LE MYTHE DE NAPOLEON…

Il est rarement donné d’ assister à la formation d’un mythe, d’en suivre les étapes jusqu’à l’épanouissement final et d’en donner une explication logique comme c’est le cas de Napoléon, personnage historique et mythique à la fois. Il y a, dans toute genèse de cet ordre, un élément irrationnel qui brouille les pistes et cache des zones d’ombre étendues.

Ulysse,Tristan, Don Juan: voilà des personnages qui n’ont pu accéder de la même façon que Napoléon à l’état mythique parce qu’ils échappaient en partie à l’historien, car plus que du mythe, ils participent de l’ “épos”.

Notons au demeurant que les “méchants” passent plus volontiers au stade du mythe que les “bons” qui accèdent, eux, à la sainteté.

Attila est resté dans l’imagination à cause des ravages qu’il aurait exercé sur l’herbe de l’Europe occidentale: on a, en revanche, oublié Louis-Philippe car il préférait le parapluie au sabre.

“Quand on dit d’un roi qu’il est bon, notait Napoléon, le règne est manqué”.

A la limite c’est probable la postérité. Napoléon est le premier de nos mythes modernes et avec lui le mystère n’a plus de place.

Nous ne savons rien de Roland; rien ne nous est étranger de Napoléon. Ses écrits, les témoignages de ses contemporains, les archives de son administration, nous sont tous parvenus.

Une surabondante bibliographie lui a été consacrée et la foule qui se presse aux Invalides pour contempler son tombeau n’ignore rien des ses amours avec Joséphine ou de sa mort dans l’Ile de Sainte-Hélène.

Et pourtant, tous les artistes, tous les écrivains, de DAVID, à GROS, HOFFMANN, BEETHOVEN, CANOVA, jusqu’à TOLSTOI ont été attirés par lui.

Napoléon était petit, maigre, aux longs chevaux tombant sur le cou; une énergie hors du commun.Au delà de son physique, il éclaire les précédents de Charlemagne et de Louis XIV; il pourrait aussi, si l’on veut, annoncer Hitler et Staline. Au Napoléon de l’histoire - auquel de Thiers à Louis Madelin on a voué tant de savantes pages fondées sur de minutieuses recherches - vient s’ajouter une figure historique qui sert de véhicule à toutes les idéologies et à tous les messages.Bonaparte s’était fait le maître du monde avec son épopée et pourrait symboliser aussi le danger totalitaire.

Il n’est jamais facile de forger consciemment un mythe parce que les mythes naissent, en réalité, de façon spontanée.Son propre mythe échappe à Napoléon. En 1814,il n’apparaît plus comme l‘Empereur mais comme l’ogre. Les abus de la conscription ont favorisé dans les campagnes la diffusion de l’image du Minotaure dévorant son contingent de jeunes fixé. L’intérêt politique coïncide avec le sentiment populaire pour imposer de lui une image en creux, un mythe satanique.

La Restauration fit regretter Napoléon: ouvriers victimes d’une misère due aux effets de la Révolution industrielle, paysans inquiets devant le retour des anciens propriétaires de biens nationaux, fonctionnaires sans poste. Ce renversement de conjoncture transformait l’Empire en un véritable age d’or.Ce qui confirme la conclusion évoquant Napoléon dans une île déserte jusqu’à ce que “l’homme rouge” vienne le délivrer.

Napoléon était un homme qui avait dominé la scène du monde pendant quinze ans, qui piquait les curiosités et stimulait les imaginations. …

N’oublions pas que la Grande Armée était une armée nationale, formée essentiellement des paysans et d’ouvriers à qui Napoléon avait dédié la fondation de journaux exaltant le chef et son armée dès le première campagne d’Italie

Napoléon est un mythe parce ce qu’il incarne la volonté de puissance. Cette volonté de puissance que la propagande bonapartiste a mis en lumière du vivant même de Napoléon.

Il est des hommes qui paraissent à certaines époques pour fonder, détruire ou réparer les Empires. Napoléon est le symbole de l’action: il a vécu de la vie de l’Europe, il s’est inoculé des armées et de la gloire.

LE MYTHE AUJOURD’HUI

Le mythe de n ne c’est pas démodé et aujourd’hui encore il continue de nous fasciner. Deux épreuves de cette étonnante modernité sont le cinéma et la publicité. La publicité a absorbé à son tour le mythe du cognac au fromage, l’industrie alimentaire ne dédaigne pas l’imagerie napoléonienne. Plus encore qu’une nudité féminine, l’impériale figure de Napoléon conserve son pouvoir attractif, elle force le regard et finit par subjuguer le consommateur.

Bonaparte vole comme l’éclair et frappe comme la foudre…. Il est partout et il voit tout.La force d’organisation qui lui est propre permet de voir au delà de toutes les affaires en traitant chaque affaire….Le portrait physique se complète d’un portrait moral.

Bonaparte vole comme l’éclair et frappe comme la foudre…. il est partout et il voit tout…. La force d’organisation qui lui est propre permet de voir au delà de toutes les affaires en traitant chaque affaire.Le portrait physique se complète d’un portrait moral.

BibliographieBibliographie

 P. BARBERIS: « Napoléon,structure et signification d’un mythe littéraire » - revue d ‘histoire littéraire de la France, 1970.

J. LUCAS-DUBRETON: « Le Culte de Napoléon »

Paris - Albin Michel, 1960

J. TULARD: « Le Mythe de Napoléon »

Paris - Armand Colin,1971

« Napoléon, mythe cinématographique »

Commentaire, 1979/’80