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Le partenariat « public-privé » dans les ports maritimes · Robert RÉZENTHEL Docteur en droit, chargé de cours de droit portuaire dans les facultés de droit de Lille 2, Brest,

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Page 1: Le partenariat « public-privé » dans les ports maritimes · Robert RÉZENTHEL Docteur en droit, chargé de cours de droit portuaire dans les facultés de droit de Lille 2, Brest,

Robert RÉZENTHELDocteur en droit, chargé de cours de droit portuaire dans les facultés de droit

de Lille 2, Brest, Nantes, Aix-en-Provence.Depuis le début de sa carrière, a suivi les affaires juridiques et le contentieux des ports

à Boulogne-sur-Mer, au ministère des Transports, et à Dunkerque.Secrétaire général de l’association internationale des juristes portuaires (LEGIPORT) de 1994 à 2003.

Auteur de nombreuses publications dans les revues juridiques notamment :AJDA, RFDA, Gazette du Palais, Le droit maritime français..., ainsi que quatre fascicules

dans les Juris-classeurs. Coauteur avec le professeur Jean-Marie Bécetdu « dictionnaire juridique des ports maritimes et de l’environnement littoral » (PUR)et de « Droits maritimes » sous la direction du professeur Jean-Pierre Beurier (Dalloz).

Le partenariat « public-privé »dans les ports maritimes

Les ports maritimes sont des infrastructures de transport mal connues nonseulement des juristes, mais également du grand public, alors que ce typed’équipement permet le transit de plus de la moitié du commerce exté-rieur de la France. La concurrence est de plus en plus rude entre les portsde l’Union européenne, et le régime de la domanialité publique aconstitué un handicap pour l’implantation d’entreprises dans les zonesportuaires françaises. Certes, ce motif n’était pas le seul à justifier le retardpris par nos ports eu égard à leurs concurrents, mais il y a contribué demanière significative tant la conception extensive de la domanialitépublique a freiné les investissements privés.

Sans attendre l’ordonnance nº 2004-559 du 17 juin 2004 relative aux contratsde partenariat, les gestionnaires des ports maritimes autonomes essentiel-lement exposés à la concurrence ont imaginé des solutions pour encou-rager les opérateurs privés à investir sur leur domaine. Ils ont utilisé au mieuxla relative souplesse que leur permettait la jurisprudence administrative pourla gestion du domaine portuaire, et ont intégré les opérateurs par le biaisde l’actionnariat ou de prise de participation dans des groupementsd’intérêt économique. Le législateur a récemment encouragé la coopé-ration à terme entre les autorités portuaires et les entreprises du secteurprivé dans la gestion des concessions à travers les sociétés portuaires.

Il est intéressant de noter dans l’avis du Comité économique et social del’Union européenne sur le rapport du « groupe à haut niveau (mai 1997)sur le financement des projets du réseau transeuropéen de transport parle biais d’un partenariat public-privé » que : « le rapport insiste sur le faitque l’objectif des partenariats "public-privé" n’est pas simplement demobiliser des ressources de financement complémentaires en période derestriction des finances publiques. Il est en effet tout aussi important d’amé-liorer la fiabilité financière d’un projet en associant les atouts du privé etdu public : l’expérience du secteur public en matière de gestion des infras-tructures, l’esprit d’entreprise et les talents commerciaux et financiers dusecteur privé » (1).

En droit interne, la plupart des contrats de partenariat devraient concernerl’occupation du domaine public, en raison de la finalité des opérationsen cause. Malgré une rigidité de principe, la domanialité publique tendde plus en plus à s’adapter aux préoccupations des investisseurs privés.

LES OPPORTUNITÉSDE LA DOMANIALITÉ PUBLIQUE

Si l’article 538 du Code civil, aujourd’hui abrogé, classait les ports dans ledomaine public, ce principe devait s’apprécier (2) à la lumière du sens

donné à cette notion en 1804. La limite administrative d’un port maritimeou la limite de la circonscription d’un port autonome n’ont jamais eu pourobjet ni pour effet d’incorporer les terrains et ouvrages qui y étaient inclusdans le domaine public, sous peine de réaliser à certains égards uneexpropriation indirecte prohibée par la jurisprudence judiciaire (3).

Les contraintes de la domanialité publique

Certes, le Conseil d’Etat avait donné une portée extensive à la domanialitépublique dans les zones portuaires avec l’arrêt « Société Le Béton » (4),mais ayant conscience de la nécessité de favoriser l’implantation d’entre-prises industrielles dans les zones portuaires, il a admis, dans un avis de sonassemblée générale du 16 octobre 1980 que le gestionnaire d’un portpouvait déclasser (5) le domaine public portuaire pour y autoriser desaménagements industriels.

Avant même la loi nº 94-631 du 25 juillet 1994 permettant la reconnaissancede droits réels sur le domaine public, et malgré une jurisprudence rigou-reuse (6) du Conseil d’Etat considérant que l’existence des ces droits étaitincompatible avec le régime de la domanialité publique, certains gestion-naires de ports autonomes ont reconnu depuis longtemps un droit depropriété aux occupants du domaine public sur les ouvrages qu’ils yavaient réalisés. Cette démarche était susceptible d’engager la respon-sabilité de leur établissement en cas de contentieux devant les juridictionsadministratives ; encore que rétrospectivement on peut estimer que lerisque était très limité, car à propos d’une occupation du domaine publicdans le port de Boulogne-sur-Mer, le Conseil d’Etat a reconnu (7), avantl’intervention du législateur, que l’occupant était propriétaire de ses

(1) Avis du 25 février 1998 du Comité économique et social sur la « Communicationde la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique etsocial et au Comité des régions relative au financement de projets du réseau tran-seuropéen de transport par des partenariats entre le financement de projets duréseau transeuropéen de transport par des partenariats entre le secteur public etle secteur privé », JOCE nº C 129 du 27 avril 1998, p. 58.(2) « Les ports maritimes et le bicentenaire du Code civil », R. Rézenthel, DMF 2004,p. 78.(3) Cass., Ass. plén., 6 janvier 1994, Bull. Ass. plén., nº 1, JCP 1994, II, éd. N, p. 150,concl. avocat général Jéol, JCP 1994, I, éd. G, 3750, nº 2, obs. Perinet-Marquet. LaCEDH réprouve également l’expropriation indirecte en considérant qu’elle estcontraire au premier paragraphe de l’article premier du Protocole nº 1 à la Conven-tion européenne de sauvegarde des libertés et des droits de l’homme (CEDH, 30 mai2000, Belvedre Alberghiera Srl c/ Italie, req. nº 31524/96(4) CE, sect., 19 octobre 1956, Société Le Béton, Rec. p. 375, D. 1956, J, p. 681, concl.Long, JCP 1957, II, G, 9765, note Blaevoët.(5) Avis CE, Ass. gén., 16 octobre 1980, RDI 1981, p. 309.(6) CE, 5 mai 1985, Association Eurolat, Crédit foncier de France, Rec. p. 141.(7) CE, 23 juin 1993, Société industrielle de constructions et réparations, req.nº 111569.

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ouvrages pendant la durée de l’autorisation domaniale. Ultérieurement,la Haute Juridiction a précisé que ce droit de propriété ne pouvait êtreadmis que pour des ouvrages ne participant pas directement à l’exercicede missions de service public (8).

Aujourd’hui, le Code général de la propriété des personnes publiques aétendu la reconnaissance de droits réels sur le domaine public portuairequel que soit le statut de l’entité publique (9) propriétaire ou gestionnaire.Un progrès significatif a été réalisé grâce à l’ordonnance nº 2006-460 du21 avril 2006 relative à la partie législative du code susvisé, mais la portéede ces droits demeure limitée. Ils ne peuvent ainsi être utilisés que pourpermettre le financement de travaux de construction ou de remise enétat d’ouvrages situés sur la dépendance du domaine occupé, c’est-à-dire que les entreprises portuaires disposant de succursales dans d’autresports ou infrastructures de transport ne peuvent pas recourir librement aucrédit hypothécaire pour le financement de travaux réalisés ailleurs.

On peut craindre que la définition du domaine public maritime artificieldonnée par l’article L. 2111-6-2º du Code général de la propriété despersonnes publiques se référant à l’existence de biens immobiliers concou-rant au fonctionnement d’ensemble des ports maritimes donne lieu à uneinterprétation jurisprudentielle extensive de la domanialité publique por-tuaire, alors que la définition générique du domaine publique vise (10)seulement, outre l’affectation des biens à l’usage du publique, les amé-nagements indispensables à l’exécution des missions de service public.

Un régime domanial innovant

Outre les garanties accordées aux investisseurs sur le domaine public por-tuaire, les conditions d’occupation de celui-ci sont également détermi-nantes pour présenter un caractère attractif pour les opérateurs privés.Les concessions d’outillage public constituent un mode de délégation deservice public qui présente l’inconvénient de limiter la liberté de gestiondes concessionnaires, circonstance qui les pénalise par rapport aux opé-rateurs privés exerçant leurs activités dans les ports de l’Europe du Nord.Le port autonome de Dunkerque, confronté à une très forte concurrencedes ports voisins belges et néerlandais, partant de l’idée qu’en droit fran-çais, la liberté constitue le principe et l’interdiction n’est qu’une excep-tion (11), a élaboré un régime de convention d’exploitation de terminalreconnaissant une liberté de gestion aux opérateurs dans le respect desobjectifs fixés par la convention. Cette solution est reprise aujourd’hui dansle Code des ports maritimes (12).

La convention type d’exploitation de terminal (13) prévoit que le portautonome peut mettre à la disposition de l’opérateur des terrains faisantpartie du domaine public ou du domaine privé, et divers aménagementset outillages publics. Si cette mise à disposition ne confère pas de droitsréels semblables à ceux inhérents aux baux à constructions ou emphytéo-tiques, en revanche, des droits réels peuvent être reconnus sur les ouvrageset aménagements financés et réalisés par l’opérateur, dans les conditionsfixées par le Code général de la propriété des personnes publiques.

De manière à permettre aux exploitants portuaires d’exercer leurs activitésseulement avec leur propre personnel, le port autonome de Dunkerquea pris des participations dans les entités de droit privé gérant deux de sesterminaux, afin de manifester son soutien au personnel qui acceptait dedémissionner de l’établissement public pour être salarié de l’entreprisegérant le terminal. Un accord social complétait le dispositif.

Cette coopération entre le secteur public et le secteur privé connaît, dansles ports d’intérêt national en cours de transfert aux collectivités territorialesou leurs groupements, une autre forme de partenariat avec la créationde sociétés portuaires.

LA PRISE DE PARTICIPATIONDANS LES ENTREPRISES PORTUAIRES

S’il est permis aux établissements publics portuaires de prendre une parti-cipation dans le capital d’entreprises privées afin de réaliser des place-ments financiers, la situation s’avère complexe lorsque les entreprisesconcernées occupent également le domaine public et qu’elles ont laqualité d’usager des services publics portuaires. Se pose la question des

conditions de représentativité tant des administrateurs au sein du conseild’administration de l’établissement public que des représentants de cettestructure dans les conseils d’administration ou les assemblées généralesd’actionnaires des sociétés dont le port autonome détient des participa-tions dans le capital social.

Les conditions de la représentativitéet de contrôle

La position de certains usagers est délicate lorsqu’ils ont la qualité d’admi-nistrateur d’un port autonome. Dans cette hypothèse ils ne sont pas action-naires, ils sont désignés en raison de leur compétence ou de la représen-tativité d’une catégorie professionnelle intervenant sur le port, et ils sontqualifiés d’agents du Gouvernement, ce qui leur interdit de bénéficierd’une situation privilégiée ou d’avantages indus de la part de l’établisse-ment public. Si tel était le cas, ils pourraient être condamnés pour priseillégale d’intérêts (14). Afin de limiter ce risque, chaque administrateur doitinformer le commissaire du Gouvernement si, lui-même, son conjoint ouses enfants mineurs détiennent des actions d’entreprises relevant de caté-gories déterminées par un arrêté ministériel (15).

La représentation d’un port autonome au sein d’un conseil d’administra-tion ou d’une assemblée générale d’une société dont l’établissementpublic est actionnaire n’est pas adaptée à la réactivité qu’implique unetelle fonction. En effet, il résulte de l’article R. 113-3 du Code des portsmaritimes que les décisions relatives à « l’approbation des prises, cessionsou extensions des participations financières » par l’établissement ne peu-vent faire l’objet d’aucune délégation de la part du conseil d’administra-tion. Les positions prises par son représentant lors des débats ne pourrontêtre retenues que sous réserve de l’accord dudit conseil.

Par ailleurs, la stratégie des ports autonomes se trouve encadrée par lesprescriptions et le contrôle de l’ « Agence des participations de l’Etat » (16).Il s’agit d’un service à compétence nationale du ministère de l’économie,des finances et de l’industrie, qui veille à la protection « des intérêts patri-moniaux de l’Etat, la mission de l’Etat actionnaire dans les entreprises etorganismes contrôlés ou détenus, majoritairement ou non, directement ouindirectement, par l’Etat », y compris dans les entreprises filiales des orga-nismes étatiques que sont les ports maritimes autonomes.

Le partenariat avec les entreprises du secteur privé peut intervenir sous laforme d’une participation à un groupement d’intérêt économique. Ainsi,à Dunkerque, le port autonome a adhéré au GIE « Sea Bulk » titulaire d’uneconvention d’exploitation de terminal.

En tout état de cause, il résulte de l’article 2 du décret nº 53-707 du 9 août1953 modifié relatif au contrôle de l’Etat sur les entreprises publiques natio-nales et certains organismes ayant un objet d’ordre économique ou socialque : « les cessions, prises ou extensions de participation financière réaliséespar les organismes contrôlés en vertu du présent décret ou en applicationdes régimes spéciaux mentionnés à l’article premier sont approuvées parun arrêté conjoint du ministre de l’Economie et des Finances et du ou desministres intéressés qui en précise le montant en valeur absolue et enpourcentage ». Ainsi, outre le respect des conditions fixées par l’Agencedes participations de l’Etat, les prises ou extensions de participation finan-cière réalisées par un port autonome doivent être approuvées nonseulement par le conseil d’administration, mais de surcroît, par l’autoritéministérielle. Toutefois, lorsque cette participation est inférieure à unmillion d’euros, l’approbation ministérielle est réputée acquise à défaut

(8) CE, 21 avril 1997, Ministre du Budget c/ Société Sagifa, recours nº 147602, Dr.adm. 1997, nº 316, note C. Lavialle, RFDA 1997, p. 935, note E. Fatôme et Ph. Terneyre.(9) La reconnaissance de droits réels par le Code général de la propriété despersonnes publiques concerne le domaine public de l’Etat (art. L. 2122-6), de sesétablissements publics (art. L. 2122-14), des collectivités territoriales et de leurs grou-pements (art. L. 2122-20).(10) Art. L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques.(11) CE, sect., 10 août 1917, Baldy, Rec. p. 638, concl. Corneille.(12) Art. R. 115-7-III et R. 115-14 du Code des ports maritimes.(13) Cette convention type est annexée au décret nº 2000-682 du 18 juillet 2000.(14) Cass. crim., 21 novembre 2001, L-K U, pourvoi nº 00-87532.(15) Arrêté interministériel du 2 mars 1999, JO du 13 mars 1999, p. 3777.(16) Décret nº 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création de l’Agence desparticipations de l’Etat.

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d’opposition (17) du ministre chargé des Ports maritimes ou du ministre del’Economie, des Finances et de l’Industrie dans le délai de deux mois à lasuite de leur saisine, si l’établissement principal de l’entreprise concernéeest implanté dans un des départements de la région où est situé le portautonome.

La création de sociétés portuaires

Lorsque le service public et la domanialité publique sont concernés, il estpeut-être difficile de prendre en compte le droit communautaire. C’estpourtant devenu un exercice incontournable, cette branche du droitcontribue d’ailleurs à stimuler la libéralisation de la gestion portuaire. LaCour de justice des Communautés considère ainsi que la gestion d’un portne constitue pas nécessairement un service d’intérêt économiquegénéral (18), et ne donne pas systématiquement lieu à des missions deservice public (19). A fortiori, les opérations de manutention portuaire nesont que des activités économiques qui n’impliquent pas la mise en œuvrede prérogatives de puissance publique, alors que le Conseil d’Etat estimequ’il s’agit d’un élément du service public (20).

Selon la jurisprudence communautaire, si les concessions ne sont pas sou-mises aux règles des marchés publics, en revanche, elles doivent donnerlieu à une mise en concurrence et respecter le principe de transpa-rence (21).

Pour les ports maritimes soumis au régime de la décentralisation résultantde la loi nº 2006-809 du 13 août 2004 modifiée, le législateur permet auxétablissements publics concessionnaires de l’outillage public portuaire decréer, avec l’accord de l’autorité concédante, une société portuaire.C’est-à-dire que la concession est cédée ou fait l’objet d’un apport ensociété. Il résulte en effet de l’article 35 de la loi nº 2006-10 du 5 janvier2006 relative à la sécurité et au développement des transports que : « I. Pardérogation aux articles L. 2253-1, L. 3231-6, L. 4211-1 et L. 5111-4 du Codegénéral des collectivités territoriales, les collectivités territoriales et leursgroupements peuvent prendre des participations dans des sociétés dontl’activité principale est d’assurer l’exploitation commerciale d’un ou plu-sieurs ports visés au I de l’article 30 de la loi nº 2004-809 du 13 août 2004relative aux libertés et responsabilités locales lorsqu’au moins l’un d’entreeux se trouve dans leur ressort géographique. / II. Dans un délai de troisans à compter de la publication de la présente loi, la collectivité territorialepropriétaire d’un port visé au I de l’article 30 de la loi nº 2004-809 du 13 août2004 précitée peut, à la demande du concessionnaire du port, autoriserla cession ou l’apport de la concession à une société portuaire dont lecapital initial est détenu entièrement par des personnes publiques, dontla chambre de commerce et d’industrie dans le ressort géographique delaquelle est situé ce port. Un nouveau contrat de concession est alorsétabli entre la collectivité territoriale et la société portuaire pour une duréene pouvant excéder quarante ans. Ce contrat précise notamment lesengagements que prend la société portuaire en termes d’investissementset d’objectifs de qualité de service ».

Deux remarques doivent être faites à propos de ces sociétés, d’une part,la loi consacre la reconnaissance de la valeur patrimoniale des conces-sions portuaires, et d’autre part, si le capital initial doit être totalementdétenu par des personnes de droit publique, en revanche, il n’est pasexclu qu’à terme, le capital soit ouvert aux investisseurs privés (22). Enpratique, les concessions accordées notamment aux chambres de com-merce et d’industrie pourront être transférées à des sociétés d’économiemixte. Indépendamment du sérieux doute que l’on peut avoir sur la com-patibilité de cette solution avec le droit communautaire (23), il s’agit del’amorce d’une ouverture vers un partenariat avec le secteur privé dansce domaine.

Cette ouverture justifie-t-elle encore le recours aux contrats de partenariatrésultant de l’ordonnance nº 2004-559 du 17 juin 2004 ?

Avant de répondre à cette question, il faut observer une évolution inté-ressante de la jurisprudence concernant le régime juridique des biensaffectés au fonctionnement du service public. La domanialité publiquen’est pas indispensable comme support des biens affectés au servicepublic (24). Le Conseil constitutionnel qui a jugé que l’appartenance au

domaine public de tels biens n’est pas constitutionnellement obliga-toire (25), considère néanmoins que la protection de la continuité du ser-vice public doit être assurée notamment par l’opposition de la part del’Etat à toute forme d’aliénation d’un bien affecté au service public. Dèslors, les mécanismes de droit privé ne sont pas nécessairement adaptésau régime de gestion et de disposition de ces biens. Il convient d’ailleursde noter que le recours au crédit-bail ne peut pas être utilisé (26) dans lesports maritimes pour le financement des ouvrages affectés à un servicepublic et faisant l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécutiondes missions de ce service ou affecté directement à l’usage du public.Toutefois, la conclusion de contrats de crédit-bail au bénéfice d’orga-nismes dans lesquels l’Etat ou l’établissement public gestionnaire dudomaine apporte un concours financier ou détient, directement ou indi-rectement, une participation financière permettant d’exercer un pouvoirprépondérant de décision ou de gestion est soumise à un agrément del’Etat. Le recours au crédit-bail est possible pour le financement d’unouvrage dans le cadre d’un contrat de partenariat « public-privé » (27).

Pour la construction de ports de plaisance, la réalisation des ouvragesd’infrastructure est parfois intervenue sur des terrains privés et selon unrégime de financement privé, mais ces ouvrages ont été dans la plupartdes cas intégrés dans une concession et sont devenus des biens de retourfaisant partie du domaine public (28). Si pour cette catégorie de ports lelégislateur a imposé (29) l’incorporation des ouvrages dans le domainepublic, en revanche, ce n’est pas le cas pour les ports de commerce etde pêche, dans lesquels des quais privés peuvent être construits. Ilconvient de préciser que l’existence d’aménagements privés n’a pasd’incidence sur le statut juridique du port (30).

En pratique, le contrat de partenariat « public-privé » ne présente qu’unintérêt très limité pour les ports maritimes. En effet, l’objectif des partenairesprivés souscrivant à ce type de contrat est principalement d’ordre finan-cier, alors que l’autorité portuaire recherche avant tout des opérateurscapables de développer le trafic maritime.

La réglementation sur les marchés publics n’est d’ailleurs pas adaptée àla sélection des candidats, ni à l’organisation d’un mode d’exploitationdes ports maritimes. De plus, comme le souligne le professeur Lorrens, « lespersonnes privées chargées d’une mission de service public ne sont pasincluses dans le champ d’application de l’ordonnance » (31). Il ajoute que« en dépit de son statut dont il se trouve désormais doté, le montagecontractuel de partenariat reste encore à construire ». S’il n’est pas adaptépour la réalisation des ouvrages d’exploitation portuaire, on pourrait l’envi-sager, le cas échéant, pour le financement d’infrastructures non rentables,comme les jetées. Mais en raison de la nature de ce type d’ouvrage, onpeut douter de l’attractivité de ce mode de financement.

Pour être efficace, le partenariat « public-privé » doit donner lieu à unecoopération dépassant le seul aspect financier, et qui se prolonge dansle temps. C’est en tout cas une nécessité pour les ports maritimes quiconnaissent une constante mutation sous la pression de la concurrenceet du développement du commerce international.

(17) Arrêté interministériel du 25 juin 2001, JO du 19 juillet 2001 (arrêté pris en appli-cation de l’art. R. 114-6 du Code des ports maritimes).(18) CJCE, 17 juillet 1997, GT-Link, aff. nº C-242/95, Rec. p. I-4449, point 52.(19) CJCE, 27 novembre 2003, Enirisorse, aff. nº C-34/01 à C-38/01, point 33.(20) CE, sect., 5 mai 1944, Compagnie maritime de l’Afrique orientale, Rec. p. 129.(21) CJCE, 6 avril 2006, Associazione nationale autotrasports Viaggiatori, aff.nº C-410/04, point 22.(22) « La société portuaire : une société qui déroge ! », R. Rézenthel, JMM du 6 janvier2006, p. 6.(23) « Les sociétés portuaires et aéroportuaires et le droit communautaire », F. Van-torre et R. Rézenthel, DMF 2006, p. 637.(24) « Le régime juridique des biens affectés au service public », E. Fatôme, AJDA2006, p. 178.(25) Cons. const., décis. nº 2005-513 DC du 14 avril 2005 concernant la loi relativeaux aéroports ; Cons. const., décis. nº 96-380 DC du 23 juillet 1996, à propos de laloi sur l’entreprise nationale France Télécom, AJDA 1996, p. 696, obs. O. Schrameck.(26) Art. L. 2122-13 du Code général de la propriété des personnes publiques.(27) Art. L. 2122-16 du Code général de la propriété des personnes publiques.(28) Cass., 1re Ch. civ., 10 juin 1992, Association syndicale des propriétaires de la citélacustre de Port-Grimaud 1, pourvoi nº 87-16075.(29) Art. L. 341-7 du Code du tourisme.(30) CE, 4 décembre 1995, Commune d’Hyères, req. nº 124977.(31) « Les contrats de partenariat », F. Lorrens, RJEP/CJEG 2004, p. 511.

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