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LE REGARD SUR L’AUTRE Objet d’étude : La question de l’homme dans les genres de l’argumentation Groupement de Textes L’esclavage : une question de regard porté sur l’homme Rappel IMPORTANT des notions sur l’argumentation http://www.etudes-litteraires.com/argumentation.php#4 1. Lectures analytiques MONTESQUIEU, De l’esclavage des nègres -> Essai / traité de sociologie politique VOLTAIRE, Candide, Le nègre du Surinam [1759] -> conte philosophique Louis de JAUCOURT, Article “Traite des nègres” -> article de dictionnaire 2. Liste complémentaire CESAIRE, Discours sur le colonialisme Code noir, extrait Victor HUGO, Melancholia Article sur l’esclavage moderne de Libération, 2013 3. Œuvres intégrales Jean Claude Carrière, La controverse de Valladolid, Roman ou pièce [1992] Didier daeninckx, Cannibale [1998] 4. Sujet de Dissertation “On ne naît pas esclave, on le devient dans le regard de l’autre”. Vous commenterez cette affirmation en vous appuyant sur votre lecture de La controverse de Valladolid de J.C Carrière et de Cannibale de Didier Deaninckx “C’est le regard qui fait de vous un être monstrueux / corvéable” : Vous commenterez cette affirmation en vous appuyant sur votre lecture de La controverse de Valladolid de J.C Carrière et de Cannibale de Didier Deaninckx

LE REGARD SUR L ’AUTRE - Pierre Reymond, peintre – …€¦ ·  · 2016-05-28LE REGARD SUR L ’AUTRE . Objet d’étude : La question de l’homme dans les genres de l’argumentation

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LE REGARD SUR L’AUTRE

Objet d’étude : La question de l’homme dans les genres de l’argumentation

Groupement de Textes L’esclavage : une question de regard porté sur l’homme

Rappel IMPORTANT des notions sur l’argumentation http://www.etudes-litteraires.com/argumentation.php#4

1. Lectures analytiques

• MONTESQUIEU, De l’esclavage des nègres -> Essai / traité de sociologie politique • VOLTAIRE, Candide, Le nègre du Surinam [1759] -> conte philosophique • Louis de JAUCOURT, Article “Traite des nègres” -> article de dictionnaire

2. Liste complémentaire

• CESAIRE, Discours sur le colonialisme • Code noir, extrait • Victor HUGO, Melancholia • Article sur l’esclavage moderne de Libération, 2013

3. Œuvres intégrales

• Jean Claude Carrière, La controverse de Valladolid, Roman ou pièce [1992] • Didier daeninckx, Cannibale [1998]

4. Sujet de Dissertation

“On ne naît pas esclave, on le devient dans le regard de l’autre”. Vous commenterez cette affirmation en vous appuyant sur votre lecture de La controverse de Valladolid de J.C Carrière et de Cannibale de Didier Deaninckx

“C’est le regard qui fait de vous un être monstrueux / corvéable” : Vous commenterez cette affirmation en vous appuyant sur votre lecture de La controverse de Valladolid de J.C Carrière et de Cannibale de Didier Deaninckx

Montesquieu, De l’esclavage des nègres (1748), extrait de L’esprit des Lois

INTRODUCTION De l'esclavage des nègres est un extrait de De l'Esprit des Lois, traité de sociologie politique que Montesquieu publie en 1748, et dans lequel il tente d'analyser comment le climat, les mœurs, l'économie, les lois ... ont influé sur les différents régimes politiques qui se sont succédés dans l'Histoire.

L'auteur, grand savant et philosophe du siècle des Lumières, fut aussi magistrat à Bordeaux, mais il est surtout connu pour des ouvrages tels que De l'Esprit des Lois ou Les Lettres Persanes, qui ont éveillé l'esprit critique des hommes du XVIIIe siècle.

Dans cet extrait du livre 15, l'auteur se feint d'être l'avocat de l'esclavage des noirs.

Il propose ainsi en neuf paragraphes bien séparés, neuf arguments. Cependant une lecture plus attentive permet de distinguer quelques vices de forme dans le raisonnement proposé.

LECTURE

ANNONCE DES AXES Puisqu'une lecture attentive du texte nous montre que Montesquieu veut, en fait, prendre à contre-pied la thèse esclavagiste, notre projet de lecture méthodique sera de montrer quelle stratégie il adopte pour atteindre son objectif.

Nous le verrons en 2 axes :

1- Le passage = un réquisitoire qui prend la forme d'un plaidoyer

2- Comment l'auteur rend son discours encore plus efficace en utilisant différents procédés rhétoriques qui montrent sa maîtrise du pamphlet.

ETUDE

I- UN REQUISITOIRE EN FORME DE PLAIDOYER 1. Etude de la structure du texte 1er paragraphe : présentation de la situation de communication.

N.B. : fait que Montesquieu présente celle-ci sous forme d'hypothèse :

Si + imparfait + conditionnel = entretient une ambiguïté puisque cette tournure peut exprimer à la fois le potentiel (pour l'adversaire) et l'irréel (pour le lecteur).

OBJECTIF : donner le signal que ce texte est à lire comme une pure hypothèse et que le plaidoyer annoncé est en fait un réquisitoire.

Paragraphes suivants : Dans la logique de ce qui est annoncé, il développe en neuf parties, les arguments du pseudo- plaidoyer :

- 2 arguments historiques et économiques situant le problème au niveau du travail -> 2 premiers paragraphes

- 2 arguments d'ordre racial (l.7-10) -> 2 paragraphes suivants - 2 arguments fondés sur un raisonnement par analogie liés à la sagesse des nations (l.11-17) -

> 2 paragraphes suivants - 1 argument sociologique (l.18-20) -> paragraphe suivant - 2 arguments religieux et politiques faisant culminer la thèse des esclavagistes et l'indignation

de Montesquieu -> 2 derniers paragraphes

2. Chaque argument des esclavagistes se détruit lui-même

TRANSITION

On voit donc que la stratégie utilisée consiste à démonter de l'intérieur chaque argument des esclavagistes en montrant son ineptie. Reste qu'en parallèle, Montesquieu maîtrise aussi parfaitement tous les outils rhétoriques, et ceci rend son texte plus efficace.

II- LA MAITRISE DU PAMPHLET (Pamphlet = cour extrait satirique qui attaque avec violence les institutions)

1. L'usage de l'antiphrase Ex : l.3 : "Ils ont dû " : en fait, aucune nécessité n'apparaît dans la réalité : en aucun cas l'anéantissement d'une autre ethnie ne peut justifier l'asservissement d'une race.

2. La juxtaposition de petits paragraphes incisifs

Avantage : On peut passer sans transition d'un domaine à l'autre et donc accumuler en un minimum de temps différents arguments décisifs.

Ex : entre l'argument 6 et 7 : d'un raisonnement par analogie basé sur une perception gratuite des Egyptiens, on passe à une réflexion qui paraît venir d'une conversation entre mondains (l.18-21), ce qui permet à Montesquieu d'égratigner au passage la passion des nations civilisées pour l'or et de rappeler que, dans la traite des nègres, le troc se fait contre de la verroterie, et donc constitue un vol.

3. Des traits de bouffonnerie ou de burlesque

Ils apparaissent dans la présentation comme d'irréfutables arguments qui ne résistent pas à l'analyse. Ex : Le rapport entre la couleur de la peau et l'essence de l'âme (l.11)

Ex : Les affirmations péremptoires par rapport au symbolisme des couleurs (ironie dans l'emploi de la tournure emphatique " d'une si grande conséquence ") (l.16-17)

4. L'utilisation habile de deux raisonnements par l'absurde (2 derniers arguments) -> syllogismes biaisés

l.21-23, Montesquieu prête aux esclavagistes le raisonnement suivant :

-> Les chrétiens doivent traiter tous les hommes en frère

-> Or nous ne traitons pas les noirs comme nos frères

-> Donc les noirs ne sont pas des hommes

Ce qui conduit le lecteur à une conclusion diamétralement opposée :

-> Donc nous ne sommes pas de vrais chrétiens

l.24-25, même principe

-> Les princes d'Europe font beaucoup de conventions inutiles

-> Or ils n'en font pas en faveur des esclaves

-> Donc c'est qu'il n'y a pas lieu d'en faire

(Lecteur : Donc les princes d'Europe sont sans cœur)

CONCLUSION Chaque argument de cette "plaidoirie " repose sur un argument vicié qui le rend inopérant, et ceci permet à Montesquieu de dénoncer différentes manières l'esclavage :

- La mauvaise foi - Le détournement de la religion L'égoïsme, le cynisme - La présentation comme sure d'arguments douteux

De l'Esclavage des nègres est brillant dans sa forme, il est aussi généreux et clairvoyant dans son ironie. Mais il faudra cependant attendre 1848 pour que l'esclavage soit définitivement aboli en France !

CANDIDE - Voltaire Le nègre de Surinam - Chapitre 19ème

Page d’origine : http://www.bacdefrancais.net/candide-19.php

Autre explication plus complète (peut-être trop) : http://commentairecompose.fr/candide/candide-chapitre-19-commentaire/

Généralités - Voltaire dramaturge du 18ème siècle (1694-1778), philosophe français qui écrivit contre l'intolérance. - Candide ou l'optimisme, 1759. - Candide est un conte en prose où Voltaire critique la vision optimiste. Ceci est une réaction envers certains philosophes de l'époque comme Leibniz.

Introduction Le nègre de Surinam constitue une dénonciation de l'esclavage et l'exemple même de l'atteinte aux droits de l'homme et à la liberté. La rencontre de Candide avec le nègre au sortir de l'Eldorado constitue un choc brutal et un retour à la réalité du mal: Candide ne peut plus se laisser aller à une quelconque croyance optimiste. Les lecteurs, à travers cet épisode vont être confrontés à une réalité historique que Voltaire intègre à sa démonstration avec efficacité.

CHAPITRE 19 CE QUI LEUR ARRIVA À SURINAM, ET COMMENT CANDIDE FIT CONNAISSANCE AVEC MARTIN

[…] Nous sommes au bout de nos peines et au commencement de notre félicité. » En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. « Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais- tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois ? -- J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. -- Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi ? -- Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons

sur la côte de Guinée, elle me disait : " Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. " Hélas ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible. [...] Extrait du chapitre 19 de Candide ou l'optimiste - de Voltaire

Annonce des axes

I. Un constat II. L'ironie III. Les différents éléments de la dénonciation Commentaire littéraire

I. Un constat Le récit de la rencontre avec le nègre est fait par le narrateur qui semble ne pas prendre partie et donner les choses telles quelles se sont passées. Les paroles de l'esclave ont cette même tonalité d'acceptation de son sort en fonction d'une même réglementation. a) Un constat dans le récit - Le " ils " désigne Candide et son valet Cacambo. Rencontre de trois personnages, Candide et Cacambo en mouvement et le nègre qui est étendu par terre. Il y a donc opposition entre liberté de mouvement des uns et immobilité de l'autre. - La présentation du nègre est faite sans apitoiement d'abord à travers des détails vestimentaires " la moitié de son habit " puis indication de sa mutilation. Tout est mis sur le même plan. b) Constat dans les paroles de l'esclave - Affirmation d'une attitude de soumission, de passivité "j'attends mon maître" - Explication calme et détaillée de " l'usage ". Symétrie de la construction de la phrase et résultat obtenu sans aucune émotion. 6> parallélisme de construction :

« Quand… on nous coupe, quand... on nous coupe » - La constat n'est pas seulement de sa situation personnelle mais il établit l'histoire de tous les esclaves. Cependant après la parole résignée de l'esclave, le nègre va donner la parole à sa mère (Rappel des propos de sa mère en employant le style direct). c) Cependant, présence d'une parole vivante,

la mère au style direct. Ce n'est pas un constat, c'est un rappel émouvant du passé.

II. L'ironie Cette ironie se révèle dans le décalage entre la l'objectivité du constat et l'horreur de la situation décrite. - Dans la logique de l'usage. - Dans la relation établie entre l'esclave et l'économie.

a) Une priorité aberrante, l'accent est mis sur " l'absence de la moitié de l'habit ". Il y a là une distorsion ironique qui insiste sur la situation réelle de l'esclave. b) L'ironie apparaît aussi dans le choix de certains termes à double sens " fameux " différent au terme valorisant illustre, célèbre : il est dépréciatif. Vandedendur est rendu célèbre par sa cruauté. c) Insistance détachée sur les closes du contrat établit par l'usage (= mutilation systématique) " je me suis trouvé dans les deux cas ". C'est un formalisme administratif que met en relief Voltaire par le ton faussement détaché, l'horreur n'en n'est que plus perceptible. d) Relation entre l'esclave et le sucre. Raccourci efficace " c'est à ce prix que vous manger du sucre en Europe ". Ici aussi distorsion, décalage entre notion de plaisir en Europe et vie inhumaine pour les esclaves. -> rappelle l(argument de Montesquieu dans texte précédent e) Insistance sur l'hypocrisie des prêtres. Le mot "fétiche" est une impropriété de terme afin d'éviter la censure. Voltaire met en évidence la contradiction "nous sommes tous enfants…" alors qu'on pratique l'esclavage. Cette contradiction trahit l'hypocrisie des prêtres.

III. Les différents éléments de la dénonciation L'émotion de Candide souligne l'horreur de l'état dans lequel se trouve l'esclave et cette horreur ne peut inspirer que de la pitié. Voltaire fait ainsi appel à la sensibilité de son héros et à travers lui à celle du lecteur. a) Pourquoi dénoncer l'esclavage - parce que l'esclavage est un traitement dégradant - dégradation sur le plan social, l'esclavage est la propriété d'un autre homme. - dégradation sur la plan moral et spirituel : la langue, la religion. b) Dénonciation de l'illusion Optimiste qui conduit à l'esclavage à cause de l'attitude de sa mère. L'esclave renverse même le système des valeurs fondamentales : Esclave = honneur. Il est recommandé par la mère. c) Dénonciation de l'esclavage qui est un système brutal et cruel parce qu'il exploite la souffrance pour la plaisir de quelques privilégiés : " c'est à ce prix ….. en Europe ". Quelques figures de style à éventuellement commenter :

Ironie Euphémisme

(l.15) "C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe "

Voltaire montre l'horreur de l'esclavagisme : on mutile pour faire baisser le prix du sucre ->argument déjà prit par Montesquieu

Champ lexical de l'Eglise

(l.5) "mon dieu" (l.18) "bénit" (l 20) "seigneur" (l.27) "Adam" (l.29) "fétiches"

Voltaire met en valeur les contradictions entre les fondements de la religion et le traitement des noirs.

Patronyme à double sens Allitération Assonance

(l.9) " Venderdendur "

Van düren, libraire hollandais, avec lequel Voltaire s'est accroché. "Vendeur à la dent dure" souligne le caractère cruel du négociant.

Champ lexical du négociant

(l.7) "maître" "Venderdendur" (l.8) "négociant" (l 19) "fétiches" (l.20) "seigneur" (l.21) "Les blancs"

Forte présence du négociant exprime la domination du blanc sur le noir ; à l'époque.

Paradoxe (l.19) "ils te feront vivre heureux" <-> (l.13-14) "attrape le doigt coupe la main, on s'enfuie coupe la jambe"

Contradiction entre les idées de leurs parents et le traitement du nègre.

Voltaire fait passer à travers le nègre un message très fort. Il montre bien les difficultés rencontrées par les esclaves. Vision du noir :

Citation péjorative, vision réductrice.

(l.2) "moitié habit" (l.4) "pauvre Homme" (l.3-11) "caleçon de toile" (l.6) "état horrible"

Nègre dénigré ? emploi d'adjectifs péjoratifs.

Litote Ton implicite

(l.2) "n'ayant plus" (l ;17) "ma mère me vendit dix écus patagons" (l.3-11) "un caleçon de toile"

Traite des noirs En ce temps-là , la toile était faite pour envelopper la marchandise.

Enumération

Litote

(l.23) " les singes , les chiens , les perroquets" (l 24) "sont mille fois plus heureux que nous"

Les noirs sont moins bien traités que les animaux qui eux sont respecté pour leur obéissance.

Ironie (l.29 à 30) "Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user d'une manière plus horrible avec ses parents"

Cela montre qu'un noir n'est pas respecté en tant qu'homme .

Parallélisme

(l.12à14) "quand la meule nous attrape le doigt on nous coupe la main , quand nous voulons nous enfuir on nous coupe la jambe"

Code noir de 1685 Cela va à l'encontre des préceptes de la bible

Répétition expressive

(l 1,8,10) "le nègre" Voltaire insiste une fois de plus sur le thème de l'esclavage.

La vision du noir est très sombre, morbide. On se demande comment ils font pour vivre.

Conclusion Cet extrait de Candide est basé sur le constat de l'infamie de la traite négrière. Il décrit de manière authentique la cruauté des négociants. Au premier abord, le fait que le point de vue soit externe tend à nous faire penser que le constat est neutre. L'étude de ce texte nous montre que c'est Voltaire qui s'exprime à travers le nègre. C'est pourquoi on peut dénoter de l'ironie, notamment quand Voltaire traite de la religion. Comme nous l'avons dit auparavant, le constat paraît neutre. Pourtant la description très crue de la mutilation des nègres et du négoce de ceux-ci suscite un sentiment de révolte et d'indignation chez le lecteur. Toutes les figures de style montrent une très bonne organisation du texte. C'est pourquoi nous pouvons déduire que ce texte participe fortement au combat de Voltaire contre l'intolérance et l'injustice.

Article « Esclavage », Jaucourt, Encyclopédie

Quelles sont les visées de cet article d’encyclopédie ?

INTRODUCTION N°1 : Écrit par le chevalier de Jaucourt, médecin et homme de lettres, en 1766, « La traite des nègres » est un article extrait de l’Encyclopédie, célèbre ouvrage écrit par Diderot et

D’Alembert. Le chevalier étant très proche d’eux, ceux-ci lui ont demandé d’écrire près d’un tiers de l’Encyclopédie où il pouvait avoir une certaine liberté d’expression, chose que nous allons observer

dans le texte à venir.

LECTURE DU TEXTE

INTRODUCTION N°2 : Cet extrait traite donc du thème de l’esclavage, sujet difficile et contesté, et qui était très courant à l’époque. Mais beaucoup de philosophes ont voulu prendre la défense des esclaves, notamment le Chevalier de Jaucourt dans cet article. Mais il invite cependant à s’interroger sur les différentes visées du texte. Après avoir étudié, dans un premier temps, la visée informative du texte, nous montrerons qu’il y a également une visée argumentative.

I. UN ARTICLE INFORMATIF … A) ... AVEC UNE DÉMARCHE ENCYCLOPÉDIQUE * Présentation typographique : titre écrit en lettre majuscules (comme dans un dictionnaire). * Thème noté entre parenthèses.

* « C’est » (l .1) ; premier mot au présent de vérité générale qui est un présentatif. On utilise le présent de vérité générale pour énoncer une loi, une définition, un fait qui ne changera jamais.

=> L’auteur veut donc donner une définition

* Un souci d’organisation : 5 paragraphes : 1er : définition, présentation des protagonistes, lieux, causes et conséquences. 2ème : donne l’avis de quelqu’un d’autre. 3ème : droit que s’octroient les personnes hauts placés. 4ème : Droit naturel des esclaves. 5ème : Conclusion. * Emploi d’un vocabulaire précis : nommer les peuples (« nègre », « Européens »), vocabulaire juridique (« loi », « crime », « droit »), vocabulaire politique (« roi », « prince », « magistrat »), vocabulaire économique (« négoce », « vente », « marchandise » …), vocabulaire géographique (« Afrique », « colonies », « Amérique »). B) … QUI INFORME LE LECTEUR * Acteurs de l’esclavage identifiés : esclaves (« achat de nègre »), les vendeurs (2ème paragraphe) et

les acheteurs (1er paragraphe). * Présentation du lieu : « on les achète sur les côtes d’Afrique » (l.1 et 2) * Lieu d’arrivée : fin du 2ème paragraphe * But de l’achat : « pour employer ces malheureux » (l.3 et 4), « esclavage » * Dimension informative mince : les informations sont surtout dans le premier paragraphe.

TRANSITION : Mais cet article qui est sensé rester objectif, dévie rapidement vers la dénonciation et la condamnation.

II. UN ARTICLE ARGUMENTATIF A) DES ARGUMENTS CONTRE UN COMMERCE INHUMAIN QUI VIOLE LES DROITS NATURELS * Champs lexical du commerce/négociation/marché : « acheter » (l.13) ; « négoce » (l.3) ; « acquis à prix d’argent » (l.16) ; « vendre » (l.12) ; « exposent en vente » (l.9) => comme des objets ; ils sont comparés à de la marchandise. * Termes péjoratifs : « viole » (l.3) ; « crime » (l.10) ; « atroce » (l.10) ; « inhumanité » (l.22) pour dénoncer ce commerce. Jaucourt veut marquer ! * Jaucourt pense que c’est la faute des personnes hauts placées : gradation + énumération (l.11) : « Les rois, les princes, les magistrats ». * Il accuse également les négociants : 2ème paragraphe * Attaque de l’Église : « âme » TRANSITION : (analyse de la ligne 10/11) Si on accepte ce type de commerce, tous les commerces et crimes sont permis et les droits n’existent plus. Hors pour Jaucourt, le droit de la liberté ne peut être enlevé à un homme. * Champs lexical du droit humain : « liberté » (l.19) ; « droit naturel » (l.21) ; « libre » (l.23) renforce l’idée que chaque humain est libre. * Gradation ascendante (l.3) : « un négoce qui viole la religion, la morale, les loix naturelles, & tous les droits de la nature humaine » qui sonne comme une loi ou un principe et montre que l’esclavage est illégal/ « illicite » (l.16) * Paragraphe 5 : illustre bien le fait que la liberté est un droit que l’on ne peut enlever. B) DIFFÉRENTES MÉTHODES D’ARGUMENTATION 1) PERSUADER * On peut voir que l’auteur se positionne dès le début (l.2), donc il a un but, un objectif : persuader le lecteur. * Reprendre les termes péjoratifs cités plus haut où Jaucourt veut émouvoir le lecteur, lui faire entendre son avis. * Reprendre le champ lexical du commerce cité plus haut où l’auteur fait appel aux sentiments du lecteur en montrant comment sont considérés les esclaves.

* Périphrases : « ces malheureux » (l.2) ; « ces infortunés » (l.18) pour provoquer la compassion/la pitié. Cela relève du registre pathétique. * Pour renforcer l’idée que les esclaves sont des humains : au début du texte il les désigne grâce à un COD (« les » (l.7)) alors qu’à la fin du texte, il devient sujet (« il » (l.22)). 2) CONVAINCRE * Souci de vouloir démontrer avec des connecteurs logiques : « par conséquent » (l.6) ; « D’un autre côté » (l.13) ; « Il faut conclure de-là » (l.14 et 15). * Argument d’autorité à la ligne 5 : « dit un Anglois moderne, plein de lumières & d’humanité ». Jaucourt choisit cet homme car il pense qu’il a beaucoup de prestige. * Argument logique à la ligne 6 : « ils ne se dévouent pas non plus volontairement eux-mêmes à la servitude, & par conséquent leurs enfants ne naissent pas esclaves ». Il réfute donc une loi en démontrant logiquement que c’est faux. Si un homme ne veut pas volontairement esclaves ou s’il l’est, il est impossible que ses enfants le soient. * Jaucourt donne des lois avec des principes irréfutables comme à la ligne 14 : « ils ne peuvent ni être vendus, ni achetés, ni payés à aucun prix » grâce à la conjonction de coordination « ni ».

CONCLUSION : on peut donc conclure que le Chevalier de Jaucourt donne rapidement une définition du sujet (visée informative) mais tombe rapidement dans la condamnation (visée argumentative). Nous pouvons rapprocher ce texte du Discours sur la servitude volontaire de La Boétie qui traite lui de la servitude des humains.

Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1955

négritude La négritude est un courant littéraire et politique, créé durant l'Entre-deux-guerres, rassemblant des écrivains noirs francophones, dont Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas, Guy Tirolien, Birago Diop et René Depestre notamment. ...

Approfondir par Recherche sur Aimé Césaire sur wikipedia

Introduction Dans la première section du discours sur le colonialisme (auteur, genre, mouvement), Césaire

rappelle l’argument majeur des colonisateurs. Colonisation = civilisation. Mais dans cet extrait de la deuxième section, le fondateur de la Négritude s’attarde à réfuter tous les arguments de l’Europe colonisatrice. En quoi la stratégie argumentative d’Aimé Césaire est-elle particulièrement efficace ?

I- Un discours engagé a) Présence forte du locuteur - Anaphore de « je parle » (l.28-36) : l’auteur affirme sa voix, le lecteur est capté

- Pronom personnel « je », déterminant « mon », pronom tonique « moi » (l.22-28-36) et « moi je » doublement du pronom : insiste sur la présence du locuteur

- Verbes de perception « j’entends » l.24, « je regarde et je vois » (l.3) : côté observateur, témoin ce qui donne de la crédibilité à Césaire

b) Un art oratoire maîtrisé - Impératif « parlons » + 1ère personne du pluriel + « mais » en début de phrase = invitation et marque de l’oralité

- Simulation d’un dialogue avec des mots qui se font échos d’un paragraphe à l’autre, comme un jeu de questions/réponses :

- « on me parle de progrès » / « moi je parle de société vidée d’elle-même »

- « on me lance à la tête des faits, des statistiques » / » moi je parle de milliers d’hommes »

Cela ajoute du crédit à Césaire puisqu’il prend en compte les arguments de l’autre Césaire reprend un à un tous les arguments des colonisateurs pour les réduire à néant.

II- Une réfutation habile Exposition de la thèse adverse pro-coloniale Réfutation de cette thèse par Césaire

- accumulation de métiers peu qualifiés (l.7)

3) « Justice ? » -Accumulation et paronomase « intimidation, pression … vol, viol » (l.12)

4) « On me parle de progrès, de « réalisations », de maladies guéries, de niveaux de vies élevées au dessus d’eux- mêmes » (l.26) : accumulation de bénéfices pour le peuple colonisé

Césaire répond par une accumulation « moi je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées »

(l.30) : anaphore de « de » + pluriels +champ lexical de la destruction mis en valeur par une assonance en « é » + italique.

- « sociétés vidées d’elles-mêmes » : métaphore de la cuisine, on enlève les organes

- « religions assassinées » : personnification

5) « des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemins de fer » (l.33) Deux accumulations l’une dans l’autre + gradation rythmique

La réponse de Césaire est chiffrée « de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan » (l.37) , « de millions d’hommes »(l.40) : gradation + indignation de l’auteur avec « creuser à la main » et « sacrifiés »

III- Une vive polémique a) Déshumanisation des colonisés - Equation : colonisation = chosification. Particulièrement mis en valeur par le langage mathématique, par l’italique, par le choix du néologisme « chosification » particulièrement violent.

Cette équation fait écho à la thèse adverse qui dit que « colonisation=civilisation »

- Plusieurs personnifications inversées : Réification

- « l’homme indigène en instrument de production » (l.22) <- champ lexical du Marxisme associé au champ lexical de l’économie « affaire » « fabrication »

- l.7 : « la fabrication hâtive de quelques milliers d’hommes »

- « élites décérébrées » : oxymore -> la colonisation tue la force pensante du pays colonisé

- accumulation finale qui indique qu’on leur retire tout leur part d’humanité. Elle est renforcée par l’anaphore de « à » + la violence du mot « arraché »

-> La culture initiale des colonisés est remplacée par la culture des colonisateurs

b) Les colonisateurs déshumanisés - « aucun contact humain » l.18 : absence d’humanité

- Enumération « la corvée …. Muflerie » l.12 : rapport de bêtes non civilisées renforcé par l’allitération en « m »

- « qui transforme l’homme colonisateur en pion … en chicote » (l.20)

- « des rapports de domination et de soumission » (l.19) comme un groupe de bêtes sauvages

Conclusion

A travers son Discours sur le colonialisme, c’est un pamphlet contre la colonisation que livre Aimé Césaire. Il réfute les arguments bien pensants des colonisateurs. Il montre ainsi que la colonisation non seulement n’est pas l’apport de la civilisation pour le colonisateur, mais qu’elle est, en plus, une perte de civilisation pour le colonisateur. C’est ce qu’il affirme au début de la seconde partie de l’ouvrage « il faudrait d’abord comprendre comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur »

Melancholia, Victor Hugo - Les Contemplations

Introduction

Victor Hugo a été le chef de file du romantisme au 19ème siècle. Il a composé une œuvre gigantesque qui témoigne de nombreux engagements personnels. Poète militant, il s’est préoccupé tout au long de sa vie du sort des misérables et a lutté contre toute forme d’injustice sociale.

En 1856, Victor Hugo publie Melancholia, poème en alexandrins, extrait de Les Contemplations. Dans ce poème, Hugo évoque le travail dur et pénible des enfants.

Nous étudierons dans un premier temps l’exploitation des enfants de l’usine. Ensuite nous verrons en quoi ce poème fait part de sentiments, d’idées de justice et de liberté. Enfin nous démontrerons que le poème Melancholia est avant tout un instrument de dénonciation.

Melancholia (extrait)

Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?

Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?

Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?

Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;

Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement

Dans la même prison le même mouvement.

Accroupis sous les dents d'une machine sombre,

Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,

Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,

Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.

Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.

Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.

Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.

Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !

Ils semblent dire à Dieu : « Petits comme nous sommes,

Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! »

O servitude infâme imposée à l'enfant !

Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant

Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,

La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,

Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain ! -

D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !

Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,

Qui produit la richesse en créant la misère,

Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !

Progrès dont on demande : « Où va-t-il ? que veut-il ? »

Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,

Une âme à la machine et la retire à l'homme !

Que ce travail, haï des mères, soit maudit !

Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,

Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !

O Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,

Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,

Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !

Victor Hugo, Les Contemplations, Livre III

Commentaire du poème

Dès le premier vers du poème, Hugo emploie une modalité interrogative. Il souhaite interpeller le lecteur grâce au registre pathétique du poème. Il met en opposition sous la forme d’une antithèse « tous » et pas « un seul ». En fait tous ces enfants devraient rire. Il suscite l’intérêt du lecteur. Victor Hugo décrit avec réalisme l’état physique des enfants. Il insiste sur leur mauvaise santé « que la fièvre maigrit; quelle pâleur ! », leur fatigue « bien las ; rachitisme ! ».

Au vers 2 et 3, Hugo utilise une anaphore « ces » qui est un adjectif démonstratif afin de montrer concrètement le problème. L’auteur interroge puis répond, ce qui fait de ce poème un véritable texte argumentatif.

Il souhaite aussi attirer l’attention du lecteur sur le fait que les enfants sont constamment dominés ; il emploie à plusieurs reprises l’adverbe « sous » : « sous des meules », « sous les dents ». Il met en parallélisme le vers 4 et le vers 7, ce qui donne un effet d’emprisonnement des enfants. Les enfants

sont de véritables outils à production, ils sont employés par des adultes pour le profit « travailler quinze heures sous les meules, de l’aube au soir ». Les enfants sont donc des machines « qui produit la richesse en créant la misère ». Leurs conditions de travail sont totalement « infâmes ». Pour Victor Hugo, le monde de l’usine est comparable à l’enfer, il emploie à différents moments des métaphores pour insister sur la personnification des machines.

Sous les dents d’une machine sombre,

Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre

Dans ce passage, il y a trois allitérations « m, r et ch », le « r » étant la consonne de la menace.

Il cherche à reproduire le mouvement de la machine qui mâche. Cette figure de style donne donc une atmosphère lugubre grâce aux rimes riches (ombre et sombre). Nous pouvons de même remarquer une gradation ascendante concernant cet univers infernal « prison, bagne et enfer », ce qui implique très fortement le lecteur dans ce monde d’esclavage que subissent les innocents. En fait, le travail possède une double image contradictoire : Hugo oppose la faiblesse des enfants (« doux êtres pensifs », « accroupis sous les dents d’une machine sombre », « Innocents dans un bagne ») à la puissance des machines. Ce monde est donc tout à fait comparable à l’enfer. Victor Hugo emploie des modalités exclamatives, des phrases nominales qui explicitent beaucoup sur la réalité : il emploie au vers 14 l’adverbe exclamatif « hélas » qui relève du pathétique. Au vers 12, il emploie le mot « cendre » qui peut avoir une double image : la première est celle du charbon exposé dans l’usine, la deuxième celle des corps des enfants inhumés. Nous pouvons remarquer à ce propos l’omniprésence de la religion dans ce poème. Cet univers est froid et dur « tout est d’airain, tout est de fer ». Au vers 15, Hugo fait parler les enfants alors qu’ils n’en ont pas le droit. C’est une sorte de prosopopée (= faire parler ou agir un mort, un animal ou une chose personnifiée). En effet les enfants sont exploités « servitude infâme imposée à l’enfant » sans que les adultes ne prennent conscience de leur âge de leur mental et de leur résistance.

Victor Hugo montre son attachement pour les enfants « doux êtres pensifs » tout en dédaignant le monde de l’usine. L’auteur emploie de même des adverbes de temps qui raffermissent la sombre idée qu’est le travail « éternellement, même mouvement ; quinze heures sous des meules ». Le travail est donc dur, pénible, répétitif et monotone.

Victor Hugo utilise des verbes forts pour exprimer son désaccord « haï des mères ; qui tue ». Il pense aux conséquences que peut entraîner ce travail injuste « et qui ferait d’Apollon un bossu et de Voltaire un crétin ! » de façon à montrer le ridicule de l’erreur que commettent les adultes envers les enfants. Il insiste aussi sur le fait que les jeunes travailleurs appellent à l’aide mais que tout le monde reste passif face aux cris de détresse. Melancholia contient un message que Victor Hugo veut faire passer : la surdité des hommes par rapport à l’esclavage de cette époque.

Pour lui le progrès est responsable de ce massacre. Il estime que faire travailler des enfants dans de telles conditions n’est pas digne de progrès « le progrès dont on demande, où va t-il ? ». Ces doux êtres ne devraient pas travailler comme cela ! Ces innocents sont des êtres jeunes et naïfs qui ne comprennent pas forcément ce qui leur arrive « ils ne comprennent rien à leur destin, hélas » car ils demeurent impuissants contre ceux qui les exploitent. Sans les enfants facilement exploitables, les hommes n’auraient rien pu faire. Ce travail est usant et cela les mènerait à la mort ou bien à un état d’épuisement général si personne n’intervient pour éviter le chaos « qui tue, œuvre insensée », «

travail dont le souffle étouffant », « travail mauvais qui prend l’âge tendre en sa serre ». A ce propos, nous pouvons affirmer qu’il s’agit d’une métaphore filée du monstre : il emploie « serre » et l’adjectif « soufflant » qui rappelle le mouvement de la machine. Victor Hugo insiste aussi sur le fait que l’âme jeune, celle de la vie, est condamnée à être utilisée comme une machine « qui donne, en somme, / Une âme à la machine et la retire à l’homme » car la jeunesse est la source de la vie quand les enfants s’épanouissent. Les adultes s’enrichissent en rendant les enfants malheureux « Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre, / Qui produit la richesse en créant la misère ». L’auteur emploie une anaphore en « maudit » ainsi que le terme « opprobre » (= grande honte, déshonneur). La religion est donc présente tout au long du texte.

La poésie est donc ici un instrument de dénonciation et donc Melancholia est avant toute chose un texte à visée argumentative. Il dénonce l’injustice sociale de l’époque. L’auteur est partisan d’un travail d’adultes et non d’enfants, un travail qui donne la liberté à l’âme jeune « au nom du travail saint, fécond et généreux qui fait le peuple libre et rend l’homme heureux ». Victor Hugo emploie du début à la fin des termes religieux saints.

Melancholia est donc pathétique réaliste. Ce poème écrit avec précision la société du siècle dernier, montrant les conditions déplorables des enfants dans le monde de l’usine. Il insiste sur le fait que ce sont les enfants et non les adultes qui donnent la joie de vivre au monde.

Melancholia est donc un poème argumentatif qui illustre l’œuvre de Victor Hugo : améliorer le sort des pauvres qu’il poursuivit dans son œuvre Les Misérables.

Le plan synthétique :

I. Evocation du travail des enfants

- jeunesse et fragilité des enfants

- durée du travail, aspect répétitif

- dureté du travail industriel

II. Dénonciation de ses conséquences

- conséquences physiques : maladie, enlaidissement

- conséquences morales : solitude, tristesse, désarroi

- conséquences intellectuelles : abrutissement, déshumanisation

- conséquences sociales : asservissement, misère

III. Indignation de Victor Hugo contre l'exploitation des enfants

- incompatibilité des enfants et du travail

- diabolisation du travail industriel

- mise en cause du progrès synonyme de profit

- revendication d'un travail épanouissant (par les adultes, le peuple)