou anxieux.Bien qu’aucun traitement ne soit nécessaire, certains auteurs ontproposé une corticothérapie sur 3 à 4 jours afin de lutter contreune éventuelle part inflammatoire.

Laryngo-trachéo-bronchite bactérienne [39, 40]

C’est une affection purulente aiguë de la partie supérieure dela trachée, survenant chez l’enfant entre 6 mois et 10 ans.

Les bactéries les plus fréquemment en cause sont le staphy-locoque doré, le pneumocoque, l’Haemophilus influenzae,Moraxella catarrhalis, les streptocoques alphahémolytique et dugroupe A.

Dans un contexte d’infection respiratoire haute, le patientprésente une dyspnée inspiratoire marquée, des signes infec-tieux sévères mais pas d’aphagie ni d’hypersialorrhée. Dans50 % des cas, il existe une atteinte pulmonaire associée.

Rapidement, la dyspnée est marquée aux deux temps du faitde l’obstruction liée aux fausses membranes.

L’endoscopie confirme le diagnostic en montrant des faussesmembranes, des sécrétions purulentes, des ulcérations hémorra-giques et permet, dans le même temps, de restaurer la perméa-bilité de la trachée, et de réaliser des prélèvementsbactériologiques. Malgré ce geste, 57 % des patients nécessitentune intubation.

Le traitement antibiotique par céphalosporine de 3e généra-tion est instauré sans délai (pour une durée totale après relaisper os de 8 à 15 jours) puis complété par une corticothérapieaprès contrôle des signes septiques.

L’extubation est décidée après contrôle des signes infectieuxet en fonction des contrôles endoscopiques.

Laryngites œdémateuses

Elles ne sont pas différentes de celles de l’adulte et regroupentl’œdème laryngé allergique et l’œdème angioneurotiquehéréditaire.

Papillomatose laryngée [41]

C’est une pathologie rare due au papillomavirus de type 6,11 et plus rarement 16 dont le mode de transmission demeureinexpliqué.

On ne note pas de prévalence liée au sexe et son incidenceest estimée à 1 nouveau cas pour 100 000 par an.

Les premiers symptômes se révèlent le plus souvent entre 2 et4 ans avec au premier plan une dysphonie chronique suivie,plus ou moins rapidement, par une dyspnée. Bien que l’évolu-tion de cette maladie soit imprévisible, il est admis que le modede révélation précoce est lié à un pronostic sombre avec de fortsrisques de récidives et d’extensions distales. Après 30 ansd’évolution de la maladie, il existe un risque de dégénérescencemaligne évalué à 2 %.

Le bilan nécessite une endoscopie avec biopsies (Fig. 6), pourtypage, et un scanner thoracique pour rechercher des lésions duparenchyme pulmonaire.

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Le traitement associe des désobstructions au microdébrideur(le laser n’est plus conseillé car il entraîne une fibrose secon-daire) et des injections de Cidofovir intralésionnelles [42] pourles cas les plus florides (ces injections sont réservées aux centresspécialisés).

Traumatismes laryngés

Ils sont dus à deux types de mécanismes.Les traumatismes externes, rares et principalement liés aux

accidents de la voie publique (ceinture de voiture, chute devélo, plaie par arme blanche) peuvent être ouverts ou, le plussouvent, fermés.

La symptomatologie peut être initialement faussementrassurante avec installation secondaire d’un œdème obstructif.Il convient donc d’hospitaliser tout traumatisme direct dularynx pour une surveillance avec, au minimum, un bilanfibroscopique en consultation.

Dans la majorité des cas, on ne note qu’un œdème ou unhématome sans lésion muqueuse.

Dans les cas les plus sévères avec fracture des cartilages,déchirures muqueuses, il est préférable de réaliser une trachéo-tomie afin de ne pas aggraver les lésions et de réaliser leurréparation précoce.

Les traumatismes internes sont liés à des intubations trauma-tiques ou prolongées (la dyspnée peut être soit immédiate soità distance), des ingestions de caustiques ou des inhalations degaz toxiques ou de suies.

Dans les deux derniers cas, si la dyspnée se majore, il estpréférable de recourir à une intubation précoce pour assurer letransfert car l’œdème peut rendre l’intubation impossiblesecondairement.

Une endoscopie est alors réalisée en centre spécialisé afin defaire le bilan lésionnel et d’évaluer les possibilités d’extubation.

Dans le cas particulier d’inhalation de suies, on procède à unlavage bronchique dans les 6 premières heures.

■ ConclusionLes dyspnées laryngées de l’enfant sont une pathologie

fréquente dont les signes de gravité doivent être connus etrecherchés en première intention afin d’adapter la prise encharge en urgence ou en consultation. Les formes sévèresnécessitent une prise en charge hospitalière avec des équipesspécialisées.

Le diagnostic est posé dans la majorité des cas grâce àl’interrogatoire, l’examen clinique et la nasofibroscopie. L’âgejoue un rôle principal dans cette orientation diagnostique, endistinguant les enfants de moins et de plus de 6 mois.

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Page 72: Le manuel du généraliste 2 orl

Épistaxis : conduite à tenir

T. Truong Tan Trung, F. Tankéré

L’épistaxis est une urgence fréquente en oto-rhino-laryngologie (ORL). Il est important, devant uneépistaxis, de savoir : la reconnaître, en préciser la gravité, en assurer l’hémostase, en contrôler les facteursfavorisants.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Épistaxis bénigne ; Épistaxis moyenne ou grave ; Urgence médicochirurgicale ; Méchage ;Tache vasculaire ; Tumeur bénigne ; Tumeur maligne

Plan

¶ Introduction 1

¶ Rappel anatomique sur la vascularisation nasale 1

¶ Diagnostic positif et de gravité 1Diagnostic positif 1Diagnostic de gravité 2

¶ Diagnostic étiologique 2

¶ Traitement 2Moyens d’hémostase 2En pratique pour le médecin généraliste 3Éviter la reproduction de l’hémorragie 3

■ IntroductionUne épistaxis est une hémorragie provenant des fosses

nasales. C’est l’urgence la plus fréquente dans la pratiquequotidienne de l’ORL [1].

Ce saignement est très fréquent (60 % de la population a euau moins une épistaxis) et la plupart du temps bénin [2].Cependant, du fait de son abondance, de sa répétition ou de sacontinuité, d’un risque de décompensation de tare associée ouencore de son caractère bilatéral, il peut être grave et réaliserune véritable urgence médicochirurgicale et engager le pronosticvital.

Le premier rôle du praticien est d’en estimer la gravité réelle,puis d’entreprendre le traitement d’urgence adapté. Ce n’est quesecondairement que le diagnostic étiologique doit être posé.

L’épistaxis peut constituer toute la maladie (ectasie de latache vasculaire à la partie antérieure de la cloison nasale) ouêtre le symptôme révélateur, ou la complication, de nombreusesaffections. De ce fait, toute épistaxis, même banale et apparem-ment isolée, nécessite un bilan complet (clinique, biologique etendoscopique) réalisé à distance de l’épisode hémorragique, à larecherche d’une étiologie dont elle serait le signe d’appel.

■ Rappel anatomiquesur la vascularisation nasale

La vascularisation des fosses nasales est extrêmement riche.Elle est double, provenant du système carotidien externe (par

l’artère sphénopalatine et l’artère faciale) et interne (par lesartères ethmoïdales antérieures et postérieures, branches del’artère ophtalmique).

La tache vasculaire (ou zone de Kisselbach), quant à elle, estune région située à la partie antéro-inférieure de la cloisonnasale, formée par l’anastomose des ramifications terminales desvaisseaux issus du système carotidien externe et interne. Elle estfréquemment à l’origine d’épistaxis.

■ Diagnostic positif et de gravitéDevant une épistaxis, quelle que soit son importance, l’inter-

rogatoire, l’examen ORL, l’examen général, ainsi qu’un bilanparaclinique sont indispensables pour en apprécier la gravité etpréciser l’étiologie.

Diagnostic positifL’épistaxis est un saignement qui provient de la fosse nasale,

à ne pas confondre avec les hémoptysies et les hématémèses.Il est important de distinguer l’épistaxis bénigne de l’épistaxis

moyenne ou grave, individualisées selon l’abondance et leretentissement.

Épistaxis bénigne

C’est la plus fréquente. L’écoulement est peu abondant, sefaisant au goutte à goutte par la narine, souvent unilatéral.L’examen ORL est facile après mouchage et la rhinoscopieantérieure retrouve le siège du saignement, en général antérieur,

“ Point important

Il est impératif de s’assurer en premier lieu de l’absence decomplication générale liée à la déplétion sanguine, soitpar une hémorragie massive, soit par hémorragieprolongée : le traitement du choc hypovolémique doitêtre préalable à toute mesure thérapeutique oudiagnostique.

Page 73: Le manuel du généraliste 2 orl

au niveau de la tache vasculaire. Il n’y a pas de retentissementsur l’état général. Elle cède en général rapidement, spontané-ment ou après compression bidigitale (la durée de la compres-sion doit être au moins égale au temps de saignement, soitenviron 7 minutes).

Épistaxis moyenne ou graveElle représente environ 10 % des cas, par son abondance, sa

répétition ou sa continuité, par un risque de décompensation detare associée.

L’écoulement est antérieur, mais aussi postérieur, par leschoanes, et mis en évidence par l’examen de l’oropharynx àl’abaisse-langue. Elle est souvent bilatérale, cependant il estnécessaire de déterminer la fosse nasale qui a saigné en premierlieu, car cela signe le coté de l’épistaxis. L’épistaxis bilatéralevraie est très rare. Le patient peu vomir des caillots de sang(épistaxis déglutie) et faire évoquer à tort une hématémèse.

Diagnostics différentiels

Doivent être éliminés rapidement :• l’hémoptysie : extériorisation de sang lors d’efforts de toux ;• l’hématémèse : extériorisation de sang lors d’efforts de

vomissement.

Diagnostic de gravitéInterrogatoire

Il recherche :• l’âge ;• les antécédents (hypertension artérielle [HTA] connue,

maladies hématologiques, insuffisance hépatique, maladie deRendu-Osler-Weber, carcinome des cavités nasales, cardiopa-thie ischémique, anémie connue) ;

• les traitements en cours (aspirine, anti-inflammatoires nonstéroïdiens [AINS], anticoagulant, chimiothérapie, antihyper-tenseur) ;

• le mode de survenue, la durée, l’abondance et la répétition del’épisode hémorragique.

Examen généralIl permet d’évaluer le retentissement de la perte sanguine

par :• la prise du pouls et de la pression artérielle ;• l’aspect du patient : anxiété, agitation, sueurs, pâleur.

Examen ORLIl s’agit de rhinoscopie antérieure, d’examen de la paroi

pharyngée postérieure de l’oropharynx. Cet examen, réaliséaprès évacuation des caillots par mouchage, permet :• d’apprécier l’abondance de l’hémorragie ;• de préciser le siège antérieur et/ou postérieur, le caractère uni-

ou bilatéral.

Examens complémentairesIls sont prescrits en fonction de l’abondance de l’hémorragie

et en urgence : groupe ABO, Rhésus, recherche d’agglutininesirrégulières (RAI), numération sanguine, hématocrite, étudesimple de l’hémostase (taux de prothrombine [TP], internationalnormalized ratio [INR], temps de céphaline activée [TCA]).

■ Diagnostic étiologiqueL’enquête étiologique (clinique, biologique et endoscopique)

doit toujours être réalisée à distance du saignement et lediagnostic d’épistaxis essentielle doit rester un diagnosticd’exclusion (Tableau 1).

■ TraitementIl a pour but de tarir l’hémorragie et d’éviter sa reproduction.

En suivant l’importance et la localisation du saignement, unedémarche plus ou moins invasive est proposée.

Moyens d’hémostase• Calmer le patient, position demi-assise ;• mouchage des caillots ;• pencher la tête en avant ;• compression bidigitale du nez pendant 10 minutes (faire

pincer la portion mobile cartilagineuse du nez où siège latache vasculaire) ;

• méchage avec du coton imbibé de xylocaïne naphazolinéependant 10 minutes ;

• méchage antérieur. Deux types de mèches sont utilisées :C soit résorbables (mèches de tulle gras, à base d’alginate de

calcium [Algostéril®] ou un tampon nasal qui s’expandaprès humidification [Mérocel®]) ;

C soit non résorbables (Surgicel®) chez les patients porteursd’une anomalie de la coagulation, sous anticoagulant ousous antiagrégant ;

• méchage antérieur et postérieur par une sonde à doubleballonnet ;

• embolisation sélective des artères sphénopalatines en radiolo-gie interventionnelle ;

• coagulation ou ligature par voie chirurgicale endoscopiquedes artères sphénopalatines ;

• coagulation des artères ethmoïdales antérieures et postérieurespar voie orbitaire dans les cas d’épistaxis persistantes (ces

Tableau 1.Différentes étiologies des épistaxis.

Locales :épistaxis symptôme

Infections et inflammations :

- rhino-sinusites aiguës

- corps étrangers

Traumatismes :

- accidentels : nasal, fracture du massiffacial (rupture de carotide intracaverneuse)

- opératoires : chirurgie rhinosinusienne,intubation nasale

Tumorales :

- bénignes : fibrome nasopharyngien,hémangiome de la cloison

- malignes : cancers primitifsou secondaires rhinosinusiens

Générales :épistaxis épiphénomène

Maladies hémorragiques :

• perturbation de l’hémostase primaire :

- maladie de Rendu-Osler

- capillarites (purpura rhumatoïde,immunoallergique, infectieux)

- thrombopénies

- thrombopathies (Glanzmann,Willebrand, aspirine, AINS, insuffisancerénale, hémopathies)

• perturbation des facteurs de coagulation :

- congénitales : hémophilie

- acquises : anticoagulants, insuffisancehépatique, CIVD, fibrinolyse, etc.

Maladies vasculaires :

HTA surtout

Maladies infectieuses :

typhoïde, typhus, grippe, scarlatine

Épistaxis essentielle : épistaxis maladie

Ectasie de la tache vasculaire

Les plus fréquentes avant la puberté

Facteurs favorisants : grattage, expositionsolaire, phénomènes vasomoteurs, facteursendocriniens (prémenstruels, grossesse)

AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien ; CIVD : coagulation intravasculairedisséminée ; HTA : hypertension artérielle.

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artères ne peuvent pas être embolisées, puisqu’elles sont desbranches terminales de l’artère ophtalmique, elle-mêmebranche de la carotide interne : un accident d’embolisationentraînerait soit une hémiplégie, soit une cécité).

En pratique pour le médecin généraliste• Rassurer le patient ;• position demi assise ;• mouchage des caillots ;• pulvériser un anesthésique local (Xylocaïne® naphazolinée) ;• compression bidigitale pendant 10 minutes ;• méchage antérieur en cas de persistance du saignement.

L’antibiothérapie n’est pas systématique si le méchage estinférieur à 48 heures [3].En cas d’échec (persistance du saignement antérieur ou

postérieur sur la paroi pharyngée postérieure de l’oropharynx),l’appel de l’ORL est nécessaire.

En revanche, pour toute épistaxis bénigne sans signe degravité clinique tarie, l’ordonnance doit comporter des mèches

hémostatiques (Coalgan®) avec ou non une pommade hémos-tatique locale (pommade HEC®). En cas de méchage antérieur,il est impératif de consulter un ORL dans les 48 heures.

Éviter la reproduction de l’hémorragieIl convient de rechercher et traiter une cause locale (cautéri-

sation d’une ectasie de la tâche vasculaire, tumeur, etc.).Il convient de rechercher et traiter une cause générale (HTA,

coagulopathie, etc.).

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Cancers ORL :conduite à tenir et traitement

S. Hans, D. Brasnu

Près de 20 000 nouveaux cas de cancers oto-rhino-laryngologiques (ORL) ou des voies aérodigestivessupérieures (VADS) sont diagnostiqués par an en France. Ces dernières années sont marquées par unchangement de l’épidémiologie et l’émergence de nouveaux facteurs de risque, notamment le papillomavirus humain (HPV). Les voies aérodigestives supérieures sont des organes clés de la vie de relation : laprésence de la tumeur et les séquelles liées aux différents traitements peuvent entraîner une altérationimportante de la qualité de vie des patients. Tout signe fonctionnel durant plus de 3 semainescomparable à ceux d’une simple rhinopharyngite aiguë doit faire évoquer et rechercher un cancer desVADS chez tous les patients. Un examen ORL avec fibroscopie doit être réalisé. Si ce dernier est normalchez un patient souffrant de dysphagie, une exploration de l’œsophage est nécessaire. Les examenscomplémentaires comprennent une imagerie puis une endoscopie sous anesthésie générale. Unetomographie par émission de positons (TEP)-scanner est recommandée chez les patients atteints d’uncancer du cavum, dans les stades avancés de tous les carcinomes épidermoïdes des VADS et dans lesadénopathies cervicales métastatiques sans porte d’entrée. La comorbidité doit être analysée avant ladécision thérapeutique en réunion de concertation pluridisciplinaire. Les traitements des cancers desVADS reposent sur la chirurgie et la radiothérapie. D’une façon générale le traitement des cancers destade précoce est en première intention chirurgical si l’intervention n’est pas mutilante. Le traitement desaires ganglionnaires est systématique sauf pour les cancers de stade précoce de la corde vocale. Letraitement des cancers de stade avancé est soit chirurgical, soit par radiochimiothérapie concomitante,soit l’association des deux traitements en fonction de la localisation et du volume tumoral. Le traitementdes aires ganglionnaires est systématique pour toutes les localisations. Cependant, pour certaineslocalisations de la cavité orale ou de l’oropharynx avec atteinte osseuse mandibulaire, certaines équipesproposent une intervention chirurgicale en première intention avec résection osseuse et reconstructionpar lambeau libre composite. Dans les cancers de stades avancés du larynx et de l’hypopharynx, lesprotocoles de préservation d’organe ont montré leur intérêt en termes de contrôle cancérologique et dequalité de vie. De nouveaux traitements au mode d’action spécifique ou thérapie ciblée contre les facteursde croissance épidermique (EGFR) sont actuellement développés. La principale molécule développéecomme thérapie ciblée en cancérologie ORL est le cetuximab (Erbitux®). L’introduction des taxanes et desthérapies ciblées et dans le futur de nouvelles thérapies ciblées et d’antiangiogéniques modifie la stratégiedes cancers de stade avancé en proposant des traitements moins mutilants dans le cadre des protocolesde « préservation d’organe » et en traitant le cancer comme une maladie générale. La surveillance post-thérapeutique des cancers des VADS est nécessaire. Le pronostic est lié : aux échecs locorégionaux, auxéchecs métastatiques, aux localisations métachrones et aux affections intercurrentes liées à lacomorbidité.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Cancers des voies aérodigestives supérieures ; Examen clinique ; Examens complémentaires ;Stratégies thérapeutiques

Plan

¶ Introduction 2

¶ Facteurs de risque des cancers des VADS 2

¶ Signes cliniques 2

¶ Examen clinique 2

¶ Examens complémentaires 3Aspects macroscopiques et modalités d’extension des cancersdes VADS 3Endoscopie 3Histologie 3Imagerie 4Évaluation de la comorbidité 4

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¶ Cancer du cavum 4

¶ Cancer de l’ethmoïde 5

¶ Évolution et pronostic 5

¶ Stratégies actuelles du traitement des cancers ORL 5Généralités 5Traitement des cancers de stade précoce 5Traitement des cancers de stade avancé 5

¶ Surveillance 6

■ IntroductionPrès de 20 000 nouveaux cas de cancers ORL ou des voies

aérodigestives supérieures (VADS) sont diagnostiqués chaqueannée en France et représentent le 4e rang des cancers chezl’homme et le 5e rang en termes de mortalité.

Sur le plan épidémiologique, ils sont répartis en quatre entitésanatomiques : la cavité buccale et le pharynx, le larynx, lesfosses nasales et les sinus de la face et le rhinopharynx oucavum.

La majorité des cancers des VADS sont des carcinomesépidermoïdes sauf le cancer du cavum et l’adénocarcinome del’ethmoïde qui sont décrits séparément. Les cancers de la glandethyroïde et des glandes salivaires ne sont pas décrits.

Les VADS sont caractérisées par une anatomie complexe quinécessite une approche multidisciplinaire entre spécialistesd’organe (les ORL), les radiologues, les médecins nucléaires, lesanatomopathologistes, les oncologues et les radiothérapeutes.Les cancers des VADS sont caractérisés par leur lymphophilie.Les métastases systémiques sont rarement présentes initialement(4 %).

Les VADS sont des organes clés de la vie de relation : laprésence de la tumeur et les séquelles liées aux différentstraitements peuvent entraîner une altération importante de laqualité de vie des patients.

Les réunions de concertation pluridisciplinaires obligatoiresdepuis le Plan Cancer permettent après discussion entre diffé-rents spécialistes d’organe et oncologues de proposer auxpatients la prise en charge optimale et ses alternatives.

Le pronostic est lié : aux échecs locorégionaux, aux échecsmétastatiques, aux localisations métachrones et aux affectionsintercurrentes liées à la comorbidité.

Ces dernières années ont été marquées par plusieurs modifi-cations épidémiologiques, par l’évolution de l’imagerie et de laprise en charge thérapeutique.

■ Facteurs de risque des cancersdes VADS

Il existe une modification de l’épidémiologie des cancers desVADS par le rôle croissant du papilloma virus humain (HPV).Les intoxications tabagique et alcoolique restent les deuxfacteurs principaux reconnus depuis longtemps pour les carci-nomes épidermoïdes. La diminution de l’incidence chezl’homme et son augmentation chez la femme reflètent lesvariations de la consommation de tabac et d’alcool. Chaquefacteur seul multiplie par trois le risque de ce cancer et l’asso-ciation des deux facteurs multiplie ce risque par 15. Il fautrechercher aussi une exposition notamment professionnelle àcertains toxiques (amiante, goudron, nickel) qui semble favori-ser ces cancers. L’inhalation de cannabis et d’opium est àl’origine de survenue de cancers des VADS, notamment chez despatients de moins de 40 ans. Surtout, le rôle de l’HPV estmaintenant reconnu dans la cancérogenèse des carcinomesépidermoïdes des VADS et particulièrement de l’oropharynx [1,

2]. Les HPV sont des virus à acide désoxyribonucléique (ADN) etont un tropisme spécifique pour les épithéliums squameux.Actuellement, plus de 120 types d’HPV différents ont été isolés.Il existe des types à bas risques oncogéniques tels que HPV 6 et11 induisant une prolifération bénigne de l’épithélium (papillo-mes, condylomes) et des types à hauts risques tels que HPV 16,

18, 31, 33 et 35. Les HPV oncogéniques, surtout 16, sontessentiellement mis en évidence dans les cancers de l’oropha-rynx et du larynx. Les patients atteints de tumeurs des VADSHPV+ sont en moyenne plus jeunes de 5 ans comparés auxHPV–. La détection de HPV oncogénique pourrait avoir desimplications futures pour le dépistage, le diagnostic et letraitement de certains cancers des VADS. L’infection par le virusd’immunodéficience humaine (VIH) est un facteur de risqued’apparition de cancer des VADS. Le rôle du reflux gastro-œsophagien est discuté dans la genèse des cancers des VADS.Enfin, les facteurs génétiques sont de plus en plus souventévoqués chez des patients jeunes ou âgés sans facteur de risquehabituel.

La connaissance de ces facteurs de risque est fondamentale.Le dépistage et l’information des sujets à risque doivent êtredéveloppés pour permettre le diagnostic de cancer à un stadeprécoce améliorant le pronostic et la qualité de vie.

■ Signes cliniquesTout signe fonctionnel durant plus de 3 semaines comparable

à ceux d’une simple rhinopharyngite aiguë doit faire évoquer etrechercher un cancer des VADS chez les sujets à risques.

Tout médecin, voire tout professionnel de santé, devrait êtreassocié au dépistage des cancers de la cavité orale ou del’oropharynx ne nécessitant pas de matériel particulier (simpleexamen à l’abaisse-langue) : la découverte de tumeur à un stadeprécoce est un facteur de bon pronostic.

Les signes le plus souvent rapportés sont : une gêne pharyn-gée, une douleur pharyngée, une douleur à la déglutition(odynophagie), une sensation de corps étranger, une otalgie,une dysphagie, une dysphonie et une dyspnée. Douleurs etotalgies traduisent souvent une infiltration profonde de latumeur. Leur persistance et leur caractère unilatéral doiventalerter et conduire à réaliser un examen clinique ORL avecfibroscopie du pharynx et du larynx, surtout chez les sujets àrisques. Plus rarement, les cancers des VADS se révèlent par uneadénopathie cervicale métastatique d’apparence primitive ou uncrachat hémorragique.

Toute dysphonie évoluant depuis plus de 3 semaines chez unpatient à risque doit conduire à réaliser un examen cliniqueavec fibroscopie laryngée pour rechercher une tumeur du larynxet plus particulièrement une tumeur de la corde vocale.

Les facteurs de risque émergents (HPV) imposent un examenORL si ces signes persistent.

■ Examen clinique (Fig. 1)

L’interrogatoire doit préciser les antécédents personnels etfamiliaux, les facteurs de comorbidité du patient, la dated’installation des signes fonctionnels, les facteurs de risque etles expositions à des toxiques.

L’examen clinique ORL doit être complet et comportersystématiquement une fibroscopie laryngée ou un examen avecune optique rigide à 90° ou 70°. La réalisation simultanée d’unenregistrement vidéographique permet une lecture répétée del’examen, une présentation en réunion multidisciplinaire,d’obtenir des documents pour l’enseignement, d’évaluer l’effi-cacité thérapeutique en comparant les enregistrements successifset également de conserver les documents dans un intérêtmédicolégal [3].

Cet examen permet de préciser le siège exact de la tumeur,ses limites, son aspect (infiltrant, exophytique, sous-muqueusenormale) et ses extensions. Cet examen permet également depréciser la dynamique des différentes structures (langue,amygdale, voile du palais, paroi pharyngée postérieure, épi-glotte, corde vocale, cartilage aryténoïde). Dans les cancers dularynx, l’étude de la dynamique laryngée est un des éléments lesplus importants pour préciser l’indication thérapeutique etchoisir le type de chirurgie laryngée [4]. Cet examen rechercheégalement un cancer synchrone des VADS.

Page 77: Le manuel du généraliste 2 orl

La palpation cervicale précise les reliefs de l’os hyoïde, ducartilage thyroïde et du cartilage cricoïde, recherche une douleuret/ou une infiltration au niveau des différentes membranes.

La palpation des aires ganglionnaires cervicales est systémati-que en raison de la lymphophilie importante de la majorité deslocalisations de ces cancers. Pour les aires ganglionnairescervicales, la classification de l’American Academy ofOtolaryngogy-Head and Neck Surgery (AAO-HNS) a été adop-tée [5] par la majorité des équipes cliniques, radiologiques etanatomopathologiques : la région cervicale est divisée en sixgroupes ganglionnaires. À cette nomenclature clinique, actuel-lement la plus utilisée, correspond une nomenclaturetomodensitométrique [6].

Lors de cette consultation il faut préciser au patient lanécessité de réaliser des examens complémentaires pour réaliserdes biopsies afin d’affirmer le diagnostic, d’étudier les exten-sions tumorales et ganglionnaires et de rechercher une localisa-tion synchrone : une endoscopie sous anesthésie générale et uneimagerie sont systématiquement réalisées et sont complémen-taires. Nous conseillons la réalisation de l’imagerie avantl’endoscopie : les phénomènes inflammatoires dus aux biopsies,voire à un traumatisme d’intubation peuvent modifier le signalradiologique de la tumeur.

Actuellement, dès la première consultation et surtout lors del’annonce du diagnostic de cancer, il est proposé au patient età sa famille de rencontrer un(e) psychologue et une infirmièrespécialisée ; cette démarche rentre dans le cadre plus général dela consultation dite d’annonce du Plan Cancer.

■ Examens complémentaires

Aspects macroscopiques et modalitésd’extension des cancers des VADS

La connaissance des modalités d’extension des cancers desVADS est fondamentale. À ce niveau, le spécialiste d’organe (le

médecin ORL) joue un rôle très important. Ces modalitésd’extension permettent de comprendre cliniquement les signesfonctionnels du patient, d’analyser les extensions tumorales lorsde l’examen clinique, de l’endoscopie et de l’imagerie. L’évalua-tion tridimensionnelle des extensions tumorales permet deposer l’indication chirurgicale mais également d’analyser laréponse tumorale après chimiothérapie d’induction dans lesprotocoles de préservation d’organe.

EndoscopieII s’agit d’une intervention chirurgicale, et à ce titre le

consentement éclairé du patient doit être obtenu au moyend’une information claire, simple et compréhensible. Nousinsistons en particulier sur le risque de traumatisme dentaire.Une bonne coopération avec l’équipe d’anesthésie est néces-saire. Un enregistrement vidéographique est éventuellementréalisé qui permet une appréciation en réunion de concertationpluridisciplinaire.

Il est important d’utiliser des optiques pour analyser certainesrégions et l’examen des cordes vocales nécessite l’utilisationd’un microscope.

On apprécie la forme macroscopique de la tumeur : exophy-tique, ulcérée, infiltrante, serpigineuse ou sous-muqueusenormale. L’infiltration tumorale est évaluée à l’aide d’un stylet.

Nous ne réalisons plus d’œsophagoscopie directe au tuberigide en raison des risques de perforation. Cet examen estavantageusement remplacé par une fibroscopie œsophagienneavec un test aux colorants vitaux (lugol) et des biopsies ciblées.L’utilisation de colorants vitaux permet de sensibiliser l’examenà la recherche de tumeurs superficielles (concept de la fieldcancerization).

La réalisation de biopsies est systématique elles seulespermettent d’affirmer la tumeur.

Dans certains cas, nous réalisons des biopsies profondes avecune incision muqueuse au laser CO2. Les précautions habituellesen cas d’utilisation du laser CO2 sont alors respectées.

Si la tumeur du larynx, de l’épilarynx ou du pharynx est destade avancé, il faut parfois réaliser dans le même temps unedésobstruction laryngée au laser CO2. Il ne faut pas réaliser detrachéotomie chez un patient atteint d’un cancer du larynx oude l’épilarynx (ou de l’hypopharynx) de stade avancé en coursde traitement. La trachéotomie peut être discutée dans uncontexte de soins de confort (traitement palliatif) quand lesdésobstructions au laser ne sont pas réalisables, soit en raison dela tumeur, soit de l’état physiologique du patient (contre-indication à l’anesthésie générale).

L’endoscopie se termine par l’examen attentif de la cavitéorale et de l’oropharynx après mise en place d’un ouvre-bouche et avec un éclairage de bonne qualité. Les différentesrégions anatomiques de la cavité orale et de l’oropharynx sontensuite palpées. Lors de l’endoscopie, il faut systématiquementrechercher un cancer synchrone dont l’incidence est de près de10 % [7].

Au terme de l’endoscopie, un schéma précis de la tumeurmentionne le siège des lésions, leur forme macroscopique(ulcérante, exophytique, infiltrante, superficielle, sous-muqueusenormale) et le siège des différentes biopsies. Nous y inscrivonségalement les mobilités des aryténoïdes, des cordes vocales, dela paroi pharyngée postérieure, de la base de langue, du voile dupalais, des amygdales appréciées lors de l’examen clinique. Il estutile de réaliser un enregistrement vidéographique et desphotographies pendant l’endoscopie permettant de les présenterlors des réunions multidisciplinaires, de l’enseignement etégalement de conserver les documents dans un intérêtmédicolégal.

HistologieDans plus de 90 % des cancers des VADS, l’histologie est le

carcinome épidermoïde invasif. Ce carcinome peut être plus oumoins différencié et plus ou moins kératinisant, ce qui n’entraînepas de modifications en termes de pronostic. Les autres typesrencontrés sont : les adénocarcinomes, les carcinomes adénoïdeskystiques et les carcinomes mucoépidermoïdes provenant des

Tout signe fonctionnel durant plus de 3 semaines comparable à ceux d’une simple rhinopharyngite aiguë doit faire évoquer

et rechercher un cancer ORL

Analyse de la comorbiditéConsultation préanesthésique

Réunion de concertation pluridisciplinaireDécision thérapeutique et alternatives

Un examen ORL avec fibroscopie du larynx et du pharynx doit être réalisé

ImagerieIRM pour cavité buccale et oropharynxScanner pour le larynx et le pharynx

IRM et scanner pour cavum et ethmoïdeTEP-scanner pour tous les patients atteints d’un cancer

du cavum, les patients atteints d’un stade avancé de carcinome épidermoïde ORL et les adénopathies cervicales métastatiques

sans porte d’entrée

Endoscopie sous anesthésie générale

Figure 1. Arbre décisionnel. Diagnostic des cancers oto-rhino-laryngologiques (ORL).

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glandes salivaires accessoires. Les sarcomes et les mélanomes sonttrès rares. Pour une très faible proportion, les cancers des VADSsont des lésions métastatiques de tumeurs primitives d’un autreorgane, le rein, le sein ou la peau (mélanome).

ImagerieLe bilan radiologique fait partie intégrante du bilan initial des

cancers des VADS. La classification TNM (tumor, node, metastasis)de l’American Joint Committee on Cancer (AJCC) et de l’Unioninternationale contre le cancer (UICC) est réalisée à partir del’examen clinique, endoscopique et radiologique.

Scanner cervical avec injection de produitde contraste en coupes axiales et coronales

C’est l’examen demandé en première intention pour lescancers du larynx et de l’hypopharynx. On s’assure au préalablede l’absence d’allergie à l’iode connue ainsi que de la fonctionrénale. Le prescripteur partage la responsabilité avec le radiolo-gue en cas d’accident prévisible. L’acquisition est réalisée de labase du crâne jusqu’au défilé cervicothoracique. Une manœuvrede Valsalva est indispensable pour bien visualiserl’hypopharynx.

Cet examen permet de préciser les extensions tumoralessurtout aux cartilages, aux espaces graisseux préépiglottique,paraglottique et sous-glottique. Le scanner recherche égalementdes adénopathies cervicales métastatiques au niveau des groupesganglionnaires latéraux (groupes II, III et IV), laryngés supé-rieurs, prélaryngés et récurrentiels. On analyse aussi systémati-quement les chaînes ganglionnaires médiastinales etrétropharyngées, non analysables par l’examen clinique. Unganglion est considéré comme métastatique s’il mesure plus de1 centimètre de plus grand axe, s’il est de forme ronde et avecun centre nécrotique.

La nomenclature radiologique des groupes ganglionnairescervicaux a été proposée par Som [6]. Les nouvelles générationsmultibarettes permettent d’augmenter la sensibilité de détectiondes adénopathies et de rechercher une localisation synchronepulmonaire ou des localisations secondaires.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM)L’IRM apparaît nettement supérieure au scanner pour l’éva-

luation de l’extension des tumeurs de l’oropharynx et de lacavité orale.

Elle est également réalisée en cas de contre-indication à laréalisation d’un scanner (allergie à l’iode, insuffisance rénale).Cet examen est également intéressant pour l’étude des adéno-pathies cervicales et rétropharyngées.

Tomographie par émission de positons couplée àun scanner (Tep-scanner)

L’indication de la tomographie par émission de positons(TEP) au fluorodésoxyglucose-18F (FDG) est considérée commeun standard dans le bilan d’un cancer des VADS et fait partie del’autorisation de mise sur le marché européen du FDG mais estfonction de la disponibilité des centres pour son obtention.Actuellement, cet examen ne peut pas se substituer au scanneret ou à l’IRM dans l’analyse des extensions de la tumeur. Lesimages obtenues ne donnent pas d’information précise sur latumeur, ses extensions ou l’atteinte des structures cartilagineu-ses. Son intérêt est dans la recherche d’un cancer synchroneet/ou de métastases viscérales chez les patients atteints d’uncancer de stade avancé. Cet examen a également un intérêtimportant dans le bilan des adénopathies cervicales sans ported’entrée à la recherche d’une fixation anormale suspecte decorrespondre au cancer primitif [8, 9].

Évaluation de la comorbiditéSur le plan médical, il faut évaluer les facteurs de comorbidité

et la possibilité de réaliser une anesthésie générale.L’état pulmonaire et cardiovasculaire doit être particulière-

ment analysé avant la prise de décision chirurgicale. L’intoxica-tion tabagique est un des principaux facteurs de risque. Les

patients sont souvent atteints d’une bronchopneumopathiechronique obstructive et d’une insuffisance coronarienne. Lesfausses routes postopératoires aggravent le déficit de la clairanceciliaire et la toux devient inefficace. Ces éléments doivent êtreparfaitement évalués avant la réalisation de la chirurgieconservatrice.

L’existence d’un diabète, d’un reflux gastro-œsophagien etd’une artérite doit être systématiquement recherchée et traitée.

Il convient d’apprécier l’âge physiologique du patient ; ladécision thérapeutique dépend de l’âge physiologique et nonpas de l’âge chronologique. Ainsi, les troubles infracliniques dela déglutition sont fréquents chez le sujet âgé. Ils risquent d’êtrefortement aggravés par la chirurgie et/ou la radiothérapie.

Différents facteurs doivent être systématiquement analysésavant la stratégie thérapeutique : l’origine socioprofessionnelle,le niveau culturel et socio-économique, la compréhension dupatient, sa motivation, ses activités, ses désirs en termes dequalité de voix et de qualité de vie et son profil psychologique.Enfin, le médecin référent (le plus souvent ORL) doit expliquerau patient les modalités de sa prise en charge et notamment dela stratégie discutée et adoptée en réunion de concertationpluridisciplinaire. Les différents avantages, risques et inconvé-nients du traitement retenu sont ensuite expliqués par lemédecin spécialiste (oncologue, radiothérapeute ou chirurgien).Le rôle des psychologues, des oncopsychiatres et de la consul-tation d’annonce avec des infirmières est fondamental pouraccompagner cette prise en charge.

■ Cancer du cavumLe cancer du cavum, encore appelé nasopharynx ou rhino-

pharynx, est caractérisé par certains facteurs épidémiologiques,histologiques, cliniques et thérapeutiques différents des cancersépidermoïdes des VADS.

Les cancers du cavum sont 25 fois plus fréquents chez lesnatifs d’Afrique du Nord et du bassin méditerranéen, de Chinedu Sud et chez les Inuits. L’oncogenèse des cancers du cavumsemble liée à trois facteurs : l’infection par le virus Epstein-Barr,l’alimentation riche en nitrosamines et un facteur génétique.Les cancers du cavum les plus fréquents sont des cancersindifférenciés (UCNT) ou lymphoépithélial (classsification del’Organisation mondiale de la santé [OMS]) ; les lymphomesreprésentent le diagnostic différentiel. Ces cancers sont trèslymphophiles et s’accompagnent d’adénopathies cliniques dans60 % à 80 % des cas. Lors de leur diagnostic, le taux demétastases à distance est plus élevé que pour les cancers desVADS. Les signes cliniques sont surtout rhinologiques, otologi-ques, évocateurs d’une nature maligne quand ils sont unilaté-raux et accompagnés d’adénopathie(s) cervicale(s) chez unpatient appartenant à une ethnie à risque. Des signes neurolo-giques doivent être systématiquement recherchés (surtoutatteinte des nerfs III, IV, V, VI puis IX, X, XII) témoignant d’uneatteinte de la base du crâne : la majorité des patients consulte àun stade avancé. La palpation cervicale analyse les airesganglionnaires.

L’examen ORL doit comprendre une fibroscopie systématiquequi permet une observation correcte du cavum.

L’examen du cavum sous anesthésie générale (cavoscopie) estsystématique permettant de visualiser la tumeur et ses exten-sions et de faire des biopsies pour l’examen histologique.

L’imagerie comprend systématiquement un scanner et uneIRM pour étudier les extensions tumorales et les adénopathiescervicales et rétropharyngées ; ces dernières sont fréquentes etnon palpables à l’examen clinique. Actuellement, dans lamajorité des centres, est réalisé un TEP-scanner pour rechercherdes localisations métastatiques fréquentes lors du diagnostic.

Enfin, une sérologie EBV reste systématique ; elle n’a aucunrôle pour le diagnostic qui est histologique mais permet desuivre l’évolution post-thérapeutique.

Le traitement du cancer du cavum est la radiothérapie. Lachimiothérapie concomitante a montré son efficacité pourpotentialiser la radiothérapie. La chimiothérapie d’inductionreste discutée en fonction des centres. Les nouvelles techniques

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de radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensitéet surtout la tomothérapie permettent de délivrer une dose plusimportante avec une toxicité diminuée.

■ Cancer de l’ethmoïdeIl est également caractérisé par certains facteurs épidémiolo-

giques, histologiques, cliniques et thérapeutiques différents descancers épidermoïdes des VADS.

Les cancers de l’ethmoïde atteignent préférentiellement lesmenuisiers et les ébénistes ; ils doivent être déclarés commemaladie professionnelle.

Sur le plan histologique, il s’agit d’adénocarcinome. Cescancers sont très peu lymphophiles et métastatiques.

Les signes cliniques sont surtout rhinologiques, évocateursd’une nature maligne quand ils sont unilatéraux. Des signesneurologiques doivent être systématiquement recherchés(surtout atteinte des lobes frontaux) : la lame criblée favorise lepassage tumoral et la majorité des patients consulte à un stadeavancé. L’examen ORL doit comprendre une fibroscopie ou unexamen aux optiques rigides systématique qui permet uneobservation correcte des fosses nasales.

L’examen des fosses nasales et de l’ethmoïde sous anesthésiegénérale est systématique, permettant de visualiser la tumeur etses extensions et de faire des biopsies pour l’examenhistologique.

L’imagerie comprend systématiquement un scanner et uneimagerie par résonance magnétique pour étudier les extensionstumorales.

En l’absence de contre-indication (envahissement cérébralet/ou du sphénoïde), le traitement est chirurgical suivi d’uneradiothérapie systématique. La voie mixte neurochirurgicale etrhinologique permet de contrôler parfaitement la lame cribléeet de réaliser son exérèse.

La chimiothérapie d’induction a montré son efficacité. Lesnouvelles techniques de radiothérapie conformationnelle parmodulation d’intensité avec une chimiothérapie concomitantesont intéressantes.

■ Évolution et pronosticLe pronostic dépend de nombreux facteurs. Il est lié au

volume et à la localisation de la tumeur. Un cancer de faiblevolume classé T1 ou T2 a en général un meilleur pronosticqu’un cancer classé T3 ou T4. Un cancer de la corde vocale aun meilleur pronostic qu’un cancer de la base de la langue oudu sinus piriforme. Les cancers des VADS sont très lymphophiles(à part le cancer de stade limité de la corde vocale). La rupturecapsulaire, la multiplicité, la bilatéralité de l’envahissementmétastatique ganglionnaire sont des critères de mauvais pro-nostic. La présence d’adénopathies cervicales métastatiquesaugmente le risque de survenue de métastases systémiques.L’état général et la comorbidité sont des facteurs importants dupronostic. La présence d’une localisation synchrone au niveaudes VADS de l’œsophage ou pulmonaire est également unfacteur de mauvais pronostic.

■ Stratégies actuellesdu traitement des cancers ORL

GénéralitésLes traitements des stades précoces et avancés des cancers des

VADS restent controversés. En fonction du pays, de la culturedes services, de l’expérience du chirurgien cervicofacial et/ou duradiothérapeute, du radiologue, de l’existence d’une réunion deconcertation pluridisciplinaire, de recommandations, de la priseen compte de la qualité de vie, du coût du traitement et dupersonnel soignant spécialisé (infirmières, orthophonistes,diététiciennes, etc.), les traitements proposés ne sont pas lesmêmes dans les différents pays occidentaux. En France, depuis

l’instauration du Plan Cancer, la réunion de concertationpluridisciplinaire et la prise en compte d’un référentiel detraitement sont obligatoires lors de l’établissement de lastratégie thérapeutique.

Les résultats des différents traitements sont très difficiles àcomparer. Le premier objectif est le contrôle local. Quel que soitle traitement choisi, il est fondamental d’éviter l’échec local.Dans les cancers du larynx, une conception ancienne tented’expliquer que l’échec local peut être rattrapé par une laryn-gectomie totale. Il a été démontré que seuls 50 % des patientsatteints d’un cancer de stade précoce du larynx traité parradiothérapie et en échec étaient rattrapés par laryngectomietotale [10]. Dans une série de patients atteints d’un cancer dularynx nous avons montré que l’échec local favorisait l’échecganglionnaire et métastatique [11]. Le deuxième objectif est laqualité de vie et la préservation des fonctions physiologiquesdes VADS dont le rôle dans la vie de relation est fondamental.

Traitement des cancers de stade précoceD’une façon générale, le traitement des cancers de stade

précoce T1, T2 est en première intention chirurgical. Le traite-ment des aires ganglionnaires est systématique, sauf pour lescancers de stade précoce de la corde vocale. La chirurgie estproposée en première intention quand il s’agit d’une interven-tion non mutilante. La radiothérapie est utilisée en postopéra-toire chez les patients chez qui l’analyse histopathologique dela pièce opératoire montre une adénopathie en rupture capsu-laire et/ou plusieurs adénopathies envahies. La raison deproposer la chirurgie en première intention est de préserver laradiothérapie pour les localisations métachrones. Ces dernièressurviennent dans 30 % des cas dans les 10 ans [12].

D’une façon schématique, les patients atteints d’un cancer dularynx ou du pharynx de stade précoce peuvent être traités soitpar chirurgie partielle laryngopharyngée, soit par radiochimio-thérapie concomitante. Les techniques chirurgicales sontnombreuses et permettent de préserver les fonctions physiolo-giques du larynx (déglutition, respiration, phonation) [13].Introduite dans les années 1970, la chirurgie minimale invasiveou chirurgie endoscopique au laser CO2 permet de traiter lestumeurs glottique et supraglottique de stade précoce avecd’excellents résultats. Depuis les années 1990, cette technique aété diffusée par différentes équipes chez des patients sélection-nés atteints d’un stade avancé de tumeur glottique et/ousupraglottique, le plus souvent complétée par une radiothérapiepostopératoire. La chirurgie par voie endoscopique au laserpermet de diminuer les durées d’hospitalisation et de la morbi-dité postopératoire, elle évite la trachéotomie le plus souvent, etau total elle permet une diminution du coût de la prise encharge. La qualité de la voix serait également meilleure que parchirurgie par voie externe [13-16].

Le traitement des cancers de stade précoce de la cavité oraledépend de la localisation et du volume de la tumeur.

Les cancers de la langue mobile et du plancher buccal classésT1, T2 situés à distance de la mandibule peuvent être traités parcuriethérapie interstitielle ou par exérèse-chirurgie le plussouvent par voie endobuccale : glossectomie ou pelviglossecto-mie. Les tumeurs proches de la mandibule sont toujours traitéeschirurgicalement en première intention compte tenu du risqued’ostéoradionécrose.

Le traitement des cancers de l’oropharynx reste controversé,soit chirurgical, soit par radiochimiothérapie concomitante, soitleur association. La radiothérapie est d’autant plus efficace quela tumeur est indifférenciée et que le volume tumoral est faible.Le traitement chirurgical est fonction du volume tumoral et del’extension, allant de la simple résection par voie endobuccalejusqu’aux résections plus étendues par voie transmandibulaireet/ou pharyngée, avec ou sans reconstruction par lambeauxmusculaires ou musculocutanés ou lambeaux libresmicroanastomosés [17].

Traitement des cancers de stade avancéLe traitement des cancers de stade avancé classés T3 T4 est

soit chirurgical, soit par radiochimiothérapie concomitante, soit

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l’association des deux traitements en fonction de la localisationet du volume tumoral. Le traitement des aires ganglionnaires estsystématique pour toutes les localisations.

La grande majorité des carcinomes épidermoïdes est le plussouvent diagnostiquée à un stade avancé. Au début des années1980, l’introduction des sels de platine et le développement dela chimiothérapie néo-adjuvante ont permis de démontrer leurchimiosensibilité avec des taux de réponse complète estimésentre 20 % et 54 %. Cette chimiosensibilité est à l’origine dudéveloppement des « protocoles de préservation d’organe » dansles cancers avancés du larynx et du pharynx. Depuis les années1990, l’utilisation d’une chimiothérapie d’induction afin desélectionner les patients bons répondeurs pour les traiter parradiothérapie et actuellement par radiochimiothérapie conco-mitante a montré son intérêt [18-21]. Plusieurs publications ontégalement montré que cette chimiothérapie permettait dediminuer le taux de métastases à distance [20, 21]. Cette dernièrenotion particulièrement importante nécessite de considérer lepatient atteint d’un cancer de stade avancé comme atteintd’une « maladie générale » et non comme dans les stadesprécoces d’une maladie locorégionale.

L’introduction des taxanes et surtout du Taxotère® dans lescancers des VADS a permis de relancer les buts de la chimiothé-rapie d’induction [22, 23] : augmenter le contrôle locorégional,augmenter le nombre de patients bons répondeurs pour lesinclure dans des protocoles de préservation d’organe et dimi-nuer le taux de métastases à distance : au total augmenter lasurvie en préservant la qualité de vie. Ces protocoles ontégalement été appliqués aux patients atteints de cancers destade avancé de la cavité orale et de l’oropharynx. Après avoirobtenu des taux de réponse chez des patients en échecs locoré-gionaux et/ou métastatiques, le docétaxel (Taxotère®) a étéutilisé dans plusieurs essais randomisés en induction et a faitl’objet de deux publications internationales. Les résultatsrapportés dans les deux études sont concordants et montrent unnet bénéfice pour le groupe traité par le protocole associantTaxotère® et cisplatine (bras TPF) par rapport au bras cisplatineet 5-FU (PF) en termes oncologiques sans augmentation de latoxicité en faveur du bras TPF [22, 23].

De nouveaux traitements au mode d’action spécifique outhérapie ciblée contre les facteurs de croissance épidermique(EGFR) sont actuellement développés.

Il a été démontré au début des années 1980 que les cellulesdes carcinomes épidermoïdes des VADS surexpriment l’EGFRdans 90 % à 100 % des cas. Ce facteur de la famille HER/ErbBdes tyrosines kinases est impliqué dans la régulation de plu-sieurs processus néoplasiques tels que l’activation du cyclecellulaire, l’inhibition de l’apoptose, l’angiogenèse, la mobilitécellulaire et le pouvoir métastatique [24].

La principale molécule développée comme thérapie ciblée encancérologie ORL est le cetuximab (Erbitux®). Cette moléculedont l’efficacité a été initialement démontrée dans les cancerscolorectaux est un anticorps monoclonal spécifique d’EGFR.

L’Erbitux® a eu l’autorisation de mise sur le marché (AMM)en 2006 pour le traitement des cancers des VADS de stadeavancé en association avec la radiothérapie. L’AMM a suivi l’unedes publications, celle de Bonner et al. dans le New EnglandJournal of Medecine en 2006 [25]. Il s’agit d’un essai de phase IIImulticentrique randomisé qui a comparé la radiothérapie seuleet l’association radiothérapie et cetuximab dans une cohorte de424 patients atteints d’un cancer des VADS de stade avancé.L’association de cetuximab a permis d’obtenir une augmenta-tion significative de la durée de contrôle locorégional parrapport aux patients traités par radiothérapie seule et de ladurée de survie globale. Il n’a pas été rapporté une augmenta-tion d’effets indésirables chez les patients traités par l’associa-tion tels que les mucites, la xérostomie et les troubles de ladéglutition. Cependant, le cetuximab favorise la survenue derash acnéiforme nécessitant une adaptation des doses coupléeparfois à la prescription d’une antibiothérapie et d’une cortico-thérapie locale.

L’introduction des taxanes et des thérapies ciblées et, dans lefutur, de nouvelles thérapies ciblées et d’antiangiogéniques,modifie la stratégie des cancers de stade avancé en proposantdes traitements moins mutilants dans le cadre des protocoles de« préservation d’organe » et en traitant le cancer comme unemaladie générale.

Cependant, pour certaines localisations de la cavité orale oude l’oropharynx avec atteinte osseuse mandibulaire, certaineséquipes proposent une intervention chirurgicale en premièreintention avec résection osseuse et reconstruction par lambeaulibre composite. Ces lambeaux associant os, muscle et peau (telle lambeau de péroné) peuvent secondairement permettre uneréhabilitation dentaire par implants [17].

■ SurveillanceLa surveillance post-thérapeutique des cancers des VADS est

nécessaire. Elle ne doit pas se contenter de rechercher unerécidive locorégionale et/ou une localisation métachrone et/oudes localisations secondaires. Elle doit évaluer les séquelles de lamaladie et des traitements et proposer une prise en chargemultidisciplinaire adaptée des douleurs, des troubles de ladéglutition et de la phonation, des conséquences psychologi-ques, de la qualité de vie et ainsi permettre la réinsertion dansle milieu familial et professionnel.

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3 j  Chapter Title 99

Etiologie, pathogénie et tableau clinique

Âge

L’âge du patient peut orienter le diagnostic. Les tuméfac­tions cervicales chez les nourrissons et les enfants sont généralement des anomalies des fentes branchiales, des kystes du conduit thyréoglosse, des hémangiomes, des lymphangiomes ou des adénopathies bénignes. Chez les adolescents et les jeunes adultes avec malaise et pharyngite, l’adénopathie cervicale est souvent signe de mononucléose infectieuse. Une masse unique, volumineuse, enflammée située dans la partie antérolatérale du cou qui se développe après une infection respiratoire supérieure dans ce groupe d’âge suggère qu’il s’agit d’un kyste d’une fente branchiale. La maladie de Hodgkin peut se manifester par de multiples adénopathies de consistance ferme mais non pierreuse, situées à la base du cou, accompagnées de sueurs noctur­nes, de fièvre et de malaise. Un cancer métastasique, des lymphomes et des infections ou des tumeurs d’une glande salivaire sont des causes fréquentes de tuméfactions cervi­cales chez les adultes plus âgés (voir l’encadré 16.1).

Histoire

Les antécédents permettent de limiter le diagnostic dif­férentiel. Des processus infectieux se développent en général en quelques heures ou quelques jours et sont associés à de la fièvre et aux signes classiques d’inflamma­tion locale : douleur, rougeur et chaleur. Les patients ont

souvent souffert un peu avant d’une infection dentaire ou des voies respiratoires supérieures. Des kystes congéni­taux infectés peuvent s’être agrandis en d’autres occasions et avoir été guéris par un traitement antibiotique. Une infection de la glande submandibulaire fluctue, est aggra­vée par l’ingestion et laisse un goût fétide dans la bouche à la décompression de la glande. La maladie de Hodgkin s’accompagne de sueurs nocturnes, de malaise, de déman­geaisons et de fièvre. Les patients atteints de la maladie des griffes de chat ont des antécédents de contact avec cet animal.

Un épithélioma spinocellulaire métastatique des voies aérodigestives supérieures survient généralement chez les patients ayant des antécédents de tabagisme important et souvent d’abus d’alcool. Odynophagie (douleur pharyngée ou œsophagienne à la déglutition), dysphagie, dyspnée, otalgie, troubles vocaux et amaigrissement sont suggestifs de tumeur primaire. Les patients atteints de métastases provenant de sites distants peuvent rapporter des symptô­mes dus à la tumeur d’origine : toux, hémoptysie, douleurs abdominales, rectorragie, saignements utérins anormaux ou difficultés urinaires. Les tumeurs des glandes salivaires sont généralement indolores et se développent lentement, mais des cancers à malignité élevée peuvent croître rapide­ment. Des tumeurs malignes des glandes parotides provo­quent parfois une paralysie du nerf facial. Les schwannomes, les paragangliomes, les kystes dermoïdes et d’autres tumeurs bénignes grandissent habituellement lentement, causent peu de symptômes et sont découverts par hasard.

Introduction

Les causes des tuméfactions cervicales comprennent entre autres des malformations congénitales, des infec-tions et des lésions néoplasiques (figure 16.1 et encadré 16.1). En portant une attention particulière à l’histoire du patient, à l’examen physique et à des examens de laboratoire et d’imagerie bien choisis, le médecin peut généralement poser un diagnostic correct rapidement et efficacement.

Tuméfactions cervicales chez les adultes

Mark C. Weissler • Charles S. Ebert Jr

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Examen physique

L’examen de la tête et du cou doit inclure celui des oreilles, du nez, de la cavité buccale, de l’oropharynx, du nasopha­rynx, de l’hypopharynx et du larynx. Chez les enfants, une anesthésie générale peut parfois être requise afin de réaliser un examen adéquat. Le laryngoscope à fibre optique est utile chez les patients au réflexe laryngé trop vif. L’auscultation des poumons et de la tuméfaction cervicale peut fournir des données importantes. La présence d’adéno pathies cervicales, axillaires et inguinales et d’une hépatosplénomégalie peut renforcer une suspicion de lym­phome. Les examens mammaires, rectaux et pelviens se justifient dans de nombreux cas.

La consistance de la tuméfaction et sa localisation sont très utiles pour orienter le diagnostic. Un épithélioma spi­

nocellulaire métastatique est de consistance ferme et devient fixe à un stade avancé. À la palpation, une simple adénopathie ou un lymphome paraissent caoutchouteux ou mous, tandis que les kystes branchiaux ou autres sont fluc­tuants. Des ganglions lymphatiques infectés ou des kystes congénitaux sont tendus. Les tuméfactions infectées s’atta­chent à la peau sus­jacente et tendent vers une forme acu­minée ; elles sont souvent chaudes et sensibles à la douleur ; la peau qui les recouvre est érythémateuse. Les hémangio­mes capillaires sont généralement plats et ont une colora­tion rose ou rouge, tandis que les hémangiomes caverneux sont épais, violacés ou bleuâtres ; leur consistance est celle d’un kyste relativement mou.

Les kystes du conduit thyréoglosse se situent sur ou près de la ligne médiane du cou, la plupart étant au­dessous du

Un nodulecervical est souventle signe précoce d’uncarcinome du larynxextrinsèque

Abcès de la région sous-mandibulaire

Anginede Ludwig

Actinomycose

Figure 16.1 Tuméfactions cervicales chez les adultes.

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niveau de l’os hyoïde. Les tuméfactions sur la ligne médiane de la zone sous­mentonnière peuvent être des kystes der­moïdes ou des tératomes ; une ranula1 plongeante peut également être présente dans cette zone. Les tuméfactions de la région submandibulaire peuvent se développer à la suite d’une sialadénite, d’une néoplasie d’une glande sub­mandibulaire ou peuvent être des ganglions lymphatiques submandibulaires hypertrophiés à cause d’une infection ou d’une métastase (le plus souvent un épithélioma spino­cellulaire de la cavité buccale).

Des ganglions dans le triangle postérieur suggèrent la présence d’un épithélioma spinocellulaire du nasopharynx. Les ganglions lymphatiques jugulaires supérieurs sont élargis le plus souvent dans les cas de pharyngite et sont fréquemment le premier site de métastase pour les cancers

oropharyngés. Des ganglions supraclaviculaires élargis sont suggestifs d’une maladie de Hodgkin ou de métastases d’une tumeur thoracique ou abdominale. Des tuméfactions dans la partie basse et antérieure du cou ont souvent une relation avec une maladie thyroïdienne.

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel d’une tuméfaction cervicale est vaste. Une manière utile de classer les processus patholo­giques potentiels combine l’origine tissulaire et le type de maladie (voir l’encadré 16.1).

Lésions congénitales

Des tuméfactions cervicales congénitales peuvent apparaî­tre dans la petite enfance ou plus tard dans la vie. Le plus souvent, il s’agit d’anomalies des fentes branchiales ou des kystes du conduit thyréoglosse. Des sinus branchiaux, ou des fistules, apparaissent à la naissance comme de petits points de drainage au bord antérieur du muscle sterno­cléido­mastoïdien dans la zone préauriculaire. Les kystes des fentes branchiales se manifestent chez les jeunes adul­tes, généralement pendant ou après une infection aiguë des voies respiratoires supérieures. Le kyste se développe comme une zone douloureuse, chaude, molle ou fluc­tuante au bord antérieur du muscle sterno­cléido­mastoï­dien ; il peut entraîner un abcès profond du cou ou de la cellulite. L’exérèse chirurgicale est généralement néces­saire. Les kystes du conduit thyréoglosse surviennent dans ou près de la ligne médiane du cou, légèrement au ­dessous du niveau de l’os hyoïde ; en s’étendant vers le haut, ils causent une protrusion de la langue. Ils représentent les vestiges de la glande thyroïde conservés après la descente de la glande à partir de son origine proche du foramen caecum de la langue jusqu’à son emplacement paratra­chéal définitif. Les kystes dermoïdes se développent sou­vent sous le menton. Ces kystes congénitaux peuvent se manifester de manière aiguë quand ils sont infectés (géné­ralement pendant ou après une infection des voies respi­ratoires supérieures) ou de manière chronique (comme des tuméfactions kystiques du cou) au cours de la vie de jeunes adultes.

Des hémangiomes capillaires et caverneux sont des tumeurs bénignes, généralement évidentes à la naissance ou peu après. Les hémangiomes capillaires (taches de vin) ne régressent pas de façon significative avec l’âge. Récemment, la thérapie au laser pigmentaire a donné de bons résultats. Les hémangiomes caverneux peuvent régresser de façon significative avec l’âge et, par conséquent, la meilleure atti­tude est de « regarder et attendre ». Un traitement précoce trop agressif peut occasionner des dommages inutiles aux structures normales. La chirurgie est réservée aux héman­giomes qui saignent, qui obstruent les voies respiratoires ou digestives et à ceux qui n’ont pas régressé de manière significative à la fin de l’âge préscolaire.

Encadré 16.1 Diagnostic différentiel des tuméfactions cervicales

Lésions congénitalesj Anomalies des fentes branchialesj Kystes du conduit thyréoglossej Lymphangiomesj Kystes dermoïdes

Lésions néoplasiquesj Épithélioma spinocellulaire métastatique et autresj Glandes salivairesj Lymphomes (hodgkiniens et non hodgkiniens)j Neurogènes (schwannomes et neurofibromes)j Paragangliomes (tumeurs du corps carotidien et tumeurs

glomiques)j Thyroïde (carcinomes et goitre)j Néoplasmes parathyroïdiensj Tératomes

Lésions inflammatoiresj Abcès

j Angine de Ludwigj Abcès de Bezoldj Lymphadénopathie suppurativej Infection profonde du cou

j Infectieusesj Sialadénitej Lymphadénite bénigne et lymphadénopathiej Tuberculose atypiquej Tuberculosej Maladie des griffes du chat (Bartonella henselae)j Actinomycosej Mycosej Mononucléosej Ranulaj Autres

Autres lésionsj Anévrisme carotidienj Kyste d’inclusion épidermique et dermiquej Laryngocèlej Diverticule œsophagien

1 Kyste mucoïde du plancher de la bouche. (N.d.T.)

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Les lymphangiomes caverneux ou les hygromas kysti­ques apparaissent comme des masses charnues et molles. Bien que bénins, les lymphangiomes chez les nourrissons tendent à infiltrer les tissus et peuvent causer des symptô­mes obstructifs nécessitant une excision chirurgicale. L’extirpation totale n’est généralement pas possible, le chirurgien devant respecter les structures normales voisi­nes. Chez l’adulte, le caractère infiltrant est souvent moins accusé, ce qui permet une excision chirurgicale définitive.

Lésions néoplasiques

L’épithélioma spinocellulaire des voies aérodigestives supé­rieures métastasant dans des ganglions lymphatique cervi­caux est la cause la plus fréquente d’une masse unilatérale dans le cou d’un homme d’âge moyen ou plus âgé ayant des antécédents de tabagisme. Les autres tumeurs com­prennent des carcinomes des glandes salivaires, parotide ou submandibulaire, des lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens, des tumeurs neurogènes (schwannomes et neurofibromes) et des paragangliomes (tumeurs du corps carotidien et tumeurs glomiques).

L’épithélioma spinocellulaire métastasant dans le cou est souvent originaire de la cavité buccale, du pharynx, du larynx, mais peut provenir de la peau ou de sites plus dis­tants. Les ganglions impliqués sont généralement de consistance ferme, et bien que d’abord mobiles, ils se fixent aux structures voisines lorsque le cancer s’étend au­delà des capsules ganglionnaires. Dans les cas avancés, l’envahisse­ment s’étend à plusieurs ganglions et devient bilatéral. Habituellement, la chirurgie radicale, avec ou sans radio­thérapie et chimiothérapie, est nécessaire (voir la figure 16.1).

Les tumeurs des glandes salivaires se développent chez des personnes plus âgées. Environ 80 % des néoplasmes de la parotide, surtout les adénomes pléomorphes, sont bénins. La tumeur maligne de la glande parotide la plus fréquente est le carcinome mucoépidermoïde. Environ 50 % des tumeurs de la glande submandibulaire sont béni­gnes. Le néoplasme bénin de la glande submandibulaire le plus fréquent est l’adénome pléomorphe ; la tumeur mali­gne la plus fréquente est le carcinome kystique adénoïde. L’exérèse chirurgicale est souvent nécessaire, avec de la radiothérapie en plus pour les tumeurs malignes avancées.

Les ganglions lymphatiques cervicaux impliqués dans la maladie de Hodgkin ont une consistance plus molle et plus caoutchouteuse que celle d’un épithélioma spinocellulaire. Ils sont souvent situés dans le bas du cou. Le lymphome non hodgkinien apparaît généralement chez les patients âgés. Les ganglions correspondants sont souvent multiples et emmêlés, toujours avec une consistance caoutchouteuse plutôt que dure et infiltrante. Elle implique parfois l’an­neau de Waldeyer, ensemble formé par les tonsilles (amyg­dales) palatines, linguales et pharyngiennes (tissu adénoïde). Le diagnostic est confirmé par biopsie. Le traitement

consiste en une radiothérapie, chimiothérapie ou les deux.

Les schwannomes se développent habituellement sur le nerf vague ou le tronc sympathique cervical. La fonction neurale reste généralement normale, car la tumeur pro­gresse très lentement pendant de nombreuses années. L’ablation chirurgicale est souvent recommandée. Les neu­rofibromes cervicaux, souvent multiples, peuvent coexister avec des neurofibromes situés ailleurs et peuvent affecter n’importe quel nerf. Les chirurgiens réservent générale­ment l’excision aux tumeurs solitaires ou à celles qui cau­sent des obstructions ou de graves déformations. La plupart des tumeurs neurogènes sont bénignes, mais une dégéné­rescence maligne a été décrite, généralement marquée par une phase de croissance rapide ou une perte de la fonction nerveuse.

Les paragangliomes sont généralement bénins et parfois multiples ; ces tumeurs très vascularisées s’accompagnent souvent de sons perçus à l’auscultation. Les tumeurs du corps carotidien se situent généralement à la division des artères carotides interne et externe. Les tumeurs glomi­ques jugulaires et vagales, originaires de tissu paragan­glionnaire spécialisé et localisées le long respectivement de la veine jugulaire interne et du nerf vague, érodent souvent l’os temporal et apparaissent en haut du cou derrière l’an­gle de la mandibule. L’ablation chirurgicale est générale­ment recommandée.

Tuméfactions cervicales infectieuses

Elles peuvent être indolentes ou fulminantes. Une simple adénopathie aiguë se produit souvent à l’occasion de pha­ryngite ou sinusite d’origine virale ou bactérienne ou encore d’une infection dentaire. Généralement, ces gan­glions sont mous et régressent dans les jours ou les semai­nes après l’infection aiguë. Une adénopathie suppurative se développe lorsque le centre d’un ganglion se nécrose et forme un abcès, ce qui nécessite le plus souvent une anti­biothérapie et un drainage chirurgical ; une adénopathie suppurative non traitée peut conduire à des infections pro­fondes du cou avec possibilité d’extension au médiastin, ce qui peut être fatal.

Certaines voies d’infection sont suffisamment commu­nes pour leur valoir leur propre identité. L’angine de Ludwig commence par une infection de la cavité buccale d’origine dentaire. L’inflammation et le gonflement sublin­guaux soulèvent la langue et la déplacent vers l’arrière, ce qui peut entraîner une obstruction aiguë des voies respira­toires supérieures (voir la figure 16.1). L’abcès de Bezold se développe quand une infection mastoïdienne s’étend vers le bas dans les tissus profonds du cou. Les infections de ces espaces nécessitent une hospitalisation d’urgence, des antibiotiques par voie intraveineuse et, habituellement, un drainage chirurgical.

Les glandes parotides et submandibulaires peuvent s’in­fecter. La sialadénite aiguë parotidienne touche plus fré­

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quemment les personnes âgées, en particulier en cas de déshydratation ; elle peut aussi être la conséquence d’une sialolithiase. Une dégénérescence kystique de la glande parotide a été décrite chez les patients atteints d’infection par le VIH. Une sialadénite submandibulaire aiguë fait en général suite à une sialolithiase. Souvent, les patients notent un gonflement submandibulaire intermittent lorsqu’ils mangent. La parotidite est habituellement traitée par hydratation, antibiotiques par voie intraveineuse, cha­leur locale, massage et sialagogues. Une sialadénite sub­mandibulaire récurrente requiert souvent une résection de la glande, ce qui s’effectue en dehors d’une poussée infec­tieuse (voir la figure 16.1).

D’autres processus infectieux comprennent notamment la tuberculose atypique (scrofulose), qui doit être traitée par exérèse chirurgicale des ganglions lymphatiques concernés ; la maladie des griffes de chat, qui nécessite fréquemment un drainage chirurgical ; une actinomycose (actinobactériose), qui cause souvent de multiples fistules de drainage chronique d’où sortent des granules jaunâtres, dits de soufre, constitués d’amas bactériens (voir la figure 16.1). De nombreux patients infectés par le VIH dévelop­pent des adénopathies cervicales ; cette complication ne nécessite généralement pas de traitement spécifique à moins qu’il ne s’agisse d’un lymphome, ce qui serait sug­géré par une expansion rapide.

Autres tuméfactions cervicales communes

Il s’agit notamment de structures normales proéminentes, comme le bulbe carotidien (pulsatile) ou une apophyse transverse de la première vertèbre cervicale. Une palpation attentive devrait permettre l’identification de ces structures bilatérales (bien que souvent asymétriques). Un anévrisme carotidien, bien que rare, doit être suspecté si le patient a une masse cervicale expansive ou des antécédents de trau­matisme cervical. Les tuméfactions thyroïdiennes sont très fréquentes. Un gonflement thyroïdien diffus et nodulaire présent depuis de nombreuses années est probablement un simple goitre. Des nodules thyroïdiens solitaires, bien que généralement bénins, peuvent être de nature cancéreuse et, par conséquent, requièrent des examens approfondis. Des kystes d’inclusion épidermique et dermique sont très superficiels et souvent la conséquence d’une inflammation cutanée récurrente.

Démarche diagnostique

Analyses de laboratoire

Des analyses très variées peuvent se révéler utiles. Par exemple, détecter des anticorps hétérophiles révélera une mononucléose chez de jeunes patients avec pharyngite et des adénopathies cervicales plus importantes que celles dues à une simple infection des voies respiratoires supé­

rieures. Les tests sérologiques de l’infection à VIH seront indiqués pour les patients à risque avec de multiples adé­nopathies cervicales ou un gonflement de la parotide. Une cuti­ ou intradermoréaction avec contrôle adéquat permet­tra d’écarter ou d’envisager le diagnostic de tuberculose. Vérifier la fonction thyroïdienne pourrait être utile ainsi d’ailleurs qu’une analyse complète des éléments figurés du sang dont les résultats fourniront des indications utiles dans des contextes nosologiques particuliers.

Imagerie

Des radiographies du thorax peuvent révéler un cancer du poumon, des métastases, fournir des images compatibles avec un lymphome ou la tuberculose, ou montrer une déviation de la trachée. Par la tomodensitométrie (TDM) ou l’imagerie par résonance magnétique, il est possible de bien délimiter les relations anatomiques de la lésion et de révéler peut­être un processus pathologique, comme un cancer primaire des voies aérodigestives. Bien que moins fréquemment utilisée depuis l’avènement de l’examen cytologique après ponction à la fine aiguille, la TDM de la thyroïde s’avère encore utile dans certains cas. Des radiographies antéropostérieures et latérales du cou peu­vent montrer une déviation de la trachée ou un empiéte­ment sur les voies respiratoires (avant ou à la place de la TDM).

Gestes diagnostiques supplémentaires

Les patients doivent subir un examen clinique complet avant toute biopsie. Devant des tuméfactions cervicales suspectes, ils doivent être confiés à un oto­rhino­laryngo­logiste avec formation en chirurgie de la tête et du cou. L’examen cytologique après ponction à l’aiguille fine est très utile. La cytologie a plus de 90 % de sensibilité et de spécificité ; de plus, elle contribue à mieux préparer le patient à une éventuelle intervention ou encore à orienter vers d’autres démarches diagnostiques.

Les patients avec des tuméfactions qui représentent des métastases doivent subir une laryngoscopie directe, une pharyngoscopie, une œsophagoscopie et une bronchosco­pie sous anesthésie avant toute biopsie chirurgicale du cou. Si l’endoscopie ne révèle aucune lésion primaire évidente et surtout si un examen cytologique avait mis en évidence dans le cou un épithélioma spinocellulaire, il faut prélever des biopsies de la base de la langue, des amygdales et du nasopharynx. Si les résultats sont négatifs, le chirurgien peut alors effectuer une biopsie excisionnelle afin d’obtenir des fragments tissulaires qui seront congelés. Si aucune tumeur primaire n’est trouvée, mais si cette biopsie met en évidence sans équivoque un épithélioma spinocellulaire, il faut procéder à un évidement ganglionnaire au moment de la biopsie. L’incidence de tumeurs primitives qui réappa­raissent chez des patients atteints de tumeur maligne des voies aérodigestives supérieures est de 20 %.

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Si une biopsie obtenue après incision ne révèle pas d’épithélioma spinocellulaire, le chirurgien et l’anatomo­pathologiste doivent être prêts à examiner minutieusement les échantillons de tissu. Il faut aussi rechercher par culture des germes aérobies et anaérobies, des bactéries acidoré­sistantes et des champignons. Des fragments de la biopsie doivent être préparés en vue d’analyse immunohistochimi­que ou au microscope électronique en fonction de ce qui a été constaté sur les coupes à congélation.

Soins et traitement

Traitement optimal

La thérapie optimale d’un patient porteur d’une grosseur cervicale requiert un examen approfondi des voies aéro­digestives supérieures. En l’absence de toute cause béni­gne évidente expliquant cette tuméfaction, il est indiqué de la ponctionner au moyen d’une aiguille fine et de procéder à tous les tests diagnostiques que nous venons de mentionner.

Éviter les erreurs de traitement

Tout retard dans le diagnostic d’un cancer des voies aéro­digestives supérieures constitue une erreur grave. Une autre faute serait une biopsie par incision sans recherche préalable approfondie d’une tumeur primitive. En effet, cela pourrait entraîner une propagation de la tumeur dans les tissus contigus. Une ponction à l’aiguille fine en vue de l’examen histologique est la méthode préférée.

Directions futures

De nouvelles modalités de traitement des cancers de la tête et du cou sont nécessaires. Durant de nombreuses années, le traitement principal a été l’excision chirurgicale avec radiothérapie. De nouveaux protocoles qui visent à préser­ver les organes et qui tendent à se répandre consistent en une combinaison de chimiothérapie et de radiothérapie. À un horizon plus ou moins proche, on entrevoit des traite­ments qui seront basés sur la manipulation génique, faisant appel entre autres à des vecteurs adénoviraux, sur l’inhibi­tion de l’angiogenèse tumorale et sur l’immunothérapie par vaccination ou anticorps monoclonaux.

Ressources supplémentaires

Alvi A, Johnson JT. The neck mass : a challenging differential diagnosis. Postgrad Med 1995 ; 97 : 87­90, 93­94, 97.

Cet article général de référence discute de l’importance d’une anamnèse fouillée et du choix adéquat des tests diagnostiques en face de patients porteurs de tuméfactions cervicales.

Schwetschenau E, Kelley DJ. The adult neck mass. American Academy of Family Physicians Website. Accessible à : http://www.aafp.org/afp/20020901/831.html. Consulté le 30 juillet 2006.

Cet aperçu actuel de l’examen qu’un médecin de premier recours doit effectuer en face d’une tuméfaction cervicale chez l’adulte comporte des photographies cliniques et un schéma montrant les différents sites ganglion-naires cervicaux où se distribuent les métastases en fonction de leur cancer d’origine.

Armstrong WB, Giglio MF. Is this lump in the neck anything to worry about ? Postgrad Med 1998 ; 104 : 63­4, 67­71, 75­76.

Cet article de référence donne une vue d’ensemble de l’abord diagnostique des tuméfactions cervicales. L’obtention de l’historique et la réalisation de tous les examens physiques sont des éléments importants de cette démarche, ainsi que l’orientation chez un oto-rhino-laryngologiste si le diagnostic est incertain.

Park YW. Evaluation of neck masses in children. Am Fam Physician 1995;51 : 1904­12 PMID : 7762481.

Cet article à consulter comprend une discussion approfondie de l’évaluation et du diagnostic différentiel des tuméfactions cervicales de l’enfant.

Schuller DE, Nicholson RE. Clinical evaluation and surgical treatment of malignant tumors of the neck. In : Thawley SE, Panje WR, Batsakis JG, Lindberg RD, ed. Comprehensive management of head and neck tumors. 2e éd. Philadelphie : WB Saunders ; 1999. p. 1395­415.

Avec une discussion plus approfondie sous l’angle de l’oto-rhino-laryngologie et de la chirurgie de la tête et du cou, ce chapitre offre une vue d’ensemble complète de l’évaluation et du traitement chirurgical des cancers de la tête et du cou.

Sobol SM, Bailey SB. Evaluation and surgical management of tumors of the neck : benign tumors. In : Thawley SE, Panje WR, Batsakis JG, Lindberg RD, ed. Comprehensive management of head and neck tumors. 2e éd. Philadelphie : WB Saunders ; 1999. p. 1416­49.

Avec une discussion plus approfondie sous l’angle de l’oto-rhino-laryngologie et de la chirurgie de la tête et du cou, ce chapitre offre une vue d’ensemble complète de l’évaluation et du traitement chirurgical des tumeurs bénignes de la tête et du cou.

Données probantes

1. Goldstein DP, Irish JC. Head and neck squamous cell carcinoma in the young patient. Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg 2005 ; 13 (4) : 207­11. PMID : 16012243.

Il s’agit d’un aperçu bref et concis, vu sous l’angle de l’oto-rhino-laryn-gologie, et de la chirurgie de la tête et du cou, d’une nouvelle population de patients (ceux ≤ 45 ans) qui développent des épithéliomas spinocellu-laires de la tête et du cou. Cet article compare les patients de cet âge à la population habituellement considérée et passe en revue les résultats objec-tifs des divers modes de traitement.

2. Back G, Sood S. The management of early laryngeal cancer : options for patients and therapists. Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg 2005 ; 2 : 85­91.

Cet article, vu sous l’angle de l’oto-rhino-laryngologie et de la chirurgie de la tête au cou, évalue les données objectives qui indiquent actuellement quel est le traitement optimal contre les premiers stades de cancer du larynx. Plusieurs modalités thérapeutiques sont disponibles, et les choix thérapeutique doivent prendre en compte la morbidité après traitement, la qualité de vie des patients, la préférence du patient et l’impact sur la qualité vocale.

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Obstruction nasale chronique

J.-F. Papon

L’obstruction nasale chronique est un symptôme très peu spécifique qui représente un motif fréquent deconsultation. Le caractère chronique est affirmé lorsque l’obstruction nasale persiste sur un modepermanent ou intermittent pendant plus de 3 mois. La démarche diagnostique passe par uninterrogatoire exhaustif visant à caractériser précisément l’obstruction nasale ainsi que les signes qui luisont éventuellement associés. L’endoscopie nasale par un praticien oto-rhino-laryngologiste est lepremier examen à demander en cas de doute diagnostique, notamment lors d’une suspicion depathologie tumorale. La synthèse de l’interrogatoire et de l’examen clinique permet de distinguer quatretypes d’étiologies qui sont parfois associées : corps étrangers des fosses nasales, tumeursrhinosinusiennes, pathologies de la muqueuse rhinosinusienne et malformations de la structureostéocartilagineuse. Il faut toujours garder à l’esprit qu’une obstruction nasale peut révéler une tumeurmaligne rhinosinusienne ce qui, en cas de doute (exposition aux poussières de bois, douleurscraniofaciales, épistaxis, déformation faciale, troubles visuels, anesthésie faciale, échec du traitementantibiotique), justifie la réalisation d’une endoscopie nasale et d’une tomodensitométrie du massif facial.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Endoscopie nasale ; Dent sinusienne ; Rhinite allergique ; Rhinite vasomotrice ;Polypose nasosinusienne ; Tumeurs rhinosinusiennes ; Déviation septale

Plan

¶ Introduction 1

¶ Physiopathologie 1

¶ Interrogatoire 2Caractériser les antécédents du patient 2Caractériser précisément l’obstruction nasale 2Caractériser les autres symptômes 2

¶ Examen clinique 2Inspection 2Endoscopie nasale 2

¶ Examens complémentaires 2

¶ Étiologies des obstructions nasales chroniques 3Corps étranger des fosses nasales 3Tumeur rhinosinusienne 3Pathologies de la muqueuse rhinosinusienne 3Malformations des structures ostéocartilagineuses 6

¶ Conclusion 6

■ IntroductionL’obstruction nasale chronique est un symptôme peu spécifi-

que qui représente un motif fréquent de consultation. Sonépidémiologie est mal connue mais elle pourrait concernerjusqu’à 30 % de la population [1]. L’obstruction nasale estdéfinie par un flux aérien nasal insuffisant entraînant uninconfort respiratoire. Le caractère chronique est affirmé lorsque

l’obstruction nasale persiste sur un mode permanent ou inter-mittent pendant plus de 3 mois. L’obstruction nasale chroniquedoit être soigneusement explorée car elle représente un mode derévélation fréquent des tumeurs rhinosinusiennes bénignes etmalignes.

■ PhysiopathologieDans les conditions normales, chez l’adulte, la respiration

nasale est prédominante et, chez le nouveau-né, elle estexclusive comme en témoigne le syndrome de détresse respira-toire observé en cas d’atrésie bilatérale des choanes. Les cavitésnasales vont :• conduire l’air inspiré vers les voies aériennes trachéobronchi-

ques ;• conditionner l’air inspiré (humidification, thermorégulation

et purification) grâce aux vaisseaux et aux cellules épithélialeset immunitaires de la muqueuse ;

• acheminer les particules odorantes vers la muqueuse olfactive.En cas d’obstruction nasale, ces trois fonctions vont donc être

plus ou moins altérées, expliquant les symptômes rhinosinu-siens parfois associés.

Sur le plan physiopathologique, l’obstruction nasale estsecondaire à une diminution du calibre des fosses nasales quipeut dépendre :• de la présence d’un corps étranger nasal ou d’une tumeur

rhinosinusienne ;• d’une variation de l’épaisseur de la muqueuse. À l’état

normal, il existe en permanence un phénomène appelé cyclenasal au cours duquel l’épaisseur de la muqueuse varie en

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sens inverse d’une fosse nasale par rapport à l’autre enchangeant de côté toutes les 3 heures [2]. Ce cycle dépend dudegré de vasodilatation et de vasoconstriction des tissusvasoérectiles présents dans les cornets inférieurs et n’entraînepas de sensation d’obstruction nasale. En revanche, toutepathologie inflammatoire (infectieuse, allergique ou primi-tive) rhinosinusienne peut provoquer un épaississementpermanent de la muqueuse qui, s’ajoutant au cycle nasal,entraîne une obstruction ;

• d’une malformation des structures ostéocartilagineusesdélimitant les cavités nasales : ailes du nez, septum, cornets,paroi intersinusonasale, et choanes. À l’état normal, lamajeure partie de la résistance au passage de l’air se situe auniveau de l’entrée de la fosse nasale (valve nasale). Enconséquence, son rétrécissement, même faible, entraînefacilement une obstruction nasale [3].

■ Interrogatoire [4]

À l’interrogatoire, le motif de la consultation peut êtreexprimé dans un langage varié : « j’ai le nez encombré, j’ail’impression de ne pas bien respirer, j’ai le nez bouché, je respiresans arrêt par la bouche... ». Souvent, les patients confondentune obstruction nasale avec une rhinorrhée et l’interrogatoire sedoit de préciser si le patient ressent réellement une difficulté àrespirer par le nez.

Caractériser les antécédents du patient

Le clinicien doit s’attacher à préciser les antécédents detraumatisme ou de chirurgie craniofaciaux, d’allergie (asthme,eczéma, urticaire, conjonctivite...), de grossesse en cours, depathologie endocrinienne, la notion d’une exposition profes-sionnelle ou privée (animaux, habitat, climatisation, poussièresde bois, irritants type formaldéhyde, ammoniums quaternaires,industrie chimique, frigorifique, agroalimentaire...) et la notiond’une intolérance (anti-inflammatoires non stéroïdiens, sulfitescontenus dans le vin blanc...). Les traitements en cours sontégalement notés en insistant sur la prise de traitements auniveau nasal.

Caractériser précisément l’obstructionnasale

• Ancienneté.• Facteurs déclenchants : traumatiques, posturaux, saisonniers,

hormonaux, alimentaires, chimiques, infectieux...• Côté : uni- ou bilatérale.• Rythme : permanent ou intermittent, lié aux efforts physi-

ques.• Réponse aux traitements déjà effectués.

Caractériser les autres symptômes

Rhinosinusiens

Afin d’affiner le diagnostic étiologique et de guider le bilanclinique et paraclinique, il faut rechercher la présence d’unerhinorrhée et/ou de douleurs craniofaciales et/ou d’une hyper-réactivité nasale (crises d’éternuements, prurit) et/ou d’épistaxiset/ou de troubles de l’olfaction ou du goût.

Extrasinusiens

Les signes régionaux et généraux doivent également êtreprécisés :• oto-rhino-laryngologiques (ORL) : gêne pharyngée, hemmage,

dysphonie, troubles de l’audition ;• extra-ORL : toux, signes oculaires, signes de reflux gastro-

œsophagien, signes généraux (fièvre au long cours, arthral-gies...).

■ Examen clinique [4]

Inspection

L’inspection de la pyramide nasale et de la face peut parfoistrouver une déformation, voire une tuméfaction suspecte. Avanttout examen endonasal, un rétrécissement de la valve nasale estrecherchée, en particulier un pincement des ailes du nez eninspiration forcée et/ou une déviation du bord antérieur duseptum.

La rhinoscopie antérieure est ensuite réalisée à l’aide d’unspéculum nasal ou, à défaut, d’un otoscope. La pulvérisationendonasale d’un vasoconstricteur, en l’absence de contre-indication, permet souvent d’améliorer la visualisation descavités nasales, permettant parfois d’examiner le méat moyen(espace compris entre le cornet inférieur et le cornet moyen). Lebut de la rhinoscopie est d’évaluer l’architecture ostéocartilagi-neuse nasale (ailes du nez, cornets inférieurs, septum), l’aspectde la muqueuse et de chercher une tumeur ou un corps étran-ger. Une rhinoscopie normale ne doit pas éliminer le diagnosticd’obstruction nasale.

L’inspection de la cavité buccale met parfois en évidence unerhinorrhée sur la paroi pharyngée postérieure. De plus, un foyerinfectieux au niveau d’une dent sinusienne (molaire ou prémo-laire de l’arcade dentaire supérieure) doit être recherché. Le restede l’examen ORL est systématique, comprenant un examenotoscopique et, si possible, un examen du larynx.

Endoscopie nasale

Cet examen permet un bilan complet des cavités nasales etdu cavum et peut être proposé en cas de doute diagnostique ouaprès un échec du traitement médical. L’endoscopie est réaliséeen consultation ORL après une préparation des fosses nasales àla Xylocaïne® 5 % à la naphazoline, en l’absence de contre-indication. Au cours de cet examen, des prélèvements orientéspeuvent être réalisés pour étude bactériologique, mycologique,anatomopathologique ou cytologique. Un bilan endoscopiquenormal n’exclut pas le diagnostic d’obstruction nasalechronique.

■ Examens complémentaires

Ils sont orientés par les résultats de l’examen clinique.Cependant, une quantification de l’obstruction nasale estpossible en mesurant les résistances nasales au passage de l’air(rhinomanométrie et débit nasal inspiratoire de pointe) et lecalibre et le volume des cavités nasales (rhinométrie acoustique).

“ À retenir

Physiopathologie de l’obstruction nasalechroniqueDiminution du calibre des fosses nasales secondaire à :• un corps étranger ou une tumeur des fosses nasales• un épaississement de la muqueuse rhinosinusienne :rhinosinusites chroniques• une malformation ostéocartilagineuse : ailes du nez,septum, cornets, choanes

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■ Étiologies des obstructionsnasales chroniques (Fig. 1)(Tableau 1)

Corps étranger des fosses nasales

Chez un enfant, devant une obstruction nasale unilatéralechronique, surtout si elle est associée à une rhinorrhée purulentehomolatérale en l’absence de foyer infectieux dentaire, laprésence d’un corps étranger doit systématiquement être évoquée.L’absence de notion de syndrome de pénétration nasale nepermet pas d’éliminer le diagnostic de corps étranger des fossesnasales. Chez l’adulte, ce diagnostic doit particulièrement êtreévoqué dans les suites à moyen ou long terme d’une chirurgierhinosinusienne. L’examen endoscopique des fosses nasales aprèsvasoconstriction doit être minutieux, nécessitant parfois uneanesthésie générale. Il est souvent difficile en raison d’uneinflammation muqueuse importante entraînant œdème etsaignement au contact. Le traitement repose sur l’ablation ducorps étranger.

Tumeur rhinosinusienne

Toute tumeur bénigne ou maligne des fosses nasales, dessinus ou du cavum peut être révélée par une obstructionnasale, le plus souvent associée à une rhinorrhée purulenteunilatérale et à des douleurs craniofaciales. En conséquence,en l’absence de symptomatologie spécifique, un bilan endos-copique des fosses nasales est indispensable en cas d’obstruc-tion nasale chronique sans étiologie ou associée à des signessuspects (épistaxis, déformation faciale, troubles visuels,anesthésie faciale). En cas de lésion tumorale, une tomoden-sitométrie parfois complétée par une imagerie par résonancemagnétique nucléaire (IRM) du massif facial permet d’orienterle diagnostic et de préciser l’extension locorégionale. Uneanalyse anatomopathologique est ensuite réalisée, pouvantparfois nécessiter une ouverture d’un sinus sous anesthésiegénérale.

Pathologies de la muqueuserhinosinusienne

Rhinite allergique

À l’interrogatoire, il peut exister des antécédents familiaux oupersonnels de pathologie allergique à type d’asthme (66 % à80 % des patients asthmatiques ont une rhinite allergiqueassociée [5]), de dermatite (eczéma, urticaire...) ou deconjonctivite.

Les symptômes débutent le plus souvent pendant l’enfanceou l’adolescence et, selon le type d’allergie, évoluent sur unrythme permanent ou intermittent. Ils associent :• des signes rhinologiques majeurs à type d’obstruction nasale

bilatérale, de rhinorrhée antéropostérieure bilatérale, séreuseou séromuqueuse, d’hyperréactivité nasale (salves d’éternue-ments, prurit nasopharyngé) ;

• des signes rhinologiques mineurs à type de troubles del’olfaction et de céphalées ;

Obstruction nasale chronique

Signes suspects- Déformation faciale- Épistaxis- Troubles visuels- Anesthésie faciale

Non

Causesmuqueuses

Rhinite :- allergique

- non allergique

Polyposenasosinusienne

Sinusiteinfectieusechronique

Corpsétranger

Tumeurrhinosinusienne

Pas de causeCause anatomique- Imperfection choanale

- Anomalies ailes du nez,cloison, cornets

Oui Endoscopie nasale

InterrogatoireExamen clinique

Figure 1. Arbre décisionnel. Diagnostic étiologique de l’obstruction nasale chronique. PNS : polypose nasosinusienne.

Tableau 1.Étiologies et bilan diagnostique devant une obstruction nasale chronique.

Diagnostic évoqué Bilan diagnostique

Corps étrangers Endoscopie nasale, TDM

Tumeursrhinosinusiennes

Endoscopie nasale, TDM

Rhinite allergique Prick test, dosage des IgE spécifiques

Rhinites non allergiques Endoscopie nasale ± cytologie nasale,dosage TSH

Rhinosinusites croûteuses Endoscopie nasale, TDM

PNS et sinusitesinfectieuses

Bilan dentaire, ± TDM, ± endoscopienasale ± bilan immunitaire, ± bilanmucoviscidose et dyskinésie ciliaire

Malformationsostéocartilagineuses

Endoscopie nasale, ± explorationsfonctionnelles, ± TDM

Ig : immunoglobulines ; TSH : thyroid stimulating hormone ; TDM : tomo-densitométrie ; PNS : polypose nasosinusienne.

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• des signes extrarhinologiques : oculaires (hyperémie conjonc-tivale, prurit, larmoiement), prurit des conduits auditifsexternes, troubles du goût, altération de la qualité de vie [6]

(asthénie, manque de concentration, faciès modifié, troublesdu sommeil).L’inspection des fosses nasales n’est pas spécifique et peut

mettre en évidence une augmentation de volume des cornetsinférieurs dont la muqueuse est de couleur typiquement lilas.Cependant, une muqueuse nasale érythémateuse peut égale-ment être observée. Enfin, chez le jeune enfant, la rhiniteallergique est parfois associée à une otite séreuse. Le diagnosticest confirmé par prick tests et/ou tests biologiques identifiant lesimmunoglobulines (Ig) E spécifiques.

La prise en charge thérapeutique repose sur :• la maîtrise de l’environnement : éviction des allergènes et

mesures collectives antipollution ;• le traitement pharmacologique : antihistaminiques locaux ou

généraux qui agissent peu sur l’obstruction nasale. En casd’obstruction nasale importante, une corticothérapie locale,voire à une cure courte de vasoconstricteurs locaux ougénéraux pourront être associés aux antihistaminiques(Tableau 2) ;

• le traitement étiologique par immunothérapie spécifique quidépend de la caractérisation de la rhinite.

Rhinites non allergiques

Hyperréactivité nasale non spécifique : rhinite vasomotrice

Il s’agit de la deuxième cause de rhinite chronique après larhinite allergique [7]. Les symptômes sont secondaires à unehyperréactivité non spécifique des fibres sensitives de lamuqueuse nasale ou à un déséquilibre de l’activitésympathique/parasympathique. À l’interrogatoire, le patient seplaint d’une obstruction nasale souvent intermittente. Celle-ciest associée de façon variable à une rhinorrhée antérieure et/oupostérieure séreuse bilatérale, des salves d’éternuements, desdouleurs craniofaciales et des symptômes de reflux gastro-œsophagien [8]. Parfois, les symptômes sont déclenchés par unfacteur non spécifique tel que l’exposition au froid, les effortsphysiques, certaines odeurs, les aliments épicés, les émotions, lestress, le décubitus... Cependant, le facteur déclenchant n’est pastoujours identifiable. À l’inspection des fosses nasales, lamuqueuse peut être normale ou érythémateuse et/ou œdéma-tiée et/ou hypersécrétrice.

Bien que certains tests diagnostiques soient en cours dedéveloppement [9], la rhinite vasomotrice est évoquée lorsquetoutes les causes infectieuses, allergiques, anatomiques oumédicales ont été éliminées. Un dosage de thyroid stimulatinghormone (TSH) permet parfois de découvrir une hypothyroïdieau cours de laquelle la rhinite vasomotrice serait due à unediminution de l’activité sympathique. Une cytologie de lamuqueuse nasale peut être réalisée, ne trouvant pas d’inflam-mation spécifique. Le traitement repose sur les anticholinergi-ques locaux (Tableau 2).

Rhinite médicamenteuse

Il s’agit d’une rhinite chronique liée à une dépendancesecondaire à l’application endonasale prolongée de substancesvasoconstrictrices. La consommation de cocaïne agit par lemême mécanisme et son usage est associé à une augmentationimportante des cas de rhinite médicamenteuse [10].

Comme dans la rhinite vasomotrice, elle comporte unehyperréactivité nasale secondaire à une interaction entre letraitement décongestionnant et le système nerveux autonome.Sur le plan clinique, il s’agit d’une perte progressive de l’effetdes décongestionnants dont la durée d’action se raccourcit, pour

“ À retenir

Éléments faisant suspecter une tumeurrhinosinusienne devant une obstruction nasale• Antécédents d’exposition aux poussières de bois• Signes cliniques unilatéraux :

C déformation faciale ;C troubles visuels ;C anesthésie faciale ;C épistaxis.

• Échec des traitements médicaux (antibiotiques,traitements locaux)• Visualisation d’une tuméfaction en rhinoscopie

Tableau 2.Principales thérapeutiques locales utilisées dans le traitement d’une obstruction nasale chronique.

Pharmacodynamie Action Indications

Anticholinergique

Ipratropium bromure (Atrovent nasal®) Traitement de la rhinorrhée Rhinite vasomotrice

Rhinites allergiques

Antihistaminique H1

Azélastine (Allergodil®, Prorhinite®) Traitement de la rhinorrhée, des éternuements et du prurit Rhinites allergiques

Corticoïdes

Béclométasone (Béconase®)

Fluticasone (Flixonase®)

Triamcinolone acétonide (Nasacort®)

Flunisolide (Nasalide®)

Mométasone furoate (Nasonex®)

Tixocortol (Pivalone suspension nasale®)

Budésonide (Rhinocort®)

Traitement anti-inflammatoire, actif sur l’obstruction nasale Rhinites allergiques

NARES

PNS

Vasoconstricteurs

Oxymétazoline (Aturgyl®, Pernazène®)

Éphédrine (Rhinamide®, Rhino-sulfuryl®)

Tuaminoheptane (Rhinofluimucil®)

Décongestionnant Rhinites et sinusites

avec obstruction nasale

Vasoconstricteurs + corticoïdes

Naphazoline + prédnisolone (Dérinox®)

Oxymétazoline + prednisolone (Déturgylone®)

Décongestionnant + anti-inflammatoire

NARES : rhinite à éosinophiles ; PNS : polypose nasosinusienne.

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aboutir finalement à une obstruction nasale chronique trèsinvalidante associée à une rhinorrhée qui ne répondent plus àces sympathicomimétiques.

De même, tous les agents pharmacologiques systémiquesayant une interaction avec le système nerveux autonome sontsusceptibles d’induire une rhinite médicamenteuse. Il peuts’agir : des antihypertenseurs, des inhibiteurs de l’enzyme deconversion de l’angiotensine et des b-sympathicomimétiques.

La prise en charge thérapeutique de la rhinite médicamen-teuse repose sur le sevrage du traitement décongestionnant,toujours difficile à obtenir. La prescription de lavages des fossesnasales au sérum salé iso- ou hypertonique et de corticostéroïdeslocaux peut aider au sevrage (Tableau 2). Le traitement préventifest fondamental en limitant les prescriptions de décongestion-nants à des cures de moins de 10 jours et moins de deux curespar mois. En dehors du risque de rhinite médicamenteuse, leurutilisation abusive peut, de plus, masquer le développement denombreuses pathologies endonasales et en particulier celuid’une tumeur.

Autres rhinites non allergiques [7]

Il peut s’agir de la rhinite à éosinophiles ou non allergicrhinitis with eosinophilic syndrome (NARES) dont la symptomato-logie est caractérisée par la présence fréquente de troubles del’olfaction associés à une symptomatologie de rhinite vasomo-trice. L’inspection des fosses nasales n’est pas spécifique,pouvant mettre en évidence un œdème localisé de la muqueuseau niveau du méat moyen. Le diagnostic repose sur l’absenced’allergie et la prédominance de polynucléaires éosinophiles(> 20 %) dans la cytologie nasale. Le traitement est basé sur lacorticothérapie locale (Tableau 2).

Les rhinites hormonales sont observées au cours de lagrossesse, pendant la période prémenstruelle et au cours decertains traitements contraceptifs ; les symptômes seraientsecondaires à l’élévation sanguine du taux de progestéroneentraînant une congestion muqueuse. Dans les formes trèsinvalidantes, une prescription de corticothérapie nasale peutêtre associée à des décongestionnants locaux (Tableau 2).

Les rhinites irritatives sont observées au cours de l’expositionà la fumée de tabac et/ou à des toxiques professionnels :poussières (travail du bois) ou substances chimiques (formaldé-hyde, chlorophénol, peintures, parfums...).

Polypose nasosinusienne primitive [11]

La polypose nasosinusienne est une forme particulière desinusite chronique caractérisée par le développement bilatéral etmultifocal de polypes. Elle peut s’associer à un asthme, voire àune intolérance à l’aspirine (maladie de Fernand Widal). Parmiles symptômes rhinosinusiens, l’obstruction nasale bilatérale estassociée à des troubles de l’odorat, très fréquents dans lapolypose nasosinusienne. La tomodensitométrie des sinus n’estpas systématique car la clinique suffit en général pour porter lediagnostic. Les tests allergologiques sont intéressants en casd’allergie suspectée dont la prise en charge est associée autraitement de la polypose nasosinusienne. Les explorationsfonctionnelles respiratoires avec éventuel test de provocation àla métacholine recherchent une hyperréactivité bronchique.

La polypose nasosinusienne étant une maladie de lamuqueuse, son traitement est avant tout médical, reposant surla corticothérapie locale continue (Tableau 2) parfois complétéepar une corticothérapie générale en cure courte (1 mg/kgd’équivalent prednisone sur 10 jours maximum) qui ne doit pasêtre répétée plus de trois fois par an. Les antibiotiques ne sontutiles qu’en cas de surinfection évidente. Les antihistaminiquesn’ont pas d’indication dans la polypose nasosinusienne maispeuvent être intéressants en cas d’allergie associée. Le traitementchirurgical est indiqué dans les polyposes nasosinusiennesinvalidantes et résistantes à un traitement médical bien conduit,bien observé et suffisamment prolongé (au moins 4 mois). Lepatient doit être clairement informé que la chirurgie n’est pasun traitement curatif et qu’elle nécessite, pour être efficace,d’être suivie d’une corticothérapie locale prolongée.

Sinusites infectieuses chroniques

Origine dentaire [12]

Il s’agit d’une sinusite maxillaire parfois associée à uneatteinte frontale et/ou ethmoïdale antérieure. L’obstructionnasale est en général unilatérale et associée à une rhinorrhéepurulente homolatérale. L’examen des dents de l’arcade maxil-laire homolatérale peut révéler une carie, une douleur à lapercussion, au chaud ou au froid. Du pus au collet de la dentest également très évocateur. Une imagerie dentaire est souventréalisée pouvant comporter des clichés occlusifs, un orthopan-tomogramme ou une tomodensitométrie.

La prise en charge est réalisée en milieu spécialisé compre-nant des soins dentaires et, le plus souvent, une antibiothérapie.

Origine fongique [13, 14]

Dans la cavité sinusienne, l’agent fongique forme uneconcrétion (balle fongique) posée sur la muqueuse qui peutrester strictement normale ou au contraire présenter uneréaction inflammatoire importante. La cause exacte de cettepathologie demeure inconnue. En France, l’agent fongique leplus fréquemment en cause est Aspergillus fumigatus. L’obstruc-tion nasale est en général unilatérale et associée à une rhinor-rhée purulente homolatérale. Les localisations maxillaires sontles plus fréquentes puis les formes sphénoïdales. La tomodensi-tométrie est évocatrice devant une opacité centrée par un aspectde pseudocorps étranger comblant plus ou moins complètementla cavité sinusienne.

Le traitement est chirurgical, basé sur l’exérèse de la ballefongique.

Origine rhinologique [15]

En l’absence d’une des étiologies décrites précédemment, ilest possible que certains patients « autonomisent » leur infec-tion mais ce diagnostic doit être fondé sur une période desurveillance afin d’éliminer toutes les autres causes en incluantdes prélèvements bactériologiques.

Sinusites diffuses

L’obstruction nasale est le plus souvent bilatérale, associée àune rhinorrhée purulente chronique bilatérale, des troubles del’olfaction et des douleurs craniofaciales. L’inspection des fossesnasales permet de confirmer la suppuration diffuse et de préciserl’anatomie des fosses nasales et l’aspect de la muqueuse. Lebilan complémentaire comporte une tomodensitométrie dumassif facial afin de préciser l’extension et le retentissement del’infection. Un prélèvement bactériologique du méat moyen estsouvent utile, surtout après des antibiothérapies répétées. Lesautres examens complémentaires sont orientés en fonction del’étiologie suspectée :• polypose nasosinusienne primitive infectée ;• origine dentaire ;• origine rhinologique ;• origine dysimmunitaire : les déficits immunitaires congéni-

taux ou acquis peuvent se compliquer d’une sinusite chroni-que avec suppuration diffuse. Un diabète ou uneséropositivité au virus de l’immunodéficience humaine (VIH)peuvent parfois être révélés par une sinusite chronique. Plusrarement, une électrophorèse des protides peut révéler unebaisse des gammaglobulines conduisant ensuite à des dosagesplus spécifiques. Enfin, certaines maladies de système (mala-die de Wegener, maladie de Churg et Strauss, sarcoïdose...)peuvent être révélées ou compliquées par une sinusitechronique ;

• origine génétique : beaucoup plus rarement, une sinusitechronique diffuse peut révéler une mucoviscidose ou unedyskinésie ciliaire primitive. Ces pathologies sont le plussouvent évoquées chez l’enfant mais peuvent parfois êtredécouvertes chez un adulte, d’autant plus que la sinusite estassociée à une dilatation des bronches et/ou un trouble de la

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fertilité et/ou une malposition viscérale. L’examen cliniquemet typiquement en évidence une suppuration diffuseassociée à des polypes. En l’absence d’orientation clinique,une recherche de mucoviscidose est réalisée en premièreintention par le test de la sueur souvent complété par unemesure de la différence de potentiel transépithéliale nasale etune étude génétique. Si la mucoviscidose est éliminée, lebilan est complété par une recherche de dyskinésie ciliaireprimitive qui repose sur le test de transport de la saccharineet les études du mouvement et de la structure ciliaires.

Rhinosinusites croûteuses [16]

L’obstruction nasale est uni- ou bilatérale, associée à unerhinorrhée croûteuse. L’interrogatoire recherche en priorité descauses locales (agression physique ou chimique), l’apparitionrécente d’une déformation de l’arête nasale (ensellure), unedouleur, des épistaxis et surtout la notion de symptômesgénéraux (arthralgies, myalgies, fièvre, amaigrissement). L’exa-men clinique, souvent complété par une tomodensitométrie,permet de distinguer :• la rhinite croûteuse au cours de laquelle les croûtes s’associent

souvent à une rhinorrhée purulente et une odeur fétide. Ellepeut constituer une complication d’une chirurgie rhinosinu-sienne ou une infection spécifique appelée ozène, rarementobservée en France. L’inspection des fosses nasales met enévidence une atrophie des cornets, une muqueuse amincie etérythémateuse saignant facilement au contact. Parfois, uneperforation septale et des déformations de la pyramide nasalepeuvent être observées. La tomodensitométrie ne montrepratiquement pas d’extension sinusienne. Le diagnosticd’ozène repose sur l’absence d’antécédent chirurgical, lanégativité de l’analyse anatomopathologique des biopsies demuqueuse nasale et la présence de Klebsiella ozenae sur lesanalyses microbiologiques ;

• la rhinosinusite croûteuse observée au cours de la tuberculoseou de certaines maladies de système (sarcoïdose, maladie deWegener, maladie de Churg et Strauss...). La présence decroûtes nasales et/ou d’ulcérations et/ou d’un granulomemuqueux lors de l’examen clinique doit faire évoquer lediagnostic. La tomodensitométrie des sinus peut mettre enévidence des zones d’ostéolyse, cependant inconstante. Leplus souvent, la rhinosinusite chronique s’accompagne designes généraux et/ou fait partie d’une atteinte multiviscéralequ’il faut savoir rechercher lorsque la pathologie systémiquen’est pas connue. L’analyse anatomopathologique des biop-sies de muqueuse nasale a une place fondamentale dans lediagnostic étiologique, basé sur un faisceau d’argumentscliniques et paracliniques.

Malformations des structuresostéocartilagineuses

Imperforation choanale unilatérale

Elle est le plus souvent observée chez l’enfant. L’obstructionnasale unilatérale est associée à une rhinorrhée purulentehomolatérale. Le diagnostic repose sur l’endoscopie nasale et latomodensitométrie. Le diagnostic d’imperforation choanalenécessite un bilan général car, dans 40 % des cas, elle s’intègredans un syndrome polymalformatif (malformations craniofacia-les, otologiques, nerveuses, ophtalmologiques, laryngotrachéa-les, cardiaques, digestives, urinaires) [17]. Le traitement estchirurgical.

Autres anomalies anatomiques

L’obstruction nasale uni- ou bilatérale est le plus souventisolée et ancienne. La présence de signes associés, en l’absencede pathologie muqueuse, doit faire rechercher une tumeurrhinosinusienne pouvant être masquée par l’anomalie anatomi-que obstructive.

Les anomalies anatomiques peuvent être combinées et unantécédent de traumatisme nasal et/ou de chirurgie rhinosinu-sienne peut être trouvé. Elles peuvent concerner :• les cartilages des ailes du nez (alaire et triangulaire) qui

peuvent être pincés (nez sous tension) ou se collaber lors del’inspiration forcée ;

• le septum nasal (Fig. 2), dont la déformation isolée estrarement une cause d’obstruction nasale en dehors desdéviations majeures et/ou antérieures (rétrécissement de lavalve nasale) ;

• les cornets, dont l’hypertrophie peut se combiner à unedéviation septale (hypertrophie compensatrice du côtéconcave du septum).Le bilan peut comporter une tomodensitométrie et des

explorations fonctionnelles respiratoires nasales afin d’analyserles déformations et de quantifier l’obstruction nasale (Fig. 3).

Le traitement de ces anomalies est chirurgical, pouvantparfois s’intégrer dans une chirurgie de correctionmaxillofaciale.

■ ConclusionL’obstruction nasale chronique est un symptôme très fré-

quent dont le bilan étiologique repose sur un interrogatoireexhaustif et un examen clinique ORL qui permettent le plussouvent de faire le diagnostic et d’orienter les examens complé-mentaires éventuels. Chez l’adulte, les anomalies anatomiques

Figure 2. Déviation de lapyramide nasale vers la gau-che associée à une déviationseptale radiologique obs-tructive vers la droite (A, B).

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des ailes du nez, du septum nasal ou des cornets sont trèsfréquentes et peuvent faire méconnaître une rhinosinusitechronique ou une tumeur rhinosinusienne. En cas de doutediagnostique, l’endoscopie des fosses nasales par un praticienORL et la tomodensitométrie du massif facial sont les examensà demander en première intention afin de préciser l’étiologie del’obstruction nasale.

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Figure 3. Exploration del’obstruction nasale parrhinomanométrie antérieureobjectivant une obstructionnasale gauche (A, B).

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Page 95: Le manuel du généraliste 2 orl

Adénopathie cervicale : conduite à tenir

T. Truong Tan Trung, F. Tankéré

Les adénopathies cervicales sont un motif fréquent de consultation et posent un problème de diagnosticassez facilement résolu si le bilan est mené méticuleusement. La priorité doit être d’éliminer la possibilitéd’adénopathie métastatique d’un cancer des voies aérodigestives supérieures ou d’une hémopathiemaligne. De ce fait, toute adénopathie dont le diamètre est supérieur à 1 cm et dont l’étiologie n’est pasantérieurement reconnue de même que toute tuméfaction cervicale évoluant depuis plus de 1 moisdoivent être explorées rigoureusement et bénéficier d’une consultation systématique par un oto-rhino-laryngologiste.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Adénopathie ; Examen ORL ; Hémopathie ; Métastase cervicale d’un cancer des VADS ;Cervicotomie

Plan

¶ Introduction 1

¶ Anatomie 1Anatomie descriptive des lymphatiques du cou 1Nomenclature clinique 2Classification de l’atteinte ganglionnaire selon la classificationTNM de l’AJC et de UICC 2002 2

¶ Diagnostic positif 2Interrogatoire 2Examen clinique 2Examens complémentaires 3

¶ Diagnostic différentiel 4Fausses tuméfactions cervicales 4Tuméfactions cervicales isolées 4

¶ Diagnostic étiologique 4Adénopathies bénignes 4Adénopathies primitives malignes : hémopathies 6Adénopathies malignes métastatiques 6

¶ Conclusion 7

■ Introduction

Le diagnostic positif d’adénopathie cervicale est souvent aisé.Se pose alors le problème du diagnostic étiologique. L’augmen-tation de volume d’un ganglion peut être la traduction d’uneaffection bénigne (inflammatoire ou infectieuse) ou maligne(primitive ou secondaire). Un examen clinique rigoureux doitpermettre, dans la majorité des cas, d’évoquer un diagnostic, dele confirmer par des examens paracliniques appropriés et dedéfinir une stratégie thérapeutique.

■ Anatomie

Anatomie descriptive des lymphatiquesdu cou [1]

Les ganglions lymphatiques cervicaux sont disposés suivant leschéma classique du cercle de Cunéo, posé sur deux triangles deRouvière.

Chaîne lymphatique péricervicale de Cunéo (Fig. 1)

Disposés de l’occiput à la pointe du menton, s’ordonnentd’arrière en avant les ganglions occipitaux, mastoïdiens,parotidiens, sous-maxillaires et sous-mentaux.

Chaîne lymphatique cervicale

Elle comprend :• les lymphatiques superficiels : satellites des veines jugulaires

externes et antérieures ;• les lymphatiques préviscéraux : ganglions rétropharyngés,

prélaryngés et récurrentiels ;• les lymphatiques profonds correspondant au triangle de

Rouvière (Fig. 1) dont le bord antérieur correspond à lachaîne jugulocarotidienne avec de haut en bas : les ganglionsjugulocarotidiens supérieurs (ou sous-digastriques), lesganglions jugulocarotidiens moyens (ou sus-omohyoïdiens)et les ganglions jugulocarotidiens inférieurs (ou sous-omohyoïdiens). Le bord postérieur du triangle correspond àla chaîne ganglionnaire satellite de la branche externe de nerfspinal et enfin, le bord inférieur répond à la chaîne ganglion-naire cervicale transverse satellite des vaisseaux cervicauxtransverses. Du côté gauche, elle contient le ganglion deTroisier.

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Nomenclature clinique (Fig. 2)

Selon l’American Academy of Otolaryngology-Head and NeckSurgery (AAO-HNS), la région cervicale est divisée en sixgroupes ganglionnaires [2].• Groupe I : groupes ganglionnaires sous-mental (groupe IA) et

sous-mandibulaire (groupe IB), séparés par le ventre antérieurdu muscle digastrique.

• Groupe II : groupe ganglionnaire jugulaire supérieur, compre-nant les groupes ganglionnaires sous-digastrique (IIA) etrétrospinal (IIB), séparés par le nerf spinal.

• Groupe III : groupe ganglionnaire jugulaire moyen.

• Groupe IV : groupe ganglionnaire jugulaire inférieur. Ilcomprend le sous-groupe IVA, en profondeur du chef sternaldu muscle sterno-cléido-mastoïdien (groupes ganglionnairessus- et sous-omohyoïdiens).

• Groupe V : groupe ganglionnaire cervical postérieur. Ilcomprend les sous-groupes VA (spinal postérieur) et VB(cervical transverse, supraclaviculaire) séparés par le ventrepostérieur de l’omohyoïdien.

• Groupe VI : groupe ganglionnaire cervical antérieur, compre-nant les ganglions prélaryngés, prétrachéaux et récurrentiels.

Classification de l’atteinte ganglionnaireselon la classification TNM de l’AJCet de UICC 2002 (Fig. 3)

Cette classification est résumée dans le Tableau 1.

■ Diagnostic positifLa démarche diagnostique clinique cherche à confirmer la

présence d’une adénopathie et à définir son origine et sa nature.

Interrogatoire

Il permet d’orienter le diagnostic et précise :• l’âge du patient : chez l’enfant, les pathologies inflammatoires

ou infectieuses sont plus fréquentes. Une adénopathie d’alluremaligne chez un sujet jeune oriente plutôt vers une hémopa-thie maligne et chez le sujet de plus de 50 ans vers un cancerdes voies aérodigestives supérieures (VADS). Le risque demalignité augmente avec l’âge ;

• les antécédents, notamment l’existence ou la notion d’unemaladie de système connue (sarcoïdose, lupus érythémateuxaigu disséminé [LEAD], polyarthrite rhumatoïde...), d’uneintervention chirurgicale cervicofaciale ou du cuir chevelu,d’une radiothérapie cervicale, d’une tuberculose ou d’uneprimo-infection tuberculeuse, ou encore d’une transplanta-tion ou d’une immunosuppression acquise ou thérapeutique ;

• les prises médicamenteuses passées ou actuelles (hydantoïne,carbamazépine...) ;

• le mode de vie : intoxication alcoolotabagique, occupationprofessionnelle, exposition aux animaux (contact avec chat,chien, oiseau, gibier, poisson), comportement sexuel, voyagerécent... ;

• le statut vaccinal, notamment vis-à-vis de la tuberculose etdes maladies éruptives (rougeole-oreillons-rubéole [ROR]...) ;

• l’origine ethnique car les patients originaires du Maghreb oud’Asie sont exposés au cancer du cavum ;

• le mode et le contexte de survenue : installation aiguë ouprogressive, existence d’une infection dentaire ou oto-rhino-laryngologique (ORL) dans les jours précédents, ou d’uneatteinte cutanée ;

• la notion d’un contage récent ou ancien (tuberculose, contactavec des enfants) ;

• les signes fonctionnels ORL associés : dysphagie, odynopha-gie, dysphonie, dyspnée laryngée, otalgie, épistaxis, obstruc-tion nasale, surdité ;

• les signes généraux : altération de l’état général, fièvre, sueursnocturnes, frissons, prurit.

Examen clinique• L’examen clinique cervical précise les caractéristiques des ou

de l’adénopathie (siège, dimension, nombre). Ces trois critèressont notés sur un schéma daté. On s’attache à apprécier laconsistance de l’adénopathie (molle rénitente, ferme, dure etfixée), sa sensibilité à la palpation, sa mobilité ou sonadhérence à la peau ou aux plans profonds ou encore soncaractère inflammatoire.

• L’examen ORL est complet et explore la cavité buccale,l’oropharynx, le pharyngolarynx, les fosses nasales, le cavum,

Figure 1. Topographie des ganglions du cou. 1. Ganglions submen-taux ; 2. ganglions submandibulaires ; 3. ganglions sous-digastriques ;4. ganglions rétroauriculaires ; 5. ganglions intraparotidiens ; 6. ganglionsspinaux ; 7. ganglions jugulocarotidiens moyens ; 8. ganglions juguloca-rotidiens inférieurs ; 9. ganglions sus-claviculaires ; 10. ganglions occipi-taux ; 11. ganglion prélaryngé.

Figure 2. Systématisation des ganglions du cou (American Head andNeck Society).

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le conduit auditif externe et la membrane tympanique. Cetexamen comprend une inspection mais aussi une palpation(éventuellement bidigitale) du plancher buccal et de l’oro-pharynx (amygdales palatines, base de langue) afin de ne pasméconnaître une induration sous-muqueuse évocatrice d’uncarcinome chez un patient exposé (alcoolotabagique). L’exa-men est complété par la recherche d’une tuméfaction de laglande parotide ou de la thyroïde, d’une lésion tumoralecutanée de la face ou du cuir chevelu.

• L’examen général s’achève bien sûr par la palpation desautres aires ganglionnaires (axillaires, inguinales) et par larecherche d’une splénomégalie.

Examens complémentaires

Les examens à envisager sont nombreux et leur prescriptiondépend bien sûr du contexte et de l’hypothèse étiologiqueévoquée à l’issue de l’interrogatoire et de l’examen clinique.

Cependant, quelques examens essentiels permettent d’établirune première orientation. Ce bilan « de base » comprend unenumération-formule sanguin et plaquettaire, une vitesse desédimentation et le dosage de la C reactive protein, une intrader-moréaction à la tuberculine à 10 unités, une radiographiepulmonaire de face et de profil et chez l’adulte, une sérologiedu virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Certainessérologies ou une recherche d’agents pathogènes particulierssont demandées en fonction du tableau clinique (toxoplasmose,rubéole, virus Epstein-Barr, maladies des griffes du chat,mycobactéries atypiques...).• L’échographie cervicale est surtout utile si l’on hésite entre le

diagnostic de tumeur primitive ou d’adénopathie cervicale.Cet examen rapide, facile, non invasif et reproductible permetégalement d’explorer les glandes thyroïde, parotide et sous-maxillaire et de guider une éventuelle ponction à l’aiguillefine à visée cytologique [3].

• La ponction cytologique à l’aiguille fine est très intéressantemais n’a qu’une valeur d’orientation car sa sensibilité et saspécificité sont moins importantes que l’analyse histologiquemême effectuée par un pathologiste entraîné. En d’autrestermes, cet examen n’a de valeur que s’il est positif [4].

• La biopsie ganglionnaire est un geste préjudiciable en casd’adénopathie métastatique. En effet, l’effraction capsulairecréée par la biopsie est associée à un taux plus important derechute ganglionnaire ou de métastase viscérale post-thérapeutique [5]. De ce fait, le seul geste chirurgical gan-glionnaire licite est la cervicotomie exploratrice avec analysehistologique extemporanée de la totalité du ganglion, quandcelui-ci est extirpable.

• Le scanner cervical avec injection de produit de contraste estutile en cas de doute diagnostique avec une tumeur nerveuseou des glandes salivaires, mais aussi simplement pour appré-cier les rapports de l’adénopathie avec l’axe vasculonerveux.Il met en évidence des caractéristiques en faveur de lamalignité (adénopathie volumineuse et nécrotique) et apportedes renseignements essentiels au chirurgien en cas de cervi-cotomie. En cas de tumeur pharyngolaryngée, il entre dans lecadre du bilan d’extension locorégional de la tumeur [6].

Tableau 1.Règles de classification de l’atteinte ganglionnaire selon la classificationtumor-nodes-metastases (TNM) de l’American Joint Committee onCancer (AJC) et de l’International Union Against Cancer (UICC) 2002. Laclassification tient compte de l’examen clinique et des examensradiologiques.

N0 Pas de signe d’atteinte des ganglions lymphatiques régionaux

N1 Métastase dans un seul ganglion lymphatique homolatéral≤ 3 cm dans son plus grand diamètre

N2 Métastase unique dans un seul ganglion lymphatiquehomolatéral > 3 cm ou ≤ 6 cm dans son plus grand diamètre ;métastases ganglionnaires lymphatiques bilatéralesou controlatérales, toutes ≤ 6 cm dans leur plus grand diamètre

N2a : métastase dans un seul ganglion > 3 cm mais ≤ 6 cm

N2b : métastases homolatérales multiples toutes ≤ 6 cm

N2c : métastases bilatérales ou controlatérales ≤ 6 cm

N3 Métastase dans un ganglion lymphatique > 6 cm dans son plusgrand diamètre

Figure 3. Classification nodes (N) (American Joint Committee on Cancer, 2002).

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■ Diagnostic différentiel

Fausses tuméfactions cervicales

Elles sont le reflet de structures anatomiques normales, enparticulier chez des sujets maigres. Il peut s’agir d’un volumi-neux bulbe carotidien athéromateux, d’une grande corne de l’oshyoïde ou encore de l’apophyse transverse de l’atlas (C1). Cespièges diagnostiques sont en règle des reliefs symétriques.

Tuméfactions cervicales isolées

Elles peuvent être médianes ou latérales.

Tuméfactions cervicales médianes

• Dans la région sous-mentale, il faut éliminer un kyste dutractus thyréoglosse haut situé (kyste sus-hyoïdien) dont lacaractéristique est de s’ascensionner lors de la déglutition. Ilpeut s’agir également d’un kyste dermoïde du plancher buccaloù le palper bidigital (intra- et extrabuccal) permet le dia-gnostic. Il s’agit d’une tumeur embryonnaire de l’enfant oude l’adolescent, indolore, le plus souvent rénitente oufluctuante.

• Dans la région hyoïdienne, il s’agit presque toujours d’un kystedu tractus thyréoglosse, tumeur lisse, plus ou moins volumi-neuse, adhérant à l’os hyoïde avec lequel elle s’élève à ladéglutition. Exceptionnellement, une thyroïde ectopique peutêtre mise en évidence par une échographie cervicale, ouéventuellement par une scintigraphie thyroïdienne.

• Dans la région laryngée, les lésions sont plus rares. La tuméfac-tion peut correspondre à un cancer laryngé extériorisé, unetumeur bénigne (chondrome), ou encore à une exception-nelle laryngocèle externe (poche aérique provenant duventricule laryngé).

• Dans la région thyroïdienne, la tuméfaction traduit unepathologie du corps thyroïde : thyroïdite, goitres et adéno-mes, cancer thyroïdien, plus rarement un kyste branchial dela 4e fente.

• Dans la région sus-sternale, les tuméfactions sont plus rares etsont en rapport avec une pathologie thyroïdienne (goitreplongeant, cancer extensif de la thyroïde), un kyste dermoïde,ou plus exceptionnellement, une pathologie des gros vais-seaux artériels du médiastin supérieur, une pathologiethymique ou parathyroïdienne.

Tuméfactions cervicales latérales

Dans la région jugulocarotidienne

Les étiologies sont très nombreuses et peuvent être d’originecongénitale ou acquise.• Les tumeurs congénitales sont représentées principalement

par le kyste amygdaloïde et le lymphangiome kystique. Lekyste amygdaloïde (ou lymphoépithélial ou kyste du sinuscervical) se présente sous la forme d’une tuméfaction super-ficielle rénitente, située au bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Sa nature kystique est confortée parl’échographie ou le scanner. Son traitement consiste en uneexérèse chirurgicale.Le lymphangiome kystique existe dès la naissance ou semanifeste dans les premiers mois sous la forme d’une tumé-faction molle, bosselée, à limites mal définies, variable envolume, parfois bleutée. La masse peut être polylobée etassociée à des localisations pharyngolaryngées ou de la cavitébuccale. Son traitement chirurgical est difficile en raison desa localisation, de son extension souvent importante et de lafragilité extrême de sa paroi qui expose à des récidivesfréquentes en cas de rupture peropératoire.

• Les tumeurs battantes vasculaires (anévrisme carotidien,fistule jugulocarotidienne, tumeurs du glomus carotidien :paragangliome) présentent des caractéristiques sémiologiques

les rendant parfaitement reconnaissables si l’examen estattentif. Elles sont battantes expansives et soufflantes ouprésentent un thrill à la palpation.

• Les tumeurs nerveuses sont rares et peuvent toucher princi-palement le nerf vague ou le nerf hypoglosse. Elles seprésentent cliniquement sous la forme d’une masse ferme etle plus souvent indolore. Il faut s’attacher à rechercher undéficit (dysphonie, trouble de la protraction linguale) quin’est pas toujours présent, même en cas de volume tumoralimportant.

• Les tumeurs du pôle inférieur de la parotide ne sont pastoujours faciles à distinguer d’une adénopathie sous-digastrique, notamment chez les sujets présentant unehypertrophie du parenchyme glandulaire (abus d’alcool, grosmangeurs de pain...) ou chez le sujet âgé où la ptôse glandu-laire est fréquente.

Dans la région sous-mandibulaire

Les tuméfactions sont liées à une pathologie des glandessalivaires, notamment une sous-maxillite chronique d’originelithiasique, responsable de coliques salivaires lors des repas.L’examen peut mettre en évidence des sécrétions purulentes àl’orifice du canal de Wharton et la palpation du plancher buccalantérieur objective le calcul.

Les tumeurs développées dans la glande sous-mandibulairecorrespondent soit à une adénopathie intraglandulaire, soit àune tumeur primitive (adénome mono- ou pléiomorphe,adénocarcinome).

Dans la région sus-claviculaire

Les tuméfactions sont rares. Citons le schwannome du plexusbrachial et le cancer de l’apex pulmonaire avec syndrome dePancoast-Tobias.

Dans les régions spinale et trapézienne

Les tuméfactions sont également exceptionnelles et corres-pondent le plus souvent à des tumeurs nerveuses (schwannomedu XI ou du plexus cervical superficiel) dont le diagnosticrepose sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) avecinjection de gadolinium.

Autres régions

Toutes les régions cervicales peuvent être le siège de lipomesou d’angiomes.

■ Diagnostic étiologiqueComme nous l’avons évoqué précédemment, il repose sur un

interrogatoire précis, un examen somatique et ORL completainsi que sur un premier bilan de dépistage qui permettent dedistinguer les adénopathies bénignes, les adénopathies primiti-ves malignes et les adénopathies malignes métastatiques.

Adénopathies bénignes

Adénopathies infectieuses non spécifiques

Elles sont secondaires à une localisation infectieuse cervico-faciale d’origine dentaire, amygdalienne (angine, phlegmonamygdalien), otologique (furoncle du conduit auditif externe,otite externe...), gingivobuccale (aphtes, glossite) ou cutanée(piqûre d’insecte, dermatoses surinfectées ...).

Adénopathies infectieuses spécifiques

• La mononucléose infectieuse (MNI) liée à la primo-infection parle virus Epstein-Barr affecte surtout les adolescents et lesadultes jeunes. La transmission est salivaire ; c’est la classique« maladie du baiser ». Il n’existe pas de récurrence sympto-matique chez le sujet sain ; la primo-infection conférant une

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immunité solide. Elle est responsable d’une polyadénopathiecervicale diffuse inflammatoire et souvent douloureuse.L’examen oropharyngé objective une angine érythématopul-tacée ou pseudomembraneuse, avec purpura pétéchial duvoile et fausses membranes non adhérentes et respectant laluette. L’examen somatique retrouve une splénomégalie, unexanthème morbilliforme du tronc et de la racine des mem-bres et une fièvre parfois élevée. Une asthénie souventprofonde complète le tableau clinique. Plus rarement desmanifestations hépatiques peuvent être relevées. Le bilanbiologique met en évidence un syndrome mononucléosiqueet parfois une cytolyse hépatique et une thrombopénie. LeMNI-test et la réaction de Paul-Bunnell-Davidsohn confir-ment le diagnostic, mais lorsque ces tests sont négatifs, seulela sérologie du virus Epstein-Barr permet d’affirmer la mala-die. Le traitement est symptomatique et la prescriptiond’aminopénicilline est contre-indiquée en raison du risque derash cutané. La guérison est spontanée, mais peut demanderplusieurs semaines.

• La rubéole est évoquée sur la notion d’un contage avec desenfants atteints et sur la présence d’adénopathies cervicalesmultiples et postérieures (occipitales et spinales), d’unexanthème et d’arthralgies. La numération-formule sanguinemet en évidence un syndrome mononucléosique associé àune plasmocytose. La sérologie confirme le diagnostic et letraitement est symptomatique.

• La primo-infection VIH doit être évoquée chez tout adultedevant le caractère torpide et traînant des adénopathies. Lediagnostic est confirmé par la sérologie VIH (demandée avecl’accord du patient). Il est important de se méfier d’unpossible lymphome inaugural.

• La toxoplasmose est une maladie le plus souvent asymptoma-tique, liée à une infection par un protozoaire : Toxoplasmagondii. Le diagnostic est évoqué devant des adénopathiescervicales multiples postérieures d’évolution clinique insi-dieuse (plusieurs mois) chez un patient ayant un contact avecles chats. La numération-formule sanguine montre un syn-drome mononucléosique non spécifique. Le diagnostic estuniquement sérologique. La toxoplasmose guérit spontané-ment. La gravité est liée au risque de toxoplasmose congéni-tale dont le traitement repose sur la spiramycine.

• La maladie des griffes du chat ou lymphoréticulose bénigned’inoculation est secondaire à l’infection par un bacille à Gramnégatif : Rochalimaea henselae. Le diagnostic est évoquédevant un contage avec des chatons, une lésion primaired’inoculation à type de papule ou de pustule et devantl’apparition, environ 15 jours plus tard, dans le territoire dedrainage de cette lésion primaire, d’une ou plusieurs adéno-pathies qui, dans 10 % des cas, peuvent évoluer vers lafistulisation. La sérologie confirme le diagnostic lorsque letitre des anticorps est supérieur ou égal à 1/512, mais à laphase initiale de la maladie, les immunoglobulines M (IgM)sont souvent négatives. Une première sérologie négativen’exclut donc pas le diagnostic et il faut savoir la répéter au15e jour. Lorsque la sérologie reste négative mais que laprésentation clinique est fortement suggestive, une excisionchirurgicale est préconisée pour examen histologique etpolymerase chain reaction (PCR). L’histologie n’est pas spécifi-que et retrouve une granulomatose gigantocellulaire avecnécrose centrale non spécifique. La PCR réalisée dans les2 premier mois d’évolution permet un diagnostic de certi-tude. Le traitement est symptomatique dans les formesbénignes ou repose sur une antibiothérapie par un macrolide.

• La tuberculose est en recrudescence. L’atteinte ganglionnaireextrathoracique est la plus fréquente des atteintes extrapul-monaires. La localisation cervicale représente 70 % à 90 %des cas d’adénopathies périphériques tuberculeuses. Elletouche surtout les populations migrantes, défavorisées et lessujets immunodéficients. La présentation clinique des tuber-culoses ganglionnaires est polymorphe, mais il s’agit surtout

d’une maladie locorégionale. Dans la majorité des cas, il s’agitd’une primo-infection buccale ou pharyngée passée inaper-çue ; l’adénopathie est souvent unique, satellite du chancred’inoculation. L’évolution s’effectue habituellement vers leramollissement et la fistulisation. L’intradermoréaction à latuberculine et la radiographie pulmonaire sont indispensablesau diagnostic mais peuvent être négatives dans les formespurement ganglionnaires. La ponction-aspiration à l’aiguillefine ou la biopsie ganglionnaire prend ici tout son intérêt enpermettant une étude cytologique et bactériologique. Lediagnostic ne doit être retenu que si la cytologie est formelleou si l’examen bactériologique permet l’isolement de Myco-bacterium tuberculosis. Le traitement est médical comprenantune quadrithérapie pendant 6 à 9 mois. La chirurgie n’estindiquée qu’en cas d’échec du traitement médical [7].

• Les mycobactérioses atypiques sont dominées par les infectionsliées à deux agents : Mycobacterium kansasii et Mycobacteriumscrofulaceum. Elles touchent surtout les enfants entre 1 et3 ans, où les adénopathies inflammatoires de localisationpréférentiellement sous-maxillaire évoluent rapidement versla fistulisation. Le diagnostic peut être délivré lors del’examen direct du pus obtenu par ponction à l’aiguille finemais surtout par la culture. La preuve bactériologique restecependant difficile à obtenir. Les traitements antibiotiquesétant inefficaces, le traitement repose donc sur l’exérèsechirurgicale.

• La brucellose humaine est étroitement liée à l’infectionanimale qui atteint essentiellement les ruminants (bovins,caprins, ovins). De ce fait, les professions les plus exposéessont les bergers, les vétérinaires et les employés d’abattoirs. Lacontamination non professionnelle s’effectue par ingestion defromages frais. Cliniquement, les adénopathies sont fermes,peu douloureuses, basicervicales et associées à une hépato-splénomégalie. La fièvre ondulante sudoroalgique oriente lediagnostic (la fièvre persiste quelques jours puis diminue puiss’élève à nouveau). Elle est associée à des sueurs nocturnesabondantes et à une sensation de malaise avec courbature etarthromyalgies). Le diagnostic repose sur le sérodiagnostic deWright et les hémocultures. Les cyclines sont les antibiotiquesde référence.

• La tularémie est secondaire à l’infection par un bacille à Gramnégatif : Francisella tularensis. Le réservoir est constitué par lesrongeurs. La contamination s’effectue au cours de la manipu-lation d’un lièvre le plus souvent. Elle atteint donc les sujetsen contact avec le gibier. L’adénopathie est en généralvolumineuse, douloureuse, très inflammatoire et évoluerapidement vers la fistulisation. Le sérodiagnostic confirme lamaladie. Le traitement antibiotique repose sur les cyclines oule thiamphénicol associé à un aminoside.

• La syphilis est due à Treponema pallidum responsable de lasyphilis vénérienne. Les adénopathies se rencontrent surtoutlors de la syphilis primaire et secondaire. Lors de la phaseprimaire, l’adénopathie est volumineuse, froide, indolore,unique, satellite d’un chancre d’inoculation buccal. Lors de laphase secondaire, les adénopathies sont multiples, fermes,indolores, de localisation volontiers spinale et associées à laclassique roséole. Le diagnostic peut être réalisé par la mise enévidence de Treponema pallidum à l’examen direct lors de laphase primaire et à partir de prélèvements au niveau duchancre ou du produit de ponction ganglionnaire. Dans tousles cas, les examens sérologiques confirment le diagnostic. Letraitement repose sur la pénicilline.

Adénopathies non infectieuses

• La sarcoïdose est une pathologie dont le diagnostic repose surdes arguments cliniques, radiologiques, biologiques et histo-logiques. Elle doit être évoquée devant des adénopathiescervicales basses, fermes, indolores, mobiles, non inflamma-toires dont la dimension n’excède pas 2 cm. Celles-ci consti-tuent un mode de révélation habituel et s’associent

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fréquemment à des adénopathies médiastinales visibles sur laradiographie pulmonaire. Les localisations médiastinopulmo-naires sont présentes dans plus de 80 % des cas. On observeégalement une anergie tuberculinique et une augmentationdu taux sérique de l’enzyme de conversion de l’angiotensineI. L’histologie réalisée sur une adénopathie facilementaccessible est un élément indispensable au diagnostic, enretrouvant des granulomes épithélioïdes et gigantocellulairessans nécrose caséeuse centrale.

• La polyarthrite rhumatoïde est une étiologie rare dont lediagnostic est clinique. Les adénopathies sont en règle depetite taille et non inflammatoires.

• Le LEAD est également une étiologie peu rencontrée où lesadénopathies sont volumineuses et sans caractère inflamma-toire. Elles s’intègrent dans un contexte de maladie desystème.

• L’hypersensibilité à certaines drogues peut provoquer unepolyadénopathie. De nombreuses substances ont été incrimi-nées : hydantoïnes, carbamazépine, rifampicine, pénicillines,captopril et méthyldopa notamment.

• L’implantation de silicone au niveau mammaire peut engendrerdes adénopathies inflammatoires satellites d’une intolérancelocale aux implants.

• La maladie de Rosai-Dorfman est une étiologie extrêmementrare qui touche, dans 80 % des cas, des sujets de moins de20 ans. Les adénopathies cervicales sont indolores, multipleset volumineuses. Une perte de poids ainsi qu’une fièvre sontsouvent associées. Le diagnostic fait appel à l’histologie quimet en évidence une histiocytose sinusale cytophagique.Aucun cas de dégénérescence maligne n’est signalé. L’évolu-tion est spontanément favorable sans traitement.

• La maladie de Kikuchi est également rarissime, mais saprévalence est sous-estimée. Cette pathologie prédomine chezles femmes d’une trentaine d’années. Le tableau cliniqueassocie une polyadénopathie cervicale non suppurée et unefièvre entre 38 et 40 °C dans environ 55 % des cas. La vitessede sédimentation est élevée. Le diagnostic est histologique,mettant en évidence une lymphadénopathie nécrosantehistiocytaire. Le pronostic est favorable habituellement sanstraitement en quelques mois. Aucun cas de dégénérescencemaligne n’a été rapporté.

• La maladie de Kimura est une pathologie rare qui touchepréférentiellement les jeunes Orientaux. Elle associe unepolyadénopathie cervicale chronique et une hyperéosinophi-lie. Le diagnostic est histologique, mettant en évidence desfollicules lymphoïdes avec des agrégats éosinophiles.

Adénopathies primitives malignes :hémopathies

Les adénopathies cervicales s’intégrant dans le cadre d’unehémopathie maligne sont souvent associées à des localisationsganglionnaires extracervicales (inguinales, axillaires...) et/ou àune hépatosplénomégalie. De même, la participation desterritoires profonds, thoraciques et/ou abdominaux, est évoca-trice. Ces adénopathies sont en général fermes, mobiles etindolores. L’hémogramme oriente le diagnostic.• La maladie de Hodgkin. Le terrain habituel est l’adulte jeune

même si la maladie peut se voir à tout âge. Le diagnostic estévoqué devant une ou des adénopathies, fermes, mobiles,indolores. Le siège sus-claviculaire est le plus fréquent. Cesadénopathies cervicales sont parfois douloureuses lors del’ingestion d’alcool, associées à une hépatosplénomégalie,ainsi qu’à des signes généraux (fièvre sans cause infectieuse,sueurs nocturnes, altération de l’état général). La ponctioncytologique à l’aiguille fine peut orienter le diagnostic enmontrant des cellules de Reed-Sternberg. Le diagnostic estréalisé par l’examen histologique extemporané lors de lacervicotomie et confirmé par le résultat anatomopathologiquedéfinitif. Le traitement repose sur la chimiothérapie et laradiothérapie.

• Les lymphomes non hodgkiniens sont responsables d’adénopa-thies qui sont souvent volumineuses sans autre caractéristiqueparticulière. Le diagnostic peut être évoqué par la ponctioncytologique. L’adénectomie lors de la cervicotomie, avecexamen histologique, permet le diagnostic de certitude etsurtout le typage du lymphome, indispensable pour définirune ligne thérapeutique adaptée.

• Les autres pathologies (leucémie lymphoïde chronique,leucémie aiguë...) sont suspectées sur le terrain, notammentl’âge (adulte de plus de 50 ans pour la leucémie lymphoïdechronique). Les adénopathies cervicales ne sont pas le modede révélation le plus fréquent. Leur diagnostic repose sur lanumération-formule sanguine.

Adénopathies malignes métastatiques

Plusieurs situations cliniques peuvent se présenter.• Si l’examen ORL met en évidence une lésion ORL primitive,

l’adénopathie correspond à une lésion métastatique témoi-gnant d’une évolution régionale de la maladie. La prise encharge du patient débute par un bilan d’extension completcomprenant :C une évaluation locale par une panendoscopie des VADS

sous anesthésie générale, une tomodensitométrie injectée etéventuellement une IRM en fonction de la localisationtumorale (cavité buccale et oropharynx notamment) ;

C une évaluation régionale (scanner cervical injecté, tomo-graphie à émission de positons avec fusion d’images descanner en cours d’évaluation) et générale (tomodensito-métrie thoracique et fibroscopie bronchique en cas d’ano-malies, tomodensitométrie abdominale ou échographiehépatique, bilan biologique hépatique, recherche demétastases osseuses et cérébrales en cas de signes cliniquesd’appel) à la recherche de métastases viscérales et delocalisations tumorales synchrones.Le traitement de l’adénopathie s’inscrit dans le cadre de laprise en charge thérapeutique de la lésion primitive.

• Si l’examen ORL, la panendoscopie et le bilan radiologiquelocorégional ne retrouvent pas de tumeur primitive, c’est lacervicotomie exploratrice avec adénectomie et analyseextemporanée qui permet d’orienter le diagnostic. Plusieurssituations peuvent ici aussi être individualisées.C Si l’analyse histologique est en faveur d’un carcinome épider-

moïde, l’adénopathie peut correspondre à une métastased’une tumeur primitive digestive (surtout en cas de gan-glion de Troisier) ou pulmonaire (à suspecter devant touteadénopathie sus-claviculaire) et un bilan spécifique estentrepris. L’adénopathie peut aussi témoigner d’une lésionde la sphère ORL non retrouvée lors du bilan. On parlealors d’adénopathie prévalente, sans porte d’entrée ou enapparence primitive. La stratégie dans ce cas est biencodifiée. Elle est la suivante : l’adénectomie est poursuiviepar un évidement ganglionnaire cervical complet et pourde nombreuses équipes, par une amygdalectomie homo-latérale à l’adénopathie pour rechercher un foyer demicrocarcinome amygdalien (éliminant la situation d’adé-nopathie sans porte d’entrée s’il est présent). Secondaire-ment, une radiothérapie externe complémentaire desterritoires ganglionnaires homolatéraux est envisagée danstous les cas [8]. Cette irradiation est étendue à l’ensemble dela sphère ORL en cas de négativité de l’analyse de l’amyg-dale ou épargne le rhinopharynx si l’analyse a révélé uncarcinome amygdalien.

C Si l’analyse histologique est en faveur d’un adénocarcinome, ons’oriente dans un premier temps vers la thyroïde (bilanhormonal thyroïdien, échographie cervicale, scintigraphiethyroïdienne). En cas de négativité, on rechercheune lésion digestive (surtout en présence d’un ganglionde Troisier), pulmonaire (en cas d’adénopathie sus-claviculaire), rénale, prostatique ou mammaire.

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■ ConclusionToute adénopathie cervicale évoluant depuis plus de 1 mois

doit être explorée rigoureusement. La crainte d’une hémopathieou de la métastase d’un cancer doit être permanente. L’examenpar un ORL doit être systématique. La biopsie est à proscrireformellement.

■ Références[1] Guerrier Y. Traité de technique chirurgicale ORL et cervico-faciale.

Tome IV: Cou et cavité buccale. Paris: Masson; 1988.[2] Robbins KT, Clayman G, Levine PA, Medina J, Sessions R, Shaha A,

et al. Neck dissection classification update: revisions proposed by theAmerican Head and Neck Society and the American Academy ofOtolaryngology-Head and Neck Surgery. Arch Otolaryngol Head NeckSurg 2002;128:751-8.

[3] Ahuja AT, Ying M, Ho SY, Antonio G, Lee YP, King AD, et al.Ultrasound of malignant cervical lymph nodes. Cancer Imaging 2008;8:48-56.

[4] Steel BL, Schwartz MR, Ramzy I. Fine needle aspiration biopsy in thediagnosis of lymphadenopathy in 1 103 patients. Role, limitations andanalysis of diagnostic pitfalls. Acta Cytol 1995;39:76-81.

[5] McGuirt WF, McCabe BF. Significance of node biopsy beforedefinitive treatment of cervical metastatic carcinoma. Laryngoscope1978;88:594-7.

[6] Castelijns JA, Van Den Breckel MW. Imaging of lymphadenopathy inthe neck. Eur Radiol 2002;12:727-38.

[7] Conessa C. Adénopathies cervicales. Traité d’ORL. Paris: MédecineScience Flammarion; 2008.

[8] Christiansen H, Hermann RM, Martin A, Nitsche M, Schmidberger H,Pradier O. Neck lymph node metastases from an unknown primarytumor retrospective study and review of literature. Strahlenther Onkol2005;181:355-62.

.

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Écoulement nasal chronique

J.-F. Papon

L’écoulement nasal chronique ou rhinorrhée chronique est un symptôme très peu spécifique quireprésente un motif fréquent de consultation. Le caractère chronique est affirmé lorsque la rhinorrhéepersiste sur un mode permanent ou intermittent pendant plus de 3 mois. La démarche diagnostiquepasse par un interrogatoire exhaustif visant à caractériser précisément la rhinorrhée ainsi que les signesqui lui sont éventuellement associés. L’endoscopie nasale par un praticien ORL est le premier examen àdemander en cas de doute diagnostique, notamment lors d’une suspicion de pathologie tumorale. Lasynthèse de l’interrogatoire et de l’examen clinique permet de distinguer quatre types de rhinorrhées quisont parfois associés : séreuse, mucopurulente, croûteuse et sanglante. Il faut toujours garder à l’espritqu’une rhinorrhée, quel que soit son type, peut révéler une tumeur maligne rhinosinusienne ce qui, en casde doute (exposition aux poussières de bois, douleurs craniofaciales, épistaxis, déformation faciale,troubles visuels, anesthésie faciale, échec du traitement antibiotique) justifie la réalisation d’uneendoscopie nasale et d’une tomodensitométrie du massif facial.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Liquide cérébrospinal ; Endoscopie nasale ; Dent sinusienne ; Rhinite allergique ;Rhinite vasomotrice ; Polypose nasosinusienne ; Tumeurs rhinosinusiennes

Plan

¶ Physiopathologie 1

¶ Interrogatoire 1Caractériser les antécédents du patient 1Caractériser précisément la rhinorrhée 1Caractériser les autres symptômes 2

¶ Examen clinique 2Inspection 2Endoscopie nasale 2

¶ Étiologies des rhinorrhées 2Rhinorrhées séreuses 2Rhinorrhées mucopurulentes 4Rhinorrhées croûteuses 6Rhinorrhée sanglante 6

¶ Conclusion 6

■ PhysiopathologieLes fosses nasales et les sinus de la face sont tapissés par une

muqueuse comportant des cellules glandulaires et des vaisseaux.Lors d’une agression chronique (microbienne, chimique,mécanique...), la muqueuse nasosinusienne est le siège d’unœdème et d’une hypersécrétion des cellules glandulaires àl’origine d’une rhinorrhée initialement séromuqueuse. Selonl’étiologie, la rhinorrhée peut rester séromuqueuse ou devenirmucopurulente, croûteuse et/ou sanglante.

Par ailleurs, le toit des fosses nasales et de certains sinus(ethmoïde, frontal et sphénoïdal) constitue le plancher de labase du crâne. Après un traumatisme ou une chirurgie cranio-faciaux ou même parfois spontanément, une brèche osseuse

peut faire communiquer les espaces méningés avec les cavitésnasosinusiennes. Un écoulement de liquide cérébrospinal peutalors être observé sous la forme d’une rhinorrhée chronique àprédominance séreuse.

■ Interrogatoire [1]

À l’interrogatoire, le motif de la consultation peut êtreexprimé dans un langage varié : « j’ai le nez qui coule, je memouche sans arrêt, je ne peux sortir sans un mouchoir, j’ail’impression d’avoir le nez humide, mon nez coule comme unefontaine, comme un robinet... ».

Caractériser les antécédents du patientLe clinicien doit s’attacher à préciser les antécédents de

traumatisme ou de chirurgie craniofaciaux, d’allergie (asthme,eczéma, urticaire, conjonctivite...), de grossesse en cours, depathologie endocrinienne, la notion d’une exposition profes-sionnelle ou privée (animaux, habitat, climatisation, poussièresde bois, irritants type formaldéhyde, ammoniums quaternaires,industrie chimique, frigorifique, agroalimentaire...) et la notiond’une intolérance (anti-inflammatoires non stéroïdiens, sulfitescontenus dans le vin blanc...). Les traitements en cours sontégalement notés en insistant sur la prise de traitements auniveau nasal.

Caractériser précisément la rhinorrhée• Ancienneté.• Facteurs déclenchants : traumatique, posturaux, saisonniers,

hormonaux, alimentaire, chimique, infectieux...• Côté : uni- ou bilatérale.

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• Caractère antérieur et/ou postérieur. Une rhinorrhée posté-rieure peut également être exprimée de façon variable, lepatient se plaignant « d’avoir l’impression » ou « la sensa-tion » que « quelque chose lui coule dans la gorge » ou« l’arrière-gorge » ou encore « l’arrière-nez ».

• Type : clair et fluide comme de l’eau (séreux), clair mais plusépais et parfois blanchâtre (séromuqueux), jaune-vert épais(mucopurulent), croûteux et/ou sanglant.

• Rythme : permanent ou intermittent.• Réponse aux traitements déjà effectués.

Caractériser les autres symptômes

RhinosinusiensAfin d’affiner le diagnostic étiologique et de guider le bilan

clinique et paraclinique, il est impératif de distinguer larhinorrhée isolée de la rhinorrhée associée à des symptômesrhinosinusiens. Il faut donc rechercher la présence d’uneobstruction nasale et/ou de douleurs craniofaciales et/ou d’unehyperréactivité nasale (crises d’éternuements, prurit) et/oud’épistaxis et/ou de troubles de l’olfaction ou du goût.

ExtrasinusiensLes signes régionaux et généraux doivent également être

précisés :• oto-rhino-laryngologiques [ORL] : gêne pharyngée, hemmage,

dysphonie, troubles de l’audition ;• extra-ORL : toux, signes oculaires, signes de reflux gastro-

œsophagien, signes généraux (fièvre au long cours,arthralgies...).

■ Examen clinique [1]

InspectionL’inspection de la pyramide nasale et de la face peut parfois

trouver une déformation, voire une tuméfaction suspecte. Larhinoscopie antérieure est réalisée à l’aide d’un spéculum nasal(Fig. 1) ou, à défaut, d’un otoscope. La pulvérisation endonasaled’un vasoconstricteur, en l’absence de contre-indication, permetsouvent d’améliorer la visualisation des cavités nasales, permet-tant parfois d’examiner le méat moyen (espace compris entre lecornet inférieur et le cornet moyen). Le but de la rhinoscopieest de confirmer la présence d’une rhinorrhée, qui peut cepen-dant être absente lors de l’examen, d’évaluer l’architecture

ostéocartilagineuse nasale (ailes du nez, cornets inférieurs,septum), l’aspect de la muqueuse et de chercher une tumeur ouun corps étranger. Une rhinoscopie normale ne doit paséliminer le diagnostic de rhinorrhée.

L’inspection de la cavité buccale met parfois en évidence unerhinorrhée sur la paroi pharyngée postérieure. De plus, un foyerinfectieux au niveau d’une dent sinusienne (molaire ou prémo-laire de l’arcade dentaire supérieure) doit être recherché. Le restede l’examen ORL est systématique, comprenant un examenotoscopique et, si possible, un examen du larynx.

Endoscopie nasaleCet examen permet un bilan complet des cavités nasales et

du cavum et peut être proposé en cas de doute diagnostique ouaprès un échec du traitement médical. L’endoscopie est réaliséeen consultation ORL après une préparation des fosses nasales àla Xylocaïne® 5 % à la naphazoline, en l’absence de contre-indication. Au cours de cet examen, des prélèvements orientéspeuvent être réalisés pour étude bactériologique, mycologique,anatomopathologique ou cytologique. Un bilan endoscopiquenormal n’exclut pas le diagnostic de rhinorrhée chronique.

■ Étiologies des rhinorrhées (Tableau 1)

Rhinorrhées séreuses

Rinorrhée séreuse unilatérale :rechercher une rhinorrhée cérébrospinale

Le diagnostic est facile à suspecter devant l’association :• antécédents de traumatisme craniofacial ou de chirurgie des

sinus, du rocher et/ou de la base du crâne, même anciens ;• rhinorrhée séreuse unilatérale antéropostérieure permanente

ou intermittente apparue dans les suites du facteur déclen-chant présumé. Typiquement, l’interrogatoire retrouve undéclenchement ou une augmentation de la rhinorrhée danscertaines postures (procubitus, décubitus, efforts abdomi-naux...). La rhinorrhée peut être associée à des céphalées et àune sensation d’irritation pharyngée ;

Figure 1. Spéculum nasal.

Tableau 1.Étiologies et bilan diagnostique devant un écoulement nasal chronique.

Diagnostic évoqué Bilan diagnostique

Séreux

LCS Endoscopie nasale, bandelette,dosage bêta2-transferrine, TDM

Allergie Prick test, dosage des IgE spécifiques

Rhinites non allergiques Endoscopie nasale+/- cytologie na-sale, dosage TSH

Mucopurulent

Corps étranger Endoscopie nasale

Malformation

Tumeurs rhinosinusiennes Endoscopie nasale, TDM

Sinusites Bilan dentaire, +/- TDM, +/- endos-copie nasale +/- bilan immunitaire,+/- bilan mucoviscidose et dyskiné-sie ciliaire

Croûteux

Ulcère septal Endoscopie nasale, TDM

Rhinites croûteuses

Tuberculose

Sarcoïdose

Maladie de Wegener

Maladie de Churg et Strauss

Sanglant

Tumeurs rhinosinusiennes Endoscopie nasale, TDM

Sinusites

Ig : immunoglobulines ; TSH : thyroid stimulating hormone ; TDM : tomo-densitométrie ; LCS : liquide cérébrospinal.

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• visualisation d’un écoulement sur la paroi pharyngée posté-rieure et/ou dans la fosse nasale.Cependant, le syndrome clinique est parfois incomplet et une

rhinorrhée séreuse unilatérale isolée sans cause évidente doitsystématiquement faire rechercher un écoulement de liquidecérébrospinal car il existe des cas de brèche spontanée [2].

La présence de glucose à la bandelette et/ou la détection debêta-2 transferrine dans la rhinorrhée ont une grande valeur, enl’absence de contamination sanguine, pour confirmer l’originecérébrospinale de l’écoulement [3]. La tomodensitométrie enhaute résolution sans injection est l’examen à réaliser enpremière intention pour confirmer le site de la brèche ostéodu-rale. Les autres examens radiologiques (cisterno-imagerie parrésonance magnétique [IRM], cisternoscanner, transit isotopi-que) sont discutés au cas par cas en complément de latomodensitométrie.

La prise en charge thérapeutique associe une vaccinationantipneumococcique à la fermeture de la brèche qui peutsouvent être réalisée par voie endonasale [4].

Rhinorrhées séreuses bilatérales isolées

Il faut systématiquement rechercher des arguments en faveurd’une rhinorrhée cérébrospinale car une partie de l’écoulement,surtout lorsqu’il est abondant, peut parfois passer dans la fossenasale controlatérale au niveau du cavum.

Chez le sujet âgé, il est classique d’observer un écoulementnasal qui, lorsqu’il retentit sur la qualité de vie, peut nécessiterun traitement local par anticholinergiques, en l’absence decontre-indication.

Rhinorrhées séreuses bilatérales avec signesd’accompagnement

Rhinite allergique

À l’interrogatoire, il peut exister des antécédents familiaux oupersonnels de pathologie allergique à type d’asthme (66 % à80 % des patients asthmatiques ont une rhinite allergiqueassociée [5]), de dermatite (eczéma, urticaire...) ou deconjonctivite.

Les symptômes débutent le plus souvent pendant l’enfanceou l’adolescence et, selon le type d’allergie, évoluent sur unrythme permanent ou intermittent. Ils associent :• des signes rhinologiques majeurs à type de rhinorrhée

antéropostérieure bilatérale, séreuse ou séromuqueuse,d’hyperréactivité nasale (salves d’éternuements, prurit naso-pharyngé) et d’obstruction nasale bilatérale ;

• des signes rhinologiques mineurs à type de troubles del’olfaction et de céphalées ;

• des signes extrarhinologiques : oculaires (hyperémie conjonc-tivale, prurit, larmoiement), prurit des conduits auditifsexternes, troubles du goût, altération de la qualité de vie [6]

(asthénie, manque de concentration, faciès modifié, troublesdu sommeil).L’inspection des fosses nasales n’est pas spécifique et peut

mettre en évidence une augmentation de volume des cornetsinférieurs dont la muqueuse est de couleur typiquement lilas.

Cependant, une muqueuse nasale érythémateuse peut égale-ment être observée. Lorsque la rhinorrhée est visualisée, elle estde type séreux et diffuse, en l’absence d’infection associée.Enfin, chez le jeune enfant, la rhinite allergique est parfoisassociée à une otite séreuse. Le diagnostic est confirmé par pricktests et/ou tests biologiques identifiant les immunoglobulines(Ig) E spécifiques.

La prise en charge thérapeutique repose sur :• la maîtrise de l’environnement : éviction des allergènes et

mesures collectives antipollution ;• le traitement pharmacologique : antihistaminiques locaux ou

généraux pouvant, en cas d’obstruction nasale, être associésà une corticothérapie locale, voire à une cure courte devasoconstricteurs locaux ou généraux (Tableau 2) ;

• le traitement étiologique par immunothérapie spécifique quidépend de la caractérisation de la rhinite.

Rhinites non allergiques

Hyperréactivité nasale non spécifique : rhinite vasomo-trice. Il s’agit de la deuxième cause de rhinite chronique aprèsla rhinite allergique [7]. Les symptômes sont secondaires à unehyperréactivité non spécifique des fibres sensitives de lamuqueuse nasale ou à un déséquilibre de l’activitésympathique/parasympathique. À l’interrogatoire, le patient seplaint d’une rhinorrhée antérieure et/ou postérieure séreusebilatérale souvent intermittente. Celle-ci est associée de façonvariable à une obstruction nasale, des salves d’éternuements, des

“ À retenir

Éléments faisant suspecter une rhinorrhée deliquide cérébrospinal.• Antécédent traumatique et/ou chirurgical au niveaucraniofacial.• Rhinorrhée séreuse unilatérale.• Augmentation de la rhinorrhée dans certaines positions(procubitus).• Présence de glucose dans la rhinorrhée (bandelette surla rhinorrhée).

Tableau 2.Principales thérapeutiques locales utilisées dans le traitement d’unécoulement nasal chronique.

Pharmacodynamie Action Indications

Anticholinergique

Ipratropium bromure(Atrovent nasal®) Traitement

de la rhinorrhée

Rhinitevasomotrice

Rhinitesallergiques

Antihistaminique H1

Azélastine (Allergodil®,Prorhinite®)

Traitementde la rhinorrhée,des éternuementset du prurit

Rhinitesallergiques

Corticoïdes

Béclométasone (Béconase®)

Traitement anti-inflammatoire,actif sur l’obstruc-tion nasale

Rhinitesallergiques

NARES

PNS

Fluticasone (Flixonase®)

Triamcinolone acétonide(Nasacort®)

Flunisolide (Nasalide®)

Mométasone furoate(Nasonex®)

Tixocortol(Pivalone suspension nasale®)

Budésonide (Rhinocort®)

Vasoconstricteurs

Oxymétazoline (Aturgyl®,Pernazène®)

DécongestionnantRhiniteset sinusites avecobstruction nasale

Éphédrine (Rhinamide®,Rhino-sulfuryl®)

Tuaminoheptane(Rhinofluimucil®)

Vasoconstricteurs+ corticoïdes

Naphazoline+ prédnisolone (Dérinox®) Décongestionnant

+ anti-inflamma-toire

Oxymétazoline+ prednisolone(Déturgylone®)

NARES : rhinite à éosinophiles ; PNS : polypose nasosinusienne.

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douleurs craniofaciales et des symptômes de reflux gastroœso-phagien [8]. Parfois, les symptômes sont déclenchés par unfacteur non spécifique tel que l’exposition au froid, les effortsphysiques, certaines odeurs, les aliments épicés, les émotions, lestress, le décubitus... Cependant, le facteur déclenchant n’est pastoujours identifiable. À l’inspection des fosses nasales, lamuqueuse peut être normale ou érythémateuse et/ou œdéma-tiée et/ou hypersécrétrice.

Bien que certains tests diagnostiques soient en cours dedéveloppement [9], la rhinite vasomotrice est évoquée lorsquetoutes les causes infectieuses, allergiques, anatomiques oumédicales ont été éliminées. Un dosage de thyroid stimulatinghormone (TSH) permet parfois de découvrir une hypothyroïdieau cours de laquelle la rhinite vasomotrice serait due à unediminution de l’activité sympathique. Une cytologie de lamuqueuse nasale peut être réalisée, ne trouvant pas d’inflam-mation spécifique. Le traitement repose sur les anticholinergi-ques locaux (Tableau 2).

Rhinite médicamenteuse. Il s’agit d’une rhinite chroniqueliée à une dépendance secondaire à l’application endonasaleprolongée de substances vasoconstrictrices. La consommation decocaïne agit par le même mécanisme et son usage est associé àune augmentation importante des cas de rhinitemédicamenteuse [10].

Comme dans la rhinite vasomotrice, elle comporte unehyperréactivité nasale secondaire à une interaction entre letraitement décongestionnant et le système nerveux autonome.Sur le plan clinique, il s’agit d’une perte progressive de l’effetdes décongestionnants dont la durée d’action se raccourcit, pouraboutir finalement à une obstruction nasale chronique trèsinvalidante associée à une rhinorrhée qui ne répondent plus àces sympathicomimétiques.

De même, tous les agents pharmacologiques systémiquesayant une interaction avec le système nerveux autonome sontsusceptibles d’induire une rhinite médicamenteuse. Il peuts’agir : des antihypertenseurs, des inhibiteurs de l’enzyme deconversion de l’angiotensine et des b-sympathicomimétiques.

La prise en charge thérapeutique de la rhinite médicamen-teuse repose sur le sevrage du traitement décongestionnant,toujours difficile à obtenir. La prescription de lavages des fossesnasales au sérum salé iso- ou hypertonique et de corticostéroïdeslocaux peut aider au sevrage (Tableau 2). Le traitement préventifest fondamental en limitant les prescriptions de décongestion-nants à des cures de moins de 10 jours et moins de deux curespar mois. En dehors du risque de rhinite médicamenteuse, leurutilisation abusive peut, de plus, masquer le développement denombreuses pathologies endonasales et en particulier celuid’une tumeur.

Autres rhinites non allergiques [7]. Il peut s’agir de la rhiniteà éosinophiles ou non allergic rhinitis with eosinophilic syndrome(NARES) dont la symptomatologie est caractérisée par laprésence fréquente de troubles de l’olfaction associés à unesymptomatologie de rhinite vasomotrice. L’inspection des fossesnasales n’est pas spécifique, pouvant mettre en évidence unœdème localisé de la muqueuse au niveau du méat moyen. Lediagnostic repose sur l’absence d’allergie et la prédominance depolynucléaires éosinophiles (> 20 %) dans la cytologie nasale. Letraitement est basé sur la corticothérapie locale (Tableau 2).

Les rhinites hormonales sont observées au cours de lagrossesse, pendant la période prémenstruelle et au cours decertains traitements contraceptifs et dont les symptômesseraient secondaires à l’élévation sanguine du taux de progesté-rone entraînant une congestion muqueuse. Dans les formes trèsinvalidantes, une prescription de corticothérapie nasale peutêtre associée à des décongestionnants locaux (Tableau 2).

Les rhinites irritatives sont observées au cours de l’expositionà la fumée de tabac et/ou à des toxiques professionnels :poussières (travail du bois) ou substances chimiques (formaldé-hyde, chlorophénol, peintures, parfums...).

Sinusite chronique : polypose nasosinusienne primitive [11]

La polypose nasosinusienne est une forme particulière desinusite chronique caractérisée par le développement bilatéral etmultifocal de polypes. Elle peut s’associer à un asthme, voire à

une intolérance à l’aspirine (maladie de Fernand Widal). Parmiles symptômes rhinosinusiens, les troubles de l’odorat, trèsfréquents dans la polypose nasosinusienne, doivent faireévoquer le diagnostic. La tomodensitométrie des sinus n’est passystématique car la clinique suffit en général pour porter lediagnostic. Les tests allergologiques sont intéressants en casd’allergie suspectée dont la prise en charge est associée autraitement de la polypose nasosinusienne. Les explorationsfonctionnelles respiratoires avec éventuel test de provocation àla métacholine recherchent une hyperréactivité bronchique.

La polypose nasosinusienne étant une maladie de lamuqueuse, son traitement est avant tout médical, reposant surla corticothérapie locale continue (Tableau 2) parfois complétéepar une corticothérapie générale en cure courte (1 mg/kgd’équivalent prédnisone sur 10 jours maximum) qui ne doit pasêtre répétée plus de trois fois par an. Les antibiotiques ne sontutiles qu’en cas de surinfection évidente. Les antihistaminiquesn’ont pas d’indication dans la polypose nasosinusienne maispeuvent être intéressants en cas d’allergie associée. Le traitementchirurgical est indiqué dans les polyposes nasosinusiennesinvalidantes et résistantes à un traitement médical bien conduit,bien observé et suffisamment prolongé (au moins 4 mois). Lepatient doit être clairement informé que la chirurgie n’est pasun traitement curatif et qu’elle nécessite, pour être efficace,d’être suivie d’une corticothérapie locale prolongée.

Rhinorrhées mucopurulentes

Unilatérales

Corps étrangers des fosses nasales

Chez un enfant, devant une rhinorrhée mucopurulenteunilatérale chronique en l’absence de foyer infectieux dentaire,la présence d’un corps étranger doit systématiquement êtreévoquée. L’absence de notion de syndrome de pénétrationnasale ne permet pas d’éliminer le diagnostic de corps étrangerdes fosses nasales. Chez l’adulte, ce diagnostic doit particulière-ment être évoqué dans les suites à moyen ou long terme d’unechirurgie rhinosinusienne. L’examen endoscopique des fossesnasales après vasoconstriction doit être minutieux, nécessitantparfois une anesthésie générale. Il est souvent difficile en raisond’une inflammation muqueuse importante entraînant œdème etsaignement au contact. Le traitement repose sur l’ablation ducorps étranger.

Malformative : imperforation choanale unilatérale

Elle est le plus souvent observée chez l’enfant. Le diagnosticrepose sur l’endoscopie nasale et la tomodensitométrie. Lediagnostic d’imperforation choanale nécessite un bilan généralcar, dans 40 % des cas, elle s’intègre dans un syndrome poly-malformatif (malformations craniofaciales, otologiques, nerveu-ses, ophtalmologiques, laryngotrachéales, cardiaques, digestives,urinaires) [12]. Le traitement est chirurgical.

Tumeurs rhinosinusiennes (Fig. 2)

Toute tumeur bénigne ou maligne des fosses nasales, dessinus ou du cavum peut être révélée par une rhinorrhée

“ À retenir

Étiologies des rhinorrhées séreuses chroniques.• Rhinorrhée de liquide cérébrospinal.• Rhinite allergique.• Rhinite vasomotrice.• Rhinite médicamenteuse.• Rhinite hormonale (grossesse, prémenstruelle, pilulecontraceptive).• Polypose nasosinusienne et NARES.• Rhinite du sujet âgé.

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mucopurulente unilatérale, le plus souvent associée à uneobstruction nasale et à des douleurs craniofaciales. En consé-quence, en l’absence de symptomatologie spécifique, un bilanendoscopique des fosses nasales est indispensable en cas derhinorrhée mucopurulente ne guérissant pas après antibiothéra-pie adaptée ou associée à des signes d’accompagnement suspects(épistaxis, déformation faciale, troubles visuels, anesthésiefaciale) ou en cas d’exposition professionnelle aux poussières debois. En cas de lésion tumorale, une tomodensitométrie parfoiscomplétée par une imagerie par résonance magnétique nucléairedu massif facial permet d’orienter le diagnostic et de préciserl’extension locorégionale. Une analyse anatomopathologique estensuite réalisée, pouvant parfois nécessiter une ouverture d’unsinus sous anesthésie générale.

Sinusites chroniques systématisées

Origine dentaire [13]. Il s’agit d’une sinusite maxillaire parfoisassociée à une atteinte frontale et/ou ethmoïdale antérieure.L’examen des dents de l’arcade maxillaire homolatérale peutrévéler une carie, une douleur à la percussion, au chaud ou aufroid. Du pus au collet de la dent est également très évocateur.Une imagerie est souvent réalisée pouvant comporter des clichésocclusifs, un orthopantomogramme ou une tomodensitométriedentaire.

La prise en charge comprend des soins dentaires et, le plussouvent, une antibiothérapie.

Origine fongique [14, 15]. Dans la cavité sinusienne, l’agentfongique forme une concrétion (balle fongique) posée sur lamuqueuse qui peut rester strictement normale ou au contraireprésenter une réaction inflammatoire importante. La causeexacte de cette pathologie demeure inconnue. En France, l’agentfongique le plus fréquemment en cause est Aspergillus fumigatus.Les localisations maxillaires sont les plus fréquentes, puis lesformes sphénoïdales. La tomodensitométrie est évocatricedevant une opacité centrée par un aspect de pseudocorpsétranger comblant plus ou moins complètement la cavitésinusienne.

Le traitement est chirurgical, basé sur l’exérèse de la ballefongique.

Origine rhinologique [16]. En l’absence d’une des étiologiesdécrites précédemment, il est possible que certains patients« autonomisent » leur infection mais ce diagnostic doit êtrefondé sur une période de surveillance afin d’éliminer toutes lesautres causes en incluant des prélèvements bactériologiques.

BilatéralesUne rhinorrhée mucopurulente chronique bilatérale évoque

une sinusite chronique diffuse. À l’interrogatoire, les symptômesassociés peuvent comporter une obstruction nasale, des troublesde l’olfaction et des douleurs craniofaciales. L’inspection desfosses nasales permet de confirmer la suppuration diffuse et depréciser l’anatomie des fosses nasales et l’aspect de la muqueuse.Le bilan complémentaire comporte une tomodensitométrie dumassif facial afin de préciser l’extension et le retentissement del’infection. Un prélèvement bactériologique du méat moyen estsouvent utile, surtout après des antibiothérapies répétées. Lesautres examens complémentaires sont orientés en fonction del’étiologie suspectée :• polypose nasosinusienne primitive infectée ;• origine dentaire ;• origine rhinologique ;• origine dysimmunitaire : les déficits immunitaires congéni-

taux ou acquis peuvent se compliquer d’une sinusite chroni-que avec suppuration diffuse. Un diabète ou uneséropositivité au virus de l’immunodéficience humaine (VIH)peuvent parfois être révélés par une sinusite chronique. Plusrarement, une électrophorèse des protides peut révéler unebaisse des gammaglobulines conduisant ensuite à des dosagesplus spécifiques. Enfin, certaines maladies de système (mala-die de Wegener, maladie de Churg et Strauss, sarcoïdose...)peuvent être révélées ou compliquées par une sinusitechronique ;

• origine génétique : beaucoup plus rarement, une sinusitechronique diffuse peut révéler une mucoviscidose ou une

“ À retenir

Éléments faisant suspecter une tumeurrhinosinusienne devant une rhinorrhée.• Antécédents d’exposition aux poussières de bois.• Signes cliniques unilatéraux :

C déformation faciale ;C troubles visuels ;C anesthésie faciale ;C épistaxis.

• Échec des traitements médicaux (antibiotiques,traitements locaux).• Visualisation d’une tuméfaction en rhinoscopie.

Figure 2. Fosse nasale droite : vue endoscopique d’une tumeur mali-gne (A, mélanome) et d’une tumeur bénigne (B, papillome). 1 : Cornetmoyen ; 2 : septum ; 3 : tumeur ; 4 : cornet inférieur.

“ À retenir

Étiologies des rhinorrhées mucopurulentesunilatérales chroniques.• Corps étranger nasal.• Imperforation choanale.• Tumeur rhinosinusienne.• Sinusite chronique systématisée d’origine dentaire,fongique, rhinologique.

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dyskinésie ciliaire primitive. Ces pathologies sont le plussouvent évoquées chez l’enfant mais peuvent parfois êtredécouvertes chez un adulte, d’autant plus que la sinusite estassociée à une dilatation des bronches et/ou un trouble de lafertilité et/ou une malposition viscérale. L’examen cliniquemet typiquement en évidence une suppuration diffuseassociée à des polypes. En l’absence d’orientation clinique,une recherche de mucoviscidose est réalisée en premièreintention par le test de la sueur souvent complété par unemesure de la différence de potentiel transépithéliale nasal etune étude génétique. Si la mucoviscidose est éliminée, lebilan est complété par une recherche de dyskinésie ciliaireprimitive qui repose sur le test de transport de la saccharineet les études du mouvement et de la structure ciliaires.

Rhinorrhées croûteuses [17] (Fig. 3)

L’interrogatoire recherche en priorité des causes locales(agression physique ou chimique), l’apparition récente d’unedéformation de l’arête nasale (ensellure), une douleur, desépistaxis et surtout la notion de symptômes généraux (arthral-gies, myalgies, fièvre, amaigrissement) L’examen clinique,souvent complété par une tomodensitométrie, permet dedistinguer :• l’ulcération septale trophique qui évolue parfois vers une

perforation septale. Les causes physiques et chimiquesdoivent être éliminées et des prélèvements microbiologiqueset anatomopathologiques sont recommandés afin d’éliminerles causes infectieuses, tumorales et inflammatoires ;

• la rhinite croûteuse au cours de laquelle les croûtes s’associentsouvent à une rhinorrhée mucopurulente, une obstructionnasale et une odeur fétide. Elle peut constituer une compli-cation d’une chirurgie rhinosinusienne ou une infectionspécifique appelée ozène, rarement observée en France.

L’inspection des fosses nasales met en évidence une atrophiedes cornets, une muqueuse amincie et érythémateuse sai-gnant facilement au contact. Parfois, une perforation septaleet des déformations de la pyramide nasale peuvent êtreobservées. La tomodensitométrie ne montre pratiquement pasd’extension sinusienne. Le diagnostic d’ozène repose surl’absence d’antécédent chirurgical, la négativité de l’analyseanatomopathologique des biopsies de muqueuse nasale et laprésence de Klebsiella ozenae sur les analyses microbiologi-ques ;

• la rhinosinusite croûteuse observée au cours de la tuberculoseou de certaines maladies de système (sarcoïdose, maladie deWegener, maladie de Churg et Strauss...). La présence decroûtes nasales et/ou d’ulcérations et/ou d’un granulomemuqueux lors de l’examen clinique doit faire évoquer lediagnostic. La tomodensitométrie des sinus peut mettre enévidence des zones d’ostéolyse, cependant inconstante. Leplus souvent, la rhinosinusite chronique s’accompagne designes généraux et/ou fait partie d’une atteinte multiviscéralequ’il faut savoir rechercher lorsque la pathologie systémiquen’est pas connue. L’analyse anatomopathologique des biop-sies de muqueuse nasale a une place fondamentale dans lediagnostic étiologique, basé sur un faisceau d’argumentscliniques et paracliniques.

Rhinorrhée sanglanteDevant une rhinorrhée sanglante chronique, un examen

endoscopique complet des fosses nasales et du cavum estrecommandé afin de rechercher une cause tumorale. Le plussouvent, cet examen est complété par une tomodensitométriedu massif facial avant et après injection de produit de contraste.Lorsqu’un processus tumoral a été éliminé, la rhinorrhéesanglante peut être observée au cours des rhinites et rhinosinu-sites, d’autant plus que la composante inflammatoire estimportante.

■ ConclusionLa rhinorrhée chronique est un symptôme très fréquent dont

le bilan étiologique repose sur un interrogatoire exhaustif et unexamen clinique ORL qui permettent le plus souvent de faire lediagnostic et d’orienter les examens complémentaires éventuels.En cas de doute diagnostique, l’endoscopie des fosses nasalespar un praticien ORL et la tomodensitométrie du massif facialsont les examens à demander en première intention afin depréciser l’étiologie de la rhinorrhée.

■ Références[1] Jankowski R. Du dysfonctionnement nasosinusien chronique au

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Figure 3. Fosse nasale gauche : vue endoscopique d’une rhinite croû-teuse (maladie de Wegener). 1 : Cornet moyen ; 2 : septum.

“ À retenir

Étiologies des rhinorrhées mucopurulentesbilatérales chroniques.• Polypose nasosinusienne.• Sinusites chroniques diffuses secondaires à une cause :

C dentaire ;C rhinologique ;C dysimmunitaire ;C congénitale (mucoviscidose, dyskinésie ciliaire

primitive).

“ À retenir

Étiologies des rhinorrhées croûteuses chroniques.• Ulcération/perforation septale.• Rhinite croûteuse iatrogène ou primitive (ozène).• Tuberculose nasale.• Sarcoïdose.• Maladie de Wegener, maladie de Churg et Strauss.

.

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Papon JF. La pathologie rhino-sinusienne, les rhinosinusites : polypose naso-sinusienne et rhinites allergiques. Rapport officiel de la Société fran-çaise d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie de la face et du cou:Génétique et maladies ORL; 2005.

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3 j  Chapter Title 59

Étiologie et pathogénie

La stérilité normale des sinus est maintenue par un drai-nage mucociliaire continu. Diverses anomalies physiologi-ques et anatomiques peuvent conduire à la perte de la perméabilité des ostiums des sinus et du complexe ostio-méatal, la région de drainage sinusal commun dans le méat antérieur médian. Ce mécanisme semble être impliqué dans la pathogénie de la plupart des cas de sinusite bacté-rienne (figure 9.1), tant aiguë que chronique. Bien qu’une infection virale des voies respiratoires supérieures (IRS) soit l’antécédent le plus fréquent, la rhinite allergique et vasomotrice peut aussi prédisposer à la sinusite bacté-rienne. Des facteurs anatomiques peuvent également y contribuer ; il peut s’agir d’une déviation de la cloison nasale ou d’une concha bullosa, qui est une bulle d’air (pneumatisation) piégée à l’intérieur du cornet moyen des fosses nasales. Des polypes nasaux formés à la suite d’une inflammation chronique des sinus facilitent les infections, à l’instar des corps étrangers comme les sondes nasotra-chéales et nasogastriques chez le patient hospitalisé.

La cigarette et certains médicaments peuvent altérer la motilité ciliaire intranasale, prédisposant ainsi à la sinusite. Ce qui peut causer de l’œdème dans l’ostium sinusal et empêcher le drainage des sinus. Un mécanisme relativement distinct est l’extension d’un abcès dentaire dans un des sinus maxillaires, et qui peut s’étendre aux sinus adjacents.

Les cultures du liquide obtenu par ponction du sinus maxillaire ou par prélèvement dans le méat moyen par endoscopie dirigée montrent que les bactéries le plus fréquemment trouvées sont Streptococcus pneumoniae et Haemophilus influenzae ; parfois, on isole d’autres strepto-coques et Moraxella catarrhalis.

Chez les patients atteints de diabète non contrôlé, de neutropénie ou d’autres déficiences immunitaires, des agents pathogènes comme Aspergillus, Rhizopus (Mucor), Candida, Alternaria, Pseudomonas, Nocardia, Legionella, des mycobactéries atypiques et certains parasites sont rares, mais importants sur le plan étiologique. Les sinusites noso-comiales associées à une sonde nasogastrique ou nasotra-chéale sont souvent polymicrobiennes, les germes en cause étant le plus souvent Staphylococcus aureus, des bactéries entériques à Gram négatif et des anaérobies, en particulier des streptocoques anaérobies, Bacteroides.

Les cultures en cas de rhinosinusite chronique révèlent une bactériologie différente. Des anaérobies ont été asso-ciés à certains cas de rhinosinusite chronique, bien que leur rôle pathologique ne soit pas clair. Il en est de même pour les staphylocoques coagulase négatifs, que l’on trouve fréquemment, ainsi que pour Staphylococcus aureus, souvent isolé en cas de purulence franche. Après intervention chirurgicale, les cultures révèlent une proportion élevée de bactéries à Gram négatif, notamment de Pseudomonas aeruginosa, dans 30 % des cas.

Des études récentes ont suggéré plusieurs mécanismes associés qui pourraient contribuer au développement de la rhinosinusite chronique, la distinguant de la forme aiguë et justifiant de nouvelles modalités de traitement. Les théories proposées comprennent l’intervention d’un supe-rantigène staphylococcique, une ostéite chronique, des biofilms et une réponse anormale à des mycoses nasales.

Tableau clinique

Les patients atteints de rhume ou rhinosinusite virale (IRS) ont en général les symptômes suivants : éternuements,

Introduction

La rhinosinusite, caractérisée par l’inflammation des sinus ethmoïdaux et maxillaires, est responsable d’environ 25 millions de consultations médicales annuelles aux États-Unis. Elle est la cinquième indication la plus fré-quente des prescriptions d’antibiotiques. Pour des raisons pratiques, la sinusite et la rhinosinusite sont des termes interchangeables, quoique de nombreux experts préfèrent la dernière dénomination, car les structures nasales contiguës aux sinus sont systématiquement enflammées en même temps que les sinus.

Rhinosinusite

Daniel S. Reuland • Brent A. Senior

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rhinorrée, congestion, pression faciale, écoulements rétro-pharyngés, hyposmie ou anosmie, maux de gorge, toux, oreilles bouchées, fièvre et myalgies. La couleur du mucus sécrété n’indique pas nécessairement qu’il est infecté par une bactérie. Les rhinosinusites d’origine virale ou bacté-rienne se ressemblent. Un rhume avec congestion et dou-leur faciale se prolongeant au-delà de 10 j, avec ou sans écoulement purulent, suggère une origine bactérienne. Certains patients décrivent une maladie biphasique. La fièvre est inconstante. Certains patients ont des symptômes subaigus, d’une durée de 4 à 12 semaines, ou chroniques, d’une durée excédant 12 semaines.

L’examen clinique peut révéler une sensibilité faciale, alors qu’en rhinoscopie antérieure, on constate de l’œdème des cornets inférieurs avec, éventuellement, la présence de polypes ou de mucopurulence (figure 9.2). L’utilité de la transillumination pour la prise de décision en routine cli-nique est probablement très limitée.

Des complications graves et mortelles de la sinusite sont rares ; elles requièrent une intervention rapide. Les orbites osseuses sont entourées par les sinus paranasaux. Par conséquent, une infection orbitaire peut faire suite à une sinusite, en particulier lorsque le sinus ethmoïde est concerné, l’infection pouvant s’étendre, chez les enfants, à travers la lamina papyracea. Un gonflement des paupières supérieures peut être le premier signe, suivi par une ptôse, un chémosis, de l’exophtalmie et une ophtalmoplégie. La

propagation antérieure de l’infection du sinus frontal peut aboutir à une ostéomyélite de l’os frontal, qui se manifeste par des céphalées, de la fièvre, un œdème de consistance pâteuse de l’os frontal appelé « tumeur boursouflée de Pott » (Pott’s puffy tumor).

Une migration rétrograde de thrombus septiques le long des canaux veineux à partir d’une infection des sinus postérieurs, y compris le sinus sphénoïde, peut causer une thrombophlébite du sinus caverneux. Les symptômes sont : fièvre, signes d’intoxication, chémosis, exophtalmie, para-lysie des nerfs crâniens impliquant les nerfs III (oculomo-teurs), IV (trochléaires) et VI (abducens). Une thrombose du sinus caverneux peut rapidement devenir bilatérale en se propageant par les anastomoses intercaverneuses. Une extension aux méninges ou au parenchyme cérébral peut survenir directement ou par les canaux veineux et peut aboutir à un abcès épidural ou sous-dural, à un abcès du lobe frontal ou à une méningite.

Les individus immunodéficients, ainsi que les patients diabétiques, sont exposés au risque d’infection fongique invasive des sinus principalement avec les espèces des gen-res Aspergillus et Mucor.

Diagnostic différentiel

Une IRS virale, une rhinite allergique, une rhinite vaso-motrice (non allergique), une utilisation chronique de

Drainage mucociliaire du sinus frontal

Complexeostioméatal

Cyclenasal

Fluidecollectédans le sinusDrainage

mucociliairedu sinus maxillaire

Obstructionostioméatale

Déviation du septum nasal

Un polype antrochoanalobstrue l’ostiumdu sinus maxillaire

Polypeau milieudu méat

Polype nasal

Les cils drainent les sinus en propulsant le mucus vers les ostiumsnaturels (drainage mucociliaire)

Figure 9.1 Histologie et physiologie de la cavité nasale et des sinus.

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décongestionnants nasaux (rhinite médicamenteuse) et une déviation du septum nasal sont les hypothèses diagnosti-ques les plus fréquentes chez les patients se plaignant de sinusite.

Des causes moins fréquentes de sinusite sont : une vas-culite ou des affections granulomateuses (granulomatose de Wegener, syndrome de Churg-Strauss, sarcoïdose), une tumeur, une fuite de liquide céphalorachidien, une rhinite vasomotrice liée à la prise de substances comme la cocaïne, la prazosine, et des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, un corps étranger et certains troubles hormonaux (hypothyroïdie, grossesse). Certains patients souffrant des sinus peuvent aussi se plaindre de migraine (avec ou sans aura).

Démarche diagnostique

Le diagnostic clinique de la rhinosinusite bactérienne aiguë devrait généralement être réservé aux patients présentant des symptômes de sinusite qui durent depuis plus de 7 j, avec douleur ou sensibilité à hauteur d’un sinus maxillaire unilatéral et sécrétions nasales purulentes. Chez beaucoup de ces patients, une étiologie virale reste probable, et bien que les antibiotiques soient souvent prescrits, de nombreux experts estiment qu’une attente sous surveillance est une option raisonnable.

Des examens d’imagerie comme une simple radiographie ou la tomodensitométrie (TDM) sont généralement de peu d’utilité dans l’évaluation initiale d’un patient atteint de rhinosinusite clinique. La radiographie n’est que modéré-ment sensible et spécifique pour une sinusite bactériologique avérée. La TDM sinusale est un test très sensible, mais sa spécificité est faible, et ne distingue pas les inflammations d’origine virale ou bactérienne. Des radiographies des sinus maxillaires chez les jeunes adultes atteints d’une IRS virale typique montrent des anomalies de la muqueuse dans envi-ron 40 % des cas, au 7e jour de la maladie, et les examens en TDM sont anormaux dans environ 85 % des cas similaires.

Le recours à l’imagerie dans l’évaluation initiale en cas de suspicion de sinusite coûte plus cher et n’est pas beau-coup plus efficace que d’autres stratégies, comme un trai-tement antibiotique empirique chez les patients avec une probabilité clinique assez élevée de rhinosinusite bacté-rienne, et une thérapie symptomatique pour les autres. Pour ces raisons, la radiographie n’est recommandée que si la thérapie initiale est inefficace, ou pour les cas de rhinosinusite chronique ou récurrente. En outre, de nom-breux spécialistes en oto-rhino-laryngologie trouvent que l’endoscopie nasale est plus utile que l’imagerie dans les cas réfractaires, récurrents ou compliqués, car elle permet de voir des sécrétions purulentes et de prélever un échan-tillon en vue d’une culture bactériologique.

Examen au spéculum de la cavité nasale pourdétecter un drainage sinusal et des déformationsobstructives

Examen de la gorge pourdétecter des écoulementsà l’arrière du nez et unehypertrophie des amygdales

Recherche d’adénopathiescervicales

Examen des oreilles pour détecterune infection de l’oreille moyenneet une inflammation de la tromped’Eustache

Examen des yeux pourdétecter un gonflementdes paupières ou dessignes d’extensionintraorbitaire

Palpation des sinus afin d’éveillerune douleur ou sensibilité localisée

Figure 9.2 Examen physique.

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Soins et traitement

Sélection des patients pour la thérapie antibiotique

La plupart des cas dits de sinusite aiguë diagnostiquée en pratique ambulatoire générale sont de simples IRS virales. Même quand des sinus sont enflammés, les étiologies bac-tériennes et virales sont difficiles à distinguer sur la base de la clinique. Bien que les antibiotiques soient clairement prescrits de manière excessive pour cette indication, leur utilisation peut être justifiée dans un sous-groupe de patients avec des plaintes sinusales. Des revues systémati-ques récentes ont examiné la question de l’antibiothérapie en cas de rhinosinusite aiguë. Considérées dans leur ensem-ble, des études contrôlées avec placebo de la réponse cli-nique montrent un bénéfice absolu de l’ordre de 15 % ; pour que 1 patient en tire bénéfice, il faut donc traiter près de 7 patients. Le résultat est donc faible ; de plus, la plupart des patients sous placebo se sont améliorés sans antibio-thérapie. Aucune complication grave n’a été signalée chez les patients ayant reçu un placebo.

Compte tenu de l’aggravation de la résistance aux anti-biotiques, la plupart des experts préconisent de réserver ceux-ci aux patients dont les symptômes durent plus de 7 jours, avec douleur maxillaire ou sensibilité dans le visage ou les dents et sécrétions nasales purulentes, ainsi que pour ceux qui ne répondent pas aux décongestionnants ou qui ont des symptômes graves. Ces recommandations s’appli-quent à la plupart des patients immunocompétents rencon-trés en routine. Une thérapie antibiotique précoce avec évaluation diagnostique agressive et consultation d’un spé-cialiste est indiquée chez tout patient présentant des signes de toxicité ou des signes de complications. L’intervention d’un oto-rhino-laryngologiste est également indiquée lors-que la sinusite est soit récurrente soit réfractaire au traite-ment empirique.

Traitement optimal

Traitement antibiotique pour rhinosinusite bactérienne aiguë

Trois méta-analyses récentes ont conclu que de nouveaux antibiotiques à large spectre n’étaient pas plus efficaces que les agents à spectre étroit. Lorsqu’un antibiotique est pres-crit, il devrait être celui avec le spectre le plus étroit, qui est actif contre les bactéries pathogènes les plus commu-nes, S. pneumoniae et H. influenzae. Les nouvelles lignes directrices de consensus de l’American Academy of Otolaryngology et les Centers for Disease Control and Prevention suggèrent que l’amoxicilline avec ou sans cla-vulanate et les céphalosporines cefpodoxime et le céfu-roxime semblent être aussi efficaces que les agents plus récents, plus chers en cas d’utilisation comme thérapie de première ligne chez des patients qui n’ont pas reçu un antibiotique au cours des 4 à 6 semaines. Les sulfamidés,

triméthoprime-sulfaméthoxazole (TMP-SMX), la doxycy-cline et les macrolides conviennent pour les patients aller-giques aux pénicillines. Chez ceux qui ont reçu récemment un traitement antibiotique, de nouvelles quinolones seraient appropriées. La durée optimale du traitement est incon-nue, mais on traite en général pendant 7 à 14 j. Dans une étude, les TMP-SMX pendant 3 j ont été aussi efficaces qu’un traitement de 10 j. Compte tenu de l’augmentation rapide de la résistance de S. pneumoniae et H. influenzae aux antibiotiques, le clinicien peut vouloir tenir compte égale-ment des recommandations actuelles pour le traitement contre ces germes lors du choix thérapeutique, en particu-lier si la prévalence d’organismes résistants est grande ou le risque de complications élevé.

Traitement sans antibiotique

Puisque les complications sont rares et la rhinosinusite guérit habituellement sans antibiotique, les patients atteints d’une simple rhinosinusite aiguë peuvent souvent être trai-tés par des analgésiques, des décongestionnants et l’appli-cation locale de chaleur pour soulager l’inconfort. On pense que les décongestionnants locaux diminuent l’œdème de l’ostium des sinus et du complexe ostioméatal. Le pro-blème du rebond à court terme est minimisé lorsque ces médicaments sont utilisés pendant moins de 4 j. On dit que les antihistaminiques favorisent l’épaississement des sécré-tions et, par conséquent, sont déconseillés, du moins au début, même si les preuves sont limitées. L’inhalation de vapeur chaude et l’irrigation nasale avec une solution saline peuvent être utiles.

Éviter les erreurs de traitement

Les médecins ont tendance à prescrire des antibiotiques dans 90 % des cas de sinusite, même si la plupart des cas guérissent spontanément. Manifestement, la prescription excessive d’antibiotiques pour traiter ce qui est le plus souvent une infection virale est la plus commune des erreurs thérapeutiques. Ce n’est pas tout à fait évitable compte tenu de la difficulté à distinguer les étiologies vira-les des étiologies bactériennes. Toutefois, rappeler aux patients à la fois le problème de la résistance aux antibio-tiques et les bénéfices relativement modestes des anti-biotiques pour une rhinosinusite aiguë pourrait aider à réduire les excès de l’antibiothérapie en routine clinique.

Futures directions

Puisque le praticien ne dispose d’aucun test simple et précis pour diagnostiquer une sinusite, des études visant à améliorer notre aptitude à exploiter les observations cli-niques afin de prendre des décisions appropriées seraient utiles. Pour améliorer la pratique clinique, il conviendrait de pouvoir évaluer les résultats à différents moments et d’adapter l’aide au patient à la gravité des symptômes.

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D’autres études sont nécessaires pour évaluer la préva-lence des souches résistantes des micro-organismes et les implications thérapeutiques.

Ressources supplémentaires

Hickner JM, Bartlett JG, Besser RE, et al. Principles of appropriate antibiotic use for acute rhinosinusitis in adults : background. Ann Intern Med 2001 ; 134 (6) : 498-505. PMID : 11255528.

Cet article présente une revue détaillée du diagnostic et du traitement de la rhinosinusite sur la base de données probantes de haute qualité. Il est extrêmement bien référencé et comprend les différents degrés de fiabilité de tous les principes et recommandations.

Williams JW Jr, Aguilar C, Makela M, et al. Antibiotic therapy for acute sinusitis : a systematic literature review. The Cochrane Collection Web Site. Accessible à : http://www.cochrane.org. Consulté le 4 octobre 2006.

Cette revue approfondie des données probantes montre un effet favorable modéré des antibiotiques en cas de sinusite maxillaire aiguë durant plus de 7 j. Ce site web commente aussi des sujets connexes tels que les techniques de chirurgie sinusale endoscopique en cas de sinusite chronique et l’usage des corticoïdes par voie intranasale pour traiter la sinusite aiguë ; pour ce dernier

thème, il apparaît qu’il y a trop peu d’études randomisées pour que l’on puisse émettre un avis pertinent.

Zucher DR, Balk E, Engels E, et al. Diagnosis and treatment of acute bacterial rhinosinusitis. Agency for Health Care Policy and Research Publication no 99-E016 : Evidence Report/Technology Assessment Number 9. Accessible à : http://www.ahrq.gov/clinic/epcsums/sinus-sum.htm. Consulté le 4 octobre 2006.

Il s’agit d’une autre revue globale des données probantes, avec analyse des décisions et du rapport coût/efficacité. Il propose également un plan détaillé pour de futures recherches.

Données probantes

Van Buchem FL, Knottnerus JA, Schrijnemaekers VJ, Peeters MF. Primary-care-based randomized placebo-controlled trial of anti-biotic treatment in acute maxillary sinusitis. Lancet 1997 ; 349 (9053) : 683-7. PMID : 9078199.

Voici un exemple d’essai clinique randomisé et bien planifié démontrant la modeste utilité d’une antibiothérapie empirique et l’absence d’utilité de la radiographie dans l’administration des soins de première ligne à des patients atteints de rhinosinusite.

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3 j  Chapter Title 87

Introduction

L’enrouement est une dysphonie caractérisée par un timbre rugueux et dur à cause d’une vibration incorrecte de l’épithélium qui couvre les cordes vocales. Tout ce qui provoque un raidissement ou une mauvaise coap-tation des cordes vocales se traduira par une anomalie de la voix. Si les cordes vocales ne peuvent se joindre en raison d’une paralysie ou d’une béance, la voix sera faible et voilée, alors qu’une inflammation dans et autour des cordes rendra la voix rauque. Tout enrouement persistant pendant 2 semaines ou plus requiert un examen direct des cordes vocales par un oto-rhino-laryngologiste (figure 14.1).

Enrouement

Mark C. Weissler • Charles S. Ebert Jr

Etiologie, pathogénie et tableau clinique

Puisque la raucité de la voix est l’expression de tout ce qui porte atteinte aux vibrations des cordes vocales, de multi-ples facteurs peuvent être impliqués (encadré 14.1 et figu-res 14.2 à 14.4). Le reflux gastro-œsophagien (RGO), le reflux laryngopharyngé (RLP), l’écoulement post-nasal et la toux chronique sont des causes communes des change-ments de voix. Un carcinome du larynx glottique est le plus préoccupant dans le patient adulte. Chez les enfants en bonne santé, les nodules des cordes vocales causés par une utilisation excessive de la voix (les nodules des « criards ») sont courants. Un cri anormal chez le nouveau-né justifie une recherche d’anomalie congénitale ou acquise des cor-des vocales.

Le degré de raucité est évalué de manière très variable par les patients en fonction de l’utilisation de leur voix. Ceux qui l’utilisent dans leurs activités professionnelles comme les chanteurs, les enseignants, les personnalités politiques et les acteurs peuvent ne pas tolérer la moindre perturbation vocale, même si elle ne se manifeste que dans certaines circonstances.

Démarche diagnostique

La laryngoscopie indirecte (voir la figure 14.1) est la base de l’examen clinique. Un miroir peut être utilisé, mais un meilleur examen peut être effectué au moyen d’un instru-ment avec fibre optique souple ou rigide. De cette manière, la structure et la fonction des cordes vocales peuvent être

évaluées chez les patients de tous âges. Pour les cas plus délicats, particulièrement pour les utilisateurs profession-nels de la voix atteints de légères perturbations, une laryn-goscopie avec fibre optique et vidéostroboscopie est indispensable. En ajustant la fréquence de la source lumi-neuse à celle de la vocalisation, l’examinateur peut voir la propagation de l’onde sur la muqueuse. C’est la seule méthode qui lui permet de détecter de subtiles anomalies dans les vibrations de l’épithélium de surface des cordes vocales.

Lorsque l’examen clinique révèle des anomalies qui jus-tifient une biopsie, une laryngoscopie directe sous anesthé-sie générale en salle d’opération est indiquée. Des analyses de sang (par exemple la thyréostimuline, T4 libre) et de l’imagerie (par exemple une radiographie du thorax, une tomodensitométrie [TDM] du cou) peuvent être appro-priées dans certaines situations cliniques. Si les voies aériennes sont altérées de quelque manière que ce soit, un examen urgent par un oto-rhino-laryngologiste s’impose.

Soins et traitement

L’orientation du patient chez un oto-rhino-laryngologiste pour la visualisation des cordes vocales est indiquée pour tout patient enroué depuis plus de 2 semaines (figure 14.5). Le traitement dépend de la situation clinique, mais les mesures habituelles sont : reposer la voix ; cesser de fumer ; traiter le reflux gastro-œsophagien, la rhinosinusite chro-nique et la toux ; envoi chez un orthophoniste pour traite-ment et entraînement de la voix. La plupart des états

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Technique

Le miroirsoulèvela luette

Racine de la langue(amygdale linguale)

Epiglotte

Plisventriculaires(fausses cordes)Pliaryépiglottique

Tuberculecunéiforme

Incisureinteraryténoïdienne

Larynx normal : inspiration Larynx normal : phonation

Trachée

Fossepyriforme

Tuberculecorniculé

Œsophage

Plis vocaux(vraies cordes)

Ligamentglossoépiglottiquemédian

Figure 14.1 Examen du larynx.

Encadré 14.1 Causes d’enrouement

Inflammation, œdème ou gonflementj Tabagismej Reflux gastro-œsophagienj Consommation d’alcoolj Alimentationj Style de viej Rhinosinusite chronique et écoulement post-nasalj Allergiej Toux chroniquej Asthmej Associé aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion

de l’angiotensinej Forçage ou surmenage de la voixj Nodules des enfants criardsj Chanteurs amateurs ou professionnels sans technique

adéquate ou entraînementj Myxœdèmej Infectionsj Viralesj Bactériennesj Fongiquesj Après intubation

Rigiditéj Cicatrice chirurgicalej Cicatrices d’inflammation gravej Séquelle de l’une des affections inflammatoires

citées ci-dessus

Lésion massivej Nodulej Kystej Granulomej Néoplasmesj Epithélioma spinocellulairej Tumeur à cellules granuleusesj Certaines infections fongiques

Béance des cordes vocalesj Vieillissement des cordes vocales (presbylarynx)j Atrophie due à l’inhalation répétée de stéroïdes

Paralysie ou parésiej Post-viralej Lésion sur le trajet du nerf vague entre le tronc cérébral

et l’arc aortiquej Iatrogène

j Thyroïdectomiej Approche antérieure de la colonne cervicale en vue

d’une laminectomiej Accident cérébrovasculairej Malformation d’Arnold-Chiari chez les nouveau-nésj Autres malformations congénitales

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inflammatoires et ceux causés par le forçage de la voix sont le mieux traités de manière non chirurgicale, si possible. Une biopsie peut être nécessaire afin d’exclure une tumeur maligne. Avant une intervention chirurgicale thérapeutique pour une maladie bénigne, il est essentiel de contrôler les conditions sous-jacentes responsables de l’inflammation.

Cesser de fumer est souvent difficile pour le patient. Le soutien principal du traitement est de convaincre tous les membres du ménage d’arrêter de fumer et de le faire ensemble en respectant un calendrier défini. Les substituts nicotiniques peuvent être utiles, comme peut l’être égale-ment un antidépresseur, la bupropione. Le recours à des médecines alternatives comme l’acupuncture et l’hypnose peut aider certains patients.

Reflux gastro-œsophagien et reflux laryngopharyngé

Le RLP est de plus en plus impliqué dans l’inflammation chronique des voies aérodigestives supérieures. Dans jusqu’à 50 % des cas, il n’est pas associé aux classiques brûlures d’estomac ou aux symptômes de RGO. La pre-

mière mesure consiste en un changement du mode de vie, entre autres éviter tout ce qui est connu comme exacerbant le reflux comme la caféine, l’alcool, la menthe poivrée, les aliments épicés et chauds. Le patient devrait éviter de man-ger durant les 3 h qui précèdent le coucher, dormir avec la tête surélevée, pratiquer des exercices régulièrement et perdre du poids. Si ces mesures sont inefficaces, il convient d’ajouter un antihistaminique H2 ou un inhibiteur de la pompe à protons, pas trop puissant, et donc disponible sans prescription. En cas d’échec, on passera alors à des prépa-rations plus actives de l’un de ces deux médicaments, qui requièrent alors une prescription. Si le diagnostic reste incertain, il faudra effectuer un test de pH par sonde durant 24 h avec enregistrement des symptômes au cours de la même journée et en dehors de toute prise de médicaments antireflux. Ce test est utile, bien qu’il ne soit pas absolu-ment exact si le patient est asymptomatique au moment de l’étude. Une manométrie œsophagienne et une déglutition barytée sont également effectuées fréquemment. Si ces tests sont positifs, et que le traitement médical a échoué, on envisagera une fundoplication chirurgicale, qui peut habituellement être effectuée sous laparoscopie.

Laryngite aiguë Laryngite membraneuse

Inflammation et gonflementsous-glottiques en cas de croup

Cordes vocales œdématiéesdans un cas de laryngitechronique

Figure 14.2 Inflammation du larynx.

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Papillome pédonculéde la commissure antérieure

Polype sessile Volumineux granulomes bilatéraux

Polype sous-glottique Hyperkératose de la corde droite Leucoplasie bilatérale

Figure 14.3 Lésions des cordes vocales.

Rhinosinusite chronique et écoulement post-nasal

L’allergie et des sensibilités à des polluants sont respon-sables de la plupart de ces cas. La prévention, les antihistaminiques, les inhibiteurs des leucotriènes, l’in-halation de corticostéroïdes d’antihistaminiques ou de cromolyn constituent le traitement de base. Les anti-histaminiques avec un effet anticholinergique minimal sont préférables pour cette indication, parce que la sécheresse induite par des antihistaminiques systémi-ques peut aggraver les troubles vocaux. Dans les cas graves, des tests intradermiques d’allergie ou des tests de RAST (Radio Allergo Sorbent test) suivis d’une désen-sibilisation peuvent être indiqués. Des irrigations nasa-les et des gargarismes avec une solution saline tamponnée hypertonique peuvent aussi s’avérer bénéfiques. L’ipratropium est le traitement de choix pour la rhinite vasomotrice avec écoulement post-nasal. Les patients qui ne répondent pas au traitement médical devraient faire l’objet d’un examen tomodensitométrique des sinus paranasaux et consulter un oto-rhino-laryngolo-giste (rhinologiste). Dans certains cas, la chirurgie

endoscopique pour lever les obstacles au drainage des sinus paranasaux peut être utile.

Toux chronique

Les causes les plus fréquentes, après exclusion de la bronchite chronique, de la maladie pulmonaire obstructive chronique, d’une insuffisance cardiaque, d’une infection pulmonaire et d’un néoplasme, sont le reflux gastro-œsophagien, l’allergie, certains médicaments (en particulier les inhibiteurs de l’en-zyme de conversion de l’angiotensine), la sinusite chronique avec écoulement post-nasal et une hyperexcitabilité des voies respiratoires. Une radiographie pulmonaire doit être effec-tuée chez tous les patients avec une toux persistante inexpli-quée. Si le cliché est normal, un traitement du RGO, de l’allergie, de l’écoulement post-nasal et de l’asthme peut être institué, de manière graduée et de façon exploratoire. Une autre option pour identifier l’étiologie est d’effectuer pro-gressivement les examens suivants : tests classiques d’allergie, test de stimulation à la méthacholine pour la détection d’une hyperexcitabilité bronchique, mesure du pH par sonde pen-dant 24 h, déglutition barytée ou endoscopie haute et tomo-densitométrie des sinus paranasaux.

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Carcinome débutantde la corde vocale gauche

Carcinome à la commissureantérieure

Carcinome étendu de la cordevocale droite envahissantla région aryténoïdienne

Carcinome du sinus pyriforme Carcinome post-cricoïdien

Nodule dansle cou (souventun signe initialde carcinomeextrinsèquedu larynx)

Figure 14.4 Cancer du larynx.

Traitement optimal

Le traitement de la plupart des patients est généralement bien défini après les examens qui viennent d’être décrits et peut être prescrit par le médecin de premier recours ou par un oto-rhino-laryngologiste. Toutefois, les soins optimaux pour l’utilisateur professionnel de la voix peu-vent nécessiter la consultation d’un orthophoniste, qui pourra améliorer l’hygiène vocale et évitera les compor-tements inadaptés comme la dysphonie hyperfonction-nelle, un volume vocal ou une fréquence fondamentale inappropriée.

Éviter les erreurs de traitement

L’erreur potentielle la plus grave dans la mise au point d’un cas d’enrouement est de manquer le diagnostic d’un cancer du larynx. Pour cette raison, tous les patients avec des symptômes qui durent depuis plus de 2 semaines doivent être adressés à un oto-rhino-laryngologiste ou un chirur-

gien de la tête et du cou pour examen du larynx. Toute anomalie visible à la laryngoscopie avec fibre optique et ne répondant pas à une thérapie médicale conservatrice doit subir une biopsie.

Future directions

De nombreux domaines font actuellement l’objet d’une recherche active, par exemple le contrôle de la fonction neuromusculaire et du réflexe des cordes vocales, ce qui pourrait conduire à de nouvelles stratégies pour le traite-ment de la toux et des dysphonies. On s’intéresse aussi fortement aux causes du RGO, entre autres à la production d’acide gastrique et à la fonction du sphincter œsophagien, ainsi qu’à l’identification des substances responsables de l’irritation, en particulier du larynx et du pharynx. Une association entre le reflux et les tumeurs malignes des voies aérodigestives supérieures a récemment été proposée, et mérite que l’étude soit poursuivie.

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Ressources supplémentaires

Banfield G, Tandon P, Solomons N. Hoarse voice : an early symptom of many conditions. Practitioner 2000 ; 244 : 267-71. PMID : 10859814.

Cet article passe en revue, pour le médecin de premier recours, le diagnostic différentiel de la raucité.

Berke GS, Kevorkian KF. The diagnosis and management of hoarseness. Compr Ther 1996 ; 22 : 251-5. PMID : 8733782.

Cet article, utile, passe en revue, pour le médecin de premier recours, le diagnostic et le traitement de la raucité.

Garrett GG, Ossoff RH. Hoarseness : contemporary diagnosis and mana-gement. Compr Ther 1995 ; 21 : 705-10. PMID : 8789134.

Ces recommandations générales utiles à l’oto-rhino-laryngologiste et au chirurgien de la tête et du cou concernent la démarche diagnostique envers un patient atteint d’enrouement et rappellent que cela peut être la manifestation d’une maladie grave.

Maragos NE. Hoarseness. Prim Care 1990 ; 17 : 347-63. PMID : 2196615. Cet article de recommandations générales passe en revue les dysphonies,

souvent classées comme enrouement.Miller RH, Nemecheck AJ. Hoarseness and vocal cord paralysis. In :

Bailey BJ, éd. Head and neck surgery : otolaryngology. 2e éd. Philadelphie : Lippincott-Raven; 1998. p. 741-51.

Ces recommandations générales utiles à l’oto-rhino-laryngologiste et au chirurgien de la tête et du cou, après un rappel anatomique, concernent les diagnostics différentiels dans la mise au point diagnostique et thérapeutique des patients atteints d’enrouement et de paralysie des cordes vocales.

Rosen CA, Anderson D, Murry T. Evaluating hoarseness : keeping your patient’s voice healthy. Am Fam Physician 1998 ; 57 : 2775-82. PMID : 9636340.

Ces recommandations générales, utiles au médecin de premier recours, com-prennent des photographies cliniques ainsi qu’une discussion de l’anatomie dont les connaissances sont nécessaires pour un examen correct du patient enroué.

Déterminer la chronologie des symptômes

Symptômes > 2 semaines Symptômes < 2 semaines

Forçage de la voix RGO/RLP Écoulement post-nasal Toux chronique

Radio du thorax

Pas de MPOC, bronchitechronique, infection

pulmonaire, néoplasmeou ICC

Commencer un traitementcontre le RGO, l’allergie,

l’EPN et l’asthmede manière progressiveConsultation ORL

Pas de réponseau traitement : TDMdes sinus paranasaux

Antihistaminiques, stéroïdespar voie nasale, irrigations nasales,

inhibiteurs des leucotriènes,antibiotiques et/ou tests d’allergie

Allergie/rhinosinusite

Amaigrissement,tabagisme, voix voilée

Cesser de fumer

Consultation ORL AntihistaminiquesH2 ou IPP

Pas d’améliorationou diagnostic incertain

Mesure du pH, manométrieœsophagienne, déglutition

barytée

Tests positifs, mais échecthérapeutique, envisager

une fundoplication

Pas d’amélioration

Modifier le style de vieRepos de la voix 1–2 semaines,humidification

Orthophonie

IRS récente

Figure 14.5 Algorithme du traitement des enrouements.ICC : insuffisance cardiaque congestive ; MPOC : maladie pulmonaire obstructive chronique ; TDM : tomodensitométrie ; ORL : spécialiste des oreilles, du nez et de la gorge ou oto-rhino-laryngologiste ; RGO : reflux gastro-œsophagien ; RLP : reflux laryngopharyngé ; EPN : écoulement post-nasal ; IPP : inhibiteur de la pompe à protons ; IRS : infection des voies respiratoires supérieures.

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Données probantes

1. Meyer TK, Olsen E, Merati A. Contemporary diagnostic and management techniques for extraesophageal reflux disease. Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg 2004 ; 12 (6) : 519-24. PMID : 15548911.

Les auteurs fournissent une revue utile, du point de vue d’un oto-rhino-laryngologiste ou d’un chirurgien de la tête et du cou, sur les avancées récentes dans le diagnostic et le traitement du reflux œsophagien.

2. Wilson JA. What is the evidence that gastroesophageal reflux is involved in the etiology of laryngeal cancer ? Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg 2005 ; 13 (2) : 97-100.

L’auteur fournit une revue intéressante, du point de vue d’un oto-rhino-laryngologiste ou d’un chirurgien de la tête et du cou, de la litté-rature actuelle sur les mécanismes et le rôle du reflux gastro-œsophagien dans l’étiologie du cancer du larynx chez les patients sans facteur de risque connus comme le tabagisme et l’alcoolisme.

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Rhinopharyngites

M.-S. Le Gac, L. Delahaye, C. Martins-Carvalho, R. Marianowski

La rhinopharyngite est l’infection la plus banale de la petite enfance. C’est une maladie de l’adaptation etelle est favorisée par certains facteurs qu’il convient de bien connaître afin d’en diminuer la fréquencedans la population et les récidives chez un même sujet. Cette infection virale est sans gravité à conditionqu’elle ne se présente pas dans sa forme compliquée ou chronique. Son traitement repose principalementsur le lavage des fosses nasales au sérum physiologique, l’éviction, quand c’est possible, des facteurs derisque et l’adénoïdectomie dont les indications sont bien codifiées.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Rhinopharyngite ; Désobstruction rhinopharyngée ; Adénoïdectomie

Plan

¶ Introduction 1

¶ Définition 1

¶ Épidémiologie 1

¶ Étiologie 1Infection virale 1Maladie d’adaptation 2Facteurs de risque de rhinopharyngite 2

¶ Clinique 2Rhinopharyngites aiguës 2Cas particulier de la rhinite néonatale 2Rhinopharyngites chroniques/récidivantes 2Rhinopharyngites compliquées 2

¶ Diagnostic différentiel 3Imperforation choanale unilatérale 3Tumeur bénigne des fosses nasales, en particulier fibromenasopharyngien 3Tumeurs malignes 3Corps étranger intranasal 3

¶ Traitement 3Traitement préventif 3Traitement symptomatique 3Traitement chirurgical 4

¶ Conclusion 4

■ IntroductionLa rhinopharyngite est une infection banale et fréquente de

la petite enfance lorsqu’elle se présente dans sa forme aiguë.C’est la présence de complications ou de forme récidivante quien fait la gravité. La connaissance de ces formes cliniquespermet un traitement adapté à la fois préventif et curatif decette maladie d’adaptation.

■ DéfinitionLa rhinopharyngite est une atteinte inflammatoire de l’étage

supérieur du pharynx (rhinopharynx) à laquelle vient s’associer

de façon variable une atteinte nasale. Elle est principalementd’origine virale et reste une pathologie bénigne, d’évolutionspontanément favorable en 7 à 10 jours dans le cas des rhino-pharyngites aiguës. Elle peut cependant se chroniciser etprésenter des complications.

■ ÉpidémiologieSa fréquence et sa contagiosité en font un enjeu en matière

de santé publique. C’est la première pathologie infectieuse del’enfant et première cause de consultation en pédiatrie ; sonincidence est plus élevée chez l’enfant, particulièrement en âgepréscolaire, que chez l’adulte. Sa prise en charge thérapeutiquea donc un coût important et doit donc être réfléchie [1].

La contagiosité est grande pour l’ensemble de ces virus, enparticulier pour les rhinovirus, le virus respiratoire syncytial(VRS) [2] et le virus de la grippe. Le réservoir viral est humain etla source de contamination, qui se fait de personne à personne,se trouve dans les sécrétions respiratoires. La période d’incuba-tion de ces virus varie de 1 à 7 jours.

■ Étiologie

Infection viraleLes virus sont de très loin les principaux agents pathogènes

des rhinopharyngites [3] : rhinovirus, coronavirus, VRS, virusinfluenzae et para-influenzae, adénovirus, entérovirus peuventsurvivre 30 minutes sur la peau et jusqu’à plusieurs heures surles objets. Plus de 200 virus sont susceptibles d’induire unerhinopharyngite accompagnée ou non de signes cliniques,témoignant de l’atteinte d’une autre partie de l’arbrerespiratoire.

Ces virus induisent une immunité locale de courte durée quine protège pas contre les types hétérologues, et dès lors permetles réinfections. Le nombre de virus responsables, l’état d’infec-tion ou de réinfection et l’âge expliquent la variabilité dutableau clinique.

Les bactéries retrouvées dans les sécrétions rhinopharyngées(notamment Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae,Moraxella catarrhalis, staphylocoque) font partie de la flore

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commensale du rhinopharynx de l’enfant. Les mêmes bactériessont retrouvées chez l’enfant sain et chez l’enfant présentantune rhinopharyngite.

Maladie d’adaptationCette inflammation du rhinopharynx représente chez l’enfant

une adaptation naturelle au monde microbien, et l’on doitconsidérer comme « normale » une fréquence de quatre à cinqrhinopharyngites banales non compliquées par an, jusque versl’âge de 6 à 7 ans, période au cours de laquelle l’enfant vaacquérir son capital immunitaire : c’est une maladied’adaptation.

Cette fréquence est bien sûr modulée par les facteurs envi-ronnementaux auxquels est soumis l’enfant. Ainsi un enfantrésidant dans une grande agglomération et gardé en collectivitéaura a priori plus de rhinopharyngites qu’un enfant vivant à lacampagne et gardé au domicile parental (cf. infra).

Facteurs de risque de rhinopharyngiteIl existe cependant des facteurs de risque qui prédisposent à

ce type d’infection. Ces facteurs sont à rechercher en particulierdans les cas de rhinopharyngites à répétition ou répondant malà un traitement médical bien conduit.

La muqueuse respiratoire est une muqueuse constituée decellules ciliées recouvertes de mucus qui permet d’évacuer lessécrétions des fosses nasales vers l’oropharynx. Toute pathologieacquise ou congénitale de la clairance mucociliaire peut être àl’origine d’infection à répétition. Les causes congénitales sontessentiellement la mucoviscidose et la dyskinésie ciliaireprimitive. Les causes de dyskinésie ciliaire acquise sont consti-tuées par le tabagisme passif et la pollution atmosphérique [4].Le reflux gastro-œsophagien [5, 6], en créant une irritation et uneinflammation locale, est aussi un facteur à traiter.

Les déficits immunitaires acquis ou congénitaux [7] sont uneautre cause d’infections à répétition dont on rapproche égale-ment les carences en fer, zinc, ou céruléoplasmine et l’absenced’allaitement maternel.

Enfin, s’il est impossible d’agir sur le terrain familial dans lecas des rhinopharyngites à répétition, on sait toutefois qu’ellessont favorisées et aggravées par la vie en communauté (crèche)et les allergies.

■ Clinique

Rhinopharyngites aiguësLe diagnostic est établi chez un enfant de 6 mois à 8 ans qui

présente un syndrome infectieux brutal associant :• une fièvre à 38,5 °C - 39 °C, quelquefois plus élevée à 40 °C,

surtout matinale, avec agitation, parfois vomissements etdiarrhée ;

• une obstruction nasale avec rhinorrhée mucopurulente,pouvant entraîner des troubles graves de l’alimentation chezle nourrisson ;

• une obstruction tubaire aiguë avec discrète surdité de trans-mission ;

• des adénopathies cervicales bilatérales douloureuses.À l’examen :

• le nez est encombré de mucosités, qui s’écoulent égalementau niveau de la paroi postérieure du pharynx, visibles àl’examen buccal ;

• les tympans sont congestifs. Il existe une otite séromuqueuse(Fig. 1).L’examen clinique est peu contributif, et en pratique la

difficulté consiste à éliminer un autre foyer infectieux face à unsyndrome fébrile de l’enfant (méninge, arthrite, gastroentérite,infection pulmonaire, urinaire, otite, angine...) ainsi qu’unecomplication locorégionale ou à distance de cetterhinopharyngite.

Cas particulier de la rhinite néonataleElle est préoccupante chez les nourrissons de moins de

3 mois (et en particulier s’ils ont moins de 6 semaines) car lesrisques de détresse respiratoire et d’apnées sont accrus à cet âgedu fait d’une respiration exclusivement nasale. Mais biensouvent, l’hospitalisation n’est qu’une mesure de précautionvisant à surveiller la respiration de l’enfant.

Rhinopharyngites chroniques/récidivantes [8]

La rhinopharyngite récidivante non compliquée se caractérisepar son évolution subaiguë ou chronique désespérémenttraînante sur des semaines et des mois. Ces enfants ont en règlegénérale un profil adénoïdien et ont un « rhume perpétuel », àpeine atténué pendant les mois d’été. Cette symptomatologiedoit faire rechercher des maladies chroniques et il faut, dans cescas, chercher à éliminer les facteurs de risque. Certaines étudesont évoqué une anomalie au niveau du biofilm [9] présent auniveau des végétations adénoïdes mais ce biofilm serait davan-tage incriminé dans les otites moyennes aiguës (OMA) àrépétition que dans les rhinopharyngites elles-mêmes.

Elle pose un problème thérapeutique difficile. L’affectionguérit spontanément vers l’âge de 6 à 7 ans, sans laisser deséquelles appréciables, tout au moins dans les formes noncompliquées.

Rhinopharyngites compliquées [10]

Complications locorégionales

Otite moyenne aigüe (OMA)

En présence d’une rhinopharyngite, un épanchement inflam-matoire au niveau de l’oreille moyenne se crée. L’infection de

“ Point fort

Facteurs de risque des rhinopharyngites• Tabagisme passif• Pollution• Sécheresse ambiante• Reflux gastro-œsophagien• Vie en communauté (crèche)• Carence en fer, zinc, céruléoplasmine• Déficit immunitaire acquis ou congénital• Absence d’allaitement maternel• Antécédents familiaux• Allergie

Figure 1. Otite séromuqueuse.

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cet épanchement conduit à l’OMA. L’OMA est le plus souventprécoce et survient la plupart du temps chez l’enfant de 6 moisà 2 ans.

La conséquence chronique d’OMA à répétition est l’otiteséromuqueuse. C’est une constante chez l’enfant atteint derhinopharyngite à répétition. Elle peut présenter deux compli-cations importantes :• la poussée de réchauffement qui conduit à nouveau à une

OMA ;• un retentissement important sur l’audition avec une surdité

de transmission liée à la présence de liquide derrière letympan. La tympanométrie est plate, et l’audition souventinférieure à 30 dB.

Laryngite aiguë

Elle est elle aussi virale, plus souvent sous-glottique queglottique et occasionne une dyspnée inspiratoire en généralmodérée. Elle est à différencier de l’épiglottite à Haemophilusinfluenzae [11] qui est une laryngite sus-glottique bactérienne desurvenue brutale et de pronostic parfois redoutable. Elle est envoie de disparition grâce au vaccin.

Complications trachéobronchiques [12]

Chez le nourrisson, la complication la plus à redouter est labronchiolite. C’est une infection saisonnière, automnale ouhivernale. À chaque saison froide, ce sont environ 500 000nourrissons qui en souffrent. Cette infection ne cesse tous lesans de gagner du terrain (9 % par an entre 1996 et 2000) et elleest même devenue la quatrième cause d’hospitalisation enpédiatrie, suivant de près l’appendicite, les douleurs abdomina-les et les fortes fièvres. Le principal virus en cause est le VRS.Cette infection se traduit par une toux sèche, avec des quintesassez violentes, puis la toux devient grasse et l’enfant présenteune gêne expiratoire avec apparition de sifflements à l’auscul-tation et de signes de lutte.

Chez l’enfant plus âgé, on retrouve des infections basses detype bronchites ou décompensation d’asthme préexistant.

Sinusites

Chez le nourrisson, une ethmoïdite aiguë [13] (affection raredu nourrisson) peut surinfecter une rhinopharyngite et plustardivement, après l’âge de 6 ans en général, on peut retrouverune sinusite maxillaire.

Phlegmons cervicaux

Il s’agit le plus souvent d’un adénophlegmon cervical ou d’unabcès rétropharyngien, en rapport avec une adénopathiesurinfectée. Ils se traduisent par une asymétrie du cou avecpalpation d’une masse cervicale et peuvent s’accompagner detorticolis.

Complications à distanceElles sont essentiellement digestives : diarrhée, vomissement,

déshydratation du nourrisson. On retrouve également lescomplications de l’hyperthermie : convulsions fébriles...

Complications des rhinopharyngites chroniquesL’hypertrophie chronique des végétations adénoïdes peut

causer à long terme une respiration buccale vicariante qui peutentraîner un trouble de l’articulé dentaire, un syndrome d’apnéedu sommeil (SAS), une sécheresse pharyngée et donner un facièsémacié et allongé dit « faciès adénoïde » [14].

■ Diagnostic différentielUn diagnostic différentiel est à suspecter en particulier dans

les cas où les signes sont unilatéraux.

Imperforation choanale unilatéraleElle n’entraîne pas de trouble important. Sa découverte est le

plus souvent tardive, devant une obstruction nasale et unerhinorrhée muqueuse au long cours, unilatérale. Le traitementchirurgical peut être différé.

L’imperforation choanale bilatérale est, quant à elle, dedécouverte néonatale du fait de la détresse respiratoire qu’elleentraîne dès les premières heures de vie.

Tumeur bénigne des fosses nasales,en particulier fibrome nasopharyngien

Cette tumeur rare, histologiquement bénigne, est un fibro-myxome très vascularisé développé au niveau de la paroiexterne de l’orifice choanal. Son extension progressive dans lafosse nasale et le rhinopharynx entraîne, chez un adolescent àla période pubertaire, une obstruction nasale progressive avecrhinorrhée et des épistaxis à répétition, de plus en plus abon-dantes et quelquefois dramatiques.

Tumeurs malignesCe sont les cancers du rhinopharynx. Ils ne sont pas excep-

tionnels chez l’enfant.

Corps étranger intranasalIl est l’apanage de l’enfant entre 3 et 6 ans en général.

■ TraitementIl n’existe pas de traitement étiologique de la rhinopharyn-

gite. Les lavages de nez au sérum physiologique sont lestraitements curatif et préventif recommandés en premièreintention.

Traitement préventifIl consiste à limiter les facteurs de risque et diminuer la

contagiosité [15].• Lavage des mains à l’eau et au savon, pendant au moins

30 secondes avant de manipuler un nourrisson.• Éviter une trop grande proximité des gens enrhumés avec

l’enfant.• Ne pas échanger les tétines ou petites cuillères d’un bébé à

l’autre.• Aérer régulièrement la chambre de l’enfant sans la surchauffer

(19 °C est une température idéale).• Supprimer la pollution tabagique.• Éviction de la collectivité si possible.• Éducation du mouchage et de l’hygiène nasale (lavages de

nez).• Correction d’une carence martiale très fréquente.• Reflux gastro-œsophagien, qui peut nécessiter un traitement

propre.• Prise en charge des allergies après bilan allergologique par

antihistaminiques.• Peuvent être discutés mais sans avoir fait la preuve formelle

de leur activité : les vitamines, les oligoéléments, le soufre(Rhinathiol®, Solacy®, Oligosol®...). Ils ont une efficacitédiscutée, mais leur prescription, sans danger, a souvent unheureux effet psychologique sur la famille.En revanche, la vaccination antibactérienne polyvalente

séquentielle par voie générale ou locale dont le principe visaità développer la maturation immunitaire a été complètementabandonnée dans cette indication.

Traitement symptomatique (Fig. 2)

• Température et hygrométrie ambiante à surveiller.• Mouchage actif ou mouche-bébé et lavages des fosses nasales

pluriquotidiens.• Antipyrétiques-antalgiques type paracétamol per os sous

forme de sirop ou de suppositoire, de posologie adaptée aupoids de l’enfant et mesures antipyrétiques (découvrirl’enfant, le baigner et bien l’hydrater). Les anti-inflam-matoires non stéroïdiens sont proscrits du fait des risques dedéveloppement de complications infectieuses.

• Enfin, il faut insister sur l’éducation des familles [16] quidoivent maîtriser ces mesures simples et éviter une surmédi-calisation de l’enfant.

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Seulement deux situations sont justiciablesd’antibiothérapie [17-19] :• le doute diagnostique : quand, après l’âge de 3 ans, la

pharyngite est associée à une angine, faisant discuter uneinfection par le streptocoque du groupe A ;

• lorsqu’une complication survient : OMA et rhinosinusitessurinfectées.Les décongestionnants locaux et la corticothérapie nasale ne

sont pas validés dans cette indication.

Traitement chirurgicalL’ablation des végétations ou adénoïdectomie reste le traite-

ment le plus efficace pour, sinon supprimer, au moins réduirefortement le nombre des rhinopharyngites [20-22].

Elle se réalise sous anesthésie générale avec une curette passéeau niveau du cavum par voie nasale (Fig. 3). Bien entendu, cesmesures ne suppriment pas le risque de contamination, maiselles le diminuent. Ce geste est indiqué dans le cas des rhino-pharyngites à répétition [23].

Les fentes palatines et les divisions sous-muqueuses doiventêtre recherchées cliniquement. Elles représentent une contre-indication à l’adénoïdectomie à cause du risque de décompen-sation d’une insuffisance vélaire potentielle masquée parl’hypertrophie adénoïdienne.

■ ConclusionLe lavage des fosses nasales est donc le traitement principal

de la rhinopharyngite aiguë. Pour éviter les formes compliquées

Rhinopharyngite aiguë

Recommander au patient de surveillerpendant 7 à 10 jours les symptômessuivants et de reprendre contacten présence de l'un d'entre eux- Fièvre persistante au-delà de 3 jours- Apparition de fièvre après 3 jours- Persistance de toux, rhinorrhée et obstruction nasale au-delà de 10 jours, sans amélioration- Gêne respiratoire- Conjonctivite purulente- Œdème palpébral- Troubles digestifs (anorexie, vomissements, diarrhée)- Chez l'enfant, changement de comportement

Non compliquée

Abstention antibiotique

Mesures physiques- Ne pas trop couvrir le patient- Aérer la pièce- Faire boire le plus souvent possible

Traitement symptomatique- Lavage des fosses nasales- Antipyrétiques en cas de fièvre- Éventuellement, vasoconstricteurs par voie nasale chez l'enfant ≥ 12 ans et l'adulte

Antibiothérapie

Compliquée(otite moyenne aiguë purulente

ou sinusite aiguë purulente)

Figure 2. Arbre décisionnel. Conduite à tenirdevant une rhinopharyngite chez l’enfant etl’adulte. D’après les recommandations del’Agence française de sécurité sanitaire, des ali-ments et produits de santé (octobre 2005) encollaboration avec la Haute Autorité de santé(HAS).

Figure 3. Matériel chirurgical pour adénoïdectomie.

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et récidivantes, il faut agir sur les facteurs de risque et savoirévoquer des pathologies associées qui peuvent les favoriser. Unefois ces facteurs et pathologies connus et maîtrisés (si possible),l’adénoïdectomie peut être envisagée pour en réduire la fré-quence et les complications, notamment otologiques.

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[23] Laraqui NZ, Bouragba W. Les indications de l’adénoïdectomie chezl’enfant. Espérance Méd 2003;10:111-2.

Pour en savoir plusLiens vers les fiches 77 et 90 du Collège français d’ORL : http://www.orl-

france.org/enseignement/DCEMitems/DCEMECNitems77.html.http://www.orl-france.org/enseignement/DCEMitems/DCEMECNitems90.html.

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Page 126: Le manuel du généraliste 2 orl

Sinusite

J.-F. Papon

Une sinusite correspond à une inflammation de la muqueuse d’un ou plusieurs sinus. Les sinusites aiguësse définissent par l’apparition de symptômes rhinosinusiens en moins de 72 heures associés à uneguérison obtenue spontanément ou sous traitement en moins de 3 semaines. Au cours d’une sinusiteaiguë, la démarche diagnostique vise à distinguer les causes virales relevant d’un traitementsymptomatique, des causes bactériennes, relevant d’une antibiothérapie. Les sinusites chroniques sedéfinissent par la persistance de symptômes rhinosinusiens permanents ou intermittents pendant plus de12 semaines. Au cours des sinusites chroniques, la démarche diagnostique vise à distinguer les formeslocalisées dont l’étiologie est le plus souvent locale (infection dentaire, balle fongique, tumeurrhinosinusienne), des formes diffuses dont l’étiologie est locale (polypose nasosinusienne primitive) ousystémique (trouble immunitaire, mucoviscidose, dyskinésie ciliaire congénitale). Dans toutes les formesde sinusite, un doute sur une complication locorégionale (sinusite bloquée, extensionméningoencéphalique, orbitaire ou sous-cutanée) justifie la réalisation d’un bilan spécialisé et d’unetomodensitométrie du massif facial.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Endoscopie nasale ; Tomodensitométrie du massif facial ; Sinusite aiguë ; Sinusite chronique ;Dent sinusienne ; Polypose nasosinusienne ; Balle fongique ; Mucoviscidose ; Dyskinésie ciliaire primitive

Plan

¶ Introduction 1

¶ Physiopathologie 1

¶ Sinusites aiguës 1Diagnostic 1Examen clinique 2Rechercher des signes de complications locorégionalesou à distance 2Spécificités topographiques 3Quel bilan complémentaire doit-être réalisé ? 3Quelle prise en charge thérapeutique ? 3

¶ Sinusites chroniques 4Première étape : distinguer les formes localisées des formesdiffuses 4Deuxième étape : diagnostic étiologique 5

¶ Conclusion 7

■ IntroductionPar définition, une sinusite correspond à une inflammation

de la muqueuse d’un ou plusieurs sinus. Bien que largementdominée par les causes infectieuses, cette inflammation peutégalement être d’origine tumorale ou primitive. En pratique,l’approche diagnostique distingue les sinusites aiguës, majori-tairement infectieuses, des sinusites chroniques dont lesétiologies sont plus variées et dont l’évolution peut êtremarquée par un ou plusieurs épisodes de sinusite aiguë.

■ Physiopathologie [1]

Les sinus de la face sont des cavités creusées dans les os dumassif facial. Ils sont recouverts d’un épithélium de typerespiratoire constitué principalement de cellules glandulaires, decellules ciliées et de cellules basales. Lors d’une agression(microbienne, chimique, mécanique...), la muqueuse nasosinu-sienne est le siège d’une réponse inflammatoire à l’origine d’unœdème entraînant une obstruction des canaux étroits qui fontcommuniquer les sinus avec les fosses nasales. La muqueusesinusienne devient moins ventilée et les fonctions des cellulesépithéliales sont altérées (ralentissement du transport mucoci-liaire, diminution des réponses immunitaires locales, parexemple) ce qui aggrave l’inflammation.

Les symptômes locaux sont en relation avec l’inflammation(congestion vasculaire, œdème interstitiel) qui va entraîner desdouleurs, une obstruction nasale, un écoulement nasal (rhinor-rhée) et parfois des épistaxis, bénignes en l’absence de facteuraggravant. Les autres symptômes sont à rattacher à la cause del’inflammation : hyperréactivité des voies aériennes (éternue-ments, toux), syndrome infectieux général, syndrome tumoral...

■ Sinusites aiguësElles se définissent par l’apparition de symptômes rhinosinu-

siens en moins de 72 heures associés à une guérison obtenuespontanément ou sous traitement en moins de 3 semaines. Laforme la plus fréquente est la sinusite infectieuse aiguë (Fig. 1).

DiagnosticIl est clinique reposant sur la présence de symptômes sinu-

siens : sensation d’obstruction ou de congestion nasale, rhinor-rhée, douleur faciale ou céphalées, éternuements, toux. Ces

Page 127: Le manuel du généraliste 2 orl

symptômes apparaissent le plus souvent au cours de l’évolutiond’une rhinopharyngite et s’accompagnent d’un syndromeinfectieux général : fièvre modérée, sensation de malaisegénéral, arthralgies, myalgies, sueurs, frissons. Dans les sinusitesmaxillaires, plus de 95 % des cas sont d’origine virale [2] et laconsultation a pour but de détecter une sinusite bactériennerelevant d’une antibiothérapie. Pour ce faire, l’Agence françaisede sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a défini en2005 [3] des critères exclusivement cliniques autorisant àsuspecter une sinusite d’origine bactérienne (Tableau 1).

Examen cliniqueIl permet rarement de distinguer les sinusites bactériennes des

sinusites virales. La douleur provoquée par la pression despoints sinusiens n’a pas de valeur diagnostique [4]. L’inspectiondes fosses nasales en consultation (rhinoscopie antérieure) estréalisée à l’aide d’un spéculum nasal ou, à défaut, d’un otos-cope. La pulvérisation endonasale d’un vasoconstricteur, enl’absence de contre-indication, permet souvent d’améliorer lavisualisation des cavités nasales. La rhinoscopie met en évidenceun érythème et un œdème de la muqueuse nasale et précise lanature des sécrétions. Parfois la rhinoscopie antérieure permetd’examiner le méat moyen (espace compris entre le cornetinférieur et le cornet moyen) au niveau duquel la présence depus confirme la sinusite bactérienne [5]. L’examen de la cavitébuccale a un intérêt diagnostique, lorsqu’il met en évidence unécoulement purulent sur la paroi pharyngée postérieure, etétiologique car il peut faire suspecter un foyer infectieux auniveau d’une dent sinusienne (molaire ou prémolaire de l’arcadedentaire supérieure). Le reste de l’examen oto-rhino-laryngo-logique (ORL) est systématique, montrant parfois un érythèmetympanique et une pharyngite s’intégrant dans l’atteinteinfectieuse des voies aériennes supérieures. Un examen généralest également réalisé afin d’apprécier la tolérance du syndromeinfectieux.

Rechercher des signes de complicationslocorégionales ou à distance [6, 7]

Même si elles semblent rares, leur recherche doit être systé-matique, d’autant plus qu’il existe un facteur favorisant (âge

inférieur à 30 ans, pathologie chronique sous-jacente, traite-ment immunosuppresseur). Il peut s’agir :• d’une douleur suraiguë localisée évoquant une sinusite

bloquée ;• d’un syndrome méningé, d’un déficit sensitivomoteur, d’un

syndrome d’hypertension intracrânienne, d’une crise comi-tiale évocateurs d’une extension intracrânienne de l’infec-tion ;

• d’un œdème des paupières et/ou conjonctival, d’une diplopie,d’un ptosis, d’une baisse de l’acuité visuelle ou d’unemydriase évocateurs d’une extension intraorbitaire de l’infec-tion ;

Sinusite aiguëSymptômes rhinosinusiens depuis moins de 72 h

Guérison en moins de 3 semaines

Suspicion de complication- Sinusite bloquée- Méningoencéphalique- Orbitaire- Sous-cutanée

Non

Diagnosticétiologique

Diagnostictopographique

Virale Bactérienne Maxillaire

Bilan dentaire

EthmoïdeFrontal

Sphénoïde

OuiEndoscopie nasale

TDM

InterrogatoireExamen clinique

Figure 1. Arbre décisionnel. Prise en charge d’une sinusite aiguë. TDM : tomodensitométrie.

Tableau 1.Critères cliniques autorisant à suspecter une sinusite d’originebactérienne. Au moins deux sur les trois critères majeurs doivent êtreprésents pour suspecter une sinusite bactérienne. La présence de critèresmineurs, s’ils sont associés aux signes précédents, renforce la suspiciondiagnostique. D’après [3].

Critèresmajeurs

Type des douleurs Unilatéral et/ou

Augmentation tête penchée en avantet/ou

Pulsatile et/ou

Acmé en fin d’après-midi et la nuit

Évolutiondes douleurs

Douleurs localisée persistante ou enaugmentation malgré un traitementsymptomatique (antalgiques, antipy-rétiques, décongestionnants) prescritpendant au moins 48 h

Rhinorrhée Augmentation de la rhinorrhée et desa purulence. D’autant plus de valeurque la rhinorrhée devient unilatérale

Critèresmineurs

Fièvre Persistante au 3e jour d’évolution

Obstruction nasale

Éternuements

Gêne pharyngée

Toux

Persistants au-delà de 10 jours

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• d’un œdème, d’un érythème, d’une douleur sous-cutanésévocateurs d’une extension sous-cutanée de l’infection.

Spécificités topographiquesSinusite ethmoïdale infectieuse aiguë [8]

Elle est le plus souvent rencontrée chez l’enfant de moins de5 ans. La douleur est typiquement rétro-orbitaire et irradie versla tempe, la racine du nez et au niveau rétro-orbitaire. Enrhinoscopie, la fosse nasale peut être normale ou du pus peutsiéger au méat moyen. La présence d’un œdème douloureux del’angle interne de l’œil et/ou de la paupière supérieure est unsigne indirect de forte valeur diagnostique. Les complicationsorbitaires sont à rechercher soigneusement.

Sinusite maxillaire infectieuse aiguëCette forme n’est pas observée avant l’âge de 3 ans. La

douleur est typiquement sous-orbitaire et irradie vers les dentsde l’arcade dentaire supérieure. Lorsqu’il est visualisé, le pussiège au méat moyen. La présence d’un foyer dentaire au niveaud’une dent sinusienne est un argument indirect de forte valeurdiagnostique.

Sinusite sphénoïdale infectieuse aiguëCette forme n’est pas observée avant l’âge de 4-5 ans et

concerne surtout l’adulte. La douleur est souvent trompeuse carlocalisée au vertex, à l’occiput ou au niveau rétro-orbitaire.L’examen des cavités nasales est souvent pauvre car seul unexamen endoscopique permet de visualiser l’ostium des sphé-noïdes, situés au fond des fosses nasales. Les complicationsneuroméningées sont à rechercher soigneusement et peuventparfois révéler la sinusite.

Sinusite frontale infectieuse aiguëCette forme n’est pas observée avant l’âge de 5-7 ans et

concerne surtout l’adulte. Les antécédents de chirurgie des sinusdoivent être recherchés. La douleur est typiquement intense etsus-orbitaire irradiant vers la tempe et la nuque. La fièvre estsouvent > 38,5 °C. Lorsqu’il est visualisé, le pus siège au méatmoyen. Les complications neuroméningées, orbitaires et sous-cutanées sont à rechercher soigneusement.

Quel bilan complémentairedoit-être réalisé ?Imagerie

Les radiographies des sinus ne sont plus recommandées carleur spécificité et leur sensibilité ne sont pas satisfaisantes [4]. Ilen est de même pour l’échographie sinusienne transpariétale.L’examen de référence est actuellement la tomodensitométrie(TDM) qui est recommandée en cas de localisations extramaxil-laires, de suspicion de complication (quelle que soit la localisa-tion) ou d’échec thérapeutique. La TDM peut parfois êtrecomplétée par une imagerie par résonance magnétique (IRM)qui reste un examen discuté au cas par cas.

BactériologieLes prélèvements microbiologiques du nez et du rhinopha-

rynx ne sont pas recommandés car la corrélation microbiologi-que avec les germes sinusiens n’est pas satisfaisante. Le

prélèvement au niveau d’un méat (sous anesthésie locale), voirela ponction de sinus (le plus souvent sous anesthésie générale)sont réalisés par le spécialiste et peuvent être discutés chez lespatients où les localisations sont à risque de complications, encas de complication et en cas d’échec thérapeutique.

Quelle prise en charge thérapeutique ?(Tableau 2)

Sinusites ne relevant pas d’une antibiothérapieIl s’agit des sinusites maxillaires infectieuses aiguës qui sont

virales dans plus de 95 % des cas [2]. La prise en charge reposesur une information du patient et un traitement sympto-matique.

Information du patientLe choix thérapeutique doit être expliqué afin que le patient

comprenne le non-recours à l’antibiothérapie. Les modesévolutifs de la sinusite aiguë doivent être exposés en insistantsur les symptômes justifiant une réévaluation clinique (signes decomplication ou d’infection bactérienne).

Traitements symptomatiquesLes lavages de fosses nasales, les thérapeutiques inhalées et les

aérosols sont très souvent prescrits mais leur intérêt reste àdémontrer. Les vasoconstricteurs et les corticoïdes locaux sontsouvent utilisés pendant la première semaine d’évolution afinde soulager la congestion nasale (Tableau 3).

Les antalgiques de niveau 1 sont souvent utiles pour soulagerles douleurs. Dans certaines formes thérapeutiques, ils sontassociés à des vasoconstricteurs per os.

L’intérêt des mucolytiques, des antihistaminiques et desthérapeutiques alternatives (homéopathie, huiles essentielles,oligoéléments...) reste à démontrer.

Chez l’enfant, il existe une seule forme pédiatrique devasoconstricteurs généraux (Fervex® enfant à partir de 6 ans) etlocaux (Rhinofluimucil® à partir de 30 mois). Toutes les autresformes de vasoconstricteurs sont contre-indiquées avant 15 ans.

Sinusites relevant d’une antibiothérapieIl s’agit des sinusites extramaxillaires infectieuses aiguës, des

sinusites maxillaires aiguës bactériennes et des sinusites compli-quées. Dans certains cas (formes compliquées et certainessinusites extramaxillaires), l’hospitalisation du patient peut êtrenécessaire.

Chez l’adulte, dans les formes hyperalgiques, une corticothé-rapie orale (0,8 à 1 mg/kg/j d’équivalent prednisone pendant3 jours) peut être prescrite en plus du traitement sympto-matique [3, 9].

Le choix de l’antibiothérapie est probabiliste, basé sur lesprincipales bactéries isolées au cours des sinusites infectieusesaiguës : Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae et

“ À retenir

Éléments faisant suspecter une complicationlocorégionale d’une sinusite• Douleur suraiguë localisée : sinusite bloquée• Syndrome méningé, déficit sensitivomoteur, syndromed’hypertension intracrânienne, d’une crise comitialeévocateurs d’une extension intracrânienne de l’infection• Échec des traitements médicaux (antibiotiques,traitements locaux)• Visualisation d’une tuméfaction en rhinoscopie

Tableau 2.Conduite thérapeutique devant une sinusite aiguë ou chronique.

Diagnostic évoqué Principes thérapeutiques

Aiguë

- Virale Informations, traitement symptomatique

- Bactérienne Antibiothérapie, traitementsymptomatique

- Ethmoïde, sphénoïde,frontal, compliquées

Antibiothérapie, traitement symptomati-que ± chirurgie

Chronique

Localisée

- Dentaire Soins dentaires, antibiothérapie± chirurgie

- Balle fongique, tumeur Chirurgie

- Rhinogène Antibiothérapie ± chirurgie

Diffuse

- Polypose nasosinusienne Corticothérapie locale ± systémique± chirurgie

- Troubles de l’immunité,génétique

Traitement étiologique ± antibiothérapie± chirurgie

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Moraxella (Branhamella) catarrhalis. Plus rarement, Staphylococcusaureus, Streptococcus pyogenes et des bactéries anaérobies peuventêtre isolés. Le choix, la posologie et la durée de l’antibiothérapiede première intention sont définis chez l’adulte dans leTableau 4 et chez l’enfant dans le Tableau 5.

■ Sinusites chroniquesElles se définissent par la persistance de symptômes rhinosi-

nusiens permanents ou intermittents pendant plus de12 semaines.

Première étape : distinguer les formeslocalisées des formes diffusesInterrogatoire

Certains éléments peuvent orienter le diagnostic mais l’inter-rogatoire ne permet pas de distinguer avec certitude les sinusiteslocalisées des formes diffuses.

Les antécédents de soins dentaires sur une dent sinusienneorientent vers une sinusite chronique localisée alors que desantécédents allergiques, un asthme, une dilatation des bronches,une intolérance (anti-inflammatoires non stéroïdiens, sulfitescontenus dans le vin blanc...), des troubles de la fertilité, undéficit immunitaire, des signes généraux (fièvre au long cours,arthralgies...) orientent vers une sinusite chronique diffuse.

Le caractère unilatéral des symptômes rhinosinusiens (obs-truction nasale, rhinorrhée, douleurs craniofaciales, troubles de

l’odorat, crises d’éternuement, épistaxis) oriente vers unesinusite localisée mais peut aussi être noté dans les sinusitesdiffuses.

Examen cliniqueUn examen endoscopique des fosses nasales permet le plus

souvent de distinguer les formes localisées des formes diffuses etparfois de poser le diagnostic étiologique. Cet examen est réaliséen consultation ORL après une préparation des fosses nasales àla Xylocaïne® 5 % à la naphazoline, en l’absence de contre-indication. L’examen endoscopique a pour but d’apprécierl’anatomie des fosses nasales, l’aspect de la muqueuse et dessécrétions nasales. L’unilatéralité des anomalies oriente vers une

Tableau 3.Principales thérapeutiques locales utilisées dans le traitement d’unesinusite aiguë ou chronique.

Pharmacodynamie Action Indications

Anticholinergique

Ipratropium bromure(Atrovent nasal®)

Traitementde la rhinorrhée

Rhinite vasomotrice

Rhinites allergiques

Antihistaminique H1

Azélastine (Allergodil®,Prorhinite®)

Traitementde la rhinorrhée,des éternuementset du prurit

Rhinites allergiques

Corticoïdes

Béclométasone(Béconase®)

Fluticasone(Flixonase®)

Triamcinoloneacétonide (Nasacort®)

Flunisolide (Nasalide®)

Mométasone furoate(Nasonex®)

Tixocortol (Pivalonesuspension nasale®)

Budésonide(Rhinocort®)

Traitement anti-inflammatoire, actifsur l’obstructionnasale

Rhinites allergiques

NARES

PNS

Vasoconstricteurs

Oxymétazoline(Aturgyl®, Pernazène®)

Éphédrine(Rhinamide®,Rhino-sulfuryl®)

Tuaminoheptane(Rhinofluimucil®)

Décongestionnant Rhinites et sinusitesavec obstructionnasale

Vasoconstricteurs+ corticoïdes

Naphazoline+ prédnisolone(Dérinox®)

Oxymétazoline+ prednisolone(Déturgylone®)

Décongestionnant+ anti-inflammatoire

NARES : rhinite à éosinophiles ; PNS : polypose nasosinusienne.

Tableau 4.Antibiothérapie de première intention des sinusites aiguës de l’adulte.

Localisation Bactériesuspectée

Antibiothérapie(1re intention)

Posologie(par jour)

Durée(jours)

Maxillaire a Haemophilusinfluenzae

Amoxicilline-acideclavulanique

1 g x 2 7-10

Streptococcuspneumoniae b

Céfuroxime axétil 250 mg x 2 5

Moraxellacatharralis

Cefpodoximeproxétil

200 mg x 2 5

Staphylococcusaureus

Céfotiam hexétil 200 mg x 2 5

Anaérobies Pristinamycine 1 g x 2 4

Télithromycine 800 mg x 1 5

Ethmoïdale Staphylococcusaureus

Amoxicilline-acideclavulanique

1 g x 3 7-14

Streptococcuspyogenes

Pristinamycine 1 g x 2 à 3

Haemophilusinfluenzae

Lévofloxacine 500 mg x 1

Anaérobies Moxifloxacine 400 mg x 1

Frontale Haemophilusinfluenzae

Streptococcuspneumoniae b

Amoxicilline-acideclavulanique

1 g x 3 7-14

Pristinamycine 1 g x 2 à 3

Cefpodoximeproxétil

200 mg x 2

Lévofloxacine 500 mg x 1

Moxifloxacine 400 mg x 1

Sphénoïdale Staphylococcusaureus

Amoxicilline-acideclavulanique

1 g x 3 7-14

Streptococcuspyogènes

Lévofloxacine 500 mg x 1

Anaérobies Moxifloxacine 400 mg x 1a Origine virale prédominante, moins de 10 % des sinusites maxillaires ont uneorigine bactérienne.b 30 % des souches de S. pneumoniae ont une sensibilité diminuée à la pénicilline.

Tableau 5.Antibiothérapie de première intention des sinusites aiguës de l’enfant.

Localisation Bactérie suspectée Antibiothérapie(1re intention)

Posologie(par jour)

Maxillaire Haemophilusinfluenzae

Amoxicilline-acideclavulanique

80 mg/kgen 3 prises

Streptococcuspneumoniae a

Cefpodoximeproxétil

8 mg/kgen 2 prises

Staphylococcusaureus

Pristinamycine 50 mg/kgen 3 prises

Ethmoïdale Staphylococcusaureus

Amoxicilline-acideclavulanique

80 mg/kgen 3 prises

Streptococcuspyogenes

Pristinamycine 50 mg/kgen 3 prises

Haemophilusinfluenzae

a 30 % des souches de S. Pneumoniae ont une sensibilité diminuée à la pénicilline.

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sinusite chronique localisée alors que des anomalies bilatéralesorientent vers une sinusite diffuse. Un examen ORL et dentairesystématique doit compléter l’examen endoscopique. Un bilanclinique normal n’exclut pas le diagnostic de sinusitechronique.

ImagerieLe recours à la TDM des sinus est le plus souvent nécessaire

afin de caractériser précisément l’atteinte. Elle permet d’appré-cier l’anatomie des fosses nasales et des sinus, de rechercher laprésence d’opacités nasosinusiennes, de remaniements osseux etde complications. En revanche, la spécificité diagnostique de laTDM est peu satisfaisante. Les sinusites localisées se caractérisentpar des anomalies touchant soit un seul sinus, soit un ensemblede sinus se drainant dans le même méat (méat moyen : sinusmaxillaire et/ou frontal et/ou éthmoïdal antérieur ; méatsupérieur : sphénoïde et/ou ethmoïde postérieur). Les sinusitesdiffuses se caractérisent par des anomalies bilatérales ouunilatérales mais touchant un ensemble de sinus se drainantdans des méats différents.

Deuxième étape : diagnostic étiologique(Tableau 6)

Sinusites chroniques localiséesOrigine dentaire [10]

Il s’agit d’une sinusite maxillaire parfois associée à uneatteinte frontale et/ou ethmoïdale antérieure. L’examen desdents de l’arcade maxillaire homolatérale peut révéler une carie,une douleur à la percussion, au chaud ou au froid. Du pus aucollet de la dent est également très évocateur. Une imagerie estsouvent réalisée pouvant comporter des clichés occlusifs, unorthopantomogramme ou une tomodensitométrie dentaire.

La prise en charge comprend des soins dentaires et, le plussouvent, une antibiothérapie (Tableau 2).

Origine fongique [11, 12]

Dans la cavité sinusienne, l’agent fongique forme uneconcrétion (balle fongique) posée sur la muqueuse qui peutrester strictement normale ou au contraire présenter uneréaction inflammatoire importante (Fig. 2). La cause exacte decette pathologie demeure inconnue. En France, l’agent fongiquele plus fréquemment en cause est Aspergillus fumigatus. Il s’agitd’une atteinte monosinusienne dans la majorité des cas. Leslocalisations maxillaires sont les plus fréquentes puis les formessphénoïdales. La TDM est évocatrice devant une opacité centréepar un aspect de pseudocorps étranger comblant plus ou moinscomplètement la cavité sinusienne.

Le traitement est chirurgical, basé sur l’exérèse de la ballefongique (Tableau 2).

Origine tumoraleToute tumeur sinusienne bénigne ou maligne peut se mani-

fester sous forme d’une symptomatologie de sinusite chronique,le plus souvent localisée. Le bilan endoscopique et la TDMparfois complétée par une IRM des sinus ont une valeurd’orientation. En cas de suspicion de tumeur, une biopsie doitêtre systématique, pouvant parfois nécessiter une ouverture dusinus sous anesthésie générale. Le traitement repose sur lachirurgie souvent complétée par une radiochimiothérapie(Tableau 2).

Origine rhinologique [13]

En l’absence d’une des étiologies décrites précédemment, lesvariations anatomiques obstructives constatées sur les TDM desinus (déviation septale, hypertrophie des cornets inférieurs,ballonnisation des cornets moyens) ont été mises en cause pour

Tableau 6.Étiologies et bilan diagnostique devant une sinusite chronique(symptômes rhinosinusiens pendant plus de 12 semaines).

Diagnostic évoqué Bilan diagnostique

Localisée

Origine dentaire Bilan dentaire ± radiographies oc-clusives ± orthopantomogramme

Balle fongique TDM ± orthopantomogramme

Tumeur Endoscopie nasale, TDM

Rhinogène Endoscopie nasale, TDM

Diffuse

Idem localisées Cf. localisées

Polypose naso-sinusienne Endoscopie nasale, bilan allergolo-gique, spirométrie ± TDM

Troubles de l’immunité Bilan biologique, sérologie VIH,endoscopie nasale, TDM

Génétique Endoscopie nasale, TDM, test de lasueur, test génétique, étude du bat-tement ciliaire

TDM : tomodensitométrie ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.

Figure 2. Balle fongique du sinus sphénoïdal gauche.A. Image hétérogène et calcifiée sur la tomodensitométrie (flèche).B. Balle fongique après exérèse.

“ À retenir

Éléments faisant suspecter une tumeur rhino-sinusienne devant une sinusite• Antécédents d’exposition aux poussières de bois• Signes cliniques unilatéraux :

C déformation faciale ;C troubles visuels ;C anesthésie faciale ;C épistaxis.

• Échec des traitements médicaux (antibiotiques,traitements locaux)• Visualisation d’une tuméfaction en rhinoscopie

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expliquer les sinusites chroniques. Cependant, les quelquesétudes d’évaluation n’ont finalement jamais pu confirmer cettethéorie. Il est possible que certains patients « autonomisent »leur infection par ce mécanisme de confinement mais cediagnostic doit être fondé sur une période de surveillance afind’éliminer toutes les autres causes en incluant des prélèvementsbactériologiques. Le traitement repose sur l’antibiothérapieorientée, parfois associée à la chirurgie (Tableau 2).

Sinusites chroniques diffusesElles peuvent être d’origine dentaire (cf. supra), d’origine

rhinologique (cf. supra), inflammatoire ou dysimmunitaire.

Origine inflammatoire : polypose nasosinusienneprimitive [1]

La polypose nasosinusienne est une forme particulière desinusite chronique caractérisée par le développement bilatéral etmultifocal de polypes (Fig. 3). Elle peut s’associer à un asthme,voire à une intolérance à l’aspirine (maladie de Fernand Widal).Parmi les symptômes rhinosinusiens, les troubles de l’odorat,très fréquents dans la polypose nasosinusienne, doivent faireévoquer le diagnostic. La TDM des sinus (Fig. 3) n’est passystématique car la clinique suffit en général pour porter lediagnostic. Elle est en revanche obligatoire en cas de doutediagnostique et dans un bilan préopératoire. Les tests allergolo-giques sont intéressants en cas d’allergie suspectée dont la priseen charge est associée au traitement de la polypose nasosinu-sienne. Les explorations fonctionnelles respiratoires avecéventuel test de provocation à la métacholine recherchent unehyperréactivité bronchique.

La polypose nasosinusienne étant une maladie de lamuqueuse, son traitement est avant tout médical (Tableau 2),reposant sur la corticothérapie locale continue (Tableau 3)parfois complétée par une corticothérapie générale en curecourte (1 mg/kg d’équivalent prednisone sur 10 jours maxi-mum) qui ne doit pas être répétée plus de trois fois par an. Lesantibiotiques ne sont utiles qu’en cas de surinfection évidente.Les antihistaminiques n’ont pas d’indication dans la polyposenasosinusienne mais peuvent être intéressants en cas d’allergieassociée. Le traitement chirurgical est indiqué dans les polyposesnasosinusiennes invalidantes et résistantes à un traitementmédical bien conduit, bien observé et suffisamment prolongé(au moins 4 mois). Le patient doit être clairement informé quela chirurgie n’est pas un traitement curatif et qu’elle nécessitepour être efficace d’être suivie d’une corticothérapie localeprolongée.

Origine dysimmunitaire

Les déficits immunitaires congénitaux ou acquis peuvent secompliquer d’une sinusite chronique avec suppuration diffuse.Un diabète ou une séropositivité VIH peuvent parfois êtrerévélés par une sinusite chronique. Le diagnostic est parfois plusdifficile, surtout dans les déficits immunitaires acquis. Lesexplorations biologiques simples telles qu’une électrophorèsedes protides peuvent souvent alerter le clinicien en révélant unebaisse des gammaglobulines conduisant ensuite à des dosagesplus spécifiques. Le traitement est simple à partir du momentoù la correction du déficit est possible (Tableau 2).

Certaines maladies de système peuvent être révélées oucompliquées par une sinusite chronique. La présence de croûtesnasales et/ou d’ulcérations et/ou d’un granulome muqueux lorsde l’examen clinique doit faire évoquer le diagnostic. La TDMdes sinus peut mettre en évidence des zones d’ostéolyse,cependant inconstante. Le plus souvent, la rhinosinusitechronique s’accompagne de signes généraux (asthénie, fièvre)et/ou fait partie d’une atteinte multiviscérale qu’il faut savoirrechercher lorsque la pathologie systémique n’est pas connue :• une association avec une atteinte de l’oreille moyenne (otite

séromuqueuse, hypoacousie, etc.), des ulcérations pharyngéesou buccales, une atteinte sous-glottique (wheezing, toux,dysphonie, etc.) oriente vers une maladie de Wegener ;

• une association avec un asthme souvent sévère, des douleurstrigéminées, une paralysie faciale, une surdité et/ou destroubles de l’équilibre, un purpura, des arthralgies, desmyalgies oriente vers un syndrome de Churg et Strauss ;

• une association avec des symptômes pulmonaires, ophtalmo-logiques, cutanés, salivaires, osseux, hépatospléniques,ganglionnaires, voire neurosensoriels oriente vers unesarcoïdose.En l’absence d’orientation clinique, le bilan complémentaire

de base repose sur la biopsie des zones de muqueuse suspectespour analyse anatomopathologique, la numération-formulesanguine, la vitesse de sédimentation et le dosage du facteurrhumatoïde et des anticorps antinucléaires.

Figure 3. Polypose nasosinusienne.A. Vue endoscopique d’un polype au niveau du méat moyen gauche(astérisque). 1. Cornet moyen ; 2. cornet inférieur.B. Aspect d’opacités nasosinusiennes diffuses sans lyse osseuse sur latomodensitométrie.

“ À retenir

Éléments faisant suspecter une polypose naso-sinusienne devant une sinusite• Antécédents d’asthme et d’intolérance à l’aspirine• Signes cliniques bilatéraux :

C obstruction nasaleC rhinorrhéeC céphalées

• Anosmie• Visualisation de polypes dans les deux fosses nasales• Opacités nasosinusiennes bilatérales et diffuses sans lyseosseuse sur la TDM

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Origine génétique [14, 15]

Une sinusite chronique diffuse associée à une dilatation desbronches et/ou un trouble de la fertilité doit faire évoquer lamucoviscidose et la dyskinésie ciliaire primitive. Au cours de cespathologies, les troubles débutent en général dans l’enfance oul’adolescence mais des formes de l’adulte ne sont pas exception-nelles. L’examen clinique met typiquement en évidence unesuppuration diffuse associée à des polypes. Chez l’adulte,l’association à une otite séromuqueuse et à une malpositionviscérale (dextrocardie le plus souvent) oriente vers une dyski-nésie ciliaire primitive. Le choix des examens complémentairesest guidé par l’orientation clinique et par la prévalence des deuxpathologies. En l’absence d’orientation clinique, une recherchede mucoviscidose est réalisée en première intention par le testde la sueur souvent complété par une mesure de la différencede potentiel transépithélial nasal et une étude génétique. Si lamucoviscidose est éliminée, le bilan est complété par unerecherche de dyskinésie ciliaire primitive qui repose sur le testde transport de la saccharine et les études du mouvement et dela structure ciliaires. Le traitement de ces pathologies estsouvent difficile, reposant sur une prise en charge médicalemultidisciplinaire dans laquelle la chirurgie peut parfois avoirune place (Tableau 2).

■ ConclusionDevant une suspicion de sinusite, la démarche diagnostique

vise à distinguer les formes aiguës des formes chroniques et àrechercher une complication locorégionale. Le bilan étiologiquerepose ensuite sur un interrogatoire exhaustif et un examenclinique ORL qui permettent le plus souvent d’évoquer lediagnostic et d’orienter les examens complémentaires éventuels(endoscopie nasale, TDM...). En cas de sinusites aiguës, il estimportant de distinguer les causes bactériennes des causesvirales, les plus fréquentes, afin d’éviter la prescription inappro-priée d’antibiotiques. En cas de sinusites chroniques, la démar-che diagnostique vise à distinguer les formes localisées dontl’étiologie est le plus souvent locale (infection dentaire, ballefongique, tumeur rhinosinusienne) et le traitement chirurgical,des formes diffuses dont l’étiologie est locale (polypose nasosi-nusienne primitive) ou systémique (trouble immunitaire,mucoviscidose, dyskinésie ciliaire congénitale) et le traitementmédical.

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European position paper on rhinosinusitis and nasal polyps:http://www.rhinologyjournal.com.

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94 SECTION I j  Section Title

15

Étiologie et pathogénie

La terminologie multiple proposée pour le DCV souligne l’absence d’une seule cause définitive de ce syndrome. En fait, on pense souvent que l’origine du DCV serait multi-factorielle. De nombreuses étiologies potentielles ont été avancées : anomalies du tronc cérébral, troubles psychiatri-ques ou de conversion (hystérie), dystonie respiratoire laryngée, effort physique, exposition à des irritants respira-toires environnementaux et irritation chronique des voies aériennes supérieures ou des processus inflammatoires

(c’est-à-dire reflux laryngopharyngé, allergie et sinusite). Tous ces facteurs peuvent aboutir à une conséquence com-mune : l’altération du réflexe de fermeture glottique avec adduction des plis vocaux (figure 15.1) lors de l’inspiration, ce qui provoque les symptômes d’obstruction respiratoire.

Le lien entre le DCV et certains troubles psychiatriques a été bien établi. Dans une série de 10 patients avec un DCV, Altman et al. ont révélé que 70 % avaient un dia-gnostic d’anxiété, de dépression ou de trouble de la per-sonnalité. L’article original de Patterson soutient cette conclusion, et plusieurs autres cas ont été rapportés dans la littérature. La théorie selon laquelle un sous-groupe de DCV pourrait représenter une forme de dystonie respira-toire laryngée est soutenue par une série d’articles de la littérature oto-rhino-laryngologique et neurologique ; ils

Introduction

Le dysfonctionnement des cordes vocales (DCV) a été décrit pour la première fois dans la littérature médicale par Patterson et ses collègues en 1974 sous la dénomination « stridor de Münchhausen ». Dans la littérature d’oto-rhino-laryngologie, de pneumologie et de médecine d’urgence, ce syndrome a été appelé de manière diverse : « asthme factice », « mouvement paradoxal des plis vocaux » (MPPV), « asthme corticorésistant », « dys-kinésie laryngée », « stridor laryngé fonctionnel » ou « obstruction fonctionnelle des voies aériennes ». Cliniquement, le DCV se manifeste comme une adduction involontaire épisodique des cordes vocales au cours de la respiration, principalement à l’inspiration1. Le degré variable de l’adduction glottique paradoxale cause un large spectre de troubles respiratoires allant de la toux à une franche détresse respiratoire. Comme entité clinique, le DCV est relativement rare, mais cette affection est la cause de nombreux inconvénients : admissions répétées dans des services d’urgence, hospitalisations fréquentes, essais multiples de médicaments inefficaces et d’interventions envahissantes comme l’intubation endotrachéale ou une trachéotomie afin de traiter l’obs-truction des voies aériennes.

Le diagnostic de DCV est le plus souvent posé devant le tableau clinique d’un patient atteint de symptômes respiratoires graves ou chroniques, qui s’avèrent réfractaires aux interventions thérapeutiques. Les plaintes habituelles sont la dyspnée et la toux chronique sans amélioration sous l’effet des médicaments classiques de l’asthme. L’impact économique de ces symptômes réfractaires est important. Ces patients sont régulièrement soumis à de nombreux tests (radiographie thoracique, tomodensitométrie, bronchoscopie et spirométrie) et à de multiples thérapies pharmacologiques (antitussifs, antihistaminiques, bronchodilatateurs et stéroïdes) avant que le diagnostic de DCV ne soit posé.

Dysfonctionnement des cordes vocales

Paul C. Bryson • Robert A. Buckmire

1 Le terme « corde vocale » tend à être remplacé par celui de « pli vocal », qui correspond mieux à la structure anatomique.

(N.d.T.)

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j

décrivent des réponses cliniques à l’injection de toxine botulique dans les muscles vocaux et thyroaryténoïdiens. Le reflux gastro-œsophagien, la rhinosinusite allergique et même l’exposition professionnelle à des irritants ont été mis en cause chez des patients atteints de DCV. Le reflux comme facteur causal a été signalé chez plus de 70 % des patients dans certaines séries de DCV. On a émis l’hypo-thèse que le seuil du réflexe d’adduction laryngée pouvait être abaissé chez ces patients.

Des schémas de classification axée sur l’étiologie ont été proposés pour le DCV : atteintes du tronc cérébral ou des neurones moteurs supérieurs et inférieurs, reflux gastro-œsophagien ou des facteurs psychogènes comme la patho-mimie (simulation). Pour un sous-groupe, le syndrome serait lié à une forme de suractivité du larynx se manifes-tant par une toux chronique ou des spasmes laryngés épisodiques.

Tableau clinique

Les patients qui présentent un DCV sont généralement des femmes et ont souvent des antécédents d’asthme et de certains troubles psychiatriques, comme la dépression ou l’anxiété. Les plaintes les plus fréquentes sont des accès d’enrouement, de serrement de gorge, de toux chronique, d’aphonie, de dysphonie et de dyspnée. De nombreux patients relèvent certains facteurs déclenchants comme le stress, l’exercice, l’air froid, des odeurs particulières ou des irritants respiratoires. En outre, beaucoup d’entre eux signalent qu’ils ont commencé un traitement contre

l’asthme (sans beaucoup de succès), qu’ils souffrent de reflux acide ou prennent des médicaments antiallergiques. On rapporte que près de 10 % des patients avec un asthme récalcitrant ont un DCV.

Cliniquement, on a reconnu un sous-groupe de patients avec DCV qui sont des jeunes femmes athlètes, très per-formantes, souffrant d’exacerbations respiratoires provo-quées par un exercice physique vigoureux. Chez ces patientes, on a souvent diagnostiqué à tort un bronchos-pasme induit par l’exercice (BIE). Les caractéristiques différenciant un BIE d’un DCV comprennent l’arrêt de la dyspnée associée au DCV dès la fin de l’exercice et l’incapacité des bronchodilatateurs classiques d’interrom-pre les symptômes du DCV. Certains auteurs ont préco-nisé la laryngoscopie durant l’exercice afin d’identifier les troubles laryngés qui ne surviennent qu’au cours des exercices.

Chez les patients avec DCV sans maladie pulmonaire concomitante, des tests de fonction pulmonaire (TFP) révèlent des mesures spirométriques dans les limites de la norme et, parfois, un aplatissement de la boucle du flux inspiratoire. Les TFP devraient également ne pas montrer d’hyperréactivité bronchique à la stimulation par la métha-choline. La saturation en oxygène au cours des épisodes dyspnéiques est normale, contrairement à celle des patients en poussée asthmatique.

L’examen physique révèle souvent un patient anxieux, stridoreux (le stridor est un bruit inspiratoire des voies aériennes supérieures), sans symptôme neurologique ni pulmonaire. L’inspiration est en général plus pénible que l’expiration. Une laryngoscopie avec fibre optique flexible montre une adduction des plis vocaux à l’inspiration avec l’apparition classique à l’inspiration d’une petite fente glot-tique postérieure. Il n’est pas rare que lors d’une admission au service d’urgence, l’état respiratoire du patient puisse s’aggraver et justifier un traitement invasif comme une intubation endotrachéale ou une trachéotomie. Dans deux études portant, au total, sur une cohorte de 20 patients, 12 ont subi une intervention invasive des voies aériennes (5 des 20 ont été trachéotomisés).

Diagnostic différentiel

L’encadré 15.1 reprend les diagnostics différentiels du dys-fonctionnement des cordes vocales.

Démarche diagnostique

Puisque le MPPV est souvent diagnostiqué à tort comme asthme ou sensibilité à un agent chimique, il importe de bien interroger le patient sur le succès éventuel d’une précédente thérapie médicale, les résultats des TFP et la fréquence des poussées. Des analyses de laboratoire de routine, comme les tests métaboliques de base et la for-mule sanguine complète, donnent habituellement des Abduction Adduction

Figure 15.1 Larynx en abduction et adduction.Ce dessin montre la technique de laryngoscopie indirecte et l’apparence du larynx en abduction (en bas à gauche) et en adduction (en bas à droite).

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j

résultats normaux, mais doivent être contrôlés afin que toute autre maladie concomitante puisse être écartée. Les radiographies du thorax sont normales, sans hype-rinflation. Chez les patients soucieux avec tachypnée, l’analyse des gaz du sang artériel peut montrer une alca-lose respiratoire. En outre, les TFP (habituellement effectués en ambulatoire) ne montrent pas d’améliora-tion significative avec les broncho dilatateurs et, dans certains cas, montrent une diminution du débit inspira-toire maximal.

L’instrument qui convient le mieux pour le diagnostic est un laryngoscope à fibre optique souple, qui permet à l’examinateur de bien évaluer la mobilité des cordes vocales pendant tout le cycle respiratoire ainsi que d’ex-clure des lésions obstructives ou des anomalies anatomi-ques du larynx. Une tumeur supraglottique du larynx peut facilement imiter les symptômes de DCV. L’obstruction glottique intermittente et variable, qui en est la conséquence, est causée par l’étroite relation ana-tomique entre la tumeur et la glotte. Même des lésions glottiques bénignes imitent parfois ces symptômes. Des cordes vocales épaissies, œdémateuses, trop mobiles, comme celles que l’on observe en cas de dégénérescence polypoïde (œdème de Reinke), peuvent causer les mêmes symptômes secondaires à l’effet Bernoulli, c’est-à-dire un effet intermittent de clapet à bille dans les voies res-piratoires sous-glottiques.

La laryngoscopie chez les patients atteints de DCV confirme l’adduction paradoxale au cours de l’inspiration, causant une obstruction fonctionnelle substantielle des voies respiratoires, en association avec la nature des plain-tes et les résultats de laboratoire mentionnés plus haut. Cependant, en raison du caractère épisodique de cette maladie, des patients asymptomatiques examinés au laryn-goscope peuvent ne pas présenter de mouvement patholo-gique du larynx. C’est pourquoi certains auteurs utilisent, au cours de la laryngoscopie, des agents ou comportements déclenchants, choisis sur base des antécédents du patient, dans le but d’augmenter la sensibilité diagnostique de l’examen.

Soins et traitement

Traitement optimal

Les traitements du DCV peuvent être divisés en thérapies aiguës et à long terme. Au début, on doit surtout veiller à un bon fonctionnement des voies respiratoires, ce qui requiert des mesures de soutien, comme un supplément d’oxygène, l’oxymétrie pulsée en continu, une nébulisa-tion d’épinéphrine racémique, une thérapie héliox (mélange hélium-oxygène) ou une mise sous pression positive continue des voies respiratoires. Un traitement invasif des voies respiratoires avec intubation endotra-chéale ou trachéotomie sous anesthésie locale est égale-ment bien accepté dans la littérature, mais avec un diagnostic précoce, il peut souvent être évité. Une fois le diagnostic de DCV établi, des manœuvres comme renifler, siffler ou bloquer sa respiration peuvent contribuer à interrompre le comportement paradoxal des cordes voca-les. En outre, des techniques de relaxation peuvent aider à corriger la détresse respiratoire. Dans des circonstances particulières, une faible dose de médicaments sédatifs et anxiolytiques est utile pour traiter les facteurs psychogè-nes au cours d’exacerbations aiguës.

Une démarche personnalisée multidisciplinaire offre les meilleures chances de succès à une thérapie à long terme. Le traitement médical doit porter sur les facteurs sous-jacents : les troubles psychiatriques (entre autres le coun-seling psychologique), les reflux et la rhinite allergique. Après que ces affections ont été soignées, les mesures les plus recommandées sont les techniques de rééducation de la parole. L’orthophoniste proposera au patient certains exercices respiratoires et des techniques de relaxation pour détourner l’attention excessive du patient sur la phase ins-piratoire de la respiration. Certains thérapeutes peuvent aussi recourir au principe de la rétroaction biologique. Tout d’abord présentée par Bastian et Nagorsky, cette méthode utilise le laryngoscope à fibre optique souple, ce qui permet au patient de visualiser le larynx en temps réel tout en effectuant divers exercices avec l’orthophoniste. Ces chercheurs ont montré que cette technique était utile à la rééducation du patient.

Bien que l’orthophonie se soit avérée bénéfique pour certains patients, d’autres paraissent atteints d’une vraie dystonie respiratoire. Dans ces cas, on peut raisonnable-ment proposer un essai d’injection intralaryngée de toxine botulique (dans les muscles adducteurs du larynx [figure 15.2]). Les patients souffrant de troubles psychiatriques qui les empêchent de participer à des plans thérapeutiques multidisciplinaires peuvent requérir une trachéotomie à long terme afin de contourner mécaniquement le site laryngé de l’obstruction respiratoire. Il existe encore un autre sous-groupe de patients avec un MPPV d’étiologie centrale ou du tronc cérébral pour lesquels les traitements décrits plus haut seront probablement inefficaces ; ces patients restent le plus souvent dépendants d’une trachéotomie.

Encadré 15.1 Diagnostic différentiel du dysfonctionnement des cordes vocales

j Asthme d’effortj Corps étranger dans les voies aériennesj Anaphylaxie allergiquej Crise d’anxiétéj Dégénérescence polypoïde des plis vocauxj Immobilité bilatérale des plis vocauxj Supraglottitej Sensibilité aux irritants en suspension dans l’airj Toux chroniquej Lésions supraglottiquesj Obstruction extrathoracique au flux d’air (c’est-à-dire

sténose sous-glottique)

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j

Éviter les erreurs de traitement

Le dysfonctionnement des cordes vocales demeure une entité clinique rare. La priorité pour le clinicien est le maintien d’une fonction respiratoire adéquate. Pour éviter les erreurs de traitement chez ces patients, on doit garder un degré élevé de suspicion lorsqu’on est confronté à des patients qui paraissent répondre aux critères de l’affection tant à l’anamnèse qu’à l’examen physique.

Les erreurs à éviter sont les traitements trop agressifs ou trop modérés. Les premiers consistent souvent en une intu-bation endotrachéale ou une trachéotomie dans une tenta-tive d’éviter ce que le clinicien perçoit comme une perte imminente de la ventilation respiratoire. En général, on recourt à une thérapie trop timide parce que l’on ne recon-naît pas cette entité clinique et que l’on néglige les facteurs aggravants comme le reflux laryngopharyngé, la rhinite

allergique et la maladie mentale (entre autres la dépression et l’anxiété). L’orientation vers un oto-rhino-laryngologiste pour une laryngoscopie avec fibre optique flexible au cours d’un accès peut aboutir à un diagnostic plus précoce.

Directions futures

Les orientations futures de l’étude du dysfonctionnement des cordes vocales nécessitent une meilleure définition médicale de cette entité clinique, entre autres des critères d’inclusion et d’exclusion. Des recherches plus poussées sur les mécanismes neurologiques sous-jacents à l’activité paradoxale des plis vocaux sont nécessaires. En outre, le perfectionnement de la thérapie à long terme demande des essais randomisés et contrôlés de modalités thérapeutiques comme la pharmacothérapie, la rétroaction biologique laryngée et l’injection de toxine botulique.

Surfacearticulairethyroïdiennedu cartilagecricoïde

Action des muscles cricothyroïdiens

Allongement (augmentation de la tension)des ligaments vocaux

Action des musclescricothyroïdiens latéraux

Adduction des ligaments vocaux

Action des muscles postérieurs cricoaryténoïdiens

Abduction des ligaments vocaux

Action des muscles transverseset obliques aryténoïdiens

Adduction des ligaments vocaux

Action des muscles vocauxet thyroaryténoïdiens

Raccourcissement (relaxation) des ligaments vocaux

Figure 15.2 Action Intrinsèque de l’action des muscles du larynx.Ce diagramme montre les muscles intrinsèques du larynx. L’abducteur du larynx est le muscle postérieur du cricoaryténoïdien.

Page 137: Le manuel du généraliste 2 orl

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Ressources supplémentaires

Blager FB. Paradoxical vocal fold movement : diagnosis and manage-ment. Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg 2000 ; 8 : 180-3.

Ces auteurs passent en revue les moyens diagnostiques et thérapeutiques du mouvement paradoxal des plis vocaux.

Morrison M, Rammage L, Emami AJ. The irritable larynx syndrome. J Voice 1999 ; 13 (3) : 447-55. PMID : 10498060.

Les auteurs discutent de la dysphonie liée à la tension musculaire, du spasme laryngé épisodique, de la boule hystérique et de la toux chronique. Ils proposent une hypothèse unificatrice qui fait intervenir la plasticité des réseaux neuro-naux du tronc cérébral contrôlant le larynx, par lesquels chacune des étiologies citées, en plus d’une maladie virale du système nerveux central, pourrait jouer un rôle.

2. Altman KW, Simpson CB, Amin MR, et al. Cough and paradoxical vocal fold motion. Otolaryngol Head Neck Surg 2002 ; 127 (6) : 501-11. PMID : 12501100.

Les auteurs passent en revue la littérature médicale sur les causes de la toux chronique et sa relation avec le reflux gastro-œsophagien, la neuropathie vagale et le mouvement paradoxal des plis vocaux.

3. Bastian RW, Nagorsky MJ. Laryngeal image biofeedback. Laryngoscope 1987 ; 97 (11) : 1346-9. PMID : 3669846.

La technique de la rétroaction biologique associée à la laryngoscopie est décrite, y compris son efficacité dans une série de 20 patients.

4. Ferris RL, Eisele DW, Tunkel DE. Functional laryngeal dyskinesia in children and adults. Laryngoscope 1998 ; 108 (10) : 1520-3. PMID : 9778293.

Les auteurs présentent une série de cas suivis pendant 20 ans de dys-kinésie laryngée fonctionnelle. Ils décrivent les caractéristiques des patients et les stratégies thérapeutiques.

5. Maschka D, Bauman NM, McCray PB, et al. A classification scheme for paradoxical vocal fold motion. Laryngoscope 1997 ; 107 (11 Pt 1) : 1429-35.

Il s’agit d’une proposition de schéma de classement pour le mouvement paradoxal des plis vocaux.

6. Patterson R, Schatz M, Horton M. Munchausen’s stridor : Non-organic laryngeal obstruction. Clin Allergy 1974 ; 4 (3) : 307-10.

C’est l’article original décrivant l’entité clinique du mouvement para-doxal des plis vocaux.

Données probantes

1. Altman KW, Mirza N, Ruiz C, Sataloff RT. Paradoxical vocal fold motion : presentation and treatment options. J Voice 2000 ; 14 (1) : 99-103. PMID : 10764121.

Les auteurs décrivent une série de 10 cas traités et suivis pendant 6 ans. Ils y ajoutent une revue utile de la littérature et une description de leur expérience en matière de rétroaction biologique et d’injections de toxine botulique.

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✓ L’examen physique des fosses nasales est pauvre : il serait déter-minant s’il mettait en évidence du pus sous le cornet moyen, auniveau de l’ostium de drainage du sinus maxillaire. Mais la rhino -scopie antérieure ne permet pas de visualiser cette zone troppostérieure. Un examen par optique ou fibroscope, donc spécia-lisé ORL, serait nécessaire, ce qui n’est pas l’attitude courante.L’examen clinique est surtout nécessaire à la recherche de compli -cations intraorbitaires de l’infection : exophtalmie, œdème pal-pébral, trouble de mobilité oculaire.

SINUS DE LA FACE : RAPPELANATOMIQUE

L’anatomie des sinus de la face est complexe.Le scanner permet au mieux de comprendre et de retenir les pointsclés de l’anatomie des sinus pour appréhender les questions traitantdes rhinosinusites (fig. 1). Hormis le sphénoïde, les sinus s’aèrentet se drainent dans une région commune sous le cornet moyen.

PATHOLOGIE RHINOSINUSIENNE AIGUË

Sinusite aiguë de l’adulte

L’infection se développe le plus fréquemment dans le sinusmaxillaire par propagation d’une infection nasale.

1. Diagnostic

Devant une rhinopharyngite banale, le diagnostic de sinusiteaiguë purulente est souvent difficile en consultation, faute de moyenssimples et accessibles d’examen des fosses nasales. Il repose surdes critères probabilistes, dont deux au moins des trois critèresmajeurs suivants :— la persistance ou l’augmentation des douleurs sous-orbitairesmalgré un traitement symptomatique (antalgique, antipyrétique,décongestionnant) prescrit pendant au moins 48 heures ;— le type de la douleur : unilatérale, augmentant quand la tête estpenchée en avant, pulsatile, maximale en fin d’après-midi et la nuit ;— l’augmentation de la rhinorrhée et l’augmentation de la purulencede la rhinorrhée, d’autant qu’elle est unilatérale.

Deux critères mineurs associés renforcent la suspicion :— la fièvre persistant au troisième jour d’évolution (mais elle estgénéralement peu élevée) ;— l’obstruction nasale, l’éternuement, la gêne pharyngée, la toux,s’ils persistent au-delà de 10 jours.

I-00-Q000

Infections naso-sinusiennes de l’enfant et de l’adulte

Dr Sonia Ayari, Pr Patrick FroehlichDépartement d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital Édouard-Herriot, 69003 Lyon

[email protected]

• Diagnostiquer une rhino-sinusite aiguë.• Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

Objectifs

TDM faciale : anatomie des sinus de la face.Figure 1

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✓ Les examens bactériologiques sont difficiles et rarement effec-tués en routine, du fait de la difficulté d’accès au méat moyen.Hæmophilus influenzæ et Streptococcus pneumoniæ sont lesdeux bactéries les plus souvent identifiées. Plus rarement sontimpliquées Branhamella catarrhalis, Staphylococcus auerus.✓ L’examen radiologique n’est pas recommandé en routine. Il estutile en cas de doute diagnostique ou d’échec d’une premièreantibiothérapie.

La radiographie simple en incidence de Blondeau est seule utile.Elle objective un niveau hydroaérique ou une opacité complète.

2. Traitement

Les antibiotiques locaux par instillation nasale, endosinusienneou par aérosol ne sont pas recommandés.

L’antibiothérapie par voie générale est indiquée sans réserve encas de sinusite purulente pour diminuer l’intensité et la durée dessymptômes et diminuer le risque de complication loco-régionale.

L’antibiothérapie en première intention repose sur : — l’association amoxicilline-acide clavulanique ;— les céphalosporines orales de deuxième génération (céfuroximeaxétil) et certaines céphalosporines de troisième génération (cefpodoxime-proxétil, céfotiam-hexétil).

En cas d’allergie aux bêtalactamines, on a recours à :— sans contre-indication des céphalosporines : les mêmes cépha-losporines ;— en cas de contre-indication : pristinamycine, télithromycine.

La durée du traitement est de 7 à 10 jours. Un traitement court,de 5 jours pour les céphalosporines et la télithromycine, et de 4 jours pour la pristinamycine, est possible.

Les antalgiques en association avec un vasoconstricteur local(durée maximale : 5 j) et lavages de nez peuvent être proposés.

Les corticoïdes par voie orale (durée maximale : 7 j) peuventêtre utiles dans les formes hyperalgiques. L’utilité des anti-inflam-matoires non stéroïdiens n’est pas démontrée.

En cas d’échec, une imagerie et si possible un prélèvementbactériologique, par un spécialiste, de pus au méat moyen (diffici-lement accessible par la simple rhinoscopie antérieure) doiventêtre réalisés.

3. Particularités cliniques rares de la sinusite aiguë de l’adulte

✓ Sinusite frontale : les douleurs sont très vives. Elles peuventse compliquer d’une extension intracrânienne suspectée devantun syndrome méningé. Un scanner rhinosinusien confirme l’opa-cité du sinus frontal et un éventuel abcès intracrânien.✓ Sinusite sphénoïdale : les douleurs sont occipitales ou rétro-orbitaires, la rhinorrhée est postérieure, un scanner rhinosinu-sien objective l’opacité du sinus.✓ Sinusite ethmoïdale : le tableau, rare chez l’adulte, est super-posable à celui décrit chez l’enfant.✓ Sinusite maxillaire bloquée : cette complication typique de lasinusite maxillaire aiguë, correspond au blocage du drainage dusinus. Elle entraîne une exacerbation des douleurs et une dispa-rition de l’écoulement purulent.

La prise en charge repose sur un drainage du sinus par ponc-tion du sinus maxillaire (sous anesthésie, au moins locale, aidéesouvent par une neuroleptanalgésie).

Elle permet également un prélèvement bactériologique et lamise en place d’un drain intrasinusien pour des lavages pendantquelques jours.✓ Rhinosinusite aiguë d’origine dentaire : le point de départ estdentaire, lié à une infection apicale. Les germes sont le strepto-coque et les anaérobies. Ils provoquent la cacosmie.

Une infection par Aspergillus peut se greffer sur la pâte dansle sinus maxillaire. Elle est suspectée sur la radio simple en inci-dence de Blondeau.

Le traitement est exclusivement chirurgical, y compris pourl’aspergillose. Il repose sur un abord du sinus par la voie endo -nasale (cette chirurgie endoscopique par les voies naturelles

Infections naso-sinusiennes de l’enfant et de l’adulte

Œdème palpébral d’une ethmoïdite aiguë de l’enfant.Figure 2

Page 140: Le manuel du généraliste 2 orl

a connu un essor considérable) ou par la voie sous-labiale de Caldwell-Luc (ouverture du sinus maxillaire à travers la paroi antérieure).

Dans un deuxième temps, le traitement des foyers dentairesapicaux en rapport avec le sinus maxillaire est entrepris.

Ethmoïdite aiguë de l’enfantC’est la sinusite aiguë de l’enfant compliquant une rhino -

pharyngite, typiquement à l’âge de 2 à 3 ans, avec extensiondepuis l’ethmoïde vers les tissus sous-cutanés et/ou l’orbite.

1. Développement des sinus

L’ethmoïde est le seul sinus développé à la naissance. Les autres sinus ont un développement progressif à partir de 3 anspour le sinus maxillaire, de 6 ans pour les autres sinus (frontal,sphénoïdal).

2. Ethmoïdite aiguë extériorisée

✓ Le tableau clinique s’installe au cours d’une rhinopharyngite, il peut apparaître dès 6 mois, le plus souvent entre 2 et 3 ans. Ilassocie :— un œdème palpébral rouge, chaud, douloureux, prédominantà l’angle interne de l’œil et s’étendant aux paupières supérieureet inférieure (fig. 2) ;— une fièvre élevée ;— une obstruction nasale, une rhinorrhée purulente.✓ L’examen clinique élimine les autres causes d’œdème palpébral :la piqûre d’insecte (la plus fréquente : en dehors de tout contextede rhinopharyngite, sans fièvre) ; une conjonctivite, plus rarementune dacryocystite. Les autres causes classiques sont très rareset d’une présentation clinique plus éloignée (impétigo, staphy-lococcie maligne).

L’examen recherche des complications par extension orbitaireou intracrânienne : l’extension intraorbitaire est la complicationla plus fréquente, suspectée devant l’un des trois signes : exoph-talmie, mydriase paralytique, ophtalmoplégie. La mobilité oculaireest souvent difficile à préciser du fait de l’importance de l’œdèmepalpébral.

La présence de ces signes ou la difficulté de leur recherchedu fait d’un œdème palpébral important (chez un petit enfantnotamment) impose la réalisation d’un scanner à la recherched’un abcès intraorbitaire. En dehors de ces tableaux, le scannern’est pas nécessaire.

Un drainage chirurgical de l’abcès intraorbitaire s’impose.L’extension intracrânienne est rare : l’apparition d’un syndrome

méningé fait craindre un abcès intracrânien ou une thrombo-phlébite intracrânienne (du sinus caverneux).

Le prélèvement bactériologique n’est pas réalisé du fait de ladifficulté d’accès endonasal à l’ethmoïde.✓ Le traitement, en dehors des complications, est médical etrepose sur une antibiothérapie. Elle est empirique et dirigée contreles mêmes germes que ceux de l’otite moyenne aiguë, avant toutl’Hæmophilus influenzæ et le Streptococcus pneumoniæ avecles mêmes recommandations. Mais les modalités sont très variables

d’un centre à l’autre : per os ou par voie intraveineuse en cas detableau important (fièvre élevée, fermeture palpébrale complètepar l’œdème).

Une hospitalisation est nécessaire pendant les premiers jours.Le traitement symptomatique associé comprend : antalgiqueantipyrétique, lavage de fosses nasales avec soluté isotoniqueou hypertonique.

Les vasoconstricteurs par voie nasale sont autorisés à partirde 30 mois pour certains, 12 ans pour d’autres. ■

La rhinosinusite aiguë de l’adulte

Elle est avant tout maxillaire.

La douleur est le symptôme principal.

Le diagnostic est avant tout clinique.

La rhinosinusite aiguë de l’enfant

Elle est représentée par l’ethmoïdite aiguë.

Les complications intraorbitaires et endocrâniennesdoivent être recherchées.

POINTS FORTSà retenir

(v. MINI TEST DE LECTURE, p. 2311)

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

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64 SECTION I j  Section Title

Étiologie et pathogénie

La rhinite allergique et non allergique est associée à la libération de l’histamine, de prostaglandines, de leuco­triènes et de cytokines par les mastocytes, les basophiles et les éosinophiles. Dans la maladie allergique, la libéra­tion des médiateurs est déclenchée par l’allergène qui interconnecte les immunoglobulines E (IgE) liées aux mastocytes (figures 10.1 et 10.2). La même réaction se produit dans la rhinite cellulaire non allergique par un mécanisme inconnu.

L’expression clinique de la rhinite allergique serait liée à un déséquilibre entre deux sous­populations de lympho­cytes, les Th1 ou Th2, dont la différenciation dépend des interactions entre les cellules T et la cellule présentatrice d’antigène (voir la figure 10.2). Si celle­ci (par exemple une cellule dendritique) permet aux cellules Th2 de prédomi­ner, divers facteurs seront libérés, dont l’interleukine 4 (IL­4), l’IL­5, l’IL­9 et l’IL­13, le facteur de libération de l’histamine et des neuropeptides. Ces facteurs interagissent avec d’autres médiateurs, notamment l’interféron γ, l’IL­11, l’IL­12 et les leucotriènes. La réponse conduit à la

Introduction

La congestion nasale est le symptôme principal d’une rhinite, les autres étant les écoulements, les démangeai-sons, les éternuements et la pression sinusale attribuée à l’hyperréactivité inflammatoire des muqueuses des voies aériennes supérieures. Le processus inflammatoire s’étend souvent aux cavités sinusales paranasales et aux trompes d’Eustache, en causant ainsi des maux de tête frontaux et une sensation d’éclatement de bulles dans les oreilles. L’écoulement postnasal de mucus peut également faire tousser et, souvent, aggraver les symptômes des voies respiratoires inférieures tels que la respiration sifflante chez les asthmatiques. La plupart des gens éprouvent des symptômes de rhinite au cours de leur vie.

Plusieurs syndromes s’accompagnent de rhinite chronique ; ils peuvent être d’origine allergique, idiopathique ou secondaire. La rhinite allergique est provoquée par l’exposition à l’allergène, mais les symptômes peuvent être pérennes lorsque l’exposition est chronique. Classiquement, il existe aussi des symptômes oculaires, des larmoiements excessifs et des démangeaisons. La rhinite idiopathique, qualifiée aussi de vasomotrice ou dite non allergique et non infectieuse, partage de nombreuses caractéristiques avec la rhinite allergique, y compris l’hyperréactivité des muqueuses nasales mais, dans ce cas, les tests cutanés sont négatifs. Il ne sera pas question ici de la rhinite infectieuse aiguë guérissant spontanément, « le rhume banal ».

La rhinite allergique est la cinquième affection chronique la plus répandue aux États-Unis, affectant plus de 24 millions de personnes. La prévalence de la rhinite allergique a augmenté de 25 % au cours des deux der-nières décennies. Des diagnostics connexes tels que des polypes nasaux, une déviation de la cloison nasale et des maladies chroniques des amygdales et des végétations adénoïdes affectent plus de 5,3 millions d’Amé-ricains. Les coûts directs de la rhinite allergique aux États-Unis sont estimés à 1,23 milliards de dollars annuel-lement. Ces chiffres ne comprennent pas les coûts de la pharmacothérapie sans prescription, ni ne tiennent pas compte des coûts associés à l’introduction de nouvelles générations d’antihistaminiques, de tests diagnos-tiques ou d’immunothérapie. Chez les patients souffrant d’asthme et de rhinite allergique, l’asthme seul étant exclu, le coût des soins augmente de 46 %.

Rhinite allergique et idiopathique

David C. Henke

Page 142: Le manuel du généraliste 2 orl

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production d’IgE, à l’accumulation d’éosinophiles et baso­philes dans les poumons et les voies aériennes supérieures, à la prolifération des mastocytes, à une hyperréactivité des voies respiratoires, à la surproduction de mucus et à l’ex­sudation de protéines dérivées du sang dans les voies res­piratoires. Une association d’une nouvelle sous­classe de cellules à l’asthme, les cellules NKT (natural killer T cells), restreintes au CD1d, pourrait contribuer à nous faire mieux comprendre la pathogénie de la rhinite, qui se com­plique souvent d’asthme.

Des facteurs génétiques et environnementaux jouent un rôle dans la sélection d’une réponse inflammatoire Th2. Chez les individus non atopiques, peu après la naissance, la réponse aux allergènes est de type Th1. Il existe une association entre un allèle de HLA­DR et un polymor­phisme des IgE et l’atopie. La maladie atopique semble également être associée :

1. au mode de vie occidental, même dans un environ­nement du tiers­monde ;

2. à une hygiène excessive ;3. à l’administration d’antibiotiques au cours des 2 pre­

mières années de la vie ;4. à la vaccination (figure 10.3).

Certaines observations suggèrent que des micro­orga­nismes peuvent influer sur les réponses des cellules T. Par exemple, des produits d’Aspergillus fumigatus suscitent une production d’IgE dépendant des Th2. En revanche, l’inter féron γ provenant des cellules Th1 et l’IL­18 libé­rée par les macrophages inhiberaient la production d’IgE. L’immunothérapie et les séquences cytosine guanosine (C­p­G) répétées de l’ADN bactérien, en particulier lorsqu’elles sont utilisées comme adjuvants, peuvent faire basculer le phénotype Th2 en Th1.

Sensibilisation FragmentFab

FragmentFc

CPA

Pontsdisulfures

Chaîne lourde

Chaîne légère

AntigènePatient génétiquement prédisposé (atopique)exposé à un antigène spécifique(pollen d’ambroisie, appelée aussi herbe à poux)

Pollen

Figure 10.1 Asthme extrinsèque : mécanisme de l’hypersensibilité de type 1 (immédiate).CPA, cellule présentatrice d’antigène.

IL-4

IL-12

IL-5

IL-4

IL-13

IL-3

Défense contre les micro-organismes

Production d’éosinophiles

IgE

Antigène

CD4

Th2

B

Th1Le facteur de

transcription T-bet pourl’IFNg est déficient

chez les asthmatiques

Inhibitiondes Th2par l’IFNγ

Inhibitiondes Th1par l’IL-4

Proliféra-tion des mastocytes

CPA

Figure 10.2 Inflammation allergique.CPA : cellule présentatrice d’antigène ; IFNγ : interféron γ ; IgE : immunoglobuline E ; IL : interleukine.

Page 143: Le manuel du généraliste 2 orl

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L’augmentation de la prévalence de la rhinite allergi­que a également été associée à des concentrations plus élevées de pollen qui, à leur tour, ont été attribuées à une augmentation du CO2 atmosphérique. Elle a également été associée à la construction de bâtiments plus économes en énergie, ce qui ralentirait les échanges avec l’air exté­rieur et favoriserait ainsi la concentration des allergènes intérieurs.

Tableau clinique

Les différentes formes de rhinite sont diagnostiquées par la reconnaissance de l’ensemble des symptômes et, dans une moindre mesure, par un examen physique et les tests de laboratoire. Les symptômes comprennent les éternue­ments, le larmoiement, le prurit oculaire et auriculaire, la sensation d’éclatement de bulles dans les oreilles, la dou­leur sinusale et la rhinorrhée. Il est important d’établir la durée, la chronicité et les circonstances dans lesquelles les symptômes se manifestent. Des facteurs déclenchants comme l’exposition à des plantes en fleur, des environne­ments riches en moisissures, en poils d’animaux, des exa­cerbations au printemps ou en automne et des antécédents familiaux suggèrent qu’il s’agit d’une rhinite allergique. Mais, lorsque l’on est confronté à un cas de congestion nasale, il faut encore envisager de nombreuses autres pos­sibilités ; par exemple, l’irritation des voies respiratoires supérieures peut être secondaire à l’usage de drogues illicites.

L’utilisation fréquente de décongestionnants nasaux peut conduire à la rhinite dite médicamenteuse. Chez les personnes asthmatiques, il faut penser à des réactions possibles aux β­bloquants ou à des anti­inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Des antécédents professionnels ou de loisirs peuvent révéler une exposition à des irritants nasaux et à des poussières de bois potentiellement cancé­

rigènes. Les allergies alimentaires provoquent rarement une rhinite chez l’adulte, mais le font plus fréquemment chez les enfants. La rhinite allergique peut provoquer le syndrome de résistance des voies aériennes supérieures (RVAS), ce qui conduit à hypersomnolence. Ces patients peuvent ne pas avoir une franche apnée obstructive du sommeil.

En cas de rhinorrhée chronique, les frottements répétés peuvent à la longue creuser un pli transverse sur le dos du nez ; ce signe peut s’accompagner de rougeur de la muqueuse enflammée, d’œdème autour des yeux et d’une décoloration bleuâtre périorbitaire secondaire à une stase veineuse (« allergic shiners » ou « coquart allergique »). Des polypes, des corps étrangers, un déviation ou perforation du septum, des tumeurs, une conjonctivite, une otite séreuse, une éruption cutanée due à une vasculite, de l’ur­ticaire et une respiration sifflante suggèrent des causes spécifiques et requièrent un examen attentif. Une douleur sinusale, un écoulement purulent et de la fièvre indiquent une complication infectieuse. La rhinite idiopathique est un diagnostic d’exclusion.

Des tests de laboratoire et l’examen physique sont nécessaires pour diagnostiquer des troubles locaux et sys­témiques qui peuvent imiter la rhinite allergique. Une rhinite a été liée à la fibrose kystique, à des tumeurs, à des corps étrangers, à une rhinite atrophique, à une hypothy­roïdie, à une infection par le VIH, à des affections liées à des fluctuations hormonales comme la grossesse, à la gra­nulomatose de Wegener, à la sarcoïdose et à la granuloma­tose allergique du syndrome de Churg­Strauss.

Le diagnostic de rhinite allergique est établi par la mise en évidence d’anticorps IgE spécifiques soit in vivo par le test d’égratignure cutanée (scratch test), soit in vitro par le test RAST (RadioAllergoSorbent test). Ces tests sont importants pour l’organisation des mesures de prévention et d’immunothérapie. Une formule sanguine révélant une éosinophilie, un taux sérique élevé des IgE totales, une obstruction réversible de la circulation de l’air révélée par les tests de fonction pulmonaire, une hyperréactivité bronchique et une capacité augmentée de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO) peuvent être utiles pour confirmer le diagnostic de rhinite allergique associée à l’asthme.

Soins et traitement

Traitement optimal

Les interventions conservatrices comprennent : les décongestionnants locaux ou systémiques, les cortico­stéroïdes topiques, les anticholinergiques, les antihista­miniques, des mesures d’évitement des allergènes et des irritants, l’immunothérapie et, en cas de RVAS, des dis­positifs mécaniques qui maintiennent une pression positive continue (PPC) dans les voies respiratoires. Si ces mesures échouent et s’il y a une pathologie

Phénotype Th1 Phénotype Th2

Sœurs ou frères aînés

Fréquentation précoced’une garderie

Tuberculose, rougeole, hépatite A

Environnement rural

Endotoxine

Usage répété d’antibiotiques

Style de vie occidental

Environnement urbain

Régime

Sensibilisation auxacariens de poussières

de maison et aux blattes

Équilibreentre cytokines

Immunitéprotectrice

Maladies allergiques,entre autres l’asthme

Th1 Th2

Figure 10.3 Facteurs favorisant les phénotypes Th1 et Th2.

Page 144: Le manuel du généraliste 2 orl

anatomique, comme des polypes nasaux responsables de symptômes persistants chez le patient, il faut envisager la chirurgie. En cas de rhinite allergique, la thérapie optimale doit être adaptée à chaque patient. Toutefois, pour l’ensemble des patients, il convient d’abord de maîtriser les symptômes en recourant à une ou plusieurs des thérapies mentionnées ci­dessus. Ce contrôle des symptômes est particulièrement important lorsque la rhinite allergique déclenche des crises d’asthme chez le patient. Lorsque les symptômes seront enfin contrôlés, il faut diminuer systématiquement, et finalement élimi­ner, les traitements systémiques avec, comme premier objectif à long terme, de réduire au minimum les effets secondaires des médicaments. Cependant, il est en général difficile d’arrêter complètement les antihista­miniques systémiques, surtout si l’on a renoncé à l’immunothérapie.

Décongestionnants

Les décongestionnants topiques sont utiles, mais peu­vent causer une rhinite médicamenteuse lorsque l’on y recourt de manière excessive. La rhinite médicamenteuse est traitée par une diminution lente de l’utilisation de ce type de médicament et son remplacement par des stéroï­des topiques. Les décongestionnants topiques doivent être utilisés avec modération et la durée du traitement ne devrait pas dépasser 7 j. Les décongestionnants systé­miques sont efficaces sur l’inflammation nasale, mais ils ont des effets secondaires : tremblements, sécheresse buccale, palpitations et insomnie. Ils peuvent aggraver une maladie cardiaque, l’hypertension, le diabète, le glaucome, la thyrotoxicose et l’obstruction de la vessie. Les décongestionnants systémiques ou topiques n’ont pas d’effet significatif sur le prurit, les éternuements ou la rhinorrhée. La combinaison des décongestionnants et des antihistaminiques est plus efficace que l’usage isolé de ces agents (encadrés 10.1 et 10.2).

Corticostéroïdes

Les corticostéroïdes réduisent l’inflammation et agissent sur les vaisseaux sanguins, dont ils favorisent la constric­tion et diminuent la perméabilité. L’application topique est la meilleure voie d’administration des corticoïdes, car elle permet d’éviter les effets indésirables de leur admi­nistration orale ou parentérale. Les propriétés vasocons­trictrices des stéroïdes topiques offrent l’avantage d’un effet décongestionnant rapide. Toutefois, leur activité desséchante sur la muqueuse peut produire une irritation nasale, des saignements, une perforation du septum et favoriser la candidose. Les patients doivent adapter les stéroïdes topiques de façon à maîtriser les symptômes tout en évitant cet effet de dessèchement de la muqueuse. À cette fin, il est recommandé d’utiliser les formulations aqueuses de ces produits. Les stéroïdes topiques sont plus efficaces que les antihistaminiques dans le contrôle de la rhinite (encadré 10.3).

Antihistaminiques

Les agents bloquants les récepteurs H1 sont utilisés dans le traitement de la rhinite allergique (voir l’encadré 10.1). Ce sont en fait l’une des thérapies les plus efficaces et le plus largement utilisées. La sédation reste cependant un important facteur limitant. Elle est moindre avec la der­nière génération d’antihistaminiques (acrivastine, cétiri­zine, fexofénadine, loratadine et desloratadine). En plus, ceux­ci ne causent pas de retard dans la repolarisation

Adapté de Corey JP, Houser SM. Nasal congestion : a review of its etiology, evaluation, and treatment. Ear Nose Throat J 2000 ; 79 : 690–3.

Nom générique

Première générationj Chlorphéniraminej Diphénhydraminej Hydroxyzinej Triprolidine

Seconde générationj Cétirizinej Fexofénadinej Loratadinej Desloratadine

Topiquesj Azélastine (nasal)j Lévocabastine (ophtalmique)j Olopatadine (ophtalmique)

Encadré 10.1 Antihistaminiques

Encadré 10.2 Combinaisons d’antihistaminiques et de décongestionnants*

j Acrivastine et pseudoéphédrinej Azatadine et pseudoéphédrinej Fexofénadine et pseudoéphédrinej Loratadine et pseudoéphédrinej Triprolidine et pseudoéphédrine

* La Food and Drug Administration des États-Unis a pris des mesures pour supprimer la phénylpropanolamine (PPA) dans tous les médica-ments et a publié un avis de santé publique contre cette substance, qui était traditionnellement utilisée comme un décongestionnant oral mais créait une forte dépendance.Adapté de Corey JP, Houser SM. Nasal congestion : a review of its etiology, evaluation, and treatment. Ear Nose Throat J 2000 ; 79 : 690–3.

Adapté de Corey JP, Houser SM. Nasal congestion : a review of its etiology, evaluation, and treatment. Ear Nose Throat J 2000 ; 79 : 690–3.

Encadré 10.3 Stéroïdes inhalés

j Béclométasonej Budésonidej Fluticasonej Mométasonej Triamcinolone

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cardiaque (allongement de l’intervalle QT sur l’électro­cardiogramme), évitant ainsi le risque de complication de mort cardiaque subite causée par des torsades de pointe occasionnées par l’astémizole et la terfénadine. Les nouveaux antihistaminiques (azélastine, lévocabastine et olopatadine) sont disponibles en formulations topi­ques. L’azélastine inhibe la libération d’histamine, ainsi que la production d’autres médiateurs inflammatoires, mais elle cause de la somnolence. La lévocabastine et l’olopatadine sont disponibles sous forme de collyres, qui agissent rapidement et n’ont pas d’effet sédatif (voir l’encadré 10.1).

Antileucotriènes

Les métabolites de l’acide arachidonique, les leucotriènes, sont des médiateurs importants, qui joueraient un rôle dans de nombreuses maladies inflammatoires. L’agent blo­quant du récepteur du leucotriène D4, le montélukast, s’est révélé efficace dans le contrôle de la rhinite allergique. Il est plus largement prescrit que le zileuton, qui inhibe la 5­lipoxygénase et bloque ainsi la formation de tous les leucotriènes, car il ne requiert qu’une seule prise par jour, alors que le zileuton doit être pris plus fréquemment et peut être toxique pour le foie (voir le chapitre 20).

Stabilisateurs des mastocytes

Le cromolyn et son dérivé plus puissant, le nédocromil, augmentent l’adénosine monophosphate cyclique intracel­lulaire, élevant ainsi le seuil de la dégranulation des mas­tocytes et la libération d’histamine. Ils atténuent les symptômes allergiques, mais dans une moindre mesure que les stéroïdes topiques. Le cromolyn est disponible sans prescription ; le nédocromil est disponible en préparation ophtalmique, mais n’est pas encore disponible pour appli­cation topique nasale. Un inconvénient des stabilisateurs des mastocytes est la nécessité de les utiliser plusieurs fois par jour.

Anticholinergiques

Le bromure d’ipratropium inhibe les sécrétions des glan­des séreuses et séromuqueuses innervées par le système vagal par une activité antagoniste sur les récepteurs de l’acétylcholine. Ce médicament, bien toléré, est peu absorbé et n’entraîne pas d’effet rebond de la rhinorrhée. Il est surtout efficace dans la réduction de la rhinorrhée, mais exerce moins d’effet sur la congestion nasale et des éternuements.

Immunothérapie

L’immunothérapie est réservée aux patients présentant des symptômes graves de rhinite allergique, qui souffrent durant la plus grande partie de l’année ou qui ne peuvent pas être soignés par des médicaments et des mesures d’évi­tement. Le mécanisme thérapeutique exact est inconnu. On pense qu’il s’agirait d’une commutation des cellules T auxiliaires en une sous­population inhibant la production

d’IgE. En général, ce traitement se poursuit pendant envi­ron 6 ans. Après l’arrêt, les patients se sentent bien pour une période plus ou moins longue, au cours de laquelle aucun traitement n’est nécessaire. On considère que, chez les patients atteints d’asthme grave, l’immunothérapie comporte un risque trop grave d’effets indésirables comme l’anaphylaxie et même la mort.

Éviter les erreurs de traitement

Le traitement de la rhinite allergique requiert une atten­tion particulière sur deux points. Il faut absolument que le diagnostic soit correct afin de ne pas laisser échapper des affections graves pouvant être traitées et associées à une rhinite chronique, comme la fibrose kystique, la sarcoïdose et certaines vasculites. Le deuxième point est la nécessité d’éviter d’aggraver des affections qui pourraient être liées au traitement, comme les effets secondaires d’un usage prolongé de décongestionnant.

Futures directions

Distinguer la rhinite allergique de l’idiopathique est diffi­cile. Fas, une molécule de surface cellulaire qui induit l’apoptose, a été liée à la rhinite. La concentration du Fas soluble dans le sérum est normale en cas de rhinite idio­pathique, une affection imputée à un trouble du système nerveux autonome. Le Fas soluble est réduit dans la rhinite allergique, qui est à ce jour la seule maladie associée à ce changement.

L’anticorps anti­IgE, l’omalizumab, est efficace dans la rhinite allergique avec asthme, mais son utilisation pour la rhinite allergique est improbable avant que le coût de ce médicament, en moyenne 12 000 $ par an, ne soit réduit. Les agents qui bloquent les interleukines suscitent également de l’intérêt. Un récepteur soluble de l’IL­4, par exemple, s’est montré efficace dans l’asthme et pourrait se révéler utile dans le traitement de la rhinite allergique. Un anti­IL­5 a diminué l’éosi­nophilie chez les asthmatiques, mais n’a pas eu d’effet clinique.

Des thérapies futures pourraient recourir aux séquen­ces C­p­G répétées de l’ADN bactérien comme adju­vants dans les vaccins et pour l’immunothérapie dans le but de modifier l’apprêtement des allergènes et ainsi de prévenir ou guérir les affections atopiques. Elles vont aussi probablement se concentrer sur les fonctions immunorégulatrices des cellules NKT restreintes au CD1d.

Ressources supplémentaires

American Academy of Allergy, Asthma and Immunology. Fiche d’infor­mation des patients sur la rhinite allergique. Accessible à : http://www.aaaai.org/patients/resources/fact_sheets/allergic_rhinitis.pdf .

Cette fiche d’information a été rédigée pour les patients.

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Données probantes

1. Akbari O, Faul JL, Hoyte EG, et al. CD4+ invariant T­cell­receptor+ natural killer T cells in bronchial asthma. N Engl J Med 2006 ; 354 (11) : 1117­29. PMID : 16540612.

C’est la première description d’une nouvelle classe de lymphocytes, qui résiste à la modulation par les stéroïdes et qui est liée à l’asthme.

2. Borish LC, Nelson HS, Lanz MJ, et al. Interleukin­4 receptor in moderate atopic asthma. A phase I/II randomized, placebo­ controlled trial. Am J Respir Crit Care Med 1999 ; 160 : 1816­23. PMID : 10588591.

Cet article présente une revue du rôle des interleukines et d’autres média-teurs de l’inflammation dans l’asthme et un rapport sur l’efficacité théra-peutique du récepteur de l’IL-4 qui lie et séquestre l’IL-4 circulante.

3. Kato M, Hattori T, Ito H, et al. Serum­soluble Fas levels as a marker to distinguish allergic and nonallergic rhinitis. J Allergy Clin Immunol 1999 ; 103 : 1213­14. PMID : 10359909.

Cette étude est un exemple de recherche de marqueurs biologiques permettant de distinguer des maladies particulières dont les manifesta-tions cliniques se ressemblent.

4. Kay AB. Allergy and allergic diseases. First of two parts. N Engl J Med 2001 ; 344 : 30­7. PMID : 11136958.

Il s’agit de la première partie d’une revue en deux parties de l’état de l’art, décrivant les voies immunologiques impliquées dans la maladie allergique.

5. Kay AB. Allergy and allergic diseases. Second of two parts. N Engl J Med 2001 ; 344 : 109­13. PMID : 11150362.

Il s’agit de la deuxième partie d’une revue en deux parties de l’état de l’art, décrivant les voies immunologiques impliquées dans la maladie allergique.

6. Naclerio R, Solomon W. Rhinitis and inhalant allergens. JAMA 1997 ; 278 : 1842­8. PMID : 9396645.

Bonne revue consacrée à la rhinite allergique et à son traitement.7. Van Cauwenberge P, Watelet JB. Epidemiology of chronic rhino­

sinusitis. Thorax 2000 ; 55 (Suppl 2) : S20­S21.Cette revue lucide des mécanismes immunologiques dirigeant la réponse

biologique « non engagée » vers soit l’immunité (le résultat souhaité) soit la maladie allergique reprend l’hypothèse de l’hygiène, qui suggère que l’exposition à des agents infectieux dans les premières semaines de vie peut être essentielle pour encourager le système immunitaire à réagir à l’en-vironnement plus tard dans la vie par le développement d’une immunité, plutôt que par une maladie allergique.

8. Weiss KB, Sullivan SD. The health economics of asthma and rhinitis. I. Assessing the economic impact. J Allergy Clin Immunol 2001 ; 107 : 3­8. PMID : 11149982.

Les auteurs décrivent les impacts économiques et humains de la rhinite.

9. Yawn BP, Yunginger JW, Wollan PC, et al. Allergic rhinitis in Rochester, Minnesota residents with asthma : frequency and impact on health care charges. J Allergy Clin Immunol 1999 ; 103 : 54­9. PMID : 9893185.

Ceci est un autre point de vue sur l’épidémiologie et les limites de la technologie actuelle pour comprendre l’ampleur de l’impact de la rhinite.

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3 j  Chapter Title 55

Pharyngite

Daniel S. Reuland

Introduction

La pharyngite représente 1 à 2 % des consultations hospitalières, des visites au cabinet médical et des entrées en service d’urgence. Entre 10 et 20 % de ces cas sont dus à une infection par des streptocoques β-hémolytiques du groupe A (SBHGA). L’identification et le traitement de ce type de pathogène sont le principal objectif en pratique clinique.

Étiologie et pathogénie

La plupart des cas de pharyngite sont en fait dus le plus souvent à des virus respiratoires comme les adénovirus et les rhinovirus. La pharyngite est également considérée comme faisant partie du syndrome de la mononucléose infectieuse aiguë, surtout chez les adolescents et les jeunes adultes. D’autres virus peuvent encore être impliqués, par exemple le VIH lors de l’infection primaire, les virus her-pès simplex et Coxsackie A.

La bactérie pathogène commune la plus importante, SBHGA ou Streptococcus pyogenes (strep), se rencontre fré-quemment dans les services d’urgence, en particulier pen-dant l’hiver. Ces micro-organismes, qui se propagent par les gouttelettes de sécrétions des patients atteints de pha-ryngite ou des porteurs asymptomatiques, produisent diverses enzymes, comme la streptolysine, la streptokinase, une désoxyribonucléase et une hyaluronidase, qui favori-sent l’invasion directe des tissus. Le SBHGA peut aussi libérer des exotoxines, qui interviennent dans la pathogé-nie de la scarlatine et du syndrome de choc toxique strep-tococcique. D’autres streptocoques des groupes C et G peuvent provoquer une pharyngite, mais sans les compli-cations potentielles liées à l’infection par le SBHGA.

Tableau clinique

Bien qu’aucun signe clinique fiable ne distingue une angine virale des maux de gorge causés par le SBHGA, la combi-naison des données cliniques avec les résultats des tests de laboratoire peut guider la décision thérapeutique. Les qua-tre caractéristiques cliniques suivantes ont tendance à être associées à la pharyngite causée par le SBHGA :

• antécédents de fièvre ;• exsudats amygdaliens ;• adénopathie cervicale antérieure ;• absence de toux.Un algorithme clinique pour estimer la probabilité

d’une infection par le SBHGA chez des patients souffrant d’un mal de gorge a été élaboré et validé sur la base de ces quatre signes cliniques (voir « Démarche diagnostique »).

Les complications de la pharyngite streptococcique

Les complications de la pharyngite streptococcique sont soit suppuratives soit non suppuratives.

Complications suppuratives

Un abcès périamygdalien ou rétropharyngien ne compli-que que 1 à 2 % des cas, mais exige un diagnostic et un traitement immédiats en raison de complications sérieu-ses, pouvant même être létales. Les symptômes graves sont en général de la fièvre et un état d’intoxication sys-témique. La douleur est telle que les patients sont souvent incapables de prendre des liquides, ce qui aboutit à de la déshydratation. En cas d’abcès périamygdalien, la voix est étouffée et modifiée, et le pilier amygdalien antérieur est gonflé, l’amygdale étant déplacée vers le milieu du pha-rynx (figure 8.1). La bactériémie streptococcique avec choc est une complication rare mais grave de l’infection pharyngée à SBHGA. Le traitement précoce aux antibio-tiques de ce type de pharyngite semble réduire l’incidence de ces complications.

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Le terme d’« angine de Ludwig » (voir le chapitre 16, figure 16.1) se réfère à d’autres infections de l’espace para-pharyngé, y compris les régions sous-mandibulaire, sublin-guale et sous-maxillaire. Celles-ci sont parfois polymicrobiennes et associées à des corps étrangers ou à une mauvaise hygiène dentaire. Une épiglottite à SBHGA ou à Haemophilus influen-zae est rare chez l’adulte, mais peut progresser rapidement et entraîner une obstruction des voies aériennes. Toute sus-picion de l’une de ces affections est une indication d’envoi urgent chez un oto-rhino-laryngologiste.

La scarlatine, qui survient principalement chez les enfants, est associée à certaines souches de SBHGA pro-ductrices de toxines. Elle se manifeste par une éruption cutanée érythémateuse et papuleuse qui commence sur le tronc. On peut observer une bouffée congestive du visage avec pâleur périorale, des pétéchies et une des-quamation palmaire. En général, le syndrome s’arrête spontanément.

Complications non suppuratives

Le rhumatisme articulaire aigu est la plus grave des compli-cations non suppuratives de la pharyngite streptococcique. Les antibiotiques ont réduit le risque de plus de deux tiers. Toutefois, étant donné le très faible risque absolu de cette complication dans le monde développé, la prescription d’antibiotiques pour l’éviter est controversée. La gloméru-lonéphrite post-streptococcique, l’autre principale complica-tion non suppurative, survient avec des degrés de gravité variables, mais elle s’arrête généralement spontanément. On ignore si le traitement antibiotique du SBHGA réduit le risque de cette complication.

Diagnostic différentiel

Une pharyngite peut correspondre à une candidose oro-pharyngée (muguet) chez des sujets immunodéprimés ou qui reçoivent des antibiotiques à large spectre ou des corti costéroïdes (que ce soit par voie systémique ou inha-lation). Des gonocoques causent parfois une pharyngite à la suite de relations sexuelles orogénitales. Bien que rare-ment identifiés, les micro-organismes suivants peuvent être responsables de pharyngite : Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae, Treponema pallidum (syphilis pri-maire ou secondaire), Yersinia enterocolitica et des fusobac-téries. Certains spirochètes et anaérobies occasionnent une pharyngite membraneuse associée à une odeur fétide appelée « angine de Vincent ». La diphtérie, due à Corynebacterium diphtheriae, se caractérise par la formation d’une membrane grisâtre sur les amygdales, le pharynx, la luette et les narines (voir la figure 8.1) ; elle requiert un diagnostic et un traitement immédiats. Des flambées peu-vent se produire dans une population non immunisée. Une pharyngite fait également partie du syndrome rétro-viral aigu, avec fièvre, arthralgies et lymphadénopathie, lié à l’infection primaire par le VIH.

Démarche diagnostique

Le tableau 8.1 propose, au médecin confronté à un cas de pharyngite, une démarche diagnostique et thérapeutique basée sur des données probantes. La prévalence (c’est- à-dire la probabilité pré-test) de SBHGA en cas de consul-tations au cabinet est d’environ 10 %. Dans les services d’urgence, la prévalence est d’environ 20 %. Le score de Centor est utilisé pour améliorer cette estimation de la

Abcès périamygdalien(phlegmon)

Diphtérie

Corynebacteriumdiphteriae(bacille de Klebs-Löffler)

Figure 8.1 Infections du pharynx.

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probabilité pré-test de l’infection streptococcique et est obtenu en attribuant 1 point pour la présence de chaque manifestation clinique : fièvre, exsudats amygdaliens, adéno pathie cervicale antérieure et absence de toux.

Analyses de laboratoire

La détection antigénique au cabinet médical a une sensi-bilité de 85 % et une spécificité de 95 %. Elle offre des résultats rapides qui permettent d’améliorer la précision du diagnostic par rapport à la seule évaluation clinique. La culture à partir d’un frottis de gorge, lorsqu’elle est prati-quée par des laboratoires de référence, a une sensibilité de 90 % et une spécificité approchant 99 %. Faut-il demander une culture si le résultat du test de recherche d’antigène est négatif ? La réponse reste controversée. L’Infectious Diseases Society of America recommande la confirmation en laboratoire, alors que l’American College of Physicians adopte plusieurs options, y compris le traitement empiri-que des patients avec des scores de Centor de 3 et 4. Un compromis raisonnable est d’effectuer une culture de confirmation lorsque le soupçon clinique d’angine strepto-coccique est modérément élevé (c’est-à-dire un score strep de 3) lorsque le test d’antigène est négatif.

Soins et traitement

Bien que les lignes directrices varient quelque peu, la thé-rapie antibiotique empirique est généralement recomman-dée pour les patients atteints de pharyngite aiguë avec un score de Centor de 4, et lorsque des scores intermédiaires (2 ou 3) sont associés à un résultat positif au test des anti-gènes (voir le tableau 8.1). Des seuils plus bas d’indication d’antibiothérapie doivent être envisagés chez des patients ayant été en contact avec un proche atteint d’infection streptococcique prouvée, ainsi que chez les personnes ayant des antécédents de rhumatisme articulaire aigu.

Traitement antibiotique optimal

La pénicilline est encore le traitement antibiotique de choix pour les adultes, bien que l’utilisation des céphalos-

porines soit associée à moins d’échecs thérapeutiques chez les enfants. La pénicilline V à la dose de 500 mg prise 3 fois par jour pendant 10 j abrège le cours de la maladie. Lorsque le respect du traitement est difficile, la benzathine pénicil-line par voie intramusculaire est très efficace, mais le risque d’anaphylaxie est plus élevé. Chez les patients allergiques à la pénicilline, l’érythromycine, l’azithromycine, la cla-rithromycine, la clindamycine ou une céphalosporine orale sont une option raisonnable.

Traitement symptomatique

Quelle que soit l’étiologie, les patients avec pharyngite demandent à être soulagés. L’acétaminophène, l’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont probablement également efficaces pour soulager les symptômes. Il existe peu de preuves sur l’efficacité d’autres traitements tels que les corticostéroïdes. Une petite étude a montré une réduc-tion de la durée des symptômes chez les enfants atteints de pharyngite modérée à sévère et traités par la dexamétha-sone orale. Toutefois, aucune donnée probante ne soutient une utilisation en routine de ces agents pour traiter les pharyngites de l’adulte.

Éviter les erreurs de traitement

L’algorithme thérapeutique du tableau 8.1 devrait permet-tre un traitement raisonnable des maux de gorge d’origine virale, tout en évitant qu’une infection à SBHGA ne soit pas reconnue et traitée efficacement. Il importe de rester attentif à tout indice de suspicion de complications, comme un abcès périamygdalien ou rétropharyngien.

Futures directions

Étant donné que le bénéfice global du traitement antibio-tique des pharyngites à SBHGA est faible, des études qui aboutiraient à une meilleure distinction des populations à risque plus élevé ou plus faible de complications per-mettraient une estimation plus précise de l’utilité de l’an-tibiothérapie. Plus précisément, les études de pronostic dans les pays développés ainsi que dans des régions plus

Tableau 8.1 Attitude recommandée envers un patient avec

pharyngite et se présentant au cabinet du médecin

Score de Centor * Probabilité post-test d’infection streptococcique (%)

Action

0 1 Traitement symptomatique1 4 Traitement symptomatique2 9 Identification antigénique, antibiotiques si le test est positif3 21 Antibiothérapie empirique ou recherche d’antigène,

antibiotiques si elle est positive4 43 Antibiothérapie empirique

* Le score de Centor est obtenu en attribuant 1 point pour chacune des constatations cliniques suivantes : antécédents de fièvre, exsudats amygdaliens, adénopathie cervicale antérieure, absence de toux. Notez que les probabilités post-test seront plus élevées (environ le double) dans les services d’urgence.

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densément peuplées ou déprimées sur le plan socio-économique permettront de définir les risques de com-plications de la

pharyngite streptococcique dans ces populations. Des études recourant à des mesures rigou-reusement définies des

résultats centrés sur le patient, comprenant des mesures de la gravité ainsi que la durée des symptômes, permettraient l’évaluation du véritable degré de bénéfice d’un traitement antibiotique dans la pharyngite streptococcique.

Ressources supplémentaires

Del Mar CB, Glasziou PP, Spinks AB. Antibiotics for sore throat. Cochrane Database Syst Rev 4 : CD000023, 2006.

Cette revue systématique, récemment mise à jour, se concentre spécifique-ment sur l’évaluation des avantages des antibiotiques pour des maux de gorge, y compris la réduction des symptômes et les complications suppuratives et non suppuratives. La conclusion des auteurs est que le bénéfice procuré par l’anti-biothérapie est modeste pour ceux qui souffrent de mal de gorge dans le contexte de la société occidentale moderne.

Thomas M, Del Mar C, Glasziou P. How effective are treatments other than antibiotics for acute sore throat ? Br J Gen Pract 2000 ; 50 (459) : 817-20.

Les auteurs présentent une revue systématique des essais de traitement des maux de gorge sans antibiotiques.

Données probantes

1. Cooper RJ, Hoffman JR, Bartlett JG, et al. Principles of appro-priate antibiotic use for acute pharyngitis in adults : background. Ann Intern Med 2001 ; 134 (6) : 509-17. PMID : 11255530.

Il s’agit d’une prise de position après une analyse approfondie et systé-matique des données probantes en matière de diagnostic, de traitement et de complications de la pharyngite aiguë chez les adultes.

2. Snow V, Mottur-Pilson C, Cooper RJ, et al. Principles of appropriate antibiotic use for acute pharyngitis in adults. Ann Intern Med 2001 ; 134 (6) : 506-8. PMID : 11255529.

Cet article accompagnant le précédent présente un guide de pratique axée sur les moyens par lesquels les cliniciens peuvent distinguer une pharyngite causée par SBHGA des pharyngites d’autres origines.

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Ulcérations aphteuses récurrentes

Les ulcérations aphteuses récurrentes (aphtes) sont les ulcères de la muqueuse buccale les plus fréquents en Amérique du Nord, affectant 5 à 66 % de la population adulte (figure 11.1). Les aphtes sont plus fréquents dans les classes socioéconomiques plus élevées et surviennent géné-ralement dans la deuxième décennie de la vie. Leur étio-logie reste incertaine. Les carences nutritionnelles, des changements hormonaux, des infections bactériennes et virales, des hypersensibilités alimentaires, le stress et des prédispositions génétiques ont été proposées comme cau-ses possibles.

Selon leur aspect, les aphtes sont classés comme majeurs, mineurs ou herpétiformes. Ces trois types se développent en général sur la muqueuse mobile non kératinisée de la région buccale, des lèvres et du plancher de la bouche. Les aphtes ne s’accompagnent pas de fièvre ni d’autres réac-tions systémiques. Les récidives sont plus fréquentes chez les jeunes patients, et 30 % des patients peuvent avoir une maladie persistant pendant des mois ou des années.

Les aphtes majeurs, la forme la plus sévère, touchent 7 à 20 % des patients. Les lésions de ce type ont plus de 10 mm de diamètre et peuvent durer de quelques semaines à quel-ques mois. Elles peuvent fusionner et former de grands ulcères irréguliers qui laissent des cicatrices après leur gué-rison. Ces ulcères surviennent sur la muqueuse molle et mobile, mais peuvent également apparaître plus à l’arrière, sur le palais mou, les amygdales et le pharynx.

Les aphtes mineurs sont les plus fréquents, représentant 70 à 87 % de l’ensemble des ulcérations aphteuses. Ils mesurent moins de 10 mm de diamètre et se présentent sous forme d’ulcérations distinctes, peu profondes et dou-loureuses, avec un exsudat central fibreux entouré d’un bord érythémateux. Ils sont généralement situés sur la muqueuse buccale. La durée de l’ulcère est de 1 à 2 semai-nes ; il guérit alors spontanément et ne laisse pas de cicatrice.

Les aphtes herpétiformes représentent 7 à 10 % de l’en-semble des lésions aphteuses. Ces ulcères mesurent moins de 5 mm et forment des groupes de 10 à 100. Ils peuvent aussi fusionner et former des ulcères plus grands ; ils peu-vent se trouver n’importe où dans la bouche, mais sont le plus souvent localisés sur la partie dorsale de la langue et sur le palais ; ils guérissent spontanément en 1 à 4 semaines.

Le diagnostic différentiel comprend des maladies infec-tieuses (virus herpès, VIH), des maladies rhumatismales (syndrome de Behçet, syndrome de Reiter), une maladie cutanée (érythème polymorphe), une maladie gastro-intes-tinale (maladie cœliaque ou sensibilité au gluten) et des effets secondaires de médicaments (anti-inflammatoires non stéroïdiens, β-bloquants, nicorandil, alendronate). Le diagnostic repose essentiellement sur une anamnèse fouillée et l’examen physique. Les patients atteints de lésions qui persistent après 3 semaines de traitement doi-vent être adressés à un spécialiste pour biopsie et pour des soins plus poussés.

Introduction

La cavité buccale, comme la cavité nasale, représente le premier point de contact pour les pathogènes et les agents irritants entrant dans les systèmes digestif et respiratoire. Les frontières de cette région s’étendent des lèvres à la jonction entre la partie molle du palais et les papilles caliciformes de la langue. La cavité buccale comprend les lèvres, les gencives et la muqueuse buccale, les dents, le palais dur, le plancher de la bouche, le trigone rétromolaire et les deux tiers antérieurs de la langue. Un examen complet de la cavité buccale doit inclure la visualisation de toutes les surfaces muqueuses et la palpation des surfaces buccales, de la langue, du palais et du plancher de la bouche. Une grande variété de processus pathologiques peut se manifester par des lésions buccales semblables, ce qui rend leur diagnostic difficile.

Lésions buccales

Rose J. Eapen • William W. Shockley

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Traitement optimal

Il existe de nombreux traitements disponibles, et leur uti-lisation doit être guidée par la gravité de la maladie, la fréquence des ulcères, et les effets néfastes potentiels des médicaments utilisés. Les nouveaux traitements approuvés par la Food and Drug Administration des États-Unis com-prennent une pâte dentaire contenant 0,1 % de triamcino-lone, qui contribue à diminuer l’inflammation, et une pâte à 5 % d’amlexanox, qui interfère dans la cascade inflam-matoire en agissant spécifiquement contre l’interleukine 3. Ces pâtes sont appliquées sur l’ulcère 2 à 4 fois par jour jusqu’à la guérison. Des corticostéroïdes topiques sont éga-lement utilisés dans le traitement. Lorsqu’ils sont appli-qués directement sur l’ulcère sec ou sur la zone de la douleur ou de paresthésie prodromique, ils réduisent la durée de la lésion, mais ils n’ont pas d’incidence sur la fréquence des récurrences. Des injections intralésionnelles de stéroïdes et l’administration systémique des corticoïdes systémiques sont à réserver aux cas d’aphtes majeurs per-sistants. On a montré que la thalidomide réduisait la durée des lésions et prolongeait les périodes de rémission en cas d’aphtes réfractaires. Toutefois, ce traitement a de graves effets secondaires ; il est tératogène et peut causer des neu-ropathies périphériques, ce qui limite son utilisation.

Lésions infectieuses

Stomatite virale

Herpès simplex

Herpès simplex (HSV) est l’agent le plus fréquemment impliqué dans la stomatite virale. L’exposition à ce virus se produit généralement pendant l’enfance. Après guérison de la première infection, le virus reste latent dans le gan-glion trijumeau. La primo-infection est souvent asympto-matique. Si des symptômes surviennent, ils consistent en l’apparition soudaine de vésicules de 1–2 mm entourées d’un érythème inflammatoire et associées à de la fièvre. Les vésicules se rompent et forment alors des ulcères. Les lésions orales primaires affectent surtout la muqueuse buc-cale, la maladie récurrente étant généralement limitée aux zones kératinisées, comme les lèvres ou les zones péribuc-cales. Les ulcérations guérissent spontanément en 10 à 14 j. Les poussées récurrentes d’herpès oral, qui ne s’accompa-gnent pas de fièvre, sont déclenchées par l’exposition au soleil, par des traumatismes locaux ou un stress émotion-nel. La plupart des patients éprouvent une douleur, une sensation de brûlure ou des picotements 24 h environ avant une nouvelle poussée. Le diagnostic différentiel de ces lésions est similaire à celui des aphtes. Il est essentiellement

Lichen plan

Ulcérations aphteuses récurrentes

Glossiterhomboïdemédiane

Figure 11.1 Lésions buccales fréquentes.

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clinique, mais peut être confirmé par l’identification des cellules géantes multinucléées sur un frottis de Tzanck. La culture virale à partir du liquide des vésicules fournit la preuve diagnostique indiscutable.TraiTemenT opTimal. La plupart des individus immuno-compétents victimes d’un herpès labial récurrent ne néces-sitent pas d’autre traitement que le recours occasionnel à des analgésiques locaux. Le recours aux stéroïdes est contre-indiqué. L’administration systémique d’aciclovir peut raccourcir la durée des poussées et allonger les pério-des de rémission, mais ce médicament agit quand le virus est le plus actif, ce qui est habituellement le cas avant que les lésions n’apparaissent. D’autres agents antiviraux, comme le valaciclovir, sont également efficaces.

Infection primaire par le virus de la varicelle et du zona

L’infection primaire par le virus de la varicelle et du zona (VZV), appelé aussi virus herpès 3 humain, cause la vari-celle chez l’enfant. L’infection se manifeste par des vésicules groupées ou des érosions sur le palais dur, la muqueuse buccale, la langue et les gencives. Le virus reste alors dor-mant dans les ganglions sensoriels. Il peut parfois se réac-tiver et provoquer un zona, c’est-à-dire une éruption de multiples vésicules douloureuses de 1–2 mm qui éclatent bientôt en laissant des lésions ulcéreuses. Ces lésions sont classiquement distribuées dans un dermatome unilatéral. Lorsqu’il touche la tête, le zona peut se présenter de manière très variée, allant de la paralysie du nerf facial dans le syn-drome de Ramsay-Hunt à l’uvéite, à la kératoconjonctivite et à la névrite optique du zona ophtalmique. Ces éruptions indiquent généralement un état de déficience immunitaire, qui peut nécessiter un complément d’enquête.

TraiTemenT opTimal de l’infecTion primaire par le VZV. Le traitement de la varicelle est généralement symptoma-tique chez les patients immunocompétents, l’aciclovir étant le médicament de choix pour la varicelle chez les adultes et les patients immunodéprimés. Le valaciclovir et le famci-clovir sont aussi efficaces. Les corticoïdes sont contre-indi-qués dans l’infection primaire. La vaccination est recommandée pour tous les enfants entre 12 mois et 13 ans. La vaccination est également recommandée pour les adul-tes qui sont exposés au risque d’infection (par exemple le personnel des centres de jour), pour ceux qui ont des contacts familiaux avec des sujets immunodéprimés et pour les femmes en âge de procréer. La vaccination n’est pas recommandée pour les sujets immunodéprimés, car le vac-cin est composé de VZV vivant atténué.

TraiTemenT opTimal de l’infecTion récurrenTe par le VZV. L’aciclovir, le valaciclovir ou le famciclovir, ainsi que des corticoïdes, constituent le traitement de l’infection récurrente par l’herpès zoster. Il doit être commencé dans les 72 h du premier symptôme chez les patients de plus de 50 ans afin de maximiser les avantages potentiels du traitement.

Coxsackie A

L’herpangine est due au virus Coxsackie types A1 à A6, A8, A10 et A22, qui touche les enfants âgés de 3 à 10 ans. L’affection se manifeste par de petites lésions aphteuses sur le palais mou et les piliers des amygdales et par de la fièvre et de l’odynophagie (déglutition douloureuse). Cette mala-die guérit spontanément et ne nécessite qu’un traitement symptomatique.

La maladie mains, pieds, bouche (MPB) est causée par le virus Coxsackie type A16. Elle survient le plus souvent au printemps et au début de l’été chez des enfants de moins de 5 ans. Ils ont de petites lésions aphteuses sur la muqueuse buccale et sur la langue, ainsi que des papules pâles de forme ovale avec un rebord érythémateux sur la paume des mains et la plante des pieds. Ces lésions ont tendance à épargner la bouche et les gencives, contrairement au HSV. Cette maladie guérit spontanément et n’a besoin que d’un traitement symptomatique.

Stomatite fongique

Candidose orale

Candida est la cause la plus fréquente des infections fongi-ques orales. Ce champignon est présent dans la bouche de 30 à 60 % des adultes en bonne santé et, par conséquent, son isolement ne signifie pas nécessairement un processus pathologique. Toutefois, le nombre de véritables infections à Candida est à la hausse, pour des raisons iatrogènes. Les facteurs qui prédisposent les patients à ce type d’infection sont les âges extrêmes, un état immunodéprimé, la malnu-trition, les infections concomitantes, l’antibiothérapie à large spectre, une mucosite due à des rayons et la xérosto-mie (sécheresse de la bouche). La candidose buccale classique est parfois qualifiée de pseudo-membraneuse ou appelée « muguet » à cause des plaques blanches présentes sur la muqueuse buccale, le palais, la langue ou l’oropharynx ; ces plaques s’enlèvent facilement, laissant un tissu mis à nu légèrement hémorragique. La candidose hyperplasique se présente également sous forme de plaques blanches, mais qui ne peuvent pas être enlevées facilement. La candidose atrophique chronique est la forme la plus commune de la candidose orale et se retrouve chez 60 % des patients por-teurs de prothèse dentaire. Il se présente comme un épais-sissement érythémateux de la muqueuse sous la prothèse dentaire. La glossite rhomboïde médiane (voir la figure 11.1) est limitée à la partie dorsale de la langue. Elle apparaît comme une zone d’atrophie papillaire, non douloureuse, érythémateuse et bien délimitée juste en avant des papilles caliciformes. La chéilite angulaire, ou perlèche, consiste en ulcérations douloureuses et saignantes aux commissures des lèvres. Le diagnostic de la candidose buccale est basé sur les signes cliniques. Le diagnostic différentiel com-prend un large éventail de lésions buccales allant d’infec-tions systémiques à l’épithélioma spinocellulaire. Chez les patients atteints de maladie récurrente ou extensive, le

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statut immunologique doit être évalué et des tests de dépis-tage du VIH doivent être effectués. Le diagnostic de la candidose buccale est confirmé par un examen microsco-pique de raclures des taches blanches ou des zones d’éro-sion de la muqueuse après traitement à l’hydroxyde de potassium (KOH). Celui-ci devrait révéler les levures en bourgeonnement, avec ou sans pseudohyphes. Si les lésions persistent après 1 à 2 semaines d’un traitement adéquat, il faut adresser le patient à un spécialiste en vue d’une éven-tuelle biopsie.

TraiTemenT opTimal. La thérapie consiste en des antifon-giques topiques et systémiques. Des rinçages de bouche avec une solution de nystatine ou de clotrimazole 4 à 5 fois par jour sont recommandés pour le traitement des lésions de la muqueuse buccale. Pour les lésions liées à une pro-thèse dentaire, il faut que le patient trempe son dentier dans une solution ou un onguent antifongique et applique directement la pommade ou la crème antifongique sur la lésion. La perlèche répond le mieux à l’application topique de pommade antifongique. L’administration systémique de fluconazole, de kétoconazole ou d’itraconazole est réservée aux lésions graves ou réfractaires.

Lésions buccales non infectieuses

Lichen plan

Le lichen plan buccal (LPB) [voir la figure 11.1] touche environ 2 % des adultes. Son étiologie est inconnue, mais sa pathogénie dépendrait d’une réaction immunitaire des cellules T contre les cellules épithéliales basales. L’ histo-logie montre la destruction de cette couche cellulaire et une infiltration lymphocytaire du tissu adjacent. Ces lésions peuvent prendre diverses formes ; le type réticulaire est le plus commun et s’observe chez la plupart des patients atteints de cette maladie. La lésion consiste en stries (dites de Wickham) papuleuses formant une sorte de dentelle sur la muqueuse buccale. La forme érosive est le second type le plus fréquent ; les lésions ulcéreuses et douloureuses affec-tent la gencive, la muqueuse buccale et les bords de la langue. Une prothèse dentaire mal adaptée peut être un facteur favorisant du LPB. Une surinfection à Candida survient dans un tiers des lésions du LPB, ce qui nécessite un traitement antifongique. Un contrôle des médicaments pris par le patient est essentiel, car certains peuvent entraî-ner des éruptions lichénoïdes. Le diagnostic définitif de LPB peut nécessiter une biopsie. Il est important de suivre l’évolution de ces lésions, car une transformation maligne est possible, quoique rare. Dans la plupart des cas signalés, c’est le sous-type érosif qui subirait le plus souvent cette transformation.

Le LPB symptomatique est d’abord traité avec des stéroïdes topiques. Les cas réfractaires répondent habi-tuellement aux stéroïdes systémiques. Des médicaments immunomodulateurs, comme la ciclosporine et l’azathio-prine, peuvent être nécessaires dans les cas graves.

Leucoplasie

Une leucoplasie orale est une lésion précancéreuse qui apparaît comme une tache ou une plaque blanche sur la muqueuse buccale. Il s’agit d’une hyperplasie de l’épithé-lium pavimenteux. La leucoplasie elle-même est un pro-cessus réactif bénin. Toutefois, certaines lésions peuvent se transformer en cancer au cours d’une évolution de 10 ans. Différentes études ont montré les diverses étapes de cette transformation. Les lésions situées dans les régions buccales sujettes à des traumatismes, comme les joues et le dos de la langue, sont moins exposées au risque de cancérisation. Toute lésion suspecte doit être biopsiée. Si une tumeur maligne est identifiée, le patient doit être référé à un spécialiste pour une éventuelle résection et/ou une chimiothérapie. On étudie actuellement des inhibi-teurs de la cyclo-oxygénase-2 (COX-2) comme traitement possible des leucoplasies.

Leucoplasie chevelue

La leucoplasie chevelue est une lésion muqueuse bénigne des bords de la langue que l’on peut trouver chez un tiers des patients infectés par le VIH. Ces lésions épithéliales indo-lores sont causées par le virus d’Epstein-Barr. Elles appa-raissent comme des zones blanches irrégulières dues à l’épaississement de la muqueuse. Le diagnostic repose sur l’aspect clinique, mais parfois la confirmation requiert une biopsie. Aucun traitement spécifique n’est indiqué, mais les patients avec une leucoplasie chevelue doivent subir les tests pour la détection du VIH.

Papillome et verrue oraux

Le papillome et la verrue de la bouche sont facilement reconnaissables. Ces deux lésions sont causées par des sou-ches de virus du papillome humain. Le papillome oral se présente comme une masse pédonculée d’épithélium pavi-menteux à l’aspect de chou-fleur et semblable aux papillo-mes que l’on trouve dans d’autres sites (figure 11.2). Les verrues orales ressemblent aussi à celles que l’on trouve sur la peau des mains et des pieds ; ce sont des tumeurs béni-gnes, rondes, hyperkératosiques et dures. Le diagnostic différentiel doit les distinguer du condylome acuminé et du carcinome verruqueux. La biopsie excisionnelle est le traitement de choix.

Torus palatinus et torus mandibularis

Le torus est une exostose bénigne du palais dur et de la mandibule qui se manifeste comme une masse dure et lisse au milieu du palais dur ou de la surface linguale de la mandibule. Souvent, les patients ignorent sa présence. Le diagnostic repose sur l’examen physique. Aucun traitement n’est nécessaire, mais parfois on doit retirer le torus car il empêche l’usage d’un dentier (voir la figure 11.2).

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Papillomes du palais mou et du pilier antérieur Mucocèle de la lèvre

Torus palatinus

Figure 11.2 Lésions buccales fréquentes.

Grains de Fordyce

Les grains de Fordyce sont des glandes sébacées ectopiques qui apparaissent comme des groupes de taches jaunâtres sur la muqueuse buccale, en général juste à l’intérieur de la commissure buccale. Le diagnostic repose sur l’examen physique, et aucun traitement n’est nécessaire.

Tatouage par amalgame

Les alliages dentaires à base d’argent peuvent imprégner les gencives, ce qui donne des macules de coloration bleu-tée ou noire. Le site de la plupart de ces tatouages est situé dans l’arche mandibulaire. Il ne faut pas confondre cette lésion avec un nævus ou un mélanome. Le diagnostic repose sur l’examen physique. La confirmation peut être obtenue par une radiographie qui montre quelques petites opacités. Une biopsie excisionnelle s’impose si les lésions pigmentées sont suspectes.

Mucocèles

Des mucocèles se forment lorsque la salive sort d’une petite glande salivaire et se répand dans le tissu environ-nant. On pense qu’un traumatisme est la cause de la plupart des mucocèles. Ils peuvent être présents partout dans la cavité buccale, mais on les trouve le plus souvent sur la lèvre inférieure. Leur aspect est celui d’une tuméfaction ronde et bleutée recouverte de la muqueuse lisse. Ils peu-vent éclater et se reformer ou s’infecter et devenir puru-lents. L’excision est le traitement de choix pour les mucocèles persistants. La marsupialisation aboutit généra-lement à la récurrence (voir la figure 11.2).

Fibromes

Le fibrome est une tuméfaction molle, beige ou rose, qui se développe dans des sites de traumatismes répétés, généralement sur la muqueuse buccale ou les bords de la langue. Les traumatismes récurrents entraînent une inflammation chronique et une hyperplasie fibreuse. La biopsie excisionnelle sert au diagnostic et au traitement (voir la figure 11.3).

Langue chevelue

La langue chevelue est une affection bénigne provoquée par l’accumulation de kératine et de bactéries commensales sur les papilles filiformes de la langue, qui prend une appa-rence caractéristique. Le traitement consiste simplement à rassurer le patient sur la nature bénigne du processus. L’aspect peut être quelque peu amélioré par grattage de l’excès de kératine et de débris cellulaires (figure 11.3).

Langue géographique

La langue géographique, ou glossite migratoire bénigne, est une affection bénigne caractérisée par une zone d’atro-phie du dessus de la langue avec perte de papilles. Cela conduit à des ulcérations superficielles, qui apparaissent sur le dos de la langue comme des taches érythémateuses avec des rebords polycycliques blanchâtres. Le diagnostic est posé sur cet aspect particulier et la biopsie est inutile. Les lésions douloureuses régressent spontanément, mais réapparaissent sur d’autres parties de la langue. L’étiologie est inconnue, et aucun traitement n’est nécessaire (voir la figure 11.3).

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Données probantes

1. Allen CM, Blozis GG. Oral mucosal lesions. In : Cummings CW, Fredrickson JM, Harker LA, éds. Otolaryngology : head and neck surgery. 3e éd. Saint Louis : Mosby-Year Book ; 1998. p. 1527-45.

Langue chevelue

Langue géographiqueFibrome

Figure 11.3 Lésions buccales fréquentes.

Ce chapitre fournit une excellente revue en profondeur du diagnostic clinique et du traitement des lésions buccales.

2. Hairston BR, Bruce AJ, Rogers RS III. Viral diseases of the oral mucosa. Dermatol Clin 2000 ; 21 : 17-32.

Cet article représente une excellente revue des manifestations buccales des maladies virales.

3. Ingafou M, Leao JC, Porter SR, Scully C. Oral lichen planus : a retrospective study of 690 patients. Oral Dis 2006 ; 12 : 463-8. PMID : 16910916.

Les auteurs présentent une revue rétrospective de 690 patients consé-cutifs chez qui l’on a trouvé les signes cliniques et histopathologiques caractéristiques du LPB.

4. Letsinger JA, McCarthy MA, Jorizzo J. Complex aphthosis : a large case series with evaluation algorithm and therapeutic ladder from topicals to thalidomide. Am Acad Dermatol 2005 ; 52 : 500-8.

Les auteurs discutent de l’identification et du traitement de 54 patients avec un diagnostic d’aphtose complexe de 1995 à 2001.

5. Lynch DP. Oral viral infections. Clin Dermatol 2000 ; 18 : 619-28. PMID : 11134857.

Cet article passe en revue les infections virales avec manifestations buccales, montre des images et discute des traitements.

6. Miles DA, Howard MM. Diagnosis and management of oral lichen planus. Dermatol Clin 1996 ; 14 : 281-90. PMID : 8725584.

Les auteurs passent en revue le lichen plan buccal, en fournissant des descriptions détaillées des sous-types.

7. Scully C. Aphthous ulceration. N Engl J Med 2006 ; 2 : 165-72.L’auteur présente une revue de la pratique clinique en cas d’ulcérations

aphteuses avec une excellente discussion des diagnostics différentiels des lésions buccales et des différents traitements.

8. Sudbo S, Reith A. The evaluation of predictive oncology and molecular-based therapy for oral cancer prevention. Int J Cancer 2005 ; 115 : 339-45. PMID : 15688375.

L’article donne un bon aperçu des nouveaux traitements de la cancé-rogenèse débutante par des inhibiteurs de COX-2 et du récepteur du facteur de croissance épidermique.

9. Woo SB, Sonis ST. Recurrent aphthous ulcers : a review of dia-gnosis and treatment. J Am Dent Assoc 1996 ; 127 : 1202-13. PMID : 8803396.

Ce document présente une revue consacrée aux ulcères aphteux récur-rents, à leur diagnostic et à leur traitement.

Éviter les erreurs de traitement

Un examen attentif de la cavité buccale reste l’élément clé pour l’évaluation et le traitement des patients atteints de lésions buccales. On doit surveiller attentivement ces lésions afin de s’assurer que le diagnostic initial est cor-rect. Pour certaines de ces lésions, une transformation maligne est possible, ce qui impose un suivi régulier après que le diagnostic a été posé. La biopsie est égale-ment un outil utile pour le diagnostic et le suivi des lésions prémalignes.

Future directions

Les recherches se poursuivront dans le but d’établir l’étio-logie particulière des aphtes, du lichen plan buccal et d’autres lésions moins bien comprises, l’objectif ultime étant bien sûr le développement de thérapies plus spécifiques.

Ressources supplémentaires

Aragon S. Stomatitis. In : Bailey B, Calhoun K, Derkey CS, et al. Head and neck surgery : otolaryngology. Philadelphie : Lippincott Williams & Wilkins ; 2001.

Il s’agit d’une revue générale du diagnostic et du traitement de la pathologie orale.

Marx RE, Stern D. Oral and maxillofacial pathology : a rationale for diagnosis and treatment. Chicago : Quintessence Publishing ; 2002.

Ce texte, très complet, passe en revue les lésions buccales et fournit des informations détaillées sur le diagnostic et le traitement de chaque lésion, ainsi que des photos.