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Le poker, au-delà du hasard Specimen Avertissement L’ensemble de ce texte, début du livre, est la proprité exclusive de PRAXEO. Il est diffusé à usage consultatif exclusif La diffusion est autorisée à usage privé. Ne pas publier (notamment sur des blogs ou sites web autres que clubpoker.net), sans l’accord de l’éditeur. Pour tout renseignement, contacter [email protected] Merci Alexis Beuve

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Le poker, au-delà du hasard

Specimen

Avertissement

L’ensemble de ce texte, début du livre, est la proprité exclusive de PRAXEO.

Il est diffusé à usage consultatif exclusif

La diffusion est autorisée à usage privé.

Ne pas publier (notamment sur des blogs ou sites web autres que clubpoker.net), sans l’accord de l’éditeur. Pour

tout renseignement, contacter [email protected]

Merci

Alexis Beuve

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2 SPECIMEN © PRAXEO 2008 – reproduction interdite

Création – Image de couverture :

Etienne Carpentier

Première édition 2008

PRAXEO Éditions 41, boulevard d’Argenson

92 200 Neuilly-sur-Seine

ISBN 2-9520472-2-7 EAN 9782952047227

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Alexis Beuve

Le poker au-delà du hasard hold ’em no limit

© PRAXEO 2008

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Sommaire

Petit poker entre amis 6 Ludo rencontre un coach et deux experts : un mathématicien et un financier. Ils s’engagent à lui délivrer tout leur savoir.

Section 1 (chapitres 2 à 6) – POKER 3D 15

Les dimensions du poker : technique, finance, humain. Réconciliation avec le hasard, puis avec les probabilités, l’approche financière risque/ profit/volatilité. Montez des produits financiers avec deux As. Apprenez à ne pas perdre d’argent avec une paire d’As au bouton. Le rôle de l’inconscient dans les décisions et le jugement.

Section 2 (chapitres 7 à 15) – ALEA ♣ VERITAS 87

« Cards speak! ». Les cartes délivrent des messages qu’il faut savoir écouter. Modélisation. Pourquoi la paire de 9 est une main de départ fantastique. Les fondamentaux préflop. Découvrez et utilisez sans tarder tous les barèmes d’ouverture, à toutes les positions, pour toutes les mains de départ, selon plusieurs lignes de jeu. Un quizz pour évaluer vos connaissances des ouvertures. Quel est le prix de la transgression ?

Section 3 (chapitres 16 à 22) – L'ÉCOLE DES TUEURS 213

La section répond à la question: « où est l’argent ? ». Tactique, décisions, stratégie, coaching, intoxication, lecture de l’adversaire, gestion de la partie dans son ensemble, échanges force-faiblesse.

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Section 4 (chapitres 23 à 30) – L’ART DU COMBAT 339

Ouvertures complexes. Les échanges d’argent préflop, où 80% des erreurs sont commises. Attaque et défense des blinds. Cotes financières, la technique dans la prise de décision. Tous les barèmes de relance, limp, squeeze, sur-relance, family pots. Démonstration et corolaires du théorème des cotes. Gap concept, effet sandwich, contraintes et avantages quantifiés de la position. Projection de la donne préflop jusqu’à la river. La page 417. Deux quizz d’évaluation.

Section 5 (chapitres 31 à 39) – L’ILLUSION DU HASARD 441

La nature du flop, n’apprenez pas les probabilités : comprenez-les, exploitez-les ; l’argent se perd au flop. La zone de chaos, les tirages, trois zooms sur les connecteurs. Les overcards et les classes d’exposition associées. Réalisme et sens de l’argent au flop. Les tirages sous toutes les coutures, la dimension temporelle. Raisonnez facilement avec les outs. Étude sur les paires et leurs propriétés étonnantes. Une réponse complète à la question : « comment jouer les petites paires ? ».

Section 6 (chapitres 40 à 43) – LE LANGAGE DE L’ARGENT 607

Engagement au pot, les outs encore : de nouveaux barèmes pour ne pas payer deux fois le risque (flop + turn) à profit constant (river). Profondeur de tapis, cotes implicites. « Que faire à la river ? » : une question à se poser dès le flop.

Section 7 (chapitres 44 à 47) – LE CARRÉ DES ROIS 677

Quelques outils supplémentaires au service de votre victoire. Éclaircis-sements sur le rapport à l’argent. Oubliez la technique. Le travail sur l’homme : un peu de psychologie, tells, maîtrise de soi, narcissisme, manipulation, destruction. Techniques de vente et de communication : la méthode Arc-en-Ciel dérivée au poker. Les trois perroquets.

Lexique (ch. 48) 724 Remerciements 735

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♣ Chapitre 1

Petit poker entre amis

Quatre heures du matin. Mon Dieu ! Tout ça pour rien… Six heures perdues à la table de cash game. Deux heures de bad beats, quatre heures de remontée pénible. Pourtant, j’ai le sentiment d’avoir bien joué, mieux que d’habitude. Remarque, je ne m’en sors pas trop mal. Hormis les trois affreux là-bas, nous ne sommes que deux à avoir joué la partie de bout en bout sans nous faire rincer. On a vu combien de joueurs défiler à cette table ce soir ? Vingt, trente ? Je sais plus. Bilan : des dizaines de perdants, trois gagnants et deux joueurs à jeu, dont moi. Super, mais je serais aussi riche et un peu moins fatigué si j’étais dans mon lit ou avec un livre. Pourquoi j’ai abandonné les échecs ? C’était pas mal, les échecs. Allez, la traversée du couloir. Pourvu que je ne croise pas de connaissance. Faut que personne me parle 1. Je vais aller boire un verre, je l’ai bien mérité. Ensuite, je ne touche plus une carte pendant un mois.

Tiens, voilà les trois affreux. Ils viennent par ici, qu’est-ce qu’ils me veulent ?

– Bonsoir, je m’appelle Cire.

– Bonsoir. Bien joué.

– Merci. Je vous présente Évariste et Jean-Pierre.

– Vous avez ratissé la table. Ça a été dur pour moi. Je m’appelle Ludovic de Batz.

– C’est la première fois que vous venez ici ? On ne vous a jamais vu.

– Je joue au poker depuis longtemps, mais surtout en ligne. Je fais quelques tables réelles depuis peu.

– Bilan ?

1 Réplique de Fabrice Soulier, WSOP 2006. (DVD That’s poker ! © Arte 2006).

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– Ça ne marche pas trop mal, merci. Ce soir, je ne sais pas ce qui s’est passé. En fait, c’est contre vous trois que j’ai laissé des plumes. Un bad beat chacun. On peut dire que vous avez eu de la chance.

Jean-Pierre – De la quoi ? Qu’est-ce qu’il a dit ?

Cire – C’est bon Jean-Pierre, nous en sommes aux présentations. Bien sûr, nous avons eu de la chance. Si ce n’était pas le cas, nous aurions perdu. Prends le temps de faire connaissance avec Ludovic.

Ludo – Appelez-moi Ludo.

Cire – Entendu Ludo, alors vous disiez ? Des bad beats ? C’est intéressant.

Ludo – Contre vous, Évariste, ça a été pointure sur pointure. Rois contre dames, kicker contre kicker, suite contre couleur – quoique celle-là, je l’avais un peu vue venir, elle n’a pas coûté trop cher. Je crois que j’ai perdu quatre donnes comme ça, en tête à tête. Vous confirmez ?

Évariste – Je confirme. Exactement quatre, toutes en ma faveur.

Ludo – Mais c’est le brelan de 5 contre le brelan de 9 qui m’a fait le plus mal. C’est quand même pas de bol.

Évariste – Je démarre avec deux 9 et vous avec deux 5. On monte tous les deux au flop. Ce sont des choses qui arrivent. Mais je ne crois pas que ce soit un bad beat, sauf votre respect. Je me souviens très bien de cette donne. Au petit blind, vous avez suivi ma relance de quatre gros blinds avec vos 5. J’avais attaqué depuis le milieu de position.

Ludo – Et alors ?

Évariste – C’est une main un peu faible au petit blind, depuis une attaque de quatre gros blinds en milieu de position. Contre un cut-off, je ne dis pas, à la limite…

Ludo – Quatre, trois et demi, c’est pareil. Quant à la position, c’est important, mais tout de même pas à une place près…

Évariste – Je vois… Veuillez m’excuser, je reviens dans une minute.

Ludo – Contre vous Jean-Pierre, c’est la paire d’As qui m’a fait mal.

Jean-Pierre – Pourtant, c’est vous qui aviez les As servis, je m’en souviens. J’ai sorti deux paires splittées 8-5 contre vos As embusqués. Après tout, vous vous êtes planté tout seul, si je peux me permettre.

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Ludo – Je camoufle une paire d’As au bouton, vous êtes gros blind, vous défendez avec 8-5, je perds. Bon, c’est quand même du bol.

Jean-Pierre – Veuillez m’excuser, j’ai un appel.

Ludo – Je vois. Vous n’avez pas l’air d’accord avec moi. Admettons, c’est votre droit. Reconnaissez quand même que contre vous, Cire, on frôle le cocufiage. Vous avez relancé under the gun, avec quoi déjà ?

Cire – 6♠ 5♠.

Ludo – C’est quoi, ce coup ? J’ai jamais vu ça. Un limp à la limite, mais une relance avec la pire des positions, c’est de la provocation !

Cire – Pourtant, c’est une donne qui vous a coûté cher, non ?

Ludo – Je m’attends à une grosse paire splittée ou même deux rois chez vous quand je vois A♠ 8♠ 7♥ au flop. J’ai deux 8 en main. Je me délecte et vous montez la suite. Vous avez eu de la chance sur ce coup-là.

Évariste – Il faut bien reconnaître que de nous trois, c’est à Cire que le hasard sourit le plus souvent.

Jean-Pierre – Je confirme.

Cire – Ils sont jaloux. C’est souvent comme ça. Je vous explique : les experts du poker, ce sont eux, pas moi.

Ludo – Pourtant, c’est vous qui gagnez le plus ce soir. C’est pas de la chance, ça ? Vous êtes expert en quoi ?

Cire – J’aime la relation humaine. Je suis coach.

Ludo – Football ?

Cire – Presque : directions d’entreprises, analyse stratégique de marchés, gestion de carrières.

Ludo – Ah ! Et ce sont eux les experts ? Mon Dieu ! Ils sont experts en quoi ?

Évariste – Je suis mathématicien, plutôt spécialisé sur les probabilités.

Ludo – Et vous Jean-Pierre ?

Jean-Pierre – Je suis financier. Jean-Pierre Morgan, trader, dans une banque d’investissement, enchanté.

Ludo – Mes respects, messieurs. Je m’en sors bien. Je suis tombé sur les trois mousquetaires, et je ne suis pas mort. C’est déjà un résultat !

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Cire – Parce que vous êtes vous-même d’Artagnan. Vous connaissez l’histoire, monsieur de Batz ?

Ludo – Bien sûr. Mais quel est le rapport avec le poker ?

Cire – Alexandre Dumas a choisi quatre personnages. Trois mousque-taires et d’Artagnan. Ce dernier, sorti tout droit de sa province – rien de péjoratif –, monte à la cour du Roi pour conquérir le monde et se retrouve rapidement dans une situation inextricable : il a provoqué en duel chacun des trois mousquetaires à trente minutes d’intervalle.

Ludo – Ma province, c’est Internet ? C’est ce que tu penses ?

Cire – D’accord pour le tutoiement. Oui, en quelque sorte. Tu nous as tous les trois provoqué en duel. Évariste en premier : tu te fais piéger par des mathématiques élémentaires, en tout cas de son point de vue.

Évariste – Une position, c’est important, un gros blind d’écart sur une enchère, c’est important. Il suffit d’une variation à cette échelle pour qu’un coup rentable se transforme en piège statistique. Ton brelan de 5 qui se casse les dents sur mes 9, ce n’est pas un bad beat : c’est un intervalle mathématique que j’avais identifié tôt dans la donne – tu m’avais donné suffisamment d’informations. Résultat : tu es en bas de l’intervalle, je suis en haut. Je n’ai rien fait de spécial : tu es tombé tout seul. Les cartes ont parlé en suivant les lois des probabilités, en plein cœur de la gaussienne.

JP Morgan – Ensuite, tu es venu me provoquer avec ta paire d’As sur le terrain du risque et du profit. En freinant l’enchère d’ouverture, tu as surjoué une recherche de profit sans couvrir tes risques.

Ludo – J’attaque un trader sur la finance. Pas de chance.

JP Morgan – Tu ne pouvais pas connaître mon métier. En effet, sur ce plan, ce n’est pas de chance. Ton coup aurait fonctionné contre bien des adversaires, peut-être même contre Cire.

Cire – Cela reste à prouver, cher ami.

Ludo – Tu as été sans pitié. J’y ai laissé un tapis. Et le coup de Cire ? C’est du bluff ? Ce n’est pas un bad beat non plus ?

Cire – Je vais laisser mes deux acolytes répondre.

Évariste – Vois-tu Ludo, je peux te montrer un poker mathématique où tu gagneras toujours de l’argent, régulièrement mais raisonnablement.

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C’est un poker technique, rigoureux, indéniablement efficace, parfois rébarbatif, disent certains.

JP Morgan – À partir des études d’Évariste, je peux te montrer un poker financier où tu prendras des risques. Tu ne t’ennuieras jamais, tellement ce poker est violent. Tu pourras gagner gros, parfois.

Ludo – Ça ne répond pas à la question. Quel est le poker de Cire ?

Évariste – On ne se sait pas vraiment, quelque chose de différent.

JP Morgan – Évariste et moi-même pensions lui avoir tout appris au poker. Mais depuis plusieurs années, il nous bat souvent. Il possède quelque chose de plus, une sorte de talent étayé par une grande solidité comportementale ou psychologique. On ne sait pas bien.

Cire – En fait, c’est pour cela que nous sommes venus te voir. Ces messieurs pensent que j’ai des qualités « en plus ». Je ne suis pas d’accord avec eux. D’après moi, j’ai seulement tiré de nombreux enseignements de leur spécialité respective, et j’en ai fait une synthèse. Le raisonnement technique est très puissant, mais il a des limites financières. Le raison-nement financier est très puissant aussi, mais j’y ai trouvé des limites humaines applicables au poker. Prends l’exemple de la partie de ce soir. Elle constitue un microcosme social révélateur. Après tes deux premières heures que je qualifierais de catastrophique, comment as-tu réagi ?

Ludo – Vous m’avez écœuré tous les trois. Alors, je me suis concentré sur les cinq autres adversaires.

Cire – Sans parler de collusion, vois-tu, nous t’avons laissé faire sans trop t’attaquer. Et lorsque les mousquetaires ont affronté, « à quatre », la garde du Cardinal, composée de cinq soldats expérimentés, que s’est-il passé ?

Ludo – Quatre défaites cuisantes. Seul l’un deux a résisté tant bien que mal. Il jouait vraiment bien d’ailleurs.

Cire – Je ne vois dans ce résultat que des événements tout à fait naturels. Au-delà de la technique et de la finance, la table elle-même véhicule des échanges. La table et le temps sont les vecteurs de rapports de force. Certains joueurs se neutralisent, c’est ce qui nous est arrivé à tous les quatre – ce n’est vraiment pas une collusion, mais plutôt une réaction naturelle, parce que nous savons que la confrontation peut être violente – pendant que d’autres se trouvent et fusionnent dans un combat normalisé.

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Le seul atout dont je peux me targuer, c’est de savoir identifier ces instants d’échanges et les périodes de transition de phase. Ce n’est en rien un talent, seulement de l’observation.

JP Morgan – Cire sait rester modeste. Son observation des phases n’est pas contemplative : il les oriente et les utilise à son profit. En théorie, le raisonnement financier n’a pas de limite. Pourtant, en inventant des relances improbables à des positions incongrues avec des mains atypiques, Cire parvient parfois à brouiller la donne et à nous emmener sur son terrain.

Cire – J’ai donc défié les spécialistes. Je leur ai parié que s’ils prenaient en charge, séparément, la formation de n’importe quel joueur à leur théorie – un vrai joueur –, ce dernier finirait par les battre tous les deux.

Ludo – Et ce joueur, c’est moi ? D’Artagnan rentre dans la cour des grands, auprès des mousquetaires. Qu’est-ce que vous proposez ?

Évariste – Jean-Pierre et moi-même nous engageons à te transmettre tout notre savoir, théorique et pratique.

JP Morgan – Nous te demandons deux choses. D’abord, joue, mets la théorie en pratique. Ensuite, fais-nous part de tes résultats.

Ludo – Comment ?

JP Morgan – Tu nous enverras tes impressions, tes retours, tu nous feras part de tes progrès, succès et problèmes.

Ludo – Votre proposition est tentante. J’ai vu de quoi vous êtes capables autour d’une table. Vous m’offrez un savoir manifestement immense, gratuitement, sans contrepartie.

Évariste – Tu acceptes ?

Ludo – Il est tard mais je ne suis pas dupe. Évariste et Jean-Pierre : votre objectif est que j’échoue, pour prouver à Cire que vous avez raison : il aurait donc « quelque chose en plus ».

Cire – Je vous avais dit que c’était le bon candidat…

Ludo – Pour nous retrouver tous en situation de succès, je dois vous battre tous les trois, pas seulement les deux experts, mais le coach aussi.

JP Morgan – Ce n’est plus un pari, c’est une fuite en avant, une action kamikaze !

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Ludo – J’ai conscience que c’est impossible aujourd’hui. Je vais donc accepter vos deux propositions, mais auxquelles j’en ajoute une troisième, non négociable.

Évariste – Laquelle ?

Ludo – Je veux être coaché par Cire, régulièrement, après avoir vu les deux spécialistes. En échange, je prouverai que Cire avait raison, je vous battrai tous les deux, ensuite, je battrai Cire.

Évariste – Mumm…

JP Morgan – Trop impatient, trop de colère en lui, je vois 2. Il n’est pas prêt.

Cire – Il sera prêt. J’approuve la démarche de Ludo. Si je souhaite prouver que j’avais raison, je dois perdre contre lui. C’est insupportable, mais j’accepte. Il nous a piégés.

♣ LES TROIS AXIOMES DU HOLD ’EM NO LIMIT

L’axiome technique

Évariste – Nous démarrerons ensemble dès demain si tu veux, nous parlerons de l’approche matricielle des mains de poker.

Ludo – Pourquoi ?

Évariste – J’ai bâti une théorie, mais elle repose sur un axiome : toutes les mains sont liées. Pour connaître la force de A-K à une position donnée, tu dois appréhender toutes les autres mains, à toutes les positions.

La force d’une main s’évalue à une position donnée.

Toutes les mains et toutes les positions sont liées. ♣

2 Est-il vraiment nécessaire de préciser la source de cette réplique de Maître Yoda ?

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L’axiome financier

JP Morgan – Ensuite, je te montrerai comment monter des produits financiers avec des paires d’As : profit, risque, volatilité : le sens de l’argent.

Ludo – Pourquoi ?

JP Morgan – Parce que je ne suis pas pleinement satisfait par le théorème des cotes, communément admis. Son champ d’application mérite quelques éclaircissements : par exemple, il est totalement faux au flop en cash-game, et partout en tournoi. Par conséquent, je centrerai mes propos sur le profit et les deux types de risque : le risque de marché (la force réelle ou potentielle de la main) et le risque de crédit (l’élimination d’un tournoi, les cotes implicites, les profondeurs de tapis).

Les cotes, c’est important, mais parfois insuffisant ou faux. Il faut retrouver le sens de l’argent par le risque et le profit.

L’axiome du coach

Cire – Je commencerai le coaching par un cours de philosophie : le rapport tumultueux que l’homme entretient avec le hasard.

Ludo – Pourquoi ?

Cire – Parce que si le but du jeu est l’argent, la quête n’est pas naturelle. Chaque semaine, on voit un champion talentueux quitter un tournoi prématurément, pendant qu’un outsider remporte un titre mirifique. Qu’en penses-tu ?

Ludo – N’est-ce pas l’outsider qui devient champion ?

Cire – Eh bien non. Vois-tu, il n’y a rien d’anormal, l’événement respecte les lois du hasard, même à l’échelle de dizaines de donnes. Le premier a gagné de nombreux titres, le second doit maintenant faire ses preuves. On l’observe, on l’encourage. Je ne le juge pas, je ne juge pas le champion éliminé. Le hasard fait partie de nos vies, il n’y a rien de plus normal à leur courte échelle. Voilà le premier thème.

Ludo – Qu’y a-t-il à enseigner alors, puisque tout est possible ?

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Cire – Voici maintenant ma conviction, non sur le hasard, mais sur le poker : sans aucune technique, la défaite est assurée, mais la technique ne suffit pas pour gagner. D’après mon expérience, les plus gros gains proviennent des erreurs adverses, pas de nos bons coups. Une infime imprécision d’ouverture adverse te rapportera souvent plus que ta plus belle embuscade.

Ludo – Et le bluff ?

Cire – Oublie ça. Pourquoi bluffer ? Pour chasser un joueur et remporter le pot tel qu’il était avant de bluffer ? Tu mises beaucoup d’argent lorsque tu bluffes, tu en récoltes inévitablement beaucoup moins.

Ludo – Qu’est-ce que tu proposes en échange ?

Cire – Pendant que les experts te proposeront leur arsenal de « bons coups », je te monterai comment exploiter les faiblesses de ton adversaire. La technique a pour principal dessein de ne pas gaspiller d’argent. Le poker est un jeu difficile ; alors tu recevras cet enseignement. Et lorsque tu sauras tout, il restera l’essentiel : comment faire en sorte que l’adversaire te donne son argent, sans que tu perdes le tien ? J’ai une réponse, la mienne. Toi aussi, tu devras trouver celle qui te correspond. Tu trouveras.

Les gains proviennent en majorité des erreurs adverses qu’il faut identifier, exploiter, puis provoquer. ♣

Ludo – Vous n’avez pas l’impression de démarrer un peu fort ?

Évariste – Non, c’est seulement après que cela se complique.

JP Morgan – Monter des produits financiers avec des As, c’est plus facile qu’avec des 2. Tu veux commencer avec les 2 ?

Cire – Tu as dénoncé trois bad beats qui n’en étaient pas. Je pense que tu as des rapports conflictuels avec le hasard. Il est impératif de les éradiquer avant d’espérer tout progrès. Je maintiens ma leçon de philo.

Ludo – J’ai tout à gagner, c’est gratuit.

Cire – Il faudra travailler, bien sûr. Nous comptons sur toi.

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Section 1

Poker 3D

Technique, Finance, Humain Les trois dimensions du poker

« Désormais, ces faits demeurés rebelles à l’expérience, ne peuvent plus échapper à l’empire de la raison. »

Blaise Pascal (1623-1662).

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♣ Chapitre 2

Au-delà du hasard

♣ LE HASARD, UNE DÉMARCHE PHILOSOPHIQUE Depuis longtemps, j’ai pris pour acquis que la première démarche d’un joueur de poker passe par une phase de familiarisation avec le hasard. « Apprivoiser » serait prétentieux, irréaliste. « Prendre conscience » est plus juste, sinon rigoureusement exact. Le hasard est une composante essentielle de la vie : on lui attribue aujourd’hui la création, l’évolution des espèces, les mutations 3. Dans le cadre de la théorie de l’évolution néo-darwinienne, les preuves sont établies, étayées scientifiquement. L’Église s’insurge, c’est normal. La morale temporise, normal également.

Un problème persiste pour le joueur de poker : la conscience rejette l’idée. Le hasard continue à générer des angoisses, il reste un vide, philosophique et psychanalytique : l’humain – conscient – refuse naturellement de confier son avenir, son présent et son passé au hasard. On le comprend.

Pourtant, bon nombre de penseurs sont déjà réconciliés : « Le hasard nous ressemble », déclarait Georges Bernanos. Voici venu le tour du joueur de poker, pour qui une phase de familiarisation sans condition s’avère indispensable.

3 Jacques Monod, Le hasard et la nécessité (1970). Jacob-Monod-Lwoff, prix nobel de médecine 1975, montrent que l’ADN est le point de départ des réactions biochimiques qui, par l’intermédiaire de l’ARN, produisent les protéines nécessaires à la vie des cellules donc à la vie elle-même. Il identifie le rôle prépondérent du hasard dans le phénomène de la vie et des mutations génétiques.

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Le hasard est ordonné

Le poker est un jeu simple. Il ne requiert qu’un peu d’ordre dans le hasard, c’est l’apport des probabilités. Rien de chaotique, très peu de phénomènes quantiques (il y en quelques uns, sur le thème de la défense au petit blind, c’est fascinant).

Le poker demande un peu de courage, il faut affronter le hasard : c’est pourquoi on doit miser ou sur-relancer avec deux malheureuses cartes en main sans connaître ni l’avenir (le flop), ni la réaction adverse, pourtant naturellement hostile. Nous prouverons que c’est souvent bien joué. Attente évidente du lecteur : nous dresserons surtout la liste exhaustive des circonstances dans lesquelles c’est effectivement bien joué.

Le hasard, un phénomène étranger et salvateur ?

Posons la question suivante, très simple, à un débutant, ou même à un non-joueur : « Au poker, à quel moment faut-il avoir un jeu fort ? ». Naturellement, tout néophyte répond « à la river », c’est-à-dire à la fin, après les tirages. Une main de sept cartes est plus forte qu’une main de deux cartes, même si les cinq dernières sont tirées au hasard, non ?

Hasard : Finalité ? Peut-être. Finalisme ? Certainement pas. Le hasard existerait donc pour nous sauver ! La conscience, individuelle ou collective, voit d’abord une main de départ quelconque, peu importe sa valeur, puis une vague de chance qui renforce cette main de départ, pour aboutir en main gagnante à la fin. Voilà pourquoi cette philosophie (de la vie…) amène à considérer le poker comme un jeu de hasard, sous-entendu « c’est celui qui a le plus de chance qui gagne ». Je ne réagis plus depuis longtemps à cette assertion. Ce n’est pas à moi de prouver que le poker n’est pas un jeu de hasard. C’est à notre néophyte de faire l’effort d’avancer, de méditer, d’accepter le rôle du hasard, bien présent dans sa vie, comme un guide, ni étranger et encore moins salvateur. Le hasard n’est ni bon, ni juste, ni moral, ni démocratique.

Pour gagner, il faut d’abord bien jouer, avec combativité. Le sens de l’argent et du combat sont des prérequis. Ensuite, un peu de chance ne fait pas de mal. C’est tout.

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Hasard : de bonnes fondations sont toujours appréciables

Un joueur confirmé connaît la réponse : c’est à la distribution que l’orientation de la donne se décide. C’est à ce stade qu’il faut être fort, dans ses cartes et ses enchères, puis au flop.

Avec l’évolution, on ne peut pas affirmer que toutes les espèces faibles disparaissent et que les espèces fortes subsistent. Les espèces supposées fortes, soumises au hasard des mutations, ont toutefois plus de chances de perdurer.

Au poker, les mains de départ sont les espèces, les tirages sont les mutations. Certaines mains faibles rencontrent un flop favorable et subsistent, pendant que d’autres, pourtant fortes en apparence mais mal adaptées, le ratent et disparaissent. Il faut démarrer la donne dans de bonnes conditions, avec le maximum de chances de survie malgré les mutations des tirages. Personnellement, je prendrais une tortue marine ou un scorpion, bien solides, de type paire de 10. Au-delà d’une discrétion et d’une lenteur peu engageantes, ils présentent un très haut potentiel de survie. Celui qui souhaite m’affronter avec un dinosaure (comme A♥ 5♠) est le bienvenu. C’est simple.

Les mutants

L’évolution et le poker offrent quelques singularités apparentes, repré-sentées par leurs « monstres » : pourquoi l’ornithorynque subsiste-t-il ? Pourquoi les connecteurs assortis de type 6♥ 5♥ affichent-ils de bonnes performances contre les grosses paires ? Je fournirai la réponse complète pour les connecteurs (mais pas pour l’ornithorynque).

Nous avons de toute façon la bonne réponse à la question initiale : c’est à la distribution qu’il faut être fort. On participe avec un jeu fort, on passe avec une main faible. Hormis aux blinds, c’est entièrement gratuit. Alors pourquoi s’engager avec des mains médiocres ? Pourquoi aussi relancer avec A-10 en milieu de position ? C’est absurde, inopportun et surtout optionnel : aucune contrainte vitale – hormis aux blinds – n’influe sur la décision préflop : c’est une phase qu’il faut maîtriser.

Ensuite, pour tous les protagonistes qui ont établi des bases solides, avec des mains solides, il est acquis et finalement peu angoissant de s’en remettre au hasard des tirages. Il n’y a qu’un seul hasard, qui applique les mêmes lois pour tout le monde. Son rôle n’est pas salvateur, il serait même plutôt défavorable.

6 ♥

5 ♥

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Heureusement, il l’est pour tous : la plupart des mains ratent la plupart des flops. Ceux qui ont engagé les meilleures mains bénéficieront en général des meilleurs leviers. Il y aura des nuances, mais pas de miracle.

Les leviers du hasard : la finance

Au poker, les leviers du hasard constituent la dimension financière. Deuxième volet de l’étude. Je ne parle pas d’un parallèle culturel entre le hasard et un survol prosaïque de la spéculation boursière, mais bel et bien de raisonner intégralement en trader à chaque étape de la donne et de la partie. Les principes financiers se déclinent en une méthode de profit parfaitement efficace au poker.

L’information est un vrai problème, le hasard est un détail

La main finale peut être gagnante, ou pas : peu importe. Le hasard n’est pas confiné aux tirages. Il reste d’autres inconnues, notamment l’infor-mation largement incomplète que les adversaires daignent fournir. Les surenchères, les bluffs, les checks faussement timides ne font qu’ajouter des incertitudes dans la donne, comme si le hasard ne suffisait pas. Le poker devient alors un jeu difficile. Heureusement, nous aussi, nous pouvons gêner l’adversaire jusqu’à lui savonner la planche. Le joueur de poker n’est pas une victime, il est acteur. Obtenir de l’information : voilà une démarche saine. J’irai plus loin.

Payer une carte supplémentaire est souvent malsain. Payer pour obtenir une information est parfois très sain. ♣

Le hasard : règles universelles, inégalités et injustices

Évidemment, le hasard est injuste, absolument pas démocratique !

Les mathématiques prouvent que tel coup est rentable sur le long terme et que tel autre ne l’est pas, c’est-à-dire en jouant une infinité de donnes. Malheureusement, nous ne jouerons jamais une infinité de donnes ! C’est l’une des nos rares certitudes.

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Voilà tout le problème de la condition humaine face au hasard : nous ne sommes pas immortels. Tant que l’homme mourra, il refusera l’idée du hasard et il ira le défier en jouant au poker !

Le hasard n’interdit absolument pas de rater tous les tirages de couleurs d’une soirée ou d’un tournoi. Il ne fournit de toute façon aucune garantie à l’échelle humaine. Les cartes n’ont aucune mémoire. Si vous jouez cent mille donnes dans votre vie, voici l’idée qu’il faut accepter : vos tirages de couleurs au flop réussiront « environ » une fois sur trois. On peut prévoir l’avenir avec une fiabilité connue (l’écart-type) sur un grand nombre d’échantillons. Mais personne ne peut prévoir l’avenir du prochain tirage, échantillon unique, ni même celui des trois prochains : vous pouvez en réussir deux, pourquoi pas trois, mais il ne faut pas exclure zéro. C’est ainsi. Tout est possible, il faut le prévoir, ou plutôt le savoir.

Heureusement, c’est à nouveau la finance qui apporte la solution : si nous ne sommes pas capables de connaître la valeur des deux prochaines cartes, nous pourrons pourtant évaluer quantitativement notre risque, notre profit et même la volatilité qui conditionne la violence et les écarts probables de telle ou telle ligne de conduite.

Le hasard est-il un marécage ?

Après la technique et la finance, le troisième travail est humain : il faut se placer, avancer, s’affirmer et s’imposer dans ce marécage d’inconnues et d’hostilités.

Le gagnant est celui à qui il manque une inconnue de moins que son adversaire 4. ♣

4 Proverbe échiquéen : « Le gagnant est celui qui commet l’avant-dernière erreur ».

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♣ LA DIFFICULTÉ DE L’EXERCICE Qu’est-ce qui est difficile au poker ? Sans bagage technique et comporte-mental, sans condition physique et mentale, tout est difficile.

Vous êtes au départ, vous recevez deux cartes. Assimilez alors une enchère à un swing de golf. Imaginez une donne de poker comme un « par 4 », où chaque tour d’enchères représente un coup. Vous avez quatre coups pour mettre la balle dans le trou, placé tellement loin qu’il en est invisible.

Au poker, le trou c’est le gain, la victoire de la donne. Avec deux cartes dans la main et aucune mise engagée, elle est encore bien loin. Que faire ? Pour commencer, une seule règle : un beau drive assuré. Pour se donner des chances de gagner, la première estocade est un coup droit et long, systématique, très technique, mécanique, acquis. Il doit vous emmener le plus loin possible, avec les meilleures chances de victoire et la meilleure position. Il conditionne le reste de la donne. Pour y parvenir, il faut beaucoup d’entraînement, et finalement peu de réflexion. Le drive au poker consiste à choisir la bonne main et la bonne enchère préflop. À quelques nuances près, quelques « effets », c’est tout. La stratégie au poker se situe là. Le reste est tactique.

La stratégie au poker s’exprime préflop. ♣

Le deuxième tour d’enchères au flop traite du jeu de champ, lorsque l’objectif est visible. Si le drive est bon, la balle atterrit en milieu de fairway, le drapeau, encore loin, n’est plus désormais qu’à la portée d’un bon coup. L’adversaire peut être déjà distancé, mal placé, ou bien toujours dangereux. Si le premier coup est trop relâché, le joueur est « dans les ennuis ». Il faudra jouer à l’arraché, contre la cote et les overcards au flop, pour tenter de rattraper le retard, ce qui marche rarement bien sûr.

Le flop donne beaucoup d’informations sur la suite du parcours. Il nécessite une excellente lecture du terrain : l’adversaire désavantagé par la position joue en premier : qu’a-t-il fait ? Est-il toujours menaçant ou peut-on gagner tout de suite ? Le flop offre des choix : prise de risque en attaquant le drapeau malgré les nombreux bunkers ? On jouera une relance d’intimidation parfois même contre la cote.

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Un coup assuré de façon à bien se placer en entrée de green ? Un petit value bet ou même un check feront l’affaire.

La turn et la river sont similaires à deux coups de putt qui requièrent peu de technique mais beaucoup de concentration et de sang froid. La situation est ce qu’elle est, on l’a cherchée ou subie, peu importe : il faut finir, où déjà reconnaître la défaite.

Avec de la réussite, le troisième coup porte immédiatement : c’est le birdie, avec la même fréquence au golf qu’au poker : rare. Il se produit si la couleur ou le brelan montent, ou même simplement si la grosse paire splittée reste gagnante. On fait le par si les protagonistes restent en chien de faïence avec des mains minables et des paires parfois gagnantes, parfois perdantes : le premier qui relance gagne en général. Finalement, si la lucidité n’est pas au rendez-vous, on encaisse trois putts lorsque l’adversaire touche une combinaison gagnante, grâce à une carte gratuite gracieusement offerte, les enchères sont mal lues, la lecture imparfaite et surtout… surtout quand le bluff censé rattraper le retard accumulé depuis l’erreur de départ est construit n’importe comment. Il n’y a pas de miracle au golf. Il n’y a pas de miracle au poker.

Étonnamment, la façon de jouer les quatre coups de golf semble natu-relle et admise. Pendant ce temps, de nombreux joueurs de poker donnent l’impression d’aborder les enchères préflop avec un putter au départ (pendant que les « serrés-agressifs » sortent le driver) : slowplay de la grosse paire sans la position, tirage de connecteurs en petit comité, etc. Certains ne jouent qu’avec une seule carte, (A-4, K-3), comme si c’était trop facile avec deux !

Avez-vous essayé votre driver avec un seul bras, l’autre main dans la poche ? Naturellement, ça ne marche pas 5 et le quatrième coup consiste, malgré le retard et la distance, à jouer à l’arraché un coup énorme : tirage de suite ventral contre la cote sans profondeur de tapis, call de la quatrième relance adverse avec une paire très moyenne, bluff totalement improvisé, pourquoi pas à tapis. Comme si, loin du drapeau alors que l’adversaire est déjà sur le green, on sortait enfin le driver avec l’espoir de mettre la balle dans le trou à deux cent cinquante mètres, en un coup, un seul. Certains y croient, semble-t-il.

5 Les professionnels y arrivent.

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♣ UNE THÉORIE SOUS UN CAILLOU

Le hold-up poker, un jeu d’enfant

Évariste – Inventons un jeu : le « hold-up poker ».

Le hold-up applique les même règles que le hold ’em, mais on ne joue qu’avec deux cartes, un seul tour d’enchères et pas de flop.

J’ai inventé ce jeu pour apprendre à jouer à mon fils Hadrien, cinq ans et demi, afin qu’il ait le sens des enchères avant d’avoir le sens des cartes. Au détour de quelque curiosité, j’ai comparé mathéma-tiquement mon jeu avec le hold ’em : des révélations sont apparues. Je rappelle au passage quelques basiques.

169 valeurs de mains de départ (A-A, A-K assortis, A-K dissociés, etc.)

1326 combinaisons de deux cartes (6 façons de faire une paire d’As, 12 façons de combiner A-K dissociés contre 4 seulement pour A-K assortis, etc.) ♣

Ou « la force insoupçonnée de 7♥ 2♦ » En face à face, à deux joueurs, 7♥ 2♦ est 165ème « meilleure » main (sur 169). 97% des mains de départ sont meilleures (à cinq joueurs et plus, c’est la pire de toutes, mais pas en heads-up 6). Prenons une main au hasard. 1 sur 169 et regardons de plus près les chances de 7-2.

- Mains inférieures : 4 valeurs 24 combinaisons - Mains égales : 1 valeur 9 combinaisons - Mains supérieures : 164 valeurs 1290 combinaisons

6 Tête-à-tête, face à face, lorsque qu’il ne reste que deux protagonistes dans la donne. Voir le lexique à la fin du livre.

7 ♥

2 ♦

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Au hold-up poker, 7♥ 2♦ aurait 1,86% de chances de gain, une sur quarante ; c’est nul. Jouons maintenant à sept cartes, c'est-à-dire au hold ’em poker que vous connaissez bien. Que deviennent les chances de gain de 7♥ 2♦ ? Ludo, c’est à toi…

Ludo – Je sais pas, 10% ? Une chance sur dix.

Évariste – Non Ludo, beaucoup plus : 35%, plus d’une chance sur trois.

Ludo – Ma parole, c’est énorme ! J’ai déjà du mal à retenir les stats des mains fortes, je ne vois pas l’intérêt d’apprendre celles des mains faibles.

Évariste – Grave erreur, Ludo, grave erreur… Si tu appréhendais réellement le potentiel des mains moyennes et faibles, tu comprendrais mieux pourquoi des paires d’As préflop se font damer le pion à la turn ou à la river dans des proportions que l’intuition a du mal à accepter. Tu gagnes au poker ?

Ludo – Bof.

Évariste – Moi, je gagne, alors écoute-moi jusqu’au bout, et réfléchis : en passant du hold-up au hold ’em, comment le tableau a-t-il renforcé ta main faible ?

Ludo – On parle bien de chances de gain contre une main adverse prise au hasard ? Et pas seulement des chances d’amélioration ?

Évariste – C’est ça.

Ludo – Ses chances de gain ont été multipliées par 19. Voilà le poids du tableau. Il renforce nettement une main faible comme 7-2.

Évariste – 7-2 est dix-neuf fois plus forte au hold ’em poker qu’au poker à deux cartes. Attention, cela ne veut pas dire qu’il faut la jouer pour autant : elle reste très faible, ses chances de gain insuffisantes.

Ludo – Si elle s’est renforcée, c’est forcément au détriment d’autres combinaisons, lesquelles ?

Évariste – A-A, K-K, A-K, 10-10, J-10 et toutes leurs semblables.

Ludo – Attends, tu me dis que 7-2 affaiblit une main comme A-K, même assortis ?

Évariste – En effet, A-K assortis, magnifique distribution de hold-up poker, est la main qui souffre le plus au hold ’em : ses chances chutent de façon vertigineuse.

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En d’autres termes, elle s’affaiblit terriblement au flop, puisqu’elle le rate largement plus d’une fois sur deux pendant qu’il offre de terribles 7, 2, 8, 4, dames, etc. Refaisons rapidement le calcul sur A-K assortis, huitième meilleure main, après paire de 8 (en heads-up) :

- Mains inférieures : 161 valeurs 1280 combinaisons - Mains égales : 1 valeur 3 combinaisons - Mains supérieures : 7 valeurs 42 combinaisons

(1) Chance de perdre avec A♠ K♠, au hold-up poker : 3,2% (42/1283). (2) Chance de perdre avec A♠ K♠, au hold ’em : 32,7%.

Cartes fortes contre cartes faibles : matière et antimatière Ludo – Les chances de perdre ont été multipliées par 10 ! C’est effrayant. Comme si, avec le tableau, la force initiale de A♠ K♠ servie préflop avait été littéralement aspirée par 7♥ 2♦.

Évariste – C’est exactement ce qui se passe. Et nombreux sont ceux qui n’imaginent pas une seule seconde que A-K puisse perdre la donne, sur-tout contre de tels outsiders. C’est une autre façon de dire que la plupart des mains de départ ratent le flop et que des joueurs loose rencontrent finalement la chance, mais vu sous cet angle, on sait pourquoi.

Les mains de départ doivent être abordées avec les perspectives du tableau. ♣

Le premier tour d’enchères mérite une lecture anticipée des trois tours d’enchères suivants. ♣

Ludo – C’est parce qu’il y a des mains horribles, comme 7-2 mais aussi tous les connecteurs et les petites paires qui se payent le luxe de rencon-trer le flop et de couper l’herbe sous le pied de nos belles mains de départ. Tout de même, les grosses paires doivent rester à l’abri…

Évariste – Malheureusement, non. Une paire d’As ne peut pas perdre au hold-up poker. Rajoute alors cinq autres cartes prises au hasard…

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La surévaluation : le piège préflop, cause de bien des déboires Ludo – J’ai compris : le hold-up poker, en fait, c’est le stade préflop du hold ’em. Tu accuses le jugement moyen ou intuitif d’évaluer une donne complète avec les critères qu’il utilise pour évaluer la distribution, en surévaluant les figures, les paires…

Évariste – J’ajouterais aussi : je soupçonne beaucoup de joueurs de raisonner « hold-up » poker, de n’avoir jamais joué vraiment au hold ’em. Je pense notamment à toutes les paires de figures non améliorées après le flop qui s’accrochent à tout prix, et s’étonnent de perdre. A-K est un tirage : rien d’étonnant à ce que des paires de 7 splittées battent sereinement des mains de cartes isolées avec A-K-x-x-7 à la river. Le hasard ne l’interdit pas. Je souhaite aussi combler les lacunes inhérentes à la défense des blinds. Une main de défense comme Q-5 présente un potentiel de survie post-flop significatif, qui permet souvent de défendre un blind au lieu d’encaisser une perte sèche.

Ludo – Je crois que ça m’arrive parfois. Poursuis, s’il te plaît.

Évariste – J’aime les chiffres, je partage néanmoins peu cette passion avec mes semblables. Aussi ai-je pris l’habitude de les mettre en scène. Regarde ces deux graphes.

75.0%79.9%

67.0%

33.2%40.0%

45.1%

48.9%49.7%

50.0%

50.3%

51.0%54.9%

60.0%

85.2%

0%10%20%30%40%50%

60%70%80%90%

100%

A-A Q-Q T-T A-K(s)

K-9(s)

A-2(o)

Q-6(o)

2-2 J-5(s)

T-8(o)

T-6(s)

8-7(o)

9-3(o)

4-2(o)

Hold'em poker

Hold-up poker

Diagramme 1

Chances de gain de mains de deux cartes en heads-up.

(1) Hold-up –––– sans flop, turn, river

(2) Hold ’em poker –––– avec flop, turn, river

T = 10 (« ten ») (o) pour OFFSUIT : mains dissociées (deux couleurs). (s) pour SUITED : mains assorties (une seule couleur).

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Diagramme 2

Écart, sans tirage / avec tirage. A-K assortis est la main qui perd le plus de terrain avec le flop : 30% de chances de gain perdues au profit des tirages adverses. -40%

-30%

-20%

-10%

0%

10%

20%

30%

40%

A-A Q-Q T-T A-K(s)

K-9(s)

A-2(o)

Q-6(o)

2-2 J-5(s)

T-8(o)

T-6(s)

8-7(o)

9-3(o)

4-2(o)

Différence hold-up - hold'em

Évariste – D’un certain point de vue, les flèches rouges et la courbe noire représentent les chances de gain perdues ou même cédées à l’adversaire lorsque, avec une main dite « gagnante » en ta possession, tu leur offres des cartes gratuites.

Ludo – Ce qui m’affole avec ces deux graphes, c’est que je risque surtout de saboter mes propres mains (A-K, 10-10, K-9 assortis, etc.). L’écart est spectaculaire.

La force des mains de hold ’em est lissée, les écarts statistiques restent peu intuitifs. ♣

Ludo – Je commence à comprendre. Ton hold-up poker torpille mes jugements hâtifs et intuitifs préflop. Force est de constater que je surévalue les mains hautes. Vas-tu m’inciter à plus de prudence avec A-K et plus d’audace avec 8-7 et 9-3 ?

Évariste – Nenni : 9-3 reste une horreur et 8-7 une main qui ne devrait jamais jouer, si on ne lui en offrait pas l’occasion. Je vais t’inciter à plus d’engagement, justement avec des mains comme A-K, paire de 9, etc. Tu veux éviter d’offrir de formidables chances supplémentaires à ton opposant, jusqu’à 40%, avec par exemple de maudits connecteurs de type 8♠ 7♠ ou 5♠ 4♠, et pourquoi pas 3♠ 2♠ ? Tu commenceras donc par oublier définitivement le slowplay à l’ancienne. C’est un exemple, nous en verrons d’autres.

Ludo – Message reçu. J’aime bien ces deux courbes. Tu les as trouvées sur le net ?

A ♥

K ♥

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Nota Bene Évariste – Il n’y a pas un chiffre que je te présenterai que je n’aie calculé moi-même. Pas une courbe ou une matrice de relance qui ne provienne de mes recherches 7. Quant à leur diffusion, tu es le premier à les voir.

Zoom sur la paire de 10

Évariste – Ludo, avec quelle main, supposée forte, rencontres-tu des problèmes au poker, des bad beats ?

Ludo – Incontestablement la paire de 10. Je connais d’ailleurs deux personnes qui ne la jouent plus, tout simplement, et je suis sur le point de les imiter.

Évariste – Je comprends. Maintenant, la solution te tend les bras. Je souhaite évaluer ta compréhension de mes propos sur le hold-up poker. Réponds à cette question : quelles mains de départ souhaites-tu emmener jusqu’à la river ?

Ludo – Paire d’As, paire de rois, A-K ?

Évariste – Je suis certain que Cire t’a déjà ressassé son sempiternel discours sur les mutations. Le hasard des mutations risque de ne pas favoriser ces mains. Elles sont très fortes au départ, mais chaque carte supplémentaire qui n’est ni un As ni un roi – Dieu sait si elles sont nombreuses – les affaiblit. C’est une très mauvaise réponse.

Ludo – Paire de 10 ?

Évariste – Je crois justement que c’est la plus mauvaise réponse possible. Les mains qui souhaitent aller à la river sont celles qui ont besoin des mutations, même au hasard : 8-7, 5-4, 10-5, paire de 3 ! Leur bagage originel de survie est très faible. Elles n’attendent que du renfort. Les mains faibles jouent vraiment au hold ’em poker : elles n’ont aucune chance au hold-up, c'est-à-dire qu’elles ne sont pas conçues pour remporter la donne préflop, ni même au flop. Avec le même raison-nement, que penses-tu de A-Q et paire de 10 ?

7 En réalité, il y a deux exceptions dans tout le traité : une grille de Brian Alspach sur les tirages de suite et un calcul de profondeur de tapis, par « Stochastic ».

10♠

10 ♥

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Ludo – Ce sont des mains fortes à la distribution. Même à dix joueurs, elles ont de bonnes chances d’être les meilleures à table.

Évariste – Tu viens donc de dire que leur vocation est de gagner préflop, en volant le pot.

Ludo – J’ai pas dis ça !

Évariste – C’est pourtant la bonne réponse ! Il ne faut pas hésiter à engager toute la force d’une paire de 10 ou de A-Q pour avorter la donne. S’il n’y a que les blinds à ramasser, c’est déjà un gain. Souvent, tu ramasseras aussi l’enchère téméraire d’un ou deux touristes. Que deviendrait ta paire de 10 au flop ? Quelles sont les chances d’overcard ?

Ludo – Je ne connais pas les chances d’overcard pour chaque main, mais je sais qu’elles sont mortelles.

Évariste – Presque une chance sur deux pour une seule overcard, et cumulées, 69,5% pour une, deux ou trois overcards. As-tu envie de les affronter ? Pour quoi faire ?

Ludo – Pour gagner quelques chips de plus, ou risquer de me retrouver à tapis contre une pointure. Pas vraiment, en fait.

Évariste – La paire de 10 servie préflop sera la plupart du temps gagnante au flop. Connais-tu ses chances à la river ?

Ludo – Franchement ? Non.

Évariste – La paire de 10 joue un rôle particulier au poker : c’est le jeu médian des 133 784 560 mains de sept cartes. En clair, à la river, il y a exactement une moitié des mains au dessus et une moitié des mains au dessous de la paire de 10.

Ludo – Ma paire de 10 supposée gagnante préflop joue finalement à pile ou face à la river ! Elle doit en effet s’arrêter le plus tôt possible.

Évariste – J’irai plus loin : si on s’en remet au hasard des tirages, aucune main de valeurs faciales supérieures à la paire de 10 ne trouve son optimum à la river et n’a intérêt à y aller : il faut gagner avant. Première lecture d’une donne en profondeur. Aucun calcul, aucune hypothèse, je regarde juste les cartes et les messages qu’elles délivrent. Comme dit le vieil adage, « cards speak » ; au hold ’em, les cartes sont incroyablement bavardes. Profitons-en.

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Comment gagner préflop avec une bonne main de départ ? Ludo – Comment gagner préflop ?

Évariste – Les mains fortes disposent d’un atout trop peu utilisé : la sur-relance. Tu es attablé contre neuf adversaires, au cut-off (à droite du bouton). Les trois premiers joueurs passent. Le quatrième à parler relance trois fois le gros blind. Il y a maintenant 4½ BB au tapis. C’est pour moi une somme largement suffisante pour justifier un mouvement.

Ludo – Avec ma paire de 10, je sur-relance ? Dix gros blinds ?

Évariste – Exactement, dix gros blinds et plus. Pareil avec A-Q bien que les débats soient très virulents sur ce sujet. Nous y reviendrons. Je modifie un petit paramètre : tu es maintenant en milieu de position. Avec ta paire de 10, tu ouvres 3 BB ; le bouton relance de 10 BB. Quel est ton mouvement ?

Ludo – Je peux envisager all-in, c’est ça ?

Évariste – Naturellement, la réponse est moins catégorique : il faudrait plus d’informations sur l’avancée du tournoi, la profondeur des tapis. Mais en effet, tu peux l’envisager. Quel est son avantage ici ?

Ludo – Je souffre de la position. Cet inconvénient est gommé par le mouvement all-in.

Évariste – Bien, nous progressons. Nous pouvons maintenant oublier ce hold-up stupide et jouer véritablement au hold ’em. Revenons à la paire d’As, la plus belle de toutes les mains de départ. Malheureusement l’une des plus affaiblies de notre graphe : elle n’aime pas le flop et surtout la turn et la river. Nous allons faire un exercice psychique.

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Calculs et jugements intuitifs

Cire – Au hold-up poker, voici où se situe la paire d’As :

- Mains inférieures : 168 valeurs 1320 combinaisons 99,55% - Mains égales : 1 valeur 1 combinaison 0,45% - Mains supérieures : 0 valeur 0 combinaison 0,00%

Ludo – Pourquoi la somme des mains fait 1321, et pas 1326 ?

Évariste – Si tu trouves la réponse tout seul, ce que j’attends de toi, tu vas adorer ce livre. Je te donne un indice : il y a quatre façons de constituer une paire d’As mais si tu as déjà une paire d’As en main, il ne reste qu’une seule autre paire possible, et non trois. Je passe maintenant la parole au coach.

Cire – D’après notre grille, la paire d’As gagne toujours, sauf une fois sur 442 au hold-up poker. Que devient cette proportion au hold ’em ?

Ludo – Je sais pas. Une fois sur 100, une fois sur 50 ? Oups, pardon… j’ai répondu trop vite. Je connais la cote : elle perd une fois sur sept, dans 15% des cas, puisqu’elle a 85% de chances de gain en heads-up.

Cire – C’est ta première réponse qui compte, celle que tu as avancée en moins d’une seconde.

Ludo – Pourquoi ?

Cire – Parce qu’une seconde, c’est le temps que met ton système subconscient pour prendre une décision. C’est un système très actif : il juge l’adversaire, il calcule aussi des cotes. Il calcule très vite, plus vite que ta conscience, mais malheureusement, ses résultats et sa fiabilité sont exécrables : un véritable cancre. Ta réponse intuitive est 1%, ta réponse raisonnée est 15%. Tu as répondu 1% : voilà la fiabilité des jugements hâtifs non étayés, de l’intuition, de l’instinct.

Ludo – Est-ce qu’on calcule souvent ainsi, « à l’instinct », au poker ?

Cire – Tout le temps ! Tu juges toutes sortes de choses dans le réferentiel des rêves, des fantasmes, des complexes et de l’espoir : tu estimes que tu vas pouvoir te refaire après trois heures de défaite lorsqu’on te distribue A-4 ou 3-3, ou bien que tu as des chances de gagner un grand tournoi alors que tu n’en as aucune. Tu évalues que l’adversaire bluffe et décide de payer contre la raison, ou que K-J est une super main de call derrière un limp suivi d’une relance en milieu de position : tu as très envie de la jouer, alors que tu sais pertinemment que c’est une erreur.

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Si ta raison, notamment la technique que tu as acquise – n’était pas là pour prendre le contrôle, tu suivrais à tous les coups avec K-J ou paire de 3 ! Revenons à notre exercice des deux As. Entre tes deux réponses, ta conscience a repris le dessus Remarque au passage que par ton hésitation, tu as offert un tell.

Ludo – Qu’est-ce qu’il faut en conclure ? C’est utile pour le poker ? C’est censé me faire progresser ?

Cire – Tu connais les tells, ces signes physiques incontrôlés qui nous trahissent, sujet de prédilection des néophytes. Paradoxalement, nous ne pensons pas intuitivement à lire les cartes adverses à travers leurs enchères – une discipline rationnelle pourtant très abordable – mais nous voulons à tout prix que leurs attitudes parasites nous envoient un message servi sur un plateau. Je joue le jeu : examinons de plus près. À table, ton hésitation lors d’un jugement instinctif se matérialisera en un tell révélateur gracieusement offert à l’adversaire. J’ai peur que ce soit capital. Ce phénomène dont tu connais le nom – c’est un simple lapsus – est capable de te faire jouer quand tu ne devrais pas, car ton inconscient adore jouer, il est resté enfant ! Ta raison t’incite seulement rester prudent et à gagner. Au poker, ils sont souvent en conflit. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que le poker génère du stress et des montées d’adrénaline.

Ludo – Tu y vas un peu fort, je ne suis pas habitué à ce discours au poker. Concrètement, quelles sont les erreurs que je peux commettre lorsque la raison lâche du terrain sur l’instinct ?

Cire – La plus fréquente : prendre une décision trop rapidement (passer ou payer sans réfléchir). Sinon, relancer instantanément à tapis en pur bluff, avec absolument rien en main. Annoncer un « suivi » immédiat sans même entendre, consciemment, le montant de la relance adverse.

Ludo – J’ai déjà vécu ça. Ça génère ensuite un terrible courant glacial dans le dos, le long de la colonne. J’ai relancé une fois un joueur à 12 750 (blinds 25/50 !), à la river, avec une paire de 6 en main – en réalité un tirage de suite raté. En fait, je n’avais pas vu son tapis, j’en avais pas conscience si tu veux. J’ai ajouté « Tapis ! Enfin… tout ce que tu as devant toi », ce à quoi il a répondu calmement « J’ai plus que toi… ». L’horreur. Je croyais qu’il avait seulement 4 ou 5 000 ! C’était un coup d’intox, pas mal monté d’ailleurs : je projetais une force trois fois supérieure à la réalité, mais sans risque, du moins, c’est ce que je pensais : je risquais 12 000 qui valaient seulement 4 000.

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Cire – Une véritable hallucination. Un jour, un champion d’échec a laissé sa dame en prise au beau milieu de l’échiquier en plein championnat du monde, après vingt minutes de réflexion. Les hallucinations sont très fréquentes, même après réflexion : elles ne se limitent pas aux absences instantanées. Malheureusement, elles sont moins visibles au poker. Quant au courant froid qui circule le long de ton dos, c’est la manifestation corporelle du conflit, au moment où la conscience se réveille. Tu constates que qu’à tout moment, tu peux perdre le contrôle de ton jugement, ta parole et tes gestes. N’as-tu jamais vu ton bras se lever tout seul, attraper des jetons et les lancer au pot ?

Ludo – Maintenant que j’y pense, en effet. C’est alors que je me dis : « mais… il y a combien là-dedans ? ».

Cire – Au moment où ton voisin de droite te lance vertement « Ludo, si tu veux bien, ce n’est pas à toi de jouer. ». Tu ne contrôles pas grand-chose à ce moment. C’est arrivé à tout le monde, même aux plus grands. Je t’apprendrai plus tard comment trouver la parade. Mais à ce stade, je souhaite que tu progresses dans une autre dimension du poker. Après les mathématiques et l’humain, tu vas aborder la finance.

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Annexes : témoignages

Isabelle Mercier : « L’ouvrage le plus complet de la littérature française sur le poker.

Il permet de découvrir le poker sous une toute nouvelle perspective et de parfaire sa formation avec des approches stratégiques très poussées. »

Almira Skripchenko : « Tous les joueurs d’échecs ont grandi avec Mon système, qu’ils gardent

toute leur vie dans leur bibliothèque et dans leur cœur. Avec Le poker au-delà du hasard, les joueurs de poker ont maintenant le leur. »

Fabrice Soulier : « Cette bible du poker qui se lit comme un roman, peut vous propulser

vers les hautes sphères de la stratégie. À la clé, ce sont dix ans d’expérience gagnés. Incontournable ! »

Michel Abécassis : « Brillantissime. Un ouvrage final, une référence absolue et la marque

du triomphe sur l’adversaire ultime de tout joueur : le hasard. »

Bruno Fitoussi : « Vous tenez entre vos mains un livre exceptionnel !

Tout à la fois récit passionnant et démonstrations de techniques révolutionnaires en Texas hold'em. »