le mythe Climatique

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23 Le Mythe ClimatiqueCHAPITRE 4: ExtraitLa religion du probable\ L'erreur est un bon commencement pour la rflexion.Alain, Propos, 1922Parmi les arguments pour soutenir le carbocentrisme, il en est deux qui, bien que quelque peu dconnects des sciences du climat proprement dites, sont avancs particulirement souvent. Selon le premier, il aurait t tabli qu'il y a une probabilit de plus de 90% pour que les thses carbocentristes soient fondes (1) .Selon le second, mme en admettant que les risques d'un emballement majeur de la machinerie climatique terrestre soient faibles, il ne serait pas raisonnable de ne rien faire compte tenu des terribles effets qu'un tel emballement pourrait engendrer. Mme si, donc, ces arguments nous loignent quelque peu du carbocentrisme lui-mme, leur fort pouvoir de conviction justifie qu'on leur consacre quelques instants. Comme je vais tcher de le montrer dans ce chapitre. Le premier des deux arguments exploite la notion mathmatique de probabilits de faon tellement abusive qu'il ne rsiste pas l'analyse. Quant au second, bien que pouvant se rclamer d'un patronage particulirement prestigieux, il est rigoureusement indfendable. 1. L'argument est en ralit un peu plus labor, nous y reviendrons en temps utile dans ce chapitreLa gomtrie du hasard Pour des raisons de cohrence dans le raisonnement, nous allons nous intresser d'abord au second des arguments ci-dessus, ce qui va conduire un dtour inattendu du ct de la thologie. Commenons par quelques prsentations.Apologie de la religion chrtienne est le titre que Blaise Pascal voulait donner un livre inachev connu aujourd'hui sous le nom de Penses. Cet ouvrage majeur de la philosophie occidentale a t publi pour la premire fois en 1670, huit ans aprs la mort de son auteur, dans une dition couramment dsigne sous le nom d' Edition de Port-Royal. Si les Penses ont fait de son auteur une grande figure de la philosophie, Pascal est galement connu pour ses travaux en sciences physiques, en particulier pour ses expriences sur le vide. Ce que l'on sait parfois moins, c'est que Pascal a aussi uvr dans le domaine mathmatique, laissant la postrit de nombreuses et profondes ides, dont l'une va plus particulirement nous intresser ici: la thorie des probabilits. Pascal est le premier, semble-t-il, en comprendre toute l'importance philosophique. Si l'on trouve certes, ds la Renaissance, diverses tudes combinatoires sur les jeux de ds, notamment chez Jrme Cardan, Pascal ralise que l' oxymore gnral de lois du hasard possde un sens profond qui peut tre compris dans un cadre rigoureux. Sa contribution mathmatique proprement dite aux probabilits n'est pas son apport le plus dcisif: en ralit, c'est plutt Christiaan Huygens qui, quelques annes plus tard, btira l'arsenal mathmatique partir" duquel les probabilits pourront rsolument partir la conqute de l'incertitude. Le travail de Pascal n'en est pas moins remarquable, parce qu'il lance le premier vritable programme de recherches en probabilits. Il l' crit dans une adresse l'Acadmie des sciences en 1654, si splendide que je ne puis m'empcher d'en citer au moins une partie : [ ... ] les rsultats du sort ambigu sont justement attribus la contingence fortuite plutt qu' la ncessit naturelle [ ... ] grce la gomtrie (l), nous [avons la question] avec tant de sret un art exact, qu'elle participe de sa certitude et dj et dj progresse audacieusement Ainsi, joignant la rigueur des dmonstrations de la science l'incertitude du hasard, et conciliant ces choses en apparence contraires, elle peut, tirant son nom des deux, s'arroger bon droit ce titre stupfiant: la gomtrie du hasard. Avec les probabilits, enfin, il allait donc tre possible de quantifier l'incertitude, de dgager des lois statistiques, de faire des prvisions avec un degr de fiabilit connu l'avance. Fort de sa dcouverte, Pascal a alors une ide tout fait originale: utiliser le formalisme des probabilits pour dfendre le postulat selon lequel chacun de nous a intrt croire au Dieu des chrtiens. C'est le pari pascalien, qui apparat dans les Penses. Voici, dans une prsentation peine modernise, comment fonctionne cette trange construction intellectuelle. Si l'impression vient ici au lecteur que nous nous loignons quelque peu de notre sujet, je lui demande de m'accorder ces quelques lignes, car il est important de comprendre en profondeur la mcanique du pari de Pascal pour tre mme de le dmasquer derrire les divers dguisements dont il se pare dans bien des discours d'aujourd'hui, alarmisme climatique en tte. Un trange pari Le pari pascalien a pour objet de nous convaincre non pas que 'Dieu (2) existe, mais que nous avons interet y croire, au sens le plus mercantile de ce terme. Du strict point de vue de la structure du raisonnement et de sa validit logique, il y a une correspondance parfaite avec l'argumentation de certains militants de l'alarmisme climatique, mais restons-en pour l'instant Pascal. 1. Pascal, comme il sera d'usage jusqu'au XIXe sicle, crit gomtrie pour ce que nous appelons mathmatiques. 2. Nous ne nous intressons ici qu'au Dieu des chrtiens, le seul que Pascal considre dans son pari Dans l'dition de Port-Royal des Penses, le pari est prcd d'un avis indiquant que le pari est destin ceux qui demeurent dans un tat de suspension entre la foi et l'infidlit . Pour emporter l'adhsion de ces sceptiques , Pascal prend une perspective la plus neutre possible, en mettant de ct tout ce qu'il expose par ailleurs dans les Penses (dans lesquelles le pari, d'ailleurs, n'occupe qu'une toute petite part) et en ne supposant aucune bienveillance de la part de celui qui doute. Cela implique en particulier que l'on se place dans le cadre d'une discussion entre personnes qui se veulent aussi rationnelles que possible (et je suppose que c'est aussi cet tat d'esprit qui habite le lecteur). Le tour de force de Pascal est de parvenir, partir d'une modlisation utilisant les jeux de hasard, une dmonstration apparemment imparable de ce que la croyance est le comportement le plus rationnel. Au jeu de pile ou face, misons un euro sur pile: en cas de succs, quel doit tre notre gain? Chacun conviendra que, si l'on admet que la pice est correctement quilibre et lance au hasard , le gain devrait tre gal la mise, c'est--dire d'un euro. Dans d'autres jeux, les chances de gagner et de perdre ne sont pas les mmes: la roulette, par exemple, ou un jeu de ds quelconque. Si, un jeu de hasard donn, les chances de gagner sont, disons, de une sur vingt, il est raisonnable pour un joueur de demander ce que, chaque fois qu'il gagne, il emporte vingt fois sa mise. Tel est d'ailleurs le cas de la plupart des jeux de casino qui, peu de choses prs, donnent chaque gagnant un nombre de fois sa mise inversement proportionnel ses chances de gain.En un mot: lorsque vous gagnez un jeu dans lequel vos chances sont de une sur n, la banque vous doit n fois votre mise (mise que, bien sr, vous lui abandonnez lorsque vous perdez). Un tel jeu est dit quilibr: en un sens (mais en un sens seulement, comme j'y reviendrai plus loin), la rgle ne fait de rgime de faveur personne. En pratique, la ralit des jeux d'argent n'est jamais tout fait quilibre: la roulette classique, par exemple, o les chances de tomber sur le bon numro sont de 1 sur 37 (parfois 1 sur 38, voire 39), le casino, selon une pratique prdfinie, donne au gagnant rarement plus que 36 fois sa mise. Le jeu est donc en ralit dfavorable au joueur, qui ne rcupre en moyenne que les (36/37eme )de sa mise (soit environ 97,3 % au lieu de 100%). A contrario, un casino qui offrirait 38 fois sa mise un gagnant se montrerait d'une gnrosit qui attirerait coup sr les parieurs, qui repartiraient en moyenne avec 102,7 % de leur argent. C'est bien entendu en vain que l'on chercherait un tablissement dispos de telles largesses. Dans ce temple du jeu qu'est Las Vegas, les casinos dsireux d'afficher leur bienveillance envers les joueurs affichent des pourcentages proches des 100 %, mais sans jamais les atteindre. Venons-en au pari pascalien. De deux choses l'une: ou bien Dieu existe, ou bien il n'existe pas. Dans l'ignorance o nous sommes de ce qu'il en est, nous pouvons tenter d'attribuer une certaine probabilit son existence: on peut dire, par exemple, qu'il y a 50 % de chances pour qu'il existe (et donc 50% de chances pour qu'il n'existe pas). La question est de savoir, l'instar d'un joueur de casino, quelle stratgie est la meilleure pour augmenter nos chances de gain. Le gain est quantifi par Pascal par notre vie elle-mme, que l'on mise en pariant sur l'existence ou l'inexistence de Dieu. Une sorte de jeu de pile ou face, donc, mais avec une nuance de taille: si l'on parie sur l'existence de Dieu et que l'on gagne (c'est--dire que Dieu existe), alors le gain est la vie ternelle, que l'on peut raisonnablement reprsenter comme un gain d'une infinit de vies. Pour Pascal, chacun de nous est malgr lui engag dans le jeu. Si nous misons sur son existence, le gain est infini si Dieu existe, la perte est d'une vie dans le cas contraire (notre vie que l'on a sacrifie un dieu inexistant). Miser sur l'inexistence revient, en revanche, profiter de la vie terrestre sans se poser de question (le gain final est d'une vie si Dieu n'existe pas, alors que la mise d'une vie est perdue s'il existe). Quelle est la meilleure stratgie adopter?A priori, la rponse dpend fortement de la probabilit que l'on accorde l'ventualit que Dieu existe. Pascal, prudemment, ne se prononce pas sur la valeur de cette probabilit et laisse chacun le soin de la fixer comme il veut: les plus rtifs l'ide que Dieu existe peuvent la choisir aussi petite qu'ils le dsirent, la seule contrainte tant que, hypothse raisonnable, chacun convienne que l'existence de Dieu est possible. La construction de Pascal est structurellement identique celle de certains alarmistes du climat, qui posent eux aussi que nous sommes contraints choisir d'adhrer ou non au carbocentrisme, que celui-ci n'est certes peut-tre pas certain mais que, s'il se rvlait avr, ses consquences en seraient pour ainsi dire infinies. Et jusque-l, les termes du pari, que ce soit celui de Pascal ou de l'alarmisme climatique, semblent tout fait neutres, n'engageant pour ainsi dire personne quoi que ce soit. D'ailleurs, redisons que Pascal n'a pas, dans son pari, l'intention de nous persuader que Dieu existe. Pourtant, sans bruit, le pige s'est dj referm. Voici pourquoi. Considrons un jeu de hasard qui, pour une mise de 1 euro, promet n euros en cas de gain. Comme nous l'avons dit, un tel jeu est favorable au joueur si la probabilit d'y gagner est d'au moins d'une chance sur n ; il est quilibr si cette probabilit est exactement d'une chance sur n; il est dfavorable au joueur si elle est infrieure. Pascal souligne que si l'on choisit de croire en Dieu et que les faits nous donnent raison (c'est--dire que Dieu existe), alors le gain est infini, exactement comme si le casino offrait une somme d'argent infinie au joueur qui tomberait sur le bon numro. Mme si les chances de gagner ne sont que d'une sur un million, le jeu reste favorable au joueur, puisqu'un million est plus petit que l'infini. tant donn que le plus but des incroyants aurait tout de mme du mal pr- tendre que l'existence de Dieu est impossible, il doit accorder cette ventualit une certaine probabilit, disons 1 chance sur n, o n sera un nombre ventuellement gigantesque quantifiant, croit-il, son incrdulit ... et devra ensuite reconnatre que, ce nombre tant de toute faon plus petit que l'infini, le jeu de la foi n'en est pas moins infiniment favorable au croyant. Nous voil donc, ce qu'il semble, mathmatiquement contraint d'admettre que nous avons intrt adhrer la foi chrtienne. Le pari de l'alarmisme L'on ne saurait surestimer l'intrt de la construction intellectuelle de Pascal. Le pari qu'il propose est rvolutionnaire en ce qu'il constitue la toute premire tentative de modlisation probabiliste d'un phnomne qui ne se rsume pas aux classiques jeux de hasard. Plus profondment encore, c'est une vritable perception probabiliste du monde qu'il nous convie. L'auteur des Penses se joue des cadres de pense habituels sur un ton d'une audace tout fait stupfiante. La formulation mme qu'il emploie pour expliquer le pari, faite de vies gagnes ou perdues, a de quoi voquer une discussion propos d'un jeu vido. C'est ainsi que, bien que fautif, le pari pascalien me semble, pour reprendre le mot d'Alain, un bon commencement pour la rflexion. Le raisonnement de Pascal s'adapte mutatis mutandis n'importe quelle prdiction dont on reconnat la fois le caractre possible et extrme. Possible au sens qu'on lui accorde une certaine chance de se produire (sans ncessairement quantifier celle-ci), extrme au sens o les consquences annonces sont d'une ampleur telle qu'on peut l'envisager comme infinie. C'est donc le mme raisonnement qui, dans la bouche de certains alarmistes du climat, est utilis pour tenter de dmontrer l'urgence de la rduction de nos missions de gaz effet de serre. Dans ce nouveau contexte, le raisonnement du pari se fonde simplement sur les deux constats suivants: d'une part, quelle que soit sa probabilit, le risque existe que les thses carbocentristes soient fondes (qui oserait prtendre le contraire ?) ; d'autre) part, dans ce cas, les malheurs qui vont s'abattre sur nous sont pour ainsi dire infinis. Pour l'anecdote, pour se convaincre de ce second point, il suffit de jeter un il au site internet Number Watch de John Brignell. Brignell s'est malicieusement mis en devoir de rassembler la totalit des annonces d'vnements, actuels ou futurs, ayant t imputs au moins une fois au rchauffement de la plante. Entreprise tmraire s'il en est: des dsastres vertigineux (rcession conomique, guerres mondiales, pidmies et famines l'chelle du globe ...) ou minuscules (diminution de la production de sirop d'rable au Canada, migration d'araignes en cosse ... ) aux vnements les plus loufoques (la mort du monstre du Loch Ness) en passant par tout et son contraire (hivers plus chauds en un certain endroit du globe - ou plus froids ; hibernation raccourcie de telle espce animale - ou allonge ... ), on trouve absolument de tout.Le site recense prs de six cents vnements, majeurs ou mineurs, venants ou venir, possiblement issus des changements climatiques. Mme en ne tenant compte que des catastrophes reconnues comme telles par les organismes les plus officiels du carbocentrisme (rcessions conomiques, rfugis climatiques, hausse dramatique du niveau des mers, chute de la production agricole mondiale, pidmies ... ), il ne semble pas draisonnable d'assimiler tout cela un cot infini V(- d'ailleurs, le compter comme un cout fini ne ferait qu'affaiblir la position carbocentriste. -. Les failles du pari Un minimum d'esprit critique suffit pour montrer que le pari pascalien est fallacieux. Il constitue le refuge potentiel tant de thories fausses nous invitant nous comporter comme ceci ou comme cela que lui cder revient ne plus s'appartenir.Ainsi, personne ne peut nier de faon absolue qu'il y ait une possibilit pour que telle poudre de perlimpinpin gurisse le cancer: selon le raisonnement du pari pascalien, les malades doivent donc se prcipiter dessus. Mais il y a aussi une possibilit pour que cette mme poudre soit mortellement toxique: le pari pascalien commande alors de ne pas la consommer. Que faire ? C'est ce genre d'objections toutes simples qui ont t, trs vite, formules contre le pari de Pascal. Un peu curieusement toutefois, il semble que les commentateurs et les critiques ne se soient gure penchs sur un aspect pourtant saillant du pari: son caractre rigoureusement mathmatique. Le pari pascalien constitue un cas assez unique de dmonstration mathmatique qui la contradiction a t porte de manire extrieure aux mathmatiques. Plus fascinant encore: l'erreur mathmatique qu'il contient n'a finalement t dbusque que trois sicles aprs Pascal, c'est--dire au milieu du XXeme sicle. Mme si un peu de recul permet de se persuader du caractre erron du pari pascalien, il me semble important d'en dmonter les ressorts mathmatiques, ne serait-ce que pour montrer comment cette discipline peut venir bout de certains paradoxes apparents. De plus, s'il est vrai que le pari s'inscrit dans une rflexion beaucoup plus vaste, il n'en reste pas moins que, dans ce passage des Penses, Pascal raisonne en mathmaticien, et rien d'autre qu'en mathmaticien; il fait de son pari une construction autonome appuye sur les probabilits, l'exclusion de toute autre considration. L'analyse de ce pari doit donc se faire, me semble-t-il, en faisant abstraction du contexte plus gnral des Penses, contexte qui ne saurait tre en dfinitive que parasite (sauf sur un point qui sera mentionn en temps utile) pour tudier ce morceau de thorie des probabilits. Une premire faille mathmatique dans l'argumentation de Pascal, d'ailleurs lie certaines des considrations du chapitre 3, est qu'elle accorde une importance excessive la notion de moyenne. La grande diffrence entre les jeux de hasard et le jeu de la vie, c'est qu'on ne peut jouer qu'une seule fois au jeu de la vie. Le sens d'une moyenne des gains y est donc peu clair.En effet, ce n'est que lorsqu'on joue un grand nombre de fois que l'quilibre statistique peut s'tablir entre les pertes et les gains. Imaginons par exemple qu' une loterie les six milliards d'tres humains vivants aujourd'hui sur la Terre aient mis un euro et que l'unique gagnant en ait empoch douze milliards. Ce gagnant pourrait tre un enfant de 7 ans vivant dans une famille de paysans chinois; nul doute qu'il serait trs fier d'avoir empoch deux fois plus que la totalit des mises, et nous pourrions tre contents pour lui, mais il ne faudrait pas en oublier pour autant que, nous autres, aurions perdu. Cette premire faille mise part, et sur laquelle on pourrait dbattre, un mathmaticien qui aurait discut au XVIIe sicle avec Pascal aurait t bien en peine de trouver une erreur dcisive dans son raisonnement. Et un mathmaticien du XVIIIe, ou mme du XIXe, n'aurait sans doute pas fait mieux. C'est seulement au XXs sicle que les outils mathmatiques ncessaires une analyse vritablement rigoureuse du pari pascalien ont t disponibles. L'un de ceux qui a le plus contribu l'dification de la thorie moderne des probabilits est un mathmaticien franais du nom d'mile Borel. Mme si son nom ne vous dit sans doute rien, il s'agit dun des plus grands mathmaticiens de son poque. C'est dans une note, publie en 1947 et qui semble tre passe relativement inaperue, que Borel s'attaque aux ressorts mathmatiques du pari pascalien. Cette note d' peine une page bannit jamais le raisonnement pascalien de tout argumentaire fond sur la raison. Parce que son contenu serait un peu trop technique dtailler (il repose sur des sommes infinies), je vais ici donner une prsentation un peu diffrente. Le premier point qu'tablit Borel est que, dans le cadre de la thorie des probabilits, une ventualit peut tre possible tout en tant nanmoins de probabilit nulle. Pour donner un exemple simple, imaginons que l'on choisisse au hasard un point d'une cible circulaire (par exemple en lanant une flchette, cette flchette tant suppose ne toucher la cible qu'en un seul point). Quelles sont nos chances d'atteindre un point particulier de la cible, par exemple son centre exact? En admettant que le lancer de la flchette se fait vraiment au hasard, il n'y a pas plus de chances d'atteindre un point plutt qu'un autre. Tous les points ont les mmes chances d'tre atteints. S'il y avait mille points sur la cible, chaque point aurait donc une chance sur mille d'tre le bon. Mais un disque contient une infinit de points: si chacun avait une chance non nulle, alors le total des chances dpasserait les 100 %, ce qui n'est pas possible. Chacun des points de la cible a donc zro chance d'tre atteint et pourtantl'un d'eux le sera bel et bien. La thorie des probabilits permet donc l'incroyant (ou au sceptique du climat) de proposer une probabilit nulle l'ventualit que Dieu existe (ou que le carbocentrisme soit fond), sans faire de lui un ngateur de cette ventualit. En effet, ce qui prcde montre qu'il existe des contextes probabilistes o ces deux attitudes ne sont pas contradictoires; et puisque nous ignorons tout du contexte probabiliste qui concerne l'ventualit de l'existence de Dieu (ou de la ralit du carbocentrisme), rien n'interdit de faon catgorique que ce contexte probabiliste soit quivalent celui du lancer d'une flchette sur une cible. Avant d'approfondir ce choix d'une probabilit nulle, qui mrite bien entendu qu'on s'y attarde, voyons comment se conclut le raisonnement de Borel. Une fois assigne une probabilit nulle une ventualit (l'existence de Dieu) qui, si elle se produit, apporte un gain infini, que devient la conclusion? Mathmatiquement, tout revient dterminer le rsultat de la multiplication de zro (la probabilit de gagner) par l'infini (la valeur du gain). C'est l la proccupation centrale de Borel, dont l'introduction rappelle la difficult de cette question: On sait que le produit de zro par l'infini est, en principe, indtermin, mais que lorsqu'une expression algbrique ou r analytique prend cette forme, il est souvent possible de dterminer sa vraie valeur (1) qui peut tre un nombre fini, ou zro, ou l'infini. Tous les tudiants en sciences connaissent cet ternel problme des formes indtermines qui surgissent parfois au fil d'un calcul. Tous savent que, face l'une d'elles, il convient d'tre particulirement vigilant, la moindre erreur pouvant dboucher sur un rsultat sans aucun rapport avec la ralit. Dans le cas du pari pascalien, notre multiplication de zro par l'infini vaut. .. zro (2) . Le jeu est donc dsavantageux pour le joueur: mme infini, le gain apport ne compense pas la nullit de sa probabilit.Il est remarquable qu'une question aussi cruciale que celle pose par le pari pascalien trouve finalement sa conclusion dans ce qui peut apparatre comme une simple convention mathmatique. Mais qu'on ne s'y trompe pas: ce choix de poser ici que zro fois l'infini gale zro n'a rien d'arbitraire.1 Italiques dans l'original. 2 Une faon de s'en convaincre consiste envisager le produit de deux nombres a et b comme l'aire d'un rectangle de cts a et b. Lorsque a vaut zro et b l'infini, le rectangle devient une droite, qui n'englobe aucune surface, d'o la nullit de l'aire et, donc, du produit. Il s'articule parfaitement avec l'ensemble de la thorie des probabilits. Tout choix alternatif aurait pour effet de faire voler en clats cette thorie dans son ensemble, rendant impossible l'utilisation cohrente de la thorie des probabilits sur laquelle le pari pascalien se fonde. Ainsi s'imposent ces mots qui finissent la note de Borel: La conclusion est que, dans la controverse du pari de Pascal, comme dans bien d'autres controverses philosophiques, le mathmaticien doit rester neutre; il ne peut tirer de sa science aucun argument dcisif pour ou contre. Extrmisme sceptique? Il peut sembler tout fait excessif d'assigner une probabilit nulle l'ventualit que les arguments carbocentristes soient fonds. Mme si, comme nous l'avons dit, un tel choix ne constitue pas une ngation absolue, il est comprhensible qu'un tenant du carbocentrisme nous reproche une telle position. De mme, dans l'Europe intellectuelle du temps de Pascal, il pouvait certes tre possible de se montrer critique envers la religion chrtienne, mais il n'tait sans doute pas imaginable, en revanche, d'aller dans le scepticisme de faon trop profonde - c'est en cela que le contexte des Penses est important pour le pari. S'attaquer de faon frontale et absolue un dogme culturel tabli est difficile, pas ncessairement en raison d'une quelconque censure, )mais tout simplement parce qu'il est dlicat, mme pour les plus critiques, d'aller contre un contexte qui, d'une manire ou d'une autre, fait aussi partie d'eux. C'est sans doute pour une raison comparable que tant, parmi les sceptiques du climat eux-mmes, ne s'autorisent gure proposer sans dtour que l'influence du gaz carbonique sur le climat est nulle: beaucoup d'entre eux prfrent voquer une influence limite, ou mineure. En science, une position mi-chvre mi-chou dicte par le dsir d'accorder des gens de bonne compagnie doit tre regarde avec circonspection (ce qui ne veut pas dire qu'elle soit fausse par principe). En effet, contrairement peut-tre ce qui a cours ailleurs, dans la sphre scientifique les opinions du jour qui apparaissent comme modres n'ont pas bnficier d'une bienveillance particulire. Lorsqu' partir du XVIe sicle se posa la question de savoir qui, des Anciens qui faisaient tourner Soleil et plantes autour de la Terre ou de Copernic qui faisait l'inverse, tait dans le vrai, Tycho Brah tenta une conciliation : il fit tourner les plantes autour du Soleil et le Soleil autour de la Terre. L'histoire n'a pas donn raison cette proposition intermdiaire, et c'est bien l'une des positions extrmes, en l'occurrence celle de Copernic, qui a triomph (1). En science l'extrme n'est pas l'extrmisme, et trois fois rien ne finissent pas toujours par faire ne serait-ce qu'un petit quelque chose. /; Trs probable Bien sr, nous ne pouvons pas nous contenter d'affirmer sans plus d'examen que la probabilit des thses carbocentristes est nulle. Le raisonnement qui prcde en finit certes avec le pari pascalien en tant que tel, mais ne nous autorise pas choisir arbitrairement la probabilit qui nous arrange. Toute la question est prsent de savoir quelle est la probabilit que les pronostics catastrophistes des carbocentristes se ralisent effectivement. Pour cela, tournons-nous vers le dernier rapport du GIEC, paru en 2007. Celui-ci a de quoi retenir notre attention car, pour l'essentiel, il n'est qu'une longue numration de probabilits exprimes sous une forme invente pour l'occasion.La terminologie normalise du GIEC est donne par les deux tables suivantes. 1. On pourrait toutefois discuter de la valeur de ce systme intermdiaire, qui garde un intrt technique rel pour une situation aussi concrte que celle d'envoyer une sonde spatiale sur une autre plante. Lorsque le degr de confiance dans la justesse d'un rsultat rsulrsultat on parle de est de au moins 9 chances sur 10 degr de confiance trs lev environ 8 chances sur 10 degr de confiance lev environ 5 chances sur 10 degr de confiance moyen environ 2 chances sur 10 faible degr de confiance environ 1 chance sur 10 trs faible degr de confiance Lorsque la probabilit de ralisation d'un vnement l'vnement ou le rsultat est dit ou d'un rsultat est suprieure 99 % pratiquement certain suprieure 90 % trs probable suprieure 66 % probable suprieure 50 % plus probable qu'improbable entre 33 % et 66 % peu prs aussi probable qu'improbable infrieure 33 % improbable infrieure 10 % 1 trs improbable infrieure 1 % J1 exceptionnellement improbable : 1 Notons l'honntet qui consiste ne pas donner de valeur exacte mais seulement des intervalles (dont les limites doivent tre comprises comme floue (fuzzy), selon le terme employ dans le guide pour la dtermination e l'incertitude - une prcision qui ne figure malheureusement pas dans le rapport de synthse). Honorable prudence galement de ne jamais parler de certitude absolue. Il n'est pas ncessaire de faire ici la liste des probabilits attaches l'ventualit d'une monte des ocans, de la banalisation d'pisodes caniculaires, de la fonte des glaces polaires ou encore de l'augmentation de la violence des cyclones. Qu'il suffise de savoir qu' ces vnements, et bien d'autres plus ou moins dramatiques, sont en gnral associs des probabilits suprieures 50 % Le vocable de trs probable revient frquemment dans le rapport du GIEC, qui regorge d'items comme Il est probable que les vagues de chaleur sont devenues plus frquentes sur la majeure partie des terres merges (page 40 du rapport de synthse 2007), ou [o]n peut affirmer avec un degr de confiance trs lev qu'en moyenne, les activits humaines menes depuis 1750 ont eu globalement un effet de rchauffement net. .. ( page 48) Ds lors qu'on a affaire des probabilits non nulles, le raisonnement de Pascal, ainsi que sa conclusion, redeviennent dfendables. Doit-on donc, l'instar de l'incroyant qui s'adressait Pascal, convenir que notre intrt est tout de mme de nous soumettre aux prescriptions carbocentristes ? Tel n'est le cas que si les probabilits proposes par le GIEC sont valides. Alors mme que ce point est d'une importance vidente, il est trs rare qu'il fasse l'objet d'une rflexion. La question de la pertinence de ces probabilits est pourtant essentielle. Quantifier l'incertain Comment affecte-t-on une probabilit un vnement? Il n'y a pas aujourd'hui accord gnral sur la meilleure manire de procder, et ce serait sortir du sujet du prsent ouvrage que de prsenter un tat mme partiel de cette question. Nous nous en tiendrons donc quelques considrations gnrales, tout fait suffisantes pour ce qui nous intresse.A l'heure actuelle domine l'approche dite frquentiste, devenue prpondrante en statistiques depuis la seconde moiti du XXeme sicle, notamment sous l'impulsion de l'un des pionniers des statistiques modernes, Ronald Fisher (1). Selon l'approche frquentiste, une probabilit n'est rien d'autre qu'une moyenne ralise sur un grand nombre d'observations (dans la dfinition donne par Fissher dans son article fondateur de 1922, il faut mme englober toutes les observations possibles, en nombre infini). La probabilit d'obtenir pile en lanant une pice de monnaie s'value donc en lanant la pice un grand nombre de fois et en effectuant le rapport entre le nombre de piles obtenu et le nombre total de lancers. 1. Les travaux de Fisher ne sont toutefois pas tous d'inspiration frquentiste. En France, les indices de fiabilit donns par les prvisions mtorologiques relvent de ce genre d'approche. Malgr la puissance des ordinateurs actuels, la prvision du temps qu'il fera dans une semaine est un exercice ardu, que l'on ne peut pas effectuer aujourd'hui en toute certitude. Pour valuer la fiabilit d'une prvision, la technique consiste modifier lgrement les donnes pour tudier les modifications que cela induit dans l'volution de la mto. En considrant une cinquantaine de variantes lgres sur les paramtres initiaux (et en simplifiant un peu le modle, pour des raisons de temps de calcul), il est possible de tester la robustesse de la prvision originale: si les cinquante variantes conduisent toutes au mme type de temps une semaine plus tard, il est raisonnable de considrer que notre premire prvision est fiable. En revanche, si les variantes conduisent des rsultats fortement divergents, il est manifestement beaucoup plus hasardeux de se fier l'une quelconque d'entre elles. Selon la proportion de rsultats convergents, l'on peut soit faire une prvision assortie d'un certain indice de fiabilit, soit considrer qu'aucune prvision n'est suffisamment fiable pour mriter d'tre donne. S'il est bien sr toujours possible de se demander si cinquante essais sont suffisants, s'ils sont effectus partir de modifications convenablement choisies, ou encore si les simplifications imposes par les temps de calcul sont lgitimes, l'on doit tout de mme convenir que la dmarche gnrale est raisonnable. Elle est, de plus, suscep- tible de vrification exprimentale, en examinant si les prvisions disposant d'un indice de fiabilit de, disons, 3/5 se rvlent effectivement exactes environ trois fois sur cinq. Le point de vue frquentiste est, selon ses partisans, le plus objectif , car il ne suppose aucun choix a priori et se contente d' expriences neutres , indpendantes des inclinations de l'observateur. Un frquentiste ne peut donc que dplorer que les probabilits attribues par le GIEC ne soient jamais dtermines de cette manire. Pour satisfaire les frquentistes, il faudrait que nous puissions rapprocher l'pisode climatique actuel de suffisamment d'pisodes passs voisins ( ce qui au vu de l'incertitude sur les donnes est de toute faon aujourd'hui hors de porte), ou, au moins, que nous disposions de modles climatiques suffisamment performants pour effectuer des tests probants (ce qui n'est pas le cas - voir chapitre 5), l'instar de ce qui se fait en mtorologie. L' autre approche pour affecter une probabilit un vnement est dite baysienne, en rfrence au thorme sur lequel il s'appuie, dmontr par Thomas Bayes au XVIIIe sicle. Bien que la perspective baysienne ait t utilise en statistiques ds le XVIIIe sicle par Pierre-Simon Laplace, celle-ci a t mise sous l'teignoir durant une bonne partie du xx- sicle en raison de l'mergence du point de vue frquentiste. Toutefois, l'approche baysienne bnficie depuis quelques annes d'un regain d'intrt, pour des raisons aussi bien philosophiques que pratiques. Pour un baysien, ce qui nous fait dire quune pice de monnaie a une chance sur deux de tomber sur pile nest pas (ou pas seulement) l'exprience, mais aussi une opinion a priori: le fait que la pice ait une forme symtrique, ou que rien , dans le lancer, ne "favorise l'une ou l' autre des faces. Le point de vue baysien accepte et intgre dans les calculs ce genre d'estimations fondes sur l'opinion de celui qui tudie. Les baysiens considrent qu'ils tirent ainsi profit des connaissances dj disponibles sur la situation, l o les frquentistes voient que l'irruption d'une subjectivit malvenue. Si les deux points de vue conduisent une manire quelque peu diffrente de faire des statistiques, elles n'en fournissent pas moins des rsultats qui, bien souvent, sont similaires. On observe toutefois, dans certains cas, des divergences spectaculaires, qui nourrissent le dbat. Le GIEC est-il frquentiste ou baysien? Selon le rapport du GIEC, les degrs de confiance (premire table) sont appropris [l]orsque l'valuation de l'incertitude est plutt quantitative et fonde sur un avis autoris quant l'exactitude des donnes, des analyses ou des modles utiliss. On peut considrer qu'il s'agit l d'un point de vue nettement baysien. Quant aux fourchettes de probabilit (seconde table), elles s'imposent, selon le GIEC, lorsque l'valuation de l'incertitude concerne des rsultats prcis et qu'elle est fonde sur un avis autoris et une analyse statistique d'une srie d'lments probants (par exemple des observations ou des rsultats de modles) . Se lit donc ici une sorte de mlange entre frquentisme et baysianisme. La diffrence entre les deux tables semble surtout tenir la ncessit, dans la seconde, d'avoir recours un point de vue au moins partiellement frquentiste. vrai dire, je doute que ces explications laconiques accompagnant les tables de conversion du rapport 2007 du GIEC aient effectivement permis ses lecteurs de percevoir la diffrence, subtile mais essentielle, entre les deux types d'expression. Quoi qu'il en soit, il pourrait sembler qu'il suffit aux carbocentristes d'embrasser la philosophie baysienne pour dfendre leur cause. En ralit, mme en admettant le principe de fixer des probabilits a priori partir de simples avis, le point de vue baysien ne permet pas de lgitimer les valeurs du GIEC. Pour dfinir ses probabilits a priori, le statisticien baysien dispose de deux moyens, qui peuvent bien sr se combiner. Le premier consiste dduire les probabilits d'un principe gnral, comme le principe d'indiffrence. Ce dernier postule qu'en l'absence d' information particulire, il n'y a pas lieu de distinguer entre diverses ventualits quivalentes. Par exemple, un baysien dira qu'une pice de monnaie a la mme probabilit a priori de tomber sur pile ou sur face, d'o il s'ensuit que chacune des faces a une probabilit de 50 % de sortir lors d'un lancer 1 Lorsque la situation est trop floue pour se prter ce type de calcul, l'autre moyen consiste s'en remettre l'opinion d'un ou plusieurs experts. C'est ce qu'voque le GIEC en parlant d'avis autoris. L'ide consiste runir une assemble de spcialistes sur un sujet donn; chacun d'eux prsente son avis et le confronte celui des autres et, l'issue de la discussion, l'on tente de dresser une liste de probabilits qui fait la part des choses. 1. Convenablement appliqu, le principe d'indiffrence permet d'obtenir, dans certains cas, des formules trs prcises, beaucoup plus subtiles que le simple exemple d'une pice de monnaie. Un vernis de probabilits Il ne saurait tre question de prendre ici parti pour le point de vue baysien ou frquentiste, mais, puisque seul le point de vue baysien peut ventuellement dfendre les probabilits du GIEC, il est logique de prendre une perspective baysienne pour tudier le problme. Or, mme si le point de vue baysien accepte d'intgrer la subjectivit d'un ou plusieurs experts dans des probabilits a priori, il ne prsage en rien de la fiabilit de ces experts.L'efficacit des mthodes baysiennes, par exemple en statistique mdicale, tient en bonne partie au fait que les probabilits a priori donnes par les experts sont celles de personnes qui disposent de connaissances suffisantes pour que leur avis soit effectivement porteur d'une certaine information. Ce n'est pas une confiance gratuitement donne, car le travail d'un statisticien baysien est loin de se rduire la compilation de votes d'experts: une fois collectes les probabilits a priori, tout un travail reste mener pour l'analyse des donnes issues des observations faites par ailleurs. C'est l'adquation des rsultats de ce travail avec la ralit tudie qui, dans certains cas, autorise penser que les experts initiaux ont effectivement apport une information utile. De mme qu'en l'absence de confrontation exprimentale une thorie scientifique ne peut avoir force de loi, en l'absence de confrontation statistique les avis d'experts ne peuvent avoir force de probabilit. Lorsque, mi-2008, des spcialistes annonaient que la banquise arctique avait 50 % de chances de fondre entirement la fin de l't, il s'agissait d'une affirmation laquelle nul statisticien, frquentiste ou baysien, ne pouvait donner le moindre sens. Il aurait fallu, dune manire ou dune autre, pouvoir tester plusieurs fois(pour un frquentiste),ou utiliser cette probabilit priori pour mener les calculs que lon aurait ensuite confronts des observations(pour un bayaisien).En loccurance, la seule chose quil a t possible de faire a t dattendre, pour finalement consstaterque la banquise est loin davoir fondu en 2008, finissant mme la saison en nette augmentation par rapport lanne prcdente.La cote des chevaux Du point de vue conceptuel, les probabilits donnes par les experts du GIEC peuvent se rapprocher des cotes des chevaux de course. Lors d'une telle course en effet, les turfistes donnent chacun leur avis et, mme si la course n'a lieu qu'une fois, il se dgage bien quelque chose comme des probabilits au travers des cotes des chevaux. Un cheval ayant de bonnes chances aura une cote faible (et rapportera donc moins au parieur qui aura gagn en misant sur lui), et inversement. Deux diffrences thoriques sparent toutefois la communaut des turfistes de celle des chercheurs du GIEC, les deux en dfaveur de la seconde. La premire est que, pour ce qui concerne le rchauffement, la course se destine se drouler sur plusieurs dcennies. Difficile, dans ces conditions, de savoir quel crdit accorder l'avis des experts: quels lecteurs vivront assez longtemps pour savoir si les annonces sur le climat en 2100 seront ralises? Le bilan des cotes n'est pas le bilan des courses: seul ce dernier permet de se faire une ide de la comptence des turfistes. La seconde diffrence dcoule de la premire: puisque, dans le cas du climat, nul tableau final ne saurait nous permettre de trancher dans un dlai raisonnable, l'intrt objectif des chercheurs n'est pas de faire les prvisions les plus exactes, mais bien celles qui seront les plus coutes (1). Alors que ce que gagne un turf ste est perdu par un autre, l es membres du GIEC ont un intrt commun: celui d'afficher la plus grande unit possible, pour assurer leur avis un rayonnement maximum. Le GIEC n'existe que parce que nous sommes censs avoir un problme: que le problme disparaisse, le GIEC disparait aussi", Dans ces conditions, se fier lavis de ses membres si honntes qu'ils soient, reviendrait se fier un vote d'experts thologiens pour dterminer la probabilit que Dieu existe et en dduire comment nous comporter face au pari pascalien. Bien sr, le procd consistant effectuer une synthse des avis des experts pour tirer des conclusions n'est pas condamnable en soi - il faut bien prendre des dcisions. Nanmoins, puisqu'il n'est pas rellement possible, en l'occurrence, de confronter l'avis de ces experts la ralit, mme statistique, il n'est pas fond de prtendre traduire ces avis en probabilits; Ils doivent tre compris. Pour ce qu'Ils sont: de Simples avis,'que 1 on peut esprer autorises mais dont nulle quantification probabiliste n'est lgitime. Il est bien connu que, dans notre univers mdiatique, les chiffres disposent (d'un pouvoir de conviction trs lev. Il est donc ncessaire de se montrer trs prudent avant d'y avoir recours. Utiliser des probabilits chiffres est sans doute efficace du point de vue mdiatique, mais le procd n'en est pas moins trompeur, Pour des raisons diverses, le grand public comprend en gnra trs mal ce que signifie une probabilit ; il est craindre que beaucoup de dcideurs considrent les probabilits du GIEC comme autant de preuves issues de calculs de la ralit du carbocentrisme. Il convient donc de prendre conscience du fait que l'valuation probabiliste de la fiabilit des annonces du GIEC n'est pas le rsultat de calculs: ils ne sont rien de plus qu'une manire d'exprimer une subjectivit collective, et il est illgitime d'accorder ces probabilits le prestige ordinairement attach aux chiffres en gnral.Une fois dbarrasss de ce vernis de chiffres, il reste encore important de s'interroger sur le degr de pertinence ventuel du point de vue des experts. Selon l'opinion de beaucoup de sceptiques, l'tat de nos connaissances sur le climat est encore trop fragmentaire pour que quiconque dispose d'un avis mritant le qualificatif d autoris 3Les divers points voques dans cet ouvrage me semblent clairement aller dans ce sens, mme si cela ne signifie pas, bien entendu, que personne ne serait comptent sur rien. 1. Je ne suggre ni de prs ni de loin une quelconque malhonntet: il ne s'agit ici que d'un intrt objectif, dont on ne peut nier la possible influence inconsciente. 2. Rappelons ici la mission officielle du GIEC : valuer, sans parti pris et de faon mthodique, claire et objective, les informations d'ordre scientifique, tech- nique et socio-conomique qui nous sont ncessaires pour mieux comprendre les fondements scientifiques des risques lis au changement climatique d'origine humaine, cerner plus prcisment les consquences possibles de ce changement et envisager d'ventuelles stratgies d'adaptation et d'attnuation. 3. Cette affirmation n'implique pas que les sceptiques en gnral (et l'auteur de ces lignes en particulier) seraient de meilleurs spcialistes que les carbocen- tristes. Elle se fonde simplement sur cette ide voque en avant-propos: face un pilote chevronn qui prtendrait aller sur la Lune avec un avion de ligne, chacun serait fond se montrer sceptique, y compris quelqu'un qui n' a jamais pilot un avion. Une lutte sans inconvnient? Finissons ce chapitre sur un point, souvent avanc dans le dbat, concernant les effets attendre d'une lutte contre le rchauffement climatique. Selon bien des promoteurs du carbocentrisme, une telle lutte ne prsenterait aucun inconvnient; certains soutiennent mme qu'elle aurait de grands effets collatraux positifs, par exemple sur la situation conomique. Certes, une lutte massive contre la crise climatique , mme vaine, aurait des effets positifs ici et l. Par exemple, David Evans a voqu, dans une prsentation de 2007, tout ce que l'affaire du carbo- centrisme lui a permis de faire comme travail utile dans le domaine de la modlisation de l'activit de la flore australienne. Comme n'importe quelle action grande chelle, la lutte contre le rchauffement se targuerait forcment d'au moins quelques retombes utiles. Malheureusement, il n'est pas possible de s'en tenir l: une telle posture reviendrait, dans le cadre du pari pascalien, supposer au dpart que le croyant rcuprait de toute faon davantage que sa mise, que Dieu existe ou pas. On voit mal, dans ce cas, o serait le pari . De mme, considrer comme allant de soi que les efforts consentir pour diminuer nos missions de gaz effet de serre seraient de toute faon bnfiques (indpendamment de l'impact sur le climat) relve d'un acte-de-foi, ~ Selon certaines estimations, le total des dpenses engages dans les recherches lies au carbocentrisme est de cinquante milliards de dollars sur une vingtaine d'annes, une somme dmesurment suprieure celle qui aurait t consacre aux sciences du climat dans un contexte normal. Et l'engagement n'est pas que financier, il a aussi mobilis un grand nombre de ressources essentielles: activits de laboratoires de recherche,ingnierie et ralisations industrielles ... autant d'efforts dont la possibilit n'est pas sortie du nant. Durant toutes ces annes, combien de projets scientifiques prometteurs n'ont pu tre raliss faute d'argent? Autre exemple: en juillet 2008, les pays du G8 (Allemagne, Canada, tats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie) ont annonc leur engagement de consacrer six milliards de dollars des fonds d'investissement pour le climat, l'un d'eux tant destin aider les pays pauvres s'adapter aux changements climatiques. Cet argent a t prlev sur des fonds initialement destins des programmes sanitaires et ducatifs pour ces pays. Celui qui s'alarme du rchauffement climatique pourra certes dfendre comme lgitimes de tels choix, arguant de ce que les contraintes budgtaires ainsi que l'arithmtique des souffrances imposent bien souvent des choix douloureux. Cet avis est dfendable, mais le point demeure: la lutte contre la crise climatique n'a rien de gratuit. Mme si certains choisiront toujours d'avoir tort avec Pascal plutt que raison avec Borel. La thorie des probabilits peut nous permettre de comprendre les lois du hasard, dfaut de les matriser. Dans certains cas, elle nous permet ce prodige: quantifier l'incertitude. Malheureusement, aussi bien pour la question de l'existence de Dieu que pour le systme climatique , nous ne sommes pas aujourd'hui dans l'incertitude, mais dans lignorance L' incertitude est l'tat o se trouve un joueur qui se demande quelles sont ses de gagner la roulette. L'ignorance est la situation d'un joueur qui se demande quelles sont ses chances un jeu dont il ne connat pas les rgles. Dans une telle situation, la merveilleuse gomtrie du hasard n'est d'aucun secours. Nous pouvons habiller notre ignorance des atours de la thorie des probabilits. Nous pouvons recouvrir nos terra incognita de chiffres et de pourcentages. Nous pouvons dguiser nos questions en thormes. Mais nous ne disposons pas du pouvoir de faire en sorte que ces atours, ces maquillages dguisement sincarnent dans le rel.Dcor des plus belles constructions mathmatiques, l'ignorance n'en reste pas moins dsesprment ce qu'elle est.RFRENCES BIBLIOGRAPHIQUES La citation d'Alain est tire d'un texte intitul Science et Culture , crit le 17 mars 1922. Les Propos d'Alain ont t rassembls et publis par Gallimard en 1956 (la citation se trouve en page 374). L'ensemble des crits de Pascal, des Penses aux uvres mathmatiques, ont t rassembls dans uvres compltes, Gallimard, 1936. La rfrence exacte de la note d'mile Borel est: Sur les probabilits dnombrables et le pari de Pascal, Comptes rendus de l'Acadmie des sciences, 224, p. 77-78,1947. On trouve par exemple sur le site carbocentriste de rfrence, Manicore, de Jean-Marc Jancovici, un renvoi assum au pari pascalien: http://www. manicore.com/documentation/serre/certitude.html Lors d'une intervention en sance plnire du Parlement europen de Strasbourg, le 24 novembre 2009, la dpute britannique Caroline Lucas a utilis une version du pari pascalien pour dfendre sa vision d'une politique climatique europenne (voir http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc. do?pubRef=-IIEPlfTEXT +CRE+20091124+ITEM-003+DOC+XML+ VOII FR&language=FR&query=INTERV &detail=2-079). Le 3 dcembre 2009, Thomas Friedman, ditorialiste au New York Times, a prsent sur la chaine de tlvision CNN une dfense du carbocen- trisme identique en tout point au pari pascalien (voir http://www.eyeblast. tv/public/video.aspx?v=GdaG8z4z4z). Entre autres exemples, un alarmiste du climat en herbe, parieur pas- calien qui s'ignore, a mis sur internet (en anglais) une vido, la forme plutt plaisante, dont le fond ne fait que dfendre les erreurs les plus clas- siques fondes sur le pari : http://fr.youtube.com/watch ?v=zOR v8wwiadQ&NR= 1 http://fr.youtube.com/watch ?v=AE6Kdo 1 AQm Y &NR= 1 La liste complte des choses causes par le rchauffement climatique du site internet Number Watch se trouve l'adresse http://www.number- watch.co.uk/warmlist.htm. Une traduction franaise se trouve sur le site Skyfal (voir http://skyfal.free.frl?page_id=7). Une amusante prsentation vido de cette liste est disponible sur le site YouTube (http://www.youtube. com/watch ?v=KLxicwiBQ7Q&W=fr). Redonnons l'adresse internet du GIEC, laquelle se trouve son rapport de 2007 en intgralit, ainsi que le guide pour la dtermination des incer- titudes: http://www.ipcc.ch/ Il existe de nombreux-textes discutant des mrites compars du fr- quentisme t du aysianisme. Une tude de Jordi Vallverd (universit autonome de Barcelone), The False Dilemma: Bayesian vs. Frequentist , proposant une synthse de la situation actuelle du dbat, est parue en 2008 dans E-Logos Electronic Journal for Philosophy, disponible sur internet l'adresse http://e-Iogos.vse.cz/index.php?article=196 Le texte de David Evans o il explique combien l'affaire du rchauf- fement climatique lui a permis de faire un travail qu'il considre comme utile se trouve sur le site du Groupe Lavoisier: http://www.lavoisier.com. au/articles/climate-policy /science-and-policy IDEvans2007 . pdf Une traduction franaise est parue sur le site Skyfal: http://skyfal.free. frl?p=262 Sur la dcision du G8 de raffecter des fonds l'adaptation aux chan- gements climatiques des pays pauvres, voir http://www.irinnews.org/fr/ ReportFrench.aspx ?ReportID= 79214