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28 formation zoom Actualités pharmaceutiques n° 502 Janvier 2011 « J e passe des nuits épouvantables, je suis obligé de me lever toutes les nuits et je suis donc épuisé », « j’ai comme des impa- tiences dans les jambes dès que je m’allonge, c’est insupportable » ou bien encore « je fais les cent pas la nuit, je suis fatigué le jour et j’ai besoin de dormir »... Telles sont les plaintes et les remarques que peuvent exprimer les patients souffrant du syndrome des jam- bes sans repos (SJSR). Celui-ci se caractérise par le besoin irrésistible de bouger ses jambes, associé à des paresthésies ou à des dysthésies, localisées au niveau des membres inférieurs à type de brûlures, de fourmillements, de picotements ou de décharges électriques. Ces sensations sont rarement douloureu- ses mais sont très désagréables. Cette affection peut ainsi entraver sérieusement la durée et la qualité du sommeil des patients. Quelles sont les personnes concernées ? Les symptômes peuvent se développer à tout âge mais ils sont plus fréquents chez les sujets âgés. Ils tendent, de plus, à augmenter avec l’âge. Les fem- mes sont en moyenne deux fois plus touchées que les Le syndrome des jambes sans repos, une maladie parfois encore mal connue Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) se caractérise par le besoin irrésistible de bouger ses jambes, associé à des paresthésies ou des dysthésies, sensations très désagréables au niveau des membres inférieurs. Cette affection touche généralement les femmes de plus de 50 ans, mais peut se déclarer à tout âge. Stéphane Berthélémy Pharmacien, Royan (17) © Fotolia.com/Reha Bein

Le syndrome des jambes sans repos, une maladie parfois encore mal connue

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Actualités pharmaceutiques n° 502 Janvier 2011

«Je passe des nuits épouvantables, je suis obligé de me lever toutes les nuits et je suis donc épuisé », « j’ai comme des impa-

tiences dans les jambes dès que je m’allonge, c’est insupportable » ou bien encore « je fais les cent pas la nuit, je suis fatigué le jour et j’ai besoin de dormir »... Telles sont les plaintes et les remarques que peuvent exprimer les patients souffrant du syndrome des jam-bes sans repos (SJSR). Celui-ci se caractérise par le besoin irrésistible de bouger ses jambes, associé à des paresthésies ou à des dysthésies, localisées au niveau des membres inférieurs à type de brûlures,

de fourmillements, de picotements ou de décharges électriques. Ces sensations sont rarement douloureu-ses mais sont très désagréables. Cette affection peut ainsi entraver sérieusement la durée et la qualité du sommeil des patients.

Quelles sont les personnes concernées ?Les symptômes peuvent se développer à tout âge mais ils sont plus fréquents chez les sujets âgés. Ils tendent, de plus, à augmenter avec l’âge. Les fem-mes sont en moyenne deux fois plus touchées que les

Le syndrome des jambes sans repos,

une maladie parfois encore mal connue

Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) se caractérise par le besoin irrésistible

de bouger ses jambes, associé à des paresthésies ou des dysthésies, sensations

très désagréables au niveau des membres inférieurs. Cette affection touche généralement

les femmes de plus de 50 ans, mais peut se déclarer à tout âge.

Stéphane Berthélémy Pharmacien, Royan (17)

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hommes. Chez la femme, le SJSR est plus fréquent durant la grossesse et après la ménopause.

Quels sont les facteurs de risques ?Ce syndrome peut toucher plusieurs générations d’une même famille, ce qui laisse supposer une com-posante héréditaire. Une carence en fer, en acide foli-que (vitamine B9), en vitamine B12 ou en magnésium pourrait aussi contribuer à sa survenue. Une maladie chronique comme le diabète, une insuffisance rénale, une fibromyalgie ou une polyarthrite rhumatoïde peu-vent aussi être des facteurs favorisants. Enfin, la gros-sesse peut faire apparaître les symptômes ou bien les aggraver.Certains médicaments sont connus pour induire un SJSR tels les antidépresseurs, notamment les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, les neuroleptiques et les bronchodilatateurs comme la théophylline.Enfin, l’alimentation aurait un rôle important notam-ment lorsqu’elle est riche en xanthines : café, thé, chocolat...

Quels sont les principaux symptômes ?L’affection se caractérise principalement par une sensation d’agitation au niveau des jambes ainsi que par des paresthésies superficielles ou pro-fondes, souvent décrites comme des crampes, de la douleur, une sensation de fourmillements, de tiraillements, de picotements et des décharges électriques. Aux symptômes sensitifs peuvent s’ajouter des impatiences motrices qui se manifestent par un besoin impérieux de taper du pied, de bouger les jambes ou de se retourner dans son lit, de faire des flexions, de se tenir debout ou alors de se masser

les jambes. Il est pratiquement impossible pour le patient de rester immobile, l’inconfort pouvant même engendrer des secousses involontaires des membres. Ces sensations désagréables s’atté-nuent lors de mouvements volontaires des mem-bres atteints, ceci entraînant soit une disparition complète des symptômes, soit une amélioration partielle.Les paresthésies sont localisées essentiellement au niveau des mollets, mais les cuisses et les avant-bras peuvent également être touchés.Les troubles s’aggravent également lorsque la per-sonne atteinte est au repos, assise ou couchée. Les patients ont aussi des difficultés à supporter les positions assises prolongées en voiture, lors de réunions ou pendant des voyages en avion par exemple.Ce symptôme intervient par épisodes allant de quel-ques minutes à quelques heures. Il peut fluctuer et comporter des périodes de rémission et d’exacer-bation, mais cette pathologie reste le plus souvent chronique.

Quelles peuvent être les répercussions de ce syndrome ? Les troubles du sommeil représentent la principale

conséquence de ce symptôme ainsi que le principal motif de consultation pour les patients. Faute d’un repos réparateur, ils deviennent irritables et ne peu-vent plus se concentrer. Une grande fatigue, un épuisement et une

somnolence diurne peuvent également être res-sentis, une dépression secondaire pouvant alors être associée. La qualité de vie des sujets atteints du SJSR s’en

trouve perturbée et les répercussions sur la vie fami-liale et sociale sont indéniables. À la longue, le SJSR est épuisant tant pour les sujets atteints que pour les autres membres de la famille.

Le syndrome des jambes sans repos en quelques chiffres

Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) touche

généralement les femmes de plus de 50 ans mais

peut se déclarer à tout âge.

Diagnostiquer le syndrome des jambes sans repos

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Quelles sont les causes de la maladie ?Dans certains cas, le SJSR apparaît comme la conséquence directe d’une cause bien identifiable dont la suppression fait parfois diminuer, voire dis-paraître le syndrome ; il est alors question de forme secondaire (voir les facteurs de risque). Toutefois, dans la grande majorité des cas, aucune cause pré-cise n’est identifiable. Il s’agit alors de forme pri-maire, le syndrome étant dit idiopathique.Il est attribué généralement à tort un problème cir-culatoire à ce syndrome. Le mécanisme de la mala-die est assez mal connu, mais il semble impliquer un dysfonctionnement dopaminergique lors de la transmission de l’influx nerveux d’un neurone à l’autre.Une carence en fer (facilement mise en évidence par un bilan sanguin), en vitamine B9 et B12 est égale-ment en cause. Ce SJSR est également fréquent au cours de certaines pathologies comme l’insuffisance rénale, le diabète (neuropathie diabétique), l’hyper-thyroïdie, la polyarthrite rhumatoïde ou l’alcoolisme chronique. Mais, dans la plupart des cas, il s’agit tout de même de formes idiopathiques, c’est-à-dire sans cause réelle.

Quels sont les principaux traitements ?Traitement des causes

Le traitement repose en premier lieu sur l’éviction des causes connues, notamment la déficience en fer (taux plasmatique de ferritine < 18 �g/L, saturation de transferrine < 16 %). Un traitement martial par voie orale est alors mis en route pendant au moins 6 mois : Ferrostrane®, Fumafer®, Ferograd®, Tardyferon®... Il est important également de procéder au sevrage de certains médicaments inducteurs des troubles tels les neuroleptiques, les antidépresseurs, notamment les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine (IRS), les antihistaminiques, certains anti-émétiques, les diurétiques ou la phénytoïne.

Traitement pharmacologique

Les agonistes dopaminergiques Le SJSR répond souvent très favorablement à un trai-tement dopaminergique adapté. Plusieurs études ont montré un effet bénéfique de la lévodopa (Modopar®, Sinemet®), mais ces médicaments n’ont pas l’autorisa-tion de mise sur le marché (AMM) dans le SJSR. Parmi les autres agonistes dopaminergiques, les dérivés de l’ergot de seigle, pergolide (Celance®) ou cabergoline (Dostinex®), et les non-dérivés de l’ergot de seigle, pra-mipexole (Sifrol®) ou ropinirole (Adartrel®), peuvent être délivrés, uniquement sur prescription médicale.Le pramipexole (Sifrol®) possède l’AMM dans les formes idiopathiques d’intensité modérée à très

sévère du SJSR à des doses allant jusqu’à 0,54 mg/jour. Toutefois, les effets indésirables sont du même type que ceux du pramipexole utilisé à plus forte dose dans la maladie de Parkinson. Ainsi, des accès soudains de sommeil peuvent survenir bien qu’ils soient assez rares à cette posologie. La dose initiale est de 0,088 mg (soit 1/2 comprimé à 0,18 mg) à prendre 1 fois par jour, 2 à 3 heures avant le cou-cher. En cas de besoin, la dose peut être augmen-tée tous les 4 à 7 jours jusqu’à une dose maximale de 0,54 mg/jour, soit 3 comprimés. La réponse du patient doit être évaluée après 3 mois et la néces-sité de la poursuite de ce traitement doit alors être reconsidérée.Le ropinirole (Adartrel®) est indiqué dans le traite-ment du SJSR idiopathique modéré à sévère, res-ponsable de perturbations du sommeil et/ou d’un retentissement négatif sur la vie quotidienne, fami-liale, sociale ou professionnelle. Il est commercialisé sous le nom de Requip® dans la maladie de Parkin-son. Le ropinirole doit être administré au moment du coucher mais pas plus de 3 heures avant celui-ci. Il peut être pris au cours du repas afin d’améliorer la tolérance gastro-intestinale. La dose initiale est de 0,25 mg, 1 fois par jour pendant 2 jours. Elle est ensuite augmentée à 0,5 mg, 1 fois par jour, jusqu’à la fin de la première semaine. Après cette phase d’instauration, la dose moyenne est de 2 mg, 1 fois par jour.

Les opiacés

Un effet bénéfique a également été suggéré avec certains opiacés : tramadol (Topalgic®) et oxycodone (Oxycontin®). Ils sont plutôt prescrits en seconde intention, en particulier en cas de résistance au trai-tement par agonistes dopaminergiques. Leur utilisa-tion est toutefois limitée par les effets indésirables engendrés mais surtout par le risque de dépendance inhérent à un usage chronique. Les benzodiazépines

Le clonazépam (Rivotril®) est l’une des seules benzodiazépines (BZD) ayant fait l’objet d’études contrôlées dans le traitement du SJSR. Il peut être intéressant pour ses propriétés analgésiques et

par un spécialiste.

Remarque

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sédatives. Toutefois, l’utilisation prolongée de BZD n’est pas recommandée vu le risque de dépen-dance et les problèmes de tolérance. Les troubles de somnolence diurne et le risque de chute asso-ciés aux BZD à demi-vie longue représentent tou-tefois un problème majeur pour bon nombre de patients. Les anti-épileptiques

Gabapentine (Neurontin®), carbamazépine (Tégrétol®) et pergabaline (Lyrica®) sont parfois utilisées dans certaines formes très invalidantes ou douloureuses de la maladie (figure 1).

Quels conseils donner aux patients ? Éviter tout d’abord ce qui peut aggraver les

symptômes, c’est-à-dire le café, le thé, l’alcool, le tabac, une dépense excessive en fin de journée et certains médicaments comme les neuroleptiques, les antidépresseurs, les antihistaminiques phénothiazidi-ques (prométhazine, alimémazine, Théralène®...) et certains anti-émétiques (métopimazine, Vogalène®, métoclopramine, Primpéran®...). Prévenir les carences en fer, en acide folique, en

vitamine B12 ou en magnésium. Veiller à une bonne hygiène du sommeil, fatigue

et somnolence ayant tendance à favoriser la survenue des symptômes. Il est donc important de privilégier : un endroit calme et confortable, un coucher et un lever à heure régulière, un exercice physique modéré avant le coucher. Éviter les positions statiques prolongées. Pratiquer un exercice physique de manière régu-

lière (environ une demi-heure tous les jours) : vélo, natation, marche, gymnastique, yoga, jardinage... Éviter cependant tout excès qui pourrait exacerber les symptômes. Utiliser de petits moyens locaux lors de crises

pour soulager temporairement, comme les massages, les compresses d’eau froide, les petits exercices

d’étirement en début et en fin de journée et les tech-niques de relaxation. Maintenir une activité intellectuelle soutenue,

des travaux et des jeux captant l’attention. Prendre un bain tiède ou une douche chaude

qui peuvent soulager momentanément les impatiences. Un traitement homéopathique peut être proposé

avec Zincum Metallicum 9 CH, à raison de 5 granules matin et soir pendant 3 mois.

ConclusionS’il n’est pas grave, le syndrome des jambes sans repos se révèle souvent très invalidant. Le rôle du pharmacien d’officine est de faire la distinction entre insuffisance veineuse et SJSR pour adresser, au moindre doute, le patient vers un médecin. �

Stéphane Berthélémy

Pharmacien,

Royan (17)

[email protected]

doute.

Attention !

Pour en savoir plusCalado PS. Le syndrome des jambes sans repos. Pharmactuel 2001 ;

34(3).

Association française des personnes affectées par le syndrome

des jambes sans repos (5 rue du Tournant, 67200 Strasbourg) :

www.afsjr.fr

Site du syndrome des jambes sans repos : www.sjsr.fr

Haute Autorité de santé (HAS). Quelle place pour le pramipexole

dans le syndrome des jambes sans repos ? Juin 2007.

Dossier Santé. Le syndrome des jambes sans repos : www.gsk.fr

Figure 1 : Prise en charge du syndrome des jambes sans repos (SJSR).

Quelle est la sévérité du syndrome ?

existenced’une cause connue

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