4
Transfusion Clinique et Biologique 17 (2010) 382–385 Revue générale Le sang dans l’art, l’art dans le sang Blood in art, art in blood B. Danic a,, J.-J. Lefrère b,c a Établissement fran¸ cais du sang-Bretagne, rue Pierre-Jean-Gineste, BP 91614, 35016 Rennes cedex, France b Institut national de la transfusion sanguine, 6, rue Alexandre-Cabanel, 75015 Paris, France c Laboratoire d’hématologie, CHU d’Amiens, 1, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens, France Disponible sur Internet le 3 novembre 2010 Résumé Parmi les formes d’art que l’Humanité a développées au cours des siècles, certains artistes ont parfois pris pour thème des sujets relevant du domaine de la médecine ou de la santé, comme le don de sang et la transfusion sanguine. Pour illustrer cela, nous avons retenu différentes manifestations artistiques relevant de trois domaines : la peinture, le cinéma, l’art corporel. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Sang ; Art ; Don du sang ; Transfusion sanguine Abstract In the different forms of art developed by Humanity over the centuries, artists have at times chosen themes from the world of medicine or health, such as blood donation or transfusion. In order to illustrate this, we have looked at three artistic domains: painting, movies and body art. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Blood; Art; Blood donation; Blood transfusion Parmi les nombreuses formes d’art que l’Humanité a déve- loppées au cours des siècles, certains artistes ont parfois pris pour thème des sujets relevant du domaine de la médecine ou de la santé. Le don de sang et la transfusion n’ont pas échappé à la règle, en partie en raison de leur caractère aussi spectaculaire que visuel. Pour illustrer cela, nous avons retenu différentes mani- festations artistiques relevant de trois domaines : la peinture, le cinéma, l’art corporel. 1. Le sang et la peinture Il est traditionnel d’attribuer aux dessins des parois des grottes préhistoriques la représentation la plus ancienne de ce qu’on peut considérer comme l’art pictural. Celles de Niaux présentent, sur le corps des animaux blessés, des tâches rouges auxquelles on attribue des significations diverses : Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (B. Danic), [email protected] (J.-J. Lefrère). probablement une vertu pédagogique, afin de cibler les parties les plus vulnérables des animaux à chasser, mais peut-être aussi, selon André Leroi-Gourhan, les symboles de mort désignés par les sagaies et les blessures, et ceux de la vie, suggérés par les signes des sexes [1]. Tout au long de l’histoire de l’Art, et donc de celle de l’Humanité, le sang est utilisé pour représenter les scènes religieuses – sacrifices humains ou animaux, scènes bibliques, la Cène, la Passion du Christ, les Martyrs, etc. – et les scènes de guerre, de massacre, d’exécutions. Le sang fascine, et Edgar Poe, dans Arthur Gordon Pym, le définit même comme le mot suprême, le roi des mots, toujours riche de mystère, de souffrance et de terreur. Parce que le sang accompagne et symbolise toutes les tragédies humaines, Gaston Bachelard affirme que, dans l’inconscient collectif, il n’est jamais heureux [2]. C’est cependant là un jugement sévère, car l’art pictural est aussi requis pour témoigner des œuvres humaines, notamment dans le domaine de la médecine et de la chirurgie. On pourrait citer entre autres Trophime Bigot, Gerrit Dou, Jean-Jules Geffroy, Henri Gervex, Théobald Chartran, Adalbert Franz Seligmann... Dès les premières tentatives thérapeutiques 1246-7820/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.tracli.2010.09.152

Le sang dans l’art, l’art dans le sang

  • Upload
    b-danic

  • View
    222

  • Download
    4

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le sang dans l’art, l’art dans le sang

R

dm©

M

A

K

lplrvfc

1

gcNr

j

1d

Transfusion Clinique et Biologique 17 (2010) 382–385

Revue générale

Le sang dans l’art, l’art dans le sang

Blood in art, art in blood

B. Danic a,∗, J.-J. Lefrère b,c

a Établissement francais du sang-Bretagne, rue Pierre-Jean-Gineste, BP 91614, 35016 Rennes cedex, Franceb Institut national de la transfusion sanguine, 6, rue Alexandre-Cabanel, 75015 Paris, Francec Laboratoire d’hématologie, CHU d’Amiens, 1, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens, France

Disponible sur Internet le 3 novembre 2010

ésumé

Parmi les formes d’art que l’Humanité a développées au cours des siècles, certains artistes ont parfois pris pour thème des sujets relevantu domaine de la médecine ou de la santé, comme le don de sang et la transfusion sanguine. Pour illustrer cela, nous avons retenu différentesanifestations artistiques relevant de trois domaines : la peinture, le cinéma, l’art corporel.2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ots-clés : Sang ; Art ; Don du sang ; Transfusion sanguine

bstract

In the different forms of art developed by Humanity over the centuries, artists have at times chosen themes from the world of medicine or health,uch as blood donation or transfusion. In order to illustrate this, we have looked at three artistic domains: painting, movies and body art.

2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

plspldlbsElds

eywords: Blood; Art; Blood donation; Blood transfusion

Parmi les nombreuses formes d’art que l’Humanité a déve-oppées au cours des siècles, certains artistes ont parfois prisour thème des sujets relevant du domaine de la médecine ou dea santé. Le don de sang et la transfusion n’ont pas échappé à laègle, en partie en raison de leur caractère aussi spectaculaire queisuel. Pour illustrer cela, nous avons retenu différentes mani-estations artistiques relevant de trois domaines : la peinture, leinéma, l’art corporel.

. Le sang et la peinture

Il est traditionnel d’attribuer aux dessins des parois desrottes préhistoriques la représentation la plus ancienne de

e qu’on peut considérer comme l’art pictural. Celles deiaux présentent, sur le corps des animaux blessés, des tâches

ouges auxquelles on attribue des significations diverses :

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected] (B. Danic),

[email protected] (J.-J. Lefrère).

a[adcGS

246-7820/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.tracli.2010.09.152

robablement une vertu pédagogique, afin de cibler les partieses plus vulnérables des animaux à chasser, mais peut-être aussi,elon André Leroi-Gourhan, les symboles de mort désignésar les sagaies et les blessures, et ceux de la vie, suggérés pares signes des sexes [1]. Tout au long de l’histoire de l’Art, etonc de celle de l’Humanité, le sang est utilisé pour représenteres scènes religieuses – sacrifices humains ou animaux, scènesibliques, la Cène, la Passion du Christ, les Martyrs, etc. – et lescènes de guerre, de massacre, d’exécutions. Le sang fascine, etdgar Poe, dans Arthur Gordon Pym, le définit même comme

e mot suprême, le roi des mots, toujours riche de mystère,e souffrance et de terreur. Parce que le sang accompagne etymbolise toutes les tragédies humaines, Gaston Bachelardffirme que, dans l’inconscient collectif, il n’est jamais heureux2]. C’est cependant là un jugement sévère, car l’art pictural estussi requis pour témoigner des œuvres humaines, notamment

ans le domaine de la médecine et de la chirurgie. On pourraititer entre autres Trophime Bigot, Gerrit Dou, Jean-Juleseffroy, Henri Gervex, Théobald Chartran, Adalbert Franzeligmann. . . Dès les premières tentatives thérapeutiques
Page 2: Le sang dans l’art, l’art dans le sang

liniq

tasm

rltfhlàstclqclgalnubvdXpg

smslsdplcfrcc

rmqcmdmlsdnd

àcipttstdmacltl

reitenatddsd

2

riedmc

tppesn1Sdddd

B. Danic, J.-J. Lefrère / Transfusion C

ransfusionnelles, cette nouvelle pratique médicale inspire lesrtistes. L’ambivalence attachée aux représentations du sang’alimente ici de l’ambivalence de l’acte lui-même : médical etagique, scientifique et transgressif, mortel et salvateur.Il apparaît aussi que l’imagerie transfusionnelle, à travers la

eprésentation des trois acteurs de la transfusion – le receveur,e donneur, le médecin – varie considérablement au cours duemps, de même que la représentation des procédés de trans-usion [3]. Avec le temps, le receveur, qui est constamment unomme dans les images les plus anciennes, perd la maîtrise eta superbe que lui accordent les premières images, pour devenir,

la fin du XIXe siècle, un malade inconscient et à l’agonie,auvé de justesse par l’acte transfusionnel. En outre, à par-ir du XIXe siècle, le receveur est toujours de sexe féminin,e qui peut s’expliquer de diverses manières : en premier lieu,’indication de l’hémorragie du post-partum est la circonstanceui pousse les accoucheurs (notamment anglo-saxons) à se lan-er dans l’aventure de la transfusion curatrice de l’anémie (danses premières tentatives du XVIIe siècle, elle ne visait pas à soi-ner l’hémorragie, mais à combattre la sénilité ou la folie) ; parilleurs, la représentation se trouve probablement influencée pare courant artistique romantique ; enfin, n’était-il pas inconve-ant, au Siècle des lumières, de faire figurer une femme dansne telle situation, qui requérait que l’on dénude au moins unras (de même, les images de saignées montraient le plus sou-ent un homme, non une femme). Cette prédominance fémininees receveurs va toutefois connaître deux exceptions à partir duIXe siècle : l’utilisation de la transfusion dans les caricaturesolitiques et la démonstration de son apport dans un contexte deuerre.

Jusqu’au XXe siècle, l’imagerie du donneur est marquée paron rôle accessoire. Il est celui qui permet la réalisation de l’acte,ais sans plus. Au stade des premières expérimentations, il

’agit d’un agneau (ou d’un chien) sacrifié. Au XIXe siècle,e donneur est un homme, qui peut être un proche (le mari, s’il’agissait d’une transfusée) ou le médecin lui-même. L’imageu donneur « héroïque » n’apparaît qu’au XXe siècle, apportéear la dimension des conflits mondiaux, qui sont d’ailleurs à’origine du développement de la transfusion moderne — et, enorollaire, des besoins en sang. Cette évolution conduit aussi àaire appel à des donneurs qui n’ont plus de lien direct avec leeceveur, mais ce recours à un donneur inconnu, étranger, sus-itera de nouveaux fantasmes qui alimenteront davantage l’artinématographique.

Le médecin est souvent absent des premières images ouéduit à un rôle d’opérateur discret. Il ne devient un sujetajeur, et même le véritable maître d’œuvre de l’acte réalisé,

ue sur les images du XIXe. Cette valorisation de son imageorrespond à la période au cours de laquelle l’exercice de laédecine se réglemente : en France, par exemple, le diplôme

e docteur en médecine devient obligatoire pour exercer laédecine. Le XIXe siècle est aussi celui du développement de

’anesthésie, de l’hygiène hospitalière et chirurgicale. C’est un

iècle d’avancées considérables mettant en avant des savants quiemeurent aujourd’hui encore des références. Parfois, le don-eur et le médecin se confondent en une seule personne, dont leévouement confine à l’héroïsme [4,5].

dé(p

ue et Biologique 17 (2010) 382–385 383

Dans certaines images, se manifeste une sorte de pudeur facela transfusion : les regards sont baissés ou fuyants, comme si

et acte transgressif, voire sacrilège, effrayait, notamment quandl s’agit de mêler le sang humain à celui de l’animal. Car ce quirédomine, dès les premières images de la transfusion, c’est laransgression que constitue l’acte de transfuser en lui-même :ransgression médicale, car la transfusion est antinomique de laaignée, considérée alors comme la thérapeutique de référence ;ransgression sociale, par le mélange de deux sangs d’origineifférente ; transgression religieuse, enfin, car la tentative deodification du caractère humain par la transfusion de sang

nimal constitue aussi un défi aux lois divines (« l’âme de lahair est dans le sang. . . », Lév. 17 :11,12). Par la suite, ce serae caractère dramatique du besoin en sang qui justifiera l’acte deransfuser : qu’il s’agisse d’une accouchée ou d’un soldat blessé,e receveur est transfusé ou il meurt.

Ainsi, depuis le XVIIe siècle, l’usage et la fonction de laeprésentation de la transfusion revêtent un objectif didactique,n offrant une source documentaire relative aux procédés et auxnstruments nécessaires. La représentation picturale de l’acteransfusionnel assure également une fonction de légitimation,n faisant entrer la transfusion dans la catégorie des gestes tech-iques répertoriés et régentés par un protocole. Dès cette époquencienne, les partisans de la transfusion l’avaient compris. Enémoignant de l’audace du progrès scientifique, de la fragilitée la condition humaine et de l’héroïsme ou de l’altérité duonneur, les artistes célèbrent une vision de l’Homme qui ose’affranchir des conventions et des dogmes pour assumer laimension prométhéenne du geste médical.

. Le sang et le cinéma

Qu’elle soit un instantané de la réalité ou une mise en scèneeconstituée ou fantasmée, la représentation visuelle du sangnonde les écrans depuis la création du cinématographe. L’objetst plutôt ici de s’intéresser à l’exploitation par le Septième Arte l’image du don du sang et de la transfusion sanguine, de leursythes et de leur histoire, et ce dans les différents genres qui le

omposent [6].Le genre fantastique ou thriller a largement exploité le mys-

ère des caractères véhiculés par le sang : relation psychiqueost-transfusionnelle (Blood Song, 1982) ou modification de laersonnalité (Before I hang, 1940). À l’inverse, le cinéma a reprist traité les premières croyances attribuant à la transfusion untatut de remède absolu, avec ces monstres ramenés à leur huma-ité antérieure (Les Vampires, 1956 ; Aux frontières de l’aube,987). La transposition au cinéma des œuvres vampiriques deheridan Le Fanu dans Vampyr (1932), ou de Bram Stockerans le film Dracula (1992) ou Dracula, pages tirées du journal’une vierge (2002), offre par ailleurs de belles reconstitutionse transfusions de bras à bras réalisées avec le matériel médicale la fin du XIXe siècle.

Les genres de la comédie dramatique ou du mélodrame font

u cinéma un miroir des évolutions sociales des différentespoques du don et de la transfusion. C’est ainsi qu’Hôtel du Nord1938) constitue aujourd’hui un étonnant témoignage d’uneériode où le prélèvement de sang était rémunéré en France.
Page 3: Le sang dans l’art, l’art dans le sang

3 liniq

Dsdlccaslvlad

tlpl

mdbpUsàdMrcd

edlBLadilrnn

lDLdjJD

3

n

cdtldrdd[ePcgétppadhsp

4

Qaltdslsdrbrlsddr

C

R

[1] Binet JL. Le sang et les hommes. Paris: Gallimard, Découvertes; 1988, p. 13.

84 B. Danic, J.-J. Lefrère / Transfusion C

ans le même registre social, L’Homme du jour (1936) met encène un ouvrier qui accède à la notoriété dont il rêvait grâce auon de sang : son geste altruiste sauve une star du music-hall, et’absence d’anonymat du don le propulse sous les projecteurs. . .e qu’il regrettera amèrement. Dans ces années où la transfusionherche et recrute ses premiers donneurs volontaires, le cinémaméricain exploite largement le caractère sacrificiel du don deang (La petite Annie Rooney, 1925 ; L’ange blanc, 1931). Aprèsa seconde guerre mondiale, le don du sang reste associé auxaleurs positives que la Société américaine souhaite valoriser :’honnêteté, la tolérance, et un courage qui est désormais plutôtssocié à la virilité (Hatari, 1962 ; Sous le plus grand chapiteauu monde, 1952).

Le cinéma américain évoque parfois les interroga-ions éthiques du débat bénévolat/rémunération, à travers’exploitation des sujets démunis par le système lucratif : lesrisonniers (Brubaker, 1981), les sans-logis (Blade 2, 2002 ; Àa recherche du bonheur, 2005).

Dans le genre médical, la transfusion sanguine est évidem-ent un classique, au cinéma comme à la télévision, des films

ont l’univers est celui de l’hôpital. Les modèles sont proba-lement M.A.S.H (1970) pour le cinéma, puis la série éponymeour la télévision et, bien sûr, la série plus récente Urgences.tilisée en arrière-fond, l’image d’un flacon ou d’une poche de

ang (selon l’époque) contribue à crédibiliser le décor, mais aussidramatiser la situation. La transfusion peut également servir

e prétexte pour aborder d’autres thèmes : dans un épisode de.A.S.H, les médecins prélèvent le sang d’un major raciste et

épublicain pendant son sommeil, afin de transfuser un blesséoréen. Dans un autre épisode, un soldat américain blessé exigeu sang « blanc » pour être transfusé. . .

Dans le registre du film catastrophe, l’appel au don de sangst utilisé, parmi d’autres, pour traduire l’ampleur humaine duésastre. Dans Tremblement de terre (1974), un message estancé à la population de Los Angeles : « On manque de sang.esoin urgent de sang AB négatif ! » Trois décennies plus tard,a guerre des mondes (2005) sort dans les salles quatre ansprès l’attentat du World Trade Center et la polémique sur lesons de sang acceptés par le New York Blood Center et dontl n’y eut finalement pas besoin. Dans le film, l’appel lancé àa population est donc différent, et en tout cas plus adapté à laéalité médicale : « À moins que vous soyez O plus ou rhésuségatif, merci infiniment, mais nous avons déjà plus de sang queous ne pouvons en utiliser. »

Enfin, le genre de la comédie ne s’est pas privé d’exploiteres ressorts comiques de la peur de la piqûre ou du malaise.e célèbres acteurs se sont retrouvés dans cette situation : Jerryewis dans La polka des marins (1952), Tony Hancock dans Leonneur de sang (1961), Pierre Richard dans Je sais rien maise dirai tout (1973), Valérie Lemercier dans Palais royal (2005),ean Dujardin dans Un gars, une fille (2001), Éric Judor et Jamelebbouze dans H (1998).

. Le sang et l’art corporel

Une telle revue du sang dans l’art serait incomplète si nous’évoquions pas l’art corporel au milieu du XXe siècle. Ici,

[[

[

ue et Biologique 17 (2010) 382–385

e n’est plus l’art qui représente le corps, c’est le corps quievient le matériau de l’expression artistique. Les media artis-iques utilisés peuvent être le théâtre, la vidéo, la peinture, voirea sculpture (Marc Quinn, Self, 1991). Dawn Perlmutter voit,ans l’utilisation du sang dans les performances de l’art corpo-el, une continuité avec les rituels sacrificiels sanglants [7]. Laécouverte récente d’hémoglobine dans la « patine » croûteusees statuettes rituelles des ethnies Dogons et Bamana du Mali8] confirme l’ancienneté du lien entre art et rituels sacrificiels,t déjà l’utilisation directe du sang comme matériau artistique.armi les performances scéniques utilisant ce liquide, on peutiter Bloodbath de Billy Curmano (1984) : l’artiste se fait sai-ner sur scène par une infirmière dans une mise en scène quivoque le don du sang ; il vide ensuite son sang sur un globeerrestre, tandis qu’une voix off liste les pays en conflit sur lalanète. À partir des années 1960, le sang menstruel est utiliséar plusieurs artistes [9]. Dans une revue de diverses productionsrtistiques sur le sujet, Claire Lahuerta conclut que l’expressione l’œuvre varie selon le sexe de l’artiste : représenté par desommes, le sang menstruel demeure une substance taboue etexuelle ; les artistes féminines, elles, en font plutôt un objetolitique du combat féministe.

. Conclusion

L’histoire de l’Art est indissociable de celle de l’Humanité.uel que soient l’époque et la définition de l’Art qui lui est

ssociée, le sang et ses diverses représentations accompagnentes productions picturales humaines. Il en est tantôt le matériau,antôt le sujet. Lorsque l’homme préhistorique dessine les scènese chasse sur les parois des grottes de Niaux, il enseigne à sesemblables les points cibles du corps de l’animal, et laisse danse même temps à la postérité les premières représentations duang versé, symbole de la vie qui s’échappe et témoignage d’unees angoisses les plus universelles de la condition humaine. Leseprésentations des divinités ou des scènes bibliques, la célé-ration puis la dénonciation des faits de guerre, utiliseront laeprésentation du sang pour susciter la peur, la compassion, oua réprobation. L’art contemporain, dans ses différentes expres-ions, utilise le pouvoir attractif et répulsif de la représentationu sang. Car la banalisation de la vision du sang dans les mediase masse tend à repousser toujours plus loin les limites deseprésentations taboues qui lui sont associées.

onflit d’intérêt

Les auteurs n’ont aucun conflit d’intérêt.

éférences

2] Bachelard G. L’eau et les rêves. Paris: Corti; 1942, p. 84.3] Lefrère JJ, Danic B. Pictorial representation of transfusion over the years.

Transfusion 2009;49:1007–17.4] The transfusion of blood. An operation at the hôpital de la Pitié, at Paris.

Harper’s Weekly; 1874.

Page 4: Le sang dans l’art, l’art dans le sang

liniq

[[

[

B. Danic, J.-J. Lefrère / Transfusion C

5] L’Héroïsme d’un, médecin. Petit Journal Illustré; 1921.6] Danic B, Lefrère JJ. Transfusion and blood donation on the screen. Trans-

fusion 2008;48:1027–31.7] Perlmutter D. The sacrificial aesthetic: blood rituals from art to murder.

Anthropoetics 1999/2000;5.

[

[

ue et Biologique 17 (2010) 382–385 385

8] Mazel V, Richardin P, Debois D, et al. The patinas of the Dogon–Tellemstatuary: a new vision through physico-chemical analyses. J Cult Herit2008;9:347–53.

9] Lahuerta C. Le sang menstruel dans l’art contemporain. Représentation etmodernité. Publications de la Sorbonne; 2003.