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Le Statut de l’objet Introduction Le statut de l’objet aujourd’hui est ambivalent. Alors que dans l’art moderne, l’objet est appréhendé dans le dépouillement de toute fonction, le design explore la fonctionnalité des objets, mais dans un sens qui ne correspond pas nécessairement à leur finalité « naturelle » . Qu’en est-il des rapports entre objet et fonction ? C’est ce que nous aborderons dans un premier temps. Mais le statut de l’objet est inséparable du processus de son élaboration, soit : d’une démarche de création. Nous envisagerons, dans un second temps, les différents aspects de cette démarche, depuis la réflexion de l’artiste jusqu’à la perception active de l’objet. Cependant, le statut de l’objet n’a rien à voir avec un état marqué par la stabilité et la permanence. L’objet est nécessairement pris dans un devenir, une évolution. Il est le siège de transformations. Ne pourrait-on pas penser le statut de l’objet comme un lieu de métamorphoses. Nous analyserons, dans un dernier temps, les transformations dynamiques que peut connaître l’objet, dans sa nature, sa forme et ses propriétés esthétiques. I L’Objet et sa fonction a) Fonction, but de la création b) Pas d’objet sans fonction (Définition) (Fonction, indissociable de l’objet) (Les objets de tous les jours, crées pour être fonctionnels) (Esthétisme au service du quotidien ex : Bauhaus) (Industrialisation, rendre l’objet accessible au plus grand nombre) Le Bauhaus replace la fonction de l’objet au centre du processus de création. L’opposition entre le beau et l’utile, lieu commun de l’histoire récente de l’art recouvrant grossièrement celle entre art et artisanat est renversée. Rappelons que la conception kantienne du beau distingue la beauté de l’objet de ce qu’il peut y avoir d’agréable dans sa consommation ou de la valeur qu’il peut avoir pour la morale. « Le beau est l’objet d’une satisfaction désintéressée » (interesseloses Wohlgefallen). Pour Kant, la beauté est la « forme de finalité d’un objet en tant qu’elle est perçue en celui-ci sans représentation d’une fin ». La forme de l’objet est sa finalité mais elle n’a pas de fin, c’est à dire pas de but, ni de fonction. Le second Bauhaus place la beauté de l’objet dans sa fonction. Celui-ci n’est plus un objet de contemplation, il impose une action, une morale à l’utilisateur. Si l’on s’interroge sur la fonction d’un objet et son industrialisation, le terme « design de produit » représente une activité, une discipline, qui consiste à

Le Statut de l'objet

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Le Statut de l’objet

Introduction

Le statut de l’objet aujourd’hui est ambivalent. Alors que dans l’art moderne, l’objet est appréhendé dans le dépouillement de toute fonction, le design explore la fonctionnalité des objets, mais dans un sens qui ne correspond pas nécessairement à leur finalité « naturelle » . Qu’en est-il des rapports entre objet et fonction ? C’est ce que nous aborderons dans un premier temps. Mais le statut de l’objet est inséparable du processus de son élaboration, soit : d’une démarche de création. Nous envisagerons, dans un second temps, les différents aspects de cette démarche, depuis la réflexion de l’artiste jusqu’à la perception active de l’objet. Cependant, le statut de l’objet n’a rien à voir avec un état marqué par la stabilité et la permanence. L’objet est nécessairement pris dans un devenir, une évolution. Il est le siège de transformations. Ne pourrait-on pas penser le statut de l’objet comme un lieu de métamorphoses. Nous analyserons, dans un dernier temps, les transformations dynamiques que peut connaître l’objet, dans sa nature, sa forme et ses propriétés esthétiques.

I L’Objet et sa fonction

a) Fonction, but de la création b) Pas d’objet sans fonction

(Définition)(Fonction, indissociable de l’objet)(Les objets de tous les jours, crées pour être fonctionnels)(Esthétisme au service du quotidien ex : Bauhaus)(Industrialisation, rendre l’objet accessible au plus grand nombre)

Le Bauhaus replace la fonction de l’objet au centre du processus de création. L’opposition entre le beau et l’utile, lieu commun de l’histoire récente de l’art recouvrant grossièrement celle entre art et artisanat est renversée. Rappelons que la conception kantienne du beau distingue la beauté de l’objet de ce qu’il peut y avoir d’agréable dans sa consommation ou de la valeur qu’il peut avoir pour la morale. « Le beau est l’objet d’une satisfaction désintéressée » (interesseloses Wohlgefallen). Pour Kant, la beauté est la « forme de finalité d’un objet en tant qu’elle est perçue en celui-ci sans représentation d’une fin ». La forme de l’objet est sa finalité mais elle n’a pas de fin, c’est à dire pas de but, ni de fonction. Le second Bauhaus place la beauté de l’objet dans sa fonction. Celui-ci n’est plus un objet de contemplation, il impose une action, une morale à l’utilisateur.

Si l’on s’interroge sur la fonction d’un objet et son industrialisation, le terme « design de produit » représente une activité, une discipline, qui consiste à imaginer des objets, des produits, pour l’artisanat ou l’industrie, sur la base d’un cahier des charges, en général fabriqués en série et commercialisés. Le design est un art qui consiste à rendre un objet à la fois désirable et fonctionnel.

Téléphoner, chauffer un aliment, se déplacer, se brosser les dents… Un objet, quel qu’il soit, est utile à quelque chose et ne peut être produit sans prendre en compte la notion de service que l’acheteur attend de son usage. Le design, en tant que processus, donne donc forme et sens au produit. L’image du produit, résultant du design, met en valeur ses fonctions, les exprime, et les rend compréhensibles. Le design établit un message visible et cohérant d’un produit. C’est ce qu’on appel la qualité d’usage ou la qualité des services rendus par un objet.

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c) Est-ce que l’objet est indissociable du fonctionnel

Selon certains auteurs-ingénieurs, un objet fonctionnel est automatiquement beau. Le design de produit relève du design de communication, en ce sens qu’il traduit également la marque, son expression, sa mise en scène. L’entreprise Facom, à titre d’exemple, a travaillé sur l’ergonomie d’un tournevis esthétique, baptisé Prortwist, afin d’améliorer la prise en mains et de réduire les troubles musculo-squelettiques de ses utilisateurs. Le produit est un produit Facom, on le reconnaît comme lié à la marque.

Les clients attendent d’un produit qu’il fonctionne correctement, qu’il soit facile d’utilisation, facile à comprendre et qu’il leurs apportent un réel service. Le designer doit alors prendre en compte ces quatre vérités.

Devant des produits dont les caractéristiques techniques sont équivalentes d’une marque à une autre, les consommateurs sont à la recherche de différences au-delà de la fonctionnalité

Cependant il existe des objets qui peuvent avoir une autre fonctionnalité que celle dont ils sont destinés. Comme le dit Philippe Starck « La fonction est indispensable à tout objet, même le plus futile. Mais il faut bien comprendre que, parfois, l’objet n’a pas la fonction que l’on croit ; par exemple savoir lire que l’automobile transporte des symboles mais pas des personnes, ou que mon presse-citron n’est pas fait pour presser des citrons, mais pour amorcer une conversation. »

II De quoi dépend le statut d’un objet

a) La démarche de création, réflexion de l’artiste (Occupation de l’espace)(Jeu sur les sens)

Les artistes qui exposent leurs objets, œuvres, dans des musées cherche la plupart du temps à faire passer un message, à exprimer un sentiment.

Les premières œuvres de Marcel Duchamp qui ont marqué ont été les ready Made, véritable objet de la vie quotidienne récupérés, et simplement décontextualisés et élevées au rang d'œuvre d'art. Un porte-bouteille, une roue de vélo, un bidet. On peut imaginer que par là s'amorce une rupture avec toute définition traditionnelle de l'art, de l'art conçu comme un objet, un artefact conçu des mains de l'artiste, de l'art comme création. La récupération amorcée par les Nouveaux Réalistes et dans un forme différente par le pop art laisse imaginer que tout peut rentrer dans le domaine de l'art, qu'il n'y plus de critère discriminant pour rejeter une œuvre hors de l'art.

Des artistes comme Arman, César reprend des éléments de la vie quotidienne dans des compressions, des réarrangements avec notamment des poubelles, des déchets, des voitures. Le pop art par le biais de Warhol fait rentrer des boites de conserve, d'emballage dans le domaine de l'art. Aussi, c'est le regard de l'artiste qui fait d'un objet quelque chose d'artistique, qu'il lui donne une signification. Ainsi n'importe quel objet vu par un photographe peut devenir artistique, comme chacun selon Warhol peut avoir son quart d'heure de célébrité. Tout est nivelé, il n'y a plus de supériorité d’objets sur les autres au risque de l'insignifiance. La distinction entre l'art et les objets quelconque semble bien mince. Un simple changement de contexte suffit, mais sinon la différence peut être imperceptible.

b) La démarche de création, But recherché par l’artiste (Perte de la fonction première)(Symbolisme)

Pour un objet de tous les jours, l’artiste va chercher à le rendre attirant par plusieurs moyens.Le designer va chercher à établir un lien affectif entre l’utilisateur et le produit. On parle alors de «fonction d’estime ». Au-delà de raisons fonctionnelles, l’objet peut être choisi pour des raisons personnelles (un souvenir, un désir d’identification, le statut social, une couleur qu’on aime, une texture, le bruit que fait

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l’objet…), culturelles, voire émotionnelles. La fonction d’estime peut même être prioritaire par rapport à la fonction d’usage. L’artiste va aussi chercher à communiqué un sens par l’objet, ce qui peut aussi être un raison d’achat. « Au-delà des fonctions, des formes, des styles les objets produisent du sens et c’est en cela que j‘utilise la métaphore de « l’âme », explique Brigitte Fitoussi, auteure de plusieurs ouvrages consacrés au design et à l’architecture. S’ils restent inanimés, les objets affectifs ont ce quelque chose en plus dans l’expression, teinté d’humour et de poésie, sui leur accorde une « grâce perdue » par bon nombre d’objets quotidiens. »Les objets ont souvent une âme ou, du moins pour la plupart, doivent pouvoir exprimer la personnalité du consommateur. L’artiste va chercher à marquer les esprits « Parler de l’objet n’est pas intéressant ; ce qui l’est, c’est de parler de ce que l’on en pense, de la mémoire qu’on en à. » Philippe Starck

III Le statut de l’objet est évolutif

a) Même modifié à l’extrême l’objet conserve son statut originel (Droog Design)

Ici, le groupe Droog Design a récupéré plusieurs tiroirs pour leur redonner une nouvelle vie. Par le procédé d’une accumulation: (Action de réunir, d'entasser, d'accumuler un même type de matériaux ou un même type d'objet). Terme qui est en fait génériquement utilisé et appliqué à certaines œuvres d'Arman (artiste du Nouveau Réalisme). Dans un inventaire des matériaux, aussi bien du quotidien que du peintre ou de l'artiste en général, celui-ci s'approprie le réel de l'objet pour en dégager une poétique autre à partir d'un effet de saturation. C'est la transformation d'un objet par le nombre. Le nombre produit un effet de banalisation et de perte de réalité.

b) L’art conceptuel (One and three chairs)

Dans « One and Three Chairs » de Joseph Kosuth, un objet réel, une chaise quelconque, est choisi parmi les objets d’usage courant les plus anonymes. Il est placé contre une cimaise, entre sa photographie, son image reproduite par un procédé mécanique et sa définition rapportée d’un dictionnaire. L’ensemble est la triple représentation d’une même chose sans qu’il y ait une répétition formelle. Ce qui est multiplié d’une partie à l’autre de l’œuvre, ce n’est pas la chaise réelle, encore trop particulière malgré sa neutralité, ni la photographie qui ne représente que son image du point de vue du spectateur, ni enfin sa définition qui envisage tous les cas répertoriés de l’emploi du mot "chaise" mais néglige de fait celui de la chaise réelle et de son image. Il s’agit dans les trois cas d’un degré distinct de la réalité de l’objet. Tous trois désignent, par leur association, une quatrième chaise, idéale et invisible dont le concept se trouve ainsi suggéré, bien plus que défini. Là où défaille l’objet, intervient l’image, et là où celle-ci à son tour défaille, apparaît le langage, lui-même insuffisant mais déjà relayé par l’objet.

L’art conceptuel est une forme d’art qui a pour objet de faire passer une idée ou un concept au spectateur, rejetant la création ou l’appréciation de l’objet d’art traditionnel (peinture, sculpture...) comme étant une futilité précieuse. Les tenants de l’art conceptuel affirment que la production artistique devrait servir la connaissance de l’art, et que l’objet d’art n’est pas une fin en soi. L’art conceptuel étant très centré sur le message qu’il véhicule, il possède des liens forts avec de nombreux autres mouvements du siècle dernier. L'art conceptuel remet principalement en question le statut traditionnel de l'objet d'art en tant qu'objet unique, de collection ou de marchandise. L’art conceptuel c’est ce qui permet à l’art d’être art.

c) La tour Eiffel (Nouvelles applications du monument)

Prenons la tour Eiffel comme objet patrimonial à l’étude. C’est une construction qui a été réalisée pour l’exposition universelle de 1900 qui devait être ensuite détruite. Heureusement qu’elle a été préservée, elle appartient désormais à notre patrimoine et est considérée aujourd’hui comme un objet artistique et pas simplement technique.

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On peut donc parler d’elle comme objet industriel et technologique montrant un savoir faire appartenant à l’architecture de fer issue de la révolution industrielle. C’est un énorme « coup publicitaire » pour son auteur qui l’a fait connaître dans le monde.

C’est devenu une œuvre d’art, un ouvrage d’art monumental sans fonction véritable à l’origine. C’est une dentelle de ferraille qui manifeste le prestige de la France dans les domaines de la création, de l’architecture à l’artisanat d’art depuis Louis XIV.

C’est un objet issu de la révolution industrielle. Les conséquences matérielles et sociales de ces avancées sont considérables et ont été exprimées dans la peinture, la musique, la littérature.C’est un objet qui a su évoluer avec son époque: tour de guet pendant la guerre, antenne pour la radio puis la télévision, monument touristique et symbole de Paris, étendard pour mettre en scène les couleurs de l’Europe avec un éclairage spécifique lors des journées de célébration. Il possède même un restaurant prestigieux qui met en valeur la gastronomie française. C’est un objet peint et il existe une teinte spécifique tour Eiffel.Il existe des copies de cette tour dans beaucoup de pays car les œuvres d’art prestigieuses sont souvent copiées quelque soit le domaine. Gustave Eiffel est-il alors un ingénieur, un artiste ou un visionnaire ?

d) D’objet à œuvre d’art

L’œuvre d’art ne semble pas faite pour autre chose qu’elle-même. Elle est inutile -au sens pratique du terme : au sens moral, elle importe, elle répond à un besoin spirituel, ce qui lui donne un but : nous détourner d’une préoccupation banale, quotidienne, pour élever notre âme en provoquant un choc esthétique. Une musique sublime sert à quelque chose : elle apporte une émotion dont l’esprit se repaît. L’œuvre d’art est donc en ce sens un objet spirituel.

Ce qui semble faire d’un objet une œuvre d’art, c’est dès l’abord le travail par lequel un objet ne peut plus être considéré comme un objet de désir, parce qu’il ne se consomme ni ne se possède comme un objet quelconque : il ne peut susciter que des considérations désintéressées. Ce n’est pas lui qu’on regarde, c’est sa forme, sa couleur, ce qui, en lui, nous trouble. L’objet en lui-même n’est rien qu’un objet : le regard est indispensable, c’est lui qui reconnaît l’art. Le spectateur y retrouve quelque chose de spirituel quand il est pourtant face à un objet matériel : comme devant une glace, qui n’est que métal et verre, il se reconnaît lui-même comme spirituel, et via ce subterfuge, cet objet devient sacré « œuvre » (même s’il n’est l’œuvre de personne, comme le simple galet ramassé sur une plage) pour avoir forcé le respect de soi-même. Tout est donc dans l’attention sur l’objet, attention bien différente de celle qui promène un regard froid sur les choses. L’œil fait l’œuvre, non l’inverse quoique ce soit par l’originalité de son aspect que l’objet ait dès l’abord attiré l’œil. Car l’objet seul n’a aucun sens, c’est celui qui le contemple qui le lui en décerne. La forme est le support du sens.

Un objet devient une œuvre d'art dès lors qu'on a décidé de « l'exposer » aux yeux et au regard des autres. D'autre part, ce qui caractérise l'œuvre d'art, c'est ce qui le distingue : sa griffe, la personnalité de l'artiste ; ses joies, ses peines et ses souffrances, sa fragilité et ses doutes qui transparaissent à travers son œuvre, qui lui donnent sa touche personnelle, sa singularité qui fait qu'on le reconnait parmi d'autres. C'est aussi l'investissement en temps, en travail, parfois au risque de la folie d'une idée tout simplement « banale » ou « de génie » qui traverse l'artiste à ce moment et qui l'élève au rang de la spiritualité. Mais la nature produit aussi tous les jours toutes sortes « d'œuvres d'art » que nous n'appelons pas œuvre d'art pour autant. Qui ne s'est jamais émerveillé devant la beauté et la complexité de la nature ou des cristaux de neige par exemple ?

Conclusion