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Le marché des engrais minéraux : état des lieux, perspectives et

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L’exceptionnelle augmentation des prix des engrais minéraux au cours des dernières années, en particulieren 2008, a mis en évidence la forte exposition économique des agriculteurs au prix de ces intrants, surtouten période de prix agricoles bas. Une étude1 commanditée par le Centre d’études et de prospective a permisd’analyser le marché mondial des engrais, de mettre en évidence les tendances et facteurs de changement,et d’identifier les répercussions sur le marché national et l’agriculture française. Malgré de faibles investis-sements au cours des vingt dernières années, ce secteur connaît un déplacement de la demande vers lespays émergents et de l’offre vers les pays disposant des matières premières nécessaires (gaz naturel, phos-phate naturel et sel de potassium). Le poids de la France sur les marchés mondiaux, en tant qu’acheteurcomme en tant que producteur, diminue de manière tendancielle tandis que les exigences environnemen-tales et la réduction des risques industriels se font de plus en plus fortes. Le rapport se conclut par des pro-positions d’actions dans le secteur des engrais en cohérence avec les objectifs agro-environnementaux.

a forte hausse du prix desengrais minéraux en 2007 et2008 et sa répercussion sur les

coûts de production ont montré l’expo-sition économique de l’agriculture auxprix de ces intrants. Le lien étroit entreces prix et celui du pétrole est souventconsidéré comme la cause principalede cette flambée. L’analyse du marchémondial des engrais minéraux, avec ladescription de leur organisation et desdéterminants de leur évolution, permetde replacer cette hausse des prix et sesrépercussions en France dans uncontexte plus général de tensions entrel’offre et la demande en engrais.

Cette note synthétise les principauxrésultats d’une étude sur le marché desengrais commanditée par le Centred’études et de prospective du ministèrede l’Alimentation, de l’Agriculture et dela Pêche, confiée au cabinet GCL Déve-loppement durable. Le marché mondialdes principales matières fertilisantesou intermédiaires est d’abord présentépuis les acteurs de ces marchés et leurévolution sont décrits. La troisième par-tie analyse les enjeux environnemen-taux du secteur des engrais minéraux,sources d’incertitudes mais aussimoteurs d’évolutions technologiques.La quatrième partie aborde la questiondes déterminants conjoncturels et

structurels de la hausse des prix de2007 et 2008. Des orientations straté-giques et des pistes d’action proposéesdans l’étude, aux niveaux français eteuropéen, concluent cette analyse.

1 - Le marché des engrais etmatières premières

La France est le 7e consommateurd’engrais minéraux dans le monde2

avec environ 3,5 millions de tonnesd’éléments fertilisants consommés cha-que année, représentant environ 2 %du marché mondial. En 1980, elle étaitle quatrième pays consommateur etreprésentait 5 % du marché mondialavec un volume alors supérieur à 2006.Le prix des engrais payé par les agri-culteurs français connaît des évolutionscorrélées mais amorties par rapportaux prix mondiaux (voir graphique 1,où l’indice de prix à la production (IPP)des engrais simples est considérécomme une bonne approximation duprix des engrais azotés).

L’agriculture française ne dépend pasuniquement de la fertilisation minérale,puisque celle-ci ne représente que 45 %de la fertilisation totale contre 55 % pourles fertilisants organiques. Par ailleurs,les dépendances à chaque élément ferti-lisant sont hétérogènes. L’élément azoteest nécessaire au maintien des rende-

ments, alors que pour les élémentsphosphate et potassium, les apportspeuvent être réduits sur plusieursannées sans trop affecter les cultures.C’est ainsi que la consommation desunités fertilisantes minérales phospha-tées et potassiques a baissé de 60 % parrapport au début des années 1990, alorsque le volume de la production végé-tale s’est accru de 11 %. Néanmoins, lafertilisation minérale, en particulierazotée, reste un facteur substantiel decompétitivité de l’agriculture française,notamment en grandes cultures.

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Le marché des engrais minéraux :état des lieux, perspectives et pistes d’action

Analyse CENTRE D’ÉTUDESET DE PROSPECTIVE—n° 15 - Avril 2010

LES PUBLICATIONS DU SERVICE DE LA STATISTIQUE ET DE LA PROSPECTIVE – CENTRE D’ÉTUDES ET DE PROSPECTIVE

1. http://agriculture.gouv.fr/sections/publications/etu-des/etat-perspectives-enjeux/view2. D’après l’International Fertilizer Industry Asso-ciation (IFA), 2006, World Statistics by Country.

Graphique 1 - Prix mondiaux et françaispour les engrais azotés

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2009200820072006200520042003200220012000Prix Mondial IPP Engrais simple

Évolution du prix des engrais azotés, base 100Prix France : IPP engrais simples/Prix mondial : urée

Sources : Insee/British sulphur

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2 ■ CENTRE D’ÉTUDES ET DE PROSPECTIVE Analyse N° 15 - Avril 2010

La France dispose encore d’une indus-trie de production d’engrais importante,comme le souligne l’étude. La part desengrais non importés représente 44 %du marché français d’après l’Union desindustries de la fertilisation (UNIFA).Mais ces industries doivent importer laquasi-totalité des matières premièresnécessaires. Le développement d’uni-tés industrielles de production dans lespays disposant des matières premièresde base et de plus faibles coûts de main-d’œuvre a pour conséquence l’augmen-tation des importations en provenancedes pays tiers.

Le gaz, le phosphate naturel et le selde potassium représentent en effet lestrois ressources de base pour la produc-tion des trois éléments fertilisants prin-cipaux : l’azote (N), le phosphate (P) etle potassium (K). De manière générale,la rareté et la distribution inégale desressources caractérisent ces matièrespremières. L’étude rappelle que le pro-blème des ressources naturelles ne sepose pas seulement en termes de dis-ponibilité mais également en termes deconditions économiques d’exploitation.Ainsi, la localisation des nouveaux gise-ments, leur qualité variable et de nou-velles exigences environnementales ontconsidérablement augmenté le coût derevient des engrais, ce qui rend incer-tains de nombreux projets d’investisse-ments à moyen terme. En conséquence,seuls des investissements d’État ou àcourt terme sont aujourd’hui réalisés(phosphate Ma’aden saoudien, Afriquedu Nord). L’auteur de l’étude souligneque les réglementations environnemen-tales qui se mettent en place dans lespays développés (quotas d’émissions deCO2 principalement) rendent très diffi-cile la réalisation de nouveaux investis-sements sur les sites de production.

La Russie, l’Iran et le Qatar se parta-gent plus de 53 % des ressources prou-vées de gaz naturel, la Chine et leMaroc détiennent 69 % des ressourcesmondiales de phosphate naturel, tan-dis que plus de la moitié des réservesde potassium se trouvent au Canada.On observe donc une distribution iné-gale des ressources dans le cas du gaznaturel et un fort degré de concentra-tion des ressources pour le phosphateet le potassium. L’instabilité de certainsde ces pays producteurs de matièrespremières et des facteurs d’ordre géo-politique vient encore accroître lesincertitudes ou les tensions en matièred’approvisionnement. Afin d’assurer

un prix compétitif et d’optimiser lachaîne de fabrication, la productiond’engrais minéraux s’oriente vers unedélocalisation à destination des pays-ressources. L’influence des pays déte-nant les matières premières devraitainsi se renforcer à l’avenir.

YARA (société norvégienne ancienne-ment liée au groupe énergétique NorskHydro), GPN (filiale du groupe Total,anciennement Grande Paroisse) et legroupe familial Roullier sont les princi-paux industriels sur le marché françaisdes engrais. En outre, les nouvelles sour-ces d’engrais organiques font apparaîtrede nouveaux acteurs, extérieurs aumonde agricole. Ces acteurs sont issusdes métiers de l’environnement (traite-ment des déchets et des eaux). Les dis-tributeurs, essentiellement des structurescoopératives, ont fortement investi dansdes outils de mélange leur permettantde fabriquer leurs propres engraiscomposés. D’après l’étude, ce procédéindustriel devrait continuer à se renfor-cer compte tenu de la délocalisation desunités industrielles dans les pays dispo-sant des matières premières de base. Cedéveloppement des unités d’engrais demélange (principalement sous formed’unités de granulation) conforte l’in-fluence grandissante des traders-négo-ciants en tant qu’intermédiaires.

Le prix des matières premières consti-tue une part prédominante du coût deproduction des engrais. Pour l’azote parexemple, le gaz naturel représente 80 %du coût de fabrication de l’ammonia-que, produit intermédiaire dans l’ob-tention d’engrais. L’étude souligne quel’accès direct aux gisements est doncun facteur majeur de compétitivité, cequi désavantage fortement les indus-triels français au profit d’acteurs privésou publics dans des pays disposantd’importantes ressources naturelles. Cefacteur contribue à la baisse tendan-cielle des parts de marchés des indus-tries françaises. De plus, les risquesindustriels liés à ce type d’industrielourde (accident de l’usine AZF parexemple) seraient un vecteur supplé-mentaire d’incertitude pour le secteur.

Malgré ce contexte défavorable, et encomparaison avec d’autres pays euro-péens, la présence encore importanted’acteurs industriels sur le sol françaispeut être considérée comme un atoutpour l’agriculture. L’étude conduit eneffet à penser que l’industrie desengrais peut assurer un service deproximité et un rôle de modérateur des

prix (graphique 1). Elle conclut qu’unedisparition progressive du parc indus-triel français pourrait induire une plusgrande exposition aux fluctuations desprix mondiaux.

2 - Les acteurs et marchésaujourd’hui et demain

L’évolution du marché des engrais estmarquée par une augmentation de laconsommation globale, tendance quidevrait perdurer d’après la FAO. Audébut des années 1980, les États-Uniset l’ex-Union soviétique étaient les deuxpremiers consommateurs mondiaux deproduits fertilisants. Aujourd’hui, laChine (30 % du marché mondial) etl’Inde (13 %) sont les principaux consom-mateurs mondiaux d’engrais minéraux.

La Chine et l’Inde ont une politiquefondamentalement orientée vers lasatisfaction de leur consommationinterne. C’est la raison pour laquelle cesdeux grands consommateurs ne sedémarquent pas comme exportateursau niveau mondial, en dépit de leurcapacité de production élevée. Trinidadet Tobago, et la Russie, sont les princi-paux exportateurs de produits azotéstandis que les États-Unis sont les prin-cipaux importateurs. Concernant l’élé-ment phosphate, le Maroc est le leaderincontesté des échanges internationaux.

En plus de ces acteurs, ce seront lespays producteurs fortement exporta-teurs qui pèseront sur le marché desengrais demain. Il s’agit de l’Afriquedu Nord (Maroc), du Moyen-Orient, deTrinidad et Tobago pour l’azote et lephosphate, du Canada, de la Russie etde la Biélorussie pour le potassium.

L’étude souligne que malgré leurbaisse attendue de consommation,l’Europe et les États-Unis devraientaccentuer leurs importations nettes. Àl’inverse, l’Amérique du Sud devraitdiminuer son profil d’importateur grâceau développement de plusieurs projetsindustriels et miniers.

Le marché de l’azote reste relative-ment peu concentré et dominé par lesacteurs privés. Il s’agit d’un marchéfortement libéralisé, essentiellementbasé sur des contrats spots et, parconséquent, plus exposé à la volatilitédes prix. Les échanges de produits depremière transformation concernenten particulier l’urée (graphique 2) etdans une moindre mesure l’ammonia-que. On observe deux types d’acteurssur ce marché : de grandes entreprisesinternationales, le plus souvent privées,

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telles que YARA, Transammonia ouPotashCorp, et de nouveaux acteurs, leplus souvent publics ou para-publics, issusdes pays producteurs de gaz naturel.

Le marché du phosphate naturel estplus concentré et composé principale-ment d’acteurs étatiques : OCP (Maroc),GCT (Tunisie) et Ferphos (Algérie),Gecopham (Syrie). À l’avenir, lesacteurs majeurs de ce marché devraientêtre l’Arabie Saoudite et l’Égypte. Lemarché de la potasse connaît quant àlui une situation oligopolistique.PotashCorp (Canada), Belaruskali(Biélorussie) et Mosaic (Canada, États-Unis) sont les principaux acteurs indus-triels. Historiquement, les contrats surles éléments phosphate et potassiumsont annuels ou semi-annuels. L’étudeindique que ces deux marchés sontdonc plus stables et beaucoup moinsouverts que le marché de l’azote.

De manière générale, le transfert dela valeur ajoutée des industries dedeuxième transformation vers les indus-tries de première transformation estconsidéré comme une tendance lourde.Sans innovation et volonté de dévelop-pement, l’étude conduit à penser queles industriels français, qui ne maîtri-sent pas la matière première, pourraientse trouver isolés avec une compétitivitéaffaiblie à moyen terme, voire évoluervers de simples activités de logistique.

L’agriculture est considérée comme unsecteur stratégique dans de nombreuxpays, et l’on observe en conséquencedeux grands types d’interventions publi-ques en matière d’engrais : d’une partun soutien de la demande par des sub-ventions aux agriculteurs, d’autre part

un renforcement de l’offre par le sou-tien aux industries nationales de pro-duction d’engrais. La forte implicationde l’État dans le développement descapacités de production a ainsi permisà la Chine de devenir le premier produc-teur mondial de produits azotés et phos-phatés. L’Inde subventionne égalementtrès fortement le prix des engrais surson marché intérieur. Lors de la crisealimentaire de 2008, de nombreux pays(la Chine notamment) ont mis en placedes taxes prohibitives à l’exportationd’engrais pour favoriser la satisfactionde la demande interne. Cela a privé lemarché mondial de quantités considé-rables d’engrais et provoqué une aug-mentation sensible des prix. La Chinerestera un acteur majeur au niveau desmatières premières minérales et éner-gétiques, en particulier parce qu’elle estautosuffisante pour les engrais azotéset phosphatés (contrairement à l’Europe),et qu’elle dispose d’importantes réser-ves de charbon qui sont utilisées enremplacement du gaz naturel pour laproduction d’azote.

3 - Les enjeux environnementaux,sources d’incertitudes etd’évolutions technologiques

L’impact environnemental de la fer-tilisation est significatif, ce qui entraînedes interventions publiques autour detrois enjeux principaux : la pollutiondes nappes phréatiques et des eaux desurface, la pollution de l’air et les émis-sions de gaz à effet de serre (principa-lement de N2O lors de l’épandage).L’élément azote constitue la principalesource de ces impacts.

Les émissions de gaz à effet de serre(GES) du secteur agricole représententenviron 20 % des émissions totales enFrance. Près de la moitié de ces émis-sions est due à l’utilisation des engrais,auxquelles il faut ajouter les GES émislors de leur production. Au total, onestime que l’azote représente environle tiers du bilan énergétique et des émis-sions de GES de la ferme France3.L’enjeu en termes d’émissions est doncconsidérable. À l’échelle mondiale, selonl’IFA, l’industrie des engrais contribuepour 2,5 % des émissions globales deGES. La mise en place de politiques delutte contre le changement climatiqueest actuellement le principal facteur qui,à moyen et court termes, pourrait impo-ser des contraintes significatives au mar-ché des engrais minéraux.

À partir de 2013, les industriels del’azote européens et donc français (GPN,YARA) seront soumis au système dumarché européen des quotas carbonepour la production d’ammoniaque etd’acide nitrique. Cette situation pour-rait induire des hausses de prix et dimi-nuer la compétitivité économique decertains acteurs. La mise en place d’unecontribution carbone aux frontières del’Europe pourrait en partie compensercette contrainte vis-à-vis des pays tiers.En revanche, l’introduction d’une éven-tuelle taxe carbone n’affecterait pasdirectement les producteurs industrielset n’aurait qu’un impact marginal surles agriculteurs via la consommationd’énergie fossile lors du transport et del’épandage. D’autres réglementationsauront probablement une influencecroissante sur la réduction des quanti-tés utilisées, comme la Directive Nitrate(1991) qui impose des seuils maximad’azote à épandre.

Des gains significatifs de productivitésont attendus avec l’amélioration crois-sante des processus industriels entraî-née par le renforcement des politiquesenvironnementales. Selon l’IFA, desinvestissements industriels pour utiliserles technologies les plus propres ainsiqu’une meilleure gestion environnemen-tale permettraient de réduire d’environ25 % les émissions de GES liées à la pro-duction. L’industrie des engrais devantêtre soumise au système communautaired’échange de quotas d’émissions (SCEQE),sur une partie de sa production à par-tir de 2013, de tels investissements

3. Prospective Agriculture Énergie 2030 pilotée par leCentre d’études et de prospective du MAAP.

Graphique 2 - Intensité des principaux flux d’urée en 2008(les pays importateurs net sont en vert foncé et les pays exportateurs net en vert clair)

Source : International Fertilizer Industry Association (IFA) - Cartographie par GCL

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pourraient alors se réaliser rapidement.En effet, l’extension du marché des cré-dits carbone au secteur devrait consti-tuer une forte incitation pour investirdans ces technologies propres.

La hausse des prix de l’énergie et desmatières premières, et le renforcementdes politiques environnementales,devraient favoriser le développementde nouveaux produits. L’étude citenotamment les matières actives facili-tant l’assimilation par les plantes, lesengrais à effet retard (permettant d’al-longer la durée de fertilisation) ou lesinhibiteurs d’uréase qui ont pour objec-tif de diminuer les pertes d’azote.L’étude suggère que l’action publiquepourrait aider à transformer ces nou-velles exigences environnementales enopportunités de marché.

4 - Une hausse des prixtendancielle

La hausse exceptionnelle des prix desengrais entre 2007 et 2009, puis lachute brutale provoquée par la crise éco-nomique, mettent en évidence la fortevolatilité que connaît désormais ce sec-teur. Cette hausse exceptionnelle estdue à des facteurs structurels combinésà divers facteurs conjoncturels.

La croissance économique des paysémergents, qui a provoqué une haussenaturelle de la demande interne, est unfacteur structurel de hausse du prixdes engrais. Elle a en effet pu provo-quer des tensions sur le marché etmême une quasi-crise de l’offre. Enoutre, la transformation structurelle del’industrie des engrais a été marquéepar de faibles investissements au coursdes vingt dernières années, qui concou-rent également à une faiblesse struc-turelle de l’offre d’après l’étude.

Les facteurs mineurs et plus conjonc-turels expliquant l’épisode récent d’en-volée des prix sont notamment laspéculation sur le prix des matières pre-mières, la fermeture de plusieurs usi-nes suite à des catastrophes naturelles(ouragans aux États-Unis, tremblementde terre en Chine, inondations de minesde sel de potasse), le développementdes énergies alternatives (biocarbu-rants) consommatrices de produits agri-coles, le retard pris par certains projetsou investissements et enfin la mise enplace de politiques publiques défensi-ves (taxes, subventions).

Au-delà des différences entre les mar-chés de chaque élément fertilisant, ilsemble que l’augmentation tendan-

cielle du prix des engrais doive se pour-suivre à moyen terme principalementà cause d’une demande croissante d’en-grais minéraux insuffisamment suiviepar des investissements dans de nou-velles capacités de production.

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La période de transition que traverseactuellement l’industrie des engrais estsource de fortes incertitudes, avec desrépercussions possibles sur le prix desintrants pour l’agriculture française. Ledéplacement de la demande mondiale,la valorisation des pays et acteursindustriels disposant de ressourcesnaturelles ainsi que le renforcementde politiques environnementales pour-raient aboutir à une disparition progres-sive de l’industrie des engrais françaiseau profit de plates-formes logistiques.L’étude présentée ici précise que cettedisparition pourrait engendrer uneexposition plus importante aux fluctua-tions des prix mondiaux.

Dans ce contexte, la France possèdecependant des atouts sur lesquels l’ac-tion publique pourrait s’appuyer : unebonne maîtrise des techniques cultu-rales et une recherche agronomique dehaut niveau, d’importantes sourcesorganiques (animales, industrielles eturbaines) encore largement sous-exploitées, une industrie des engraisqui semble remplir un rôle de modéra-teur des prix et qui est à l’origine d’in-novations industrielles.

La fertilisation est un élément majeurde productivité de l’agriculture moder-ne et le restera à moyen terme. Dans lecadre du Grenelle de l’environnement,l’État s’est fixé comme objectif le déve-loppement d’une agriculture à hautevaleur environnementale. Le ministèrede l’Alimentation, de l’Agriculture et dela Pêche a mis en place le plan de per-formance énergétique des exploitations(PPE) et le plan de réduction des pro-duits phytosanitaires (Ecophyto 2018).D’après l’étude, ces dispositifs pour-raient être utilement complétés par unestratégie et des actions ciblées sur lafertilisation, complémentaires des planset programmes existants.

Une telle stratégie devrait prendre encompte à la fois les enjeux de l’offre etde la demande en produits fertilisants.Assurer la sécurité et la qualité de l’ap-provisionnement constitue en effet unenjeu majeur d’après l’étude. Cela pour-

rait passer par le maintien de grandsgroupes industriels sur le territoirenational ou européen, ainsi que par lerenforcement de grandes coopérativesd’approvisionnement, faisant jouer laconcurrence sur le marché mondial etpassant des contrats à moyen termeavec les producteurs d’engrais. Laréduction des impacts environnemen-taux liés à la fertilisation devrait éga-lement être recherchée, en mobilisantdes leviers agronomiques ainsi quetechnologiques.

Les pistes d’action citées par l’étudepourraient ainsi être développées autourde trois grands axes : une meilleure opti-misation de la consommation d’engrais,le développement de fertilisants alterna-tifs et des actions en faveur de l’innova-tion industrielle dans le secteur desfertilisants minéraux. Un mécanisme detype bonus-malus carbone intégrant l’en-semble des produits fertilisants miné-raux et organiques pourrait êtreconsidéré. Pour favoriser l’émergence etl’utilisation de produits fertilisants alter-natifs, il conviendrait d’encourager desprojets industriels de retraitement dessous-produits issus de la méthanisationou l’utilisation des nouvelles sourcesd’engrais organiques issues des déchetsurbains. Ces projets, nécessitant au préa-lable une évaluation économique et envi-ronnementale exhaustive, devraient êtreconçus en cohérence avec la réglemen-tation existante (REACH notamment).Une réflexion pourrait également êtremenée au sujet de la répartition optimaleentre capacités de production industriellesur le territoire français et unités demélange ou de formulation à partir d’en-grais minéraux simples importés.

Pierre CazeneuveDirecteur de GCL

Développement durableThuriane Mahé et Julien Vert

Centre d’études et de prospective

Ministère de l’Alimentation, de l’Agricultureet de la PêcheSecrétariat GénéralService de la statistique et de la prospectiveCentre d’études et de prospective12 rue Henri Rol-TanguyTSA 7000793555 MONTREUIL SOUS BOIS CedexTél. : 01 49 55 85 05Sites Internet : www.agreste.agriculture.gouv.fr

www.agriculture.gouv.fr

Directrice de la publication : Fabienne RosenwaldRédacteur en chef : Bruno HéraultComposition : SSP BeauvaisDépôt légal : À parution © 2010