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pp. 337-347 337 Nicolas CURIEN ** Elisabeth DOGNIN *** quelle valeur ? quel Le service universel coot ? quel financement ?* R6sum6 L'ouverture d la concurrence d'un secteur de service public, tel que les t~l~communications, pose le probldme du maintien et du financement de l'obligation de ser- vice universel, pr~c~demment assur~e par un monopole. Le modOle simple pr~sent~ dans cet article d~finit la valeur sociale du service universel, puis compare deux ~valuations du coot priv6 de ce service, c'est-gt-dire du coat pour l' op~rateur : le coftt ~vitable et la compensa- tion budg~taire. Sous les hypothdses du moddle, la com- pensation budgdtaire est supdrieure au coftt ~vitable. L'article examine diffdrentes situations dans un univers concurrentiel. Si un nouvel opdrateur peut 6cr6mer les consommateurs rentables sans disposer d' une meilleure technologie, on aboutit dun dclatement de l'infrastruc- ture et donc dune situation inefficace, mOme en prdsence d'une compensation pour l'opdrateur en place. Quand un avantage technologique rend l'entrde d'un concur- rent souhaitable, l'dclatement de rinfrastructure peut ~tre ~vitd par un systdme d'interconnexion et de charge d'accds. Afin de couvrir le d~ficit de l'op~rateur gdrant l'infrastructure, la charge d'accds doit ~tre compl~t~e par un fonds de service universel. Mots el6s : Service public, Exploitant t616communication, Mono- pole, Concurrence, CoOt, Aspect social, Analyse 6conomique, Tariff- cation, R6glementation t616communication,Politique 6conomique. UNIVERSAL SERVICE, WHICH BENEFIT ? WHICH COST ? WHICH FUNDING ? Abstract The opening up to competition of public utilities, such as telecommunications, raises the issue of main- taining and financing the universal service obligation, previously ensured by a monopoly. In this paper, a sim- ple model deals with a welfare and cost analysis of the universal service. It compares two valuations of the pri- vate cost, i.e. the reduction of the operator profit : the avoidable cost and the budgetary compensation. Under the assumptions of the model, the budgetary compensa- tion is higher than the avoidable cost. The paper scru- tinizes different competitive situations. If an entrant can skim up the profitable users without a better technology, the final situation is economically inefficient as a result of the splitting of infrastructure, even though the incum- bent gets a compensation. When a technological advan- tage makes entry desirable, network duplication can be avoided through interconnection and access charges. In order to cover the deficit of the universal service opera- tor, an universal service fund has to be set up in addition to access charges. Key words : Public service, Telecommunication operator, Mono- poly, Competition, Costs, Social aspect, Economic analysis, Tarifs, Telecommunication regulation, Economic policy. Sommaire I. Introduction. II. Hypothdses et notations. III. Valeur sociale du service universel. IV. Coat ~vitable et compensation budg~taire. V. Concurrence et charge d'accds. VI. Fonds de service universel. VII. ExpOriences ~trangdres. Conclusion. Bibliographie (7 r~f ). *Cet article a grandement b6n6fici6 d'une 6tude inteme du service des Etudes 6conomiques de la direction du Plan et de la Strat6gie de France T616com, Servicepublic et service un&ersel : d quels coats?, r6alis6e par Anne Costas~que et Francois Prothais. ** Conservatoire national des arts et m6tiers, 292, rue Saint-Martin, F-75141 Paris Cedex 03, France. *** Service des 6tudes 6conomiques, direction du Plan et de la Strat6gie, France T616com, 6, place d'Alleray, F-75505 Paris Cedex 15, France. 1/11 ANN. TELC~COMMUN., 50, n ~ 2, 1995

Le service universel quelle valeur? quel coût? quel financement?

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pp. 337-347 3 3 7

Nicolas C U R I E N **

Elisabeth D O G N I N ***

quelle valeur ? quel Le service universel �9

coot ? quel financement ?*

R 6 s u m 6

L'ouverture d la concurrence d'un secteur de service public, tel que les t~l~communications, pose le probldme du maintien et du financement de l'obligation de ser- vice universel, pr~c~demment assur~e par un monopole. Le modOle simple pr~sent~ dans cet article d~finit la valeur sociale du service universel, puis compare deux ~valuations du c o o t p r i v 6 de ce service, c'est-gt-dire du coat pour l' op~rateur : le coftt ~vitable et la compensa- tion budg~taire. Sous les hypothdses du moddle, la com- pensation budgdtaire est supdrieure au coftt ~vitable. L'article examine diffdrentes situations dans un univers concurrentiel. Si un nouvel opdrateur peut 6 c r 6 m e r les consommateurs rentables sans disposer d' une meilleure technologie, on aboutit d u n dclatement de l'infrastruc- ture et donc dune situation inefficace, mOme en prdsence d'une compensation pour l'opdrateur en place. Quand un avantage technologique rend l'entrde d'un concur- rent souhaitable, l'dclatement de rinfrastructure peut ~tre ~vitd par un systdme d'interconnexion et de charge d'accds. Afin de couvrir le d~ficit de l'op~rateur gdrant l'infrastructure, la charge d'accds doit ~tre compl~t~e par un fonds de service universel.

Mots el6s : Service public, Exploitant t616communication, Mono- pole, Concurrence, CoOt, Aspect social, Analyse 6conomique, Tariff- cation, R6glementation t616communication, Politique 6conomique.

U N I V E R S A L S E R V I C E , W H I C H B E N E F I T ? W H I C H C O S T ?

W H I C H F U N D I N G ?

Abs trac t

The opening up to competition of public utilities, such as telecommunications, raises the issue of main-

taining and financing the universal service obligation, previously ensured by a monopoly. In this paper, a sim- ple model deals with a welfare and cost analysis of the universal service. It compares two valuations of the pr i -

v a t e cos t , i.e. the reduction of the operator profit : the avoidable cost and the budgetary compensation. Under the assumptions of the model, the budgetary compensa- tion is higher than the avoidable cost. The paper scru- tinizes different competitive situations. I f an entrant can skim up the profitable users without a better technology, the final situation is economically inefficient as a result of the splitting of infrastructure, even though the incum- bent gets a compensation. When a technological advan- tage makes entry desirable, network duplication can be avoided through interconnection and access charges. In order to cover the deficit of the universal service opera- tor, an universal service fund has to be set up in addition to access charges.

Key words : Public service, Telecommunication operator, Mono- poly, Competition, Costs, Social aspect, Economic analysis, Tarifs, Telecommunication regulation, Economic policy.

S o m m a i r e

I. Introduction. II. Hypothdses et notations.

III . Valeur sociale du service universel. IV. Coat ~vitable et compensation budg~taire. V. Concurrence et charge d'accds.

VI. Fonds de service universel. VII . ExpOriences ~trangdres.

Conclusion. Bibliographie (7 r~f ).

*Ce t article a grandement b6n6fici6 d'une 6tude inteme du service des Etudes 6conomiques de la direction du Plan et de la Strat6gie de France T616com, Service public et service un&ersel : d quels coats ?, r6alis6e par Anne Costas~que et Francois Prothais. ** Conservatoire national des arts et m6tiers, 292, rue Saint-Martin, F-75141 Paris Cedex 03, France. *** Service des 6tudes 6conomiques, direction du Plan et de la Strat6gie, France T616com, 6, place d'Alleray, F-75505 Paris Cedex 15, France.

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I. INTRODUCTION

N. CUR1EN. -- SERVICE UNIVERSEL : VALEUR, COOT, FINANCEMENT

lie, en Nouvelle-Z61ande, au Royaume-Uni et aux Etats- Unis, afin d'assurer et de financer le service universel dans le secteur des tdl6communications.

L'ouverture h la concurrence d'un secteur de service public, tel que les t616communications, pose le probl~me du maintien et du financement de l'obligation de service universel, h laquelle ce secteur est initialement astreint sous r6gime de monopole.

De mani~re h illustrer cette question, on propose dans cet article un module simple, off la population des usagers est divis6e en deux segments : d'une part, les usagers rentables, les seuls qui seraient servis si l'op6rateur ob6issait hun objectif priv6 ; d'autre part, les usagers non rentables, qui b6n6ficient de l'obligation de service universel.

Apr6s avoir introduit, dans la section II, les hypo- theses et les notations du module, on d6finit dans la sec- tion III la valeur sociale du service universel, bilan posi- tif de quatre effets : une baisse du profit de l'op6rateur, la cr6ation d'un surplus de consommation au b6n6fice des usagers non rentables, une augmentation du surplus des usagers rentables via une externalit6 de r6seau, et un gain exteme de coh6sion et d'int6gration sociales.

Dans la section IV, on d6finit et on compare deux 6valuations du coat privd du service universel, c'est-h- dire du cofit pour le seul op6rateur. La premiere 6valua- tion, dite cofit 6vitable, mesure la diminution de profit du monopole qui est imputable au service universel. La seconde 6valuation consiste h d6terminer la compen- sation budg6taire que devrait recevoir un op6rateur expos6 h la concurrence, de fa~on que la fourniture du service universel ne le p6nalise pas vis-h-vis de ses concurrents non soumis h pareille obligation. Sous les hypotheses du module, la compensation budg6taire est sup6rieure au eofit 6vitable. L'ouverture concurren- tielle qui permet de d6finir la compensation budg6taire ne conduit pas ~ une situation efficace, en ce sens qu'un op6rateur entrant peut dcrdmer le segment de march6 rentable, sans disposer d'une meilleure technologic que le monopole en place.

Dans la section V, on se place dans l'hypoth~se d'un r6gime concurrentiel et on examine deux situations effi- caces : d'abord, celle oh l'op6rateur en place adopte un comportement strat6gique de mani~re h barrer l'entr6e d'un concurrent ne disposant pas d'une meilleure tech- nologie; puis celle off un avantage technologique rend l'entr6e socialement d6sirable. Dans ce demier cas, un systSme d'interconnexion et de charge d'acc~s doit &re mis en place, afin d'6viter la perte d'6conomies de r6seau qui r6sulterait de l'6clatement de l'infrastructure.

Le produit de la charge d'acc~s est cependant insuffi- sant pour couvrir le d6ficit de l'op6rateur g6rant l'infra- structure. On montre dans la section VI comment cette charge peut &re compl6t6e par la mise en place d'un fonds de service universel.

Dans la section VII, enfin, on indique quelles m6thodes sont mises en oeuvre ou envisag6es en Austra-

II. HYPOTHI~SES ET NOTATIONS

Dans le module propos6, le march6 des t616communi- cations est compos6 de deux services : d'une part, l'acc~s au r6seau, comprenant les prestations de raccordement et de maintenance des lignes; d'autre part, l 'usage du r6seau, c'est-h-dire le trafic.

La population susceptible d'etre raccord6e au r6seau comprend deux segments i = 1, 2. Au sein de chaque segment, les individus sont suppos6s identiques. Soit Ni le nombre d'individus de type i. Le cofit fixe, c'est-h- dire ind6pendant du nombre de raccord6s et du trafic, vaut Fi pour un r6seau incluant seulement le segment i, et vaut F pour le r6seau universel incluant les deux segments. Sous l'hypoth~se d'6conomies de r6seau (1) dans la fourniture de l'acc~s, on a :

A F = FI + F 2 - F > O.

Soit c le cofit marginal de connexion, suppos6 ind6pen- dant du segment auquel appartient l'individu connect& Soit wi la disposition g payer d'un individu i pour &re raccord6. On suppose que seuls les individus de type 1 sont pr~ts h payer davantage que le cofit d'acc~s qu'ils engendrent, soit :

Wl _> c et w2 _< c.

Pour la collectivit6, la connexion d'un individu de type 1 cr6e ainsi le surplus marginal d'acc~s :

81 = Wl - - C ~ O~

tandis que celle d'un individu de type 2 cr6e le d6ficit marginal d'acc~s :

d2 = e - w 2 > O.

Soit 7 le cofit marginal d'6couler une unit6 de trafic, et soit r la disposition h payer d'un individu i pour une telle unit6. On suppose que la disposition h payer est sup6rieure au cofit pour chacun des deux types, si bien qu'une unit6 de trafic de type i procure h la collectivit~ le surplus marginal :

ai = r > O.

Soit Qij le nombre d'unit6s de trafic 6mises par les individus du segment i vers ceux du segment j , et soit Qi le trafic globalement 6mis par le segment i :

Qi = Q~i + Q~j i # j.

(1) Ces 6conomies de r6seau peuvent 6tre regard6es comme des 6conomies d'6chelle, si l'on considSre qu'un r6seau de taille N1 engendre le coQt irr6versible F1 et un r6seau universel de taille N1 + N2 le cofit F < F1 + F2, ou encore comme des 6conomies d'envergure entre les segments de march6 1 et 2.

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N. CURIEN. -- SERVICE UNIVERSEL : VALEUR, COl:IT, FINANCEMENT

Sous les hypothbses simplificatrices du module, la matrice de trafic Qij ne ddpend pas des tarifs, dbs lors que ceux-ci sont infdrieurs aux dispositions unitaires payer r

Soit 7ri le prix de l'unitd de trafic factur6 au segment i, il peut s'6crire (2) :

7h = r~r + (1 - r i)7 avec 0 _< ~-~ < 1.

Le profit net que r6alise l'op6rateur par unit6 de type i vaut :

off Ti apparalt comme la fraction du surplus de trafic ai revenant h l'opdrateur, la fraction 1 - ~-i revenant quant

elle aux consommateurs de type i. Les taux tarifaires T1 et T2 sont contrSlds par l 'organe de rdglementation.

Pour susciter la demande de raccordement du segment 2, l'opdrateur dolt adresser aux individus de ce segment un tarif d'abonnement h hauteur de leur disposition h payer w2, si bien que chaque connexion d'un individu de type 2 engendre le cofit net d2 = c - w2. On admettra que :

(F - F1) + N2d2 > Q 1 2 T l f f l -b Q2T20"2,

c'est-h-dire que le d6ficit d'accbs engendr6 par le raccor- dement incr6mental du segment 2 (en plus du segment 1) exc~de le profit que procure le trafic 6mis et re~u par ce segment. Ainsi, pour un op6rateur servant d6jh le segment 1, le segment 2 ne peut ~tre servi qu'h perte.

III . VALEUR SOCIALE DU SERVICE UNIVERSEL

Soumettre l'op6rateur h l'obligation de service uni- versel, c 'est le contraindre h raccorder les individus de type 2, qui engendrent une baisse de profit. Cependant, la perte encourue par l'op6rateur est h mettre en regard des gains procurds aux consommateurs et ~t la soci6t6, gains qui justifient le service universel et lui confbrent sa valeur sociale.

Par d6finition, la valeur sociale du service universel est dgale h l'accroissement net de surplus que ce service procure h la collectivit6, par rapport h u n dtat off il ne serait pas assur6.

En l'absence de service universel, le surplus collectif vaut :

-= -F1 q- NlS l q- QllOl > 0,

puisque le rdseau est alors restreint au seul segment 1. On suppose que ce surplus est positif, c'est-h-dire qu'un opdrateur libre de sa tarification pourrait construire et exploiter un tel r6seau en faisant du profit.

(2) Si la discrimination n 'es t pas autorisde, 7rl = 7r2.

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Sous r6gime de service universel, les deux segments sont prdsents dans le rdseau, si bien que le surplus collectif a pour expression :

S* = - F + N181 - N2d2 + Qla l + Q2a2 + X ,

off X est un terrne positif, qui reprdsente l'effet bdnd- fique du service universel sur l'intdgration et la coh6sion sociales.

La valeur sociale du service unlversel est 6gale h la diffdrence, suppos6e positive, entre les surplus S* et S, soit :

V S = S* - -S,

V S = - [ ( F - F 1 ) + N2d2] + Q12a1 + Q2cr2 + X > 0 .

Cette expression comprend quatre termes : �9 le d6ficit d'accbs cans6 par la connexion incrdmen-

tale du segment 2 (terme entre crochets), qui vient grever la valeur sociale du service universel;

�9 le surplus collectif associ6 au trafic requ par le segment 2 en provenance du segment 1, soit Q12ffl, cet effet apparaissant comme une externalit6 de r~seau procur6e par le service universel;

�9 le surplus collectif associ6 au trafic 6mis par les individus du segment 2, h l'int6rieur de ce segment et vers l'ext6rieur, soit Q2a2 ;

�9 enfin le facteur X, effet externe de coh6sion et d'int6gration sociales.

La ddcomposition pr6cddente de la valeur du service universel est une ddcomposition par origines : accbs au r6seau, trafics de types 1 et 2, effet externe. Il est 6ga- lement utile d'en donner une d6composition par des- tinations : op6rateur, usagers de types 1 et 2, citoyens. Compte tenu de la d6finition des parambtres 7-i, qui r6gis- sent le partage du surplus collectif engendr6 par le trafic entre profit de l'op6rateur et surplus de consommation, il vient :

V S = A B M + AS1 + AS2 q- X ,

off :

A B M = --[(F - F1) + N2d2] + Q12Tlal + Q2T2a2 < 0,

est la variation de profit, ndgative par hypothbse, sup- portde par l'opdrateur en monopole, off :

AS1 = Q12(1 - T1)0"1 _> 0,

est le gain de surplus apportd au segment 1, par effet d'extemalitd de rdseau, et oh :

AS2 = Q2(1 - T2)a2 >_ 0,

est 1r surplus acquis par lc segment 2, initialemcnt exclu du rdseau.

Enfin, le facteur X est la part de la valeur collective revenant aux citoyens, pour qui le rdseau universel repr6sente un avantage sup6rieur au seul surplu s de consommation qu'il procure.

La somme des trois premiers termes (hors facteur X) repr6sente le bilan du service universel du strict point de

vue du marchd des tdl6communications (ensemble form6 de l'op6rateur et des consommateurs). Ce bilan peut &re

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positif ou ndgatif. S'il est positif, le service universel bEnEficie ~ la fois au marchE des tElEcommunications et ~ la sociEtE dans son ensemble. Si, comme cela est plus vraisemblable, le bilan est nEgatif, c'est-~-dire si les pertes de surplus collectif provenant du raccordement du segment 2 excbdent les gains issus du trafic depart et arrivEe engendrE par ce segment, alors le service universel reprEsente un coot d'opportunitd CO pour la collectivitE restreinte aux seuls acteurs du marchE des tElEcommunications, soit :

CO : --(ABM + AS1 + AS2) > 0,

CO = (F - F1) + N2d2 - Q12al - Q202.

Dans ce cas, c'est le solde de l'avantage externe X et du coot d'opportunitE interne CO, solde suppose positif, qui mesure la valeur nette du service universel, soit :

V S = X - CO.

Sous l'hypothbse que le trafic est homogbne par blocs, c'est-~-dire que le trafic Emis par chaque individu de type i vers les individus de type j est proportionnel au nombre d'individus j presents dans le rEseau, et en admettant que l'avantage externe du service universel croit linEairement en fonction de l'effectif d'individus 2 raccordEs, on peut dEcrire les variations du surplus collectif lorsque la taille N du rEseau crolt continfiment de 0 ~ N1 + N2 (cf. Fig. 1). On a ainsi :

S(O) = 0,

S(N) = - F I + N S l + ( N / N 1 ) 2 Q l l a l si O<N<_N1

S ( N 1 ) = - F 1 + N l S l + QllO-1 - - S ,

S(N) = S - (F - F1) + (N - N1)/N2

( ) Q 2 2 a 2 N - N ~ 2 (-N2d2 + Q12Crl + Q21a2 + X ) + -'-'-~2 -

siN1 < N < _ N I + N 2

S ( N I + X 2 ) = -$ - ( F - E l ) - X2d2+

Q12o-1 + Q2o-2 + X = S*.

Au ddmarrage du rdseau (N = 0), le surplus collectif subit un choc nEgatif -F1 , puis il croit de manibre quadratique, jusqu'~t atteindre la valeur S, lorsque l'ensemble du segment 1 est raccordd (N = N1). Un second choc ndgatif, - ( F - F1), correspond alors au coot fixe incremental de connexion du segment 2. Puis, sous l'hypothbse que :

1 -~2(Q12Crl + Q21o-2 + x ) > d2,

c'est-h-dire que la valeur moyenne apportEe par un individu 2 au segment 1 et ~t la sociEtE est supErieure au coot de raccordement d'un tel individu (3), le surplus collectif crolt ~ nouveau et tend quadratiquement vers la valeur S*, lorsque l'ensemble du segment 2 est raccordE.

(3) Si cette hypothbse n'6tait pas v6rifi6e, rien ne serait fonda- mentalement chang6, ~t ceci prbs que la fonction S(N) admettrait un minimum local entre N1 et N1 + N2.

N. CURIEN. -- SERVICE UNIVERSEL : VALEUR, CO(JT, FINANCEMENT

S

S*

S

0

- F 1 ,

/

F1G. 1. - - Surplus collectif et taille du r6seau.

Total surplus and network size.

IV. COfJT I~VITABLE E T C O M P E N S A T I O N B U D G i ~ T A I R E

Du point de vue de la collectivit6 des t616commu- nications (op6rateur et consommateurs), le coot net du service universel (s'il est positif) vaut CO. Qu'en est-il pour le seul op6rateur ? Deux mdthodes de calcul sont envisageables.

Une premiere m6thode, notamment pratiqude par l'Austel en Australie (cf. section VII), est celle du coot 6vitable. Elle consiste A considdrer que le coot du service universel est le gain de profit que rdaliserait l'opEra- teur en monopole, s'il dEconnectait le segment 2, tarification inchangEe. Une telle transition Etant exacte- ment l'inverse de celle dtudide plus haut pour dEfinlr la valeur du service universel, le coot Evitable C E a pour expression :

C E = - A B M = [(F - F1) + N2d2]-

Q12"rlcr1 - Q2T2a2 > O.

Cette expression s'interprbte de la manibre suivante : aprbs dEconnexion, l'opErateur ne subit plus la partie du deficit d'accbs imputable au segment 2 (terme entre crochets), mais il perd le profit engendrd par le trafic Emis et re~u par ce segment.

I1 apparait que le coot 6vitable par l'opErateur est supErieur ou dgal au coot d'opportunitE dconomique du service universel. En effet, ce dernier coot est net des avantages que les consommateurs retirent du service universel :

CO = C E - A S 1 - AS2 <_ CE.

Si l'opdrateur internalise les avantages AS1 et AS2, en portant la tarification du trafic au niveau de la disposition

payer colrespondante 0-1 = T2 = 1), alors le coot Evitable coincide avec le coot d'opportunitE.

Le coot Evitable mesure l'impact du service universel sur le profit de l'opdrateur, ~t l'exception de tout autre effet pouvant modifier ce profit. C'est pourquoi le calcul

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a 6t6 men6 sous l 'hypothbse que le monopole ne relevait pas le tarif d 'accbs adressd au segment 1, aprbs avoir d6connect6 le segment 2. Le coot 6vitable ne coincide donc avec la variation rdelle de profit de l 'opdrateur que si celui-ci est initialement autorisd ~ discriminer, les

usagers 1 payant l 'accbs wl et les usagers 2 payant w2. Si, comme cela est gdn6ralement le cas, la discrimination est proscrite, les usagers 1 payent initialement l 'accbs w2 (comme les usagers 2), tandis .qu'ils payent z~l > w2 dans l '6tat final oh ils sont seuls pr6sents dans le r6seau. Apr~s ddconnexion du segment 2, la variation r6elle de profit de l 'op6rateur est alors sup6rieure au coot 6vitable et vaut :

A B M : C E + NI(Wl - w2)..

Une mdthode alternative ~ celle du coot dvitable, dite mdthode de la c o m p e n s a t i o n budg~taire , consiste d6terminer .quelle subvention devrait ~tre vers6e ~ un op6rateur de service public pour que, aprbs ouverture ~t la concurrence, il conserve le m~me profit tout en continuant d 'assurer le service universel.

Avant l 'introduction de la concurrence, le monopole r6alise le profit :

B = - [ F + (N1 + N2)d2] + Q1rlcrl + Q2T2a2 > 0,

oh l 'on considbre que la discrimination des usagers dans la fourniture de l 'accbs n 'est pas autofisde. Le profit B e s t suppos6 positif ou nul, et contr616 par" la mtelle rdglementaire, qui fixe les .parambtres tarifaires T1 et T2.

La concurrence a pour effet d'gcrgmer les consom- mateurs de type 1. Pour le montrer, il suffit de vdrifier qu 'un op6rateur qui ne dessert que le segment 1, alors que l 'ancien monopole dessert quant ~t lui le segment 2, peut r6aliser un profit positif. De manibre h attirer la demande du segment 1, un tel opdrateur pratiquerait des tarifs d'accbs et de trafic tout juste inf6rieurs ~t ceux du monopole, respectivement w2 et r l . I1 rdaliserait donc le profit :

B1 = - ( F 1 + Nld2) + Q1TlffX,

B1 = B + [(F - F1) + N2d2] - Q2T2a2,

B1 = B + C E + Q12T1al > O.

B1 est positif, comme somme de trois termes positifs, et m6me supdrieur ~t B. S'il ne rencontre pas de limite de capacit6, l 'op6rateur entrant a int6r& ~t dcr6mer Fen- semble du segment 1, car son profit B E ( N ) est une fonction quadratique croissante de la taille N du r6seau pour 0 < N _< N1, soit :

B E ( N ) = - ( F 1 + Nd2)+

[ ~ l Q 1 2 q t - N 2 T10"1,

B (N1) = S l .

Le concurrent ayant 6cr6m6 le segment 1, l 'ancien monopole ne sert plus que le segment 2 et r6alise le profit :

B2 = -(Fg. + N2d2) + Q2r2a2.

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I1 s 'agit en fait d 'un d6ficit, car on peut encore 6crire :

B2 = - C E - A F - Q12T1o'1 < 0.

La compensation budg6taire qui restaure le profit de l 'ancien monopole est alors :

C B = B - B2,

C B = - [ ( F - / ' 2 ) + Nld2] + QlqCh.

Elle s'interprbte comme la perte de profit subie par le monopole, du fait de la capture du segment 1 par son concurrent : Q l r l a l est en effet le profit perdu sur le trafic, tandis que le terme entre crochets reprdsente la partie du d6ficit d 'accbs 6vit6e aprbs d6connexion des usagers 1.

Remarquant que :

B = B1 + B2 + AF ,

la compensation budg6taire s'dcrit encore :

C B = B1 + AF.

Sous cette demibre forme, il apparalt que l 'ancien mono- pole doit &re compens6 d 'un montant dgal au profit B1 gcrdmd par son concurrent, augment6 de la baisse de profit A F inh6rente ~ la s6paration du r6sea.u global en deux sous-r6seaux 1 et 2. I1 en rdsulte que si l 'op6rateur entrant reversait la totalit6 B1 de son propre profit l 'ancien monopole, ceci ne suffirait pas h restaurer le profit de ce dernier (B1 < CB).

Dans la transition qui d6finit la compensation budg6- taire, comment s'dtablit le compte de surplus ? L'ancien monopole subit la baisse de profit :

A B M = - C B ,

A B M = [(F - F2) + Nld2] - Q l r l a x .

L'opdrateur entrant r6alise le profit :

BE ---- B1,

BE = - (F1 + Nld2) + OlTlO'l.

La situation des consommateurs de types I et 2 est invariante :

AS1 = A & = 0.

La variation globale de surplus vaut donc :

A S = A B M + BE = - A F .

La concurrence conduit ainsi h une diminution du sur- plus collectif, par rapport h l'dtat initial de monopole de service universel. Cette diminution est imputable h la perte d '6conomies de rdseau dans les prestations d 'accbs

l'infrastructure. On dispose de deux 6valuations du coot du service

universel, tel qu' i l est ressenti par l 'op6rateur : le coot dvitable et la compensation budg6taire. Comment ces deux 6valuations se comparent-elles entre elles ? On a :

C B = B - B~ = B + C E + A F + Q n r l a l ,

d'ofl :

C B - C E = B + A F + Q12T10"I > 0.

5/11 ANN. TI~LI~COMMUN., 50, n ~ 2, 1995

Page 6: Le service universel quelle valeur? quel coût? quel financement?

342 N. CURIEN. -- SERVICE UNIVERSEL : VALEUR, COOT, FINANCEMENT

La compensation budgEtaire est ainsi supErieure au coot Evitable. L'Ecart se decompose en trois termes :

�9 le profit B garanti ~ l'opErateur universel, qu'il faut restaurer en cas d'ouverture 5 la concurrence (compen- sation budgEtaire), alors qu'il est assure sous regime de monopole (coOt Evitable);

�9 les Economies de rEseau A F = F2 - (F - F1), car la compensation budgEtaire doit financer le coot fixe F2 de fourniture isolEe du segment 2, alors que la partie fixe du coot Evitable est Egale au coot fixe de fourniture incrEmentale de ce segment, soit F - F1 < F2 ;

�9 le profit retire des appels Q12 requs par les usagers non rentables en provenance des usagers dcr~m~s; en effet, dans la transition dEfinissant le coot Evitable, ce profit dispara~t en m~me temps que le segment 2 et vient donc en deduction du coot Evitable d'accbs, alors que dans la transition dEfinissant la compensation budgEtaire, il est EcrEmE par la concurrence et s'intbgre donc dans la compensation.

En conclusion, les estimations du co~t privd du ser- vice universel, soit C B et CE, ainsi que le coot d'oppor- tunitE CO (s'il est positif), s'ordonnent de la manibre suivante :

C B > C E >_ CO.

Les usagers 1 bEnEficient de la baisse de tarification de leur trafic et enregistrent un gain de surplus exactement Egal 5 la perte du monopole, soit :

AS1 = B1.

Le bien-atre des usagers 2 est invariant dans l'opEration. La variation de surplus collectif vaut donc:

A S = A B M q- AS1 = O,

de telle fa~on que le surplus maximal S* est prEservE dans la situation finale. Dans cette situation cependant, le profit du monopole est ndgatif, soit :

BM = B - B 1 < O.

Pour maintenir le profit ~ son niveau initial, il faudrait verser ~ l'opdrateur la compensation budgdtaire :

B1 = C B - AF.

Lorsque le monopole barre l'entrde, la compensation budgdtaire est donc rdduite d'un montant 6gal au coot dvitE d'dclatement du rdseau. Cette compensation budgE- taire corrigde reste cependant supErieure au coot 4vi- table, tel qu'il a Etd ddfini ~t la section prdcEdente. En effet :

B1 - C E = B + Q12~-lch > O.

La compensation budgdtaire est supErieure au coot Evi- table, et le coot 6vitable supErieur ou dgal au coot d'opportunitE, ce dernier dtant net des gains de surplus des consommateurs.

V. CONCURRENCE ET CHARGE D'ACCI~S

Dans la transition du monopole vers la concurrence qui, dans la section prEcEdente, a servi de support ~t la definition de la compensation budgEtaire, la situation concurrentielle finale est inefficace. En effet, la sEpara- tion des infrastructures d'accbs respectivement destinEes aux segments 1 et 2 engendre la perte d'Economies de rEseau A F et il en rdsulte que le surplus collectif final est infErieur h sa valeur optimale S*, atteinte dans l'Etat initial d'un monopole assurant le service universel.

Une manibre de corriger cette perte est d'autoriser le monopole initial h baisser la tarification du trafic Emis par le segment 1, de manibre ~ lutter contre une entree inefficace. Pour supprimer toute anticipation de profit positif chez un concurrent susceptible d'entrer sur le segment 1 sans disposer d'une meilleure technologie, le monopole doit porter le taux tarifaire 7"1 h la valeur ~1 telle que :

Bi = -(/;11 + Nid2) + QlYia i = 0.

I1 subit donc la variation negative de profit :

A B M = Qi (~i - 7-1)ai,

A B M = Fi + Nidz - Q 1 T l O ' I ,

A B M = - B 1 .

On a suppose jusqu'ici que l'entrant potentiel dispose de la m~me technologie que l'opErateur en place, si bien que l'entrEe, si elle Etait effective, n'engendrerait pas de gains d'efficacitE. ConsidErons maintenant le cas oh l'entrant potentiel utilise une technologie plus performante que celle du monopole pour Ecouler le trafic du segment 1, et prenons pour situation de depart celle off le monopole pratique la tarification Yl qui barre l'entrEe inefficace. Alors, le concurrent est incite 5 une entree globale sur le trafic et l'accbs du segment 1. En effet, si :

7E <V

est le coot pour l'entrant d'Ecouler une unite de trafic, en captant le segment 1 il rdalise le profit positif :

BE = B1 + Q1(7 - 7E) ---- QI(~ - ~/E) :> 0.

Aprbs l'entrEe, le profit de l'ancien monopole subit la variation :

A B M = - Q l ~ l f f l -~ ( F - F2) + N l d 2 ,

puisqu'il perd le produit du trafic mais rEcupbre le deficit incremental d'accbs qu'engendrait pour lui le segment 1. Compte tenu de la definition du taux tarifaire ~1, on peut encore Ecfire :

A B M = - ( F 1 + Nld2) + (F - F2) + Nld2,

A B M = - A F .

Les tarifications de l'accbs et du trafic 6tant inchangdes, les usagers 1 et 2 ne connaissent ancune variation de surplus du fait de l'entrEe, soit "

AS1 = AS2 = 0.

La variation globale du surplus collectif est donc :

AS = ABM + BE = Q1(7 -- 7E) -- AF.

ANN. TI~LI~COMMUN., 50, n ~ 2, 1995 6/11

Page 7: Le service universel quelle valeur? quel coût? quel financement?

N. CURIEN. -- SERVICE UNIVERSEL : VALEUR, COOT, FINANCEMENT

Elle est dgale au bilan (positif ou ndgatif) du gain technologique et du cofit d'6clatement du r6seau, les segments 1 et 2 6tant, aprbs l'entr6e, desservis par des infrastuctures d'accbs sdpar6es.

Afin d'6viter l'dclatement de l'infrastructure d'accbs et la perte r6sultante de surplus collectif, il convient d'instaurer une interconnexion physique assortie d'un systbme tarifaire de charge d'acc~s. Dans ce sch6ma, l'op6rateur entrant ne construit pas sa propre infra- structure pour acc6der au segment 1, et ne fait que g6rer le trafic des usagers de ce segment. En revanche, il s'acquitte d'une charge auprbs de l'ancien monopole, qui gbre quant h lui l 'ensemble de l'infrastructure d'accbs ainsi que le trafic du segment 2. Soit a la charge dl6mentaire par unit6 de trafic. Par rapport ~t l'6tat prdc6dent de sdparation des infrastructures d'accbs, le profit de l'entrant varie de :

A B E ---- F1 + Nld2 - Qla,

puisque ce demier 6conomise le d6ficit d'accbs du seg- ment 1, mais paye des charges d'accbs proportionnelle- ment au volume du trafic qu'il 6coule. Sym6triquement, l'ancien monopole connalt la variation de profit :

A B M : Qla - (F - F2) - Nld2,

puisqu'il foumit incrdmentalement l'accbs au segment 1, en contrepartie des charges que lui verse l'entrant. Le solde de ces transferts conduit h rdcupdrer le cofit d'dclatement du rdseau, puisque :

A S = A B E + A B M = AF.

Raisonnant en niveau plut6t qu'en variation, dans l'6tat final de concurrence avec charge d'accbs, les surplus des diff6rents agents ont pour expression :

BE = Q 1 T l O ' I + Ql(7 - 7E) - - Qla,

BM : - [ F + (N1 + N2)d2] + Q2T2cr2 + Qla,

S1 = X l ( W l - w2) + QI(1 - T1)O1,

$2 = Q (I -

et, remarquant que Wl - w 2 = Sl +d2, le surplus collectif vaut :

S = BE + BM + S1 + $2 + X,

S = - F + Nl s l - N2d2 + Ql( r l+

Q 2 o 2 + Q l ( 7 -- 7 E ) + X , S = S* + Q l ( 7 - 7E).

I1 est 6gal au surplus de service universel, major6 du gain technologique apport6 par l'entr6e.

Comment la charge d'accbs doit-elle ~tre fix6e? Si l'objectif du r6gulateur est de garantir une concurrence efficace, c'est-~-dire telle que l'entr6e n'ait lieu que si 7E < 7, alors on doit avoir BE ---- 0 si 7E = 7, d'ofi :

a = "T10"I : ~1 -- 7 '

off ~1 est le prix du trafic qui dissuade l'entrde inefficace. La charge d'accbs ainsi ddterminde vdrifie la rbgle du cofit d'oppogunitd (efficient component pricing), prdco- nisde par Baumol : elle est 6gale au prix ~1 du service final, diminud du cofit 7 de la composante concurren- tielle.

343

Cette valeur de la charge d'accbs est par ailleurs la plus grande qui dissuade l'entrant de contourner l'infra- structure de l'op6rateur public. En effet, les recettes per~ues ~ travers la charge d'accbs, soit :

Q l a : Q1~1o1 = F1 + Nld2,

sont exactement dgales au cofit pour l'entrant de consti- tuer sa propre infrastructure d'accbs aux usagers 1.

Aprbs versement de la charge d'accbs ~ l a l , les comptes des deux op6rateurs s'6tablissent de la manibre suivante :

B E ---- 01 (7 -- "[E),

BM = - [ ( g - F1) + N2d2] + Q2r2a2 = B - B1.

Ainsi la charge d'accbs compense-t-elle l'op6rateur par rapport ~ l'6tat off il se prdmunit contre une entrde inefficace en pratiquant le taux tarifaire ~1. Or dans cet dtat, son profit est ndgatif et vaut B - B1. Pour le compenser par rapport ~ l'dtat de monopole de service universel non exposd h l'entrde, il faut lui verser en plus le montant B1 du profit que pourrait rdaliser un concurrent sans avantage technologique en 6crdmant le segment 1.

Une manibre d'op6rer cette compensation serait d'augmenter la charge d'accbs a, en la portant de la valeur g l a l ~ la valeur Tlal. On a en effet :

Q I ( T 1 -- T1)O'I ---- -F1 - Nld2 + Q1Tlal = B1.

La nouvelle charge d'accbs 71al vdfifierait elle aussi la rbgle de Baumol, appliqude cette fois au prix initial 7rl, et non au prix ~1 qui barre l'entrde inefficace. Cependant, moins d'en ~tre rdglementairement emp~cb6, un entrant confrontal ~ cette charge d'accbs serait incitd h construire sa propre infrastructure.

Une autre voie consiste ~ autoriser l'ancien monopole relever le tarif d'accbs qu'il adresse au segment 2. De

fa~on que les usagers de ce segment ne soient pas ainsi pdnalisds, ils recevraient des bons, couvrant exactement l'augmentation tarifaire. Ces bons leur seraient vers6s via un fonds de service universel, aliment6 par l'ancien monopole et par l'op6rateur entrant. Cette configuration peut ~tre d6crite dans le cadre de notre modble.

VI. FONDS DE SERVICE U N I V E R S E L

On se place dans la situation d'interconnexion d6crite dans la section pr6c6dente, off l'op6rateur entrant 6coule le trafic du segment 1 sans foumir l'accbs ~ ce segment, tandis que l'ancien monopole 6coule le trafic du segment 2 et fournit l'accbs aux deux segments (4).

(4) Rappelons que dans ce modble tr~s simple, sans contraintes de capacitd ni diff6renciation de la qualit6 de service, la concurrence conduit ~ une dvasion totale du trafic de type 1.

7/11 ANN. TI~LI~COMMUN., 50, n ~ 2, 1995

Page 8: Le service universel quelle valeur? quel coût? quel financement?

344

Soit p le tarif d'abonnement pratiqu6 par l'ancien monopole. Ce tarif est supposd non discriminant, c'est- h-dire le m~me pour chacun des deux segments, et tel que :

Sous un tel tarif, et

w 2 < p < c .

sans mesure compl6mentaire, les individus de type 2 ne demanderaient pas l'accbs au r6seau. Pour susciter leur demande, une compensation de revenu doit leur &re vers6e, dgale h la diff6rence entre le tarif et leur disposition h payer. Le fonds de service universel doit donc collecter le montant :

= N2(p - w2).

Supposant que chacun des deux opdrateurs contribue au fonds au prorata du trafic qu'il 6coule, l'entrant verse la contribution QIr et l'ancien monopole la contribu- tion Q2r off la contribution unitaire r est d6finie par l'6galitd :

= + Q 2 ) r

Soit par ailleurs a la charge d'accSs facturde h l'opdra- teur concurrent par unitd de trafic de type 1. Les deux tarifs p e t a sont ajustds par la tutelle rdglementaire de manibre h restaurer le niveau de profit B du monopole initial. On a donc :

BM =-F-(Nl+N~)(c -p)+Q2(r=a2-r = B,

d'ofi :

Q2(r2a2 - r + Qla = B + F + (N1 + N 2 ) ( c - p ) ,

et :

Q2(r~a2 - r + Qla +

---- B + F + (N1 + N2)(c - p ) + N2(p - w2).

Au second membre de cette 6galit6 figurent les emplois devant etre financ6s : le niveau de profit garanti ~ l'op6rateur initialement en monopole, le coot fixe de l'infrastructure d'accbs, le d6ficit r6sultant de ce que l'abonnement est inf6rieur au coot marginal de connexion, la compensation permettant l'accbs du seg- ment 2. Au premier membre, figurent les ressources de financement : le profit rdalis6 par l'ancien monopole sur le trafic de type 2 (net de la contribution au fonds de service universel), la charge d'accbs versde par l'opdra- teur entrant, et le fonds de service universel. L'dquilibre emplois-ressources est illustr6 sur la figure 2.

Substituant les expressions de B e t de �9 dans l'6galitd pr6c6dente, il vient :

Q2(r2a2 - r + Ola + (Q1 + Q2)r

= - F - (N1 + N2)(c - w2) + Qlrlal + Q2r2a2+

F + (N1 + N2)(c - p ) + N2(p - w2),

Qla + Q1r + NI(p - w2) = QlT1al.

Cette demibre 6galit6 met en 6vidence les trois sources de revenus qui viennent compenser l'ancien monopole de la perte du profit Q l r l a l qu'il rdalisait initialement sur le trafic du segment 1 :

N. CURIEN. - - SERVICE UNIVERSEL : VALEUR, COOT, FINANCEMENT

emplois

B

abonnement --~ p

W 2

ressources

e-,,

1

0

} ' =o

X (NI+N 2) .=~ r

} x N 2 g

Q2 (Y2 ~2- (~)

Q,a B

Q. 0

Qa•

Q2~

FIG. 2. - - Financement du service universel.

Funding universal service.

�9 le produit Qla de la charge d'acc~s vers6e par l'entrant;

�9 la contribution Q1r de l'entrant au fonds de service universel, indirectement revers6e h l'opdrateur via les usagers de type 2;

�9 la hausse des recettes d'abonnement perques auprbs des usagers de type 1, auxquels l'ancien monopole continue de fournir l'accbs, soit N1 ( p - w2). Dans cette organisation, comment le surplus collectif est-il rdparti entre les diff6rents acteurs ?

Soit :

TE < TI

le taux de tarification du trafic pratiqud par l'entrant. Le r6gulateur fixe rE de telle manibre que seule ait lieu une entr6e efficace, c'est-tt-dire que :

B E -- Q x ( ' ) ' - ~ E ) = 0,

- (a + r : O,

Q1TEO'I q- NI(p - w2) - Q 1 y l O l = O,

Q I ( T 1 -- TE)Crl = NI(p - w 2 ) .

I1 en r6sulte que le surplus de consommation des usa- gers de type 1 est invafiant aprbs l'entrde, la hausse de l'abonnement pratiqude par l'ancien monopole dtant exactement compensde par la baisse de tarification du trafic consentie par l'entrant, soit :

& -- - w 2 ) + 0 (1 -

De meme, aprbs reversement des bons provenant du fonds de service universel, les usagers de type 2 con- servent leur surplus, soit :

$2 = Q2(1 - rg.)a2.

Quant au profit de l'ancien monopole, il est maintenu sa valeur initiale, soit :

BM = B.

ANN. ']'~LI~COMMUN., 50, n ~ 2, 1995 8/11

Page 9: Le service universel quelle valeur? quel coût? quel financement?

N. CURIEN. -- SERVICE UNIVERSEL : VALEUR, COOT, FINANCEMENT

Enfin, l'entrant r6alise un profit 6gal h son avantage technologique :

= Q 1 ( 7 -

Ainsi, apr~s mise en place de la charge d'acc~s et instau- ration du fonds de service universal, la seule modifica- tion nette, par rapport h l'6tat de r6f6rence de mono- pole de service universel, consiste en l'apparition du gain technologique Q1 ( 7 - 7E)- Le surplus collectif, q u i valait initialement S*, vaut dans l'6tat final :

S = S* + Q 1 ( 7 - 7E).

Ainsi, la mise en place d'un fonds de service universal permet tout h la lois de r6aliser le maximum du sur- plus collectif, de b6n6ficier de l'avantage technologique apport6 par une entr6e efficace, et de pr6server l'6qui- libre budg6taire de l'op6rateur g6rant l'infrastructure d'acc~s.

Le r6gulateur dispose d'une marge de manoeuvre pour r6partir l'effort de financement entre la charge d'acc~s et le fonds de service universal. Supposons qu'il fixe la charge d'acc~s h la plus grande valeur qui dissuade l'op6rateur entrant de construire sa propre infrastructure d'acc~s aux usagers de type 1. On a dans ce cas :

Ql a = F1 + N l ( C - p ) .

En effet, s'il foumissait l'acc~s au segment 1, l'entrant calarait son tarif d'abonnement sur celui pratiqu6 par l'op6rateur public, tarif qui vaut d6sormais p, et non plus we.

La contribution de l'entrant au fonds de service uni- versel vaut en cons6quence :

Q1r = - Q l a - N I ( p - w2) + Ql'r lal ,

Q I r = - E l - Nl(C - p) - N I ( p - w2) + Q1~-1o1,

Q I r = - F 1 - Nld2 + Q1TlCrl,

Q1r = QI(T1 - ~1)0"1,

d'ofi :

= -

Caci signifia qua la contribution de l'entrant au fonds de service universel couvre exactement la baisse de profit qua le monopole doit consentir sur le trafic de type 1 afin de se pr6munir contre les entr6es inefficaces. Quant aux pertes encourues au-delh, du fait de l'entr6e effective d'un concurrent plus efficace sur le march6 du trafic de type l, elles sont compens6es par la charge d'acc~s et le profit r6alis6 sur le trafic de type 2.

345

naut6 juge indispensable qua tous ses membres puissant raisonnablement acc6der (5). Le champ qu'elle retient r6sulte d'un consensus, lui-m~me reflet de son histoire et de ses traditions. I1 y a donc des d6finitions du service universal, que l'apparition et la diffusion de nouveaux services font de surcroR 6voluer dans le temps.

Quelle que soit la dffinition retenue, deux questions se posent : h qui incombe l'obligation de mettre en oeuvre le service universel, et comment assurer son finance- ment? Les r6ponses, lh encore, different. Dans le sec- teur des t616communications, ce sont jusqu'ici les op6ra- teurs historiques (monopoles ou anciens monopoles en position dominante, exploitants du r6seau local issus du d6mant~lement d'un monopole) qui ont assur6 le ser- vice universal. Cependant, un Etat comma la California envisage d'attribuer la desserte de zones d6favoris6es par mise aux ench~res. En ce qui conceme le finance- ment, les Etats-Unis et l'Australie ont mis en place des fonds de service universel, alors que dans d'autres pays, l'op6rateur charg6 de l'obligation de service universal re~oit une contribution, sous forme de charge d'acc~s, de la part des op6rateurs qui se connectent h son r6seau. Mais, h l'heure actuelle, le m6canisme du fonds tel qu'il fonctionne aux Etats-Unis fait l 'objet de critiques et le second type de financement est en question dans plu- sieurs pays, notamment au Royaume-Uni.

En Australia, le Telecom Act de 1991 pr6voit des obligations de service universal (Community Services Obligations), dont la principale est de fournir h l 'ensemble de la population australienne un service de t616phone accessible h u n tarif raisonnable. Cette d6fi- nition e t l e s modalit6s mises en place r6pondent h un crit~re g6ographique : il est n6cessaire d'assurer le ser- vice t616phonique dans des r6gions d6ficitaires, c'est- h-dire off les cofits sont sup6rieurs aux recettes.

L'appellation d'opdrateur de service universel peut ~tre accord6e par le minist~re comp6tent. Ella vaut, soit pour la totalit6 du pays, soit pour une r6gion donn6e. Jusqu'h pr6sent, seul l'op6rateur historique Telstra a re~u cette appellation. D'autres op6rateurs sont qua- lifi6s d'opdrateurs participants : dans les faits, Optus et sa filiale mobiles. Telstra d6pose h l'autorit6 de r6gu- lation (Australian Telecommunications Authority) une demande d'un montant 6gal h son cofit net de service universal. Les op6rateurs participants doivent contribuer hun fonds de service universal, proportionnellement au trafic en minutes 6cou16 sur leur r6seau.

Le cofit net du service universal est estim6 h 250 mil- lions de dollars australiens par an, soit un milliard de

VII. EXPl~RIENCES I~TRANGI~RES

La notion de service universal, apparue progressive- ment, recouvre l'id6e d'un noyau de prestations garantes de la coh6sion sociale. Font partie du service universal, h un moment donn6, les services auxquels une commu-

(5) Le service universal apparait dans les textes europeans nlcents. Le Livre vert sur les services postaux de 1992 le d6finit comma un service de base offert dl tous, clans l'ensemble de la Communautd, d des conditions tarifaires abordables, et avec un niveau de qualitd standard. I1 se distingue des services d'inMrdt dconomique gdndral d6finis darts le trait6 de Rome, dont la jurisprudence de la Cour de Justice des Communaut6s europ6ennes (arr~ts Corbeau et Commune d'Almelo) commence ~ dessiner le contour, assez proche de celui du service public h la franqaise.

9/11 ANN. "I~LI~COMMUN., 50, n ~ 2, 1995

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francs. Optus achemine actuellement moins de 15% du trafic total et contribue h hauteur de 30 millions de dol- lars australiens. Le reste est consid6r6 comme la contri- bution de Telstra, qu'il doit couvrir avec les revenus en provenance des r6gions qui ne sont pas d6ficitaires.

Le coot est calcul6 par la m6thode du coot 6vitable, diff6rence entre le profit que pourrait faire l'op6rateur astreint ~ la fourniture de service universel s'il pouvait adopter un comportement du type priv6 (en particulier en choisissant ses clients et en r6visant ses tarifs), et le profit qu'il fait en assurant le service universel. Le coot priv6 repr6sente donc le montant de la subvention ~ lui accorder pour qu'il lui soit indiff6rent d'assurer ou non le service.

Dans l'6tude faite en 1988-1989 par le Bureau of Transport and Communications Economics d'Australie (6), Martin Cave a utilis6 une variante de cette m6thode. I1 suppose que l'op6rateur assurant initialement le ser- vice universel ne peut pas modifier sa tarification : s'il avait un comportement de type priv6, il d6connecterait les abonn6s non rentables (selon le calcul pr6sent6 sous des hypotheses simples dans la section III de cet article). L'6tude a abouti hun montant de 240 millions de dollars australiens.

Parall~lement, l'op6rateur historique avait 6tabli sa propre estimation du coot du service universel, d6fini comme la diff6rence entre les coots d'acc~s et les recettes d'abonnement, en utilisant une m&hode de coots complets (Fully Distributed Costs). I1 aboutissait ?tun montant beaucoup plus 61ev6, de 800 millions de dollars australiens.

Dans son rapport d'activit6 de juin 1991, l'Austel a exclu explicitement du champ du service universel le d6ficit total de la distribution (CaN : customer access network), tout en continuant ~t imposer des restrictions au r66quilibrage par Telstra de ses tarifs. On peut consid6rer n6anmoins que les autorit6s reconnaissent implicitement, par le maintien d'une composante CaN dans les charges d'interconnexion qu'Optus paye ~ Telstra, que le fonds ne suffit pas ~t compenser Telstra pour ses obligations de service universel.

An Royaume-Uni, le d6ficit d'acc~s (access deficit), diff6rence entre les coots d'acc~s et les recettes d'abon- nement, est combl6 actuellement par des contributions au d6ficit d'acc~s, que payent les autres op6rateurs utilisant le r6seau de British Telecom, avec possibilit6 d'exon6ra- tion : jusqu'~ pr6sent, seul Mercury paye de telles contri- butions. Le d6ficit d'accbs comprend les coots li6s ~ la fourniture du service universel par British Telecom.

Dans les propositions qu'elle a soumises fin 1994 une consultation publique, un cadre pour une concur- rence efficace (7), l 'agence de r6glementation Oriel consid~re comme n6cessaire de r6former ce syst~me et d'6tudier en soi le probl~me du service universel.

(6) Bureau of Transport and Communications Economics (1989), The Cost of Telecom's Community Services Obligations, Report 64, AGPS, Canberra.

(7) Office of Telecommunications (1994), A framework for effective competition, London.

N. CURIEN. -- SERVICE UNIVERSEL : VALEUR, COOT, FINANCEMENT

Le document de l'Oftel d6finit le service universel, d'abord comme la possibilit6 pour chacun, quel que soit l'endroit oO il vit, d'acc6der au service de base t616- phonique ~ un tarif raisonnable. S 'y ajoute la possi- bilit6 de services adapt6s pour certaines cat6gories de la population, personnes ~g6es et handicap6es en par- ticulier. A c6t6 des mesures pour les petits consom- mateurs (light user scheme), des innovations pourraient ~tre introduites : raccordement gratuit pour certains nouveaux abonn6s, services restreints, forfaits d'appels locaux compris dans l'abonnement, etc.

Le coot a 6t6 estim6 selon une m6thode proche de celle utilis6e en Australie, ~ partir des lignes consid6r6es comme non rentables ~ long terme, et aboutit ~ une 6valuation comprise entre 110 et 200 millions de livres (900 et 1 700 millions de francs). Pour le financement, la prdf6rence de l'Oftel va ~ un fonds de service universel, qui pourrait ~tre aliment6 par un pr61~vement sur les op6rateurs selon diff6rents crit~res (parts de march6, revenus nets du trafic, etc.), ou par des transferts via les accords d'interconnexion.

En Nouvelle-Z61ande, les autorit6s avaient conserv6 la possibilit6 d'un droit de veto au moment de la priva- tisation de l'op6rateur, par le syst~me de la Kiwi share. Elles l 'ont utilis6 pour d6finir les seules contraintes qui p~sent sur l'op6rateur de t616communications. I1 doit continuer h desservir les zones recul6es et maintenir un syst~me de tarification r6sidentielle au forfait. L'6volu- tion des tarifs r6sidentiels est soumise ~ un plafond, li6

la croissance du produit int6rieur brut.

Aux Etats-Unis, le service universel fait l 'objet de plusieurs d6finitions, certaines donnant une liste exhaus- tive des services ~ inclure, d'autres cherchant ~ 6tablir des crit~res : distinction entre services de base et services

valeur ajout6e, par exemple. I1 existe des programmes f6d6raux et des programmes mis en place par les Etats.

Dans le cas des programmes f6d6raux, le financement va soit ~t des usagers, soit ~ des op6rateurs. Ainsi,

les programmes Lifeline Assistance subventionnent ceux des usagers qui ne peuvent faire face ~ la surcharge mensuelle qui doit ~tre payde aux op6rateurs locaux depuis 1989 (Subscriber Line Charge). Le programme Link-Up America prend en charge la moiti6 des frais d'installation d'une ligne et de raccordement au r6seau. Les deux programmes repr6sentaient un peu plus de 120 millions de dollars en 1993.

Les op6rateurs des r6seaux ~ longue distance contri- buent ~ un fonds f6d6ral qui vise ~ compenser les op6ra- teurs locaux g6rant des lignes dont le coot d6passe la moyenne de 20% : c'est l'Universal Service Fund, qui repr6sentait en 1994 environ 700 millions de dollars.

I1 existe aussi des programmes qui contribuent ~t l'6quipement t~l~phonique dans les r6gions ~ faible densit6, tels que le syst~me de pr~ts garantis par la Rural Electrification Division du minist~re de l'Agriculture. Ces pr~ts s'adressent aux op6rateurs locaux en zone rurale.

La complexit6 de ces diff6rentes contributions au service universel suscite des propositions de nouveaux

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N. CURIEN. -- SERVICE UNIVERSEL " VALEUR, COOT, FINANCEMENT

modes de financement. Une subvention pourrait ainsi ~tre vers6e dans le cadre d'une concession de service universel.

�9 En Californie, l'ouverture totale h la concurrence, avec maintien d'une r6glementation des tarifs, est envi- sag6e. La desserte des zones d61aiss6es par les op6ra- teurs serait attribu6e par un syst~me d'appels d'offres, le vainqueur de l'ench~re 6tant celui qui demanderait la moindre subvention par rapport au tarif impos6. L'infra- structure utilis6e serait ceUe du gouvernement de l'Etat.

�9 Le Teleport Communications Group (TCG) propose que l'op6rateur historique d6clare le niveau de subven- tion interne qui lui est n6cessaire par zone d6ficitaire. Quant ~t un concurrent desservant un abonn6 situ6 dans une telle zone, il recevrait une subvention du fonds de service universel.

Dans un article r6cent [6], Eli Noam propose de r6former le mode de financement du service universel, de fa~on ~ l'adapter h u n environnement o?a coexistent de plus en plus d'op6rateurs. Le contenu du service universel r6sulte d'une d6cision politique. I1 faut par cons6quent, et c'est l 'objectif de la r6forme, 6tablir entre les op6rateurs un partage 6gal des obligations, mais aussi des droits, qui r6sultent de cette d6cision. I1 convient enfin d'assurer aux consommateurs le libre choix de leur op6rateur.

Plut6t qu'un m6canisme de transferts, Eli Noam sugg~re la tenue d'un grand livre : le net transmis- sion account system. Chaque op6rateur serait cr6dit6 des d6penses qu'il effectue au titre du service univer- sel (fonds, programmes sp6cianx, desserte des zones faible densit6), nettes des ressources qu'il re~oit h ce m~me titre. La contribution totale que l 'on souhaite susciter pour le service universel 6tant fix6e, on peut d6terminer un taux analogue ~ un taux fiscal, dit net trans rate, ~t appliquer au chiffre d'affaires de chaque op6rateur, net des reversements ?~ d'autres op6rateurs. Le r6sultat du calcul serait inscrit au d6bit. En fin de

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pdriode, les soldes seraient transf6rds : le fonds collec- terait ainsi les montants dus par les op6rateurs ddbiteurs nets et rembourserait les op6rateurs crdditeurs nets. Les b6n6ficiaires seraient les clients, qui recevraient des bons virtuels, qu'ils pourraient utiliser aupr~s de l'op6rateur de leur choix : ce dernier verrait alors son compte (net trans) cr6dit6 du montant correspondant.

L'un des avantages que voit Eli Noam ~ ce projet est qu'il n'exige aucune transformation brutale du syst~me actuel, puisque tous les programmes existants peuvent s 'y int6grer dans un premier temps. Par ailleurs, en permettant h tous les consommateurs de choisir leur op6rateur, en mettant en concurrence les op6rateurs pour l'obtention des subventions, le projet permet h ses yeux la coexistence de la concurrence et du service universel.

Manuscrit re9u le 2 janvier 1995.

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