8
Y 22 Le Musée Eskimo à ChurchilL Canada Jeannine Veisse Sur la côte ouest de la baie d'Hudson, dans la province du Manitoba, au Canada, Churchill, sur la rivière du même nom, était déjà connu des explora- teurs européens dès le début du XVII~ siècle (fig. 1 8). Longtemps simple comp- toir, se faisait la traite des fourrures, et poste militaire, l'agglomération commença de connáìtre un véritable développement dans les années trente, avec l'ouverture de la ligne de chemin de fer et la construction de silos à grains, qui firent d'elle non seulement le centre de ravitaillement d'une immense région glacée, mais encore l'un des ports d'embarquement des blés du Mani- toba vers l'Europe. Puis vint la seconde guerre mondiale suivie des craintes ' suscitées par la guerre froide, qui amenèrent les Blancs, toujours plus nom- breux, à se diriger vers l'Arctique, ils apportaient leur mode de vie et les techniques les plus avancées. A Churchill se trouve le Musée Eskimo. Sa gestation et sa création sont étroitement liées à l'essor économique de cette bourgade qui compte moins d'un millier d'habitants permanents, mais, déjà, il appartient à l'histoire de la côte ouest de la baie d'Hudson. Genèse d'un musée 1. La thkorie du peuplement de l'Arctique américain par des Indiens venus du Sud est abandonnée. Des fouilles ont r6vi.E qu'au Canada et au Groenland, il y eut deux importantes vagues migratoires venues de l'Ouest. Les Esquimaux de la culture de Dorset s'installèrent au Canada central vers 2500 av. J.-C. avant de gagner le Groenland. Vers l'an 1000 ils furent submergés par les Esquimaux de la culture de Thult-. Seuls les habitants de la région d'Angmagssalik, sur la côte est du Groenldnd, ont conservé jusqu'i nos jours des traits de la culture de Dorset. 2. Lors du sejour de l'auteur au MuGe Eskimo, le frère Jacques Volant, son conservateur, a Et6 ses cinquante ans de présence dans l'Arctique canadien. En lui dédiant ce texte, l'auteur a souhaité lui rendre hommage. ' Arrivés il y a plus de cinquante ans, les pères oblats ont fondé au Labrador, sur la côte ouest de la baie d'Hudson et sur l'île de Baffin, la plus vaste mission existant au monde. Ils ont partagé l'existence des Esquimaux, descendants directs de ceux de la culture de Thulé1. Ils ont parlé leur langue, utilisé les objets domestiques de leur vie traditionnelle. Dès les premières années de présence dans l'Arctique, les religieux acceptè- rent les pièces préhistoriques apportées par les Inuit. Le RP Bazin entreprit des fouilles sporadiques. O n eut l'idée d'un petit musée dont la charge fut confiée au frère Volant en 1948*. Dans le grenier de la Mission de Churchill, il commença à présenter figurines et objets esquimaux aux visiteurs de passage. Officiels du gouvernement canadien, Américains séjournant dans cette région, chercheurs de toutes disciplines, écrivains, journalistes, équipages de navires en rade ou au port, firent un pèlerinage sous les combles, puis, après une pre- mière amélioration, dans une petite salle attenant à la chapelle. Ces temps héroïques durèrent presque vingt ans durant lesquels les pères eurent le loisir de rassembler livres et publications sur les régions polaires et de rêver à un musée selon leur cœur. Ils s'improvisèrent aussi mécènes. Avant que les innovations apportées par les Blancs ne bouleversent leur vie quotidienne, la Mission de Churchill commanda aux Esquimaux de Repulse Bay et de Pelly Bay une série de défenses de morse sculptées, témoignage

Le Musée Eskimo à Churchill, Canada

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le Musée Eskimo à Churchill, Canada

Y

22

Le Musée Eskimo à ChurchilL Canada

Jeannine Veisse

Sur la côte ouest de la baie d'Hudson, dans la province du Manitoba, au Canada, Churchill, sur la rivière du même nom, était déjà connu des explora- teurs européens dès le début du X V I I ~ siècle (fig. 1 8). Longtemps simple comp- toir, où se faisait la traite des fourrures, et poste militaire, l'agglomération commença de connáìtre un véritable développement dans les années trente, avec l'ouverture de la ligne de chemin de fer et la construction de silos à grains, qui firent d'elle non seulement le centre de ravitaillement d'une immense région glacée, mais encore l'un des ports d'embarquement des blés du Mani- toba vers l'Europe. Puis vint la seconde guerre mondiale suivie des craintes

' suscitées par la guerre froide, qui amenèrent les Blancs, toujours plus nom- breux, à se diriger vers l'Arctique, où ils apportaient leur mode de vie et les techniques les plus avancées.

A Churchill se trouve le Musée Eskimo. Sa gestation et sa création sont étroitement liées à l'essor économique de cette bourgade qui compte moins d'un millier d'habitants permanents, mais, déjà, il appartient à l'histoire de la côte ouest de la baie d'Hudson.

Genèse d'un musée

1. La thkorie du peuplement de l'Arctique américain par des Indiens venus du Sud est abandonnée. Des fouilles ont r6vi.E qu'au Canada et au Groenland, il y eut deux importantes vagues migratoires venues de l'Ouest. Les Esquimaux de la culture de Dorset s'installèrent au Canada central vers 2500 av. J.-C. avant de gagner le Groenland. Vers l'an 1000 ils furent submergés par les Esquimaux de la culture de Thult-. Seuls les habitants de la région d'Angmagssalik, sur la côte est du Groenldnd, ont conservé jusqu'i nos jours des traits de la culture de Dorset.

2. Lors du sejour de l'auteur au MuGe Eskimo, le frère Jacques Volant, son conservateur, a Et6 ses cinquante ans de présence dans l'Arctique canadien. En lui dédiant ce texte, l'auteur a souhaité lui rendre hommage.

'

Arrivés il y a plus de cinquante ans, les pères oblats ont fondé au Labrador, sur la côte ouest de la baie d'Hudson et sur l'île de Baffin, la plus vaste mission existant au monde. Ils ont partagé l'existence des Esquimaux, descendants directs de ceux de la culture de Thulé1. Ils ont parlé leur langue, utilisé les objets domestiques de leur vie traditionnelle.

Dès les premières années de présence dans l'Arctique, les religieux acceptè- rent les pièces préhistoriques apportées par les Inuit. Le RP Bazin entreprit des fouilles sporadiques. O n eut l'idée d'un petit musée dont la charge fut confiée au frère Volant en 1948*. Dans le grenier de la Mission de Churchill, il commença à présenter figurines et objets esquimaux aux visiteurs de passage. Officiels du gouvernement canadien, Américains séjournant dans cette région, chercheurs de toutes disciplines, écrivains, journalistes, équipages de navires en rade ou au port, firent un pèlerinage sous les combles, puis, après une pre- mière amélioration, dans une petite salle attenant à la chapelle. Ces temps héroïques durèrent presque vingt ans durant lesquels les pères eurent le loisir de rassembler livres et publications sur les régions polaires et de rêver à un musée selon leur cœur. Ils s'improvisèrent aussi mécènes.

Avant que les innovations apportées par les Blancs ne bouleversent leur vie quotidienne, la Mission de Churchill commanda aux Esquimaux de Repulse Bay et de Pelly Bay une série de défenses de morse sculptées, témoignage

Page 2: Le Musée Eskimo à Churchill, Canada

Le Musée Eskimo à Churchill, Canada 23

émouvant de conditions d'existence en voie de disparition3. Annonçant la sculpture esquimaude de stéatite, ces œuvres charnières allaient également constituer les pièces maîtresses du nouveau musée.

Petit par la taille, grand par la richesse

Un abri nouveau spécialement conçu pour préserver les collections et docu- ments s'imposait. La Mission de Churchill fournit matériaux et main-d'œuvre ; l'ouvrage fut terminé en mai 1964. Une promenade sur (r les Roches )), face à la mer, permet d'apprécier la solidité du bâtiment au toit d'une portée exceptionnellement large. Un canon en provenance du fort Prince- de- Galles * et un iwkshuk5 précèdent une façade classique avec porche à colonnes et fronton (fig. 19).

L'intérieur du musée se compose essentiellement d'une immense salle pres- que carrée. Les pièces attenantes disposées en L servent de réserve, de bureau et de salle de réunion.

Les dimensions relativement modestes de l'édifice, la valeur scientifique des pièces préhistoriques, la prenante beauté de certaines sculptures modernes auraient pu amener le Musée Eskimo à n'être qu'un lieu de réunion privilégié réservé aux spécialistes. I1 n'en est rien. Dès sa construction, celui-ci a voulu donner à voir à tous la vie de l'Arctique sous toutes ses formes. Cette double intention affirmée à maints égards est perceptible dès l'entrée.

Images d'un monde

Le vaste espace central est occupé par un ours polaire naturalisé placé sous cage de plexiglas. L'ours fait face à un morse mollement allongé. Tous deux impres- sionnent enfants et (( simples touristes O . Sans eux, peu entreraient et se laisse- raient inconsciemment imprégner par ce monde inconnu ici offert en réduc- tion. Placé le long de l'ours, un kayak tout équipé pour la chasse aux phoques attire l'attention des ethnologues et des chasseurs sportifs.

Dessinant une travée parallèle, deux vitrines en forme de bahut contiennent les plus belles pièces préhistoriques assemblées chronologiquement, groupées par thème ou par fonction. Phoques, morses, ours dressés, masques miniatures de la culture de Dorset; boîtes à aiguilles, figurines à fond plat, boutons d'ornement de la culture de Thulé, harpons6 de tous âges invitent un public averti à un extraordinaire voyage dans le temps. Les objets préhistoriques sont aujourd'hui présentés dans trois murs-vitrines (fig. 20) .

A fond bleu pâle, les vitrines du bas sont partiellement consacrées à la faune

3. Jeannine Veisse, Les dt@sa de morse du hiide Eskimo de Chzmhill, Vie des Arts, Montréal, automne 1977.

4. Le fort Prince-de-Galles fut construit par des ingénieurs anglais entre 1733 et 1771. Le célèbre explorateur Samuel Hearne en devint le gouverneur en 1775 et capitula devant La PGrouse en 1782. Le fort fut alors partiellement détruit. Aujourd'hui restauré, il est possible de le visiter.

5 . L'iriz~hhzNk est la statue, plus grande que nature, d'un homme dressé. Constituée de pierres plates superposées, elle servait de regre lors des migrations et des chasses.

6. L'immense majorité des figurines et des objets préhistoriques ont été taillés dans de l'ivoire de morse. Certains sont en andouiller ou en os de caribou. Tris peu de pièces en bois de dérive ont été retrouvkes. Le Musée Eskimo n'en poside pas. Marins baleiniers, les Esquimaux de la culture de Thulk utilisaient les carcasses de baleine pour l'infrastructure de leurs abris d'été et leurs outils.

. - . . - . . . .. . .. . -. -. . _I_ ._ . ..

i

19 MUSÉE ESKIMO, Churchill: façade. A droite: un canon du fort Prince-de-Galles.

Page 3: Le Musée Eskimo à Churchill, Canada

24 Jeannine Veisse

20 Vitrines.

21 Coin cuisine d'un igloo.

Page 4: Le Musée Eskimo à Churchill, Canada

Le Musée Eskimo à Churchill, Canada 2 5

du monde polaire : tête de morse, crâne de bœuf musqué, vertèbres de baleine ; le phoque nain est rarissime, peut-être unique dans un musée. Harfangs, ster- nes, bernaches, un bon échantillonnage des volatiles de l'Arctique perche sur la corniche.

D'autres vitrines témoignent d'un mode de vie aujourd'hui disparu ou en voie de disparition. Est ainsi reconstitué le (( coin cuisine D avec ses lampes à huile de phoque et ses pots de stéatite tel qu'il existait dans l'igloo (fig. 21) ; est également présent le tambour ouvert, constitué d'un large cercle, d'une peau tendue et d'un manche court, qui rythmait danses, cérémonies orgiaques ou spirituelles (fig. 22).

Les deux encoignures sont occupées sur toute la hauteur de la pièce par deux armoires vitrées. L'une contient les mannequins d'un couple d'Esquimaux et de leur enfant, vêtus de leurs habits d'hiver en peau de phoque et de caribou. L'autre présente des arcs et des flèches, des forets et des couteaux primitifs permettant de les fabriquer.

James Houston, artisan d'une renaissance Au X I X ~ siècle, la présence des Blancs dans l'Arctique n'avait été que sporadi- que. Elle s'était affirmée lentement après la Grande Guerre. Les Esquimaux vendaient alors aux visiteurs de passage des figurines d'ivoire de morse de

. .. . . .. .

quelques centimètres de hauteur. Elles n'étaient plus que de pâles copies exoti- ques de celles qui, durant les temps préhistoriques, avaient été investies par les chasseurs de la toundra de pouvoirs magico-religieux : reproductions mécani- ques de phoques, de morses ou de chiens. Lorsque l'artiste James Houston' arriva dans l'Arctique en 1949, il découvrit un art esquimau traditionnel moribond. Ce peintre canadien venu chercher l'inspiration personnelle eut l'intuition qu'il fallait hardiment innover pour que la sculpture esquimaude renaisse de ses cendres.

Certains Esquimaux continuèrent à sculpter dans l'ivoire de morse de minuscules figurines de facture soignée, groupées sur un socle. Apparentées à la production d'autrefois, ces figurines ne dépassèrent pas la scène de genre (fig. 29). Ces œuvres nostalgiques sont toujours restées marginales.

Les Inuit8 furent, au contraire, invités à remplacer l'ivoire par la stéatite, pierre sombre, lourde mais facile à travailler. Les pièces beaucoup plus volumi- neuses perdirent leur rigidité teintée de symbolisme qu'elles avaient dans le passé. Pêcheur harponnant un phoque, chasseur aux prises avec un ours, mère portant son enfant, ces pièces devinrent consciencieusement descriptives.

Changement de matériau et d'outils, transformation radicale dans l'approche du sujet, cette véritable mutation de l'expression artistique n'a pourtant pas amené les Esquimaux à se renier.

22 Tambour esquimau.

7. James Houston, né à Toronto, élève du peintre canadien Lismer, a étudié la gravure en France et en Italie. De retour au Canada en

premier administrateur de l'île de Baffin. Sans négliger ses propres recherches artistiques, il s'intéresse à l'art esquimau et crée les premières coopératives de vente de sculptures chez les Esquimaux puis, vers 1960, les ateliers de gravure. Retiré, depuis, aux États-Unis, où il continue ses activités artistiques dans nombre de domaines, il demeure, pour qui a suivi l'aventure artistique du Grand Nord, celui qui eut la clairvoyance de demander aux Esquimaux le meilleur d'eux-mhes.

8. Intiit, pluriel de bllk signifie en esquimau (( les hommes v . Isolés pendant des siècles, se croyant seuls sur Terre, les Esquimaux s'ktaient baptisés ainsi.

yW9. il se rend dans l'Arctique où il est nommé

Page 5: Le Musée Eskimo à Churchill, Canada

26 Jeannine Veisse

a

23 a, 6, c Sculpture moderne en stéatite: Esquimau en parka (côte ouest de la baie d'Hudson, 1975).

C

_ _ _ _ - - - _I I - I -_ - -.-- 24 a, b

Sculpture moderne en stéatite: Belette de l'Arctique (Povungnituk, 1970).

I

I

1

b _-

Page 6: Le Musée Eskimo à Churchill, Canada

Le Musée Eskimo à Churchill, Canada 27

25 a, b, c, Sculpture moderne en steatite: CozcpLe de phoques (Povungnituk, 1970).

a

c

a

26 a, 6, c Sculpture moderne en stéatite: Hibou (cap Dorset, 1972).

c”‘

c

b

. . . , . .. .~. - ..

4’ c

Page 7: Le Musée Eskimo à Churchill, Canada

28 Jeannine Veisse

Les sculpteurs ont, de manière quasi exclusive, privilégié les thèmes d'une vie passée évanouie ou en voie de rapide disparition. Aucun Esquimau en blue-jean, aucune femme en robe, pas même de fusils pourtant utilisés depuis le X I X ~ siècle. Jamais de Kub.Lumit7 mais des chasseurs tirant à l'arc et aux flèches, des enfants dans l'umuut, l'immense capuchon de leur mère. Si l'artiste décrit plus qu'il ne suggère, il le fait en bannissant les détails, en privilégiant l'harmonie des volumes et la souplesse de la ligne de contour. La dimension de la statuette esquimaude, la qualité de la pierre chaude et lisse, le style dépouillé invitent le spectateur à une exploration non seulement visuelle mais àussi tactile. Cette sollicitation sensuelle si particulière, la sculpture esqui- maude préhistorique la possédait déjà. Pour qui est tant soit peu familier avec les œuvres, la filiation entre les sculptures présente et passée saute aux yeux. En acceptant d'écouter certains Blancs avertis, les Esquimaux ne se sont pas trahis, bien au contraire. Les conditions de cette réussite exemplaire mérite- raient d'être analysées avec attention par les historiens d'art certes, mais aussi par les sociologues lo.

Commencée sur la côte est de la baie d'Hudson, l'aventure de la nouvelle sculpture a gagné progressivement tout l'Arctique. O n y a beaucoup produit depuis vingt ans des œuvres médiocres, de meilleures et, dans uneifiroportion

27 Ours dressé (culture de Dorset).

inhabituelle, d'excellentes. Aujourd'hui, grâce à elles, les Esquimaux témoi- gnent, à travers le monde, de ce que furent leurs peines, leurs joies, leurs fantasmes. En 197 O , l'exposition Sculpture inzit rassemblant quelques figurines traditionnelles, mais surtout des œuvres modernes, permit aux grandes villes d'Europe et d'Amérique de se familiariser avec certaines ceuvres maîtresses ll. Cette reconnaissance internationale a fait monter régulièrement le prix des sculptures. Dans les galeries d'art, la sculpture esquimaude a maintenant droit de cité.

L'œuvre d'un homme

De cette production pléthorique, le frère Volant a su patiemment sélectionner le meilleur. Les œuvres les plus diverses et les plus représentatives de la sculpture esquimaude contemporaine abondent dans les vitrines du haut (fig. 23-26 et 28).

Une simple juxtaposition de ces sculptures de qualité aurait suffi à la réputa- tion du Musée Eskimo. Son conservateur a su donner à leur présentation un cachet original en parfait accord avec les conditions climatiques rigoureuses du pays. Ces statuettes de stéatite allant du noir au vert foncé sont intimement mêlées aux quarante- neuf défenses de morse ouvragées précédemment citées.

i

i '

. - -___ _ _ _ _ - - - I Cette symphonie de formes en noir et blanc se détache avec force sur un fond

2 8 Sculpture ~unnontée

esqui dune

.maude IT figure etz

ioderne: stéatite.

:hoiue

Page 8: Le Musée Eskimo à Churchill, Canada

Le Musée Eskimo à Churchill, Canada 29

d'un rouge profond. Puissamment éclairée par un encadrement lumineux et des plaques posées au plafond, cette brillante composition visuelle procure chaleur et détente pour qui vient du froid et de la pénombre polaires, pour qui va y retourner. Churchill est l'escale obligatoire pour tout voyageur se rendant sur la côte ouest de la baie d'Hudson. Sensibles à cette sensation de bien-être que procure cette présentation, beaucoup d'ingénieurs, de techniciens, d'ou- vriers spécialisés n'en sont pas à leur première visite.

Le conservateur a également réussi le tour de force de grouper ces statuettes disparates en des ensembles cohérents illustrant les dXérents aspects de la vie esquimaude passée et présente: la chasse, la pêche, les jeux, la vie familiale, la vie religieuse. Chaque unité, chaque pièce mattresse s'accompagne d'un texte explicatif ou d'un extrait de légende. Beaucoup ont été fournis par les Esqui- maux eux-mêmes. I1 faut deux heures à un visiteur attentif pour admirer et se documenter. Ce temps minimal peut être prolongé à l'infini. Durant mes quatre mois de séjour, j'ai dialogué avec les œuvres sans épuiser les possibilités de découverte.

Avant de quitter la salle d'exposition, le visiteur a le loisir de contempler sur des étagères des sculptures récemment exécutées par des Esquimaux de la côte ouest. I1 pourra les toucher, les soupeser, les acheter. La vente de ces

29 DGfense de mOrSe ouvragee, executee par des ~~~~i~~~~ de peuy B ~ ~ , après la seconde guerre mondiale.

sculptures de dimensions et de qualité inégales couvre les frais d'entretien du musée dont l'entrée est gratuite. Elle permet aux Esquimaux de perpétuer l'expérience commencée au début des années cinquante. Aux prises avec des problèmes d'adaptation à un monde de plus en plus industrialisé, les Inuit trouvent dans cette activité artistique rémunérée une manière autre de dialo- guer avec les Kablunait. Descendant dans le Sud, la statuette sera, pour le moins, le souvenir tangible de ce qui a été vu au musée. Le pouvoir suggestif de certaines évoquera la fascination de l'Arctique.

I1 y a quelques années, on a, à Churchill, macadamisé la chaussée; les lampadaires métalliques ont remplacé les poteaux de bois. Le complexe hospi- talier est terminé ; le village devient ville. Le Musée Eskimo changera-t-il? Qui peut le dire. Fruit d'un travail accompli avec une sollicitude exemplaire pen- dant une vie entière, il fait déjà partie des souvenirs nostalgiques des anciens du Grand Nord.

9. Les Blancs - littéralement en esquimau: B Ceux aux sourcils &pais O.

10. Dix ans apr& son arrivée, à la demande des Esquimaux, James Houston créait le premier atelier de gravure sur pierre à Cape Dorset (île de Baffin). Depuis, encouragés par le sucds, plusieurs ateliers ont vu le jour dans l'Arctique. Certains ont eu une existence kphkmère. Aujourd'hui, celui de Cape Dorset jouit d'une renommée prestigieuse. Ceux de Povungnituk, Holman Island, Baker Lake et Pangnirtung travaillent régulièrement. Ils posddent chacun leur style. Si la sculpture était une discipline essentiellement masculine, de nombreuses femmes dessinent. Kenojuak, de Cape Dorset, et Oonark, de Baker Lake, ont une personnalité artistique affirmée.

abondamment illustré a été publié : Scz&tlre itiuit, Toronto University Press, 1970. On peut encore le trouver en vente dans certaines librairies du Canada.

11. A cette occasion, un volumineux catalogue