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Le roi d'Italie, sa famille et sa cour: notes biographiquesAuthor(s): La Varenne, Pierre Charles Mathon deSource: Foreign and Commonwealth Office Collection, (1861)Published by: The University of Manchester, The John Rylands University LibraryStable URL: http://www.jstor.org/stable/60232924 .
Accessed: 14/06/2014 08:16
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LE
ROI DITALIE
IS A FAM1LLE ET SA COUK
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-IMPRIME CHEZ BONAVENTURE ET DUCESSOIS 55, QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS.
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LE ey*
ROI DITALIE
SA FAMILLE ET SA GOUR
NOTES BIOGRAPHIQUES
M. CHARLES DE LA VARENNE
PARIS
E. DENTU, LIBRA1RE-EDITEUR PALAIS-ROYAL, 13 ET 17, GALERIE d'ORLEANS
1861 Tous droits reserves.
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LE
ROI DITALIE
SA FAMILLE ET SA COUR
Enfin, l'ltalie est faite!—M. de Metternich, lui-meme,
s'il revenait au monde, n'oserait plus pretendre qu'elle n'est
qu'tme expression geographique. — II y a maintenant un
royaume d'ltalie, un roi d'ltalie.—II y a un parlementitalien, nomra6 par toutes les provinces d'ltalie, moinsRome et Yenise, c'est vrai; mais Rome reviendraa son vrai maitre avant trois
mois, et Venise avant la fin de l'annee.—Voila tout.
Get immense evenement, qui va changer les destinies du
monde, ct tout d'abord de l'Europe, est salue avec enthou-
siasme par tous les amis du progres, par tous les partisans des nationality, par les monarchistes intelligents, qui voient
la uh grand peuple soustrait a l'anarchie, et devenant un
puissant eldment d'ordre et de paix sociale.—Laissez crier les
vieux partis, les derniers champions des antiques abus;
laissez-les s'agiter dans leur impuissance — Comme jadis
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les monarques fondateurs de notre unite, et partant de notre
grandeur, Victor-Emmanuel etablit sa glorieuse monarchie
sur les ruines des pctites souverainetes tyranniques et anti-
nationales : il a pour lui le voeuunanime despeuples, la justice
de la cause qu'il a prise en main, apres son magnanime
pere, et jusqu'au double droit cle l'antique heredite et des
represailles. —Le droit d'heredite, parce qu'il descend directement de
ces vieux rois nationaux d'ltalie, que l'invasion germaine detrona au xe siecle, et dont la race retrouva, de l'autre cote
des Alpes, en Savoie, un domaine et les moyensde reprendre
pied dans l'ancien heritage. —Le droit des represailles, car ces princes depossedes,
dont certaines gens voudraient faire d'innocentes victimes,
n'ont cesse de conspirer avec l'Autriche pour depouiller de
leurs Etats son pere d'abord, lui ensuite; — depuis le jour oil
M. de Metternich proposaitau congres de Laybach, en 1821,
de transporter a l'archiduc Francois IY, de Modene, les
droits hereditaires de Charles-Albert au trone sarde!
- Et, par un rare bonheur, cet unique prince de sang na¬
tional s'est trouve en meme temps le plus gen^reux des
hommes, le plus vaillant et le plus loyal des rois : si bicn que l'ltalie s'est donnee tout entiere a lui, autantpar amour et
par admiration, que parce qu'il etait le seul qui eut a la fois
le pouvoir et la volonte de la rendrc libre et une, de la refaire
grande nation.
«En acclamant,— disait au Senat italicn le rapporteur de
la loi pour l'etablissement du nouveau royaume, — en accla¬
mant Victor-Emmanuel roi d'ltalie, la nation a voulu re-
compenser cette illustre dynastie italienne dont la sagesse
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civile, le courage militaire et un indomptable esprit d'inde-
pendance ont rendu le peuple subalpin digne de la liberte et
gardien du drapeau national; elle a voulu rendre hommage a, la memoire venerable du magnanime Charles-Albert et a l'ardent patriotisme de son fils. »
« Sire,—poursuivait l'adresse de la Chambre des deputes, —a Fanniversaire de votre naissance, les suffrages de tout un
peuple placent la couronne d'ltalie sur votre tete benie par la Providence. C'est la la digne recompense du courage de vos ai'eux, du sacrifice de votre pere, de la foi que vous, unique au milieu de tous les anciens souverains de l'ltalie, avez eue en la cause de la liberte et du droit populaire. »
La maison de Savoie est aujourd'hui une des plus ancien-
ne?, de meme qu'une des plus illustres d'Europe, depuis Humbert aux blanches mains, descendant des rois d'Ifalie, qui regnait en 10321; et le plus bel eloge que Ton puisse faire
d'elle, c'est qu'elle ne compte pas un seul mauvais prince,
1 Cet Humbert avait pour pere Othon-Guillaume, premier souverain inde- pendant de la Savoie, fils d'Adalbert, roi d'ltalie, marquis d'lvr^e, et petit- fils du roi Be>anger II, sur lequel les Germains avaient conquis Milan et l'ltalie superieure.
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meme aux epoques ou la violence semblait l'unique droit, et
ou la tyrannie etait acceptee partout comme chose naturelle.
—Aussi l'historien Savoyard Monod pouvait-il, au xvne siecle,
vanter le singulier amour de ses compatriotes pour leurs
souverains, et pretendre que la dynastie de Savoie etait la
seule dont aucun prince n'eut encore peri de mort violente,
ou n'eut eu simplement a combattre aucune revolte contre sa
personne. De petits comtes de Maurienne qu'ils se retrouvaient en
l'an 1000, apres leur depossession du royaume d'ltalie par
les Allemands, c'est par une vaillance et une tenacite a toute
6preuve, en meme temps que par une suite de grands carac-
teres, d'habiles et fins politiques, qu'on voit les ai'eux de la
dynastie sarde arriver, de siecle en siecle, au point de faire
compter l'Europe avec eux, et de decider la victoire clu cote
ou ils se rangent. —« Physionomie originale et curieuse par
elle-meme, dit un moderne ecrivain, que celle deces princes
quele cardinal d'Ossat appelait assez brutalement les Louve-
ieaux de Savoie! On les voitse de'mener au milieu des evene-
ments, batailleurs comme des heros d'Homere, s6rieux
comme des Taciturnes, jouant de l'epee et negotiant secre-
tement. Par leurs alliances, ils tiennent aux plus grandes et
aux plus vieilles maisons royales, aux maisons de France,
d'Espagne, d'Angleterre, d'Autriche; par la position de leurs
Etats, ils sont des premiers dans toutes les querelles de
l'Europe. La neutrality ne leur est point bonne; un seul, le
due Charles III, voulut rester neutre au xvie siecle, et le
Piemont faillit disparaitre dans une tempete de fer et de feu,
serre entre Francois 1" et Charles-Quint. Pour ces petits
souverains, l'ennemi, c'est celui qui a un pied chez eux ou qui
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menace de devenir leur maitre. Contre celui-la ils s'allieraient
au Grand-Turc et meme a l'Autriche. Ils n'ont rien d'ideal et
de bien chevaleresque, ces soldats intrepides et ces souples
diplomates, et cependant il passe sur leur visage je ne sais
quel reflet qui attire, car ils ont, apres tout, une pensee juste et virile, celle de secouer tous les liens de vassalite! Ils ont
l'ame patriotique et la fibre italienne. —Les ambassadeurs
venitiens peignaient Emmanuel-Philibert comme un prince tout nerf, ayantdans lesmouvements du corps « une grace au-
« dessus de l'humanite, » parlant peu et agissant beaucoup,
negotiant toujours debout ou en marchant. Charles III avait
perdu le Piemont par sa neutralite, Emmanuel-Philibert le
reconquit en nous infligeant avec les Espagnols le desastre de
Saint-Quentin. Apres lui, Charles-Emmanuel fait pendant
vingt ans la guerre et poursuit un agrandissement qui fuit
toujours, que le plan fameux de Henri IV faillit lui donner en
le faisant roi de Lombardie. On lui attribue un sonnet plcin du sentiment italien: «ltalie, ah! ne crains pas!... Celui qui « desire te soustraire a un lourd fardeau, contre toi ne conspire « pas. Prends courage et espere! » —A la fin du xvne siecle
survient Victor-Amedec II, qui rassemble tous les traits de la
race. Apres Emmanuel-Philibert, c'est le second fondateur de
la vraie politique piemontaise. »
Toutes les passions, toutes les ardeurs de cette illustre
lignee viennent se personnifier en Charles-Albert, et faire de lui une des plus saillantes figures de l'histoire. Expose dans
sajeunesse aux injures, aux persecutions de l'Autriche, qui se defie de son Education francaise et qui pressent un futur
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ennemi dans ce prince sympathique aux liberaux italiens; menace longtemps d'exheredation au profit d'un archiduc, le fils des Carignan a la force dc subir en silence ccs rudes
humiliations.—Et, lorsque plus tard il est sur le trone, c'est
toujours avec son meme visage impassible et sans rien laisser
paraitre des sentiments qui le devorent, qu'il travaille dix-
huit annees durant a se creer une armee, cles finances, a fairc
de son peuple une pepinierede soldats, en attendantl'occasion
cl'assouvir scs sentiments et de venger l'ltalie.—1848 vient
reveler le patriote, le heros, le glorieux continuateur de la
maison de Savoie.—Seul en face du colosse autrichien, ce
souverain de cinq millions d'amcs triomphe pendant quatre mois des armees etrangeres; Milan et Venise se donnent a
lui. Le royaume de la haute ltalie existe plusieurs jours.—Et
malgre les desastres qui succedent a ces tiiomphes, a ces
enivrements, malgre l'isolement coupable dans lequel lc
laissent et la France et 1'Angleterre, aussitot qu'il a recompose ses regiments, le vieux roi marche de nouveau a l'ennemi,
et ne quitte, vaincu par la trahison, les champs de Novare,
que pour aller, seul et depouille de sa couronne, mourir
sur la lointaine plage d'Oporto, de la douleur de ses csp<$- rances trompees.
Tcls elaient les princes auxqucls succedait, en 1849,
Victor-Emmanuel II, tel Fheritage cle haine contre l'etranger, de devouement a 1'Italic.—Nul prince n'etait mieux fait pour continuer l'oeuvre traditionnelle de sa maison.
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II
Victor-Emmanuel II, premier souverain de l'ltalie unie, et
qui clot la liste des rois de Sardaigne, de Chypre et de Jeru¬
salem, estne a Turin, le 14 mars 1820, du prince Charles- Albert dc Savoie-Carignan et de Marie-Therese, princesse de la maison de Toscane.—II eut pour parrain le bon Victor- Emmanuel I", qui aimait beaucoup son pere, etjusqu'a son avenement a la couronne, il porta le titre de due de Savoie.
Compromis aux yeux du roi regnant, Charles-Felix, par sa courte rfigence, pendant la revolution de 1821, ou il se con- duisit de la facon la plus noble et la plus devouce, le prince de
Carignan dut prendre, avec sa femme et son fils au berceau, la route de cetexil, ou la persecution autrichienne le poursuivit si
acharnementl.—Maitresse par elle-meme ou par ses vassaux de tout le reste de la Peninsule, la cour de Yienne pensait avec
Jin quittantlesEtats sardes, le Prince passa par Milan. Ayant du se rendre palais du vice-roi, il j rencontra dans une galerie le gdneral autrichien
ubna, gouverneur militaire de la Lombardie, qui, le montrant du doigt a ses officiers, s'ecria d'une voix insultante : « Void le roi d'ltalie! » et des Nres grossiers lui firent chorus. — Charles-Albert fremit et sY'loigna.— Qu'en pensent aujourd'hui les siirvivants de cette scene?
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raison que son domaine ne serait que precaire tant qu'elle
aurait en face d'elle le Piemont independant, sous un prince
de la maison de Savoie, cette vieille rivale; et elle tenta les der-
niers efforts pour faire passer la royaute sarde a quelqu'un de
ses archiducs.—Les evenements de 1821 lui fournissaient une
excellente occasion, en presentant a la Sainte-Alliance, encore
toute-puissante, le prince de Carignan comme un complice
des revolutionnaires, clangereux dans l'avenir sur le trone, et
qu'il convenait d'ecarter de la couronne, pour le mettredans
1'impuissance de nuire.—Sans l'energique intervention du
gouvernementfrancais, l'inique spoliation etait consommee,et
l'ltalie devenait esclave tout entiere, pour des sieclespeut-etre.
—M. de la Maisonfort, ministre de France a Florence, ou
Charles-Albert s'etait tout d'abord refugie, croyant trouver
dans le grand- due, son beau-pere, un appui qui lui fut refused
M. de la Maisonfort ecrivait a sa cour :— «Le ministre d'Au-
« triche ma dit a moi-meme, en termes clairs et positifs: « —NOUS LTJI ENLEVERONS SON DROIT HEREDITAIRE A LA COU-
« ronne. » — Et son fils? ai-je demande avec distraction,
« comme si j'avais a peine entendu. —« Son fils? nous ver-
« rons; cela pourrait embarrasser pour nne regence, jiais
« ON A LE TEMPS d'y PENSER. »
«—... On va si loin, qu'on m'a parle non-seulcment de
« transferer l'heredite sur la tete de 1'enfant de quatorze mois
« qui est ici (Victor-Emmanuel), mais encore de passer par-
« dessus, pour appeler le due de Modene... »
Ce fut en effet ce que demandaformellement l'Autriche aux
puissances: et elle n'6choua que devant i'attitude menacante
de la France : — service aussi memorable pour l'ltalie que,
plus tard, les batailles de Magenta et de Solferino
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Les premieres annees de Victor-Emmanuel furent done
temoins de la disgrace si noblement supportee, des douleurs
secretes de son pere. —11 dut puiser des lors, dans les epan- chements de la famille, cette haine immortelle contre l'Au¬
triche et tout ce qui lui tenait. cette soif d'une revanche ecla-
tante, cette ardeur de la liberation nationale, qui devorerent
la vie de Charles-Albert, prince et roi.
Et, justice divine! le fils de Carignan regne aujourd'hui sur toutes ces memes villes, dont les anciens maitres, a peine etait-il au monde, travaillerentsi longtemps a le depouiller de
son propre heritage
C'est un vrai soldat, dans l'acception chevaleresque du
mot. Toute sa personne respire le commandement et la male
assurance du souverain et du general. Sa taille, au-dessus de
la moyenne, est encore rehaussee par un grand air, par la
facon hardie dont il porte la tete. Blond et legerement colore, il a 1'oeil fier et doux en meme temps. L'expression de sa phy- sionomie est la resolution et la bonte; et, a coup sur, jamais
physionomie n'a dit plus vrai.—De meme qu'il est le plus brave de son armee, le roi d'ltalie est egalement le meilleur
et le plus genereux des hommes.—Jamais personne n'a eu
recours a lui en vain.—Aussi, n'est-ce pas de 1'amour, mais
une veritable idolatrie que ses sujets anciens ou nouveaux
professent pour lui.
A l'exemple du grand Frederic de Prusse, avec qui il aura
1'autre ressemblance de crealeur d'un grand peuple, conquis sur l'Autriche et organise contre elle, le roi a ete severement
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eleve, et tenu, pendant sa jeunesse, a un dur regime.—Non
point que Charles-Albert put etre compare au brutal Guil-
laume ; mais il voulait discipliner son peuple pour en faire une
nation solide ; il trempait ses soldats par le culte inexorable
du reglement, et il trouvait utile de donner ses propres fils en
exemple, en les formant ainsi au metier de generaux habiles,
dc princes capables d'exiger la subordination qu'ils avaient
eux-memes pratique^.—L'education de Victor-Emmanuel a
ete toute militaire, de meme que celle de son frere cadet, le
due de Genes. Et nul, plus que ces deux princes, ne donna
l'exemple de toutes les qualites guerrieres, pendant la cam-
pagne de 1848, en Lombardie.
Le due de Savoie avait recu le commandement d'une divi¬
sion. II prit la part la plus brillante a tous les combats qui se
livrerent. Prodigue de sa personne et adore des troupes qu'il
soignait avec une sollicitude toute particuliere, il savait leur
communiquer un feu, un elan, clevant lesquels tout obstacle
avait bicntot disparu. Chaque pas difficile lc voyait accourir et
se jeter a la tete des regiments qu'il enlevaitpar sa bravoure.
La victoire de Goi'to, le 30 mai 1848, si importante par ses
resultats, fut clue principalement au courage ainsi qu'au coup d'ceil militaire dece prince, — Un Francais, M. de Tallcyrand-
Dino, qui rejoignait, pendant eclte grande journee, le quartier
general du roi dc Sardaigne, a trace, dans ses Souvenirs de
la guerre de Lombardie, un recit saisissant de sa premiere ren¬
contre avec l'heritier de Charles-Albert.
e—J'ai vu le roi, il mefaut a present le due de Savoie.
o—Cette fois-ci, nous sommes a l'aile droite ; le combat y
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est acharne. Je cherchais le due de Savoie, ce sont les Autri- chiens que je rencontre. lis poursuivent vivement un regiment piemontais ; ils ont bien choisi le point faible de la position, cette aile est un peu en 1'air et le terrain lui est defavorable. La victoire parait se decider pour les lmperiaux qui se battent a merveille : mais, en cet instant, je vois passer, pres de moi, comme un tourbillon, un jeune officier general; son cheval arabe est couvert d'ecume, le sang ruisselle sous les eperons qui le pressent.
« Le cavalier, l'eeil en feu, 1'epee a la main, ses epaisses moustaches herissees, se precipite vers un beau regiment de la garde.
« A quelques pas du front, il s'arrete et s'ecrie : «—A moi, les gardes, pour sauver I'honneur de la maison
de Savoie !•»
« Un cri general repond a cet appel chevaleresque. Le
regiment s'ebranle ; le combat se rallume plus archarne; les Autrichiens s'arretent et reculent. Mais des renforts leur arri- vent; ils reviennent a la charge et menacent d'^craser le regiment cles gardes, dont les officiers deploient la plus bril- lante valeur. Le jeune general parait et disparait tour a tour a
mesyeux, au milieu de la fumee des feux de file, de pelotons et de tirailleurs ; il parcourt incessamment les rangs, encou¬ rage les soldats de la voix et du geste, et, bien que frappe d'une balle a la cuisse, n'en reste pas moins inebranlable au Plus fort du combat.
« Enfin, le general d'Arvillars fait avancer une batterie egere et amtiie la brigade Cuneo au pas de charge. La batterie ouvre son feu, les Autrichiens s'arretent etonnes ; Cuneo entre e^ ligne et 1'ennemi se met en pleinc retraite.
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— lO-
ci Un officier blesse passe pres de moi.
«—Monsieur, lui dis-je, quel est ce general qui vient de
payer si bravement de sa personne? «—C'est le due de Savoie.
«—Vivat pour la maison de Savoie! Les descendants de
Philibert-Emmanuel n'ont point degenere, et l'artichaut de
ce prince [I'ltalie) pourra bien avoir trouve celui qui en
mangera plusieurs feuilles a la fois. »
Les temps n-'-etaient pas encore venus. Le roi, ses fils et la
vaillante armee piemontaise rivalisaient en vain d'heroi'sme.
Apres quatre mois de campagne, et nombre de combats oil
elles avaient eu constamment le dessus, les troupes royales,
surprises dans un mouvement hasarde et tournees par l'en-
nemi, de beaucoup superieur en nombre, durent ceder succes-
sivement les deux rives du Mincio, et se mettre en retraitea
travers la Lombardie.—Si la fatale journee de Custoza ne vit
pas la deroute totale des Sardes, ce fut a la resistance deses-
peree des fils du roi qu'on le dut.—Le clue de Savoie se battit
comme un lion, et sa division fut celle qui se relira dans le
meilleur ordre1. — Charles-Albert, touchy du mainour des
Milanais, et prenant davantage conseil de son cceur que de sa
prudence, avait decide de marcher sur la capitale de la Lom¬
bardie pour essayer de la defendre. Les Autrichiens le sui-
1 L'armee piemontaise tout entiere, soldats, officiers, geniiraux, princes, donna des preuves de valeur reconnues plus tard parl'ennemi.parl'Eui'ope militaire. Le principal effort dela bataille fut la defense de Custoza par le due de Savoie ; mais il dut c^der enfin, ot le lieu temoin de son lieroique resistance donna son nom a cette journee funeste et immortelle.
(Comte Cesar BALBO, Histoire i'ltalie-)
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vaient en toute hate; et a peine les Piemontais etaient-ils arrives sous les murs de Milan, qu'il leur fallait s'adosser a la ville et combattre.
Toute la jourrlee du 4 aout, on sebattit avec un mutuel achar- nement. Les Autrichiens vengeaient avec rage leurs longues humiliations; les Piemontais se defendaient avec une sombre fureur. A la tete des regiments les plus exposes, et payant d'exemple, les princes royaux resterent douze heures au feu, voyant autour d'eux la mort vider les rangs et decimer leur
etat-major.—Une tempete affreuse, ou le tonnerre repondait aux decharges pressees de l'artillerie, redoublait l'horreur de la scene. —Les soldats sardes, a peine un contre trois, fon- daient au feu et couvraient la terre de leurs cadavres. Leur defense opiniatre, en etonnant l'ennemi, permit aux repre- sentants de la France et de l'Angleterre, accourus a Milan, et mediateurs spontanes entre les deux camps, d'obtenir du marechal autrichien une honorable convention, qui sauva les rcstesde l'armee royale, et garantit les personnes ainsi que les biens des citoyens milanais.
Aussilot apres le retour dans les Etats hereditaires, la
principale occupation du roi et des princes fut de creer a tout prix de nouveaux soldats. En quelques mois, cent mille hommes presents au drapeau attesterent l'activite de l'admi- mstration et le devouement du peuple. Le due de Savoie secon- dait son pere avec ardeur; et la courte, mais memorable cam- pagne de Novare suffirait a elle seule, dans la part qu'il y Prit, pour l'illustrer a jamais. —Ce prince se trouvait seul avec le faible corps du general la Marmora, qui recut, a
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Mortara, en se faisant ecraser plutot que de ceder, le premier
choc de toute l'armee autrichienne, arrivee a Fimproviste sur
le sol piemontais par la trahison de Ramorino, a la Cava.—
Accouru auquartier general, devant Novare, le due fut Fame
des troupes dans cette bataille de geants, Waterloo de FItalie,
ou dix mille cadavres, couches le soir a, terre, attestaient suf-
fisamment la mortelle haine des deux races en presence.—
La fatalite, en paralysant la partie des forces confiees a, Ra¬
morino, avait seule vaincu Charles-Albert. Dix-huit heures
de combat corps a, corps, avec un ennemi plus que double en
nombre, sauverent l'honneur de l'armee sarde.—Le lende-
main de ce terrible jour, l'heroique champion de Findepen-
dance italienne etait parli pour Fexil lointain ou il devait
bientot mourir; et le due de Savoie acceptait courageuse-
ment, avec la couronne, la lourde tache de relever le Pie-
mont de cette immense defaite, de reprimer les factions, et,
enfin, de rendre courage a, l'ltalie, en lui montrant que sa
delivrance n'etait que remise et non point abandonnee.
Ill
Jusqu'ici on n'a vu que le soldat intrepide, que le fils
devoue et rompu a Fobeissance passive. Maintenant apparai'
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le souverain loyal et magnanime, consolant, a force de gran¬ deur d'ame, le pays de ses malheurs, vouant sa vie a la
poursuite de Fidee paternelle, et sachant allier le respect d'une sage liberte a, ces desseins d'independance nationale,
que l'Europe officielle lui deconseillait alors a l'envi.—En suc- cedant a son pere, Victor-Emmanuel II se trouvait libre de tous engagements. II n'avait rien promis, rien jure; il pouvait, d'un mot, aneantir le statutet se refaire monarque absolu.— La reaction triomphait partout autour'de lui, en Italie comme dans le reste du continent. Le vieux Radetzki, discutant avec
lui-meme la rancon du Piemont vaincu, offrait a ce jeune roi de vingt-neuf ans de retirer ses troupes et de renoncer a toutes les consequences de sa victoire, s'il voulait dechirer la consti¬ tution de Charles-Albert; le menacant, en cas de refus, de consommer la ruine de sa monarchic—Et alors, le noble
prince s'ecriait avec indignation: « Notre race connait le
chemin de l'exil, et non point celui du deshonneur! »Et FAu-
trichien, baissant la tete, n'osait plus parler que de millions.
A l'interieur, c'etait pis encore.—Finances ruinees, partis extremes dechaines; une insurrection separatiste a Genes ; des agents mazziniens excitant les mauvaises passions des
masses ; une chambre des deputes, saisie de vertige, refusant lout concours au gouvernement qui essayait de se constituer, en s'appuyant sur elle, et, comme le dit un ecrivain, « allant
d'elle-meme au-devant d'un coup d'Etat que 1c nouveau roi eut pu accomplir d'un mot, et auquel le pays eut peut-etre battu des mains. »
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Mais quoique eleve dans l'exemple du pouvoir absolu, et ne
pouvant etre encore bien affectionne au regime constitutionnel,
dont il n'avait guerevu jusque-la que les cotes facheux, Victor-
Emmanuel crut devoir a, son honneur, a la memoire de son
pere, le maintien de ces libres institutions dont son peuple, au
fond, etait digne, et que sa propre clairvoyance lui signalait
comme une arme terrible contre la domination etrangere en
Italic—Aide par de sages ministres, que presidait Fillustre
Maxime d'Azeglio, il en appela franchement au pays; et le
pays repondit a ses loyales paroles par des elections qui per-
mirent a la Couronne de sauver la situation et de consolider
la liberty.
Dans un beau travail sur les destinees de l'ltalie, un emi¬
nent publiciste francais, M. Charles de Mazade, a parfaite-
ment defini les resultats de la genereuse maniere d'agir de
Victor-Emmanuel pendant celte crise.
«—C'etait une confirmation nouvelle du statut; le regime
constitutionnel etait heureusement affranchi de toutes les soli-
darites revolutionnaires, et devenait un systeme regulier de
liberte moderee qui peut n'avoir pas produit tous ses r&ultats
interieurs, mais qui a vecu. Et il a vecu justement par Fin-
time et invincible union du souverain et du peuple, qui sont
lies par les memes interets, les memes sentiments et les
memes esperances. Un des caracteres de cette maison royale,
c'est d'etre profondement identifiee avec le pays ; elle n'a pas
meme une fortune privee a elle. 11 peut y avoir en Piemont
des liberaux, des conservatcurs, des absolutistes, des radicaux,
en un mot, des nuances diverses d'opinions qui se font jour
dans le parlement; mais ces dissidenccs, ces dissentiments de
caracteres et d'opinions ne deviennent jamais une agression
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contre le roi. qui est toujours, aux yeux de tous, 1'expression traditionnelle et populaire de la vie nationale, et, par cela
meme, le roi n'est nullement interesse a, entraver la liberte
individuelle. II s'ensuit que la popularite du roi est une
garantie pour la liberty et que la liberte a son tour est une force de plus pour la monarchie. Aussi, qu'est-il arrive" depuis dix ans Les passions revolutionnaires se sont eteintes comme
des flammes sans aliments. Tandis que les autres pays de
l'ltalie etaient pleins de troubles secrets et d'agitations mena-
cantes, le Piemont restait exempt de tous ces perils interieurs. La demagogie n'y existait pas. —C'est ainsi que le Piemont, progressivement pacific par la liberte, rendu a lui-meme en
quelque sorte, a pu reprendre peu a peu ses traditions de
politique nationale, un moment enfouies sous le desastre de Novare. »
La est le secret de cet entrainement qui a porte tous les
autres Etats italiens a se Jeter, depuis la guerre de 1859, dans
les bras du Piemont et dc son noble roi.—En comparant la
conduite dc ces souverains de race etrangere, jureurs de
constitutions en 1848, bientot apres, aussitfit le danger pass6, s'aidantdes bai'onnettes allemandes pour replacer leurs sujets sous un joug encore plus dur qu'auparavant, et poussant jus-
qu'a lafolie Fivressedela reaction,—en comparant cette con¬
duite a ccllc du roi dc Sardaigne1, F unique prince de sang
1 Loi squo arnva a Turin la nouvelle que le grand-due Leopold de Toscane, appuye' par l'occupation autnchienne, venait, par une inutile vengeance retrospective, de declarer abohe, avec des termes injiirieux, la constitu¬ tion qu'il avait librement et solennellement jurte en 1848, et qui, du reste,
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italien, et le sort qui leur 6tait fait a celui des Pi£montais,
comment ces peuples n'auraient-ils pas invinciblement tendu
vers un si noble maitre, vers une condition si enviable ?~
L'ambition la plus raffinee n'aurait su etre aussi habile que la
loyautS et la bonte naturelles de Victor-Emmanuel.—Et si,
chez plusieurs des hommes d'Etat qui Font assiste dans cette
tache, c'etait surtout un ressort d'habile politique que de pren¬
dre en main la cause de FItalie opprimee, des provinces voi-
sines foulees aux pieds par de veritables barbares; chez
Victor-Emmanuel, c'etait le coeur qui parlait, et qui, sans
aucun souci d'un hypothetique agrandissement, le poussaita
intervenir dans la querelle de ces peuples si cruellementtraites
par d'impitoyables tyrans.
On le sait aujourd'hui.—Le fameux discours, prononce
pour Fouverture du parlement sarde, le 10 Janvier 1859, qui
jetait si fierement le gant a l'Autriche et a ses vassaux, ce dis¬
cours si pathetique et si entrainant, fut pense et ecrit par
Victor-Emmanuel lui-meme.—Ces paroles : Nous ne sommes
pas insensibles aux cris de douleur qui s'elevent de tant de
parties de Vltalie,—partaient du fond de Fame du vaillant
prince.—II risquait ainsi tout, sa couronne et sa vie, la fortune
et Favenir de sa maison, pour secourir ceux qui tendaientvers
lui leurs mains suppliantes.—Et maintenant encore, si ce che¬
valier des temps antiques, si ce prince soldat, peu soucieux
de pouvoir et d'eclat, et qui vit sur le trone comme un simple
n'existait plus en fait depuis longtemps, le roi, s'entretenant avec une per¬ sonne amie, vint a parler de cet acte. Tout d'un coup, saisi d'une violente indignation, il ouvre une fenetre et s'6erie : « Vous voyez bien cette tour? Eh bien si je croyais etre jamais capable d'une pareille infamie, je cour- rais a l'instant meme m'en pr^cipiter » — Voir le tres-curieux diseours de M. Guerrazzi a la Chamhre des deputes italienne, en mai 1860, ou cette anecdote est rapportee.
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officier, accepte la couronne d'ltalie, et se prepare a la soutenir
de toutes ses forces, ce n'est pas par 1'ambition d'etre roi d'un
Etat de vingt-cinq millions de sujets, mais bien parce que ses
compatriotes, si longtemps malheureux, ont fait appel, envers
et contre tous obstacles, a son humanite, a son courage, a
l'honneur de faire de l'ltalie une nation, et qu'ils se sont donnes
spontanement a lui, en gens stars de leur choix.
Fils pieux et d^voue, les exemples de Fh^roique vaincu de
Novare n'ont pas cesse d'etre sa regie dans la grande entre-
prise de Findependance nationale. 11 s'est identifie en tout la
pensee de son pere, et il venere dans cette ombre glorieuse le
martyr de Fidee italienne, autant que Fauteur de ses jours.
En chaque circonstance ou trouve place ce grand souve¬
nir, le roi n'a garde de negliger la glorification de Charles-
Albert, de revendiquer la tradition de devouementpatriotique,
qui fut son plus'cher heritage.—Apres sa liberation, la ville
de Milan ayant celebre spontanement Fanniversaire de la
mort de Fexile volontaire d'Oporto, Victor-Emmanuel ecrit
aussitot au maire:
« Mon cher comte Belgiojoso, le temoignage de sympathi- « que regret offert par la population de Milan, le 28 juillet, « a la grande ame de mon pere, a profondement emu mon
« cceur. Les Milanais, en s'associant spontanement au deuil
« de famille de leur roi, ont prouve que le lien qui m'unita
« eux estun lien d'amour; et j'en suis pleinement satisfait.
« En honorantd'une maniere inusiteela memoire de Charles-
« Albert, ils ont voulu signifierque ni les anneesniles ev^ne-
« ments n'ont en rien affaibli le respect et la gratitude pour
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« le promoteur de leur independance, et jc leur en rends
« graces aunom de l'ltalie.
« Alors meme que je n'aurais pas d'autre preuve pour me
« faire reconnaitre Faffection et la loyaute de mes Milanais, « celle-ci a ete si consolante pour moi que je sens le besoin
« de leur dire combien je les ai compris. Votre honorable
« municipality, en se faisant Finterprete de mes sentiments
« vis-a-vis de vos concitoyens, remplira Fun des vo3ux les
« plus chers a mon cceur.
« Victor-Emmanuel. »
En serendantal'appel enthousiaste de l'ltalie'meridionale, en venant genereusement completer sa delivrance,—au risque de compromettre le royaume d6ja fait et assure de FItalie du
Nord,—pour vivre ou perir tous ensemble, le noble et loyal
prince s'adresse ainsi aux nouveaux sujets qui veulent se
donner a lui:
« Mon pere m'a donne un grand exemple, en renoncant a
« la couronne pour sauvcr sa proprc clignite et la liberte de
« ses peuplcs. Charles-Albert succomba les armes a la main
« et mourut en exil. Sa mort a lie de plus en plus les clesti-
« nees de ma famille a celles du peuple italien, qui, depuis « tant de siecles, a laisse sur toutes les terres etrangeres les
« cendres de ses proscrits, commc un titre a la revendication « de la commune patrie »
Et cene sont point la des phrases; c'est la simple expression de la pensee cl'un honnete homme, qui a accepte clc son perc un legs sacre, et qui eleve ses propres enfants pour lui succe-
der dans la meme tachc. — Des d61egues du cercle Milanais
L>&'1. >:
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de Brera vicnnent, pendant l'hiver de 1860, le supplier de
moins s'exposer, a Favenir, si la guerre doit recommencer.— (i Eh bien repond le roi, qu'est-ce que cela fait sije suistue, « est-ce qu'il n'y a pas la mon fils? »
La campagne de 1859 est encore trop pres de nous pour qu'il soit besoin de rappeler tous les traits de bravoure et de
sollicitude envers ses soldats du royal chef de Farmee sarde.
—Laissant, comme jadis son pere, la regence du royaume au
prince Eugene de Carignan, Victor-Emmanuel avait voulu
marcher a, la tete de ses troupes et les animer par son exemple. —Les journees de Palestro et de San-Martino furent temoins
desonindomptablc fougue. II etonna jusqu'aux zouaves eux-
memes ; n'est-ce pas tout dire?—Apres Solferino, campe" de- vant cette forteresse de Peschiera, que son frere avait deja prise en 1848, le roi en commencait activement le siege, lorsque l'Empereur des Francais, sur de graves raisons, sedecida sou-
dainement a offrir la paix a Fennemi.—Prie de se rendre au
quartier general francais de Valeggio, et seul avec FEmpe- reur et le prince Napoleon, Victor-Emmanuel apprit avec autant de douleur que de surprise Fetonnante nouvelle.—La scene fut vive, dit-on.—Desespere de s'arreter en si beau
chemin, en laissant la Yenetie encore esclave, le roi, a un
moment, se leva d'un bond et s'ecria : —« Eh bien je conti- nuerai la guerre scul, en appelant a moi l'ltalie! » —Sa gene- reuse ardeur ne voulait point admettre d'obstaclcs ni de
temporisation. — Et, a l'heure actuelle non-seulement la
perspective d'unc nouvelle rencontre, fort possible, avec
l'Autriche, diit-il etre livre a scs propres forces, ne l'effraye
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point; mais encore il payerait cher le bonheur de d&ivrer les
Venitiens par le fer, et non pas avec For.
Voila le personnage officiel, le roi galant homme, comme
Fappellent les Italiens.—Passons a la vie intime, aux details
sur la famille et la cour du Henri IV de l'ltalie moderne.
IV
Ce qui distingue surtout Victor-Emmanuel, c'est une fran¬
chise d'allures et de sentiment toute militaire, et comme on
n'en a vu que bien peu d'exemples chez les princes, jointe a
une bonte" dont rien ne saurait donner Fidee. Jamais il n'a dit
non a personne; et quiconque Fa approche une fois garde une
ineffacable impression d'attendrissement et de respect, pour
tant de gracieuse affability. D'un abord facile a tous ses sujets,
cet excellent prince en est litteralement adore. Les Piemontais
ne parlent de lui qu'avec unc tendresse infinie, et le nom du
roi ou sa presence produisent un enthousiasme extraordinaire
chez les plus froids.—11 y a de Fidolatrie, etbien meritee, du
reste, dans la facon dont le peuple le contemple lorsqu'il passe
dans Turin. On sent que ces gens se feraient tous tuer pour
lui avec bonheur. C'est bien curieux et bien touchant a voir.
—Je me rappelle que, pendant Fhiver de 1858, le roi vint
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plusieurs fois au theatre Victor-Emmanuel, comme je m'y trouvais. On sait combien le public italien est bruyant et pas- sionne. Eh bien! celui-la, compose en majeure partie de gens du peuple, devenait calme et silencieux, cles qu'entrait le roi, au point que Fon eut entendu voler une mouche. Plus la moin-
dre marque d'approbation ni d'improbation. Jamais etiquette de cour ne fut observee pareillement. Le roi est chez lui par- tout ou il va, et en honorant ce lieu de sa presence, il semblait
que tous les assistants sesentissent ses invites.—Etd'ailleurs, aussitot qu'il etait assis, et apres les formidables applaudisse- ments qui saluaient sa venue, il n'y avait plus d'autre interet
chez les spectateurs que pour lui, pour le regarder, pour Fad-
mirer a Faise. La scene disparaissait; et le cher prince deve¬
nait Faction a lui tout seul. Je me suis senti souvent emu
jusqu'aux larmes a ce tableau, ainsi qu'aux paroles d'amour
et aux benedictions que murmuraient entre eux mes voisins
en fixant leur vaillant souverain.
Lors du cholera de 1854 qui fit beaucoup de mal en Pied¬
mont, mais surtout a Genes ou les habitants mouraient par
milliers, et que la population faillit abandonner tout entiere, le roi s'empressa de se rendre dans cette derniere ville, pour veiller aux soins a donner, et relever les courages par sa pre¬ sence. Sa contenance fut heroique; il visitait les hopitaux et
se portait aux quartiers les plus ravages, sans le moindre souci
desapersonne.—Lorsqu'onle sutla, toutleroyaume, oubliant
le fleau, ne s'occupa plus que de lui, du danger qu'il courait.
Les deuils individuels disparaissaient devant Fanxi^te gene- rale. Enfin, lorsqu'il revint sain et sauf dans la capitale, ce
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fut un bonheur, un delire de joic qu'on ne se figurera ja¬
mais.
La noblesse, de tout temps fidele a la maison de Savoie,
partage les sentiments du peuple envers le fils de Charles-
Albert, sauf une incorrigible minoritc retrograde, qui se plait
afaire de ses salons de Turin autantde foyers d'opposition oil
Ton souhaitc tout haut le triomphe de l'Autriche.—Victor-
Emmanuel sait parfaitement a quoi s'en tenir a cet egard, et
il lui exhappe parfois de mordantes railleries envers ces sujets
mal intentionnes, comme cclle que voici et qui a ete deja
repetee souvent.
II y a plusieurs annees, Fimperatrice de Russie vint a
Turin; le roi n'ayant plus sa mere ni sa femme, chargea la
comtesse de Robilant, dame de la plus haute naissance et
distinction, de faireles honneurs de son hospitalite a Fauguste
visiteuse. — La marquise d'Arvillars, premiere dame du
palais, maisregardee comme Fame du parti noir autrichien,
entra dans un violent courroux de ce choix, et elle en ecrivit
au roi, qui lui repondit sur-le-champ « qu'il ne manquerait
pas assurement de se souvenir d'elle, si jamais une impe-
ratrice d'Autriche passait par Turin.»
Ce n'est pas l'^clatant avenir que Famour de l'ltalie va
donner a sa maison, mais bien un devouement profond a la
patrie commune, un rcligieux respect pour les id^es et les
nobles passions de son pere, qui ont surtout soutenu Victor-
Emmanuel dans Fentreprisehardie et merveilleuse de delivrer
une nation esclave et dc la replacer a, son rang, malgre pres-
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que toute FEurope. — Aux moments ou Favenir etait si
sombre, si incertain, quand le Piemont ne comptait autour
de soi que des ennemis et pas un allie, c'est alors que l'he-
ritier du heros de Novare levait le plus haut la tete et faisait
ungenereuxetsympathique accueil aux proscrits de toutes
les parties de laPeninsule.—Romains, Siciliens, Napolitains, trouvaient aide, protection, travail et repos assure. — Quant aux gens des Ducheset du Lombard-Venitien, le libre vote
populaire de 1848 les avait fait freres du Piemont, sujets volontaires et chaleureusement acceptes de la maison de
Savoie, et ils etaient chez eux, en terre sarde. Us figuraient dans le conseil, comme M. Paleocapa et autres savants emi¬
gres, dans la propre maison du roi, comme le general Cialdini,
nomm6 aide de camp. — Et certes! ce n'etait pas a cette
epoque Fespoir d'une recompense prochaine qui causait
cette conduite. Le ciel de l'ltalie etait bien obscur, et le
fameux Astre du comte Vert de Savoie et de Charles-Albert
singulierement voile! — Mais Victor-Emmanuel avait une
vive conscience de sa haute mission, et il n'ignorait pas la
valeur de ses propres actes. — En 1858, un Francais qui a
quelque peu ecrit sur la question italienne, lui fit hommage d'un de ses livrcs, en tete duqucl il avait trace cette dedicace : — A Sa Majestd Victor-Emmanuel, roi d'ltalie. — Le roi
lut ces mots en souriant, et repondit a Faide da camp qui lui
avait remis le livre : — « Dites a M. X... que j'accepte son
augure, car je crois que c'est ce qui pourrait arriver de plus
heureux a l'ltalie. »
J'ai entendu parfois einettre cette opinion que, chez Victor-
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Emmanuel, le soldat l'cmportait sur l'homme d'Etat. —
C'est une grande erreur. — Sous une bonhomie qui n'exclut
nullement la finesse, le roi possede la plus parfaite connais-
sance des homines et des choses. II n'est pas un detail des
e'venements contemporains, pas un individu du mouvement
italien, qui ne lui soient familiers. II est, a cet egard, un vrai
prince de cette maison de Savoie, hereditairement dou^e du
double genie militaire et politique. — Rien ne s'arrete nine
se fait sans sa decision, toujours tres-posee, et parfaitement motivec. — Et quoique puissent pretendre les creatures trop
empressees de certain ministre, c'est au heros de Goi'to et de
Saint-Martin que revient Fhonneur de Finitiative, danslaplu-
part des actes memorables oil la royaute sarde jouait son
existence pour la liberation cle Fltalie. — Certes! il avait
murement calculi les consequences de sa resolution, ce
souverain qui, en 1859, a la veille de se trouver engage seul
contre la formidable puissance de FAutriche, disait ironi-
quement: — « Eh bien! si je perds ma couronne, et que je
n'aie pas la chance de me faire tuer auparavant, je trouverai
bien toujours une place de colonel quelque part!»
Apres la treve de Villafranca,—alors que M. de Cavour,
devenu impossible aux affaires, se retirait, pour organiser
une opposition formidable contre Fhomme eminent qui se
devouait a la chose publique, Fillustre Urbain Rattazzi,—le
roi prouva bien que lui seul est indispensable a l'ltalie. —
II fallait tenir tete a l'Europe entiere; negocier a Zurich con¬
tre FAutriche; resister, sans l'offenser, a la France elle-
meme, qui deconseillait 1'annexion de laToscanc et des Roma-
gnes; gouverner indirectement les quatre Etats de l'ltalie
centrale, en les premunissant contre un decouragement trop
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facile; fusionner la Lombardie aux anciens Etats; et pourvoir,
en un mot, a, toutes les difficultes d'une situation, comme il
ne s'en prfeenta jamais, et oil la moindre erreur etait mor-
telle. — Cette tache ecrasante, Victor-Emmanuel Fentre-
prit avec l'aide de M. Rattazzi, et des habiles, mais modestes
collaborateurs de ce grand ministre. — Et lorsqu'au milieu
de Janvier 1860, l'Angleterre posait pour condition de son
appui la rentree au pouvoir de M. de Cavour, Fannexion
de l'ltalie centrale se trouvait moralement faite, contre le
gre de toute F Europe ; le royaume de la haute Italie exis-
taitde fait, avec 12 millions d'ames; etM. de Cavour n'avait
plus qu'a faire signer les actes consecratoires de cet immense
resultat, dont on lui fait injustement honneur.
Le roi d'ltalie possede une veritable fascination. On ne
peut le voir sans Faimer aussitot, ni l'^couter sans etre con-
vaincu. Ce don personnel lui a rallie nombre de gens de la
plus haute valeur, que des principes contraires a la monarchie
ou d'anciennes rancunes eussent tenus eloignes du mouve-
ment par le Piemont, au grand detriment de Find^pendancc
italienne. — Quclque temps avant la guerre dc 1859, lors-
qu'il fut question de la venue de Garibaldi dans les rangs
piemontais, beaucoup pretendaient que jamais le vaillant sol-
dat de Montevideo et du siege de Rome n'abdiquerait a ce
point ses vieux ressentimcnts contre Fetat-major sarde, qui
Favait meconnu en 1848. II y avait un peu de vrai clans cettc
disposition du gen6ral, qui n'ignorait pas du reste, malgrc
les managements tout nouveaux auxquels M. de Cavour sc
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trouvait oblige envers lui, combien lui-meme et sa formation
de volontaires etaient loin de plaire a, ce ministre. — Mais,
en une seule entrevue, Victor-Emmanuel remua,par son loyal
regard, par quelques simples mots, le brave coeurde Garibaldi,
et fit si bien sa conquete, qu'il n'a pas eu depuis lors un soldat
plus devoue, un sujet plus fidele. — Les faits de ces trois
dernieresannees Font prouve suffisamment.
Du reste, s'il excite ces devouements, ce culte passionne,
le roi saitparfaitementles apprecier et les reconnaitre.—Sans
souci de 1'etiquette, sans crainte de deroger a la majeste de
son rang par ces familieres appellations, le royal soldat dira
trSs-bien: « Mon ami X... m'a dit telle chose » ou encore:
« Quand vous verrez mon ami un tel, dites-lui que je Faime
beaucoup. »
Comme jadis son pere, le roi recoit tres-volontiers dans le
tete-a-tete les hommes politiques, ceux surtout de Fopposition
(an ministere, car a la dynastie, il n'y en a absolument pas),
pour causer avec eux de la situation, des besoins du pays, de
leurs idces pur les affaires. 11 ecoutc aussi bien M. Brofferio
que le premier venu de ses ministres.—Mais il a aussi son
conseil particulier de personnages graves, serviteurs eprouves de la maison de Savoie, qui lui ont facilile la pratique du re¬
gime constitutionnel. Et parmi cesderniers, celui qu'il prefere,
et dontil veut savoir Favis, toujours juclicieux, danschaque
circonstance importante, c'est l'excellent et devoue comman-
deur Rattazzi, qui, premier ministre de Charles-Albert, et
devenu cher a son fils, possecle a la fois la confiance entiere,
le respect du pays et Faffection de son prince. — Beau genie
judiciaire et administratif, travailleur infatigablc, a qui le
Piemont doit toutes ses lois actuelles, cceur loyal, homme
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d'allures modestes, comme tous les esprits veritablement
grands!
Tous les mouvements, chez Victor-Emmanuel, partent du
cceur, et la spontaneite de ses effusions double leur charme.
Apres le vote de l'ltalie centrale, des deputes d'une de ces
provinces sont admis en sa presence, et Fun d'eux, saisi d'une
vive emotion, d'un de ces religieux attendrissements que peuvent seuls comprendre ceux-la qui savent a quelle hor¬
rible domination Victor-Emmanuel venait de soustraire ces
peuples, Fun d'eux, tout trouble, lui demande une grace.— « Parlez? ditle roi.—Celle de baiser cette vaillante main qui nousasauves, nous et nos enfants!—Commentdonc! reprend Victor-Emmanuel, entre amis on se serre la main, entendez-
vous; et nous sommes des amis, n'est-ce pas »
Et tendant la main au depute, il pressa energiquemcnt la
sienne.
Cette bonne affabilite non cherchee, cette aisance militaire, s'ajoutant a l'heroique conduite qui a jete l'ltalie dans ses
bras, lui ont gagne tous les coeurs, lors de ses voyages d'en¬ tree en connaissance, pour ainsi dire, dans l'ltalie centrale, a Naples et en Sicile. Les plus indifferents ont ressenti le
charme. —Quant au peuple,'—et je m'en suis trouve person- Hellement temoin,—c'a ete partout un vraidelire.—Voici, du
reste, un fragment de lettre, ecrite de Florence en avril 1860, 3
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sous l'impression de la circonstance, et qu'on lira certainement
avec interet:
« Le succes du roi a ete complet. Ses manieres tranches
et cordiales vont beaucoup a, cette population polie, qui en
avait assez de Fair jesuitique et faux de Fancien grand-due.
C'est un succes digne de Henri IV. Ces larges epaules, ce
teint bruni au soleil de Palestro et de San-Martino, cette
demarche ferme et militaire, cette aisance a cheval, cette
bonhomie piemontaise, tout cela lui a gagne les cceurs et toutes
les sympathies. « Aussi ce n'est pas avec le cri officiel de Vive le roi!
qu'on Facclame. Les gamins, les femmes, le peuple, le suivent,
l'entourent, en criant: Vive Victor-Emmanuel! Vive le roi
d'ltalie! Vive le caporal des zouaves! Vive le soldat de
I'independance! Le roi tient bon au ceremonial, mais il re-
pond toujours avec un sourire bienveillant aux naivetes de
la foule. Aux Cascines, un paysan s'approchait de lui avec
trop de confiance: les aides de camp voulaient l'ecarter;
mais le roi, 1'ayant remarque, donna ordre de le laisser ap-
procher, croyant sans doute qu'il avait quelque requete a lui
presenter. « —Que me voulez-vous? lui dit-il.
« —Sire, repondit le paysan, sauf votre permission, je
voudrais vous toucher!
« —Touchez done, dit le roi, en lui tendant la main.»
<i Le paysan la serra bien fort, et s'en alia tout content.
« —Maintcnant, dit-il, j'ai rempli mon vceu : je m'etais
promis de le toucher avant de mourir. »
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c Hier, au concert que le municipe lui offrit, j'ai remarque
plusieurs dames qui s'etaient, parait-il, promis la meme
chose, car c'etait a qui d'elles lui toucherait le bras et la main.
A l'eglise, le jour de son arrivee, a peine avait-il quitte le
trone, que la foule allait en procession baiser les tentures et
tout ce qui entourait le siege royal. « C'est de Fidolatrie tout a fait italienne, mais aussi tout
a fait nouvelle pour un prince et pour un roi. C'est que ce
prince et ce roi represented pour le peuple une idee: Fidee de notre delivrance et de notre unite nationale. »
II n'est pas besoin de dire le fanatisme que Victor-Emma¬ nuel inspire a ses troupes. L'armee est sa vraie famille, et tous les soldats sont ses enfants.—Jamais il ne se sent plus heu- reux qu'au milieu de ses beaux regiments, et le camp est assurement son sejour de predilection, en vrai chef d'une monarchie toute militaire.—II faudrait du reste une grande ingratitude pour qu'il ne fut pas paye de retour. L'anecdote suivante en rendra juge le lecteur.
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Parmi les soldats piemontais qui se distinguerent particu-
lierement pendant la derniere campagne figurait le sergent
d'artillerie Vigna, auquel un boulet enleva Favant-bras
gauche a San-Martino.—Le lendemain de la bataille, le roi,
visitant les blesses, remarqua la figure interessante de ce
jeune homme ainsi que son air de bonne humeur, et lui
demanda s'il n'etait que legerement blesse. — «Pas trop, Sire,
repondit le sergent, en relevant sa couverture et en agitant
son moignon enveloppe de linges sanglants.» —Informations
prises, le roi donna Fordre de le porter comme officier sur la
liste des promotions.—Vigna fut evacue sur les hopitaux de
Brescia, et quelques semaines plus tard, Victor-Emmanuel,
dans une nouvelle inspection de ces endroits, le reconnutet
lui demanda si son brevet lui etait arrive et s'il etait content
—Le sergent n'avait rien recu.—Le roi donna de nouveaux
ordres a son endroit, et il les croyait executes depuis long-
temps, lorsque, plusieurs mois apres, passant une revue a
Turin, il vit s'approcher de lui un sous-officier mutile, qui
tendait vers lui, avec un air de reproche, sa manche gauche,
veuve de la main, et sur laquelle brillaient les galons de
sergent.—Le roi a le coup d'ceil prompt et la memoire sure.
—II serappella son sergent d'artillerie de San-Martino et de
Brescia, et, sans repondre autrement que par un signe de
tete, aussitot cle retour au palais, il fit appeler le ministre
de la guerre.—M. de la Marmora, lui aussi, se rappelait
fort bien la chose, mais les bureaux avaient enterre la no¬
mination, sous un assez mesquin pr6texte d'economic —-
Devant un dernier ordre, formel et absolu, il leur fallut bien
obeir; et la semaine n'etait pas ecoulee qu'un aide de camp
du roi remettait a Vigna son brevet de sous-lieutenant, en
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Favertissant que Sa Majeste desirait le voir avec son nouvel
uniforme, aussitot qu'il serait habille.'—Le brave garcon, ivre de joie et de reconnaissance, ne perdit pas un instant, comme on peut Fimaginer.—Introduit aupres du roi et com-
plimente par lui sur sa bonne mine:—« Avez-vous un cheval?
demanda Victor-Emmanuel au nouvel officier.—Pas encore, Sire.—Done, descendez a mon ecurie, choisissez-en un, et
venez Fessayer ici, sous ma fenetre. »
Le jeune homme croyait rever.—II descend les marches
doubles, court aux 6curies et prend un superbe pur-sang sur
lequel il revient, en le faisant caracoler, devant les fenetres
que le roi avait ouvertes et d'oii il regardait. — « Eh bien fait le roi.—Ah! Sire, quel dommage qu'une si belle bete soit
ombrageuse! C'cst bien genant pour l'escadron.—Allez en
prendre un autre. » —Cette fois, l'officier ramene un magni-
fique alezan, plein d'ardeur et de force, mais obeissant par- faitement a la main et passant devant tous les obstacles sans
s'effaroucher:—« Sire! dit-il, en voici un bon !—Je le crois
bien, r6pond Victor-Emmanuel en riant; je Fai monte douze
heures de suite a Palestro, et il n'a pas bronchi. Vous avez eu la main heureuse. Gardez-le done, etau revoir. »
Et combien de traits du meme genre ne trouverait-on pas a titer!
En voici un autre qui concerne un officier francais, et que notre Moniteur rapportait jadis en ces termes :
« La campagne d'ltalie, qui a dej'a donne lieu a tant d'actes
d'heroisme et de denouement dans toutes les classes de la
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societe, nous fournit aujourd'hui une anecdote qui a le grand
merite d'etre vraie et entierement inedite :
« M. X..., capitaine francais, grievement blesse a la bataille
de Solferino, fut transporte a Brescia, ouilsubitl'amputation
de la cuisse. Une honorable famille de cette ville reclama
comme unefaveur le droit de lui prodiguer ses soins. II trouva
dans ce modeste foyer, qui se recommandait par des moeurs
simples et patriarcales, Fhospitalite la plus charitable et la
pitie la plus attentive.
«La jeune fille de Fhote genereux de Fofficier francais se
consacra tout entiere, comme une soeur tendre et intelligente,
a soulager sa douleur, a calmer ses regrets et a le consoler de
la famille et de la patrie absentes. La reconnaissance d'une
part, un vif interet de Fautre, les amenerent a des projets de
mariage. Mais la jeune personne n'etait pasriche, etle capi¬
taine n'avait rien que l'^pee dont il ne pouvait plus se servir.
(i S. M. le roi Victor-Emmanuel apprit les details de ce
petit roman glorieux et honnete a la fois, qui avait commence
sur le champ de bataille, s'elait poursuivi au chevet d'un lit
de souffrance, et qui va se dcnouer au pied des autels. II con-
stitua gracieusement une dot a la jeune et noble Bresciane,
et FEmpereur voulut, de son cote, se charger du sort de ce
brave officier. Une pension vient de lui etrc allouee, en atten¬
dant qu'une position convenable puisse lui etredonnee.»
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VI
La famille royale d'ltalie se compose aujourd'hui de trois
branches : — Le roi et ses enfants; la branche de Genes, et
celle de Savoie-Carignan. Pendant Fhiver de!854-1855, une suite incroyable de deuils
vint frapper Victor-Emmanuel II. En peu de semaines, il per- dit sa mere, la sainte reine Marie-Therese, son frere, le
vaillant due de Genes, un fils nouveau-ne, et enfin sa femme,
la belle, bonne et regrettee Marie-Adelaide. — Si d'aussi ter-
ribles malheurs etaient susceptibles de quelque consolation, le roi Feut trouvee dans l'affliction generale; jamais on ne
put mieux voir qu'alors Fattachement passionne des Piemon¬
tais pour leurs princes, la part qu'ils prennent a leurs douleurs
aussi bien qu'aux evenements heureux qui leur surviennent. —
Cinq enfants sont restes au roi de son union :
Le prince Humbert, prince de Piemont, heritier pr6-
somptif, ne Ie 14 mars 1844.
Le prince Amedee, due d'Aoste, ne le 30 mai 1845.
Le prince Odon, due de Montferrat, ne le 11 juillet 1846.
La princesse Clotilde-Maric, ainee de cette jeune famille, nee le 2 mars 1843, et marine au Prince Napoleon.
La princesse Marie-Pia, nee le 16 octobre 1847.
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Le due de Genes, frere du roi, a laisse" deux enfants :
Le prince Thomas-Albert, due de Genes, qui represente la
branche cadette de la maison regnante, ne le6 fevrier 1854. La princesse Marguerite, nee le 20 novembre 1851.
Leur mere, la duchesse de G6nes, fille du roi de Saxe, a
v6cu longtemps retiree a, la campagne apres la mort de son
6poux. Elle habite maintenant Turin, oil, en Fabsence de
la reine, elle fait les honneurs de la cour.
La derniere branche est representee par le prince Eugene
de Savoie-Carignan, petit-fils du chevalier deCarignan, cadet
*de cette maison, et cousin du roi. Eleve sous les yeux de
Charles-Albert avec ses deux fils, le prince est tout devoue a
Victor-Emmanuel qui l'aime beaucoup. II est grand-amiral
et general en chef des gardes nationales du royaume.—Quand
Charles-Albert partit pour la campagne de Lombardie en
1848, il laissa la regence au prince de Carignan, et Victor-
Emmanuel a fait de meme en 1859 et en 1860, pendant le
voyage de Naples. —En ces diverses circonstances, le prince
a montre les talents d'un veritable homme d'Etat, ainsi
qu'une grande prudence. Charge, en ces derniers temps, du
gouvemement des provinces napolitaines il s'y est fait vite
apprecier et aimer. —Le prince Eugene a quarante-six ans
et n'est point marie.
II parait a peu pres decide" que le prince de Carignan res-
tera a Naples, avec une cour et une representation royale,
et que, prochainement, le prince de Pi6mont ira se fixer a
Florence, et leduc dAoste a Palerme, clans les mSmes condi¬
tions. — C'est la une excellente mesure, qui sera accueillie
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avec joie par chacune de ces grandes cites. — Les fils du roi
sont de charmants jeunes gens, penetres des sentiments he-
reditaires de leur maison, et qui, au dire de tous ceux qui les approchent, feront, a l'exemple de Victor-Emmanuel, de
braves soldats et d'excellents princes.
VII
La brillante cour dos derniers rois de Sardaigne n'existe
plus. Roi tout militaire, dans ces temps d'action, Victor-Em¬
manuel n'a besoin que d'officiers d'elite autour de sa per¬ sonne. En montant au trone, il a supprime toute Fancienne
maison civile. II n'en est rest6 que quelques hautes charges
indispensables, celles de ministre de la maison royale, de
prefet du palais, de grand-maitre des ceremonies. — Aides
de camp et officiers d'ordonnance ont remplace les gentils- hommesde la chambre et les aides decamp d'autrefois.
Le roi a toujours montre" peu de gout pour la representation et la vie officielle, quoique cependant il sache etre magnifique dans les brillantes fetes qu'il donne 1'hiver. II vit tres-simple- ment et fort en particulier,, surtout depuis ses cruelles pertes de famille. — Grand chasseur, il passe volontiers la plus grande partie de son temps dans ses maisons de campagne,
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a, Pollcnzo, Racconigi, Sommariva-Perno, qu'il prcfere au
sejour des trop vastes chateaux royaux, qui abondent autour
de la capitale; c'est la que le travail ordinaire s'expedie; et, a
moins de circonstances extraordinaires, le roi ne sejourne a
Turin que pour le conseil, les receptions officielles, ou pour les
fetes assez rares a Foccasion desquelles la societe turinaise se
presse dans les salons du palais royal.
La liste civile, qui va necessairement etre mise en rapport avec la grandeur de la nouvelle monarchie. se composait,
jusqu'a 1860, cle quatre millions. Cette somme, que Victor-
Emmanuel n'avait pas voulu plus forte, en presence des
lourdes charges clu Piemont, passait, pour une grancle partie, en pensions, en bienfaits, et en encouragements aux arts, car
le roi est d'une inepuisable generosite; son seul luxe consiste
dans ses chevaux, la plupart de race arabe et desquels, comme
guerrier et comme chasseur, il s'occupc specialement. —La
maison de Savoie n'a d'ailleurs jamais eu de fortune particu- liere. Habitueea confondre ses richesses avec cellesde l'Etat,
a verser au tresor public ses economies aussi bien que les
dots qu'elle recevait par manages, son chef, s'il descendait
du trone, n'aurait pasde quoi vivre. —Et cependant, depuis
1849, Victor-Emmanuel a paye, et paye encore sur sa propre
cassette les dettes personnelles contractus par Charles-Albert
afin d'aider a la guerre de Findependancc, et que le nouveau
roi pouvait laisser aux Chambres le soin d'acquitter. — Quel
contraste avec ces archiducs de Modene et de Toscane, partis
si riches des depouilles accumulees du pays!
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Comme on Fa lu plus haut, Fentourage du roi est tout
militaire. II est forme de brillants officiers, tous eprouves
par de longs et eclatants services. Les aides de camp, effectifs
ou honoraires, sont choisis parmi les generaux les plus distin-
gues de l'armee. — Le general comte de la Rocca, comman¬
dant militaire des provinces napolitaines,major general de l'ar¬
mee sarde en 1859, et le jeune et vaillant general Cialdini, si
fort illustre pendant ces deux dernieres annees, sont tous deux
aides de camp du roi. — Puis viennent, en service ordinaire
aupres de sa personne, les generaux Lucerna d'Angrogna, —
baron Solaroli, — chevalier della Rocca, — comte Martini
de Cigala, ami intime de Victor-Emmanuel, inspecteur gene¬ ral des ecuries, undes plus accomplisgentilshommes de Faris-
tocratie piemontaise,— Negri de Saint-Front,— et Signoris de Buronzo.
Des officiers d'ordonnance de tous grades, appartenant a des families distinguees des diverses provinces italiennes,
competent le personnel de la maison. — Le premier, par le
rang comme par ie merite, est le colonel comte Charles de
Robilant. Issu d'une illustre lignee, signalee dans tous les
genres au service de la maison de Savoie, fils d'un aide de
camp de Charles-Albert qui avait toute sa confiance, M. de
Robilant represente dignement la vieille noblesse si d6vou£e
au prince et a FEtat. Glorieusement mutile a Novare, les
Autrichiens Font retrouve en face d'eux dans la derniere
campagne, aussi ardent au danger que dix ans avant. C'est
un de ces hommes d'avenir comme l'armee italienne n'en a
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que trop be.soin. — Apres lui se trouvent MM. Nasi, de
Laugier, Jacquier, de Castellengo, de Biler, de Montiglio, le
comte Litta-Modignani, de la haute noblesse milanaise, de
Castelletto, Alexandre Casati, neveu de Fancien president du
gouvernementprovisoire de Lombardie, et Corsini de Lajatico, fils de cet honorable marquis de Lajatico, dont la mort fut, a
la fin de 1859, un deuil public pour la Toscane. — Divers
gentilshommes napolitains figurent egalement a cote de ces
Messieurs.
Les fonctions de ministre de la maison royale sont exerc&s
par Fillustre comte Nigra, jadis syndic de Turin sous Charles-
Albert, et, plus tard, au lendemain des desastres de 1849,
ministre des finances dans les deux cabinets de Launay et
d'Azeglio. — M. Nigra rendit a cette epoquc d'immenses
services a FEtat. En engageant sa fortune personnelle etson
credit au dehors, il releva les finances, devant la ruine absolue
desquelles tout autre administrateur eut faibli, et il donna au
Piemont les moyens de reprendre sans delai sa politique militante en face de l'Autriche.— Grand seigneur dc toutes
facons, protecteur eclaire des arts, le comte Nigra administre
noblement la maison de Victor-Emmanuel, qui place en lui
une confiance absolue. — II jouit a Turin de la popularite la
plus meritee.
M. Nigra est egalement chef du cabinet du roi, dont
M. Farini, en quittant le gouvernement de Naples, a ete
nomme secretaire, charge toute honorifique, car les fonctions
actives sont exercees par de simples employ6s.
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M. le comte de Salasco occupe la haute position de prefet
despalaisroyaux, precedemment remplie par leduc Pasqua. — M. de Salasco est ce meme general qui signa, au mois
d'aout 1848, avec Fetat-major autrichien, la fameuse"" con¬
vention militaire qui prit le nom d'armistice Salasco, contre
laquelle Fopinion publique, egaree par le chagrin de revers
inattendus, se dechaina alors si peu a propos, car le plenipo- tentiaire sarde avait obtenu les meilleures conditions aux-
quelles on put songer.
M. le marquis de Breme, senateur du royaume, est titu—
laire de la charge de grand-maitre des ceremonies, qui place les theatres royaux sous sa direction superieure.
Enfin, dans cette revue de la cour de Turin, il me reste
encore a signaler un eminent dignitaire, auquel ses fonc¬
tions de premier secretaire duroi (grand chancelier) pour l'or-
dre national des Saints-Maurice-et-Lazare, font une place toute
particuliere dans Fentourage royal. II s'agit du ministre
comte Louis Cibrario, homme d'Etat aussi considerable que savant historien, conn-udetoutel'Europe lettree.—M. Cibrario
est une des gloires les plus reelles du moderne Piemont His¬
torien dela maison de Savoie, dontil demontra jadis avec Fe-
vidence la plus complete les royales origines italiennes,
Charles-Albert l'honorait d'une amitie qui lui a ete bien con¬
tinued par son fils. — Commissaire royal a Venise en 1848, M. Gibrario a participe, dans dc critiques circonstances, au
gouvernement de son pays. II occupait le portefeuille des
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affaires etrangeres au moment ducongresde Paris, etil signa a ce titre les ratifications du celebre traitc — Lcs travaux de
M. Cibrario sur l'economie sociale, et sur les diverses con¬
ditions de Fexistence au moyen age, travaux qu'il ne cesse
de poursuivre avec une activite toute juvenile, lui meri-
teraient seuls une durable illustration.
Les grands-colliers de Fordre souverain de FAnnonciade,
traites de cousins du roi, et du reste en nombre tres-limite,
sont considered comme grands dignitaires de la Couronne, et
font partie de la cour, a laquelle ils interviennent, aux cotes
du roi, dans toutes les receptions et ceremonies officielles.
VIII
Telles sont, faiblement esquissces, les principales lignesde
cette majestueuse figure du roi d'ltalie, que le temps ne
pourra que grandir. — Mais la parole et le recit sont im-
puissants a rendre Fadmirable elan qui a donne tous les
cceurs italiens, d'une extremitc a Fautre de la Peninsule, au
magnanime fils de Charles-Albert.— II faut s'etre trouve la,
avoir ressenti la contagion de cet enthousiasme, en avoir
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touche les raisons, pour comprendre Firresistible puissance du mouvement unitaire sous la couronne de Victor-Em¬
manuel, l'impossibilite de toute autre solution.
Pour moi, qui ai assiste a, ces grandes choses, mainle- nant que ma tache de biographe est achevee, il ne me reste
plus qu'a emettre, du fond du coeur, un chaleureux sou-
hait:.— Dieu protege l'ltalie unie et son premier roi!
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r
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