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LE MARCHÉ IMMOBILIER RÉSIDENTIEL EN EUROPEPar Nicolas Pécourt, Directeur Communication externe et RSE, Crédit Foncier.

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8.1 / PRÉAMBULE

À l’occasion de la conférence annuelle du Crédit Foncier, qui a réuni le 5 février 2015 plus de 800 participants,

une table ronde a été consacrée au thème de l’immobilier résidentiel en Europe. Cet article reprend les principaux enseignements de cette table ronde, en les complétant d’autres éléments issus, notamment, de l’étude du Crédit Foncier consacrée au mar-ché européen du crédit immobilier.Trois thèmes ont été abordés lors de cette conférence et seront repris par la suite : 1 – le rapport à la propriété dans les différents pays européens ;2 – les raisons des disparités de prix ;3 – le crédit immobilier.

Au préalable, il convient de souligner la difficulté d’agréger et de comparer certaines données nationales relatives au logement, tant les définitions de certains indicateurs comme les usages individuels peuvent varier d’un pays à un autre. Afin de don-ner une vue d’ensemble du marché immobilier résidentiel en Europe, une approche non détaillée peut parfois être nécessaire.

Cette table ronde réunissait Luca Bertalot (Secrétaire général de l’European Covered Bond Council), Thierry Dufour (Directeur Général délégué du Crédit Fon-cier), Wolfgang Kälberer (The Pfandbrief Bank Asso-ciations), Marc Ménagé (Directeur Général de RICS France) et Laurent Vimont (Président de Century 21).

8.2 / LE RAPPORT À LA PROPRIÉTÉ

Le rapport des ménages à la propriété immobilière varie d’une nation européenne à une autre. Le statut de pro-

priétaire peut lui-même différer ; ainsi, le bail emphytéotique peut être utilisé au Royaume-Uni en lieu et place de la notion de pleine propriété dans de nombreux pays européens.Les 28 pays de l’Union européenne comptent 507 millions d’habitants, répartis en 215 millions de ménages (1) (soit 2,4 individus par ménage). Six pays totalisent 70 % de la popu-lation européenne : l’Allemagne (16 % de la population euro-péenne), la France (13 %), le Royaume-Uni (13 %), l’Italie (12 %), l’Espagne (9 %) et la Pologne (7 %).

(1) C’est en Allemagne (2,0) qu’on compte le moins d’individus par ménage et en Slovaquie (3,0) le plus. De façon générale, les ménages d’Europe de l’Est comptent 2,6 individus par ménage, ceux d’Europe du Sud 2,4 et ceux d’Europe du Nord 2,2.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 90

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Figure 1. Population européenne 2014(Source : Les marchés européens du crédit immobilier 2014 – étude du Crédit Foncier.)

Allemagne

France

Royaume-Uni

Italie

Espagne

Pologne

22 autres pays

16%

13%

13%

12%

9%

7%

30%

La première information utile est celle de la comparaison entre la proportion de propriétaires et celle de locataires. Selon les données produites par Eurostat (sans tenir compte des autres statuts d’occupation des logements), on dénom-brait, en 2013, 70 % de propriétaires et 30 % de locataires à l’échelle européenne. On observe une légère différence de trois points, en faveur des locataires (33 %), lorsqu’on ne prend en compte que les pays de la zone euro.

Si l’on divise l’Europe en trois zones, le nombre moyen de propriétaires est égal à 87 % en Europe de l’Est (2), 71 % en Europe du Sud (3) et 60 % en Europe du Nord (4).Seuls deux pays sont en-dessous du seuil de 60 % de pro-priétaires : l’Allemagne (53 %) et l’Autriche (57 %). A priori étonnant, ce constat démontre l’absence totale de corréla-tion entre le nombre de propriétaires de leur logement et la richesse du pays. Une preuve éclatante en est apportée hors de l’Union européenne, par le cas de la Suisse qui, avec 44 % de propriétaires, est loin derrière l’Allemagne, dernière du classement.

(2) Europe de l’Est (11 pays ; 20 % de la population européenne) : Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie. (3) Europe du Sud (7 pays ; 39 % de la population) : Chypre, Espagne, France, Grèce, Italie, Malte et Portugal.(4) Europe du Nord (10 pays ; 41 % de la population) : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède.

Taux propriétaires 2013 (en %)

Taux locataires 2013 (en %)

Roumanie 95,6 4,4

Lituanie 92,2 7,8

Slovaquie 90,5 9,5

Hongrie 89,6 10,4

Croatie 88,5 11,5

Bulgarie 85,7 14,3

Pologne 83,8 16,2

Lettonie 81,2 18,8

Estonie 81,1 18,9

Malte 80,3 19,7

République tchèque 80,1 19,9

Espagne 77,7 22,3

Slovénie 76,6 23,4

Grèce 75,8 24,2

Portugal 74,2 25,8

Chypre 74,0 26,0

Finlande 73,6 26,4

Italie 73,0 27,0

Luxembourg 73,0 27,0

Belgique 72,3 27,7

Moyenne Union européenne 70,0 30,0

Irlande 69,9 30,1

Suède 69,6 30,4

Pays-Bas 67,1 32,9

Royaume-Uni 64,6 35,4

France 64,3 35,7

Danemark 63,0 37,0

Autriche 57,3 42,7

Allemagne 52,6 47,4

Tableau 1. Propriétaires vs locataires Une proportion de propriétaires allant de 53 % en Allemagne à 96 % en Roumanie.(Source : Eurostat.)

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La proportion très élevée de propriétaires en Europe de l’Est résulte de la vague de privatisations intervenue lors du passage à l’économie de marché de ces pays au début des années 1990. Les pouvoirs publics avaient, alors, rétabli la propriété privée d’immeubles nationalisés sous le pou-voir précédent, à des prix très intéressants, ce qui explique qu’en moyenne, près de neuf ménages sur dix (87 %) soient propriétaires en Europe de l’Est. La Roumanie détient le record de ménages propriétaires en Europe, avec une pro-portion égale à 96 % ; parmi tous les pays d’Europe cen-trale et orientale, seule la Slovénie affiche un pourcentage de propriétaires inférieur à 80 % bien que, près de 77 %, il soit encore largement au-dessus de la moyenne européenne. À noter, également, et cela sera abordé dans la troisième partie, que ces ménages, du fait des prix intéressants dont ils ont bénéficié, sont actuellement peu nombreux à rembourser un crédit immobilier.

En Europe du Sud, le taux élevé de propriétaires (71 %, en moyenne) tient davantage à des raisons culturelles.Dans ces pays, être propriétaire est synonyme de réus-site sociale et de sécurité. L’accession à la propriété est une étape importante de la vie d’un ménage. Même si la proportion de ménages propriétaires tend légère-ment à s’y amenuiser (de 80 % en 2007 à 78 % en 2013), l’Espagne affiche la part la plus élevée de propriétaires des cinq pays européens les plus peuplés. Toujours au sud du continent, en Grèce, la part de propriétaires est de 76 %, de 74 % au Portugal et de 73 % en Italie. Dans ces trois pays, en dépit de la crise, ces chiffres sont restés quasiment au même niveau entre 2007 et 2013, voire ont progressé en Italie.

Même s’il est admis que les Français sont très attachés à la pierre, qu’il s’agisse d’acquérir son logement ou d’investir, la France se trouve dans les profondeurs du classement, à la 25e position, uniquement devant le Danemark, l’Autriche et l’Alle-

magne. Bien qu’en progression régulière depuis 2007 (60,5 %), la proportion de propriétaires est aujourd’hui de 64,3 %.

C’est en Europe du Nord que l’on rencontre le moins de propriétaires (60 % en moyenne).Plus forte population européenne, les Allemands se répar-tissent presque équitablement entre locataires (47 % des ménages) et propriétaires (53 %). Plusieurs raisons l’ex-pliquent. Historiques, tout d’abord : après la guerre, les pouvoirs publics et des coopératives se sont engagés dans la reconstruction et restent, encore aujourd’hui, de grands propriétaires de logements. À cela s’ajoutent des raisons fis-cales et une réglementation favorable aux bailleurs privés. Enfin, la menace de l’inflation, préoccupation majeure des Allemands, ayant disparu, il n’est plus besoin de devenir propriétaire pour s’en protéger.

Deuxième pays de l’Europe du Nord, le Royaume-Uni affiche, lui, une proportion de propriétaires de 65 %, de 12 points supérieure à celle de l’Allemagne, même si le Royaume-Uni se positionne également en bas de classement. Depuis des décennies, les pouvoirs publics y mènent une politique favorable à l’accession immobilière en fluidifiant un marché caractérisé par des prix élevés ; récemment, le marché a été porté par différents programmes (5). Il s’agit, par ailleurs, d’un marché homogène, où l’essentiel du parc, hors Londres, est composé de séries de maisons dites « semi-detached houses », d’une superficie moyenne de 70 à 80 m2.

(5) Dont « Help to buy Plan » (abondement à partir d’un certain pourcentage d’apport), « Funding for Lending Programm » (garanties de prêts) et la réforme du droit de timbre (« Stamp Duty Plan »).

LA ROUMANIE DÉTIENT

LE RECORD DE MÉNAGES

PROPRIÉTAIRES EN

EUROPE, AVEC UNE PROPORTION

ÉGALE À 96 %.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 90

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Quels que soient les pays appréhendés, d’autres éléments sont à prendre en compte dans la compréhension du marché européen, notamment la fiscalité.Une récente étude réalisée pour la Fédération des Promoteurs Immobiliers de France (FPI) par le Cabinet Fidal s’est efforcée de déterminer le poids de la fiscalité grevant la construction et l’acquisition (8), puis la détention sur dix ans (9) d’un logement neuf pour un prix de vente unitaire de 200 000 euros TTC. Avec un taux global de fiscalité égal à 56 % du coût d’acquisi-tion, la France arrive très loin devant les autres pays. Suivent le Royaume-Uni (40 %), l’Allemagne (26 %), les Pays-Bas et la Belgique (20 %), l’Espagne (19 %) et l’Italie (18 %).

L’accession à la propriété repose également sur les condi-tions de crédit (son coût – la période est de ce point de vue particulièrement favorable –, sa durée et le niveau d’apport requis), des mesures incitatives des pouvoirs publics (déduc-tion des intérêts d’emprunt, par exemple aux Pays-Bas et au Danemark), et également sur les transferts intergénération-nels (donations et héritages).

Si « posséder un toit » n’est plus une protection contre une infla-tion devenue inexistante, la propriété immobilière conserve un rôle très protecteur en prévision de l’avenir, en particulier du passage à la retraite, avec la baisse de revenus qui s’en suit.

(8) TVA, droits d’enregistrement, taxes indirectes… (9) Taxe foncière, impôts et prélèvements sociaux.

8.3 / QUELQUES RAISONS DE DISPARITÉ DE PRIX

P remière remarque préalable, les pays de l’Union euro-péenne connaissent des évolutions de prix immobiliers

très différentes, qu’il s’agisse des mouvements observés les précédentes années, comme des prévisions pour les années à venir.

Au cours des trois dernières années (2012, 2013, 2014), les prix immobiliers (10) ont ainsi progressé de 15 % en Irlande et de 11 % en Allemagne, lorsqu’ils baissaient dans le même temps de 13 % en Italie et de 16 % en Espagne. Ces fortes disparités de prix sont soulignées tant par l’OCDE que par le FMI (site Global Housing Watch).

Deuxième remarque, la notion de prix immobilier n’a que peu de sens à l’échelon national. L’exemple de la France métropolitaine le démontre avec ses trois strates que sont l’Île-de-France, les grandes agglomérations régionales et enfin, le reste du pays. Entre Paris et le département de la Creuse, les différences de prix (11) sont de l’ordre de 1 à 10. Aussi, y compris s’agissant d’une observation européenne, l’échelon local semble le plus pertinent.

(10) Selon l’étude de Standard & Poor’s Ratings Services ; février 2015 ; S. Tahiri et JM Six ; les données publiées pour 2014 dans cette étude reposent sur des estimations.(11) Selon LPI « bilan de l’année 2014 » ; janvier 2015 ; prix moyen des appartements dans l’ancien : Paris (8 413 euros) ; département de la Creuse (825 euros).

Tableau 2. Parts de propriétaires vs locataires en Europe(Source : Eurostat, retraitement Crédit Foncier.)

Dénomination Part propriétairesDont propriétaires

accédants (6) Part locataires

Dont locatairessecteur privé (7)

Europe du Nord 60 % 36 % 40 % 29 %

Europe du Sud 71 % 26 % 29 % 16 %

Europe de l’Est 87 % 9 % 13 % 8 %

Total 70 % 28 % 30 % 19 %

(6) Les propriétaires accédants correspondent à la catégorie « Owner, with mortgage or loan » des données Eurostat.

(7) Les locataires du secteur privé correspondent à la catégorie « Tenant, rent at market price » des données Eurostat.

RÉSIDENTIEL 69

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L’Île-de-France représente 18 % de la population française (12) contre seulement 3 % pour Lyon et Marseille. Le grand Londres représente 19 % de la population du Royaume-Uni contre 4 % pour l’aire des Midlands de l’Ouest (13) ou celle de Manchester. Ces deux situations sont uniques en Europe occidentale. En Espagne, le poids de l’agglomération de Madrid (14 % de la population) est contrebalancé par celui de l’agglomération de Barcelone (10 %).Il en résulte, à Paris et à Londres, une très forte concen-tration qui fait augmenter les prix. L’Île-de-France (14) et la région métropolitaine de Londres affichent une densité supérieure à 1 000 habitants/km2 avec des maxima à Paris (21 400) et Londres (10 200) intra-muros. À l’inverse, les grandes capitales régionales françaises affichent des prix comparables à ceux des autres grandes agglomérations euro-péennes qui connaissent de moindres tensions immobilières.On peut une nouvelle fois souligner le non-sens de statis-tiques nationales : la France affiche tout à la fois la troi-sième densité nationale la plus faible d’Europe derrière la Finlande et la Suède (117 habitants/km2 contre 226 en Allemagne et 326 en Belgique, par exemple) et le record européen de densité à l’échelle d’une commune, avec Paris.

À cela, il faut naturellement ajouter la concentration des pouvoirs qui attirent les investissements et les ménages les plus aisés. Ces pouvoirs peuvent être industriels, finan-ciers, administratifs… À nouveau, Paris et Londres se dis-tinguent de leurs homologues européennes. Les données de l’investissement tertiaire l’illustrent également : au cours des quatre dernières années, l’Île-de-France a représenté (15) plus des trois quarts (77 %) de l’investissement tertiaire total en France.

(12) Les données de population de ce paragraphe sont issues d’Eurostat. (13) Son principal district métropolitain est Birmingham. (14) Rapport de la Cour des comptes « Le logement en Île-de-France » ; avril 2015. (15) Selon les données du Crédit Foncier Immobilier présentées le 5 février 2015.

Différents facteurs peuvent expliquer les disparités de prix, sans qu’on puisse établir pour autant de règle absolue. Parmi ceux-ci : la densité, la concentration des pouvoirs et le dynamisme économique.

Au-delà de la mesure de la densité en elle-même, ce qui paraît essentiel est la concentration d’une partie importante de la population nationale en un seul lieu. Alors que les premières agglomérations allemandes (la Ruhr avec 6 % de la population, Berlin 6 %, Hambourg 4 %…) et italiennes (Milan 7 %, Rome 7 %, Naples 6 %…) se répar-tissent de façon relativement homogène la population natio-nale, les agglomérations de Paris et Londres concentrent de façon beaucoup plus dense la population du pays, et surtout la plus active.

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Mais la concentration et la densité n’expliquent pas tout, y compris au sein d’un même ensemble. L’attractivité et le dynamisme économiques entrent alors en jeu et expliquent des évolutions de prix qui sont loin d’être les mêmes partout en Europe, loin s’en faut. Les prix immobiliers sont également liés à la prospérité et au dynamisme économique, donc à la création de richesse, ce qui explique que les prix à Londres, où la densité est inférieure de moitié à celle de Paris, soient deux à trois fois plus élevés. Les prix de l’immobilier anglais, portés par Londres et le Sud-Est, ont atteint en 2014 leur maximum historique enre-gistré par le National Office Statistics. Les prix varient également selon le mode d’habitat (16).Les Européens vivent en majorité dans des maisons isolées (17)

(16) Données Eurostat. (17) Detached houses.

(34 % de la population) ou jumelées (18) (24 %). A contrario, 41 % des ménages européens vivent en appartement.C’est en Irlande (95 %) et au Royaume-Uni (85 %) que la part des maisons dans le parc de logements est la plus importante.

À l’inverse, les Espagnols font le choix d’appartements pour les deux tiers (65 %) d’entre eux, en particulier dans des immeubles importants (près d’un ménage espagnol sur deux vit dans un immeuble qui compte au moins dix habitations).Le cas de l’Allemagne est plus singulier : si plus de la moitié de la population vit en appartement, il s’agit, pour les deux tiers de ces logements, d’appartements dans des immeubles de moins de dix habitations.

(18) Semi-detached houses.

0

20

40

60

80

100

Maison

Appartement dans immeuble de dix habitations ou plus

Appartement dans immeuble de moins de dix habitations

Autres

Irla

nde

Roy

aum

e-U

niCro

atie

Bel

giqu

ePa

ys-B

asC

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eSl

ovén

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ance

Luxem

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nde

Rou

man

ie

Suèd

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oyen

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Bul

garie

Port

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Dan

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riche

Slov

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Ital

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Mal

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Rép

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agne

Grè

ceLitu

anie

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onie

Let

toni

eEsp

agne

Figure 2. Répartition entre maisons et appartements (en %)(Source : données Eurostat.)

RÉSIDENTIEL 71

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8.4 / LE CRÉDIT IMMOBILIER

L e marché du crédit immobilier résidentiel (19) dans les vingt-huit pays de l’Union européenne représentait, fin

2014, près de 6 000 milliards d’euros d’encours (5 991 milliards d’euros). Les encours correspondent aux montants encore dus (capital et intérêts) par l’ensemble des emprunteurs. Ce montant global représente 88 % des encours de crédits des particuliers de l’Union européenne ; les 12 % restants étant constitués de crédits à la consommation. Ces 6 000 milliards d’euros d’encours représentent 11 820 euros par habitant de l’Union européenne et 40 320 euros par ménage propriétaire.

Les disparités observées en Europe quant aux pourcentages de propriétaires et aux prix immobiliers se retrouvent égale-ment dans le recours au crédit. L’encours par ménage propriétaire s’étale, ainsi, de 189 839 euros par habitant au Danemark à 1 472 euros en Roumanie. Les cinq premiers pays sont le Danemark (189 839 euros), le Luxembourg (154 164 euros), la Suède (81 191 euros), le Royaume-Uni (78 061 euros) et les Pays-Bas (77 722 euros).

C’est en Europe du Nord (20) que les ménages sont, en moyenne, les plus endettés au titre du crédit immobilier.L’Europe du Nord, qui n’abrite que 41 % de la population européenne, représente pourtant 63 % des encours de cré-dits immobiliers de tout le continent.

(19) Les données de cette troisième partie sont issues de l’étude du Crédit Foncier de mai 2015 réalisée avec le cabinet Asterès : « Les marchés européens du crédit immobilier résidentiel en 2014 ». (20) Définition identique : l’Europe du Nord comprend ici dix pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède).

Figure 3. Encours par ménage propriétaire (en €)(Source : Les marchés européens du crédit immobilier 2014 – étude du Crédit Foncier)

Danemark

Luxembourg

Suède

Royaume-Uni

Pays-Bas

Irlande

Chypre

France

Allemagne

Finlande

Espagne

Autriche

Belgique

Portugal

Malte

Grèce

Italie

Estonie

Slovaquie

République tchèque

Slovénie

Pologne

Lettonie

Croatie

Lituanie

Hongrie

Bulgarie

Roumanie

189 839

154 164

81 191

78 061

77 722

65 742

53 527

50 015

49 289

47 224

43 179

42 455

34 940

34 757

29 563

20 825

18 972

13 520

10 587

8 896

8 175

7 203

7 075

5 356

5 021

3 228

1 923

1 472

0 50 000 100 000 150 000 200 000

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L’encours moyen par ménage propriétaire y est de 65 542 euros, soit 63 % de plus que la moyenne européenne.Différents facteurs expliquent ce recours beaucoup plus important au crédit immobilier que dans le reste de l’Europe : des économies plus dynamiques entraînant une baisse du taux de chômage et un regain du marché immobilier dans certains pays ;

une proportion plus élevée de ménages propriétaires rem-boursant un crédit (cette proportion est deux fois plus éle-vée en Suède et aux Pays-Bas qu’elle ne l’est en France) ;

une proportion de crédits in fine qui peut être significative : l’emprunteur ne payant mensuellement que les intérêts du prêt et remboursant le capital à la dernière échéance, le niveau d’encours de crédit reste à un niveau élevé pendant toute la durée du contrat ;

des dispositifs de soutien gouvernementaux, en particulier aux Pays-Bas et au Danemark avec un mécanisme de déduction des intérêts des impôts ;

des traditions culturelles avec un recours au crédit plus important dans les pays d’Europe du Nord.

Les ménages sont globalement moins endettés dans le sud de l’Europe (21), ce groupe de pays étant par ailleurs le plus hétérogène des trois.

(21) Définition identique : l’Europe du Sud comprend ici sept pays (Chypre, Espagne, France, Grèce, Italie, Malte et Portugal).

On y recense 34 % des encours de crédits immobiliers pour 39 % de la population européenne. Le crédit immobilier y représente 87 % du total des encours de crédits souscrits par les ménages.L’encours moyen de crédits immobiliers par ménage pro-priétaire y est égal à 35 580 euros, soit 12 % de moins que la moyenne européenne.Différents facteurs expliquent ce recours inférieur à la moyenne européenne, tout particulièrement l’impact de la crise au cours des dernières années avec un effet direct sur le marché immobilier dans certains pays (Espagne et Grèce).

En Europe de l’Est (22), les ménages sont bien plus faible-ment endettés. L’Europe de l’Est représente seulement 3 % des encours de crédits immobiliers et 20 % de la population européenne. L’encours moyen de crédits immobiliers par ménage pro-priétaire y est égal à 5 540 euros, soit moins d’un septième de la moyenne européenne.Le recours à l’endettement est peu important : moins de 10 % des ménages, seulement, ont un prêt ou une hypothèque en cours.Autre caractéristique : la part du crédit immobilier dans l’endettement des ménages n’est que de 70 %, à comparer à une moyenne européenne égale à 88 %, le recours au crédit à la consommation y étant plus significatif, en proportion. Les prix de l’immobilier sont faibles. Dans l’immobilier neuf, l’écart du prix au mètre est de 1 à 3 entre, d’une part, la Hongrie, la République tchèque et la Pologne et, de l’autre, l’Europe occidentale (quand l’écart des prix à la consomma-tion est de 1 à 2).

(22) Définition identique : l’Europe de l’Est comprend ici onze pays (Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie).

C’EST EN EUROPE

DU NORD QUE LES

MÉNAGES SONT,

EN MOYENNE, LES PLUS ENDETTÉS

AU TITRE DU CRÉDIT IMMOBILIER.

RÉSIDENTIEL 73

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Depuis plusieurs années, le marché du crédit immobilier dans l’Union européenne progresse (+ 2,6 % en 2013 et + 2,0 % 2014, hors effets de change) dans son ensemble, mais avec des mouvements assez disparates (+ 3,4 % en 2014 en Europe du Nord, – 0,6 % en Europe du Sud et + 3,7 % en Europe de l’Est). Trois facteurs essentiels ont un impact direct sur l’évolution des encours de crédits : amélioration de la conjoncture (hausse du revenu des ménages, baisse du taux de chômage) ;

baisse des taux d’intérêt (qui stimule la demande de crédit et incite à s’endetter plus qu’à épargner) ;

hausse du volume de transactions immobilières. Cependant, l’influence de chacun de ces facteurs varie dans de très fortes proportions selon les pays. Alors que le prix de l’argent peut avoir un impact déterminant dans une région, il sera faible ailleurs où, par exemple, l’amélioration de la situation économique sera infiniment plus efficace.

En moyenne, en Europe, les encours de crédits immobiliers représentent : 67 % du revenu disponible brut des ménages, dont 77 % en Europe du Nord, 59 % en Europe du Sud et 28 % en Europe de l’Est ;

15 % du patrimoine non financier des ménages, dont 20 % en Europe du Nord, 11 % en Europe du Sud et 15 % en Europe de l’Est.

Enfin, il existe, en Europe, différentes modalités de tarifi-cation. Trois catégories de prêts peuvent en particulier être distinguées : les prêts dont le taux est variable, souvent indexé à un taux de référence du marché avec ou non des limites qui peuvent être préalablement définies ; en Europe du Sud, la structure de taux variable est répandue pour des raisons à la fois historiques et financières (structure traditionnelle de refinancement) ;

les prêts organisés en périodes successives de taux fixe (le taux sera revu lors de chaque passage d’une période à une autre) ;

les prêts dont le taux demeure identique tout au long du contrat ; avec plus de neuf financements immobiliers sur dix dont le taux fixe reste le même du début à la fin du contrat (sauf, bien entendu, renégociation de taux à la baisse à l’initiative de l’emprunteur), la France est une exception en Europe.

De façon générale, la proportion de taux fixes tend à aug-menter dans l’ensemble de l’Europe pour diverses raisons. D’une part, la crise des subprimes a montré les limites des prêts à taux variable, qui peuvent provoquer des impayés en quantité importante lorsque les taux remontent et aug-mentent le montant de la mensualité due par l’emprunteur. D’autre part, il est beaucoup plus intéressant, pour un client, de souscrire un taux fixe lorsque les taux sont très faibles, comme c’est le cas depuis plusieurs années. Par ailleurs, en période d’instabilité économique, les taux fixes apportent une bien meilleure sécurité.

8.5 / CONCLUSION

En conclusion, ces différents éléments illustrent la grande diversité qui caractérise le marché immobilier

résidentiel en Europe. Un marché du logement qui, en vertu du principe de subsidiarité, n’est pas du ressort de l’Union européenne mais de chaque État membre. Pour autant, qu’il s’agisse de l’accès à la propriété, des moyens de le financer, ou encore des modes d’habitation et de confort, les aspira-tions de nombreux Européens convergent et dépassent les frontières nationales.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 90

LE MARCHÉ IMMOBILIER RÉSIDENTIEL EN EUROPE74