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le stade du miroir D'après Lacan, le stade du miroir est une phase de la constitution de l'être humain. Il constitue, du point de vue de l'évolution de la structure psychique de chacun, un moment fondamental s'analysant en la constitution de la première ébauche du moi. La conception du stade du miroir est un des apports les plus anciens de Lacan à la psychanalyse. Elle fut présentée d'abord en 1936 au Congrès international de psychanalyse de Marienbad, puis fit l'objet ultérieurement d'une communication en 1949 au Congrès international de psychanalyse à Zurich, sous le titre: « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, telle qu'elle nous est révélée dans l'expérience psychanalytique » (Écrits, 1966). Le stade du miroir est ce moment «d'individualisation du sujet dans le miroir». Jusqu'ici l'enfant vit dans la confusion de lui et de l'autre. L'image du corps s'est construite dans le «réseau de sécurité langagière» (F. Dolto, l'Image inconsciente du corps, 1984) formé par la mère. Ce que l'expérience du miroir va apporter à l'enfant, c'est une faculté d'individualisation de son corps propre qui marquera son entrée dans le narcissisme primaire. L'expérience se joue entre 6 et 18 mois, soit une année pendant laquelle elle va se produire plusieurs fois, en trois moments qui se superposent et se mêlent: d'abord l'enfant vit dans la confusion de lui et de l'autre. Puis, placé devant un miroir, il va comprendre que ce qu'il voit dans ce miroir n'est qu'une image, autrement dit que l'autre du miroir n'est pas réel. Enfin, troisième moment, décisif celui-là, l'enfant va reconnaître l'image du miroir comme étant la sienne; de même, il va percevoir que l'image de sa mère, à ses côtés, est celle de sa mère. C'est là que s'opèrent «l'unification et l'identification primordiale» au reflet, à l'image d'une figure reconnue comme autre. C'est un moment crucial pour l'enfant qui effectue là la première conquête de son identité par la perception d'une image totale de son corps, qui va précéder le sentiment d'unité de sa personne. Lacan, dans son texte, nous éclaire sur ce qui se passe pour l'enfant sur le plan psychique, lors de cette expérience. 1) Il y a d'abord de la part de l'enfant une «anticipation imaginaire» puisque, n'ayant pas encore acquis la maturité neurologique, ni la coordination motrice, et encore dépourvu de la maîtrise de son

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le stade du miroir

D'après Lacan, le stade du miroir est une phase de la constitution de l'être humain. Il constitue, du point de vue de l'évolution de la structure psychique de chacun, un moment fondamental s'analysant en la constitution de la première ébauche du moi.

La conception du stade du miroir est un des apports les plus anciens de Lacan à la psychanalyse. Elle fut présentée d'abord en 1936 au Congrès international de psychanalyse de Marienbad, puis fit l'objet ultérieurement d'une communication en 1949 au Congrès international de psychanalyse à Zurich, sous le titre: « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, telle qu'elle nous est révélée dans l'expérience psychanalytique » (Écrits, 1966).

Le stade du miroir est ce moment «d'individualisation du sujet dans le miroir». Jusqu'ici l'enfant vit dans la confusion de lui et de l'autre. L'image du corps s'est construite dans le «réseau de sécurité langagière» (F. Dolto, l'Image inconsciente du corps, 1984) formé par la mère. Ce que l'expérience du miroir va apporter à l'enfant, c'est une faculté d'individualisation de son corps propre qui marquera son entrée dans le narcissisme primaire. L'expérience se joue entre 6 et 18 mois, soit une année pendant laquelle elle va se produire plusieurs fois, en trois moments qui se superposent et se mêlent: d'abord l'enfant vit dans la confusion de lui et de l'autre. Puis, placé devant un miroir, il va comprendre que ce qu'il voit dans ce miroir n'est qu'une image, autrement dit que l'autre du miroir n'est pas réel. Enfin, troisième moment, décisif celui-là, l'enfant va reconnaître l'image du miroir comme étant la sienne; de même, il va percevoir que l'image de sa mère, à ses côtés, est celle de sa mère. C'est là que s'opèrent «l'unification et l'identification primordiale» au reflet, à l'image d'une figure reconnue comme autre. C'est un moment crucial pour l'enfant qui effectue là la première conquête de son identité par la perception d'une image totale de son corps, qui va précéder le sentiment d'unité de sa personne.

Lacan, dans son texte, nous éclaire sur ce qui se passe pour l'enfant sur le plan psychique, lors de cette expérience. 1) Il y a d'abord de la part de l'enfant une «anticipation imaginaire» puisque, n'ayant pas encore acquis la maturité neurologique, ni la coordination motrice, et encore dépourvu de la maîtrise de son

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corps, il dispose néanmoins de la capacité, dans l'imaginaire, d'opérer l'unification de son corps. 2) Par ailleurs, selon Lacan, cela est rendu possible du fait de la présence à ses côtés de sa mère: l'enfant, en effet, n'est pas seul, car, s'il l'était, il risquerait de se perdre dans le miroir. Ici sa mère le tient, lui parle, le nomme, lui dit son prénom, son nom, qu'elle répète, grâce à quoi se constituera le premier signifiant auquel l'enfant va s'identifier. Cet avènement, cette identification primordiale n'est ainsi rendue possible que par la présence de la mère, ce «Premier Grand Autre» (Lacan) dans lequel l'enfant se reconnaît. 3) Enfin, Lacan fait observer que cette reconnaissance par l'enfant de son image provoque pour lui une «jubilation»: lui qui jusqu'ici se vivait comme un «corps morcelé» va intégrer l'image d'un corps unifié, et la jubilation soulignée montre qu'il y a de sa part un investissement libidinal, autrement dit du désir.

L'expérience du miroir comporte un certain nombre d'enjeux sur le développement psychique et libidinal de l'enfant, et sur son devenir. Elle ouvre à l'enfant la perception du corps des autres comme différent de son propre corps. Désormais, les comparant, il va voir qu'à l'endroit du sexe, chez certains, il y a quelque chose, alors que chez d'autres il n'y a rien. Il va être ainsi conduit à s'interroger sur cette différence anatomique, et sera apte, dès lors, à aborder la problématique œdipienne. En outre, il s'agit aussi pour l'enfant, au travers de l'expérience spéculaire, de sortir de l'individualisation mère-enfant dans laquelle il vivait jusqu'alors. Grâce à cela encore pourra s'amorcer pour lui la période œdipienne, l'élaboration d'une représentation imaginaire de sa mère dont il serait le seul objet de désir. Puis, rencontrant son père, il pourra pressentir, imaginairement encore, que celui-ci est son rival dans la satisfaction du désir de la mère. Enfin, l'alliance répétée lors du stade du miroir de l'image spéculaire et de son nom dit par la mère l'initieront au registre symbolique.

Ce moment deviendra ainsi le point d'ouverture à toutes les opérations symboliques que l'enfant devra effectuer au cours de la période œdipienne. Le stade du miroir ouvre ainsi à l'enfant la possibilité d'appréhender l'intrication du symbolique et de l'imaginaire qui va marquer cette période et qui trouvera son terme dans la symbolisation de l'interdit de l'inceste par l'intervention de la loi du père.